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Une créature de rêve
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 Article publié le 26 février 2023.

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"Le réel, c’est le sublime" . S.P

Le concept de créature de rêve signifie l’insertion du sublime dans la réalité.

Les femmes dont la beauté atteint sa plus haute intensité sont les vestiges du temps, des vestiges mobiles, analogues à des tableaux de maître, analogues à l’espace lui-même qui, en un premier temps, annonce sa naissance au travers de l’aube.
Ces protéines en mouvement dessinent des cathédrales oblongues dont le pas, sûr, se dirige toujours quelque part.

L’exhibitionnisme est un substantif féminin.

Regarder une créature de rêve, c’est ressentir l’ouverture maximale de sa propre subjectivité qui ne peut qu’absorber ce qui lui est imposé ou donné, c’est scruter le concept de dimension, seul capable de rivaliser avec le silence.
Oui, une créature de rêve, c’est le silence incarné.
L’aspérité avec le sublime provoque l’admiration et conduit au dépouillement. Démontrant également, s’il le fallait encore, la suprématie du regard sur toute forme d’action.
Ou d’intention.

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  Du sublime par Jean-Michel Guyot

Regarder une créature de rêve, c’est ressentir l’ouverture maximale de sa propre subjectivité qui ne peut qu’absorber ce qui lui est imposé ou donné, c’est scruter le concept de dimension, seul capable de rivaliser avec le silence.

Stéphane Pucheu, Une créature de rêve, 26 février 2023

 

Tout ce qui est propre à exciter les idées de la douleur et du danger, tout ce qui est en quelque sorte terrible, est source du sublime, c’est-à-dire capable de susciter la plus forte émotion que l’âme puisse ressentir

Edmund Burke, Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau, 1757

 

Tout dans la création n’est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière. C’est de la féconde union du type grotesque au type sublime que naît le génie moderne.

Victor Hugo, Préface de Cromwell

*

Stéphane Pucheu taquine la Muse en titillant le sublime.

Il développe une esthétique du sublime à hauteur de femmes, leur rendant, ce faisant, un hommage discret mais vibrant. Sa courtoisie fait de certaines femmes croisées ou aimées, on ne sait, matière à sublimation, ce qui ne signifie en rien qu’il les déshumanise en les sacralisant, comme le firent sans vergogne ceux qui élevèrent une Sainte et une Vierge au-dessus de la maman et de la putain, produisant ainsi une détestable trinité de la grâce désincarnée.

A l’heure où il semblerait que seules les femmes fussent pleinement autorisées à parler de toutes les façons possibles et imaginable des femmes, adelphité féministe oblige, il est bon qu’un homme s’attelle à la tâche infinie de rencontrer les femmes sous l’espèce d’un espace narratif ouvert sur soi-même, et non comme ce fut naguère le cas sous l’effet d’une crainte répulsive devant un soi-disant continent noir de triste mémoire. Ouvert sur le soi du même, faut-il préciser, afin de bien souligner le fait qu’il n’y a, dans ce jeu spéculaire et spéculatif, aucune forme de narcissisme mais bel et bien une intensité formelle qui s’attache à sublimer la matière qui l’inspire.

Répulsion et attirance, comme toutes les dichotomies classico-romantiques - le laid et le beau, le grotesque et le sublime, le jour et la nuit, le mal et le bien, -tendent vers l’alliance de l’image et du verbe, leur source commune étant ce spectacle sublime qui en met plein la vue à celui qui, faisant le Grand Tour, n’a que ses pauvres mots pour en parler, mais parler sans mots, n’est-ce pas l’absurde même ?

Goethe dessinait, peignait de très belles aquarelles, Hugo, lui aussi, était un dessinateur de première force : l’image tendait doucement à devenir le médium du sublime ; Caspar-David Friedrich lui voua sa vie entière.

La photographie puis le cinéma nous ont habitués au spectacle du sublime ; les récits de voyage ont fait leur temps. Nous reste, infatigable voyageuse, la littérature, seule capable de rivaliser avec le silence, en scrutant le concept de dimension.

L’aspérité avec le sublime provoque l’admiration et conduit au dépouillement. Démontrant également, s’il le fallait encore, la suprématie du regard sur toute forme d’action.
Ou d’intention.

Stéphane Pucheu nous propose en quelque sorte le spectacle d’un regard qui se regarde regarder, mais attention, l’autoscopie puchéenne n’est nullement autocentrée mais bien au contraire tournée vers le regard en train de se dire regarder. Il ne perd jamais le Nord de la réalité sublime qu’il contribue à rendre visible par ses mots.

Une phénoménologie est ainsi à l’œuvre.

Admiration et dépouillement sont alors, effectivement, les maître-mots d’une démonstration tout en monstrations : la suprématie du regard sur l’action, soit, en d’autres termes la suprématie de la vita contemplativa sur la vitaactiva ne se vit, ne s’expérimente qu’en dialoguant avec ce tiers sublime qu’est la parole en action animée par le désir de donner à voir.

Avoir non le dessous des cartes, non la face cachée de la Lune, on ne sait trop quoi qui dénouerait une bonne fois le nœud pérenne que forment dans nos fragiles vies les mots et les choses - le mot de la chose et la chose du mot, et le mot comme chose écrite-sonore - mais bel et bien ce qu’il se passe, lorsque regarder c’est dire.

Rejoignant ainsi le danger des dangers qu’est le langage. Est-il besoin d’en dire plus ?

*

Le sublime a plus d’un tour dans son sac.

*

Plaisir de ta chair que je ne puis approcher que de biais, en m’y adonnant à ton contact, sans qu’il soit possible d’être tout à fait en phase, car nous sommes de sexe différent.

Qu’importe au fond : s’unir à l’autre, qu’il soit de même sexe ou non, ne signifie pas fusion ; une dyade qui deviendrait par on ne sait qu’elle transsubstantiation pure unité sublimée ne serait qu’une solitude amplifiée, une solitude de plus, alors qu’il faut s’abandonner au corps à corps dans l’acte de chair. Exaspération de la solitude, oui, c’est le prix à payer en bonne compagnie !

Ma solitude renvoie à la tienne, ta solitude rebondit sur la mienne qui rebondit sur la tienne, écart ainsi maintenu dans la distance entretenue par ce rebond réciproque. C’est bien ainsi que les choses se passent, et c’est bien ainsi.

*

Ce qu’il aime avant tout dans la musique, c’est ce qu’il peut en dire, comme d’autres n’aiment rien tant que lire la musique avant toute écoute préalable. Partage ou partition.

Plaisir des yeux qui mettent en rapports les signes, sans jamais les réaliser ou bien écriture inspirée qui vient paraphraser l’indicible.

*

Le spectacle qu’offre la rivière en été, ses petites plages de galets diversement colorés, ses saules et ses aulnes ombreux, ses courants en eau peu profonde, ses algues qui ondulent, et jusqu’à ses trous d’eau que l’œil exercé devine, tout cela ne t’empêche nullement de t’y baigner.

Passe une beauté élégamment court vêtue, elle détone dans le paysage comme un grain de poivre sous la langue des lieux prompts à s’enflammer à sa vue, et un spectacle sublime commence. On ne touche qu’avec les yeux.

*

Faire l’amour représentait pour lui un moment de pur jeu ; il jouait au billard, faisant s’entrechoquer les boules de couleurs qui disparaissaient l’une après l’autre dans les trous aménagés à cet effet. Chaque désir de sa partenaire était une de ces boules de couleurs dénuées de chiffre. A la fin de la partie, il n’y avait aucun perdant ni aucun gagnant, mais un tapis de brouillard prompt à se dissiper, pressé de refaire une partie.

*

L’espace à lui imparti s’étageait en plusieurs couches sédi-menteuses ; lorsque l’envie l’en prenait, il se mettait à forer en profondeur jusqu’à atteindre difficilement les couches inférieures qui recélaient, pensait-il du moins, l’or des temps anciens et l’argent sonnant et trébuchant de nos désirs les plus inavouables. Ce forage se révélait le plus souvent fort payant, mais jamais à la façon dont un banquier peut encore l’imaginer de nos jours. Il ne thésaurisait pas ni ne mettait en circulation une masse monétaire importante sous forme d’actifs dans diverses sociétés cottées en bourse.

Pas de pêche miraculeuse ; dans ses carottes, il remontait tout un passé parfois haut en couleurs, parfois terne et si terre à terre qu’il ne le concernait en rien. Après analyse, il en extrayait quelques éléments savoureux qu’il assemblait à sa guise ; des poèmes naissaient que beaucoup admiraient.

C’est avec cette matière ni vile ni noble qu’il exauçait son vœu le plus cher : sortir de l’ornière dans laquelle sa vie passée s’était trop longtemps complu, occupée qu’elle était à satisfaire des désirs qui n’étaient pas les siens.

*

Il scrutait le concept de dimension, seul capable de rivaliser avec le silence.

*

Sans bornes, sans limites, vaste l’espace ainsi donné à voir après avoir été vu. Un sédiment de langage s’y dépose. La rhétorique reprend ses droits, après que la vue a usurpé sa place de reine de beauté au profit du sublime atterrant.

On songe immédiatement au poème Elévation de Baudelaire, aux Correspondances aussi, vastes comme la nuit et comme la clarté. 

Περὶὕψους, disait Longin. L’élévation de la puissance au carré qu’est le sublime instaure l’idée que le sublime, inspirant crainte et respect, horreur même parfois, dépasse la pure beauté.

Joseph Addison en rajoute une couche, lorsqu’il distingue les trois plaisirs de l’imagination que sont, à ses yeux, la grandeur, la singularité et la beauté.

Le désir d’exprimer l’indicible beauté qui remue les tripes se voue tout entier au culte des images prises sur le vif avant l’invention de la photographie ; les mots s’enroulent autour de la vision, c’est le retour en force de la rhétorique comme béquille du sublime.

Se sentir dépassé par un spectacle grandiose, voilà qui est sublime. Jusqu’à la musique participe de cette sensation de grandeur qui transit l’auditeur.

 

Jean-Michel Guyot
26 février 2023

 


 

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