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Article publié le 5 février 2023. oOo Fluide sans magnétisme, langage sans mage, irisation douce sous le pont où les algues brunes ondulent-taquinent le bleu profond de l’onde qui projette ses ombres chuintantes sur les parois de la voûte, comme si elle s’apprêtait d’un instant à l’autre à s’envoler doucement sous la poussée des couleurs du jour qui, dru, s’y faufile. Le peigne des vignes sur la colline, l’automne venu, démêle les cheveux de l’aube dorée. Mot volé libère ses spores, engendre les contrefeux du crépuscule, jette un voile de crêpe noire sur des ambitions malsaines, tout là-bas, en Grèce. Calames exultent et douce accalmie dans le parterre de roses pourpres et jaunes ; chalemies se chamaillent, c’est à celle qui saura le mieux faire chanter le souvenir de l’Andalousie dans les plaines de la Comté verdoyante. Rouis, quelques roseaux tombés dans l’eau noire de la mare s’éveillent tardivement à la pensée du vent évanescent. Ombres à la lumière rapportées valent bien un saut dans l’inconnu.
Et le ciel n’a pas d’ailes, disais-tu au sortir d’un rêve aussitôt oublié. Ton esprit, ce sylphe cornu, veille sur la mauvaise tenue de tes paroles, ne manque jamais de te rappeler au salutaire désordres de tes désirs. Ton rêve à la semblance du ciel vide : une coquille de noix sauvée par un mot, le mot, clef de voûte d’une mémoire défaillante, bouchon sur les eaux maitresses en métamorphoses qui n’acceptent pas d’être le pur miroir de choses évanescentes, ainsi reflue à la source encore vierge de mots. Ton ciel froufroute dans la cime des arbres à l’orée de la forêt. Ton rêve fiévreux sous le chêne indocile se souvient. Bâtir s’élève à la puissance de dire. La terre s’invente mille et une espèces de volatiles pour peupler partiellement le ciel. A grands traits, ailes ne sillonnent pas l’azur ; au loin, ce meurtre de corbeaux en approche agite ses petites virgules noires dans le grand texte de la campagne environnante en train de s’écrire. Quelques pies piailleuses se joignent à la joyeuse troupe qui se disputent les morceaux épars de la carcasse du poulet rôti que tu leur as laissés bien en vue sur le chemin de campagne qui veille sur les lieux. Et oiseaux en pagaille volent au secours du ciel. Le ciel… ce palimpseste. Légions d’anges y croisent Brunhilde fascinée par le char de Phoebus sous les yeux éjouis d’Hélios. De scribe en scribe, le ciel s’obscurcirait, n’était la rude lumière du jour. Calames exultent et douce accalmie dans le parterre de roses pourpres et jaunes ; chalemies se chamaillent, c’est à celle qui saura le mieux faire chanter le souvenir de l’Andalousie dans les plaines de la Comté verdoyante. Rouis, quelques roseaux tombés dans l’eau noire de la mare s’éveillent tardivement à la pensée du vent. De jeunes rayons s’ébrouent dans l’azur qui lentement se dilate comme pupille de chat à la nuit tombante. Combat radiant qui voit l’azur peu à peu noircir. Vienne alors à tire d’ailes le martin-pêcheur qui s’y entend à relever le défi de la couleur, et le spectacle sera complet pour un temps, un temps seulement ! Entends-tu au même instant le chant souple du discret loriot ? Il gouverne les cimes en son royaume feuillu, le soleil venu se déposer sur son plumage devenu plus vif encore que son hôte, et son fier ramage diurne préfigure si bien ce qu’il advient de tes rêveries à la nuit tombée. Comme les montagnes, tu as le sommeil lourd. Tes rêves y lévitent entre ciel et terre. Tout cela, et moins encore, tu es. Frei wie die Schwalben sind die Dichter, tu te souviens ? Et passe en coup de vent la buse qu’appellent d’autres cieux plus bleus, n’est-ce pas, mon amour ?
Jean-Michel Guyot 31 janvier 2023 |
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