On est en France, merde !

N’allez pas croire que Patrick Cintas défende des idées. En lisant ce bouquin, noir et policier à souhait, vous n’apprendrez pas sur quel rivage cet auteur promène son angoisse. Il sait bien que la Terre, et bientôt la Lune, appartiennent à tout le monde et que c’est là que se situe le nœud de tous les problèmes que l’Humanité subit sous forme d’Histoire révisée. Cependant, ses personnages sont au mieux des égoïstes. Ils défendent leur peau, sans croire au bonheur à la mode des campagnes publicitaires en usage.

Les voilà chaque fois plongés au cœur d’une histoire. Une bonne histoire. Sans doute Patrick Cintas considère qu’il n’y a pas de polar sans une bonne histoire. Et celles-là sont courtes et se concluent toujours de manière inattendue. C’est de cette manière que le lecteur est amené à en imaginer, selon son expérience de la vie et des autres, les probables prolongements et les conséquences de ce qui est arrivé au fil de ces histoires. Une invitation à s’identifier à ces personnages est proposée, non sans humour, car en principe on devrait se sentir très éloignés d’eux et des circonstances qui se jouent de leur destin ; en effet, l’histoire est contée par son protagoniste principal, celui qui subit et qui aurait préféré être un autre, pour le coup.

Ce n’est donc pas dans la manière de concevoir la nouvelle qu’il faut chercher l’originalité de cet auteur pour qui le polar, noir de préférence, a sa place en littérature. Certes le style, très éloigné des bons principes, académiques ou en écriture blanche, est celui qui convient aux histoires qui se racontent. Il est celui de ses personnages et des milieux dans lesquels ils évoluent. Il appelle l’humour presque naturellement. On ne peut pas l’emprunter sans y croire, mais on en connaît les limites : il relève au fond de la passion de conter et tend à projeter l’histoire et ses personnages, voire ses lieux, sur un écran grandeur nature. Spectacle dans un fauteuil. Interprétez autant qu’il vous plaira. Il n’y a pas de sot métier.

Il semble bien d’ailleurs que toutes ces questions d’ordre littéraire et éthique sont le cadet des soucis de notre auteur. Il aime écrire et cela se voit, cela se lit comme ça coule de source, grâce au style, vernaculaire, voire grossier, sans fards, mais sans limitation sociale ni géographique, et grâce à la caractérisation des personnages, toujours stylisés mais entiers. Il y a autre chose là-dessous, autre chose que de la politique, de la morale et du style. Le texte ne cherche pas à changer les choses ni ce qui les agite au détriment du bonheur. L’auteur ne prétend rien d’autre que de divertir, certes, mais sans délicatesse, quoique non sans sagesse, s’il est permis d’associer la vulgarité au discernement.

C’est donc sans permission expresse que Patrick Cintas se livre et nous livre à un Monde certes injuste et cruel, mais assez bien fait pour nous amuser, pourvu qu’on n’aille pas trop loin dans le sens de la cruauté qui nous guette comme le chat la souris. Quoique…

« C’était avant la chute, » grognera l’augure de passage.

« Jouissez de ce qui vous tombe sous la main, » dit le héraut des temps présents.

A. Meunier