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Article publié le 15 mai 2022. oOo Anellemâlités - de Gilbert Bourson - Éditions Douro - 96 pages, 16 euros. Léda et le Chaperon rouge Si dans Phases [1], ouvrage publié chez Tinbad en 2020, Gilbert Bourson réactivait la violence homérique forçant les boucliers des Grecs et des Troyens grâce à ses dards à la fois brutaux et délicieux, il s’attaque dans la première partie de ces Anellemâlités au duo fameux que formèrent Zeus et Léda. Ovide et Ronsard ont célébré chacun à leur manière le cou blanc, flexible et membru du cygne passionné, intrusif et hardi ; manières il est vrai assez peu prisées par les temps qui courent #MeToo, #BalanceTonPorc, etc. ; mais auxquelles accepta de se soumettre l’épouse de Tyndare, accueillant sans barguigner en son sein l’Olympien au cou raidi par son mâle désir, « comme une approbation au viol de sa contrée intime à la criée, qui étale son frai, la ponte de son soi, son je tout en encore, sa sublime encoche humide puis mouillée, puis mise à son parfum pour se savoir sans elle, toute anéantie de vie en mort ». Faisant feu de toutes les fantaisies érotiques et signifiantes lui passant par la tête et la plume, Gilbert Bourson redonne vie à l’antique, rafraîchit le séculaire par divers blasons du corps enfiévré. Il évoque volontiers les grands artistes du passé (Léonard et Rubens, par exemple) dénudant les vierges et les déesses ; celles qui « ouvrent les cuisses en queue de poisson-scie » et celles dont la bouche est « toute emplie de mots usés, sucés, venus à même la parole où geint la nudité ». À la fin, le verbe se trouve en grand émoi tandis que le sens commun se débine ; l’Olympe secouée, l’humaine condition cul par-dessus tête. Dans la seconde partie de son ouvrage, Gilbert Bourson s’intéresse à la « peau de beurre » du petit Chaperon rouge [2], n’hésitant pas de nouveau à secouer la tradition (Charles Perrault, les frères Grimm, Bruno Bettelheim et compagnie). Nous trouvons donc le loup, bien sûr, Loulou pour les amis ; le Bûcheron qui a troqué sa hache pour un couteau ; un sanglier qui cherche sa dent ; Jean-Loup avec ses poches sous les yeux ; Pied-Pied et sa bécane ; la mère-grand, cela va de soi ; mais également un certain Mergrant-Laga-Lette. « Ce ne sont pas toujours les auteurs qui se trompent, nous dit Gilbert Bourson, mais leurs personnages, lesquels ont souvent tendance à se confondre avec eux. » Quant au petit Chaperon rouge, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a du caractère ; voire mauvais caractère. S’adressant par exemple au sanglier : « Vous parlez par énigme, on dirait comme un paillasson qui parle aux pieds qui les essuient. » Et puis elle en a assez de ces histoires de galettes dont on lui rebat les oreilles et qu’elle considère comme autant de « conneries ». Dans sa chaumière, mère-grand lit des livres défendus allongée sur la peau d’un vieux loup. Chaperon rouge quant à elle raffole des Contes de la folie ordinaire de ce vieux dégueulasse de Bukowski. « Couchée, préciseGilbert Bourson, elle se prend pour les women des contes et se touche en lisant. Son doigt prend la forme d’un goulot de canette de bière pour la circonstance. » Après avoir lu l’histoire du petit Chaperon-rouge dans une édition pour enfants, elle a téléphoné au loup pour lui dire qu’elle avait compris, que jouer les mère-grand n’était pas nécessaire, qu’il valait mieux jouer franc jeu. Qu’elle aimait bien les galipettes avec des types plus âgés, se souciait comme d’une guigne des bobinettes et des chevillettes, n’ignorait rien de l’usage que les libertins font du beurre et ne voulait vivre désormais que de belles et chaudes historiettes. Jean-Claude Hauc |
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Commentaires :
Ouvroir d’éternité par Jean-Paul Gavard-Perret
Par ses révisions des contes en un bain de houle et son carbone actif, Bourson témoigne d’une belle santé plus érotique que simplement grivoise.[...