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 Article publié le 21 novembre 2021.

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Il y a ce que j’ignore, ne saurai jamais, ne l’ayant jamais vécu, abordé, lu ou entendu, mais qui fait partie du monde que j’habite, et puis il y a ce que je veux ignorer, ce que je néglige, ce dont je ne veux pas entendre parler.

Il y a même ce qui n’existe pas, n’existe plus, n’existe pas encore.

Reste, dans cette ignorance même, qu’elle soit délibérée ou parfaitement innocente, ce savoir qu’il y a.

*

En somme, on écrit soit pour affirmer quelque chose - écriture assertive - quitte à le brailler, le gueuler, le hurler, soit pour découvrir quelque chose en écrivant.

Ecrirepour découvrir quelque chose sur quoi ? sur l’écriture, bien sûr ! Le serpent se mord la queue ou alors il prétend dévorer-assimiler le monde.

*

Il m’arrive d’être d’humeur discursive : je noircis alors joyeusement des pages et des pages. A d’autres moments, plus sombres, j’opte spontanément pour le fragment aphoristique, me refusant à développer.

Mais quoi que j’écrive et quelle qu’en soit la forme, cela ne mène à rien de précis, et j’en suis fort aise.

*

Dans ma prime jeunesse, j’aimais m’entourer d’amis, puis, le poison conjugal aidant, je finis par m’entourer d’amis pour faire diversion, mettre entre mon épouse et un moi un mur humain protecteur.

A présent, la vieillesse venue et libre de toutes attaches, fatigue et lassitude mêlées, je sais me tenir en société, je blague facilement, je puis même, par moment, me laissant aller à des relents de passé, redevenir pour quelques instants le centre d’intérêt, le moteur ardent de la discussion, distillant dans la conversation des piques et des saillies destinées à stimuler l’entrain verbal de mes convives, mais tout cela n’est qu’un jeu auquel je consens de plus en plus rarement.

Au fond de moi, j’ai toujours aspiré à la contestation la plus vive, exécrant l’isolement d’une pensée figée. Le solipsisme est le grand malheur des solitaires, un grand danger pour une vie en pensée qui se veut alerte, primesautière même, mais qui ne trouve presque jamais à qui parler.

A cette nécessité de briser la solitude pour ne pas baigner dans un cocon egocentrique se mêle la crainte d’être mal aimé, mal compris, voire raillé et moqué, crainte que je ressentais puissamment dans mon enfance et ma jeunesse, lorsque j’avais à faire à de jeunes cons.

J’en ai vite tiré une leçon toute simple : ne jamais se compromettre avec les imbéciles, ne jamais s’enferrer dans des explications alambiquées avec les crétins qui, quoi que l’on fasse, ne comprennent jamais rien.

A la susceptibilité exacerbée des premiers temps a succédé un moral d’acier toujours prêt à fraterniser avec qui se montre à la hauteur.

Même les momies embaumées gisant dans leur sarcophage scellé ne sont que pour la vie en société dans un au-delà fantasmé.

Que la vie suive son cours dans l’au-delà, illusion suprême.

Le mort est dans une solitude si grande que, toutes notions abolies une fois abolie sa conscience, la solitude et tout son cortège n’ont plus aucun sens.

Le sens n’appartient qu’aux vivants, même s’il leur échappe constamment.

La nécessité de transmettre du sens par le truchement d’un héritage culturel illustre le long travail de sape de la mort au sein de la vie : les jeunes générations, frivoles et vaines par nature, ne soupçonnent pas le poids que c’est d’être en vie malgré la mort qui rôde. Il faut sans cesse reconstruire un édifice qui s’effrite et se lézarde de partout.

C’est épuisant pour qui n’a pas l’âme d’un pédagogue mais reste soucieux de transmettre.

 

Jean-Michel Guyot

28 août 2021

 

 

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