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Le nom qui m'appelle
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 Article publié le 12 décembre 2007.

oOo

Le nom qui m’appelle

 

Je suis celui

qui se lave les mains

avant d’écrire

ne me demande pas comment je m’appelle

je n’ai pas de nom

je viens de là

de ce nom-lieu

qui cherche lune

pour s’exhumer

de son point d’ombre

un nom d’auteur me fait bien mal

parceque poète ca m’est égal

ni tapis rouge

ne saura rendre

la justesse du sang qui me passer

pour vitrier qui vaut sa mort

je suis saigné

Donc

 je me lave

Voilà mon nom qui vient de là

 

 

à tous ces morts sans sépultures

éclypsés par le tsounami

Non-lieu

 

Nous ne sommes pas de ce monde

------- Ne sommes pas de ce pays

--------- Sommes pas de ce village

------------ Pas de cette rue

 

Nous -sommes -des-morts

Lourds mots-valises

Que préfèrent des voyageurs

Aux mots de passe

Des mots-valises

Sans Dimanche des cravates

Sans trait de famille

Ni trait d’union

 

Nous venons d’un trou d’air

Le cœur mal loti par le vent

Nous nous aimons derrière nos larmes

Sans faire l’amour

Faute d’espace

 

Par cœur nous apprenons enfin le cœur

Entre les lignes que fait la pluie

Nous nous attelons sous le manteau

A ériger des châteaux d’eau

Sur nos paupières.

 

Il fait froid dans le poème

Le poète

-œil témoin du cyclone-

Tremble

A l’idée d’élire Jeanne pour sa veuve

 

Sur la terre naive

La mort est diluvienne

Gonaïves

Gonaïves vil bordel

Fermé à double tour

Dans la tourmente

 

Sur la terre naïve

Elle est là l’orpheline

Avec la fleur de l’âge sur le nombril

Et aussi des fossettes pour rester belle

En plein sanglot

La faune dans les fossettes pour creuser

Telle gifle permise

Ci- gît

La première fosse commune

 

Ici la mort est diluvienne

 

 

 

 

Nous ne sommes pas de cette rue

------- Ne sommes pas de ce village

---------- Sommes pas de ce pays

-------------- Pas de ce monde

 

 

 pour elles

 

L’intemporel

 

Si tu ne veux pas de mon amour

du seul et du premier grand amour

le plus grand amour de toi de tous les temps

 

je m’exilerai

dans les reliefs

les paysages où des femmes pousseront

par dizaines, par centaines et par milliers

 

je coucherai l’amour

entre les lignes des cartes postales

je te ferai des signes

quand aux bras des demoiselles

mon masque au coeur s’enlèvera

laissant mes battements nus

comme une aile

d’ange novice

 

tu marcheras putain vers mon exil

-cette capitale que la douleur a effacé des mappemondes-

m’arracher de la fête de l’oubli

cette mémoire du premier grand amour

le plus grand amour de toi de tous les temps 

 

ma stratégie du mal-aimé

sans relief ni chanson

fait sciemment l’état de compte de tes désirs

sachant que seule la compagnie des femmes

attire à en mourir

l’amour fou des autres femmes

 

 

 

Mon mal aviaire

 

Tous mes amis

Ne savent pas que j’ai la grippe

Cette chanson

Mon mal aviaire en temps d’oiseaux

Si je la chante

C’est pour livrer ma voix au vent

Je la reprends

Le coeur enroué de trop aimer

Je me fais tondre

Sous le gazon d’une voisine

Ma peur est bleue

Sous le ciel grand de mon pays

Regardez bien

ce qu’en a fait la fin du monde

Un mal aviaire

Seule la mer sait si je divague

Comme j’ai la gippe

Un grain de sel sous ma langue

Me donnera

Le gout entier de toute une vie

Le coeur enroué

Je chante faux pour ma voisine

Qui m’a tondu

La raison courte des cheveux

Tous mes amis

 ne savent pas que j’ai la grippe

Cette chanson

Mon mal aviaire en temps d’oiseaux

 

Démence

 

à cor durabe

à cri minable

à vider tous mes coeurs

avides de ton cul

je t’aime

 

Tu ne te lèves pas du même pied tous les jours

 

Je n’arriverai pas jusqu’au bout de la foule

Pour te réinventer multiple

dans l’absolu d’une chambre noire

Sachant que c’est toi

perdue dans un trou de mémoire, qui t’endormais en ta faillite

Encore toi-même qui oubliais ton arrogante beauté de veille

Un rêve peut-être

Un rêve mauvais s’est posé sur ta tête

Et t’a enlevé plus que de raison un tiers de ta saison

 Un été entier de tout ton être qui sait retenir notre lit tiède

Jusqu’au solstice

 

un rêve plongé à pic

comme un oiseau noir qui boit de l’arbre

 la verticale sève qui la fonde

et toute la bonne augure des feuilles vertes.

 

Quand donc Gisemonde

t’endormiras-tu pour te retrouver ?

 

Corbeau matinal

Perché sur l’arbre de ta connaissance

L’arbre de ton bien

Et de ton mal

J’existe dans l’éparpillement

de l’unité de tes contraires

des quatre vents de tes cheveux

et de la verte raison jaillissant au tronc de la mémoire

 

Y-a- t’il des mots d’amour

Des lèvres qui vaillent à des distances inégales

Qui ne s’étanchent pas

Qui ne se mouillent pas

Sans mot dire dans le baiser

 

Si la rue en sa quête de grains

Envoie ses oiseaux s’enquérir sur tes seins

Fais donc appel au grand vent

Pour mettre en mouvement la poussière

Qui dessinera ton jupon au passage

jurant son vol plané sur le temps suspendu de l’attente

 

Et ta salive mon eau de bouche

Quelle embouchure

Mienne autrement

A bu ta vie comme un champagne

 

Mais qu’importe l’arbre

 si le fruit des baisers tombent d’eux -mêmes des lèvres mûres

 

J’ai dormi avec toi

je me vois me lever chez l’étrangère

iras-tu renaître ailleurs

pour m’inventer ici et la

soit en transite soit en visite touristique sur ton corps

 

il te laisse à t’avouer coupable au pied du lit

à changer entre deux eaux de larmes et d’imposture

 

tu ne te lèves pas du même pied tous les jours

 

 si je t’aimais en peu de mots

c’est que bègues s’ouvrent mes lèvres

au rendez-vous d’un baiser manqué

et que les mots en sortent

évidés dans un tremblement vide de papiers

en quête d’un strict nécessaire

d’une juste larme en ta gorge

 

devrait-on se morfondre et se briser dans un miroir

pour voir nos corps réédités

en des pauses exemplaires

photogéniques par milliers

 

Il te reste à te savoir autre que tu es

Tu auras gagné ma sympathique pitié diurne

à passer pour une femme, qui vidée maintenant de sa substance de belle

gagne à tourner pour toujours les talons aux vieux mensonges

 

La vérité n’est pas l’auberge de la Joconde

Un coeur soumis sur une ligne brisée

l’univers mis en tiroir dans une étoile

 

Tu dois te savoir autre que tu es

T’affirmer en connaissance de cause et de miroirs

Je me réchaufferai de ta lueur

d’étoile éteinte qui scintille

en me cillant les yeux comme la diva qui ne voit pas le temps passer

avec son lot d’amants d’une heure

 

jusqu’au bout de la foule

je n’arriverai pas

n’arriverai pas

 

Tu ne te lèves pas du même pied tous les jours

 

 

 

 

Poème de la main gauche

 

Pour le mur
qui rend tangible mon ombre
et ma main gauche
amicalement blessée par balle

une fille par amour
un jour
m’a châtré

Pour les prénoms
que je prête mal
à des visages sans mémoires
mon argument aile précise
d’un vert profil-colibri
traînant carrosse aux vents contraires

Il y a un pays qui tombe à pic
au terme d’épingle-soleil
sur cette civilisation-baïonnette

Pour la pucelle
rameuse et allumeuse
miracle beau de ma verge miraculée

Le biscuit
marche lopu blanc
dans ma savane aux faims hurlantes

Cette savane et ce tombeau
qui me renversent
dans une noirceur trou de cul d’ombre

Pour les baisers bien déguisés
téléguidés par des mains d’hommes
et tombant inordores en panne d’ailes

Il y a la mariée qui me fend l’âme
me rallumant feux-follets
avec des larmes convaincantes

pour mon poème sous pli caché
pli cacheté et recassé
proie d’une plume sans fémur

 

 

« Jeu de mo(r)t »

 

À la mémoire du journaliste Jean Léopold Dominique,
assassiné le 3 avril 2000

 

Comment tuer le temps
hormis d’un coup mortel
comment le tuer tant
à coup de crosse
et à coup sûr

est-ce parce que le monde
est petit
que le fustigent orages
et le font tomber pierres tombales

ô ma terre
myope
babel à bout de langue
barbouillé de sang pour du roucou

« le crime était à son troisième avril » (1)

Comment tuer le temps
mis hors
du jeu de mots

 

(1) Bertolt Brecht

Ces deux poèmes de James Noël, « Poème de la main gauche » et « Jeu de mo(r)t », figurent dans son recueil, Poèmes à double tranchant / Seul le baiser pour muselière, publié pour la première fois à Port-au-Prince aux éditions Farandole en 2005 (pages 32-34, 16-17). Ils sont dits ici par Monique Mesplé Lassalle et sont extraits de son disque du même titre (Port-au-Prince, Editions Farandole et le Centre Kreololo, 2006). Le saxophone avec « Jeu de mo(r)t » est de Turgot Théodate. Les poèmes et leur lecture sont reproduits sur « île en île » avec l’autorisation de James Noël et de Monique Mesplé Lassalle.

 

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