Pour me protéger du danger qui rôde sournoisement tout autour de nous, Maman a décidé de m’enfermer dans une cage.
Une grande cage en osier où je peux m’asseoir à l’aise et respirer tranquillement. Elle a posé à mes côtés mes jouets préférés et les livres qu’elle aimait bien me lire le soir, avant que n’arrive la grande méchante bête.
Maintenant, je reste seul dans ma cage à essayer de déchiffrer chaque ligne en m’aidant des dessins qui dévorent les pages usées.
Pendant ce temps, Maman regarde la télé. Elle est scotchée devant l’écran lumineux et écoute les infos en se tordant les mains de douleur.
Depuis que Papa ne rentre plus à la maison, Maman n’est plus la même. Elle a les yeux rougis par les larmes et se met à parler toute seule dans son coin.
Je crois qu’elle est en colère, en colère et très malheureuse. Je ne sais pas contre qui et contre quoi, mais sa colère, elle la cultive comme un champ de fleurs pour ne pas sombrer dans la folie.
Je sais, je ne suis plus sa petite graine d’amour, son petit lutin qui lui permettait de voir la vie en rose. C’est pas ma faute à moi. Je n’ai jamais voulu lui faire de la peine.
Je me demande parfois si ce n’est pas plus pour me punir que pour me protéger qu’elle m’a ainsi enfermé dans cette cage.
Elle passe son temps à regarder par la fenêtre. Peut-être attend-t-elle le retour de Papa ? Qu’un quelconque miracle se produise ?
Que les gens qui marchent dans la rue se sourient, s’embrassent, se disent un tas de mots gentils ?
Comme on faisait avant, quand nous sortions tous les trois nous aérer dans le parc et que le soleil brillait . Avant qu’on ne dise à la télé toutes ces choses qui me font peur et qui m’empêchent de dormir. Avant que Papa ne quitte la maison. Avant...
Cette nuit, je me lèverai et j’ouvrirai ma cage sans bruit. J’irai aussi léger qu’un oiseau ouvrir la porte de la maison.
Je regarderai le ciel et, avec un peu de chance, je pourrai cueillir une étoile que je déposerai dans un verre sur le bord de la table pour Maman, pour qu’elle puisse enfin sécher ses larmes et savoir combien je l’aime encore.