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Pensées de messe
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 Article publié le 8 mars 2020.

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 Après « Le bouc de Madame Seguin » voici « Pensées de messes ». Alphonse, ce génial Daudet, aurait-il eu le culot de se réincarner en ma modeste personne ?

 

 Il fait une chaleur à ne pas mettre un humain dans la rue sans qu’il soit muni d’un air conditionné portatif. La bienséance moins que le soleil implacable m’empêchant de déambuler dans le plus simple des appareil (simple certes mais encore souvent très actif), il me semble que la mort par cuisson va me frapper d’une seconde à l’autre. N’ayant pas sous vaillant en poche et ne pouvant donc m’approcher d’un estaminet, le miracle s’accomplit. Une ombre bienfaitrice, bien qu’insuffisante à la situation, m’enrobe soudainement. Double miracle, c’est l’imposant clocher d’une église qui vient de me rafraichir !

-Merci mon dieu !

Il faut noter que cette expression ne possède qu’une seule majuscule. Pour moi, le grand barbu biblique, qu’il soit testamentique, coranien ou nouveauévangilesque, ne mérite aucune marque de respect donc aucune majuscule. La croyance ne fait pas partie de mon chemin terrestre d’aujourd’hui. Et si mes gentils géniteurs ont, par pur habitude ou coutume de leurs aïeux, non par croyance profonde, essayé de me catéchiser, rapidement cette chappe de plomb indigeste fut rejetée par mes tripes, par mon cœur.

-Il y lulure qu’un lieu saint n’a eu l’honneur de me recevoir, pallions donc à cette lacune non-fâcheuse et merci de m’éloigner de cette fournaise.

Parfois attiré par des beautés architecturelles ou voulant faire partager celles qui m’avaient ébloui, il m’est arrivé de pénétrer dans un des antres de dieu. Allez, une majuscule pour lui faire plaisir… dans un antre de Dieu.

-Ouff ! Quelle fraîcheur ! Que c’est bon !

Droit devant, au fond de l’allée centrale un officiant enrobé de l’accoutrement adéquate pour la cérémonie, ce qui me parait un homme, enfin cela est certain car demain n’est pas la veille du jour où l’église (sans majuscule) perdra sa pu… de misogynie, un officiant nommé « mon père » baise chastement une étoffe blanche qui va pendre de part et d’autre de son cou.

La messe commence et miracle supplémentaire en ce lieu fort propice, une onde étrange me parcoure : dans mon esprit interloqué mais non apeuré, s’affichent les pensées de ceux sur lesquels se fixent mes yeux !

Me tournant ou seulement déviant du regard, le même incroyable phénomène se reproduit…

Mes yeux se portent sur celui qui maintenant s’agenouille devant le fils crucifié de son dieu impuissant.

Ce n’est point la ripaille de Noël qui hante sa pensée. « Les trois messes basses » de mon vénéré Alfonse Daudet ne forment qu’un pipi de chat face à la bassesse du personnage présent devant mes yeux. Cette nuit-là monsieur le curé dom Balaguère expédia, sur les pentes du mont Ventoux, à la vitesse grand V, les trois messes qu’il lui fallait célébrer en commémoration de la naissance du pitit Jésus. L’infame Garrigou, en qui Satan s’était introduit, l’excitant pour officier plus rapidement avant aller se gaver des mets délicats préparés pout la Sainte nuit.

 Notre homme d’aujourd’hui a bien d’autres desseins… beaucoup plus noirs.

Il pense lui aussi à l’après-messe avec le gentil garçonnet qui sert à ses côtés. Si gentil, si naïf, si intentionné et appliqué qu’il est à recevoir une communion spéciale, pleine gorge et plein derrière étroit.

Moderne représentation du démoniaque Garrigou de la Provence d’autrefois ? Ma récente lecture de la pensée ne peut répondre à cette question qui s’évade aussitôt dans des oubliettes spécialement créées pour les points d’interrogations inutiles.

-Ce n’est pas possible !

 Mon oreille interne, celle qui vient de se révéler d’un nouveau don, doit divaguer. Pourtant mon incrédulité se voit confirmée quand l’homme en question se retourne : Une indéniable proéminence ayant surgi au bas de sa ceinture !

Vite regarder ailleurs ! Poser mon attention sur un spectacle plus décent, sur une humanité plus reluisante ! Celui d’une vieille dame assise au premier rang ; enfin vieille si l’on se réfère à son accoutrement triste et sans couleur et au fait que bien peu de jeunettes ne fréquentent ces lieux. Quelques cheveux blancs dépassant un châle qui fut certainement noir un jour confirment l’âge de la dame.

Et voici à quoi pense cette grenouille de bénitier

« -Je le savais bien que ce le Garry avait des tendances abominables. Un gamin de treize ans aux yeux si doux et qui joue plus avec les poupées de sa demeurée de petite sœur qu’avec des soldats de plomb.

Avec une mère pute comme yen a pas deux, c’est ben fait pour elle que d’avoir pondu pareille omo-lavette. Balague, ce salopard de dominicain en bande déjà ».

Horreur et consternation ! Une trappe invisible m’a expédié dans le remake d’un vieux conte de Noël, d’un film en noir et blanc, version pédophilique cette fois. Encore changer, sortir de l’horreur s’il te plait moi-même !

L’homme élégant, justement mains gantées de fin pécari, baisse la tête fort humblement devant la puissance de l’éternel. Ce dernier loustic (l’éternel) qui va m’entendre lui ramoner les soufflets si par malheur il m’invitait à monter le voir un plus lointain jour possible.

Ce riche cinquantenaire filme discrètement chaque fois qu’il relève la vue, à l’aide une minuscule caméra incorporée à ses lunettes cerclées d’or.

« -Ces salopards ont installés un système de surveillance. Mon métier devient réellement de plus en plus difficile. Mais vous ne connaissez point monsieur le Conte de Trinquelague. Moi, le dieu des pilleur de troncs vient de refaire à neuf les cuisines du château. Cette nuit, mes nobles amis de sang bleu ainsi que les notables sont invités. Magnanime, j’ai également fait un geste pour quelques pauvres du village.

Au menu, dindes truffées, faisans, huppes, gélinottes, coqs de bruyère, anguilles, carpes dorées, truites « grosses comme ça » ; vins de toutes les couleurs… Tiens, cela me rappelle quelque chose, mais quoi ? »

Au secours, noël ne se célèbre que dans huit mois ! Il me vient en mémoire que le château qui couronnait le majestueux Ventoux appartenait au Duc de Trinquelague. Décidemment la noblesse du nom a baissé de catégorie, quel désastre !

Il devient évident que la folie m’a gagné. N’osant d’avantage poser mon regard sur un des humains présents, mes yeux et mon esprit se tourne vers le crucifié.

« -Deux mille ans que ma connerie m’a cloué. Et tous ceux qui en mon nom ont bâti un temple, font saloperies sur saloperies. Pas moyen de me libérer de ces fichus dards pour aller leur donner des coup de pieds au cul.

Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu pour me fourvoyer à ce point ?

Mon Père, tu parles ! Ma mère elle, m’a bien dit qu’il s’appelait Gabriel et qu’il était beau comme un ange. Elle a dû le répéter à tant d’autres que ces ignares ont fini par l’arcangifié.

Ya qu’un type parmi ces fidèles balbutiant des âneries qui vaille un brin de sympathie. Celui qui justement lit ma pensée en ce moment »

-Moi ?

Tous les messiférés me regardent. Mon cri les a détourné du moment sacré de la prière hebdomadaire. Comment ? Oublié qu’aujourd’hui était dimanche ? Mon vieux Gabriel, en plus de devenir fou tu deviens amnésique !

Inutile de baisser la tête en rougissant pour marquer un désarroi inexistant. C’est accompagné d’un soupir de mes lèvres que mes yeux se lèvent vers le ciel.

« -Non mais ! Avec la ramonée que tu veux me refiler, avec toutes les inepties anticléricales que tu as osées coucher sur le papier de tes immondes textes, tu me prends à témoin ?

Mais voyons, tu as pourtant compris que tous ceci n’est qu’une mascarade, une vaste fumisterie. Tu sais que je ne suis que le fruit de vos peurs collectives, une toute simple création humaine, pardon Tdes hommes. Sans ces petits minus prétentieux, je n’existerais pas.

Toi qui connais l’Univers, toi qui sais que le temps redouté par ton espèce n’existe pas, toi qui passes au travers de ton miroir dans tes méditations, toi que je ne comprends pas alors que tous les autres forment mon reflet. Comment peux-tu prétendre à enseigner quoi que ce soit par tes écrits ? Tes paroles et tes mots, comme celles et ceux des temps passés, comme celles et ceux des temps futurs, ne sont que des pets dont tu te gonfles. Pourquoi diantre, nom de Moi, continues-tu ?

-Pour t’emmerder vieux sénile. Chacun son tour, depuis le temps que tu détruis les hommes qui t’ont créé ! Je te condamne à espérer la délivrance du petit nuage qui te retient prisonnier pendant une éternité entière. Autre chose que les trois-cents messes basses que tu as infligées en punition à dom Balaguère après qu’il soit mort d’indigestion un beau soir de Noël en haut du mont Ventoux. »

 

 

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