La prospérité, c’est le viol
« ne sera jamais riche / ni élu /
Dieu fils de pute y pourvoie / canaille
Des gosses de riches aux machines
(politiques, médiatiques, show-biz,
Lettres, écrans en tout genre, mer
Et panoramas sans distinction
De race ni de religion) et sur le pont
Les domestiques de la démocratie
Et des gosses souteneurs de proxénètes
(À leur âge, nom de Dieu / mais où
Court-on ?) / puis la ribambelle
Des fous et des larrons / enfermés
Ou agissant au creux des vagues
/ et le poète s’emploie à retrouver
Le sens : dispose des caractères
En rond sur les planches ou dans
Les pages de ses plaquettes imprimées
Aux frais de papa, de maman, de qui
Possède une parcelle de pouvoir
Sur ce que le temps finit par user
Jusqu’à la corde / ainsi les générations
Et cette maudite attente qui exige
De l’Homme qu’il pose son menton
Sur sa propre épaule pour jeter
Un regard nostalgique sur son passé
/ qui n’a pas été résistant comme
Camus ? Qui n’a pas tenu la chandelle
À la Presse ? Qui n’a pas feuilletonné
Dans sa jeunesse ? Dieu dans le cul
De sa mère l’Idée trouve de quoi
Entretenir la rue et ses campagnes
Environnantes de mers et de montagnes,
De déserts même si l’eau vient
À manquer au potager / je ne suis rien
Mais j’aime les idées et surtout celles
Qui divisent pour mieux régner / la terre
En surface comme en profondeur
Ne fera pas de moi un riche ni un élu
/ ça je l’ai compris il y a belle lurette
/ je vous parle depuis la station orbitale
Universelle : et pas un sou en poche
/ pas moyen d’influencer le cours
Des choses / entre les perroquets
Et les éjaculations précoces : je descends
Dans la rue avec mes bagages et le soir
Venu je n’ai toujours pas voyagé /
Qu’est-ce que la nuit dans ces conditions ?
La prospérité, c’est le viol / martel
En tête chaque jour d’heure en heure
/ cette fois se réveillant en même temps
Que la scène fond au noir / ne voyant pas
La nuit ni le jour / mon Dieu : qu’est-ce
Que ceci : ni nuit ni jour / ni espace ni temps
/ comme si je revenais de loin / sans passé
Ni futur / sans voyage ni mort / objet
Des pitreries qu’inspire la poésie
À l’angoisse ou au prurit / je deviens
Poisson dans l’eau / jouet des lignes /
Surfeur des crêtes / possible lendemain
/ mais vous ne m’écoutez pas, frères /
Nous nous ressemblons tellement peu
/ je bois et vous ne buvez pas / le monde
Vous sourit et je grimace dans les rangs
/ de douleur mais ça amuse l’enfant
/ le monde tel qu’il est ne convient pas
À ma vêture / grands vents par-dessus
Le marché / brassant idées et possessions
/ mais comment ne pas sortir de chez soi
/ conseillé par le temps qu’il fait /
Mais le conseilleur n’est-ce pas /
Pourtant je ne suis pas celui
Que vous croyez avoir portraituré
/ ni élu ni damné et bientôt
Ni jeune ni vieux »
Bal des suicidés qui ont survécu à la Guerre /
« on fait fortune ou on n’en profite pas »
La prospérité c’est le viol / on conseille l’amour
À tous les étages / mais là-haut le vent ravage
L’esprit et le soumet au vertige / lucarne
Des bonheurs possibles ou en usage / peupler
Le vide devient la seule obsession / « je veux »
Il est vrai que les promesses sont tenues /
Aux machines les plus belles (les plus désirables)
Présentent l’actualité et ses prix, ses honneurs
(sans jeu de mot) / ses défis face à l’impossible
Et à l’injustice décrite dans les meilleurs manuels
Scolaires / Dieu encule la femme et se fait sucer
Par l’homme / « puisqu’on est en période électorale
Refaites-vous une beauté
Car le temps voyez-vous
Regardez-vous enfin
Vous n’avez plus le poil
Aussi soyeux que jadis
Et je ne parle pas de naguère
/ revoyez la ligne et le profil
Replâtrez profitez-en pour
Changer l’opinion en idée
/ rien de plus beau que le suicide
D’un gosse de riche qui n’a pas
Convaincu / prospérité n’est pas
Triomphe / mais violer son prochain
Demeure le nec plus ultra /
Ne pas aller plus loin que cet arbre
Dit papa en présence de maman
L’enculée / le potager a besoin
De leur eau / dit-il encore à son
Fifisse ou à sa fifille / maman sans-
Culotte / on aime encore la tragédie
/ l’ouvrier veut travailler dans un bureau
/ le magister distingue la perversion
Du talent / ne buvez pas dans mon verre
Si vous pensez que j’ai tort »
Qui n’a pas reconnu le mythe en marche
Militaire ? Ses muscles de marbre dépeint
Par la fréquentation des enterrements.
Son regard troué. L’étrange perfection
De sa posture impossible à changer
Sous peine de chute. Ses membres manquants.
Ce que l’imagination conseille à la vérité.
Usinage parfait en son temps. Et même
Utile. Au passage des badauds. Escarcelle
À la ceinture ou sous l’aisselle. Reconnaît
Le Mythe et lève son verre sous la tonnelle.
Papa le leva en son temps. Qui n’a plus d’âge
Ici ? Affiche imitant par procédé dimensionnel.
Bois à la santé des parangons de la prospérité
Municipale. À la ville comme à la campagne.
Se souvient du djébel ou de la jungle, déserts
De l’amour. Jadis il possédait une statue
De héros. Articulée comme un langage.
Cornait comme Roland. Possédait acier
Et courage. Se voyait élu à l’unanimité
Moins ce qu’il faut d’adversité. Pas de roman
Sans poésie et pas de poésie sans possibilité
De trouver le sang ailleurs que dans la chair.
Expansion et récession devant la porte /
Tu n’as pas le choix / le charlatan veut disposer
De tes moments de disponibilités / voit
Ce qui est possible et ce qui ne l’est pas /
Un langage simple à la disposition de la volupté
/ avec ce qu’il faut de vulgarité pour te séduire
/ mystique sans Dieu ou saint sans ses églises
/ car il a « fait » la guerre / il en a construit
L’épopée avec ses maîtres en apparition
À l’écran / le cabotin bonimenteur et faux jeton
/ sur la place avec les produits du potager
Et les artisanats décoratifs et utilitaires /
Sait comment et pourquoi / de naissance
Ou par esprit domestique / gravit la montagne
Et ne redescend pas pour recommencer /
Se fiche du rocher comme de son premier
Baiser / dans l’urne jamais couleur de cendre
/ au vent pas plus volatile / taillé dans le marbre
Où on grave / le même outil sur l’établi /
« joue le jeu » et gagne de quoi se loger
Sans hiver ni été / jouisseur d’automne
Malgré les chants contraires et éprouvés
Par la pratique du vers / marteleur de printemps
Dans la chair de la jeunesse / « nous vîmes
Une statue : elle nous faisait signe de nous arrêter »
Elle : « as-tu pensé aux autres ? » / jardins
Piaillant dans leurs arbres annexes / le bras
S’abat en signe de prospérité gagnée sur le tas
/ le verset prend par la main et conduit / conçu
Pour ça / et devant les objets nécessaires
À la compréhension du monde ainsi imposé :
Coupure au niveau du poignet / sans technique
Conçue pour éviter la douleur et encourager
Le calme recherché / « nous ne sortons pas assez »
Quelle chance nous a manqué ?
Pourtant dehors rien de nouveau.
Les mêmes visages que dedans.
Le même chien en laisse et son os.
L’enfant jaloux et hypocrite le tient.
« nous aurons tout ce qui te fait envie »
Moins la beauté d’une pensée utile.
Chacun sa proie selon grosseur.
Le chien lorgne la vitrine du boucher.
Le chat voit des coussins partout.
L’enfant n’explore pas : il joue
À jouer / il sait ce qu’il veut /
« si tu ne sors pas tu deviendras
une momie » / pas question
De cendre à cette hauteur /
La couleur est celle du cuir /
L’immobilité imite les statues /
Interprète des crispations /
Au théâtre comme à la cuisine
« les chiens mordent par nécessité »
Devant la vitrine qui sent le pain :
Enfant j’avais envie de toi.
La momie est le signe de l’âge.
Tu n’auras pas la cendre ni le vent.
Des archéologues futurs en toi.
« ne sors pas dans cette tenue ! »
Ni nu ni habillé : satin des sorties
En plein air des places et des rues
Étoilées par principe giratoire /
« tu verras comme c’est beau
/ et comme c’est chouette l’urne »
Petits papiers ne quittant pas le nid.
« qui ne veut pas être heureux
ne le sera jamais » / or : que dit
La Sagesse (celle qu’on aime) ?
Dit : « nous ne sommes pas nés
Pour pleurer » / d’où le rire
Imité des babines de l’animal.
« sortons si tu le veux mais moi
tu sais je me sens bien ici avec
toi et tout ce que nous possédons »
Le tire par la manche jusqu’au
Bureau de vote / sous les mûriers
En rond affine sa pensée avec
Les autres / « qui aimons-nous
Le plus ? » / pas de prospérité
Sans agression / « depuis le temps
qu’on pratique » / voilà comment
On fait et pourquoi on le fait /
« tu es nous et nous sommes avec toi »
« rien qui te fasse envie ? » / choix
En guise de liberté / donner du grain
À moudre / l’arbre de Gertrude
Déraciné un jour de grand vent
/ l’Histoire en marche rien ne l’arrête
/ arbre couché sans ses feuilles /
« en portait fièrement je me souviens »
Comme les rues sont rues si on les prend
Pour ce qu’elles sont ! Et comme
Je suis moi si je ne suis plus toi !