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RALM no 109 - octobre 2019/... - Masse critique (le forum de la RALM)
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 Article publié le 1er octobre 2019.

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l’écrivain
« ...c’est un homme qui met au point un certain usage de la langue, de la syntaxe, du récit, du genre littéraire, du texte enfin, avec son rythme, ses particularités rhétoriques et stylistiques. » François Taillandier (au sujet d’Alexandre Vialatte - in les Dossiers H de L’Âge d’homme)

forum.ral-m.com

Le but de ce "forum" est d’ouvrir la RALM à la critique et, si le volume est conséquent, d’en publier le contenu en librairie.

En exprimant ses sentiments à propos du contenu de la RALM, le lecteur contribuera à sa constante évolution. Cette nouvelle activité pourrait bien en changer sensiblement sa portée et son influence. Elle met d’ailleurs fin à la pratique, depuis plus de 15 ans, du "numéro". Elle en sera, pour quelques années encore, le dernier... Par contre, la publication hebdomadaire continue avec sa "Une" et ses auteurs.

Nous comptons particulièrement sur l’attention des membres de la rédaction pour construire un réseau critique autour des innombrables œuvres et ouvrages publiés dans la rubrique "espaces d’auteurs", laquelle constitue le refend de la RALM.

Il y a belle lurette que ce numéro, intitulé "masse critique", titille l’esprit de ses promoteurs. Le temps en est venu. En effet, 16 années d’activité "revuiste" méritent enfin de subir les critiques, les avis et les commentaires ; d’abord de ceux qui ont contribué à sa lente et opiniâtre construction, mais aussi de ceux, nombreux et apparemment fidèles, qui y trouvent de quoi lire et pourquoi pas à redire.

Un pareil projet ne peut pas, comme les précédents, être élaboré en un trimestre ; il y faudra du temps ; et il sera nécessaire de le prendre, avec ce que cela suppose de « longue impatience ».

Chaque semaine, comme d’habitude, le lecteur de la RALM pourra pourra lire les nouveautés textuelles et autres que ses membres lui proposent ; et chaque jour (peut-être) il aura aussi le plaisir de rencontrer des opinions, voire des critiques, à propos de ce qui se publie ici ; et il pourra même se joindre librement à ce commentaire aux dimensions encore inconnues.

 

Le 109 est le troisième "numéro spécial" édité par la RALM.

Pascal Leray n’a pas perdu son temps et s’il en trouve le fil ce n’est pas au rasoir d’une recherche. Producteur insatiable de poésie, de narration et autres spéculations, il couvre son spectre d’écriture, de musique, de points et de lignes, de tout ce qui brûle entre ses doigts de cerveau. Jamais revue littéraire n’a connu un pareil déferlement de vagues dans les sables de son existence possiblement durable. Ce numéro en est l’introduction patiente et méticuleuse, précise comme l’ongle qui rature les cercueils trop tôt refermés sur nos rares présences contemporaines.
 
Entre une séance de lecture et un chantier toujours en œuvre, Patrick Cintas insère une tentative non désespérée d’hypertexte. « L’œuvre d’un seul homme ! » s’écrie Ferdinand Cheval. Ainsi va le monde quand on cherche à le faire entrer tel quel dans ce qu’il est convenu d’appeler une œuvre.
 
Le forum de la RALM est ouvert uniquement pour les articles publiés dans la rubrique [Espaces d’auteurs]. Les commentaires sont publiés à la suite de l’article.
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Alors, le 110...?... des mois !... des années !...

 

...le tram est dans la série des véhicules pour le transport en commun ce qu’est l’âne dans la série des animaux domestiques. Blaise Cendrars - Feuilles de route.

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Commentaires :

  Pour une masse critique - A por une masa critíca par Jean-Michel Guyot

"Pour respecter l’idiosyncrasie de chacun..." André Gide - Paludes.

Qui dit masse critique dit tout à la fois le fait indéniable d’une accumulation d’œuvres unique en son genre et la nécessité de voir se déclencher une réponse critique d’ampleur équivalente.

Ce qui, par-là, est visé, c’est une quantité suffisante d’énergie dégagée par accumulation de molécules biotiques capables d’exprimer des gènes particuliers de métabolisme secondaire telle la luminescence.

Beaucoup d’œuvres rayonnent ainsi dans la nuit éditoriale depuis de longues années déjà.

"Par-là" n’étant pas plus large que le chas d’une aiguille perdue dans une botte de foin, la lumière, de ce fait, s’y concentre de telle manière que la vision s’en trouve améliorée : des détails significatifs apparaissent qui peuvent donner lieu à des développements critiques induits par une masse critique-textuelle accumulée tout à fait considérable, pour peu que cette dernière soit observée, étudiée et considérée dans le contexte labyrinthique de ses origines.

Meules de foin soigneusement constituées posées sur le pré au crépuscule dessinent alors des figures, puis des séries de figures à la Monet perçues comme telles par le jeune Kandinsky qui eut dès lors l’intuition non-figurative que l’on sait.

Aussi bien peut-il s’agir d’atteindre un seuil critique au-delà duquel l’on bascule mentalement et verbalement dans une fiction fissile et ainsi aboutir à la prolifération de textes critiques entés sur les textes originaux. C’est une fission-fiction nucléaire qui est envisagée : les textes exposés explosent ainsi leur énergie intrinsèque passée jusque-là inaperçue.

L’effondrement gravitationnel peut aboutir à la formation de ce trou noir éditorial que serait en quelque sorte un livre d’une extrême densité qui ne ferait la lumière sur l’ensemble des écrits parus dans la RAL,M qu’en y concentrant tous les attraits, tous les aspects et toutes les vertus.

La masse considérable de textes parus dans la RAL,M depuis maintenant quinze années constitue à l’évidence une masse critique virtuelle propre à déclencher ces processus.

Un seuil critique a été effectivement atteint.

Il est temps que le public en soit averti, qu’il prenne conscience tant de l’ampleur que de la profondeur d’une initiative éditoriale unique en son genre que nous devons à Patrick Cintas, à l’initiative duquel des talents très divers se sont trouvés réunis autour d’une ligne éditoriale qui valorise l’originalité dans l’excellence.

Aucune revue n’offre autant de perspectives variées, de styles différents ni d’idiômes maitrisés tant par la traduction (Catulle traduit par Gilbert Bourson, L’atelier de traduction de Marta Cywinska, par exemple) que par la publication en langues étrangères.

Qu’on se le dise !

***

La masa crítica se refiere tanto al hecho innegable de una acumulación única de obras como a la necesidad de desencadenar una respuesta crítica de magnitud equivalente.

Lo que se quiere decir aquí es una cantidad suficiente de energía liberada por la acumulación de moléculas bióticas capaces de expresar genes particulares de metabolismo secundario como la luminiscencia.

Muchas obras han estado brillando en la noche editorial desde hace ya muchos años.

El camino no es más ancho que el ojo de una aguja perdida en un pajar, la luz se concentra de tal manera que se mejora la visión : detalles aparecen como fenómenos significativos que pueden dar lugar a desarrollos críticos inducidos por una considerable masa crítico-textual acumulada, siempre que este último se observe, se estudie y se considere en el contexto laberíntico de sus orígenes.

Almiares cuidadosamente colocados en el prado al anochecer entonces dibujen figuras, luego series de figuras al modo de Monet percibidas como tales por el joven Kandinsky que tenía desde entonces la intuición no figurativa que conocemos.

Puede tratarse de alcanzar un umbral crítico más allá del cual uno se convierte mental y verbalmente en una ficción fisionable y, por lo tanto, conduce a la proliferación de textos críticos en los textos originales. Es una fisión -ficción nuclear que se prevé : los textos expuestos explotan y también su energía intrínseca hasta entonces desapercibida.

El colapso gravitacional puede conducir a la formación de este agujero editorial negro que sería como un libro de extrema densidad que arrojaría luz sobre todos los escritos publicados en la RALM que concentra todos los encantos, todos los aspectos y todas las virtudes.

La considerable masa de textos publicados en la RALM durante los últimos quince años constituye obviamente una masa crítica virtual capaz de desencadenar estos procesos.

Efectivamente, se ha alcanzado un umbral crítico.

Es hora de que el público sea consciente de ello, sea consciente tanto de la amplitud como de la profundidad de una iniciativa editorial en su genero, la cual debemos a Patrick Cintas cuya iniciativa consigue reunir a talentos muy diversos en torno a una línea editorial que valora la originalidad en la excelencia.

Ninguna revista ofrece tantas perspectivas diferentes, diferentes estilos y idiomas dominados tanto por la traducción (Catullus traducido por Gilbert Bourson, El taller de traducción de Marta Cywinska, por ejemplo) que por la publicación en idiomas extranjeros.

¡A ver si nos entendemos !


  Commentaires par Jean-Michel Guyot

Il ne s’agira pas ici de dire du bien d’un auteur et de son livre pour faire vendre en donnant l’envie de l’acheter ni non plus d’en explorer tous les tenants et aboutissants textuels et intertextuels. Travail qu’il faut laisser à la critique professionnelle stipendiée ou non.

Je vois cela plutôt comme un merci adressé à un auteur et pour ainsi dire un exercice d’admiration mesurée à l’aune du plaisir que m’a procuré la lecture d’un texte ou d’une œuvre entière.

Faire état d’impressions de lecture, de pensées inouïes ou à tout le moins inédites dans la forme singulière que l’auteur a su leur donner, de surprises stimulantes et de désirs jusque-là passés inaperçus et, de fait, ignorés de moi jusqu’à présent, voilà qui me paraît une très bonne chose.

Le texte est un présent fait à ses lecteurs.

Comme tout présent, il fait mouche ou se plante. Le plaisir du texte, n’est-ce pas, entre autres choses, l’impression forte éprouvée à sa lecture, et durable qui plus est, que nous avons trouvé en l’auteur un frère ou une sœur en pensée ?

Une amitié, alors, peut naître et se prolonger dans des lectures approfondies, voire des correspondances ou de simples billets postés en réponse à une sollicitation puissante mais informulée qui émane de tout texte qui nous touche.


  A quoi bon ? par Jean-Michel Guyot

Ecrire ne serait-ce que quelques lignes, le matin surtout, et je n’aurai pas l’impression d’avoir complètement perdu ma journée, riche par ailleurs en pensées et sensations de toutes sortes.

*

Ici convergent des styles, des modes d’écriture et des voix singulières qui étalent leurs divergences en toute sérénité et en toute tranquillité.

Ici, on converge en divergeant, on diverge en convergeant. Il peut en résulter un certain vertige, j’en conviens aisément.

Rien de polyphonique ni de cacophonique dans cet état des lieux mouvant et mobile.

Le concert n’aura pas lieu. Il n’y a pas lieu d’en déplorer l’absence. Nous ne sommes ni dans un espace institutionnalisé ni dans une revue underground. Cette agora virtuelle nous suffit.

Chaque voix chante dans son propre jardin, son propre patio, son bistrot, son salon ou sa cuisine voire ses latrines. 

Un arbre de vie fleurit en tout un chacun.

Les fruits en sont si variés et si différents qu’ils ne peuvent provenir du même arbre, ni même d’un seul et même lieu : aucun verger ne les rassemble en un même site dans le but avoué de les conserver comme l’on conserve des variétés horticoles menacées de disparition parce qu’elles ne trouvent pas grâce aux yeux de ceux qui dirigent le monde de la grande édition.

Nous avons à faire à des arbres nomades qui n’étalent pas leurs fruits juteux labellisés bio sur les marchés locaux. Eté comme hiver, ils produisent de la sève et des fruits qui circulent sous les doigts et dans les yeux de leurs lecteurs. Libre à eux d’en goûter quelques-uns ou de les trouver trop verts à leur goût.

Pour qu’un miracle ait lieu, il faut être animé par une foi douce mais ardente qui ignore tout calcul des probabilités, tout pari du genre : Essayons, ça marchera peut-être, qui sait ?

Le ciel n’offre et n’offrira jamais de telles garanties de réussite.

Libre à vous de considérer votre talent comme un petit miracle.

Pour ma part, j’y vois plutôt une chance que l’on saisit parfois tôt dans sa vie par le jeu d’heureux hasards : un professeur bienveillant, un proche ou un ami qui nous encourage, nous pousse à écrire, par exemple, et tel fut mon cas : un ami allemand féru de littérature française qui avait écrit un mémoire sur Maurice Blanchot dans les années 90 à la Faculté des Lettres de Lille. Qu’il en soit remercié ici !

La Ral,m n’est ni une ecclesia ni une ecclesiola, n’a rien d’une Eglise petite ou grande, par conséquent aucun schisme ne menace ses rangs, rangs qui, d’ailleurs n’existent pas, car les auteurs ne s’y présentent jamais au garde à vous en bons petits soldats de la chose littéraire, pas plus qu’ils ne paradent dans les colonnes de la Revue.

Si l’union fait la force, alors, il faut convenir que cette union et la force qui en résulte ici ne tiennent pas à quelque unité que ce soit, mais se trouve être, ici et maintenant, le produit volatile et versatile d’une volonté commune indéniable d’aller de l’avant sans regarder derrière soi ni sur les côtés. L’esprit de compétition n’a pas lieu d’être.

Une chose toute simple échappe à la vue de beaucoup : une revue, par définition, est une vue redoublée, une double vue qui redouble de vigilance, en d’autres termes : les textes sont lus et relus par leurs auteurs, c’est-à-dire mâchés et remâchés à la manière de Nietzsche qui recommande de pratiquer une lecture bovine des grands textes.

Les textes ne sont jamais balancés à la face des lecteurs comme on lance des cacahouètes à des singes en cage.

Abscons ou limpides, il y en a pour tous les goûts.

Le public, malin comme un singe, ne s’y trompe d’ailleurs pas, et perçoit toute la portée et l’ampleur d’un projet qui rejette viscéralement l’esprit d’école et de chapelle et bannit le sectarisme douillet ou agressif qui caractérise l’époque atomisée dans laquelle nous survivons tant bien que mal, dans le sein épineux et sec, bardé de clous et de fil de fer barbelé duquel nous oscillons entre nos deux extrêmes que sont le dégoût et la colère que ne manquent pas de nous inspirer les injustices de ce monde mondialisé qui est notre lot à tous et à toutes.

Nous ne posons pas le masque souriant de l’optimisme béat sur le visage ravagé d’une humanité en proie à toutes les souffrances possibles et imaginables en ce monde. Un dieu multiface et carnassier n’est pas de mise non plus.

Le monde est sans visage, nous ne faisons que lui prêter nos yeux et nos oreilles.

Une certaine beauté convulsive est à ce prix.

Tout texte, et en-deçà tout auteur qui se respecte, possède une fréquence propre.

C’est au lecteur de la trouver et de la faire vibrer pour la porter à son maximum de puissance, quitte à faire exploser le texte et à exposer son auteur à la critique qui n’est que le produit dérivé et fissile d’un processus aussi lent et soudain qu’un sourire ou une grimace, c’est selon.


  Parce que... par Stéphane Pucheu

Il fallait bien un titre cinglant à l’abattement guyottien.

La pertinence de son flux narratif est une synthèse juste de l’essence de la RALM, qui semble le mieux relevée par ses auteurs eux-mêmes, sans qu’il faille y voir une quelconque autopromotion.

"Masse critique" ou " l’exercice problématique de la littérature " comme dirait Borgès.

D’ailleurs, les rares personnes cultivées et les quelques lecteurs rescapés reconnaissent volontiers, rejoignant l’honnêteté intellectuelle trop rare des auteurs, le travail de sape opéré par l’écurie de la RALM.

C’est la plateforme "liberté" ou "freedom" qui navigue par tous les temps. Et le virus de la bêtise, déjà remarqué par Flaubert, n’est pas près de l’affecter.

Rien, en définitive, ne peut entamer la confiance de cette machine aux têtes aussi dissemblables que gémellaires, puisque précisément il ne se passe rien autour d’elle.

L’on ne crée pas d’histoire, ici, hormis à l’intérieur de certaines narrations.

C’est un peu comme si l’espace-temps était investi par le travail - concept éculé, et donc réinventé par la RALM - , soit le savoir-faire artistique, la maîtrise aussi relative soit-elle sur la création, et donc le monde.

Ainsi, "parce que" le moteur de la création est un dépassement auquel l’artiste est obligé de se plier, "parce que" l’auteur finit toujours par trouver un interstice de liberté pour imposer sa présence à la Cité, "parce que" le travail littéraire apporte un éclairage sur soi et le monde, "parce que" l’essentiel se joue au sein de la littérature... autant de convictions non antinomiques avec le titre beckettien ou guyottien "A quoi bon" ?

Les ruines, nous les voyons sous nos yeux - à moins de verser dans la dénégation -, des ruines qui n’en finissent pas de s’étendre, imposant un silence de plus en plus pesant à la plupart des consciences. Au sein de ces ruines, l’inexistence sociale de l’écrivain, et plus encore celle de l’auteur, ne cessent de s’épaissir, se confondant avec les ruines elles-mêmes qui ont toujours cependant quelque chose à dire.

La RALM, à elle seule, constitue la Cité en suspension, oui, elle s’élève à partir du tout et surtout du rien, étant son propre royaume, une vaste entité qui participe à l’histoire de la littérature, dans une décontextualisation suscitant parfois l’ire, voire la jalousie.

Le projet "Masse critique" est une immense opportunité pour les talents extérieurs au Chasseur Abstrait de s’exprimer, analogue par certains points à la configuration de la RAL’M qui permet aux auteurs de développer leur oeuvre, parallèlement à leurs catalogues respectifs.

Et doit démontrer que si crise de la littérature il y a - inconnue chez le Chasseur Abstrait - , alors la crise de la critique lui est concomitante. Car l’énergie développée par les auteurs est non pas à contre-courant mais à l’opposé de l’atonie générale. Des auteurs qui ne sont pas effectivement en concurrence mais probablement conscients du travail de leurs illustres prédécesseurs, de ceux qui font l’Histoire et donnent une idée concrète du chemin à parcourir pour véritablement amener une pierre à l’édifice. S’ajoute ainsi la notion de relais au sein de la RALM dont l’esprit n’est pas de faire table rase du passé mais de trouver sa voix singulière à partir de l’existant, à partir du patrimoine. L’utopie - ou exigence ? - de " Masse critique " - titre dont la polysémie est à la fois pertinente et esthétique - serait sans doute de régénérer la critique dont l’histoire est riche, elle aussi, composée d’écrivains notoires (Sartre, Robbe-Grillet, Millet) et d’exégètes (Barthes, Blanchot) .

Quant au lecteur, il a sûrement besoin de démesure. La littérature doit être "excessive" comme le disait Robbe-Grillet, et son rôle est de "violer" le lecteur pour reprendre la doxa célinienne...

Un lecteur nouveau, par ailleurs, se dessinant à partir de la composition de "Masse critique", et qui aura peut-être participé, de surcroît, au développement de ce projet inédit.


  Un dilemme & mes vœux pour 2021 par Gilbert Bourson

Vous aimiez le temps parce qu’il passait et non pas

Parce qu’il vous donnait l’occasion de rimer avec lui

Patrick Cintas

 

Écrire ou lire, voilà un dilemme qu’il est difficile de trancher. « On ne peut pas tout lire » entend-t-on souvent dire, et c’est une évidence que l’on pourrait se dispenser de déclarer. Ou bien je me mets à écrire, ou j’entreprends la lecture de tel ou tel ouvrage dont le nombre de pages me requiert pour longtemps, en exigeant du temps et l’attention qu’il faut, ainsi donc empêchant d’être entièrement requis pour l’œuvre personnelle. Des amis me demandent souvent si j’ai lu tel ou tel de leurs ouvrages et je suis très embarrassé de leur répondre que non, pas encore. Ce « pas encore » se prolonge dans le temps où d’autres amis m’ont posé la même question. D’autant que posthumément, cette question m’est posée par beaucoup d’écrivains du passé loin ou proche. Lire et écrire simultanément ? J’ai pratiqué cela jusqu’à m’apercevoir que j’écrivais pendant que je lisais un livre, et bien évidemment que j’écrivais dans ce livre et donc le lisais mal. Je prends le temps de regarder des films, de la peinture, des horizons, des femmes, des zoos, de me rêver Sardanapale dans le harem surpeuplé de ma tête, sans compter tout le reste de ce rien de vivre, de ce rien de temps qui en prend tant et plus. J’aimerais répondre, polémiquer un brin, bavarder sur ceci qui contredit cela, sans vraiment contredire le contradicteur, et lire non en diagonale, mais le tout, qui bien souvent pourrait avoir la taille aphoristique ou celle d’un haïku, (qui l’air de rien en dirait plus, en moins de mots « en plus/en trop »). Pour ce qui est de savoir si tel texte est un roman, un poème, un pamphlet, un chant, une nouvelle, un apologue, ou quoi ou qu’est-ce : il suffit de savoir que ce n’est pas une pompe à essence, mais bien peut-être une remorque pour le transport de soi/les autres, par langues interposées. J’ai souvent cette impression que l’on prend au sérieux les catégories (je ne parle pas des Kantiennes) où placer les ouvrages qui somme toute, ne sont que des entrepôts de phrases et de mots venus de tous les temps, et dans l’instant présent. Un forum je le sais, est fait pour discuter, mettre son grain de sel dans la mer des possibles. Je sais très bien aussi que pour ce qu’on ne peut pas dire il faut contrarier le tractacus de Wittgenstein. Encore que Wittgenstein s’adressât à la philosophie. La littérature est faite justement pour dire l’indicible. Quand j’ai pris le parti de lire tel texte de mes amis, j’ai le choix, soit de le commenter (par exemple dans le forum de la RALM), soit, après ma lecture, d’écrire mon propre livre. Le choix sans être Cornélien est difficile, et s’impose dans la temporalité et dans la disponibilité mentale. Souvent des soucis de tous ordres s’imposent en premier, rendant toutes préoccupations abstraites impossibles. Si j’entreprends de lire les 1000 pages d’un ouvrage difficile, soit j’en interromps la lecture pour la reprendre longtemps après, en m’apercevant que je dois en reprendre sinon le début, mais le passage abandonné. Si j’ai écrit entre-temps, je devrai peut-être reprendre tout depuis le début. Essayez de lire un Pynchon, un Gaddis ou un Gass en entrecoupant leur lecture de vos propres travaux, lesquels vous ont poursuivi, lors même de cette lecture qui en était quelque peu brouillée/ court-circuitée, convenez que c’est un challenge problématique. Un forum comme celui de la RALM est un voyage au long cours où chaque capitaine de cette industrie de la parole, se répond (et se répand) d’un vaisseau à l’autre (d’un vaisseau De l’autre à un vaisseau pour l’autre), d’une parole à une autre parole et n’en jetez plus, comme un paquet de mer à un paquet de nerfs, (ça c’est vu) car parfois quelqu’un veut crier : Terre, terre afin qu’on y aborde et qu’on n’en sorte plus. Cette terre où se taire à jamais est prescrite par les capitaines crochets prônant la non intellection de l’écrit, écrivant eux-mêmes avec leur prothèse mad-in idéologie du simple et du tout cuit. Mais je voudrais parfois tout lire d’un/d’une : Ami(e)-Forum, lui répondre en amitié (et me répandre aussi parfois en ma réponse). Aujourd’hui, je veux présenter mes vœux pour 2021 à tous les Ralmiens et Ralmiennes ainsi qu’à son créateur Patrick Cintas, dont je salue bien bas les innombrables œuvres de tous azimuts et dont j’aimerais lire la totalité. Il y a des moments dans la vie où il est bon de se taire (sans se terrer), et où la musique du silence, (tiens une formule bateau !) offre un concert gratuit (mais qui coûte une tranche d’existence) à un soi-disant écrivain qui préfère à un moment donné battre sa propre mesure et donc battre le temps, par Debussy, Ravel, Couperin, Dusapin, Bartók interposés, ou taquiner le rêve sans le langager à cru ou à cuit sur la page banquise, où les ours blancs (surtout les belles ourses blanches) ont momentanément déserté le banquet des belles et parfois subtiles controverses en se prenant le chou. Mais je dis : à bientôt : ça va redémarrer comme la vie d’avant sur les neiges d’antan et leurs nouvelles pistes fausses pour les uns, exactes pour les autres, mais pour les sans papiers du doute florissant, une fonte sans fond.

 


  Partage des eaux par Jean-Michel Guyot

Écrire ou lire, voilà un dilemme qu’il est difficile de trancher.

Gilbert Bourson

 

Cette fin de non-recevoir, d’une extrême délicatesse de sentiment, est aussi d’une profonde subtilité. Elle dit mieux que je ne l’aurais fait le dilemme mordant que je vis quotidiennement à l’instar de l’auteur.

Savourer un grand texte en s’en tenant là, voilà qui me semble bien difficile car le texte qui me tient sous sa fascination me lance un défi de taille que je ne peux pas ne pas relever : il me faut, d’une manière ou d’une autre - par le silence, le commentaire ou la création - lui répondre.

Pour ma part, étant d’un naturel impatient, étant resté en quelque sorte l’enfant que je fus, avide de vivre et de ressentir tout ce qui passe et se passe à sa portée, il m’arrive de laisser en plan le texte puissant qu’il m’a été donné de lire, non pour le rejeter d’un bloc comme un enfant jette subitement un jouet dont il s’est lassé mais pour faire face, par l’écriture, au tumulte que le texte admiré m’a fait vivre.

Le bouillonnement idéel et sensoriel provoqué par une lecture peut être si intense qu’il m’éjecte de moi-même, me donnant à ressentir la puissance et l’élégance d’un style, la profondeur et le raffinement d’une pensée uniques en leur genre. Et me voilà spectateur d’un désarroi au centre duquel je me retrouve pour un temps comme étranger à moi-même.

Il y a comme une douleur au comble de la joie.

Ce dédoublement de la personnalité ne dure pas. L’auteur qui m’a donné un bonheur de lecture a suscité un tel tourbillon idéel que je dois m’atteler au plus vite à la tâche qu’il m’a involontairement assignée, et qui est celle de me colleter avec cette foison d’énigmes que son texte a soulevées, énigmes propres à l’auteur dans la forme qu’il a choisie de leur conférer mais propres également à notre existence terrestre à tous et toutes.

Et tout alors est à recommencer une nouvelle fois, comme le font ces doigts venus de tous les horizons et qui tapent sur le tambour rimbaldien.

En gourmand que je suis, avide de tout voir et de tout entendre, j’ai du mal à tolérer le multiple qui assaille tant ma sensibilité que ma pensée. L’ambivalence que je ressens à son égard, je tâche d’en faire un outil de création que je mets au service d’une cause commune que je perçois comme flottant entre toutes les personnes de bonne volonté que nous sommes les uns pour les autres, lorsque nous consentons à nous écouter et nous répondre par textes interposés.

Lisant, j’entends une voix unique avec son timbre propre, son phrasé caractéristique, son rythme et son tempo. Cette idiosyncrasie, que véhicule un idiome personnel au sein d’une langue commune, devient polyphonique, ravive-convoque-invoque d’autres voix qui, jadis et naguère, résonnèrent dans d’innombrables textes plus anciens que celui à la lecture duquel je me suis adonné pour mon bonheur.

C’est ainsi qu’Ovide, par exemple, peut être un frère en écriture, par-delà les siècles écoulés, les changements d’époques et de régimes politiques. 

Le trop-plein d’énergie libéré par un texte magnifiquement écrit - ce concentré hautement inflammable d’expressions justes brillamment ajustées - me force à distiller l’inconfort que je ressens à fréquenter plus grand que moi en le faisant passer par les alambics de mon modeste atelier personnel pour y recueillir, après moultes opérations, la précieuse essence qui doit beaucoup au coup au cœur que m’asséna l’œuvre admirée.

Cela donne un commentaire ou bien un texte original, c’est selon. Ce faisant, je cède à mon tour à la tentation d’écrire pour tenter les autres qui s’infligeront peut-être le doux supplice d’une lecture, avant, comme moi, qui sait, de se jeter dans l’écriture pour me répondre à leur façon.

En somme, je mets provisoirement à distance tel texte achevé qui me comble jusqu’à l’intolérable pour ressentir à nouveau ce moment précieux entre tous qui me voit m’avancer à mes risques et périls dans l’inconnu giboyeux. De belles créatures interlopes m’y attendent, je le sens, et c’est dans cette conviction que je puise l’envie de m’attacher à elles corps et âme, avant même qu’elles n’existent pleinement.

Et puis, disons-le, il y a la vie, toute la vie avec ses mauvais coups, ses soucis sans lendemain et ceux qui taraudent si fort le goût de vivre qu’il faut parfois, effectivement, savoir se taire au moins pour un temps et remettre à plus tard ce qui nous préoccupe au plus haut point tant dans notre goût d’écrire que dans notre bonheur de lire. 

 

Jean-Michel Guyot

10 octobre 2021

 


  Masse Critique - Éditer... Critiquer... par Patrick Cintas

RALM, éditeur numérique

« Rien pourtant ne se fige en essai, en critique. Ici tout est poésie en même temps que roman… » écrit Patrick Besnier à propos de Faustroll. Sans doute est-ce trop rêvasser que d’y parvenir, mais faute d’une meilleure façon de dire, autant s’en affubler pour servir de cause.

Le forum de la RALM, dit Masse Critique pour en être, se cherche encore. Réservé à ses fidèles, et peu racoleur de passants, sait-il même où il va ? Et même est-il besoin qu’il le sache ? Une tragédie inattendue ayant quelque peu désarçonné son dada, il prit du retard et aujourd’hui s’en accommode tant il est acquis que le temps n’y est pour rien.

L’idée d’ajouter aux commentaires et autres éclaircissements, ou interprétations, une manière d’édition du livre n’est que le retour, comme il est dit en à propos, aux premiers desseins de cette revue considérée dès sa création, par son créateur, comme un « salon des refusés » ou en tout cas comme un outil à la fois de publication et de diffusion, faute d’ailleurs d’accéder à la pratique plus concrète de la vente qui, quoi qu’on die, pourrait servir d’instrument de mesure plutôt que de phynances.

Je ne cache pas qu’il me plairait d’être au moins le coauteur, à défaut d’autre chose, d’une dite « collection » conglomérant (je pèse le mot, masse) un ensemble de textes confinant à l’essai, ou critique, sans perdre de vue la pratique de l’écriture — de l’écriture comme on voudra qu’elle soit ou autrement « selon l’idiosyncrasie de chacun. »

L’ensemble, peut-être série ou au pire fonctionnel, serait comme un leg : encore faut-il que ses accessoires soient issus de la concertation et non pas d’une seule volonté. Deux biens ont d’avance fait l’objet d’une publication en ligne : ils témoignent déjà de claires intentions, si l’intentionnalité suffit, quelquefois, à donner des idées de ciment.

Je sais bien, trop, que le temps d’ici n’est pas aux rendez-vous hors des murs, mais il ne me paraît pas plus bête de créer les conditions d’un salon qui ne serait plus celui des refusés, ni celui des rencontres fortuites sans intérêt poétique. Mettons que le terme collection, en remplacement de celui de forum, convient à cette sorte d’amitié réciproque et poussons-nous au travail de ce… multitexte.

 

Collection "Masse Critique"

Masse Critique - No 2 - Je suis là pour vous confirmer que c’est un rêve - de Patrick Cintas [epub] - roman.
Masse Critique - No 4 - La selle, poème de merde - de Robert Vitton [epub] - poème...


  Critique en masse (et en France) par Patrick Cintas

Alors, lecteur, qui parlera

pour agir sur ce qui sera ?

A qui le premier la parole ?

Qui veut se risquer à ce rôle

et sur la rampe s’avancer,

comme à la barre des procès,

pour peut-être brûler ses ailes

et perdre alors sa clientèle ?

[suite ici...]

 


  Une sagesse à la fois joyeuse et solide par Patrick Cintas

C’est trop difficile. Je proteste ! au nom de M. Clapisson !
Villiers de L’Isle-Adam – Contes cruels.

 

La question est de savoir si je pense ou si je suis.

À vrai dire, je n’ai rien contre les forums de la Presse en ligne, ni contre ses cacographies, ni contre ses logogriphes, ni même contre l’énorme connerie qui s’en émane !

Après tout, nous sommes en démocratie, jusqu’à preuve du contraire en tout cas, même si Gayssot est un casuiste qui n’y a même pas pris plaisir, au joujou législatif pourtant bien dur et bien raide.

Certains chercheurs, ou curieux de nature, ne s’emploient-ils pas à observer de près ce phénomène pas si nouveau que ça qu’on intitule « forum » ? Ils y trouvent de quoi. N’est-ce pas ce qu’ils cherchent ? La race des chercheurs serait mort-née s’il n’y avait rien à trouver. Ils savent, et c’est ce qui fait d’eux des savants, qu’on y trouve à peu près tout ce qu’on veut y trouver. C’est le plus souvent sans surprise. Heureusement que ça l’est, sinon on se ramasse dans le fossé, comme un vulgaire automobiliste ou candidat malheureux au Tour de France, là même où l’artiste, sans chercher, trouve… ou ne trouve pas.

D’ailleurs est-il judicieux de prétendre interdire la pratique (peut-être aussi salutaire que l’adoption d’un animal domestique, d’un pokémon ou d’un enfant) du forum ? On peut, comme c’est le cas dans la RALM, en limiter l’usage aux écrivains, pourquoi pas aux graphomanes. Cette pratique de la modération a priori n’interdit pas une modération a posteriori dans d’autres organes où le ritualiste passionné voire con comme un balai peut laisser aller sa plume là où il a le désir de l’envoyer voir ailleurs.

Pas question ici de militer pour une idée de la censure.

Je suis toujours navré de constater que tel ministre court sur pattes prétend condamner à l’exil tel ou tel prédicant qui n’a péché qu’en parole ou en écrit, mais certainement pas par d’autres moyens qui en effet relèveraient alors de la vengeance, même si elle se montre en habit de justice —ce qui est toujours mieux accepté, toujours par les cons, que la justice elle-même telle qu’elle vient à l’esprit de l’homme moderne.

S’efforcer de donner un cadre strict à une revue, fût-elle numérique —et donc réputée inférieure en grade à la revue en papier qui, depuis belle lurette (Régis Debray), s’est changée en magazine et pire depuis que cette eau a coulé sous les ponts : en trombinoscope— n’a rien de commun avec l’exercice d’une idéologie qui fait le lit de sa littérature.

Les Clapisson de la poésie et du style ne sont pas invités ici. On les reçoit, mais en coulisses, avec toute la courtoisie convenue et la retenue qui s’impose. Par contre, les récits et autres manifestations du texte qui s’élèvent ne serait-ce qu’un peu au-dessus de la moyenne sont invités à marcher sur les planches et non point sur le pavé crasseux du retour à la case départ auquel se condamne d’avance le grimaud.

Au fond, si vous souhaitez, plus fort que fort, sortir de vos gonds voire arracher la porte avec eux, allez donc communier ailleurs ; c’est le même prix. La qualité en moins. Sachant que partout où on exige une certaine tenue, même scandaleusement dégueulasse, il faut posséder un bon outil de travail et ne pas hésiter à en donner le spectacle sans réserve ni conditions autres qu’humaines.

Cela dit, le printemps est noir et comme l’écrit Henry Miller « …je vous dis que je me fous complètement que le monde aille à sa ruine ou non ; je me fous que le monde ait raison ou tort, qu’il soit bon ou mauvais. Il est : et ça suffit. Je le dis, non pas comme un Bouddha accroupi sur ses jambes croisées, mais inspiré par une sagesse à la fois joyeuse et solide... »

La RALM vous invite donc à parler avec votre cœur (joie) et votre cul (solidité), des enfants qu’on broie, des pauvres qu’on vole, des vieux qu’on oublie, des soldats qui crèvent, etc., la liste est interminable, dans un cadre aujourd’hui amplement commenté par le journaliste et son suçon le forumiste, que vous soyez chercheur, propagandiste (historien) ou artiste dans votre genre.

[À suivre ici]

 


  Ah les réseaux ! par Jean-Michel Guyot

Prendre la parole pour espérer exister aux yeux et aux oreilles des autres : une demande de reconnaissance ?

Un jeune prof qui aurait choisi l’enseignement pour quémander attention et amour relève de la psychiatrie ; tôt ou tard, ce sera le HP avec à la clef une sévère décompensation.

J’en ai connu quelques-unes comme ça qui ont mal fini, alcoolique SDF pour l’une à Bailleul et l’autre prof de physique cataloguée schizophrène. Une troisième, prof d’anglais au collège de Bailleul aussi, qui s’était dépoitraillée devant ses élèves avant de se « répandre » à demi-nue devant le collège ; le HP était à moins de cinq cents mètres, ce fut facile de l’y transférer !

La misère psychologique n’excuse rien : prendre la parole pour exister n’a aucun sens, si l’on n’a rien à dire de conséquent, et ne peut être conséquent que ce qui est travaillé par une pensée soutenue par un langage parfaitement maîtrisé.

L’espèce d’écriture automatique au rabais que pratiquent les logogriphes - un terme très apprécié par Baudelaire ! - serait excusable voire intéressante si le langage y était maîtrisé, or ce n’est pas le cas. N’est pas Breton qui veut, n’en déplaise aux démagos qui prétendent que tout le monde a du talent ou, pire encore, qui prétendent que la prise de parole est reine, talent ou pas.

J’entends que la parole qui émane des cons ne règne que sur les esprits faibles, les imbéciles et les cons de service contents d’eux. Je les ignore et je les méprise.

Les réseaux asociaux ne polluent pas la pensée, ils ne font qu’encombrer un espace noétique secondaire mis à la portée de tout le monde.

Cette espèce de défouloir où s’expriment des idées à deux balles est censé répondre à un besoin d’expression démocratique, et sans doute est-il préférable de laisser délirer les cons plutôt que de se farcir une censure d’état à la chinoise ou à la russe tout aussi débile, débilitante pour être précis.

Nous en sommes là.

Le monde tel qu’il est, rares sont ceux qui sont capables de le tolérer sans en faire leur miel. Il faut bien que la merdasse serve à quelque chose ! Alors analysons !

Je préfère pour ma part un Henry Miller dont Georges Bataille prenait la défense avec virulence au moment où Miller était attaqué de toutes parts aux USA et en Europe. Ces deux-là ont su, chacun à leur manière, faire avec, et de brillante manière, au lieu de se lamenter sur le sort du monde.

Analyser les idéologies est nécessaire mais non suffisant, c’est comme pétrir à longueur de journée de la merdasse bien grasse et bien puante en espérant en tirer au passage quelques perles comme lorsque l’on lit, affligé, des copies de bac - qui offre, soit dit en passant, un formidable sottisier - et dans l’intention louable de dégager des tendances idéologiques qui permettent de se faire un tant soit peu une idée de l’état de l’opinion publique à un instant T, à condition de ne pas oublier que vingt pour cent de la population, à tout casser, se lâche sur Twitter.

L’opinion publique n’est qu’une fiction utile à ceux qui veulent en imposer et s’imposer dans le débat public, un débat qui passe au-dessus de la tête du grand nombre. Les super-cons mènent les débats !

Une certaine sociologie tire aussi son épingle du jeu, comme le souligne Patrick Cintas ; il faut bien faire carrière ! Je me souviens d’un professeur de fac à Strasbourg qui nous avait avoué lors d’un séminaire combien il était las d’étudier les idéologues allemands contemporains et heureux le soir venu de pouvoir se plonger dans la lecture de Nietzsche ! Au moins lui restait-il quelques forces à consacrer à un auteur qui méprisait férocement les idéologues pangermanistes et antisémites de son temps !

Alors ma foi, libre à vous ! Pour ma part, les réseaux sociaux/asociaux, je préfère les ignorer purement et simplement, n’ayant aucunement l’intention de perdre mon temps avec des fadaises, des raccourcis mal ficelés, des pensées sans suite, des galimatias.

L’art de l’ellipse n’est pas donné à tout le monde ; il revient à ceux et celles qui ne perdent pas leur temps à donner des leçons et à sermonner qui leur déplaît. L’ellipse est une politesse de la pensée : elle consiste à créditer son interlocuteur ou son lecteur d’une intelligence, d’une finesse d’esprit et d’une culture qui, hélas, fait défaut au plus grand nombre.*

 

Jean-Michel Guyot

21 août 2022

* C’est l’éditeur qui souligne.

 


  Sus aux sujets d’actualité ! par Patrick Cintas

A droite, on s’énerve sans retenue parce qu’une militante d’extrême gauche a reçu le prix Nobel. Un peu et même tout à fait comme à l’extrême gauche on se réjouit de savoir que Louis-Ferdinand Céline n’en profitera jamais. Et l’art dans tout ça ? En voilà un sujet de forum ! Et pas des moindres.

Autre sujet traversé d’hypocrisies et de jalousies, par les salauds et les minables qui se croient propriétaires du sol où ils chient, la guerre, là-bas, chez ces cons d’Ukrainiens qui ne savent pas que Gogol était russe et que sans Pouchkine il serait devenu fou avant même de s’intéresser au nez de la connerie humaine. Sans parler du « nègre » qui a donné Pouchkine au monde. En attendant un débat académique sur le sujet (la bourgeoisie ukrainienne adore les académies), la cruelle Russie détruit tout ce qui peut sauver au moins la vie des gens du peuple, électricité, eau, nourriture, soins, sommeil, et cela bien avant que de médiocres saboteurs aient fait bobo à un pont. La belle excuse ! (le mot prétexte serait plus juste) Et les chars occidentaux qui n’arrivent pas tandis que la perspective de l’hiver alimente la peur. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Il ne faut pas être sorti de Saint-Cyr pour comprendre, et pourtant nos généraux d’opérette y vont de leur lyrisme de pacotille, comme si la guerre n’aura pas lieu et que le moment est propice aux affaires qui rapportent du fric, des médailles et jusqu’à de la considération nationale. Fils de pute ! Sans parler des journalistes qui vendent leur peau et des politiciens qui ne s’aventurent pas plus loin que leur mandat de merde démocratique, car il faut faire la différence, sadat ou sadati, entre la démocratie qui sent bon et celle qui sent comme vos culs d’assis et de bavards. Et l’académie Nobel, l’autre comme on dit en Suède, qui fricote avec la connerie dès qu’il s’agit de paix. C’en est pas un beau sujet de forum, ça ?

Ça en fait deux. Et c’est déjà beaucoup. Sauf que c’est pas facile de trouver les mots qui vont avec. Bientôt, on parlera de raser le crâne des poètes qui sentent bon. Et les raseurs ne seront gênés dans leur mouvement que par la merde du fond de leurs culottes. Car ils ne seront pas sans, de ça au moins on est sûr. Et d’expérience. Vive Ernaux, Zelenski et Blek le Roc !

Et c’est ainsi qu’Allah est grand ! comme disait Vialatte* pour conclure en attendant de recommencer, définition même du forum…

 

* Chroniques de La Montagne, chez Robert Laffont.

 


 

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