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En guise de postface Lettre de Fabrice PETIT à Pradip CHOUDHURI
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 Article publié le 11 juin 2007.

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Le 24 Septembre 99

Mon très cher Pradip,

Pardonne-moi ce léger retard, mais je pense à toi - et merci tout d’abord (...) pour Poésie-religion que j’ai lu comme on tente de percer les secrets de la lumière : magnifique ! extraordinaire ! ce n’est pas un « Manifeste », non, rien à voir avec le catalogue inepte de quelques préceptes dogmatiques qui caractérisent les « mouvements littéraires » (« mouvements » qui prônent en fait la stagnation et font de la paraplégie l’état idéal du poète !) - ce texte, c’est la manifestation organique du phénomène de vivre - et vivre est un phénomène naturel au même titre qu’un cyclone ou un raz-de-marée, que la rotation des astres ou la dissolution des matières dans le grand bain acide et CHAUX de l’univers ! vivre, c’est ressentir la nécessité absolue - jusqu’à la possession, la hantise - den exprimer les délices, les délires et les violences, c’est la formidable collision des contraires, des formes arbitraires (et la forme « humaine » elle-même est parfaitement arbitraire !), c’est joindre sa voix aux voix innombrables qui hurlent, chantent, gémissent et rigolent dans la déflagration spirituelle où nous naissons, mourons - sans savoir ; en plein mystère. Exigence divine ET luciférienne de vivre une vie plus vivante, en corps et en âme, dégagés enfin de toute obscénité, de toute bienséance, dans l’exercice le plus simple et le plus direct de la parole - dans l’exorcisme constant, apprendre à conjuguer les verbes très irréguliers de ses aspérités intérieures, de ses peaux granuleuses, sans jamais oublier ; jamais, que tout nous précède, tout nous survit et que l’esprit n’est d’aucun siècle et n’appartient à personne. Voilà quelques simplicités authentiques qui ne cessent de nous éclater à la figure ! Inutile que je revienne sur tous les points importants que tu soulignes dans ce texte - disons pour faire court que tout ce que tu écris là je le pense aussi et que je suis ok sur toute la ligne : universalité de notre condition qui nous permet de tout connaître des métamorphoses des êtres et des choses ; la vacuité « moderne » du langage auquel nous avons pour rôle de redonner un coup de sang ; la nature primitive du bipède, aussi civilisé soit-il ; le caractère « redoutable » de tout homme, poète, aventurier, etc., qui lance à tout-va un énorme « je vous emmmm-merde ! » ; la poésie au sens large, telle que tu la définis, et telle que je la comprends aussi (= tout effort exigeant de mise en forme de cette nécessité que nous savons : la vie), la « poésie » donc en tant qu’ultime religion, civilisation intérieure aux architectures diverses, où tous les moeurs sont possibles, et possibles tous les élans créateurs. J’y crois, oui - je crois en la réalité intacte de ce langage télépathique qui fait voler en éclats les apparences, les appartenances et grâce auquel nous accédons au fond archaïque d’une parole universelle. Les mots ont en définitive moins dimportance que l’esprit que nous y mettons ! cest donc cet esprit qui est à saisir et non point de savoir si tel ou tel mot est « obscène » ou « laid », etc., ce qui n’a strictement aucun sens ! tu l’écris très justement ! comme si un anatomiste s’acharnait à nier la totalité du corps simplement parce qu’en des membres constitutifs dudit corps - le pied, les oreilles, etc. - lui semblerait « obscène » ! Ailleurs, tu parles de « lutte des classes », j’entends bien que tu emploies ce terme dans la perspective sociale, mais pour autant je donne un autre sens à « classe », en français « la classe » est aussi synonyme de distinction, d’élégance - « avoir de la classe » ! et bien je crois que c’est surtout en ce sens, vois-tu que nous devrions parler de lutte des classes », car il s’agit bien (le cela : mettre un terme au règne totalitaire des vulgarités par la restauration du sens, des significations et des (Ions sensoriels que Dame Nature nous a donnés. Comme toi, je suis arrivé il a des années déjà à la même conclusion : « tous les problèmes du monde moderne » sont linguistiques, ça c’est très très important car quand on comprend ça, dès lors on possède LA clé ! LA clé bonne pour toutes les serrures ! Un PASSE-PARTOUT en somme ! Ce qui explique pourquoi nous pouvons ouvrir toutes les portes, pénétrer dans toutes les pièces, toutes les demeures, quil n’existe au monde aucune enceinte, aucune forteresse inviolables, ni domaines réservés et nul lieu où nous ne puissions être. Cette faculté de passer partout donne à nos écrits une spontanéité comme un bain de jouvence, et c’est dans la maîtrise de cette faculté de renaître dans le hululement d’une simple chouette que nous entrons dans la danse, dans la mouvance du monde. Lenjeu ? Nous réapproprier un vocabulaire quune pratique stérile et niaise a lamentablement galvaudé, appauvri, fait dégénérer. Cette analyse je l’ai menée, oui, il y a quelques années au vu de ce qui se passe ici même en France - jai remarqué un jour que le véritable combat se situait au plan du langage, des mots, etc. et que les même mots ne possédaient absolument pas la même signification selon la densité spirituelle ou lindigence intellectuelle de ceux qui les utilisent. Pour ça, nombre de crétins m’ont étiqueté « réactionnaire » ! Alors qu’il s’agit au contraire d’un appel à la liberté, d’une mise en garde ! Qu’il s’agit de dire attention ! Prenez garde ! Ne vous laissez pas contrôler ! N’acceptez pas ces mots mille fois entendus, vidés de tout sens ! Reprenez-les à votre propre compte ! Faites leur rendre tout le jus quils contiennent ! », etc. - car la parole juste est oeuvre de transmission : mission à travers (trans), à travers les siècles - n’est-ce pas la définition de cet « éternel Maintenant » auquel tu te réfères ? Dire, écrire, c’est toujours vivre, cest être, cest la vie même ! Cest le saisissement que nous avons d’une vie d’arbre, de chien ou de papillon, c’est l’entendement au vol dans le sillage des anges et des putains de la terre et du ciel de TOUT destin, de la nature biographique du moindre brin d’herbe que nous saisissons alors fixé en quelques mots selon les lois du graphisme biologique qui est le nôtre ! - Oui, tant de choses mont frappé dans ton texte comme si je lavais écrit moi-même (et ce nest pas le moindre de mes étonnements que de constater que nous sommes parvenus aux mêmes conclusions, aux mêmes connaissances chacun de son côté - ce qui est bien la preuve que nos appartenances, que ce que nous vivons au quotidien, etc. n’entrent absolument pas en ligne de compte ! tout ce qui réduit l’être aux apparences, à son vestiaire, tout cela n’est que mensonge !) et là encore je t’approuve : une « histoire » de la littérature est impossible (et toutes les sommes académiques à ce sujet sont complètement débiles !), ça n’a rien à voir avec la réalité et la vie ! Or seules la réalité et la vie nous intéressent, et tu l’exprimes de façon bouleversante : « la vie est le seul idéal de la vie ». Tout est dit. Le reste c’est de l’opinion, du dogme à pas cher, du credo de merde, du grouillement (le crasse, du n’importe-quoi démagocratique, rien donc, zéro. Nous autres avons pour mission de transmettre à travers les âges et à qui veut l’entendre (et rien ne dit que notre voix ne portera pas aussi, loin dans ce que nous appelons le « passé » !) un peu de cette parole assez forte pour « faire mourir la mort », faire taire le non-sens, annuler les fausses dualités, et remettre au goût du jour le bon goût de vivre dans l’éternité, le tout, oui, avec une certaine élégance, une certaine « classe » - restaurer le sens de la société naturelle et des solidarités que cela suppose entre les hommes eux-mêmes restaurés dans leur nature « redoutable ». Être encore « plus ordinaire que l’homme ordinaire », oui, dans « l’effacement de l’individuel » et, dépassant cette « auto-torture diabolique », sans calcul, sans intérêt à rien, accélérer lallume que nous avons en un formidable tournoiement de métamorphoses menées au galop ! (...) Embrassades de France !

P.S. : Nous ne remportons, telles des victoires en nous-mêmes, que des libertés éphémères. Ce que nous abandonnons derrière nous, nos formes antérieures, ces traces sur le papier, tout cela n ‘est rien - seul compte ce qui nous anime et qui nous attend au tournant de ce qu’il nous reste à exprimer. Vrai ! nous n’avons pas le choix. Et si au final nous avons toute liberté de dire ce que nous avons à dire, c’est bien parce que notre parole renoue avec la réalité organique et universelle de ses origines. Dès lors, oui nous pouvons, d’égal à égal, parler aux étoiles. Vivre peut fort bien se révéler ni très rassurant ni très réconfortant, mais c’est vivre ! mouvements, ellipses et rotations !

Fabrice PETIT

 

 

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