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Histoire de Jéhan Babelin 42
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 Article publié le 28 octobre 2018.

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« Si vous ne sortez pas à temps,
Continua mon voisin magnanime,
Vous perdrez l’avantage de la surprise.
Il n’y a rien de pire en temps de guerre.
Ajoutez à cela
Que les chiens qu’on nourrit
Finissent par vous mordre
Pour en avoir plus.
Vous ne connaissez pas les chiens ! »

Alors soudain je me rendis compte
Que j’avais ouvert la fenêtre !
En plein jour ! À contrejour !
Le soleil dans les yeux
Et le cul sur une chaise.
Une vitre lançait
Des fragments de lumière
Qui ponctuaient mon invention
Comme jamais
Aucun oiseau
Ne l’avait fait.

Le chien qui était dans la rue
Avec les autres se retourna
Et cessa de les charmer.
Il grinça des dents, aboya,
Mais on ne l’écoutait plus.
J’étais apparu dans toute ma splendeur
D’homme assis sur une chaise
Derrière une fenêtre ouverte
En plein jour ! En plein soleil !
En plein dans la gueule du peuple !

« Il en faut, du courage,
Dit mon voisin lui aussi
A la fenêtre de sa maison.
Je le reconnais volontiers,
Moi qui fus fonctionnaire
Et délateur à mes heures.
L’heure, c’est l’heure !
On approche de la mort !
Il n’y a rien de plus mortel
Que l’ennui des autres
Quand il s’agit d’en apaiser
Les effets destructeurs.
Je connais ça, j’ai bien vécu ! »

Et en effet, levant mon cul,
Dix centimètres au-dessus
De la paille tressée
Par un Gitan de mes amis,
Je sentis l’odeur de la mort,
Une mort flamenca ou mora,
Je n’aurais pas su le dire,
Mais c’était elle
Et le peuple de la rue,
Avec son chien et ses chansons,
Recula en se tenant la langue.
La mort se lisait dans mes yeux.
Je ne connaissais qu’elle
Et elle les regardait.
Je ne tuais pas, je jouissais,
Le cul à ras de la chaise
Et la queue en l’air
Entre mes cuisses gourmandes
Comme jamais elles n’avaient
Désiré que je fusse
Le seul objet digne d’attention,
Du moins dans les limites
De la cité
Que j’habitais
Alors.

Je peux l’avouer maintenant :
Il est très agréable
De ne plus être contraint
De violer, de tuer, de réduire
A l’état d’excrément
Tout ce qui se présente
Sur le seuil de ma maison.
Priape m’en est témoin.
Je m’endors sur le dos.
Je rêve que je suis éveillé.
Je ne crains plus
De ne pas trouver de quoi dormir.

Certes, je n’étais pas dehors.
Le dehors se contentait
De caresser mon visage.
Il devenait brise d’azur
Pour flatter mes journées.
Et si quelque passant
S’attardait dans la nuit,
Il assistait à mes jets
Et revenait chez lui
Pour en émerveiller les autres.

 

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