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Quel délire d'existence ! La chiasse de Roger...
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 Article publié le 23 septembre 2018.

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Quel délire d’existence ! La chiasse de Roger en était la métaphore et la nuit qui s’ensuivit l’abolition de toute cette rhétorique. Fred n’en parla à personne. Personne n’en saurait jamais rien. Il ne rentra pas chez lui. On le ramena. Dans quelles circonstances ? Roger en avait perdu le sens de l’humour. Il arpentait le Bureau quand deux flics amenèrent la carcasse tremblante et humide de son protégé. Il était quoi… six heures du mat’. Il ne s’était pas changé, ce qui signifie qu’il portait encore sa tenue de pêcheur (un treillis satin 300) et qu’il sentait toujours la merde. Les deux flics, abrutis de nature mais surtout par la nuit blanche, se méfièrent de Roger qui grondait en serrant mâchoires et poings. Ils s’apprêtaient à le tenir à distance quand Fred leur échappa pour se jeter dans les bras de l’inspecteur qui fondit en larmes en même temps que lui. Blasés, les deux flics consultèrent l’horloge accrochée au linteau du Bureau. Encore dix minutes, dit l’un d’eux.

Roger entraîna Fred dans un placard à balais. Fred se boucha le nez. Il ne sentait pas bon lui non plus, mais rien à voir avec la merde. Il avait dormi dans le compost au pied des pins.

« Alors… ? dit-il car seul Roger savait ce qui s’était passé ensuite euh… je veux dire avant.

— Alors j’ai chié parce que ça pressait ! Et puis je t’ai cherché. Forcément dans la mauvaise direction puisque c’était la bonne ! Quand je suis enfin arrivé au Bureau, la clé était sous la porte. Tu parles d’une compagnie d’horlogers ! Et qui que je vois en me retournant si c’est pas cette fille avec son smartphone et son air de poufiasse qui compte bien tirer les marrons du feu ! Elle était accompagnée de cette connasse de Burelle à qui elle avait tout raconté !... Ah ! mes aïeux ! J’ai cru m’évanouir. Burelle m’a aussitôt mis les photos sous le nez.

— Mais quelle importance… ? On n’avait rien fait de mal. Juste chier et pêcher… Tout le monde fait ça dans la nature. Yen a même qui pêche pas. Ça s’est déjà vu…

— Et le pétard, nom de Dieu ! T’oublies le pétard.

— Mais je l’ai pas montré !

— Je te parle de celui que je tenais dans la main ! Mon arme de service. J’ai tiré, merde ! »

Sur ces mots, Roger s’effondra au fond du placard. Il formait un petit tas de vêtements entre les jambes de Fred qui ne savait pas ce qu’il fallait en penser. Il eut une idée :

« Ya pas de son sur une photo…

— Mais yen a dans les vidéos, fit la voix étouffée de Roger.

— Ça prouve rien…

— Ah mais si que ça prouve ! Burelle m’en a toujours voulu, alors… »

Bref, Roger n’expliquait pas l’actuelle situation. Fred s’accroupit un peu sur le tas de Roger. La porte, compressée, s’ouvrit violemment heureusement pas de témoins pensa Fred en s’arcboutant pour la refermer.

« Qu’est-ce qui va arriver maintenant ? pensa-t-il en même temps qu’il le disait.

— Faut que je justifie le pétard… En menacer ces garces est admis par les usages. Mais tirer est une faute…

— Grave ? fit Fred qui se sentit soudain responsable.

— Grave pour qui… ?

— Pour moi ? »

Fred n’en revenait pas. Roger l’avait accusé entretemps. Mais de quoi ? Il tenta de deviner le scénario, mais son esprit se refusait à négocier avant d’en savoir plus. Il écrasa doucement la tête de Roger sous son genou :

« Qu’est-ce qu’elle a raconté cette connasse ? beugla-t-il dans ses mains en porte-voix.

— La vérité… Mais ensuite on a arrangé ça avec Burelle. Elle manie bien Photoshop. Et maintenant, ça a du sens. Ah que ouais que ça a du sens ! Sinon on comprenait plus rien…

— Je vois… » fit Fred en sortant du placard.

Il ne voyait rien. Il ne s’efforçait même pas de voir. Il traversa la salle d’attente puis tout le Bureau des Vérifications. Il entendait les semelles de Roger lutter contre la cire fraîchement déposée.

« Tu n’as nulle part où aller ! »

Encore une mauvaise nouvelle… À ajouter non seulement au coup de feu mais encore à la prise de possession du flingot. Burelle avait sans doute achevé le rapport. Elle le tenait, son Roger ! Par la peau des couilles. Il n’avait pas hésité à la vendre. Fred atteignit le hall d’entrée. Un pauvre type en balayait la surface. Il le salua et l’autre lui rendit son salut.

« Tu ne comptes tout de même pas sortir dans cet état ? »

Fred s’en fichait de son état. Il prit la rue principale, la 7e, et pressa le pas dans la 4e. Les vitrines défilaient comme les vitres du métro. Roger suivait, haletant. Mais soudain il s’immobilisa. Fred parlait à une fille au coin de la 4e et de la 5e, devant un bureau de tabac qui fait angle. Roger se tapit aussitôt derrière un kiosque à journaux. La fille parlait à Fred maintenant. La brume du matin s’interposait entre Roger et eux. Il tenta de s’approcher, mais le vendeur de journaux n’aima pas qu’un individu rampât au pied de son comptoir aux alouettes. Il l’interpella durement et Roger exhiba sa carte. L’autre enfourcha ses lunettes et tiqua. Roger avait tellement l’air de pas en être que l’aboyeur en conçut un bras d’honneur dont le cubitus s’avéra être une matraque connectée.

« Ah ! Merde ! s’écria Roger en sortant son pétard. Tu veux que je recommence ? »

L’autre s’enfouit dans un sac juste à la sortie de son kiosque. Fred et l’amie de Martine (car c’était elle, ce que Roger ne pouvait pas affirmer tant que durerait ce brouillard matinal) assistaient à la scène en se demandant si c’était à cause du brouillard ou de leur imagination. Roger, s’étant assuré toutefois que la sécurité était mise, rampa sur le trottoir dans leur direction. Fred, apercevant le pétard, craignit le pire. Il jeta un regard autour de lui pour s’assurer que personne ne filmait la scène.

« Ils en font ce qu’ils veulent de la réalité ! expliquait-il à l’amie. Je ne souhaite à personne de se retrouver dans cette sale situation ! Mais nous sommes tous concernés, n’est-ce pas ?... »

Il chercha son nom dans sa mémoire puis se rappela qu’il n’y figurait pas. Pas encore, espéra-t-il aussi vite que Roger fut sur lui. Ils roulèrent. L’amie poussa un petit cri puis se ravisa. Le vendeur de journaux avançait prudemment dans le brouillard. Fred, pris au collet, scruta l’épaisseur qui l’encerclait et même se rapprochait pour occulter le Monde. Pendu à son cou, Roger ahanait. La crosse du révolver s’abattit sur le crâne de son protégé. L’amie de Martine se demanda instantanément si elle était témoin de la scène ou si elle la quittait en catimini. Mais son cœur éprouvait déjà des sentiments pour Fred. Elle désarma Roger et le menaça.

 

Voyez comme une seule phrase vous change tout. Elle ne désarma pas Roger et n’eut donc pas à le menacer avec le pétard. Elle lui demanda s’il était flic et il répondit :

« Demandez-le-lui ! »

 

 

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