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Histoire de Jéhan Babelin 34
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 Article publié le 15 juillet 2018.

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C’est drôle,
Et même c’est chouette,
De passer son chemin
Dans ces circonstances
Somme toute ordinaires.

C’est même plus poétique
Que de violer une femme
Ou d’abuser d’un enfant.
On s’y retrouve tout entier !

Un jour après avoir tué
L’homme ou le temps,
Je ne sais plus
A quels saints je me vouais alors,
Je suis tombé
Nez à nez
Avec un homme qui poussait
Un chien
Au lieu de le suivre.
Il poussait et je suivais.
On allait dans le même sens,
Mais sans s’imiter l’un l’autre.
On se voyait différents
Et on se regardait
De la même manière.
Comme le chemin était étroit
Et que les arbres faisaient de l’ombre,
Nous clignions des yeux,
Lui à droite et moi à gauche,
Ou le contraire
Si le temps
Nous ramenait
Où nous étions
Avant de prendre la route
En compagnie
De deux chiens qui se ressemblaient
Comme les gouttes de rosée
De nos enfances respectives.
Je ne me souviens pas de son oiseau,
Ni s’il en avait un.
Je n’ai pas regardé si haut
En le voyant à ma hauteur.
Il m’a souri.
Je lui ai montré les dents.
Il a respiré l’air des fleurs.
J’en arrachais sur le talus.
Son chapeau était de paille.
Le mien volait entre les arbres.
Il me parla.
Je me tus
Pendant tout ce temps.
Et quand nous eûmes franchi
Assez d’espace
Pour nous rapprocher l’un de l’autre,
Nous nous embrassâmes
Sur la bouche pour commencer
Ce qui allait bien se finir
Par un poème ou un enfant.
Ensuite,
Une fois l’acte consommé,
Nous nous assîmes sous un arbre
Sans nous occuper de nos oiseaux
(Ou de mon oiseau s’il n’en avait pas,
Ce que j’étais toujours incapable de dire
Ni de chanter).
Pendant qu’il parlait
Et que je ne parlais toujours pas,
Je pensais à Jéhan Babelin,
A son village ou sa cité,
A sa maison, à son tombeau,
A tous ceux qu’il avait quittés
Quand son chien sans crier gare
S’était enfui sans rien laisser.
Moi, si j’avais été lui,
Je lui aurais couru après !
Et je l’aurais rattrapé.
Je l’aurais enfermé dans sa niche.
Et c’est moi qui l’aurais mordu
Pour lui apprendre la leçon !
Mais tout ceci n’est pas arrivé
Et pendant que l’autre
Me raconte
Ce qu’il a été,
Ce qu’il est
Et ce qu’il deviendra
Si je ne l’aime pas,
Je pense à ce que j’aurais pu inventer
Pour remplacer chien et maison,
Mère et tombeau
Et même père !
Je pense que je n’aurais pas dû.
Mais je l’ai fait !
Rien n’a pu m’en empêcher.
Et j’ai suivi le chien
Au lieu de le pousser.
Voilà comment ça arrive.
J’en avais oublié les cris
De la femme ou de l’enfant
Que je venais de pénétrer
Avant d’être pénétré moi-même.

Ensuite tout a disparu.
Sauf le chien et l’oiseau
Qui volait comme un linge
Un jour de très grand vent.
Tu parles d’un vent !
La mer parlait à la montagne,
Emportant d’autres animaux
Vers les sommets neigeux
Et les nuages cotonneux.

 

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