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Article publié le 8 juillet 2018. oOo Moi je passais par là, Complètement inventé. Par qui ? Mais par le chien ! Le chien m’inventait et, Vous n’allez pas me croire, Je vivais d’existence !
Je fus complètement surpris De m’étonner ainsi, Tout nu dans la forêt Des symboles les mieux gardés.
J’étais un homme hérité ! Un objet de chien en vadrouille. Au-dessus de nos têtes volait L’étrange créature de nos rêves.
Car le chien et moi Partagions cet espace Où il est donné A certains malfaiteurs D’exister et de vivre En même temps.
Sans Babelin nous étions trois. Un chien, un être et un vivant. Vadrouillant, cheminant, Sous les arbres ou sans, Dans le soleil ou la nuit, La pluie, le vent, les hommes, Beaucoup d’hommes qui Ne nous ressemblaient pas Tellement ils vivaient De ne pas exister.
Moi, que voulez-vous ! J’ai cru que c’était le grand amour. Celui dont parlent les romans. L’amour à trois Comme en religion. Le vrai, le faux et le possible. Ou le contraire et l’improbable. J’y pensais mais comme on vit, Sans trop me faire de souci Quant à la cohérence Des faits et des trouvailles.
Le chien parlait comme je parle. L’oiseau lugubre avait plus l’air D’un oiseau qu’autre chose. Et le monde nous appartenait, Un peu comme la terre Contient la totalité des morts.
Le matin tout était clair. Le soir on était gris Et la nuit nous voyait noir. Jamais je n’avais voyagé En compagnie d’un chien Et encore moins d’un oiseau Qui faisait tout ce qu’il pouvait Pour ressembler à ses ailes.
Nous parcourions toutes les distances, Clairs, gris ou noirs Selon les circonstances. Et à force de tout pouvoir, Nous nous sommes souvenus De tout.
J’ai dessiné le profil De Jéhan Babelin Sur le miroir D’une onde Où l’araignée traçait D’autres ondes. J’étais seul alors, Sans chien, sans rêve, Sans rien à dire aux autres. Presqu’enfant et déjà vieux. Comme si l’existence Ne connaissait Que l’enfance et la mort prochaine. Rien d’autre Que cet amour insensé Qui volatilise le présent.
J’étais devenu un autre homme. Je me prenais pour un arbre. Ou pour un fleuve entre les arbres. Quelquefois même je voguais. Je me laissais aller. Je ne pensais plus, j’étais. Et le plaisir m’envahissait Comme les parfums du printemps Qui valent bien ceux de l’automne.
Il fallait bien Que je me raisonne Pourtant : Si je n’étais plus Ce que j’avais été, Je n’étais toutefois pas Ce que je rêvais d’être.
Je ne troublais pas La surface de l’eau, Car ce n’était pas moi Ce personnage Qui n’était plus Ce que j’avais été. Je suis plutôt la tragédie De ce que je ne serais jamais.
Et cela me plonge Dans d’horribles souffrances. Si mon visage n’existait pas, On ne pourrait pas En mesurer L’intensité. Hélas je suis Comme les autres Et l’apparence Trahit ce qui M’en différencie.
La forêt épuise les symboles. Je voyageais avec Le chien de celui Qui ne m’avait pas connu Mais que j’avais accompagné Depuis le jour de sa naissance.
L’oiseau qui virevoltait Comme s’il nous appartenait N’était peut-être Qu’un cerf-volant. Qui sait Si à ce moment Précis de ma vie Et de mon existence, Je n’étais pas l’enfant Que personne ne désire… ? Qui sait ce genre de choses ? Même le chien Qui a nom Nano Et qui a appartenu A Jéhan Babelin Ne peut répondre A cette question tournoyante Comme un oiseau Sorti des rêves Pour occuper Cette place dans le ciel De nos divagations.
Nous voyageâmes longtemps, Que nous fussions trois, Ou seulement deux, Ou même un si je suis moi. Je voyageais ou je rêvais. Je rencontrais d’autres animaux, Ce qui me changeait De l’ambiance municipale A laquelle le citoyen ordinaire Soumet son apparence Et ses possessions.
Je ne sais pas S’il vous est arrivé De rencontrer Autre chose Que la vie… Je ne sais rien de vous, Sinon que vous êtes un homme, Ou peut-être même une femme, Voire un enfant vieilli Comme ne peut rajeunir Le vieux qui s’apprête à mourir. Je suis sincère Quand je vous dis, Quand je vous chante Que ce qui m’est arrivé Ne vous arrivera pas.
Bien sûr j’ai rencontré D’autres hommes que le chien Et son épouvantail volant. L’homme me disait alors : « Il est à vous ce chien ? » Je ne répondais pas, je disais : « J’ai connu d’autres chiens, Monsieur, Mais rien de comparable A celui que vous voyez En ma sinistre compagnie. J’ai tué trop d’hommes Pour ne pas en arriver là ! » Et alors ils vous regardent Comme s’ils vous avaient déjà vu, Quelque part dans la forêt De leurs jardins municipaux. Vous y étiez vous aussi, Mais vous avez bien changé depuis ! |
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