Je confesse avoir pour ce genre de littérature une curiosité d’autant plus stupide que chaque fois que j’y succombe, j’ai la conviction d’avoir perdu mon temps tout en enrichissant Mr Messier ( ou autre chevalier d’industrie ).

Et pourtant, il suffit qu’une image m’accroche, pour que, telle la banale toxico du coin, j’aille , toute honte bue, acquérir l’OBJET , le journal féminin.

Évidemment, je n’honore pas de ma clientèle les endroits où on risquerait de me connaître ! non, c’est dans le plus parfait incognito que j’entre dans un « tabac-presse » de campagne et que je murmure le nom de l’objet de ma convoitise.

Ce n’est pas que je nourrisse des idées d’indignité par trop prégnantes, mais lorsque j’accomplis cette expédition, je cache mon visage et déguise ma voix au cas où...

Et de retour à la maison, je dissimule du mieux que je peux l’ignoble torchon sous un tapis ou derrière un meuble.

Hélas, je suis distraite , tu le sais. Et il arrive toujours qu’un familier tombe sur le magazine honteux et me dise étonné : « Tiens, tu lis ça toi ? ». Je prends alors mon air le plus désinvolte pour interroger :

 - « ça quoi ? »

 - Ce canard, demande le familier.

Et moi, de plus en plus désinvolte de rétorquer ironiquement : « Oh non ! C’est pour la salle d’attente »

Bien, chacun comprend que je fournisse à de supposés sinistrés des circonvolutions de quoi patienter sagement que vienne leur tour .

Il est arrivé qu’un familier plus familier que les autres aie l’air de mettre ma parole en doute. Alors j’assène royale :

 - C’est la femme de ménage qui m’a demandé de le lui prendre ».

Que l’excellente créature soit portugaise et illettrée me paraît secondaire dans l’urgence qu’il y a à me disculper du soupçon d’être la lectrice de çA...

Bref, ceci est ma faille, ma honte, mon péché.

 Je devrais dire « était » car depuis cet été je suis désintoxiquée , guérie blanchie et durablement vaccinée. En effet, alors qu’à l’abri des regards et délicatement bercée dans mon hamac je feuilletais la revue en question, je suis tombée sur l’article grotesque entre tous , celui qu’un journaliste digne de ce nom devrait refuser de signer.

J’aime qu’à la rigueur on me dise comment rester éternellement belle, durablement jeune, dangereusement séduisante et irrésistiblement attractive. Je dévore les conseils diététiques , les promesses des patouilles à tartiner ; j’adore les leçons de mode et de séduction , même si je suis d’avance épuisée à la seule lecture de tout ce qu’il conviendrait de faire pour atteindre un tout petit résultat : régimes, gymnastique, fréquentation d’instituts qui vendent la beauté et les UV qui vont avec, et bien sûr le body building de rigueur. ( ils ignorent que moi je suis déjà construite et que rien n’est modifiable en l’état où c’est actuellement ).

Mais ce jour d’été, je suis tombée sur un article étalé en pleine page qui expliquait, photos à l’appui, les soins à donner ...aux poils pubiens ! Quelle coupe ? quelle couleur ? frisés ? raides ? il y en avait pour toutes les activités , pour toutes les humeurs , pour tous les goûts.

L’indignation qui m’a submergée m’a apporté la guérison en même temps que le rire : hénaurme,, Gargamellesque il retentit encore et secoue mon hamac. Mes chats en sont témoins !

Je te jure que je ne suis pas prête à rechuter et que Mr Messier ( ou autre chevalier d’industrie ) n’encaissera plus le moindre de mes écus...