Mon cher Sidulé,
Confirmation : mes cris dans le désert ne sont pas tout à faits vains. Certes ils ne font pas avancer le Schmilblick, jamais ils n’amèneront au pouvoir un seul politicien sans promesses mensongères, pas plus qu’ils n’empêcheront les religieux de tous bords de s’approprier nos âmes. Il faut craindre que ces trois désirs pourtant naturels soient étouffés pour l’éternité.
Par contre, ça fait du bien par où ca passe. Mes cris me libèrent de mes démons intérieurs d’écorché vif. Ils ne portent pas assez loin pour faire prendre conscience aux hommes décidemment vraiment sourds que l’espèce dont ils font partie, n’a guère plus d’importance dans l’univers que les grains de sable qui m’entourent.
Un fou rire m’a pris un jour en l’un des lieux les moins adapté pour cette manifestation humaine incontrôlable : un cimetière où le fils d’un ami, beaucoup trop tôt parti, allait se reposer en attendant la fin des temps. Une tombe pompeuse avoisinante ne portait pas les habituelles inscriptions mais les simples mots gravés en gros caractères :
PROPRIETE DE MARCEL DUPON.
Un tas de chair en putréfation fier de sa dernière demeure. Egoïste idiot pensant encore posséder quelque chose. Encore un des braves qui n’a pas compris que la terre ne nous appartenait pas mais bien l’inverse. Lui non plus n’a jamais eu plus d’importance que les grains de sable qui l’entourent, probablement y compris du temps de son vivant.
De mon coté, une dune semble s’approcher inéluctablement ; elle aussi veut profiter toute entière de mon modeste émetteur cérébral qui clame contre le vent la folie des hommes. Mes cuisses sont déjà presque immobilisées.
La péniche de ravitaillement ne s’est pas même donné la peine de me survoler hier après-midi, bof, ce n’est pas grave, il me reste de bon souvenirs à hurler aux quatre points cardinaux.
Bien à toi ami Sidulé et à tous les fous qui meublent ta vie. Il me vient cependant un doute. Tous ces poètes, chanteurs, musiciens, peintres, sculpteurs et autres artistes…..leurs fanfaronnades ne seraient elles pas mises en place par de hautes sphères, masquant ainsi leurs perpétuels méfaits ? Ne pensons pas à une telle abomination, distraire et faire rire les pôôvres bougres reste une œuvre nécessaire, sinon… quelle tristesse.
HENRI LANE