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Le gisant
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 Article publié le 30 avril 2017.

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Au réveil, les langues de feu gisaient au sol, palpitantes de vie.

Un gisant, dans un immense effort, était parvenu à se mettre sur son séant, peut-être pour regarder le spectacle, me dis-je dans un ultime effort d’avant-réveil.

Cette phrase résonnera encore longtemps en moi.

Il se tenait assis, roide et froid, sur la dalle endeuillée, la tête, qui avait dû être la sienne dans un passé encore lointain, solidement tenue entre des mains affreusement crispées.

Une fine, si fine couche de givre recouvrait tout l’intérieur de l’édifice étincelant. Des centaines de cierges dansaient dans la pénombre, balançaient en rythme leur langue de feuau passage de la créature.

Car c’est bien un passage qu’avait ouvert le simple passant qui s’était endormi dans l’église. Un simple courant d’air, une brèche dans le flux spatio-temporel interrompu par le passant devenu ce rude rêveur.

Il fallut attendre de longues heures avant l’arrivée du bedeau. Cette féerie ne cessa pas, lorsqu’il entendit grincer la lourde porte de chêne qui tourna lentement sur ses gonds, poussée par sa main de fer.

C’en fut alors fini des langues de velours, place à la rude parole aux accents prophétiques !

Le bedeau en fut médusé. Des langues de feu montaient un chant si doux, si enivrant. Les images ne pouvaient que s’abîmer dans les sons, et les sons résonner longuement dans la vacuité des images, mais l’édifice tenait bon, seuls les vitraux étaient plus ternes que jamais.

Une image de la mort de Dieu se faisait jour sans tambour ni trompettes.

L’image confuse embarrassa longuement le bedeau. Une cloche, puis une autre acheva de tirer du sommeil le rude rêveur endormi qui s’empressa de s’extraire discrètement du confessionnal où il avait trouvé refuge pour la nuit. Un zeste de prudence l’inclinait à fuir des lieux qu’il n’avait jamais aimé fréquenter, mais dont il savait que d’aucuns les révéraient encore avec ferveur, prêts à tuer les intrus.

S’étant bêtement endormi sur un arrière-banc, il s’était éveillé transi de froid au cœur de la nuit, avait trouvé refuge dans ce lieu maudit où, de confidences salaces en aveux humiliants, l’humanité christianisée avait achevé de pourrir.

Il douta quelques instants de l’existence de tout.

La féerie durait, sans pompes et sans fleurs. Une magie puissante exerçait sa rude loi jusque très loin, jusqu’aux confins de l’univers audible peut-être bien.

Assommé par le spectacle, il s’en retourna d’où il venait, en proie à une lancinante question. Pour ainsi dire morte sur ses lèvres, elle ne cesserait de bourdonner dans ses oreilles.

 

 

Jean-Michel Guyot

16 avril 2017

 

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