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Dictionnaire Leray
RATAGE

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 Article publié le 26 mars 2017.

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Il y a des livres nuls et des ;livres ratés. On ne doit pas les confondre. Le livre raté conserve la trace d’un projet, d’une idée, d’un motif certes parasité et annihilé par des défaillances sérieuses de style ou de structuration. Le livre nul n’a pas cette parcelle de lumière en lui. Il en est plus doux, plus acceptable. Rien ne lui présageait de perspective enchanteresse. Le livre nul tient avec constance son absence de promesse.

Le livre nul est donc une sorte de paradis auquel finalement il est peut-être aussi difficile d’atteindre qu’à la réussite elle-même. Le livre raté agace, irrite, excite l’imagination en faisant miroiter des perspectives jamais avérées. Le livre nul baigne dans la lumière faible mais sereine de son insignifiance. L’équilibre est précaire. Je crois que, dans la collection « Gore » que je pratique depuis de longues années, il ne m’a jamais été donné de lire un ouvrage aussi nul, au sens complet où j’entends ce mot désormais, que cet Effroi surgi des mers.

C’en est une réjouissance de tous les instants car on imagine mal à quel point le défaut d’invention, la faiblesse de composition, l’absence de cohérence générale, peuvent parvenir à former ensemble un récit complet, doté d’un début, d’un milieu et d’une fin également constitués (et liés entre eux) par les mêmes vices.

Il y a de merveilleux Gore, il y en a de médiocres. Des ratés, on en compte quelques-uns. Des mauvais, si l’on doit inventer une catégorie intermédiaire entre le nul et le raté, on en trouve. Mais je tiens qu’une pareille pureté ne se rencontre pas ailleurs.

L’horreur sous-marine est pourtant bien représentée dans la collection. C’est une thématique dangereuse car elle échappe à la condition initiale, plutôt terrestre, du gore. Elle entraîne donc son petit monde dans un univers plus proche du récit aventurier, voire du récit de voyage. Les autres s’en étaient plutôt bien tirés, malgré tout.

La texture narrative est le principal élément de dérégulation de L’effroi. Des créatures aquatiques dévorent tout ce qui vient à leur rencontre. On en trouve dans les canalisations des villes côtières, puis sur les plages... Le personnage principal – un journaliste devenu publicitaire – se fait ainsi dévorer deux doigts alors qu’il voulait déboucher les canalisations de sa maison.

Très vite la situation s’envenime : à travers le monde, des phénomènes analogues surviennent. Ici, c’est une enfant qui voit sa jambe disparaître alors qu’elle a les pieds dans l’eau ; là, ce sont les canards qui disparaissent un à un dans un lac et ne remontent jamais à la surface. Le phénomène s’amplifie et des gens sont bientôt dévorés ou atrocement mutilés à des manifestations sportives en particulier.

L’ancien journaliste est ainsi amené à renouer avec son métier d’origine puisque ses collègues le pressent de les rejoindre : le gouvernement a en effet entrepris de s’appuyer sur les médias pour résoudre l’affiaire qui, comme on l’apprend rapidement, résulte vraisemblablement d’essais nucléaires sous-marins illégaux.

L’enchaînement des événements est fascinant de par son degré élevé d’incohérence. Le phénomène d’abord très localisé s’étend somme toute rapidement. Jusqu’au bout, pourtant, des activités nautiques sont organisées, des voyages en bateau ont lieu.. . Les événements du monde ne sont certes traités qu’en arrière-plan, il appartient à un petit groupe d’individus de sauver la planète. Mais leur peu de consistance s’imbriquent avec une rare désinvolture dans le déroulement des faits.

 

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