On retrouva Babelin
Au bord du fleuve.
Il était tard.
Le soleil se couchait.
Babelin avait allumé
Un feu pour s’éclairer.
On vit le feu
De l’autre rive,
Celle où s’élève
L’Hôtel de ville.
« Si c’est pas Babelin,
Dit le maire en se mouchant,
Que j’aille voir ailleurs !
Prévenez sa mère ! »
La mère arriva
Sur les lieux.
Babelin s’était endormi.
Le feu s’éteignait.
Les oiseaux veillaient.
La nuit tombait.
Il s’en passait des choses !
Dit plus tard Babelin
A un collègue de travail
(si on peut appeler ça travail)
Et il ajouta
Avec une pointe de nostalgie
Qui lui transperça le cœur :
« Ce jour-là..
Le jour où… »
Pourquoi y penser encore,
Des années plus tard ?
Il ennuyait tout le monde
Avec cette histoire
Qui s’était bien terminée
Alors qu’elle était partie
Pour s’achever en tragédie.
Ce jour-là,
C’était la nuit
Et le jour se finissait.
Sa mère était arrivée
Sur les lieux.
Il dormait.
Il la vit cependant.
Il voyait dans son sommeil.
Il voyait tout.
Le passé, le présent
Et même l’avenir.
Il voyait et pourtant
Il n’avait aucune envie de voir,
Mais, n’est-ce pas,
Quand on voit, on voit
Et il n’y a rien à faire
Pour ne pas voir.
Ça, tout le monde le comprenait.
Mais ce jour-là,
Dans la nuit,
Que voyait-il ?
Tout le monde
Se posait la question,
Sur les deux rives du fleuve,
En amont comme en aval.
« Il est gris, » dit sa mère,
Croyant tout expliquer.
On passa le message,
Pointant le pouce vers la bouche.
Tout le monde comprit.
« Quand il est gris,
Dit sa mère sans larmes,
Il voit quelqu’un
Et ce quelqu’un l’empêche…
— L’empêche de quoi !
S’exclama le public.
— Qu’est-ce que j’en sais … ?
Murmura la mère.
— Vous êtes sa mère,
Tout de même !
— Il vous expliquera peut-être
Un jour… Qui sait ? »
Babelin profita
De cette conversation
Improvisée
Pour se réveiller.
On l’interrogea du regard.
Sa mère dit
« Tu l’as, la clé ? »
Babelin avait la clé
Dans la poche.
Il n’avait plus aucune raison
De se chercher des excuses
Pour ne pas aller travailler.