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Chanson d’Ochoa 2 - [in "Cancionero español"]
Le sang retombe sur la statue...

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 Article publié le 13 juillet 2006.

oOo

Le sang retombe sur la statue. L’Homme vole et se pose
Dans l’arbre. Beau visage de la tranquillité retrouvée.

De quoi suis-je rempli, moi paillasse d’apparences ?
De sang, d’organes, de sécrétions, de tentatives d’ex
Xistence moléculaire. Dans l’arbre, j’ai l’air d’un autre

Homme, et je le suis peut-être, peut-être cet homme moins
Discutable dans la conversation des femmes, un homme
Enfin réduit à sa parcelle d’acte perpétré sur terre.

Je n’agis plus, je sais. Je suis le critère d’extinction
Et le témoignage du retour à la réalité. Disloqué, mais
Intégralement rendu à la croissance de l’espèce d’homme

Que nous devenons homme après homme à la surface
De ce qui ne peut être qu’une profondeur inexplicable.
Moi mort, vous êtes vivants. Comme je vous ai aimé !

Alors l’Homme est dans l’arbre, projeté par le taureau
Et non pas motivé par la peur qu’il inspire. On sait
Tellement de choses sur les blessures et la souffrance !

L’Homme pend comme un fruit et commence la dé
Composition de sa géométrie. On s’attend à la graine,
Comme d’un pendu ou d’un fruit, une giclée à couper

Le souffle. Dans les arbres, on habite en spectateur.
Dans la rue, on n’habite plus mais on met un pied
Pour mesurer le risque. On claque la nuque des enfants.

On s’attend à un suicide ou à la pluie. Le soleil rend
Un son de branches frottées au vent. Plusieurs moteurs
Tournent au ralenti. Le taureau secoue ces parasites

D’une hallucination qui ne se laisse pas limiter par les
Murs. Plusieurs corps sont immobiles ou s’agitent comme
Des feuilles. Le taureau écrase encore, encorne, arrive,

Revient. Les rues sont barricadées. On a l’habitude, mais
Le taureau tue d’abord si on n’a pas de chance, il tue au
Hasard d’une poignée d’existences dont on ne sait pas plus.

Maintenant l’Homme est dans l’arbre, photographié au télé
Objectif, cadré, proie du grain qui élimine les détails épi
Dermiques. D’autres hommes proposent leurs masques

Pour ne pas être reconnus mais on reconnaît l’uniforme.
On en parlera à la Virgen del Pilar, entre la friture et la
Bière, une fois par an on parle de l’arbre et on explique

Mieux la présence de la garnison dans ces branches ensol
Eillées. En attendant, l’Homme continue d’être mort. Un
Jour, il sera le personnage de l’arbre et la chanson du

Taureau. Touillage des vérités. Il y a toujours un poète
Pour s’en charger. La statue est justement l’un d’eux, saignant
L’Homme aux entournures, plus vivante que jamais.

Hommes, s’il vous arrive ce qui ne m’arrive pas aujourd’hui,
Je veux parler de cette statue qui me ressemblera physique
Ment, laissez les oiseaux saigner et éjaculer, même conchier

Si c’est tout ce que j’inspire à vos constructions mentales.
Et si c’est une fontaine, que l’Homme y boive les noyades
De ma prose. Et si c’est une rue, que la femme l’arpente

Pour mesurer la distance qui me sépare d’elle. Quant à toi,
Taureau, que les oranges t’atteignent comme elles giclaient
Des arbres où j’étais mort, par rage et par impuissance.

Un coup de feu claqua. Le cuir tressaillit, pas plus. Puis
Une autre balle se logea dans l’oeil étonné d’un enfant
Qui ne jouait plus. Deux autres balles n’expliqueront pas

La maladresse. La main qui tenait le révolver tremblait
Dans l’arbre au bout de Ramirez qui ne croyait pas à la
Réalité de l’enfant ni à celle du taureau qui piétinait

Cette carcasse inachevée d’homme qui ne tient pas ses
Promesses. On lui crie, à Ramirez, qu’il cesse de tirer,
Mais il tire encore et la balle traverse une femme qui

Tombe face contre terre et ne bouge plus. Le taureau
Secoue la femme au bout de sa corne, comme un foulard.
Une épée ! crie un vieux que la fenêtre arrête cependant,

Vitre d’extase. Des cris de haine n’étonnent personne, pas
Même l’Homme qui bouge un peu et ne se vide plus.
Si j’étais taureau au lieu d’être poète, dit la statue, JE

Briserais le silence. Mais la statue rend un son de cloche.
Le taureau s’en prend aux apparences. Il a perdu le sang
De l’Homme en même temps que l’homme. Ne tirez plus !

Hurle don Felix qui monte dans le rideau et rencontre la
Libellule bleue. Une balle perdue revient dans l’arbre
Qui frémit à cette idée de mort miroir. Cessez le feu !

Crie un sergent qui s’écroule et voit le taureau grandeur
Nature avant de ne plus le voir. Un pare-brise s’étoile.
Est-ce possible, mon Dieu ? demande une vieille femme.

Qui est mort ? Qui est blessé ? Je serai ce taureau qu’on en
Cercle. Un enfant mourra ma corne dans le coeur et quatre
Autres personnes seront blessées à la limite de la mort.

Qui tuera le taureau ? L’Homme glisse sur le sang, lent
Ement. Le taureau voit le mort qui descend de l’arbre.
Je ne connais pas grand-chose de l’existence, comme

Un enfant palestinien promis au sacrifice. Je ne connais
Que la terre et le soleil et j’ai vu beaucoup d’arbres.
J’ai vu des arbres avec des oiseaux et des hommes.

L’Homme atteint le pied de l’arbre et se rassemble comme
Un feu qui s’écroule. Le taureau envoie ce paquet de l’autre
Côté de la rue, dans les vitrines bleues que l’Homme croise

L’air de rien. Tirez ! Mais tirez donc ! L’Homme touche
Un trottoir sans pieds, sans attentes ni hâte. Tirez sur ce
Diable en personne ! Personne est un mot de trop, on le sent

Bien, on le sent mal. Le Diable n’est jamais apparu à l’homme
Dans la peau d’un taureau de combat. La personne non plus
Si l’on y réfléchit. Le taureau est taureau, sorte de Dieu

Qu’on vainc par l’épée ou qui détruit par le sang. Échappé,
Il n’a plus de sens, il ne tue plus pour donner un sens, on
Se sent victime des circonstances et non pas jouet du jeu

Dangereux. Il jette encore l’enfant en l’air et le troue, il
Troue quelqu’un qui n’est pas encore mort et qui ne veut
Pas mourir troué par un taureau qui n’agit plus en héros.

La libellule atteint le ciel. Ce qu’elle voit, c’est un Homme
Détruit et un taureau qui ne construit rien. Elle voit des morts
Et des blessés. Don Felix la voit un peu. Il devine une intention

Poétique. ¿Cómo no ? Une balle l’a effleuré et s’est logée
Dans le calendrier de la Virgen del Pilar, le 6. Comme le
Temps passe ! Les yeux deviennent sang et l’air conscience.

Comme il n’y a pas de faits divers sans raison, on cherche
Dans le ciel. On interroge des enfants. On leur impose le
Récit. On trouve un fusil à éléphant chez Hemingway,

À l’Hôtel, et quelqu’un accepte de s’en servir pour tuer
Le taureau. On monte un étage au-dessus des arbres
Tachés d’oranges qui agissent comme les éphélides

Sur le beau visage d’une adolescente élevée à la hauteur
Du mythe. Quatre taureaux attendent dans l’ombre.
Un homme a-t-il vécu pour en arriver là ? Suspendu

Aux étoiles, il rêve et sait qu’il rêve. Mais tenaillé par
Le soleil, plongé dans cette réalité tenace, il tue. Il ne
Joue plus. Il tue ce qui existe pour que ça n’existe plus.

L’enfant revient en morceaux. Plus de visage d’enfant,
Une main sur deux et l’épaule fracassée. Avec la statue,
Ça fait deux, dit obscurément un vieillard que la retraite

Atténue comme l’ombre s’en prend à la lumière et non pas
Le contraire. La poésie de l’enfant est difficile, convient
Don Felix qui se prend pour une libellule dans ses grands

Moments d’inspiration. Métaphore au sang constellé de
Nuits blanches. Parallèles des jours d’endormissement
Cutané. Il reconnaît que la ressemblance est frappante.

Comme on ne tire plus, le souffle du taureau prend de l’im
Portance. L’épée a traversé son coeur sans couper l’aorte.
Manque de chance du tricheur. Et l’air sent le sang.

On lève le nez comme des chiens. L’air sent le sang, la
Chaux, l’orange et la pierre frottée par la pierre. L’air
Est la saison de l’air. Pierre me disait un jour que le sang

De l’Homme est surtout une odeur. On se laisse facile
Ment traverser par le rouge des globules et souvent
On ne cherche pas pourquoi ce rouge n’est pas la couleur

De l’odeur du sang. Pierre pense au lapis-lazuli qu’il
Broie avec une ferveur de croyant. C’est fou de croire
Au bleu du sang. J’y pense. Je vois le taureau tuer

Ce qui existe et je pense à la couleur d’une odeur. Sang
Des trottoirs. L’Homme y pourrissait, marqué de mouches
À merde et à sang, coupé de reflets de vitrines et revisité

Par cette lumière jaune qui est bleue dans les yeux vides
Du mort. Deux, répète le vieux qu’on bouscule, sa cigarette
Tombe. Nous n’avons pas le choix : vivre encore ou crever

Maintenant. Le rideau a l’odeur des plafonds comme les tapis
Ont celle de nos rencontres. Le nez au fond de cette odeur,
Don Felix pleure de rage. Il ne se passe plus rien depuis

Une minute. Ramirez ne tire plus. On entend les barricades
Se rapprocher. On voit le reflet vert du fusil à la fenêtre.
Une photo me montre avec un poisson. Je suis heureux.

 

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