Les origines de Rome, déjà, matérialisent un allaitement singulier qui annonce les goûts de la Ville pour les plaisirs de la chair, qu’ils soient modérés ou excessifs, qu’ils soient, plus subtilement, entre ces deux adjectifs, se cherchant une identité subjective. La louve qui nourrit les jumeaux, cette effigie est dans la tête de tous les Romains, elle plane, également, sur la cité et l’Empire. Rémus et Romulus absorbant avidement le lait maternel, un lait animal ou sauvage - le lait de la femelle - , serait-ce déjà le signe d’une vocation sensuelle ? D’une vocation illustrée par la bouche des nourrissons résolument tournée vers les mamelles ?
La prostitution, à Rome, est une fête. Oui, par trois fois dans l’année, sont célébrées celles qui vendent ou louent leur corps pour quelques pièces, aussi bien sur la place publique que dans certaines ruelles ou bas-fonds dont l’extension révèle l’esprit dédalique de Rome. Ainsi, le 23 décembre, en hommage à Anna Larentia qui recueille les jumeaux à la suite de la louve, a lieu la fête des Larentalia. Les Romains portent en haute estime Anna Larentia, femme du berger Faustulus, car cette courtisane aurait fait don de sa fortune au peuple romain, après avoir hérité d’un riche époux.
La louve, c’est l’appellation commune de la prostituée.
La louve qui loue ses mamelles à qui peut la payer.
Du 28 avril au 3 mai, c’est la fête des Floralia, en hommage au renouveau printanier, en souvenir de Flora, antique déesse de la fécondité. Puis, il y a aussi les Vinalia, le 23 avril, qui sont en rapport avec les productions de la terre. La requête, adressée à Jupiter le 19 août - épargner les grappes mûrissantes - , précède la célébration du vin nouveau, qui peut être consommé par les hommes. A cette occasion, le poète Ovide incite les filles publiques à déposer des offrandes en l’honneur de la déesse Vénus, honorée le même jour :
" Filles publiques, célébrez la puissance de Vénus : Vénus favorise les gains de celles qui font profession de leurs charmes. Demandez-lui, en lui offrant de l’encens, la beauté et la faveur du peuple, demandez-lui l’art de la séduction et du badinage " .
Le temple de Vénus, dont se réclame un certain Jules César, devient alors, avant même le lever du jour, une grande foire aux prostituées, les plus belles offrant leur enveloppe charnelle à l’heure du zénith. L’échange et la vente se déroulent dans la plus grande simplicité, comme une banale transaction commerciale. Et si l’on élargit la périphérie des filles, on s’aperçoit de leur omniprésence dans la Ville, qu’il s’agisse des lieux de promenade, des amphithéâtres ou encore dans certains quartiers exclusifs où elles sont en nombre, comme le submemmium.
La louve est partout, donc, prête à vendre pour quelques pièces un corps dont la vocation est de plaire aux yeux du client … avant de le satisfaire, et ce dans des postures parfois annoncées - les murs de Pompéi en sont témoins - autant de spécialités qui les distinguent les unes des autres, autant de choix possibles … autant de possibilités d’extension du gain.
Mais une autre figure plus raffinée et qui, de surcroît, s’attache à posséder le cœur du client, œuvre sur le même terrain. Et cette figure est impitoyable …