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 Article publié le 10 avril 2016.

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An Helga Feruna Angerer, germanische Schamanin

 

Elle était de pluie. Fine, obtuse, insinuante.

Elle se frayait un chemin multiple au travers des anfractuosités rocheuses, pénétrait doucement, patiemment par les failles à peine visibles.

Un jour, elle ferait éclater la roche avec le concours actif du froid.

Je suis la roche agile, le promontoire jeté sous le grand vide sidéral.

Qui s’abrite sous ma voûte pensive est gagné par la douce chaleur d’un soir d’été après une longue marche dans les sous-bois.

La couche improvisée n’est pas parfumée, elle fleure bon l’humus et les mousses.

Strate sur strate, la vie aisée. On n’en perçoit jamais que l’ensemble émouvant quand la pensée déliée se prend à rêver.

La pensée, alors, devient sensation, ne résonne plus, porte ce qui la porte jusqu’aux confins de l’aisance la plus grande.

Pluie et roche mêlée, dans le froid hivernal, la presque chaleur automnale.

Même l’aridité estivale conserve la mémoire des pluies fines qui ont repris, le printemps venu. Et quand l’orage gronde, promesse d’une lourde pluie, c’est l’accord. La terre tremble, le pays se ramasse sur lui-même, tout accueil.

Aujourd’hui, les roches alentour reposent dans la lumière.

Unis dans leur diversité, les êtres s’agrègent, se séparent, se fondent jusqu’à se confondre pour mieux encore accuser l’irréductible différence.

*

On ne dit jamais assez l’équilibre dynamique qui préside au mouvement.

Arbres et roches, pluie et vent, soleil et ombre dessinent un tout qui s’ignore.

Et désirs et désirs voyagent l’un dans l’autre à l’infini en toute indécence. .

Les mots des hommes touchent le sol et le ciel, ce limon des temps soumis au caprice du temps.

D’une pauvre demeure de mots, ne faire ni une demeure luxueuse ni un temple altier, mais ce lieu hardi ouvert sur lui-même qui pulse et respire.

On appelle parfois ce lieu poésie. On le rencontre sous toutes les latitudes.

Libre à toi, ami, de préférer les landes d’Ecosse ou de Lüneburg aux forêts tropicales ou les plages de sable fin aux Indes murmurantes.

Dans les rouleaux écumants, dans les bruyères en fleurs, partout tu te sens chez toi dans ta demeure de mots, accueilli en toute hospitalité par plus grand que toi.

Réciprocité de l’accueil ouvert à tout vent.

*

Je suis en terre franche au fin fond des bois. Je pourrais être aussi bien en Forêt Noire ou dans les Vosges, dans les Cévennes ou les Alpes de Haute-Provence.

Pour quelques heures encore, je laisse le chaos à ce qu’il est, j’avance dans ce qui ignore les hommes, n’en subit pas moins l’action faste ou néfaste de mes semblables.

Je ne puis me détacher d’eux et de leurs mots, étant l’un des leurs, mais touchant le sol et le ciel de mes mots, me voilà dans l’entre-deux.

Un monde invisible s’ouvre sans jamais tout à fait se dévoiler. Je touche du bout des mots le voile. Une pudeur me retient de l’arracher.

Laissant le voile à son voilement-dévoilement, j’avance dans la sylve odorante.

Le bois sec ou pourri craque sous mes pieds, les mousses et les feuilles rendues à la terre amortissent mes pas.

Mes pas et mes pieds, voilà mon humanité, avec des mots pour le dire.

Tout cela est bien réel, et pure vérité qui me devance.

*

Poétiser, ainsi, reviendrait à devancer l’appel de ce qui veut ignorer toute profondeur et toute hauteur.

Appel lancé à hauteur d’hommes par le monde rassemblé dans le langage qui va.

Habité, je le sais, par les dieux enfouis de mes ancêtres chers à mon cœur.

 *

Tu es la pluie, Freyja. Fine, obtuse, insinuante.

Tu te frayes un chemin multiple, Samja, au travers des anfractuosités rocheuses, tu pénètres doucement, patiemment par mes failles à peine visibles.

Un jour, tu feras éclater la roche avec le concours actif du froid.

Je suis cette roche agile, ce promontoire jeté sous le grand vide sidéral.

Des dieux,des hommes, j’entends la mutualité de l’appel dans les mots les plus humbles, amie.

Je t’entends dans ton sommeil, chemine dans tes rêves, veille dans ta veille qui veille sur moi.

Je ne t’habite pas, tu ne me hantes pas.

Rien de spectral ni rien de spectaculaire vraiment, et nul miroir hormis celui, vagabond, des sources de mon pays. Dans les reculées si nombreuses, partout en fait où porte le regard, je t’entends.

Tu te nommes Freyja ou Samja selon les lieux, selon que, divine ou humaine, tu marches dans le monde qui m’entoure aux côtés des mots que tu m’inspires.

Le pays se recueille dans l’amour que toi et moi, et tant d’autres connus ou inconnus, lui vouons dans le secret de notre cœur. Et les temps sont sombres.

Il nous faut beaucoup de courage pour refuser les sirènes de la violence aux mille visages. C’est à peine, parfois, si nous osons dire qui nous sommes.

 *

Dans le lointain, j’entends l’appel si proche encore.

Il monte aussi bien des fleurs que des arbres et des chutes d’eau, des lacs et des rivières, des bois et des monts.

Chaque parole qui me vient de toi me donne le frisson.

A te lire, je tombe en arrêt, fasciné.

Ainsi va ma vie réconciliée avec ce qui, de toi, de moi, comment savoir, s’échappe à perdre haleine au-devant du dicible qui nous fonde.

Reste l’indicible qui veille sur nous. Aux heures sombres, je tends l’oreille vers lui, et ce n’est pas le silence.

C’est toi qui viens à moi qui cours vers toi. C’est le chant des oiseaux dans le matin rutilant. Le fond des choses et des âges.

La pierre d’espérance qui guérit les maux.

 

Jean-Michel Guyot

3 avril 2016

 

Doux hypnotisme de tes seins dressés sur ta peau de lait.

Le miel de tes yeux coule sur moi. Je me pourlèche.

La bête de proie est devenue ombre en proie aux métamorphoses incessantes.

 

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