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Dictionnaire Leray
ASSOCIATION
[E-mail] Article publié le 28 février 2016. oOo La notion d’association est ambiguë. Prise pour elle-même, elle équivaut à une forme d’addition. Elle n’implique qu’un faible degré d’intégration. Pourtant, l’association est à la base d’une théorie de la multiplication (dans l’ordre sémantique). Elle émerge presque simultanément dans deux champs des sciences humaines : la psychologie « des profondeurs » de Freud, qui aura un fameux impact sur le surréalisme et, en particulier, sur la méthodologie surréaliste que propose André Breton et la linguistique de Ferdinand de Saussure. Dans la théorie de Freud, l’association d’idée est la base de l’analyse du rêve. De la remémoration du rêve, Freud fait un écheveau. Il ne s’agit pas simplement de reproduire le tableau du rêve, mais surtout de saisir, dans l’entrelacs des associations que suscitent les éléments du rêve pendant sa reconstitution, les réseaux latents de signification.
S. Freud, Sur le rêve, p.57 Pour Freud, chaque rêve a un sens défini, qu’il s’agit de déceler. L’analyse des rêves a une importance primordiale dans l’activité psychanalytique. Si le trait d’esprit, l’acte manqué ou le lapsus montrent l’activité de l’inconscient au quotidien, le rêve, et son travail d’interprétation par le rêveur, permettent d’appréhender la structure symbolique de l’inconscient. Pour Freud, le contenu latent du rêve est déformé par une série d’opérations psychiques qui le refoulent hors de la conscience, au mieux à la frange de la conscience. Il distingue la concentration d’éléments en un tableau, la condensation de plusieurs figures en une seule, et le déplacement d’éléments hors de leur contexte. Le contenu latent se dégage, dit Freud, par associations d’idées, un jeu d’associations « non critique ». L’interprétation du rêve par Freud s’apparente à une lutte contre-dans l’absurde. La méthode freudienne d’interprétation des rêves aura entre autres de grandes conséquences sur l’environnement surréaliste, notamment par la théorie de l’image de Pierre Reverdy, reprise par André Breton dans le premier Manifeste du surréalisme. A la même époque, Saussure développait de son côté la notion d’association pour la linguistique, en lui donnant une valeur pan-grammaticale.
F. de Saussure, CLG, p. 173-175. Ce que la linguistique structurale après Jakobson appela axe paradigmatique et axe syntagmatique, Saussure le théorisait comme rapports associatifs et rapports syntagmatiques. La pluralité et le caractère virtuel des rapports qu’enclenche le moindre terme de la chaîne doivent être soulignés. S’il n’y a pas de connexion directe entre le surréalisme (qui s’inspire directement de Freud) et la linguistique de Ferdinand de Saussure, la dimension linguistique de la pensée associative n’a pas échappé à tous. Elle est au cœur de la prospection que poursuivra Michel Leiris, dès les années 1930 mais plus encore après-guerre :
M. Leiris, Fourbis Dans quelle mesure Ferdinand de Saussure a-t-il perçu le lien entre cette activité associative et le fonctionnement du poème ? La question est difficile à trancher. S’il ne semble pas porter une attention particulière à la rime en tant que série associative dans sa linguistique, en effet, on se rappelle la fascination qu’exercent sur lui les « anagrammes » qu’il croit déceler dans la poésie latine, en particulier, et dont il recherche les procédés systématiques qu’il ne parvient à fixer. Ces réflexions inabouties (et qui auront sans doute épuisé le linguiste) seront réactualisées au fur et à mesure que des chercheurs divers, à partir des années 1950, se pencheront sur ses manuscrits et croiseront les notes de ses cours pour découvrir, au-delà du Cours de linguistique générale, la pensée de Saussure dans toute sa complexité, sa constante incertitude et même sa quasi impossibilité. |
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