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Article publié le 13 décembre 2015. oOo -1-
Dans l’aride, la trop vive lumière Que le vent du Nord apaise
De Lesbos tard venu, le cri, Maintenant renverse -2-
Ça ne se fait pas de sauter comme ça sur une mine C’est incongru, malséant
La petite fille à la robe claire saute à la corde dans la cour de son immeuble Nous sommesquelques secondes dans le grand Berlin
Mais ce qui te mine, c’est le monde, ce sont les gens au visage épuré Ainsi donc tu serais au monde toi aussi ?
Tu repars à Berlin depuis si longtemps, C’est qu’elle vit en toi, la ville des villes
Enhardie, elle habite tous tes gestes, informe jusqu’à l’épure de ton visage, Elle creuse en amont du néant qu’elle sera
La face cachée du bonheur qui lie, Intrigante intrigue qui voit coexister tant et tant de vies contraires
-3- Le ciel dessine des carrés de grisaille ou de bleu Quand la petite fille, lasse de son jeu, lève les yeux au ciel dans la cour de l’immeuble
Elle revient à son jeu, son corps en tension anime la corde qu’elle tient si fermement Elle bondit pour ne pas succomber à la frénésie de la corde sauteuse
Ainsi tourne et tourne en elle jusqu’au vertige la nécessité vitale De bondir pour ne pas exploser
Les données du problème s’exposent en elle à ciel ouvert, L’époque est le problème, il n’est pas encore le sien
Plus tard, bien plus tard elle saura, sans savoir comment se dépêtrer, Sauf à vivre en-deçà du désastre, sauf à tourner le dos au Berlin de son enfance
Dans son cœur, une forêt enchanteresse décide de vivre Qu’un jour elle rencontrera si fort que son nom et son visage s’en trouveront changés
Pour l’heure, le ciel est miné, truffé de bombes Qui bientôt siffleront avant de s’abattre sur la ville, rafales d’automne
Les murs tremblent, vacillent, s’effondrent, toits en proie aux flammes anglaises Par pans entiers, les immeubles embrasés vomissent leurs décombres sur les vivants
Au matin, un de plus, dans un cratère béant Une carriole d’enfant, des photos éparses à foison,
Des journaux, des petits riens, des on ne sait plus trop quoi Flottent à la surface d’une eau devenue noire
Le ciel grimace, bouche tordue de l’aube, Corps mutilés, carbonisés dans le chaos généralisé
L’air devenu irrespirable ronge l’azur menteur C’est l’enfer ici, ici et ailleurs
Le ciel estpar-dessus le toit si bleu, si calme ‘scuse me while I kiss the sky !
Toutes paroles inspirées qui accompagneront ta vie, Fille d’Ariane dans le dédale de tes désirs de femme -4- Ta prison a du bon, ses barreaux redessinent un espoir d’envol Bondir hors de soi, invoquer une époque autre qui n’aura pas tenu ses promesses
Je sais la prison et ses barreaux, la clef de l’étroite cellule et ses hauts murs, Le gardien et la prisonnière, c’est tout moi hors de moi, et plus encore
Ainsi donc, tu jouerais ta partie à l’écart du champ de mines Qu’est le monde des vivants ? Par quel miracle enfin, dis-moi ?
Enfermé dans le dehors calme Tu clames ton innocence à qui veut l’entendre
Tu portes la contradiction jusqu’à son terme, Jusqu’à t’y dissoudre en vies multiples que tu aimes toutes
Tu te hisses bientôt au-dessus de toi-même Sans te faire plus grand que tu n’es
La vie dans l’arc-en-ciel est devenue monotone, je le conçois aisément Ce pont a décidément la fragilité des nuées,
Une mollesse de dunesmal assorties au malheur du temps présent Die Wüstewächst, dasweisstdu schon
Sous la pluie, au désert, j’y suis, j’y reste, Et battante la pluie battue par le vent
Le soleil est tout courbaturé ce matin, regarde-le se tordre à l’horizon Mauvaise omelette, baveuse à souhait, glaire d’agonie, huître pourrie
Trombes d’eau n’y changent rien, accusent l’écart fragile Qui te sépare du désastre qui se prépare
Les nuits désolées, les journées trop longues, tout cela pèse d’un poids terrible Le temps trébuche sur soi-même, défait par son propre élan
Le temps, cette machine molle propre à ne fabriquer que des coupables En proie au ressentiment, il t’arrive d’en exécrer la lenteur de méduse
Les poignets tordus de l’aube arrachent un cri au soleil levant Une journée de pluie s’annonce, toute simple en apparence
Jusqu’à l’incongruité de la mort manque à ce fond Que la vie détisse en toi, tu acquiesces à ce fond abyssal, il te faut faire bonne figure
Mais sans racines, sans terre, où donc parviendrait-elle à pousser son avantage ? Dans les plus hautes branches que je veux ignorer elle pavoise
Projections de microparticulesacidulées, vrais bonbons, Par milliers lancés dans toutes les directions pensables
Rayonnement solaire, reflet de lune dans une flaque noire aussi bien Circulation des fluides, sèves montantes, marée de fleurs, fruition puis déclin et renaissance
Là s’agite un bonheur égal, ni étal éclatant de couleurs et d’odeurs au marché des rêves Ni discrète prairie frissonnante sous le vent, ni rien qui ne se dise sans aussitôt se dédire
N’ayant d’yeux et d’oreilles, de mains et de jambes, de sexe et de langue Que pour la vie réelle réellement complice
Les hauteurs effraient, donnent à l’altitude toute latitude pour se dissoudre dans les yeux, A hauteur d’homme, un effet de douce horizontalité arrime au réel
Poignées de mains et sourires d’amitié, Baisers mouillés, étreintes que nul ne retient, frissons, frissons
Communication iscoming on strong It don’tgive adamn if yourhairis short or long -6- En pente douce jusqu’au sommeil, l’amitié du sommeil, Au matin, la lumière si vive déjà, monte à l’assaut de la reculée
Les lierres aux arbres frémissent, légère brise dans le tournant du jour Donne au pays la grâce d’une coquille
Tant et tant d’heures passées à chanter en plusieurs langues depuis l’enfance Es sindnoch Lieder zusingenjenseits der Menschen
L’océan polyglotte met tout ce petit monde d’accord, N’indique aucune route à suivre dans l’aporie de son écume
Le retour au pays n’est pas chose facile Là pourtant, et seulement là,se tient le sauf nomade
Et les ponts, je le vois depuis si longtemps, s’attardent aux rives,tiennent en haleine la rivière, Qui s’aimeen eux, à foison, des ombres dansent doucement à même les pierres millénaires
Arches et voûtes en sont tout envoûtées Tant de douceur ailée s’éprouve
Emanations de lumière, camaïeu des grisles plus tendres, haleine chatoyante Que la rivière exhale en fraîcheur parfumée
Jeu de forces et de lumière, d’ombres et d’eau Enchante qui passe un court instant sous le pont de pierre
Voué à la misère ou au bonheur des passants Qui savent que rien de grand ne saurait émaner d’eux sans le féminin
Impétueuse lumière, ombres fugaces, tranchées, tranchantes Par amour mouvantes toutes d’eux,et des flots impétueux sauvées par les flots apaisés
Sous la chaleur accablante, dans l’hiver assoupi, à toutes heures du jour et de la nuit, Le petit jour s’insinue, y dépose un instant puis l’autre les flots nerveux
Clapotis de lumière grise ou vive, ombres furtives, ainsi, Et rageuse lumière, cheval flou des flots emballés, selon
S’y emmêle le tout d’un tout au gré des saisons si nombreuses La petite fille, si grande à présent, esquisse un pas de deux sous la voûte sonore
S’enchante de l’écho si clair qui accompagne sa voix retrouvée La complicité des eaux chante dans sa voix apatride
Sourire aux lèvres, robe d’été à fleurs, jambes fines, visage rayonnant d’assurance Jamais figée l’image d’un bonheur si grand
Assourdi, l’écho des heures sombres ne résonne plus à ses oreilles Apaisée, sa vie gagne encore à ce jour en forces inassouvies, en ressources insoupçonnées
L’écho, de plus belle, se mêle à son jeu, ravive l’espoir de voir la vie fleurir en beauté La vie qui s’emporte là l’y invite, une fois encore danse dans ses yeux de femme accomplie
Une tension salutaire vivifie l’espace des choses qui entourent sans enclore La vie dans toute son ampleur bat son pleindans le creux des vaguelettes rieuses
Les petits creux sont pour la lumière, les gros pleins ventrus à souhait pour l’ombre taquine, Pleins et déliés de l’air et des eaux pour le pont porteurque sa voix enchante
A ce plein élan, à ces arches fiévreuses, à ces voûtes tendres, Il faut le creux de la vague opportune, la mollesse lascive des ombres toutes chargée d’odeurs
Les voix fermes, extraordinairement souples, de Madeleine ou de Lady Day, L’aura de sérénité de la petite fille qui traverse les âges aussi bien
Quand, devenue femme, elle chante maintenant jusqu’à l’ivresse, Portée qu’elle est par l’amitié des lieux
Poésie de l’intime qui se moque bien des secrets d’alcôve, S’expose au grand jour de ses tourments, de ses joies, de ses tours
Déserts et pluie, arcs-en-ciel etchamps de mines, corde à sauter, Et ciel aussi au-dessus duBerlin que j’aimai, je n’oublie pas,
Déliés résolument, et que protège une voix amie venue de si loin Elle a traversé les mers et les clameurs des foules hostiles,
Franchi montagnes et fleuves, s’est nourrie de toutes les paroles Pour se faire entendre là, dans levisage du bonheur retrouvé
Jean-Michel Guyot 3 octobre 2015 |
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