(elle se penche)
Qu’est-ce qu’ils font ?
Ils améliorent la doctrine fasciste.
La poésie devient chanson.
La terre porte un drapeau.
L’ordre assure le pouvoir.
Voilà ce qu’ils font.
Et moi, qu’est-ce que je fais ?
Qu’est-ce que je peux faire ?
Voter comme aboient les chiens ?
Travailler, repeupler, combattre ?
La seule chose que je sais faire,
C’est travailler — et encore
Je travaille à ma manière.
Je sais baiser aussi, mais l’enfant
Je ne l’ai pas fait exprès.
La prochaine fois, je ferai gaffe.
Et si vous pensez m’utiliser
Dans un combat contre l’ennemi
De la patrie, épargnez-moi
Le meurtre de mon prochain.
Sinon, je ne fais rien de mal.
Je vis pour exister encore un peu.
J’aime la nature, les hommes
Et tout ce qui respire ici-bas.
Je ne sais pas pour vous mais moi
Ça m’occupe toute la journée.
Et la nuit je cauchemarde
A cause de votre télévision
Et de vos ministres fils de pute.
Ces viols de ma chair
Et de ma conscience nuisent
A mon sommeil de bonne femme.
Je réveille mon enfant
Et il crie lui aussi.
Il crie parce que je lui fais peur.
Mais comment lui expliquer
Que c’est votre peur
Qui nous empêche de dormir ?
(on entend la mer)
Je ne me sens pas seule pourtant.
Oh ce n’est pas l’enfant.
C’est tout le monde et la mer
Que nous avons atteinte
Pour en jouir avant de mourir.
Nous n’y reviendrons pas.
Une dernière fois la mer.
(elle pleure longtemps)