Danseurs miment les vagues au soleil couchant
Pieds nus dans l’estran
Cheveux au vent
Bras tendus, genoux fléchis
Croupe tendu
Hanches ondoyantes
Tête jetée en arrière
J’en dénombre neuf
Où porte donc leur regard ?
On le dirait tout intérieur
Comme tourné vers la chair du monde que leur gymnopédie en eux imprime
Les eaux n’en reflètent rien
Clapotent comme si de rien n’était
Dispensant fraîcheur et allant aux danseurs
Sur la grève houleuse, je m’étends
A quand d’autres danseurs encore
Mimant la rude écorce des arbres d’ici et d’ailleurs ?
Danse immobile des racines sous la terre
Frémissement des cimes
*
Enfant,
Je prélevais sur le bouleau des lambeaux d’écorce translucide
Invariablement, elle s’enroulait autour de mon index,
Frêle volumen agaçant
Et l’automne venu, les majestueux platanes de la courde récréation
Offraient leur écorce à qui voulait s’en saisir
Quelques camarades et moi les détachions délicatement par plaques entières
Mais impossible d’y tracer des signes
Le fragile support s’offrait à la main, se dérobait
Pure matière friable témoin d’une croissance insouciante
Un art se dérobait
Ignorait tout encore de l’art des signes
Pariétal, rupestre, il attendrait longtemps encore
Mais la langue arabe déjà enchantait mon oreille
Reprise librement dans l’enthousiasme, j’en faisais un charabia que je lançais au ciel
Parole pure de sens vouée à la sagesse de rythmes
Apportés par plus grands que moi venus de si loin
Azur, madrague, parages, obsolète furent les premiers mots saillants
Quand je sus enfin lire
Je manquais de modèle, mais peu importe,
L’essentiel cheminait déjà en moi
Sous la forme de ces rythmes aimés
Venus des lointains
*
Abrité des houles, dans la calanque,
L’enfance marseillaise s’élargissait d’été en été
Une sève marine montait en moi
Une salure exquise
J’aimais le monde comme on mord à pleines dents
Dans un beau citron tranché gorgé de soleil
L’hiver arrivé voyait les rythmes se délier
*
Dans le temps long des saisons
Dans le temps bref des esquisses
Dans l’imbroglio des mots
Le sens cheminait
Olive noire
Jean-Michel Guyot
15 juillet 2015