Quarante années passées à nomadiser t’ont appris la prudence.
Ce que tu cherches, jamais tu ne le trouveras. Il ne faut rien chercher ni personne, mais simplement t’atteler à la tâche d’aimer qui t’incombe.
Il fut, en terre franche, dans un temps pas si reculé que cela, une maison que tu rêvais d’habiter, te figurant que tu y trouverais paix et tranquillité, mais la tranquillité n’est pas ton fort, même en temps de paix.
L’esprit ferraille dans des joutes incessantes. Entre fantômes et ennemis bien réels.
Une guerre se prépare dans tes veines. Comme les autres, elle n’aura pas raison du monde qui t’environne.
Hier, tu as débarrassé l’érable de la branche de gui importune.
Un peu de terre à retourner et quelques arbres à soigner suffisent à ton bonheur. L’esprit ne souffle pas dans les forêts, les vergers illuminent, les terres jaillissent.
Une nuée de coquelicots borde le champ de blé mûr.
L’esprit veille dans les pierres posées, rappellent les temps anciens que tu affectionnes. De longs murets courent dans les bois. Autant de traces illisibles qui te donnent le goût de la pensée.
On ne compulse pas les plaines, on ne plie pas les montagnes à sa volonté. Ici, pays de monts et de forêts, te rappelle l’enfance des signes.
Quelques vignes survivent. Le meilleur de la romanité survit çà et là en toute discrétion.
Toi qui ne travailles pas la terre, en toute humilité, tu peux te dire travaillé par elle.
Sans titre de propriété aucun, te voilà dans les terres auxquelles tu appartiens.
Effacer le monde ? Ah certes non !
Se distinguer du commun ? Cela n’a plus aucun sens.
Le sens commun appartient à tous, mais trop rares sont ceux et celles qui se sentent liés aux terres.
La chose du monde la moins bien partagée, c’est la terre.
Objet de spéculation ou de conquête. Dans ce fatras historique, tu es contraint, comme tout un chacun, de te fixer en un lieu qui t’appartient de plein droit.
La petite maison te revient en mémoire. Tu t’y sens bien. Peut-être y écriras-tu le moment venu.
Ainsi, pour que l’esprit souffle, as-tu besoin de ce havre de paix dont tant d’autres, de par le monde, sont injustement privés.
Esprit et tranquillité ne font pas bon ménage.
C’est au sein de cette contradiction vivante que tu rejoins bon gré mal gré les combats du monde.
La paix n’est pas pour demain. Elle est de maintenant, d’ici et de maintenant, dans un monde à feu et à sang.
Maintenir l’accord avec le monde passe par l’amitié pour les hommes.
Contradiction encore qui avance dans l’écriture, s’aventure dans les plis du ciel, les sillons des terres.
Ce n’est que là, en plein bois, que tu oublies jusqu’à ton nom.
L’haleine des arbres te murmure des noms et des noms que tu prends comme autant de signes avant-coureurs qui te rappellent à la nécessité d’être d’ici et de maintenant.
Les mots de maintenant maintiennent l’alliance. Une alliance sans allégeance au sang et au sol.
Tous les prénoms sont les bienvenus dans cet ordre ni ancien ni nouveau. Le chaos ne suffit pas à ta peine. Tu caresses des défis autrement redoutables. Ceux-là ne relèvent que de ta mansuétude habitée des lieux.
Les mousses protègent le tranchant des signes.
Jean-Michel Guyot
1er juin 2015
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