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La calbombe céladone de Patrick CINTAS
Le meilleur de la poésie

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 Article publié le 22 mars 2015.

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Mettez la poésie entre les mains d’un amateur de monuments aux morts et vous lirez une poésie pleine de morts et de monuments, sans compter les médailles. Mettez-la sous le coude d’un doctrinaire genre salaud ou pédant et vous succomberez sous le poids des démonstrations et des combats. Mettez-la où vous voudrez, même entre les mains du pédagogue qui trouvera bien dans le corbillon de quoi alimenter la soif de connaissances amusantes de tous ceux pour qui la poésie ne vaut pas la scarlatine.

À ce train-là, on descend au premier arrêt, même en rase campagne ou en plein cœur d’un désert de glace ou de sable.

Certes, la poésie est une fonction naturelle à l’homme. Il fait de la poésie comme il respire, c’est bien connu. Mais entre l’extase provoquée par un tir au but et le régal d’une belle pensée, il y a de l’espace ! Et même beaucoup d’espace. Tellement d’espace qu’il faut, d’un bord à l’autre du gouffre créé par la différence de qualité, une optique à focale croissante pour ne pas se perdre de vue.

Or, malgré de louables efforts d’un côté comme de l’autre, on se voit de moins en moins. On ne se fréquente plus comme avant. On en vient à se distinguer. Et tant de distinction confine à la séparation tôt ou tard.

Pour les uns, dont je suis, mieux vaut retarder le plus et le mieux possible cette perspective menaçante. Qu’est-ce qu’elle menace ? Mais nous. Nous en tant que nous autres. C’est presque aussi pire que de distinguer (et séparer) les hommes par la couleur de la peau ou l’origine culturelle. Mais il semble bien qu’on ne s’entendra jamais.

Alors, disent les autres, pourquoi remettre à plus tard ce qui peut s’accomplir dans les plus brefs délais ? Autrement dit, maintenant. Que dis-je ? C’est déjà fait. Les amateurs de connaissance et d’esthétique, pour une fois dans le même bateau, prenne la poudre d’escampette, laissant sur le quai, sans autre appareil, la foule de ceux qui s’amusent d’un rien et en est d’ailleurs très fière. Ce qui ne manque pas, à distance, de choquer ceux qui s’éloignent nettement de ces choix à leur avis dangereux pour la santé publique.

Mais bon, les choses ont au moins le mérite d’être claires. On n’a pas de mal à reconnaître l’amuseur du poète ou au contraire le poète de l’emmerdeur. On voit très bien qui est qui. Et du premier coup d’œil. Après tout, quand on vit au bord de l’océan, il faut bien s’attendre à ce que les uns y trouvent de quoi s’amuser et les autres un bon moyen de ne plus remettre les pieds dans ce qu’ils considèrent comme une folie ou un enfer selon l’angle d’attaque.

Seulement voilà : l’humanité n’est pas aussi clairement composée. Un ensemble nettement scindé ne peut être, reconnaissons-le avant de passer pour un idiot, qu’un produit de cette fantaisie qui nous pousse bien souvent à prendre les vessies pour des lanternes. Ce qui est, avouons-le avec la même intention, quelquefois agréable. Mais on en souffre aussi. Et il vaut donc mieux prévenir en ouvrant un peu plus, et un peu mieux, les yeux.

Car une troisième engeance complique le divorce. Et ne me dites pas qu’il ne peut pas s’agir de poètes ! Car c’en sont ! Et pas des moindres. Ce sont même les plus courus. On les trouve en bibliothèque. Et dans les recueils à usage pédagogique. Mais qui diable sont ces poètes qui ne jouent pas dans le sable et qui ne s’en éloignent pas non plus ?

Vous ne les verrez pas s’abaisser à jouer avec un seau et une pelle comme les amuseurs des conseils municipaux. Certes, ils ne négligent pas d’aller faire trempette dans l’écume des vagues et de se risquer à partager la bouée en forme de canard des animateurs de la chose vraiment publique.

Vous n’assisterez pas non plus à leur appareillage, ni surtout à leur façon de se tenir sur l’horizon, comme font les grands poètes.

Ils ne sont pas assez petits ni assez grands pour se livrer à de telles extrémités !

Ce sont des poètes moyens. Et ils ont les moyens de vous faire parler ou de vous faire taire. C’est même leur travail. Et c’est un travail ministériel. C’est-à-dire, dans notre pays, un travail d’État. Un travail de gendarrrrrmes !

Et ils travaillent beaucoup, ces poètes. Mais à quoi travaillent-ils ?

Ce n’est pas un travail difficile. Recevoir des médailles et œuvrer pour que certains en profitent n’est pas un travail éreintant. On peut le faire assis et encore, sans se presser. On peut même travailler la nuit. Et en rêver. Tout est possible quand on est un poète moyen pour l’unique et simple raison qu’on en a marre de jouer dans le sable et qu’on n’a pas du tout envie de se faire oublier à l’autre bout du monde.

Seulement voilà : travailler dans ce métier particulier de la Poésie consistant à occuper toute la place n’est pas aussi facile que ça en a l’air.

Et pourquoi donc ?

Et bien parce qu’autant il est facile d’exercer son pouvoir sur les enfants qui s’amusent à construire des châteaux de sable, autant il est difficile de s’imposer à ceux qui ne jouent pas et qui au lieu de jouer passent leur temps à manœuvrer leur embarcation dans des parages pas toujours mieux fréquentés que la société ordinaire des hommes.

Mais, me direz-vous, peu importe ceux qui sont partis puisqu’ils ne sont plus là !

En voilà une naïveté ! Ce que vous ne comprenez pas, si vous êtes celui ou celle qui pose cette question idiote mais intéressante, c’est que ceux qui sont partis sont toujours là. Autrement, la métaphore n’en est plus une.

Mais alors, dites-vous maintenant qu’on vous a mis la puce à l’oreille, s’ils sont toujours là, mais ce sont les meilleurs de nos poètes !

(Sous entendu : s’ils n’étaient plus là, les meilleurs de nos poètes seraient les poètes moyens désignés par l’État)

Et voilà ! Vous avez enfin mis le doigt, si vous l’avez mis, sur la véritable question de la poésie contemporaine.

Car, s’il est évident que les petits, et quelquefois mauvais, poètes sont ce qu’ils sont et on s’en moque, que font ces poètes moyens sur les hauteurs que l’esprit pense plutôt réserver aux plus grands ?

Et là encore, votre question est tout simplement bête. Réfléchissez un peu : Que feraient-ils, les meilleurs de nos poètes, en ces endroits où il ne s’agit pas d’être le meilleur, mais le plus fort ?

 

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