N’était la nuit, le jour serait bien pauvre
La vie prend des couleurs la nuit,
S’amollit ou vibre le jour
La nuit-arc-en-ciel, oui, c’est ça
Heimdall assoupi reprend des couleurs à vue d’œil
Depuis que nous sommes là
Pont vibrant
Rompez les rangs, soldats !
Le Pont du Gard s’égare,
S’égaie dans les yeux de ses visiteurs ventrus
Venus des quatre coins du monde
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis sa construction
Voilà bien longtemps que les eaux n’y coulent plus
Je l’ai vu, moi aussi
J’étais jeune encore,
Pas encore ventru
Mais un brin plus âgé que lui
J’étais alors d’avant les grands monuments
En route sur les terres celtes
Le fatras gallo-romain, pas pour moi
Je m’y suis fait, pas trop le choix
Puis sont venues d’étranges croix baliser les chemins
Tant de cruauté me laissait coi
Interdit de paroles bientôt le dieu qui poussait mes pas
Dans la nuit de Saint Rémy de Provence,
Patrie de l’ami Gounod,
Arche perdue dans les blés d’un certain Van Gogh,
J’ai entendu les sons traversiers emplir de leur clameur la foule heureuse
Je ne suis pas allé me reposer sur les bords du Nil
Les eaux du Gange pollué ne me parlent pas
Je regarde longuement le Gard
Le garde dans mon cœur égaré
Une à une les croix ternissent
L’aube grise les mange à petits feux
Aucun retour annoncé
La vie suit son cours
Moi, le barbare élancé promis au feu
Je me tiens quiet
La riposte foudroyante des mots foudroyés pour seule arme
En ce haut monde
Jean-Michel Guyot
4 février 2015