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Livre premier
Chapitre XVII

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 Article publié le 6 mars 2006.

oOo

Un pied de nez en passant à la statue de Lakanal dont on se demande ce qu’il fait là - par quel miracle il défie l’ignorance populaire - y a qu’à demander - et la travailleuse et moi on arrive dans les bureaux de la DDASS - moi vêtue d’un tailleur bleu ciel - chaussures un peu vertes - chemisier à pois blancs sur fond jaune - la tignasse dans un béret du meilleur goût - le genou discret - la hanche réduite au minimum - poitrine contrôlée et chute des reins sans glissade - elle, ayant changé ses blue-jeans - elle en a une collection - et toute gonflée dans son anorak - la gueule tuméfiée à l’endroit des yeux, du nez, de la bouche et d’une joue qui se creuse -

On n’est pas en retard - on y est - on grimpe un ou deux étages sans importance - croisant la fonctionnaire fatiguée par son travail du matin - il est deux heures ce lundi - et on me fait asseoir dans un couloir, le dos contre le mur, dans un sale petit fauteuil de plastique qui me colle aux mollets - je secoue les genoux pour patienter -

La petite travailleuse frappe à une porte au fond du couloir - se penche pour écouter la réponse - on sait jamais des fois que - ouvre la porte, entre, la referme, j’attends - on ne m’a toujours pas dit ce que je fous là - ce matin à cinq heures, je me demandais si j’étais morte - à deux heures de l’après-midi, je suis vivante le cul sur un fauteuil gluant et j’attends qu’on m’explique -

Des bruits de pas dans l’entrée du couloir où il y a une porte qui baille - un type un peu courbe la fait jouer sur ses gonds sans rien obtenir d’elle qu’un grincement qui est toute la musique de sa nature de porte - il parle à quelqu’un qui descend ou qui monte l’escalier - puis il s’engage d’un pas hésitant dans le couloir - il passe devant moi - il pue le pet et le tabac - ses intestins gargouillent dans sa chemise de nylon - il s’arrête et me demande s’il y a quelqu’un - je le reconnais ! - 

C’est Navarre (accroche-toi, conard !), le directeur de la DDTE - j’l’ai vu à la télé - à l’époque où on jetait les ouvriers du textile à la poubelle, à Lavelanet et ailleurs - on l’a vu à la télé - debout sur le perron de la préfecture - les dents dehors - exhibant dans son costume à bon marché la courbure dyspeptique de sa colonne - le ventre support d’un avant bras - se grattant le cou avec l’autre main - debout sur le perron de la préfecture - avec devant lui l’énorme machine à tricoter de la merde que les ouvriers en colère avaient portée jusque-là en signe de protestation - et le préfet n’avait pas eu le courage de ses opinions - il voulait encore jouir de sa Légion d’honneur et de l’Ordre national du mérite qu’il n’avait pas mérité - et il avait poussé son directeur dans l’escalier.

- Mais ils vont me casser la gueule ! pleurait Navarre dans l’escalier qui descendait avec lui.

- Pas si vous leur expliquez bien les choses, avait dit le préfet dans l’entrebâillement de la porte de son bureau -.

Et un petit flic rigolo - un amateur de verres vides quoi ! - avait tiré Navarre par la manche et l’avait poussé sur le perron - et une clameur immense avait explosé dans la cour de la préfecture de Foux - le p’tit directeur se chiant au froc et la caméra filmant tout ça pour le journal télévisé de Toulouse - on avait vu à quel point les représentants de l’État français pouvaient se montrer solidaires face à la pression sociale - et il ne se demandait même pas comment on ferait pour sortir la machine - c’était pas son problème - c’était le problème d’un autre conard de serviteur qui de toute façon prendrait moins de risques que lui à remplir sa mission -

Et cette baudruche était là devant moi - en vrai - exactement dans le même costume qu’il avait à la télé - quand ils ont jeté dehors la moitié de la population de Lavelanet - fermant les usines, coupant l’électricité - et c’est à ce fumier qu’incombait la mission de réparer les dégâts - cet incapable notoire qui n’avait jamais travaillé de sa vie - se faisant pousser au cul par des préfets soucieux de tranquillité - et descendant l’escalier - tremblant sur le perron - essayant non pas d’analyser la situation - il en était incapable intellectuellement - essayant de trouver la meilleure porte de sortie possible - et maintenant il me demandait s’il y avait quelqu’un - et je le voyais comme à la télé - mais en plus je le sentais - il sentait la petite sueur de l’entrefesses - la sueur du bourrelet des seins sur le ventre - il sentait le tabac de l’ennui - et il gargouillait - qu’est-ce qu’il pouvait gargouiller ce cradoc de l’exécutive en goguette -

Et je suis toute prête à répondre à sa question quand voilà que se ramène son petit contrôleur préféré - son incapacité de le remplacer - sa source d’erreurs quotidiennes - sa lumière sur l’immensité de la bêtise administrative - c’est Odile Lanne - j’la connais aussi - de la voir vu faire la savante et de passer forcément pour une conne - dans les réunions que les bougresses de l’ANPE organisent pour les femmes dans la merde - je me souviens d’avoir répondu à sa question : Je suis une pute quoi ! et ça avait fait marrer tout le monde et j’avais rajouté, parce que j’avais vraiment pas envie de me marrer :

- Seulement moi j’ai un doctorat es droit - j’ai le droit de faire la pute - mais toi, pistonnée, est-ce que tu as le droit de donner des leçons de bonne conduite à la populace - avec seulement un brevet d’études primaires, hein ?

Elles ont voulu me foutre à la porte - menaçant d’aller chercher un homme - et c’est alors que tonton Cristobal est revenu - une petite arsouille qui fait le travailleur social entre deux cures de désintoxication - il était venu pour nous faire un cour sur l’économie de marché - et ces connes lui demandaient de me jeter dehors ! - Vous auriez vu la gueule du pauvre petit Cristobal - le grand spécialiste de l’économie de marché - études primaires + piston + alcoolisme - bafouillant en sortant sa copie transparente d’une chemise en carton - triant les transparents et ne sachant plus où il en était - au milieu d’une meute de femmes que tu étais mon petit Cristobal - et elles t’auraient arraché les couilles si t’avais touché à mézigue - mais tout était rentré dans l’ordre - ça me rappelle une remarque d’une connasse qui sévissait aussi dans les services sociaux du département : Vous êtes les plus forts, c’est d’accord. Mais nous, on est payé, et bien payé. - Tout ça pour rien.

 

Et la limace à son directeur se ramène sur ces entrefaites - le directeur arrêtant de me poser la question - je n’ai rien répondu - il lui dit quelque chose de désagréable - du style : c’est toujours la même chose avec vous ! - Et il reprend le couloir dans le sens inverse - elle le suivant en sautillant dans son complet-veston-cravate dans lequel elle espère devenir un homme - c’était l’entracte quoi !

Enfin, la porte que la travailleuse avait empruntée se met à gémir, doucement comme si elle l’ouvrait secrètement - et elle me fait signe de ramener ma carcasse de pute déguisée en collégienne - je me lève, je rajuste le bas de ma jupe et je m’avance.

- Entrez ! Entrez ! Mademoiselle K.! - 

Putain ce qu’on est poli avec moi ces temps-ci - je rentre - ça pue - ça pue quoi ? - J’en sais rien - c’est un vaste bureau - et derrière l’immense table qui sert d’appui à ses écritures savantes - c’est un ministre ou quoi ? - la travailleuse rampe sur la moquette - le cul humide et les mains moites - on voit qu’on lui a demandé des explications au sujet de sa caboche retravaillée dans le mauvais sens - et puis elle se retire en reculant - ne m’accordant pas son regard qui s’éteint lentement avec l’ouverture de la porte dans la direction de l’espèce de ministre qui attend que la porte soit fermée pour se lever -

Il se lève donc, fait le tour du bureau et s’amène vers moi en souriant - la main tendue que je néglige - de l’autre il me désigne un vaste pouf dans lequel je consens à m’enfoncer - c’est à ce moment que j’ai vu qu’on n’était pas que tous les deux - sous mes genoux soulevés par tant de mollesse, il y a une table basse en verre bien poli avec des cendriers et une revue d’économie - et de l’autre côté de la table - alors là ! - t’as cru que j’étais vraiment une mauvaise écrivaine en ne consentant pas à décrire l’espèce de ministre - il n’en vaut pas la peine - c’est que ma plume a besoin de toute son encre pour décrire - non pas décrire mais recomposer - recomposer et extraire de la page - le sortir de là et le prendre - pour le mettre où ? - Tu rigoles !...

Avant de replonger tous mes yeux dans cette présence inespérée - je lance un regard acide à l’espèce de ministre - un pioupiou quelconque - un bedonnant de la raquette - un moustachu sans moustache - qui me fait mal au coude avec ses doigts de petit fonctionnaire pas content que je me sois assise sans y avoir été invitée - je suis prête à lui crever les yeux à coups de talon - et je dégage mon coude avec un commentaire acide - le v’là prêt à me frapper - mais l’athlète sentimental se lève d’un coup - se penche au-dessus de la table pour que je mette la main dans la sienne - je vais pour me lever et il me tord délicatement le poignet pour que je n’en fasse rien - et je sens la chair nue de ses lèvres se déposer sans autre principe sur la paralysie sexuelle de mes doigts - les yeux éblouis par tant de reflets aux boucles de sa chevelure qui s’avance - j’en écarte les cuisses - et j’entends à peine son nom - et il s’en aperçoit - et il répète - droit devant moi maintenant, ayant laissé retomber ma main comme un oiseau mort entre mes genoux qui ne sont plus que la pliure obscène de mes branches :

- Fabrice de Vermort - 

Et moi il m’est arrivé tellement de choses depuis deux jours que j’ai du mal à me faire à cette révélation qui me coupe la chique - comme si le petit oiseau battait de l’aile entre mes cuisses - cherchant à reprendre le vol et à oublier les étapes de la douleur qui est la sienne en attendant le silence et la mort -

Le fils du comte - c’est le fils du comte qui me reçoit dans le bureau princier de ce fonctionnaire de troisième zone qui veut à tout prix dire quelque chose de désagréable - tandis que le comte et moi on est en train de vivre à côté de ses pompes de minable exécutant des hautes oeuvres de l’État français.

- Ce que vous avez fait ne sera pas jugé... commence l’espèce de ministre qui veut à tout prix que je lève mon cul mouillé de plaisir.

- Il n’est pas question de juger qui que ce soit, coupe le comte, péremptoire. Et non plus d’en discuter. Veuillez sortir, monsieur.

- Mais enfin, monsieur le comte...

- Et lâchez donc le bras de cette demoiselle qui ne mérite pas cette torture.

Je ne sais pas si le préfet est caché dans l’armoire - avec les préfets, il faut s’attendre à tout - en tout cas son espèce de ministre fait une courbette à peine sportive et s’éclipse dans un silence molletonné - un silence de caleçon, dirait Popek.

 

Je me sens toute nue - conne à cause de mon déguisement de fille rangée - moche et rangée - et le fils du comte ne me regarde plus - regarde ses doigts avec lesquels il se met à jouer - cherchant la première phrase - le premier mot peut-être - faut que je l’aide - je peux pas le laisser dans l’alternative

- Si c’est de discrétion dont vous voulez me parler, dis-je de ma meilleure voix d’universitaire - je sais exactement ce que je dois faire à ce sujet. C’est la première règle de cette profession qui n’est pas un métier : être discrète. Une pute qui jacasse ne fait pas long feu. J’ai l’intention de faire la pute le plus longtemps possible.

- Alors on n’a plus rien à se dire ! - 

Le fils du comte me regarde de nouveau - souriant à m’en faire tomber à la renverse - il continue de jouer avec ses doigts - peut-être parce qu’il a encore quelque chose à dire.

- Que mon père aimât se divertir avec des prostituées, ce n’est un secret pour personne. Ce n’est pas le secret qu’il faut garder. C’est un fait qui appartient à son image de bon vivant.

- Vous voulez parler de l’estrapade et des autres machines ?

- C’est une chose que tout le monde ignore.

- Et vous voulez que tout le monde continue de l’ignorer ?

- Il faut que vous gardiez le secret !

Sur quel ton il a dit ça l’athlète sentimental ! - C’est une supplique - il veut vraiment pas que ça se sache.

- Je sais maintenant que je peux vous faire confiance. Je peux ?

- Même beurrée jusqu’à la moelle, je dirai rien promis. D’ailleurs, quand je suis beurrée, je parle pas. Je chiale. J’arrête pas de chialer. Et qu’est-ce que vous allez en faire de ces machines - si j’avais du fric, je monterais une Maison de la Torture et je chierais vite de l’or !

Je sais pas pourquoi je suis grossière - pourquoi ? - Peut-être à cause de mon déguisement - pourquoi ont-ils voulu que je me déguise ? - C’est qu’ils ne savent rien bien sûr ni de l’Estrapade ni de la Machine à Écarteler - c’est un petit secret entre le fils et moi - maintenant qu’on s’est tout dit et que j’ai fait la plaisanterie qui venait à propos - on va aller chacun de son côté - se souvenant du comte gueulant dans la machine - la bite droite comme un sapin au milieu d’une forêt de douleur incisant sa cervelle de détraqué mental - l’incisant sculptant sa sexualité - la sexualité qui justement fait chier sa descendance - y a des choses dont on veut vraiment pas hériter - il faut les confier aux putes qui savent garder le secret et mourir avec lui - et je suis toute prête à me lever quand ce coureur de silence dépose une liasse sur la table - un paquet de biffetons à peu près haut comme ça - et rien que des cinq cents - et je m’arrête de me lever - 

- Ne m’en demandez pas plus, dit le fils d’une voix blême qui lui gratouille le bas des dents. Il faut que cela suffise pour toujours.

Je palpe - je touche du doigt - j’écrase un peu sur les bords - je déplace pour voir si ça mord - je ne rêve pas - c’est la dernière passe ! - Et je sais compter jusqu’à l’infini.

- Êtes-vous d’accord ?

- Il y a de quoi dire merde à la république, non !

Encore une plaisanterie de mauvais goût - ça devrait faire rire un aristocrate - mais ça le coince - il a du mal à respirer - il a envie de desserrer le noeud coulant de sa cravate - il dit le chiffre - passons - je le fais répéter parce que j’ai bien compris - on n’est jamais sûr de ce qu’on est sûr - 

- On va donc se quitter et ne plus se revoir - dit le fils avec un peu de tristesse - c’est qu’il a toute une vie devant lui.

- Je vais enfin pouvoir faire chier le monde à ma manière !

- C’est peut-être en effet une bonne action de ma part, fait le fils du comte en souriant.

- Il faut donner un sens à nos mensonges afin que tout le monde comprenne ce qu’on lui donne à comprendre.

La prostitution serait-elle l’antichambre de la politique ? - Plus besoin de me faire chier entre une justice de paysans médiévaux et une aide sociale de soldats de l’an moins un ou deux - j’ai bien fait d’avoir eu un accident de voiture - j’ai bien fait d’avoir fait la pute - j’ai bien fait d’avoir eu un gosse - bien fait d’avoir épousé un con - parfaitement bien fait d’avoir un papa rose bonbon et une mère vert mousse - j’ai eu parfaitement raison d’avoir fait tout ce que j’ai fait - et si je ne l’avais pas fait - qu’est-ce que j’aurais à faire maintenant - continuer - continuer de vendre mon trognon de pomme - risquant l’amende désossante ou la cure qui remet sur pieds - continuant de dégouliner sans espoir de sécher - avec le même père rose chiant et la même mère vert dégoûtant - et le même mariage sans issue - le même gosse en souvenir de l’avoir accepté - le même trottoir - la même 4L -

Putain ma 4L ! - 

On est déjà dans la rue, le fils du comte et moi - on est sorti du bureau de l’espèce de ministre et on l’a même pas regardé en passant entre lui et la travailleuse qui tordait la bouche pour se lécher une dent - le fils du comte a descendu les escaliers sans les toucher - je l’ai suivi en pensant à ma 4L - il marchait vite pour m’oublier - allant droit vers la Roll’Royce blanche dont un chauffeur venait d’ouvrir la portière - je l’ai rattrapé juste avant qu’il intègre son carrosse et dans un souffle j’ai dit :

- Excusez-moi si je dérange - j’ai laissé ma 4L dans un parking - le SUKIYA vous connaissez - vous pouvez m’amener ? - c’est sur votre route.

- Éloignez-vous ! Éloignez-vous !

J’aurais pas dû venir - la porte de la Royce s’est refermée avec un bruit que je connaissais un peu - et le carrosse s’est faufilé entre les caisses négligemment parquées sous les peupliers - un papier de bonbon faisait le papillon dans les branches - j’étais la bourgeoisie qui court après son roi guillotiné par erreur - et le cherchant encore après deux siècles d’hésitations et de guerres - et dire que j’avais dans la poche de quoi me payer tous les taxis du monde - et je me demandais comment j’allais faire pour récupérer ma 4L - je pensais pas au fric - je pensais à mon bien le plus précieux.

 

*

 

C’est comme ça, mon bonhomme ! - Et oui ma p’tite dame ! - Nous sommes tous des personnages et à cause de ça on entre dans une catégorie ou dans une autre - les fous métamorphiques - quadrature qui ne se laisse pas pénétrer - au centre de quoi se joue la farce de tout le monde - les agonisants qui sont des mât de cocagne dont on n’atteint jamais le sommet - ce qui est le propre des fables - les menteurs - détruisant la géométrie plane du roman ordinaire pour mettre en jeu l’espace antigéométrique de la mémoire - les voyageurs - perpendiculaires à la verticale sans jamais retrouver l’horizon d’une biographie de tout le monde - mais qui vérifie la validité de ses points de fuite - renouant avec un certain sens de la composition - et puis moi - Anaïs K. - la désespérée au grand coeur - entrée dans la sexualité comme d’autres entrent en religion ou en politique - c’est la foi, c’est-à-dire la cécité mentale qui mène à la religion - c’est le mensonge capitaliste qui met sur la route de l’assemblée nationale - c’est le désespoir aux dents de bête sauvage qui allume la première étincelle du sexe - c’est la culture du désespoir qui met le feu à la broussaille épaisse du silence - c’est l’innassouvissement probable qu’on joue aux dés sur la chair qui est toute la compagnie - se parlant l’un à l’autre du temps qui reste à vivre - et de l’usage qu’on va en faire - talonnée par l’absence de fric - emmerdée par les poursuites administratives - faisant le pied de nez à la justice qui juge dans le vent faute de moyens pour exprimer sa haine de l’être et son envie d’existence - farces, fables, romans, essais - j’ai lu tout ce qu’on peut lire là-dessus - et je n’ai écrit que mon cri - sans calculer sa modulation ni sa fréquence - mesurant toutefois l’impact charnel - 

Ma seule amie - dont je n’ai pas encore parlé - me caressant la bouche avec le nez - me donnant toutes les raisons de rester couchée là à faire l’amour sans aller jusqu’au bout de l’amour - à rechercher le plaisir sans le trouver - ou bien en rencontrer les débris saignants - et prophétiser comme une pythie au-dessus de la vasque sexuelle remplie d’odeurs et de matières chaudes - devenant le personnage de mon histoire - et mon histoire se recomposant dans l’ordre du temps qui n’y était pour rien cependant - le temps n’ayant rien réglé - rien ajusté aux pans de la mémoire - temps à peine écrivable - à peine traçable dans le paysage plan qui recevait la succession impossible de mes jours et de mes nuits - 

Alors je ne suis que mon personnage - je m’écris, mais sans l’écriture pour que tout le monde me comprenne - du temps de la douleur à celui de l’amour - passant par le silence inévitable - dans les bras non sexuels de la petite amie qui ne pense pas à l’amour - qui veut me parler de ce qu’on fera plus tard - plus tard c’est tout de suite arrivé - parce qu’on est plus de toutes jeunes filles - parce qu’on a l’âge de faire de bonnes épouses - des épouses coupées en deux entre le linge propre et convenable et la nudité sexuelle mais cachée avec une ponctuation de chair qui s’extrait de la chair - piaillant l’imitation de la parole future - réclamant les mêmes choses qu’on a soi-même réclamé sans succés - farces du fou qui se transforme en un autre fou - fables du mourant qui essaie la lyre de la naïveté non pas touchante mais cruelle - mensonges pour noyer le poisson d’une hérédité impuissante à reconquérir le terrain perdu - fausses géométries à l’angle droit de la lumière qui éclaire la pensée - farces d’une vie sociale qui ne rencontre pas le bonheur - procés du divertissement que la douleur condamne à l’argent - mensonges de la machinerie extrayant la douleur pour isoler le plaisir - géométrie incalculable qui n’est que l’approche de l’anéantissement - justice, thé, estrapade - hôpital, cirque, trapèze - et au bout du compte la tentative de structurer le silence - juste avant de mourir - juste avant de vivre la préparation à la disparition totale - le corps traversé des dernières chimères qui ne sont que le pâle reflet de ce qu’on a vraiment vécu - de ce qu’on a peut-être écrit si on ne s’est pas trompé de vocation -

Et la petite amie qui est la seule que tu n’auras jamais te chatouille gentiment les endroits non sexuels - les morceaux qui doivent rester non sexuels sous peine d’amour - parce qu’il n’est pas question de tomber amoureuse de cette petite fille attardée qui a gardé sa culotte en signe de non-sexualité - me donnant l’amitié dont je ne pouvais plus me passer - l’amitié sans quoi je retourne en enfer - entre les coups de poing sur les seins et les douches de ricard - entre les cris imitateurs de la seule exigence et le craquèlement des mamelles que je n’ai pourtant pas données sans espoir de retour - la petite amie qui ne croit pas à cette histoire de Roll’Royce - qui compte les billets sur ses cuisses nues - qui n’en croit pas ses yeux - j’ai fait chanter sans le vouloir - dire qu’il m’a suffit d’être sexuelle et discrète - dire que je ne l’ai vraiment pas cherchée, cette ouverture sur le monde de la propreté - sur le monde où un carré est un carré - une figure géométrique quoi ! - Alors que j’avais toujours constaté une erreur de calcul qui m’empêchait de vivre -

La petite amie à la poitrine de garçon d’écurie me félicite - je suis vraiment la première des putes - elle n’a jamais offert son cul contre de l’argent - elle ne le fera jamais, dit-elle - c’est pas dans sa nature et ça la dégoûte un peu - elle croit à l’amour et surtout à l’amitié - elle a un joli visage que rien ne détruira - elle aimera l’enfant qu’on voudra bien lui donner - j’ai déjà rêvé cela - je l’ai peut-être même arrachée à la vie - un mari et un gosse me détruisant le cul qui était mon seul métier - et l’horloge des coups qui pleuvent et des mamelles qui se mordent - le cul se détruisant peu à peu - rêvant d’un autre amour - en parlant avec la petite amie qui grandit doucement dans l’amour que je lui donne - lisant mes lettres - me rappelant à mes devoirs d’épouse et de mère - puis me trouvant toutes les excuses quand j’ai enfin assumé la première passe - le premier fric - la première fois qu’un type me regardait en souriant - tendant les billets - ayant trouvé ce qu’il était venu chercher - et moi n’en croyant pas mes yeux - que c’était facile - que ça pouvait continuer - que c’était tout ce qu’il fallait faire pour vivre proprement - enfin presque propre -

Mais de là à penser que je toucherais le gros lot - la petite amie rigole avec moi - m’offrant la caresse de ses cheveux sur mon épaule - elle ne suivra pas le même chemin - elle ne touchera pas le gros lot - mais elle est contente quand même - ah j’oubliais - si vous n’aimez pas les considérations métaphysiques - ne lisez pas ce que je viens d’écrire - passez tout de suite à la page suivante - on continue de raconter - et on arrête de penser à des choses compliquées qu’aucune conversation n’éclairera - je quitte la petite amie vers quatre heures ce lundi - je l’ai longuement caressée en pensant à la Roll’Royce blanche qui a pris la fuite sur le coup de deux heures - deux heures et demie - j’ai tout de suite été chez ma petite amie pour caresser son cou de pouliche - c’est que je l’aime sexuellement moi !

 

 

*

 

 

Enfin c’est exactement ce que je veux dire - une fois constatée l’imposture des structures sociales et de leurs institutions - assumées la participation au divertissement et l’insatisfaction qui en revient la gueule ensanglantée à cause de l’incohérence du jeu - il nous reste la machinerie à extraire la douleur - et un livre est une machinerie de ce type - aussi bien que l’estrapade ou le fouet - c’est une machine à faire tourner en rond les chevaux de la parole - jusqu’à ce qu’on en ait marre de souffrir et qu’on se jette sous les sabots pour être lentement écrasée jusqu’à la fin du spectacle qui n’a jamais cessé de continuer - portes ouvertes dans la rue sociale - entrée payante au cas où on n’aurait pas compris - je suis encore en train de penser à ça quand, sortie de chez ma copine, j’arrive sur le parvis de l’hôpital -

Il y a du monde sous les tilleuls - des curieux qui font cercle autour d’un clown coloré comme une affiche - je m’approche pour m’amuser moi aussi avec tout le monde.

- Vous comprenez les petits éfans ? - Le clown qui est mort là dans cet hôpital n’est pas mort pour tout le monde - regardez - je me suis mis dans son costume et maintenant on dirait que c’est lui - je suis vivant ! - Je suis vivant ! - Je ne suis pas mort ce matin - dans la voiture écrabouillée de monsieur le comte - ça c’est ce qu’on raconte - et on a tort de le raconter - parce que je ne suis que cela - ce déguisement qui ressemble à un habit d’homme de tous les jours - regardez ! - J’ai un pantalon, des souliers, une chemise, une veste - et même une cravate - et même un chapeau que je peux faire sauter trois mètres au-dessus de ma tête et qui retombe dessus sans problème - qui a dit que c’est pas trois mètres ?

- C’est trois centimètres !

- Vilaine petite fille qui veut faire mal à mon gros coeur de clown - trois centimètres, c’est beaucoup plus que trois mètres - comment ? ce n’est pas vrai - ils t’ont raconté ça à l’école ? - ah bon - alors tout est changé - ou alors je n’ai pas été à la bonne école - j’ai été à l’école de ceux qui veulent faire rire les autres - ce n’est pas du tout scientifique - c’est peut-être pour ça que je me trompe - Ouh ! Ouh ! Ouh ! - fait le clown coloré et la foule recule avec ses enfants qui crapotent méchamment - et puis le cercle se referme de nouveau autour de cette amusante solitude qui raconte n’importe quoi - je fais comme les autres - je recule si le clown fait Ouh ! Ouh ! et je reviens à la limite de son spectacle quand il se met à rire - quelquefois attendant qu’on revienne tous pour simplement nous effrayer et riant aussitôt pour se moquer de notre docilité - et affirmer l’autorité qu’il a sur nous à cause d’un truc qui est au point et que personne n’a envie de casser comme un gosse casse son hochet sur le bord de sa poussette.

- C’est triste un clown qui meurt - ça fait pleurer les clowns - on était de grands amis et on jouait souvent ensemble - tu veux savoir à quoi on jouait ? - À la marelle bien-sûr - et puis à cochon-vole - vous savez jouer à cochon-vole ? - Vous voulez jouer à cochon-vole ?

- Ouiiiiiiiiiii...

- Plus fort ! - Il faut qu’il nous entende - les murs de l’hôpital sont si épais !

- Ouiiiiiiiiiiiiiiiii...

- Cochon vole ! - et on lève la main vers le ciel - maison vole ! - On ne s’est pas fait avoir - éléphant vole - et on lève la main - on n’a pas de chance avec les animaux qui ne volent pas - clown vole !

Quelques mains se sont levées - elles ont hésité en l’air - puis elles sont redescendues lentement - le clown s’est mis à pleurer - faisait pas semblant - son maquillage dégoulinait - il a regardé la foule en cercle - c’est le moment mélodramatique du roman - on va tous pleurer ensemble - se répétant la question : clown vole ? - on sait pas - quelques-uns croyaient savoir - ils hésitent maintenant - mains pendantes - sauf une petite fille souriante qui lève la main en sautillant - elle a l’air heureux d’être sûre d’elle - heureuse que tout le monde sèche sur la question de savoir si un clown vole ou pas - elle n’est pas comme tout le monde - la nature de la question ne la dérange pas - il n’y a rien dans son esprit pour dire le contraire - ou laisser entrevoir un doute - c’est elle qui a fait pleurer le clown - on a envie de se tirer - on reste là parce qu’on est poli et puis le clown lève la main - il dit :

- clown vole ! - Vous avez tous eu tort - sauf toi petite fille - mais toi tu aimes les clowns - tu tomberas amoureuse d’un clown - c’est tout ce que je te souhaite - est-ce que tu as envie d’être amoureuse d’un clown ? - Oui ? - Tu aimes la vie à ce point ! - Est-ce que je peux te demander si tu veux m’épouser ?

La petite fille secoue la tête pour dire oui - elle est toute chaude à cause de l’innocence qui est son petit soleil matinal - autour d’elle, la foule est immobile - c’est l’écrin du froid de la nuit mentale qui attend la vie au tournant de la jeunesse -

On entend alors quelques commentaires outrés - le clown danse avec la petite fille dans le cercle qui ne reculera plus - la mère est une idiote qui attend qu’on lui dise ce qu’elle doit faire - personne ne lui dit rien - personne n’a envie de lui dire ce qu’on pense - le clown est en train de faire un enfant à la petite fille - un enfant en forme de poupée inoubliable - un souvenir pour toujours - à quoi elle pourra s’accrocher quand le soleil aura fini de s’allumer dans sa tête - quelqu’un dit enfin : 

- C’est inconcevable ! - 

Ce doit être un éducateur - ou un enseignant - ou un flic - non, pas un flic - les flics sont trop cons pour comprendre l’inconcevable - il faut être plus intelligent que ça - et tout le monde est d’accord sur l’inconcevabilité de ce qui est en train de se passer - le clown faisant un enfant à la petite fille - et sans qu’il soit question de sexe - ce n’est même pas une question d’amitié - il est simplement question de partager la joie - et personne ne l’entend de cette oreille -

Moi je n’ose rien dire parce qu’avec ma sale gueule, je ne ferais qu’envenimer les choses - alors je me tais - je regarde l’enfant sortir de l’accouplement - un enfant comme j’en ai toujours rêvé - pas un enfant mordeur de mamelles ! - Un enfant transparent comme le bonheur - un enfant qu’on n’a pas besoin de toucher - mais qui existe parce qu’on voit à travers - ensuite la foule s’est dispersée en rouspétant parce qu’elle n’avait pas trouvé le moyen de s’exprimer - se dispersant lentement sur le parvis comme les feuilles mortes que le vent ballade jusqu’à l’usure - et la petite fille est restée près du clown pour jouer avec le contenu de la valise magique - extrayant les chapeaux magiques, les foulards, les oiseaux, les rêves - sa mère sur le banc les pieds dans un vol de feuilles mortes - et moi debout contre la statue de Lakanal - ne pensant pas à Lakanal - me demandant pourquoi j’écris -

 

 

*

 

 

- J’ai laissé ma 4L dans un parking - le SUKIYA, vous connaissez ? - C’est peut-être sur votre route ?

- Je retourne à Sainte-Bordure. Ça vous va ?

- C’est sur la route !

Je m’approche encore du clown qui est en train de tasser dans sa valise magique les chapeaux et les rêves que la petite fille en avait extraits - maintenant s’éloignant la main dans celle de sa mère - se retournant en faisant au revoir avec la main - le clown singeant une triste séparation qui amuse la petite fille à l’esprit clair - et puis des voitures l’absorbent - des passants se mélangent à sa lointaine disparition - le clown me regarde en haussant les épaules - il n’y peut rien - c’est le spectacle - on se trouve, on s’aime, on se quitte pour toujours - on ne revoit jamais les petites filles - entre-temps, elles grandissent, deviennent sexuelles et ne comprennent plus rien à la rigolade simple et claire comme de l’eau de source - le clown ne me dit pas tout ça - c’est moi qui pense - je n’ai jamais rencontré de clown dans ma tendre enfance - si c’était arrivé, ma mère l’aurait dénoncé pour détournement de mineure - ma mère sexuelle mangeuse de sexes - ma mère épouvantable qui a fait de moi un objet sexuel dès mon apparition - montrant à mon père à quel point j’étais sexuelle et lui indiquant la distance qu’il devait respecter par rapport à moi - et lui ne cherchant pas à violer le secret de ma sexualité - s’éloignant prudemment chaque fois que je tentais de l’approcher pour toucher sa bite créative - baissant les yeux à mon passage dont seule l’odeur de sang pouvait l’impressionner - ma mère faisant de moi une pute - écartant les clowns à coups de balai - fouillant dans les poches des prétendants - à la recherche du grand secret qui transformerait ma sexualité en position sociale - ce n’est pas le clown qui me disait cela - il était assis sur le couvercle de la valise, m’indiquant les fermetures pour que je la boucle à sa place.

- Vous y avez cru, vous, à cette histoire de clown mort ce matin ? me demande-t-il d’un coup - et je reste un moment la bouche ouverte sans rien dire :

- C’était un beau spectacle, finis-je par dire, éludant le sens profond de la question - ce qui est toujours dans mes cordes.

- Non, dit le clown en pliant la table de camping sur laquelle il avait posé un énorme coeur de carton-pâte destiné à recevoir les aumônes du peuple - mort pour de bon ce matin - il est là, c’est pas une blague - dans un tiroir de la morgue - avec son nom au doigt de pied - alors je suis venu lui rendre hommage - demain il s’envole pour l’Amérique - où il reposera pour l’éternité - enfin, si la préfecture arrive à résoudre le problème administratif - ils n’ont rien trouvé ni dans leurs têtes ni dans les RÈGLEMENTS - ils ont peur de téléphoner à Paris - ce serait plus simple, n’est-ce pas ? - Vous ne trouvez pas que c’est plus simple ?

- Pourquoi vous téléphonez pas, vous ?

- Je ne sais pas téléphoner.

- Vous rigolez. Tout le monde sait téléphoner.

- On m’a pas appris. Et je ne sais rien apprendre par moi-même. Il faut toujours qu’on me casse la tête pour que ça rentre.

Il a envie de me faire rire ou quoi ! - Je ferais mieux de prendre un taxi - mais j’ai pas l’habitude de dépenser de l’argent pour me faire porter - et puis je pourrais tomber sur un dingue qui me ferait cadeau de la course en échange d’une pipe - pas une passe de plus ! - Même pour le plaisir - je vais changer ma citrouille en carrosse - et sans l’aide de personne -

Le clown me demande si je veux bien garder ses affaires qu’il a soigneusement appuyées contre un arbre à chien - il court lentement sur le parvis et revient dans une voiture qui n’est rien d’autre que la Mercédes de Marcel - ça m’en fiche un coup au coeur ! -

Je fais une tentative de fuite mais le clown me rattrape : 

- Eh ! Jeune fille, est-ce que je suis si moche que ça ? - 

Il a enlevé son maquillage - son costume de gugusse - et son chapeau sauteur - maintenant c’est un petit homme - plus jeune que moi - vêtu d’un jean et d’un chandail - une petite tête toute mignonne qu’a besoin d’un maquillage marrant pour dire des méchancetés au monde qu’il a décidé d’amuser de cette manière périlleuse.

- Ou bien je ne suis pas le bon gabarit ! - fait-il encore en jetant ses affaires - valise et table pliante - et un lampion chinois qu’il avait accroché à la branche de l’arbre à chien - Je peux quand même vous amener récupérer votre CARRIOLE, vous savez ? Vous n’allez pas changer d’avis, hein ? Qu’est-ce que ça me décevrait !

- Bon d’accord, pioupiou - je monte avec toi - mais attention je monte et je descends - et il se passe rien entre-temps - même contre monnaie sonnante -

Je souris et je m’installe dans la voiture - il ne dit plus rien en sortant de Foux - il est tellement petit que je me demande comment il peut conduire un pareil char d’assaut - regardant la route à l’intérieur du volant - assis au bord du siège - la pointe des pieds sur les pédales.

- Mais putain quel âge t’as ? dis-je soudain.

- Douze ans, m’dame. Et toutes mes dents. Je suis venu dire au revoir à papa. J’ai fait le clown devant l’hôpital parce que j’ai peur d’entrer dans la morgue. J’y ferais quoi dans la morgue ? Je sais pas faire ce genre de choses. Papa voulait que je sois instituteur. Maintenant qu’il est mort, je me dis que rien ne m’empêchera de devenir clown !

- Tu veux pas que je prenne le volant, des fois ?

 

 

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