Patrick Cintas

 

Seriatim

précédé de « Avant-fiction »

 

poèmes

© Patrick Cintas

La lecture de cet ouvrage est gratuite.

La version brochée est en vente chez Amazon.fr

 

 

 

Table

 

Avant-fiction

Seriatim

I

II

III

 

Avant-fiction

 

I

Un probable tombeau à quelque pas de là.

L’enfance contemplait la toile d’araignée

À l’équerre du toit où peut-être une fée

Promettait au futur au moins un Walhalla.

 

Pas un épanchement malgré le postulat.

Des croisillons à l’ombre et le sombre nymphée

Qui abolit le temps et agite l’idée.

La pluie révèle en bas-reliefs les insulas.

 

Et la boue de tes pieds, tavelée de nablas,

Éparpille alentour les émaux et camées

D’une ancienne rengaine à jamais envolée.

L’animal qui te suit feule et le coutelas

 

Menace les voisins loin de nos aulas

Où rutile saignant l’argent de tes trophées.

 

II

On enterrait encore à l’aube d’un printemps

Qui éloignait de toi toute trace de rêve.

C’était après la nuit comme le jour achève

D’une seule fraction tes travaux de titan.

 

À ce point de rencontre au moins un habitant

D’une voix de luciole évoque la vie brève

Et l’immobilité comme la parascève

De ceux qui ont connu plus que l’Homme le Temps.

 

Suis tes pas sans personne à l’ombre qui t’attend.

La statue représente Hélène qu’on enlève,

Roman interminable, incessantes relèves,

Car la Bête à tes pieds n’en finit pas pourtant.

 

Grilles rouillées d’Histoire et de ses contretemps,

Faut-il l’ouvrir enfin pour que la Bête crève ?

 

III

Ainsi âgé tu entrais en ton cimetière.

Si tu vivais encore et si le temps n’était

Qu’un essor excessif de tes jambes l’été ?

Ainsi âgé l’hiver n’était plus nécessaire.

 

Hélène, quelle Hélène ? Et combien d’adversaires

En cette forteresse au héros hébété ?

Pauvre de métaphore et riche à satiété,

Pour demain le voyage avec ses commissaires.

 

Mais la tombe a les pieds dans la terre adultère,

Si toutefois l’analogie par arrêté

Se prête aux jeux que connaît la propriété.

À l’aurore on en voit de plus célibataire.

 

Ce qui manque à tes yeux c’était le caractère

Improbable des lieux que l’attente a fêtés.

 

IV

Loup félin dans les pas aux herbes prometteuses,

Son ombre est dans le marbre aux factices cadeaux.

Tes bras laissent couler les ors de ton fardeau

Dans quelque vase étreint par une arche porteuse.

 

Quel palais mieux que lui s’ouvre à toutes les gueuses ?

Sinistre fer forgé qui figure un jet d’eau

Qu’enlace la tribu de tes despérados.

Aucun ne vient ici sans intentions douteuses.

 

Moustache s’amusait de sa louve boiteuse.

Des petits se laissaient balloter sur son dos,

Hybride fourbi de rime et de libido.

D’autres te conduisaient sur la sente boueuse.

 

Fusion des fers rouillés dans la giclée noueuse,

Ta pensée, animal, cherche un eldorado.

 

V

Dans le dernier élan le hasard se complique

De chiffres balancés du cornet au tapis.

Vertige sans retour ni clause de répit.

Même le temps n’est plus un rite anachronique.

 

Tu as déjà vu ça dans la fiction comique.

Doublures qu’on agite aux ordres des tempi

Tels qu’on écrit toujours à tort et à l’envi.

Hélène accompagnait tes pas dans la musique.

 

Mais tu ne verras pas comment ça se chronique

Maintenant que cornet, dés et catimini

Ne s’entrechoquent plus derrière le crépi

De ton rectangle enfin refermé sans mimique.

 

Car quelle œuvre est promise aux vaines politiques ?

Qui en conçoit la fin et pourtant s’assoupit ?

 

VI

L’endroit s’environnait d’une vieille clôture.

Feuillages d’abandon, de paresse ou d’oubli.

Même l’eau d’un ruisseau semble quitter son lit.

On voit un peu le ciel mais c’est sans aventure.

 

L’esprit s’est arrêté et songe à y conclure

La pensée qui ignore où ceci se finit.

C’est la première fois depuis longtemps ici

Qu’une pareille idée étonne sa césure.

 

Après tout le nuage est-il la découpure

Ou le mélange enfin de tout ce qui s’est dit ?

Ce qu’on voit à travers les feuilles en sursis,

Est-ce tout ce qu’on sait de cette démesure ?

 

Vite passons la grille avant que la morsure

Nous éveille et nous livre au véritable cri !

 

VII

Certes les cieux étaient de plomb, et sans nuages.

Ce drap tiré d’un bout à l’autre du vallon

N’invitait pas à se jeter dans le giron

De l’hôte de la nuit et de ces noirs parages.

 

De la fenêtre on les voyait tourner les pages

Mieux que le vent qui s’en prenait aux papillons

Plutôt qu’à ces romans de gare et de chansons.

À l’intérieur, on se livrait à des usages

 

Qui les eussent réduits à leurs enfantillages.

Car y a-t-il d’autres chemins que nos jalons ?

Certes le ciel était fuligineux, mettons.

Mais la jeunesse connaissait d’autres voyages !

 

À cet âge, voyons ! mais nous n’avons pas d’âge !

À peine si nous nous livrons aux roupillons !

 

VIII

Ô probable tombeau qui eût été palais

Si la mort avait eu un sens, une exigence,

Un effet sur le temps expliquant les absences

Et les disparitions dans le ciel constellé !

 

Vaine géométrie aux angles bricolés !

Voisinage étranger entre les apparences.

Il erre sans errer et l’errance est errance.

Sous le pilier un compagnon s’est affalé…

 

Revient de loin sans horizon et ruisselait

D’une autre pluie, d’une autre nuit aux gouttes denses.

Parlant pour ne rien dire et le cœur en partance…

Comme au ponton naguère avec les feux follets.

 

Le bord de son chapeau est un poème allé

Au vent dur et têtu de ton adolescence.

 

IX

En un point d’orage et de vent, mais si tranquille,

Celui qui marche droit devant, ce promeneur,

A bien plutôt l’aspect d’un lointain visiteur

Qui n’arrive que par hasard, ancien fossile,

 

À la faveur d’un vent contraire et érectile.

Son Hélène est couchée en un lieu plus trembleur.

Il l’a couchée lui-même à juste profondeur.

Maintenant il rejoint un tout autre concile.

 

Seul malgré tant de temps et de foi inutile,

Il secoue son carcan de débauche et d’ailleurs,

Laisse tomber de vieux bouquins de chroniqueur,

Brise sa plume et ses couleurs, froid et docile,

 

Et sans un mot attend, ô conteur immobile,

Que la mort l’initie au sens de la douleur :

 

X

« Il ne restera rien, tôt ou tard, maintenant

Ou dans quelque seconde avant que s’éternise

Le Temps ou son Histoire ou la lente Méprise

Du cœur et de l’esprit dans les mauvais moments

 

De l’attente, ô châteaux… Ne vais-je pas rêvant

Alors que le sommeil ici n’est plus de mise ?

Ce qui est beau est beau, avec ou sans chemise.

Peut-être même sans l’œuvre d’un adjuvant.

 

De mon père lui-même il ne reste un diwan.

Alors qui de vous deux, Hélène ou Artémise,

Me conduit par la main dans ce lieu sans surprise :

Le jardin et sa rose au soleil rutilant ?

 

Si l’homme que j’étais ne va plus écrivant,

Où donc est mon futur tandis que j’agonise ?

 

XI

Les soucis et les ors de mes contemporains,

Du moins les plus distants de ma triste demeure,

Dedans n’agitent rien qui vaille que j’en meure.

Il est vrai que jamais je n’y ai mis la main.

 

Mes personnages sont à l’animal humain

Ce que le comédien peut être à la bonne heure.

La rime qui s’entend ne vaut pas l’intérieure

Et celle qui se voit n’est pas de mon prochain.

 

Ô qu’ils viennent à moi s’ils sont mes riverains

Sinon à l’aviron sur les mers extérieures

Qu’ils nourrissent mes nerfs que leur travail écœure !

Ce n’est pas avec eux que je vais aussi loin…

 

Ce n’est pas seul non plus… car en sus de leur pain,

Il me faut de l’amour… pas mince la gageure ! »

 

XII

Quel animal ici peut comprendre ce rire ?

Assis devant l’exergue aux ors déjà anciens,

Il secoue son habit de pauvre comédien.

Il ne sait plus dès lors ce qu’il faudrait écrire.

 

Interrogeant le poil que l’animal étire

En même temps qu’il sort ses griffes de païen,

Le visiteur allume une pipe, son bien

Ultime s’il en croit l’heure qu’il vient d’élire.

 

Il est temps de vider ce corps de son délire…

Seconde d’agonie ou lente mort de chien.

L’autre feule et s’endort du sommeil que les siens

Appellent dans les bois par instinct de vampire.

 

« Tous les loups sont crevés… Maintenant l’Homme expire.

C’est l’heure, chat errant, si personne ne vient…

 

XIII

Quelle arme cependant opposer à la vie… ?

Le choix n’est pas facile et la chance n’y peut

Rien. La corde ou le couteau, le poison, le feu…

Cela n’est pas écrit… malgré la Comédie.

 

Ce n’est pas un spectacle et la mort y convie

Pourtant… Mais personne ne vient, ô malheureux !

Ils ne le savent pas ! Voyager pour si peu ?

Pense aux volumes qui n’ont pas donné envie…

 

Non plus n’a produit la leçon d’anatomie

Attendue par l’orchestre aux entractes douteux.

Il fallait disséquer et grimacer à deux

Mais tu n’as pas daigné flatter l’hypocrisie

 

Ni donner de l’ouvrage aux basses anomies

Qui nourrissent fictions et poésie des gueux. »

 

XIV

Voici que l’animal au lieu de dormir rêve.

Hélas rien n’est moins pur que cet être vivant…

Ses convulsions signant du coucher au levant

Les palimpsestes nus de sa morose sève.

 

Il faut qu’à l’aube un doux ami en parachève

Les volubiles contenus et que le vent,

Analogue et facile, ou peut-être savant,

Mette fin aux visions de cette double trêve.

 

« Ceci n’est pas de moi ! » s’écrie-t-il sur la grève

D’un tombeau fort des arts de son pâle occident.

La pluie mouille fourrure et ivoire des dents.

« Ce que je sais n’est pas de moi ! » La Bête en crève,

 

Mi-câline, mi-féline, nuit trop brève…

Alors on croit rêver jusqu’au coucher ardent ! »

 

XV

Mais ceci n’est-il pas qu’une charogne immonde ?

Ou quelque cache-nez emprunté pour l’effet

À l’amante ou mieux dit à certain boutiquier

Dont la vitrine est morte et la plume seconde… ?

 

Voici le rire enfin de l’homme à la Faconde !

Il noircit ce qui est déjà noir, ce qui est

De nuit, d’angoisse et de noir mélange dédié

À l’autre qui n’existe encore comme Monde !

 

Ah quelle solitude est autant vagabonde ?

Sur sa dalle il se sent moins qu’en trop étranger.

Il est venu pour ne pas dormir, décidé

À arrêter le temps de cette nuit profonde…

 

La peau git à ses pieds et respire dans l’onde

Que le temps presse avec son électricité.

 

XVI

« Mourir seul loin de tout et de tous c’est dommage !

Rire de soi sans l’Autre et guetter le Moment,

C’est presque douloureux, comme un mauvais roman

Mis dans les mains du pauvre qui n’en a pas l’âge…

 

Qui suis-je si j’étais ce que veut ce passage

De la vie à la mort ? Qu’on me dise comment

Posséder tous les sens de ce juste fragment ?

Qui m’appartient en Droit ? Qui m’a en héritage ?

 

Que de questions à l’instant même où le voyage

N’en est peut-être pas ni le commencement ?

Encor si j’avais peur… mais pas un tremblement

Au niveau de la main que mon esprit partage

 

Avec cette autre main qui écrivit des pages

Et des pages de bien agréables tourments. »

 

XVII

Un homme passe ici ou c’est un personnage…

L’homme parle à cet homme et l’un entend des voix

Très nettement, alors que l’autre est aux abois.

La pelisse s’agite et le vent de passage

 

Chasse des migrations que la nuit avantage.

La pluie cessant l’heure s’avance mais sans choix.

Ainsi chaque acteur est auteur de son emploi.

Quel Théâtre ! dit l’Homme. Un peu de bavardage

 

Ne fera pas de mal à mon esprit sauvage…

Car il se croit farouche et même un peu adroit,

En tout cas assez fort en thème et dur en loi

Comme en témoigne ferme son dernier ouvrage.

 

L’un offre sa parole et l’autre son bagage.

Mais personne jamais n’en saura le pourquoi.

 

XVIII

« Je ne mourrai jamais si le rire l’emporte ! »

Disait cet homme en proie aux tourments infernaux

Dont il était l’auteur et même le Jeannot

Car souvent l’équivoque frappait à sa porte.

 

Il travaillait tout nu et souvent sans escorte.

Il s’ensuivait des nuits et des jours de travaux

Dont les effets pervers au niveau du cerveau

Fabriquaient des réseaux comme le vent emporte.

 

Certes le style était, comme on dit, de la sorte,

Et des diables fourchus occupaient les créneaux

De la muraille cérébrale sans pavot…

« Je ne mourrai jamais car ma chandelle est morte !

 

Tu seras toujours là, ô mon unique aorte,

Pour redonner un sens à mes hâves journaux. »

 

XIX

L’Animal retrouva ses esprits et son maître

Profita de l’Instant pour griller son tabac.

La première tirade enfuma le débat

Comme cela se passe entre les Gens de Lettres

 

Et l’Homme dut souffler pour les faire apparaître.

Un feu plus flamboyant eût donné du Sabbat

Un spectacle tout droit sorti du long combat

Que se livraient en son esprit les noirs ancêtres

 

Qui des siècles durant durent se compromettre

Dans la Langue et l’exploit, voire le célibat.

Il s’amusa pourtant et ne les laissa pas

Compliquer des travaux qu’il voulait voir renaître

 

Une dernière fois avant de ne plus être

Lui-même que son ombre et l’ombre de ses pas.

 

XX

« Qui m’a conduit ici ? C’est le goût de la Mort

Ou quelque angoisse amie évoquée pour combattre

Ce que l’Éthique enterre au seuil de ce théâtre.

Le comédien ricane en secouant son Corps.

 

Qui donc es-tu si tu n’es pas de mon rapport

À la Réalité, ma saison opiniâtre

Qu’on n’enterre jamais sans l’avis du psychiatre ?

Je suis déjà venu ici comme dehors…

 

Vain livre ouvert où rien ne joue sinon le Sort…

Un poulailler d’astres éteints sans idolâtre…

Et alentour l’haleine amère de cet âtre

Que feint l’enfer avec ses mois pantocrators ?

 

Quel figurant muet bande tous les ressorts

Du poème topique au dérisoire emplâtre ?

 

XXI

Peau de moi-même qui pourrit ou animal…

Qui le dira ou se taira ou rien n’existe… ?

Après tout pourquoi pas ? La vie n’est pas si triste

Même sur les gradins du fronton national.

 

Tu auras applaudi, en aède oriental,

Sans voyages ni biens, casanier maniériste

Mais pas indifférent aux effets humoristes,

La ballade aux saisons du Monde occidental.

 

Ce cuir disparaîtra dans l’expérimental.

Il ne faudra pas plus d’une seconde artiste

Pour en détruire tout, sans documentaliste

À l’appui du propos par trop artisanal.

 

Sans os, sans chair, sans sang on est sans sol filial.

Il eût fallu creuser des puits antagonistes

Aux antipodes clairs des plans anatomistes…

Comment savoir si c’est par science ou par l’anal

 

Que l’un survit toujours et que l’autre, animal,

S’efface comme nue au soleil des copistes ?

Le Commerce et l’État suppriment le touriste.

C’est la règle ici-bas sinon c’est anormal.

 

On ne sort de chez soi qu’en habit de vassal.

Dedans on se couronne ou on joue l’alchimiste.

La fenêtre est de ciel ou de façades tristes.

Ainsi je suis sorti, mais le noir est fatal…

 

Me voici sur le seuil de mon séjour tombal,

Ni lame ni canon et pas d’accessoiriste

Pour que la mise en scène ait un air réaliste…

J’ai besoin d’une main qui m’aime et qui m’assiste ! »

 

XXIII

« Comme ça tombe bien ! » dit en passant par là

Le nécessaire acteur qui le dialogue installe.

Il en faut un sinon la mort est si brutale

Que l’agonie en temps ne se mesure pas.

 

L’heure presse au cadran qui anime le glas

Et le poignet attend la geste capitale

Que promet l’animal à son maître dédale.

La pierre sous ses pieds n’a rien d’un matelas.

 

Le passant d’un coup d’œil expert en blablabla

Trouve de quoi s’asseoir au chœur de l’absidiale.

À l’envers à l’endroit la caresse dorsale

S’applique à bien la faire et espère au-delà.

 

« Je suis prêt, dit enfin l’impatient candidat…

— Moi aussi ! Et comment ! Je suis d’humeur fatale ! »

 

XXIV

Même le singe rit si la chose l’amuse.

L’Homme en face de l’homme essuie le verre épais

Qui masque son œil gris et lui pince le nez.

« Vous voilà décidé à mourir sans les Muses…

 

Commence-t-il enfin, ce qui peu me méduse.

On arrive toujours avant l’heure des faits.

L’ouvrage que voici est loin d’être parfait.

Mourir vous servira au moins de piètre excuse. »

 

L’homme qui est assis face à l’hypoténuse

De ce rectangle froid et nu comme un galet

Ravale sa salive et se met à râler

Comme un qui se méfie du style dont on use.

 

À convier l’Inconnu avec l’âme contuse

On risque d’en finir avant d’avoir creusé.

 

XXV

Or la tombe était loin d’avoir la profondeur

Requise en cas de mort sans personne en surface

Pour pelleter hutin une terre coriace

Et y dresser le bloc dans toute sa splendeur.

 

Certes l’exergue était façonné dans l’ardeur

Qui, vaine inspiration, arrache la grimace

Au suicidaire épris soudain de son audace.

Mais couchée dans la terre encore avec laideur,

 

La dernière trouvaille avait de quoi, horreur !

Inquiéter cet esprit finissant si fugace.

Il se tordit les mains pour supplier sa race,

Mais personne ici-bas ne s’en fit procureur.

 

Le doute était dans l’œil du tombeau acquéreur.

L’Homme qui n’était pas l’homme reprit sa place.

 

XXVI

« Pas facile, la Mort, surtout quand on s’égare

Sur le chemin étroit qui conduit au tombeau.

On est venu ici pour trouver du nouveau

Et l’annonce est gravée en des termes barbares

 

Pour ne pas dire que le texte en est bizarre.

Ici ne manquent pas les inquiets mémoriaux

Mais la nuit est si noire et l’or si rococo

Que la lecture en est pour le moins accessoire.

 

Froide topographie où s’étagent carrare,

Bouquets et porcelaine et regards de photos !

La mémoire y fictionne avec divers héros

Entre lesquels les tiens se pressent dare dare

 

Pour exister avant que l’oubli les sépare

Et que la solitude efface leurs folios.

 

XXVII

Ah ! Referme bouquins, clapet et ouvertures !

En chemin prends le temps de mesurer le pied

Et dis-toi que je ne suis pas ton équipier.

On m’en voit rarement adopter la posture.

 

Le collet n’est pas mis où la trace aventure.

Trop peut-être ou depuis l’instant s’est raréfié.

Le temps est comme l’air conçu pour respirer.

La besogne est à peine en phase d’écriture.

 

Redresse ton échine et freine ton allure !

Tu ne vois pas la nuit, le jour est ton allié.

Hélène n’est plus là, mais tu tiens au collier

Artémise qui jouit d’en être la doublure.

 

Faute de profondeur, signe la ciselure

Et prends à bras-le-corps ce con ensoleillé !

 

XXVIII

Je me mets à ta place et arcboute des pieds

Entre ses jambes nues que le poil dénature.

Tu ne peux pas savoir le plaisir que procure

Cette interprétation de comique troupier.

 

Nous voilà pour tes yeux dans le blanc du drapier.

Dans la tapisserie l’acanthe et la luxure

Mélangent leurs couleurs ô mâle bigarrure

Dont le pinceau artiste exalte le métier.

 

Le fidèle miroir nous étreints tout entiers,

Profession que la belle appelle pour conclure

Ce que le peigne attend de ses deux chevelures :

La blonde à la fenêtre et la noire en chantier.

 

L’artifice dérange un peu la vérité

Mais pourquoi se soucier des défauts de peinture ?

 

XXIX

Attends l’aube et retiens ce couteau à poignet

Ou à cœur je ne sais en quoi sa triste lame

Se change pour de bon une fois que la femme

Donne un sens à la mort dont tu veux témoigner.

 

Laisse filer le temps à l’estoc de l’acier

Seulement exercé dans le noir amalgame

Des forces de la nuit que le verbe réclame.

À l’heure du soleil tu seras préfacier.

 

Et je jouerai ta voix avant que vous vinssiez

Vous recoucher à poil dans cet épithalame.

Ainsi Hélène morte achève le programme

Que par pure fiction tu inventas vicié.

 

Le charme d’Artémise apparaîtra scié

Comme qui en sommeil se nourrit d’anagrammes.

 

XXX

En attendant je baise et je me fortifie.

Le rideau est levé sur l’émouvant trophée

Qu’Artémise propose à la salle bluffée.

L’anus est l’incipit de cette biographie.

 

Ici faut applaudir à la philosophie,

À la science et à l’art, au rendez-vous des fées

De ce siècle in progress dont la langue est nymphée

Pour que l’objet se vende et que l’or fructifie.

 

Quel spectacle est donné de l’Homme et de sa Vie !

L’écran n’en est plus le reflet ! Mort tarifée !

La croisière en raffole et par une aulofée

L’Ordre revient en force, ardente et assouvie.

 

Je n’ai rien d’autre sous la main… Hors cette envie

Sans laquelle son Homme est aliène à Morphée.

 

XXXI

Quelqu’un est mort, ou se marie, je ne sais plus,

Dit le tableau au mur de ta pauvre cuisine,

La même qui te sert de cambuse et d’usine.

Une barque l’attend, amarrée au talus.

 

Le hameau est désert, ni âme ni salut,

Pas même un animal, ni douceur angevine,

On ne distingue pas le soleil de la bruine.

L’autre rive révèle une croix sans intrus.

 

Rue tranquille ou repos que croise l’inconnu

Dont le regard explore en deux plans la vitrine :

Les rehauts d’un présent que le couteau affine,

L’instant que la chaloupe inspire à cet élu

 

Dans la brume d’un jus que le glacis poilu

Éteint comme la vie égare ses gésines.

 

XXXII

J’étais entré chez toi sans y être invité.

Personne sur le seuil et l’ombre dès l’entrée.

À tâtons j’atteignis la chambre fenestrée.

Le tableau ambigu recevait ces clartés.

 

Ainsi cette surface était comme trouée.

Je crus te trouver mort de balles traversé,

Mais l’effet obtenu n’était que du volet

Tavelé par les plombs d’un voisin coryphée.

 

L’ennemi possédait les vers de l’épopée.

Ta musique sans doute l’avait inspiré.

De peur d’être de trop d’un pas j’ai reculé.

Je ne voyais, ne touchais rien ni mélopée.

 

Par accident Hélène est morte assassinée

De la main d’un conteur sans air et sans ballet.

 

XXXIII

Quand la fenêtre était ouverte un narrateur

De la sienne contait les exploits de la belle.

Tantôt elle cédait ou jouait la cruelle

Dont l’abandon distant rendait fou le voyeur.

 

Tu observais la scène avec des jeux d’auteur.

Amoureuse elle était le dangereux modèle

Que le roman en cours offrait aux citadelles,

Aux champs et la mort guettée dans les hauteurs.

 

Jamais on ne te vit fouiller les profondeurs

De ce que se jouait la rue accidentelle.

À deux fenêtres près le conteur voulait d’elle

Mais ne franchissait pas l’intervalle rôdeur.

 

C’est toi qui refermais et le possible acteur

Écoutant tes mélos machinait la querelle.

 

XXXIV

On trouvera tout ça bien trop métaphorique…

La poésie et le roman ont des huis-clos

Que la Cité en son ouvrage et ses enclos

N’écoute ni ne voit par décret démotique.

 

D’ordinaire l’esprit, pédant ou amnésique

Selon que le principe est au temps ou à l’eau,

Prend soin de sa durée en rigoureux salaud.

L’Éternité se gagne au fil de la francisque.

 

Pourtant dans son réduit l’auteur de sa musique

Joue avec le volet sans manquer de culot.

La rue qui le sépare à la fois des complots

Et de la bagatelle au massacre anomique

 

Incite au discordant et à l’anachronique

Au moins pour emmerder bourgeois et populo.

 

XXXV

Car le texte s’écrit non pas dans le journal,

Ni à propos de lui ni certes dans l’annale

Que multiplie pour la leçon l’imaginale

Dont le fourmillement est un effet anal,

 

Mais au-dessus de lui, comme un voile fœtal.

La ribambelle au nez levé vers la zonale

Excitation de ses rayons pousse la balle

Dans les filets bien ravaudés du national.

 

Le texte s’il n’est pas médium nous la fout mal.

Un texte à trous ou rhétorique cannibale,

Peu importe son art pourvu qu’il nous trimballe

D’un bout du monde à l’autre et dans l’homme banal,

 

Par transparence et tourment expérimental,

Avec la langue ou sans mais par humeur vocale.

 

XXXVI

Ici peu de schizos, beaucoup de paranos

Et surtout, mon rhapsode, énormément de cons.

Le poète est issu de l’autre parangon.

La rue s’emplit de jacasseurs et de jeannots.

 

L’extravaguant enseigne aux perroquets anaux

Et l’anus en son trou pratique l’élection.

Tant de cendre promet un État de l’action

Mais la morale est sauve et Dieu est son agneau.

 

Nous ne saurons jamais si l’urne et les journaux

À la fin nourriront l’aède en sa saison…

Qui saura du dernier le mot et la raison ?

En traversant la rue selon l’air du panneau

 

La chance peut sourire au joueur chemineau,

Mais sa doublure joue l’air de la trahison.

 

XXXVII

La mort est un jouet qui n’amuse personne.

L’ellébore et son fou trouvent le chemin long.

On en distingue à peine et distance et jalons.

L’œil en route a perdu les pas d’une piétonne.

 

Et tu ne suis plus rien, et la nuit t’abandonne,

Crocodile, acuité, dures disparitions…

Au fossé tu réponds que c’est par volition.

Voici le temps et l’or que ton esprit façonne !

 

Pourtant la suivais-tu, cette aimable amazone

Dont le galop tambourinait dans ton giron…

Mais tu as beau dresser la queue, Aliboron,

Te voici pris dans les réseaux de l’Interzone.

 

Désormais ta douleur guide ta cicérone :

Plus rien pour distinguer la Mort de sa rançon.

 

XXXVIII

Je n’ai rien désiré que poésie aimable,

Chanson que l’échanson ressert sur leurs autels

Sans fatiguer les sens de leur dieu immortel.

Passage ici ou là comme on se met à table.

 

Volupté du feignant qui joue avec le diable

Pour amuser en marge et recevoir lequel

Possède molle couche et droits sur les mortels.

Un sourire par-ci, une extase passable,

 

Et tout ce que l’attente a d’à peine croyable

Comme le temps qui passe et pourtant éternel.

Mais certes sans écrits ni le socle charnel,

La paresse devient sujette à chantefable

 

Où la prose et le vers par loi désagréable

En disent la Chronique et les navrants bordels.

 

XXXIX

Un théâtre sans double est une mort sans fin.

Or il faut qu’aujourd’hui le spectacle s’arrête.

Les vitrines te sont autant d’ombre indiscrète.

Sous le reflet un autre interprète et te feint.

 

On descend dans la rue avec au bec un joint.

Rire n’est pas donné surtout que l’oubliette

Exige une ascension après des jours de diète

Et de rythme douteux du point de vue des soins

 

Qu’on se donne en esthète et en homme de bien.

Qui ne connaît au moins quelques douleurs en tête

Et mille autres passions issues des airs de fête ?

Je me vois et pourtant ce front n’est pas le mien…

 

On en voit de plus haut dans les livres anciens…

J’en connais au moins un qui sert de pense-bête.

 

XL

Sur le chemin la nuit compte les précédentes…

Ainsi multipliant la douleur et l’ennui.

Chiffre ce que hasard et désir ont construit

Sur les ruines du temps au rythme des attentes.

 

Avant d’atteindre l’or de la gravure lente

Qui ne raconte rien mais dit tout de tes nuits,

Avise la colonne et mesure le fruit

Des années à gober qu’ainsi la joie augmente

 

Et que par conséquent voisine est la détente,

Tout proche le bonheur d’avoir son aujourd’hui,

L’heure d’y retrouver en midi et minuit

Aubade et sérénade et conjointes amantes.

 

Le catalogue est l’art de donner aux absentes

Qui ne reviendront pas le sens perdu depuis.

 

XLI

Proche le ciel de jour et la nuit il étend,

Vertical et couché, son expansion d’étoiles.

Pas de lune ce soir, la terre ne dévoile

Industrie ni conquête et tout parle de temps.

 

La solitude apprend, sans doute à tes dépens,

À égaler l’attente en sa matière astrale.

Il ne manque à ta voix qu’une ode nationale

Et le tour est joué pour encor plus longtemps.

 

Mais ne ris pas, ami, de ces rythmes d’argent.

Sans l’amitié des uns ni de l’autre cabale,

Tes filles de papier même à l’horizontale

Ne feront le sommeil de nos stables régents.

 

L’entreprise recourt aux arts décourageants

Que l’échine connaît mieux que tes cieux tantales.

 

XLII

Ah ! ces fruits et boissons que mes yeux imaginent !

Je ne connais la nuit que par le petit bout.

À minuit et plus tard je m’isole debout,

Le couteau à la main, l’esprit dans mes usines.

 

Tantale souffrit moins de son adrénaline !

Entrer dans le tableau hélas ce n’est pas tout !

Il faut avoir vécu pour en savoir le coût

Et j’ai vécu en trop dans l’humaine origine.

 

Il est temps de partir avec mes orphelines.

Tant pis si mes essais ne valent pas un clou !

Plus l’ouvrage me fuit et mieux j’en tords le cou.

Mais avec qui en ce tombeau je m’accoquine ?

 

Si ce couvercle s’ouvre ah j’aurais bonne mine !

Ce qu’un sonnet accepte est moins grand que le Tout…

 

XLIII

Et si je te revois ô soleil qui se cache

Pour me donner la nuit et rêver mes écrits,

Égaille ma persienne et ses pauvres débris.

Un géranium pourrit dans l’or que tu recraches.

 

Chaque matin je suis troué mais sans panache.

Je n’en veux pas à tes ardeurs de vieux fusil

Que le bourreau qui est en moi larbin saisit

Pour obéir aux saintes lois que tu m’attaches.

 

Pas de fusion avant que froid tu me relâches.

Et je reviens au jour comme j’y ai souscrit.

Mais que sont ces travaux si ce n’est pas mon cri

Qui fourgonne mauvais comme je me rabâche ?

 

Ami, n’écoute plus… Je voulais que tu saches

Que le volet ouvert n’est en rien un défi.

 

XLIV

Certes la vie n’est pas un cadeau familial.

Quand j’ouvre la fenêtre et vois l’autre façade

Que j’habite à cette heure au clairon d’une aubade,

Je ne me souviens pas d’avoir de l’idéal

 

Et des enterrements pour domaine filial.

Je reçus autre chose en guise de salade

À croquer dans la langue en usage nomade :

La matière fécale à l’anus animal.

 

Mais ce n’est pas sur le trottoir territorial

Que ma mémoire chienne en conchie les balades…

Je descends l’escalier en temps de sérénade,

Igitur désœuvré au principe initial.

 

Voici la nuit et son sommeil inaugural…

Fente à l’écart exquis et facile escapade.

 

XLV

Certes c’est un roman et ses actes transpirent

À fleur de cette peau qui fut mienne chanson.

Le temps en est compté et la rime façon

« Ah ce que j’ai souffert et comme ça m’inspire ! »

 

Quelquefois il suffit d’en dire le martyre

Et d’image en image exceller en saisons.

D’autres plus délicats se font une raison,

Dans la poule tuent l’œuf et eux-mêmes expirent

 

Sans laisser à penser, peut-être sous l’empire

D’un défaut de langage ou de trop de pression ;

La morale s’en mêle, on limite l’action

Et sa philosophie au meilleur comme au pire.

 

Évitons de flatter narcisses et vampires

Et revenons, comme l’on dit, à nos moutons.

 

XLVI

Certaine nuit tranquille au détour d’une angoisse

Qui me fit dire « Allons, pour cette fois c’est bon »

J’arpentais sans me voir, morose vagabond,

Un chemin parallèle à ma dingue paroisse.

 

On ne sait jamais bien ce qui peut, dans la poisse,

Arriver au guignard qui pousse sa chanson

Devant lui comme on va au marché sans fictions

Ni maximes ni freins ni billet pour la place.

 

Mais faute d’avoir faim, moins encore d’espace,

Le personnage et sa doublure allaient le long

Du fossé partagé accordant leurs violons

Pour le moment venu soigner la carapace.

 

Ce gros insecte là, que personne n’embrasse,

Six pattes et non quatre, inquiète le vallon.

 

XLVII

Par principe la nuit on ne trouve personne

Dans la boue du chemin qu’on emprunte au détour

Du rêve qui patient nous attend au retour

De cette distraction. Ce n’est pas qu’on buissonne,

 

Mais le dormeur errant que l’esprit abandonne

Se laisse aller tout droit sans sa belle de jour,

Sifflé sur le trottoir et en peine d’amour.

À moins qu’une autre angoisse enfin le subordonne

 

Au tintouin de sa ville et de ce qu’environnent

Ses opiniâtretés de laborieux séjours,

Les sommaires arrêts, véloces carrefours

Et procès des oiseaux que l’attendu jargonne.

 

Sous l’arbre la pluie tombe en eau qui s’additionne

À celle que les pieds font gicler alentour.

 

XLVIII

Demeure le dément dans la forge du temps.

Il voit ce qu’une horloge au fronton de l’église

Annonce sans appel tandis qu’on tranquillise

Son corps qui n’en peut plus de gigoter autant.

 

Scène saisie au fil d’un fâcheux contretemps :

Le pied entre deux rails et le nez dans la mouise,

Je mesurais enfin la douleur entreprise

Au moment d’y aller : au travail qui m’attend.

 

Personne quant à moi n’eut l’idée entretemps

De me tirer de là tant elle était soumise

Au spectacle donné par le sinoque en crise

Et la maréchaussée en proie aux habitants

 

Qui tenant par la main cartables et enfants

Exigeaient du rideau qu’il cachât la méprise.

 

XLIX

Le poète n’est plus de nos jours aussi rare.

On l’a multiplié au nom de l’unité.

Il connaît le confort du travail limité

Et la reconnaissance avec force fanfare.

 

Le chanteur accouplé au micro se prépare

Aux possibles retours des marchés crédités.

Et les gouvernements, aussitôt alertés,

Ameutent les médias que plus rien ne sépare.

 

Les tocards du boulot, larbins sudoripares,

Ne voient rien d’anormal dans cette mixité.

Pour l’employé lambda, quelle exemplarité !

Personne pour jeter un pavé dans la mare…

 

Celui à qui jamais le poète compare

Sa poésie n’est plus poète en société !

 

L

Ma foi si je ne suis plus poète en langage

Et que ce temps m’invite à hanter Musidor

Avec le Président féru de disques d’or,

Autant songer fissa à me mettre en ménage.

 

Igitur aussi bien a fait un beau voyage

Et le voilà chez lui itachien et consorts,

La truelle à la main et sans autres ressorts

Qu’un matelas au poil qui connaît le dressage.

 

Tâtant du fouet ardent qui voue à l’usinage,

Promis au paradis que la publicité endort,

Il attend de toucher sa part de messidor.

Il n’a plus faim mais vit, conscient du cocuage.

 

Le temps n’est plus le sien et quoi qu’il envisage

Il ne va pas plus loin que l’écran du dehors.

 

LI

Je serai cette ordure enfermée dans l’étroit

Sac-poubelle que l’autre, inspiré par Bobonne,

Descend en maudissant ses deux seins d’amazone.

Sa muse fait dodo en attendant l’emploi

 

(Pourquoi ne pas rêver si on en a le droit ?)

Qu’il destine à la France et plus loin si on sonne

À sa porte. Il songe en me portant à son trône

Pour l’instant aussi creux que ses miteux exploits.

 

C’est mon frère pourtant, ce rhapsode patois.

Nous avons en commun français et épigones.

La même excitation pour les mêmes personnes

Nous fait dresser le poil dans les mêmes endroits.

 

Mais il est le présent et je suis autrefois.

On ne vit plus longtemps en dehors de la Zone.

 

LII

Ici j’ai pu d’un cri renverser la vapeur.

Peut-être mais j’attends toujours qu’on me conseille.

Sans Hélène à mes pieds parfois je m’ensommeille

Au crédit d’une ardoise accrochée sur mon cœur.

 

Car je suis revenu de cette nuit sans chœur

Où seul en coryphée étoilé de bouteilles

J’ai vu noir dans le fond d’une pure merveille.

Auprès de moi gisait, incohérent censeur,

 

L’animal qui tenait des propos précurseurs.

L’eau froide du canal d’une giclée m’éveille

Et me voici dans l’œil de la louve qui veille

Le corps abandonné à sa triste stupeur.

 

Je ne reviendrai pas exprimer ma douleur

Devant ce conjungo que plus rien n’ensoleille.

 

LIII

Mais je n’avais pas fait dix pas pour en sortir

Que l’animal hybride ô ma louve féline

Poussa un hurlement qui secoua les ruines

De ces siècles de mort et de futurs désirs.

 

Ces croix, ces blocs, la nuit, peut-être le plaisir

De retrouver le sens d’anciennes cocaïnes…

La bête au nom d’Hélène ameutait ses voisines.

Ou peut-être un gardien feulait-il par loisir.

 

Le double recula pressentant le nadir.

« Mais ce que je fais là, monsieur sans origine

Et sans doute sans nom si j’en juge à la mine

Que vous opposez à mes judicieux soupirs,

 

En aucun cas cela ne m’oblige à mourir

Dans un chemin peuplé de sinistres vitrines ! »

 

LIV

À l’encan des tombeaux la misère du monde

Où j’ai voulu aimer pour ne rien partager.

Sont-ce feuilles d’automne ou fruits du potager

Ces tapis sous mes pieds qui arpentent l’immonde

 

Séquelle de l’esprit le temps d’une seconde

Et de ce qu’elle accroît de gloire et de congé ?

En aucun de ces lieux tu ne fus étranger

Au point d’en perdre haleine et ta drôle faconde.

 

Le seul tombeau s’éloigne et sa bête la fonde

Maintenant que le marbre obtus s’est arrogé

Le droit d’en dire tout sans pourtant l’ouvrager

Comme tu travaillas dans la couche profonde

 

À retrouver le sens de tant de vagabondes

Enfances du roman où tu t’es engagé.

 

LV

D’emblée je vis le soir et tous ses personnages.

Ils attendent la nuit pour oublier le jour.

Aucun n’a tué l’autre au moins pour que l’amour

Donne raison à l’un et à l’autre ses gages.

 

Je vis de l’horizon la ligne qui l’engage

Et ses fuites devant l’optique d’un séjour

Romanesque et géant, possible des retours

Et impossible envoi que connaît le voyage

 

Quand il est entrepris sans souci d’avantages.

L’hermétique saison de quelque troubadour

Rend probable le plan et l’espace alentour

Annonce sans donner autre chose que l’âge.

 

Je vis ce que je vis, portant tous mes bagages

Sur ce dos dont papa vantait le saint concours.

 

LVI

Il faut bien évoquer l’époque des contraintes

Et l’enfant qui s’épuise en vaine sédition.

Le monde m’appartient et j’en suis la raison,

Pense-t-il sans le dire et pendant qu’on l’éreinte.

 

Le jouet qu’on insère entre ses deux mains jointes

N’est pas le personnage entrevu dans l’action

Dont le rêve et l’effet imposent la fiction.

Il en connaît trop le roman et la complainte.

 

On le voit quelquefois se soumettre à la feinte

Et sucer le bonbon de la domination,

Langue dehors et tout promis à l’illusion

D’un métier citoyen et pompier dans l’enceinte.

 

Ici rien ne ressemble aux joies du labyrinthe

Que le sommeil promet comme récréation.

 

LVII

Comment ne pas songer à cet âge au suicide ?

À qui appartient donc cette vie de métiers,

D’élections et de sperme et de fous émeutiers

Qu’on taxe de terreur, voire de génocide ?

 

Dans le livre et l’écran, si l’enfant est lucide,

Les possibilités vont toujours par moitié.

On n’y partage rien sans que cette amitié

Explique la passion et ses noirs homicides.

 

La série en devient tonneau des Danaïdes.

Et l’enfant y revient chaque fois moins entier

Jusqu’à ce que le Temps, ami du cafetier,

Au fond du verre ainsi cultive le liquide.

 

Rien n’est aussi parfait que cet appel du vide.

Une seconde avant vous l’expérimentiez.

 

LVIII

Hélène eut-elle aussi une enfance stoïque ?

L’animal qui la suit revient-il de si loin ?

Et de ma survivance est-elle contrepoint ?

Mais nous n’eûmes pas tant de plaisirs héroïques…

 

Pas au point de gagner quelque bien authentique

Qui nous eût garanti infini et fusion.

À la fin nous étions dans l’approximation.

Rien ne ressemble moins à l’enfance achronique

 

Que cet épuisement du sujet empirique.

Voyons si c’est la rose ou l’acclimatation

Qui inspire l’étreinte et le peu d’attention

Rencontrée dans l’extase aussitôt chaotique.

 

L’animal étirait sa carcasse bachique

Au bout du lit en vrac où nous nous confessions.

 

LIX

Avec le soleil point l’ardeur d’un autre feu

Et sur la pointe de ton sein le doigt s’emploie

À retrouver l’ancien rituel de la joie

Que l’enfant inventait pour parfaire le jeu.

 

L’esprit s’envoie en l’air chaque fois qu’il le peut.

C’est la leçon trouvée avant d’être la proie

Des lois de l’existence et de la vie en voie

D’achever ses hasards en coups de dés fiévreux.

 

Avec le soleil chute une idée des adieux

Et la nuit le carreau à l’envers se poudroie.

Passage du miroir dans ce que nous renvoie

La question de savoir de qui sont ces aveux.

 

Avec ou sans soleil nous sommes ici deux,

L’un et l’autre sans voix dans le drap qui nous noie.

 

LX

Je t’apporte l’enfant que je n’ai pas nommé.

Sur tes lèvres son nom n’a pas plus d’existence.

C’est un cadeau du ciel, il en a l’apparence.

Sans le ciel nous n’eussions pas aimé nous aimer.

 

Il est vrai que sur terre on a beaucoup trimé,

Toi et moi nous avons subi les influences

De ce qui a toujours fondé les évidences.

Au moins ne sommes-nous pas plus qu’eux affamés.

 

Voici ce que je dis être enfant du camé

Qui monta dans le ciel plus haut dans sa démence !

Voici ce que j’écris en ta maudite absence :

Cet enfant est le tien autant qu’il m’a semé.

 

Je suis fils de mon fils ou de ma fille, aîné

D’avoir été et de renaître aux circonstances.

 

LXI

Ici la poésie inspire le fragment,

La sensation d’avoir trouvé un inventaire

Et d’en tenir avec sa voix l’argumentaire.

Ainsi l’écrit façonne un puissant document.

 

C’est du moins ce qu’en dit le docte pépiement

De l’oiseau-lyre en fleur sur sa branche guerrière.

De la plume et du bec il installe grossière

La stricte position de ses beaux arguments.

 

Il pointe et il estoque avec linéaments

Le ventre de la vie et ses lueurs dernières.

Vous aurez de la chance et même un ossuaire

Si vous y résistez sans perdre le roman.

 

Au fragment je préfère un périlleux moment

Où l’esprit ne sait plus avec qui il s’affaire.

 

LXII

La poésie parfois ressemble à ces croquis

Que les WC publics, faciles galeries

Où l’artiste sommaire emploie ses âneries,

Proposent sans critique à l’usager conquis.

 

C’est que la linguistique et ses divers acquis

Enseignent que le verbe et ses afféteries

Ne se conjuguent plus dans les allégories

Que le monde aujourd’hui conseille à ses marquis.

 

Le sens n’a plus de sens mais il a ses maquis

Où l’on va décuplant les aristocraties.

La poésie des murs se perd en arguties.

Avec ça elle est loin de tordre le kiki

 

Tant à l’antiquité qu’aux chansons riquiquis.

La paroi est le temps de nos péripéties.

 

LXIII

Draps conçus comme mer qui lointaine somnole.

L’esprit prend la fiction pour la réalité.

Aucun breuvage noir ni chien sollicité

Et pourtant le voyage imagine une yole

 

Dont le carré de vent annonce l’hyperbole.

Il y a loin entre Igitur et le croisé

Qui git incognito sous l’arc trop pavoisé.

L’honneur et le respect le pousse de traviole

 

Dans la friche d’Arès cinglant de la guibole.

Mais ici dans les draps le sommeil est Cité

Et la mer bat des flancs de roc bien imité

Sans qu’il y soit question d’en perdre la boussole.

 

Nul rempart cependant : l’irréelle acropole

Est accessible à tous dans la diversité.

 

LXIV

Qu’il est heureux, Dormeur, à l’ombre du noyer

Qui cache dans son ombre une idée de la mort.

Parmi d’autres l’Idée peut-être sans rapport

Avec l’homme endormi au lieu de s’employer

 

À des travaux plus sains pour la communauté.

On reproche au dormeur d’exister sans remords

Et de recommencer dedans comme dehors.

Mais quand sous le noyer il dort sans s’agiter

 

L’Éveillé en passant ne peut pas s’empêcher

De penser que paresse et noyer en renfort

Tôt ou tard sans appel au musard donnent tort

Et le voilà bien mort de s’y être couché.

 

Car il n’en faut pas plus pour nous l’effaroucher

Notre bon travailleur qui a d’autres ressorts.

 

LXV

Rien n’est moins coquillard que le voleur en prime.

Il emprunte sans rendre au bourgeois et à ses

Domestiques zélés qui en ont vite assez

De produire en justice un statut de victime

 

Qui ne vaut pas, foi de gagnant, que l’on s’escrime

Au point d’en perdre haleine une fois enterré.

Car le voleur ne vole rien par intérêt :

Il prend ce qui lui plaît ou plaît à l’éponyme

 

Sans intention de nuire au système antonyme

Qui fait force de loi en matière d’arrêts.

Il vote pour le droit comme coupe-jarret

Et non comme salaud mis à l’abri du crime,

 

Et le vice est versa, par la foule anonyme

Qui s’accroche au travail comme aux plus hautes cimes.

 

LXVI

Écrivain je ne suis, moins encore poète.

On me voit au palais mais je n’y mets les pieds

Que pour être jugé dans le but d’y expier

Ce que j’en dis pourtant sans quitter la sellette.

 

On me dit que j’ai tort de moquer nos athlètes

Qui de mérite ont plus que je peux espérer.

Mais je n’espère rien et vous m’exaspérez.

Jamais je n’ai conçu le sport comme une fête

 

De l’intellect, ni de l’esprit ni des conquêtes

Que l’homme en proie à ses désirs peut inspirer

À des lecteurs soucieux de ne pas se laisser

Séduire et même plus par l’index en goguette

 

Qu’un président s’applique à frotter de la crête

Pour mieux battre de l’aile et finir en beauté.

 

LXVII

Ce tombeau ce n’est rien qu’une fiction probable,

Plutôt vraie que de toc, mais le roman revit

Les traces qu’on laissa et ce qui s’ensuivit.

Il ne se passa rien d’aussi abominable…

 

Si Hélène mourut ce fut pour une fable.

Heureusement l’esprit à ce point assouvi

Connaît d’autres récits au réel asservi :

Sorte de passe-temps dont l’expert est capable.

 

Si Hélène exista, j’en suis seul responsable.

Et j’ai trouvé sa tombe au détour d’un parvis

Dont la croix ombragea ce que j’en écrivis :

Mais le marbre n’a pas la mer comme le sable.

 

Je prie pour que le vent, utile et agréable,

Emporte la poussière et ce que j’y écris.

 

LXVIII

Quelle tourmente dans mon cœur et ma raison !

J’écris que j’imagine et je personnifie

Au fil de ces récits que rien n’authentifie

Comme pourtant déjà on en vit la saison…

 

L’œuvre se joue sans moi, même sans ma maison.

J’ai beau user du vers et je le versifie,

Hélène ne meurt pas, l’animal se méfie.

Je n’entre même pas dans la combinaison !

 

Qui de moi ou des deux rêva de floraison

À la place du temps que la mort édifie ?

Je ne suis pas venu pour qu’on me glorifie !

Je jouais un enfant qui vole la Toison

 

Et me voyant enfant c’est par comparaison

Que j’ai tenté l’enfer où elle fructifie !

 

LXIX

Passant de jour dans le parage où j’imagine

Qu’en creusant sous le marbre et dans le sol patient

Je trouverais de quoi nourrir mon inconscient,

Je dis à l’animal qui avec moi chemine :

 

« Je ne suis pas celui qui dans ces lieux jardine.

Souvent on me confond avec ce déficient

Qui ne travaille ici que par faible quotient.

L’outil sur mon épaule est ma seule machine.

 

Point de technologie hors le fer que j’affine.

Je ne possède rien mais c’est à bon escient

Que je vis à l’écart du trouble négociant

Et des envieux lisant mieux dans les magazines.

 

Si je suis ouvrier il faut que j’examine

Ce que cache ce rite et en m’y associant ! »

 

LXX

Nous eûmes des saisons, outre l’âge pressant,

Pour nous remettre à l’œuvre et soigner l’édifice.

Jamais pourtant de nous donner en sacrifice

Nous n’eûmes l’impression même en adolescent.

 

Nous vécûmes d’ennui et de plaisir passant

De l’un à l’autre avec de joyeux artifices.

Le jour comblait l’attente et la nuit ses complices.

Vous ne saurez jamais, l’angoisse s’y fixant

 

Comme la seule étoile au rite turgescent,

Si quelquefois en vers et dès le frontispice

Nous eûmes de l’amour au fond de la matrice

Qui inspira toujours nos élans de pur sang.

 

De saison en saison, l’âge se connaissant,

Nous revînmes souvent chez cette inspiratrice.

 

LXXI

Ainsi la promenade avec la bête immonde,

Si je me souviens bien, en ces temps de fusion

Et d’éclairages noirs, ainsi cette intrusion

Ne menait nulle part, qu’elle fut brune ou blonde…

 

Certes le bloc se tait et la nuit est profonde.

Vêtu de cette peau pour donner l’illusion

Que la bête est vivante et brûle d’allusions

À la jeunesse et à ses joies qu’on dévergonde.

 

Quelle fête sous terre et possible faconde

Du promeneur qui prend ainsi sa décision !

L’animal se rebelle et rompt la cohésion

Qu’une grille de fer imposait à la ronde.

 

Elle vient en maîtresse interdire le Monde

Aux idées qu’elle-même inspira aux saisons.

 

LXXII

Lisez, auteurs divers, à haute voix lisez

La bouche en cul de poule et dans le microphone !

Lisez ce que d’écrits le vide vous siphonne.

Vous auriez tort de ne point capitaliser…

 

Il y a du monde au portillon, pas épuisé

Car le monde est grouillant d’idées plus ou moins bonnes.

À l’approximation les écrans vous abonnent.

Profitez de ce temps comme vous en usez.

 

Ça « parle » ici et là et c’est rediffusé

Avec toujours la même idée et l’amazone

De A à Z apprend à cibler l’interzone

Où chanteurs et pédants, l’un dans l’autre baisés,

 

En musique et en murs, jamais désabusés,

Coulent le bronze des nations et de leurs zones.

 

LXXIII

Mais où est le roman si le vers nous le narre ?

La question est posée aux actes trépignant

D’impatience devant tant de sages plaignants.

Un lecteur énervé nous dit qu’il en a « marre ».

 

Aujourd’hui faut choisir entre le plouc ignare

Et le savant issu des cercles enseignants.

Entre ces deux pantins, qui vont s’accompagnant,

Si d’un doigt exercé que rien ne désempare

 

On s’applique à racler l’interstice et les rares

Occasions de se taire offerte à qui pourtant

Connaît art et métier, quelle perte de temps !

Ici-bas plus qu’ailleurs, sans projet de bagarres,

 

Vous êtes l’un ou l’autre ou vous êtes barbare :

La librairie témoigne assez de cet encan.

 

LXXIV

Il trotte et fait des pets, le poète à la Lune !

Entre les mots il met du sens et du soleil :

Soleil pour éclairer l’heure de son réveil

Et Lune pour s’allier les Grands de la commune.

 

Voyez comme il va bien non sans quelque rancune

À l’égard de ses pairs se trottant au Conseil !

Les rimes et les vers pataugent sans sommeil

Mais c’est modestement qu’il donne à la tribune

 

Les conseils et les lois que lui dicte Fortune,

La muse qui s’amuse à susciter l’Éveil

Et ses pages de sens, de Lune et de soleil.

Le voici récitant de sa voix si commune

 

Les quatrains, les tercets que sans cesse la brune

Et le jour copulant offrent à son orteil.

 

LXXV

Il trotte et pète en chœur, le poète à dada !

Le voici militant pour la cause commune.

Et il arrache au vol d’une grogne opportune

Le sens de son destin qu’il fourre en son barda.

 

Il est plouc de service ou enseigne en soldat,

Aliboron fidèle en toutes infortunes.

Sa gorge de travers les avale une à une

Et sa marche reprend toujours au même endroit.

 

Approchant de ces murs où se décident lois,

Mœurs, travaux et devoirs, chevalier de la Lune

Je fis la réflexion : à chacun sa chacune…

Mais on me fit savoir que selon le bon droit

 

Je n’étais pas auteur mais sorte de piédroit

Qui tient la porte ouverte à leurs tristes lacunes.

 

LXXVI

Il écrit comme un pied mais de son seul gros doigt.

Le petit ne lui sert qu’à apposer virgules

Et autres points d’arrêts qu’ordonne sa férule.

Il ignore tout l’art et ne sait ce qu’il doit.

 

Il enseigne ou il sert mais sous le même Droit.

On le voit au palais où sa morgue circule

Comme un devoir du soir ou en conciliabule.

La Justice n’est pas le meilleur des endroits…

 

Il me salue bien bas, si bas que je le crois

Au moins le temps de lire une de ses pilules

Que je n’avale pas mais qui me véhicule

Jusqu’au pied de la tour où s’élève sa croix.

 

Son pied alors s’extrait de son soulier étroit

Et d’un sonnet moderne il croit que je l’encule.

 

LXXVII

Ô comme je n’ai pas aimé ses bavardages !

Voici le temps précieux qu’il soustrait impatient

De voir tomber ma tête avec mon inconscient

Dans le charnier natal de mes vagabondages.

 

Il multiplie le pain comme les caquetages.

Il change vin en eau toujours à bon escient

Et sa langue se fond tout en différenciant

Le moyen du mauvais et la nuit du voyage.

 

Je vieillis sans me voir aussi bien qu’à cet âge.

Je suis désespéré et peut-être insouciant.

Me voici à genoux, ignare et remerciant

L’existence passée à courir l’avantage.

 

Le temps finalement impose ses chantages

Et il est trop tard pour tuer le négociant.

 

LXXVIII

Heureux mais sans voyage en seule perspective…

Dans la rue descendant ce n’est pas en enfer

Que mon ombre s’avance avec son revolver.

Je croîs comme je peux au fil des tentatives.

 

Sous mes pieds comme toi je sais qu’on me cultive.

Voici l’herbe et la mort et dessous c’est l’envers

Du décor attendu par papa en travers

De maman qui ressemble à ces ombres furtives.

 

Heureux d’en être là et seule expectative !

L’horizon du voyage avec la nuit ressert

Le même ennui, la même angoisse et ce désert

Peuplé du seul voyage et de ses seuls convives.

 

La bouteille ou la balle ! exulte la captive.

Quelle joie ce voyage en un tombeau ouvert !

 

LXXIX

Je me suis inventé un voyage possible…

Avec mon revolver et deux ou trois flacons

Pour compagnons chargés à ma place, mettons,

D’alimenter le fleuve en bonheur admissible.

 

Écoutez leurs chansons au sens très accessible !

On reconnaît la proie à son nez rubicond.

La barque nous attend et voilà sans façons

Nous y mettons le pied ô loi irréversible !

 

Pas un flic alentour, un panneau illisible

Et la grille est ouverte au bord du Rubicon.

Si le gardien arrive en son seul caleçon,

L’escampette dira si j’en étais la cible.

 

Comptez ô mes garçons la syllabe indicible !

Car c’est au bout du vers que j’aime le soupçon.

 

LXXX

Au diable pauvreté, pauvres et songe-creux !

Je ne vous aime pas, votre amour me fatigue !

Je veux être si seul, sans séries ni intrigues,

Que toute l’écriture a le désir foireux.

 

Vos famines dehors n’ont rien de miséreux.

Vous jouez à jouer avant qu’on vous endigue.

Moi je suis déjà mort, je suis votre cézigue,

Et mes jeux sont amers, cruels et douloureux.

 

Lisez, ne lisez pas, soyez fiers ou heureux

Selon que par la queue ou le nerf on prodigue

Les ors de la Nation ou du sexe les gigues

Que la tripette inspire ici aux plus nombreux.

 

Mais je ne vous hais pas car je suis malheureux :

Sans amour et sans haine on est bon pour la bigue.

 

LXXXI

Qu’on croie à la bouteille ou au feu de la balle,

La machine à écrire attend l’heure du temps

Car l’attente est ici, visiteur haletant,

Sur le seuil ombragé de lune radicale.

 

Avec qui cette orfraie en passant se trimballe ?

Flacon inachevé toujours s’impatientant

Ou plomb avant fusion dans la poche pourtant ?

Le gardien à l’œil nu observe l’ithyphalle.

 

En amputant la croix de ses bras à la balle

L’homme qui vient ici profaner en titan

La mort qui le priva de Dieu et de Satan

Remodèle le pieu en parfait cannibale

 

À l’image de sa machine théâtrale :

Le pal est dans l’anus de ce vieux Léviathan.

 

LXXXII

Le combat désormais était inévitable.

Le gardien ajusta son trop grand caleçon.

Il prenait ce soir-là sa première leçon

De poésie et de nouvelle véritable.

 

Car l’autre était armé d’un lumineux portable,

Un œil qui voit la nuit non sans satisfactions.

Le réseau alerté éveilla les factions.

Dans le dos agissait pourtant le connétable.

 

Mais l’odeur du flacon et sa taille louable

À ce maître des lieux qui aimait les garçons

Inspirèrent sans plus une aimable chanson

Dont il était l’auteur à ses heures chômables.

 

Et l’autre pris de court fissa se mit à table

Oubliant les réseaux et leurs contrefaçons :

 

LXXXIII

« Je suis, je ne suis pas, je possède ou je n’ai

Rien d’autre sous la main que cette alternative :

Le moraliste en vogue ou ma fille adoptive.

Si je ne me tue pas avant le déjeuner

 

L’après-midi verra mon menton couronné

D’herbe et de ce plancher que la vache captive

Nourrit sans le savoir de beauté convulsive.

Que pensez-vous de moi ô filles de l’Aîné ?

 

Celle-ci me connaît sans jamais se donner.

Si la morale est sauve et s’il faut que j’écrive

Ce que ce pur breuvage inspire à ma dérive

Que personne n’en souffre et que je sois damné !

 

Il faut que je sois seul et le seul concerné :

Cette fille a de l’Art la geste plumitive. »

 

LXXXIV

À ces mots le gardien, ne sentant plus sa joie,

Ôte son pyjama et exhibe tout droit

Ce que sa femme veut se mettre dans l’étroit

Conduit dont nul enfant ne fut jamais la proie.

 

« La nuit m’en soit témoin, voilà ce que j’envoie

Comme message clair au coq et à la croix !

Poète je ne suis, qu’il fasse chaud ou froid !

Mais pour aller au fond, j’en connais bien la voie.

 

Tout le monde connaît le secret que j’emploie,

Ni drogue ni outil, c’est mauvais pour la voix !

Forte est la tentation de creuser dans l’endroit

Surtout si c’est la nuit, sinon je me fourvoie.

 

Bien jeunes sont ces corps sous l’herbe qui verdoie

Ah ! Vous êtes mon frère ou je ne suis plus moi !

 

LXXXV

J’amène une truelle et le burin d’office,

Le marteau nécessaire et la lampe-tempête.

Le ciment est tout frais, ça va être sa fête !

Justement ce matin c’était moi de service…

 

À cet âge la fille ignore les sévices…

Une fois qu’on est mort on a perdu la tête !

Cela dit pour en rire en pensant à perpète…

On ne sait même pas à qui on doit ces vices.

 

La question qui m’ennuie attendra le supplice

Si jamais ça m’arrive et que sur la sellette

J’en vois de toutes les couleurs, et sans braguette !

Ah ! Pire que la poésie, c’est la justice !

 

Voyons ce que promet l’ombre de ces coulisses…

Mon petit doigt me dit qu’il faut qu’on s’y arrête ! »

 

LXXXVI

Ainsi de chaque personnage : il s’interpose

Entre mon inertie et sa propre fiction.

Procédé narratif, palliatif de l’action…

Il faut bien que la rose appelle une autre rose.

 

Mais je voulais l’ouvrir cette maudite chose !

Desceller le couvercle et changer l’inaction

En poème obsédant comme une explication

Inspirée par la nuit qui plombe et qui s’impose.

 

Le jour, je ne bois pas, l’existence s’oppose

À tout essai d’aller plus loin que l’attention.

Je ne dis rien du feu chargé de destruction.

Mais un matin ma mort affectera leur prose.

 

Ne comptez pas sur moi pour qu’enfin la cirrhose

Change le personnage en fils de la Nation.

 

LXXXVII

Pourquoi pas un gardien et en lui cette idée

Que l’existence cache et même s’en défend

Un secret bien gardé comme en connaît l’enfant ?

C’est au bout de sa queue élégante et bridée

 

Que l’anus de ce monde entretient ses orphées,

Premiers en la matière et pères de leur chant.

Travaux qu’on entretient du lever au couchant

Pour que la nuit s’amène au rendez-vous des fées.

 

Il faut alors que le gardien en sa nuitée

Revisite les lieux, dehors comme dedans,

Et dans la chair en deuil rejoue en confident

Éternel et joyeux son rôle de protée.

 

À chacun son vicieux avec sa galatée :

Dans l’interstice étroit le secret est prudent.

 

LXXXVIII

Je bannis la fumée et la pilule en soi,

Vos grottes, vos trottoirs et le flic en cavale,

Vos cercueils, votre foi, les joueurs de baballe,

Les enfants en réseaux et le bonheur chez soi.

 

Je n’ai pas un voyage en tête et quant à moi

Rien pour tuer dans l’œuf mes mœurs artisanales.

Je joue avec le feu mais sans le feu ô mâle !

On ne me verra pas ciseler dans l’émoi.

 

À mon âge c’est sûr le suicide est un roi

Et sa reine est bien lente à perdre les pédales.

En parlant d’elle soit : ses façons commerciales

Justifient les prégnants tarifs du désarroi.

 

Une chauve-souris se perd dans le beffroi…

Je n’irai pas mourir en vieille souche anale.

 

LXXXIX

Soulever le pétard à la hauteur des yeux,

Pas celui de la reine à l’imposant office…

Le calibre a raison de tous les sacrifices.

Ce trou géométrique est loin d’être soyeux !

 

La crosse est une offense aux douceurs de mes deux.

Je t’ai tenue souvent avec un verre en lice.

Le miroir a perdu ses joyeuses malices

Et tu n’apparais plus en poète hasardeux.

 

Le curseur s’en approche, exige des aveux,

Un pénultième ouvrage avant l’ultime esquisse.

Et la mort en sursis se cherche des complices.

Je ne me suis jamais senti aussi nerveux…

 

Trou de balle, c’est dit ! À poil et sans prie-Dieu.

Jamais je n’ai été si prêt de tes délices.

 

XC

Voilà, le verre est vide et je ne suis pas mort.

La mort lente est au bout de la nuit sans voyage.

Alors comment conclure immobile et sans âge ?

: Le soleil en fusion lâche une goutte d’or.

 

Je ne serais jamais assez seul, pauvre corps !

Il ne faut pas compter sur leurs apprentissages.

L’honneur et le respect construisent leurs messages

Et tous leurs monuments nourrissent l’athanor.

 

Je n’en suis pas la proie ô soleil qui s’endort

Sur mes lauriers d’été, d’hiver et de villages

Traversés pour en vivre et oublier l’outrage

Commis sur ma jeunesse : une autre goutte d’or

 

Achève le sommeil et ouvre au croquemort :

: Voici le verre plein comme au premier langage.

 

XCI

À quel âge pourtant convient-il de partir ?

La question s’est posée en maintes occasions…

Jeune ou vieux le désir conseille l’évasion,

Mais certainement pas en inconstant martyr.

 

Les ouvrages du temps sur le corps au sortir

D’une vie de travail et autres affections,

Sans parler de l’esprit et de ses convulsions

Fort éloignées de la beauté, sans élixir

 

Conduisent à l’asile et aux petits plaisirs

De ce compagnonnage ami des rétentions

Et autres déplaisirs qui limitent l’action.

Ah ! si la guerre était un intègre loisir !

 

On ne condamne plus l’assassin à ces tirs.

Encore moins le vieux qui pose la question.

 

XCII

Se laisser prendre au piège et louer le chasseur…

Comment ne pas l’attendre à la fenêtre ouverte

Sur le plus froid hiver que la mémoire experte

Reconnaît au premier coup d’œil du promeneur.

 

Quelle rencontre enfin après tant de sueur !

Le coup de feu traverse une plage déserte

Où se couche la vague en pure, pure perte.

Spectacle de moi-même avec sang et lueur !

 

Ce cadavre est le tien dans le sable voleur,

Visité par la vague aux coquilles offertes.

Maintenant le chasseur se promène et concerte

D’autres projets de mort, d’une tout autre ampleur !

 

Ô lointain personnage inventé par erreur

Un jour de rétention quand l’esprit en disserte.

 

XCIII

Non ! Je ne me vois pas attendre ainsi la mort !

Sans combat contre l’autre ameuté pour la forme

C’est la bigue ou la balle, à moins que je m’endorme

Pour ne plus revenir en bien sous tous rapports.

 

Quel cadavre nouveau éprouve du remords ?

Quel ancien praticien de l’art et de l’informe

Connaît des jours meilleurs dans la nouvelle norme ?

Tout est vieux ici-bas car le Monde s’endort.

 

Or le sommeil est roi plus que la mort dehors !

C’est ici, en dedans, que le temps se transforme.

Une bête gisait dans l’ombre cruciforme.

Vous ne verrez jamais ni l’ombre de mon corps.

 

Pas cette mort, ma sœur, et le temps moins encor :

Maintenant ou jamais le désir est énaurme.

 

XCIV

Pour moi le connard type est éliminateur.

Pas de connard sans l’exercice de la coupe.

Poètes guillotins abonnés à la soupe,

Larbins des hiérarchies : des administrateurs !

 

Qu’ils châtient le langage ou pratiquent menteurs

Le synonyme argot ou le verbe du groupe,

Ces besogneux du style et du moral des troupes

Font de la poésie un fourgon à chanteurs.

 

C’est avec ce train-là qu’on en devient auteur.

Rien d’autre sous le front et ça sent l’entourloupe.

Qui a raison et qui a tort, à la découpe !

Pets-de-loup, rats-du-cul, argousins et facteurs !

 

Il n’y en a pas pour tous les goûts des profiteurs !

Et légion sont ceux qui voient voler des soucoupes

 

Avec dedans la tête étonnée d’un artiste

Qui n’était pas venu pour qu’on donne raison

À ses essais de voir si poussant sa chanson

Il s’était élevé au rang de concertiste.

 

Des fois ça fait du bien de tenter les touristes.

On ne les choisit pas dans l’arrière-saison.

Il faut que de l’été on boive les boissons.

Une fois que c’est fait, l’auteur se met en piste :

 

Et voilà que faucheur comme pas deux hors-piste

Un universitaire ou un con sans leçon

Vous travaille la chique et demande rançon

Sinon vous n’êtes plus poète ni styliste !

 

Ces bourreaux du travail et du chien aliéniste

Vous privent vite fait de l’ère du soupçon.

 

XCVI

Car sans cette colère et cette joie d’émettre

Sur la toile des jeux qui, oui, finiront mal,

Qui serai-je demain dans ce lieu fantomal

Où je n’ai plus le sens que j’ai pris à mes maîtres ?

 

Certes j’en ai donné même avant qu’on pénètre

De mon intimité le caractère anal.

La jeunesse a des trous de mémoire au final,

Mais le reproche-t-on à celui qui veut naître ?

 

Si je me vois si vieux, ne pas me reconnaître

En personnage né pour finir au pénal

Est une aberration acquise au tribunal

De l’écriture et de ses styles sans ancêtres.

 

Oui je me penche avec envie à la fenêtre :

Et le passant en fait les frais, comme au journal.

 

XCVII

Voyons si je suis vieux, assez pour à la fois

Reconnaître les lieux et y jouer un rôle

Que Protée en trois coups charge sur mes épaules.

Voyons ce que ça donne et si je le conçois.

 

Mais la télévision en document sournois

(Je ne dis pas narquois car j’en perds la boussole)

En document pervers mais de fidèle école

Me rentre dans la peau et l’acteur que je vois,

 

Que j’entends, qui est moi, ne trouve pas sa voix.

Oh ! Quelle angoisse alors ! Plus rien ne sera drôle !

Me souffle la compagne élue par la console.

Qui suis-je donc si vieux, immobile ou pantois ?

 

En quelle compagnie on me tient autrefois ?

Un papillon de nuit servira de bestiole.

 

XCVIII

Étrange sensation que procure le fait :

Si je ne mets pas fin à ma propre existence

Alors je me soumets à cette obéissance.

Pas moyen d’échapper ni même de bluffer…

 

La bigue au nœud coulant ou le feu en effet…

Ou quelque autre moyen dont il s’agit, méfiance !

De vérifier, têtu, l’histoire et l’efficience.

Voilà de quoi, mon vieux, ton esprit échauffer.

 

Oublions l’hôpital et ses autodafés.

Son roman est possible avec ses circonstances

Documentées ou mieux, avec un peu de chance,

Imaginées comme on accepte d’étouffer.

 

Encore un peu, Monsieur : j’ai peur d’être imparfait

Au point d’avoir encor besoin des apparences.

 

XCIX

C’est cette lâcheté qui me pousse à écrire,

À vous imaginer tels que vous n’êtes pas.

L’ordure du récit a de sérieux appas.

Laboratoire ou non, j’ai du mal à sourire…

 

Pourtant dès le matin, après de purs délires

Qui ne m’inspirent pas d’autres mea culpa,

La chronique interpelle un vieillard aux repas

Médicaux et à l’heure indiquée pour le pire.

 

Demain sera demain, et quoi que je désire

Le personnage existe et ne me dément pas.

Qu’on t’appelle la mort, camarde ou bien trépas,

Jamais tu ne sauras la vieillesse séduire.

 

Ou bien le vieux se donne à toi comme au martyre

De n’avoir pas plus tôt mis fin à ses tracas.

 

C

Dès la première page et sans autre anecdote

On voit le vieux crever entre deux compagnons.

Qui bronche ? mais personne, on a trop peur des gnons.

Le vieux s’est affaissé et la vieille radote.

 

Du coup je m’intéresse à cette vieille idiote.

Peut-être Hélène sait et connaît la chanson

Qui ménage le fil que ce vieux canasson

Qu’on monte quelquefois en suçant la capote

 

Enfile dans l’aiguille à rapiécer sans faute

Un passé dont le vieux, bandant avec raison,

Avait imaginé l’amour et la maison.

Ainsi le vieux toujours tricote et détricote.

 

Moi aussi je m’emploie à courir l’échalotte :

En écoutant venir la prochaine saison.

 

CI

Je me vois dans la peau d’un de ces personnages

Inspirés plus ou moins de la réalité.

J’entre par effraction mais je suis alité,

Tête dans le coussin et l’entrejambe en nage.

 

La fenêtre est ouverte et reçoit les ramages.

On est à la campagne, avec docilité,

Puant la rue obscure et la félicité

Des trottoirs en vitrine et du plaisir en cage.

 

Homme ou femme on verra : c’est l’enfant qui partage.

L’histoire vient ensuite et son analité

(Avec un n ou deux) est la spécialité

(Ça tombe bien, pas vrai ? Voilà son avantage.)

 

De la maison en route, ah quel maigre potage

Qui promet discipline et immobilité !

 

Mais l’immobilité n’est pas l’œuvre conçue

En un temps moins propice à l’erreur capitale…

Te voilà casanier, te desséchant la dalle

À force d’y penser ; la voie est sans issue.

 

Seul ou pas c’est la chambre et la femme aperçue

Entre rideaux et murs, silencieuse et totale,

Qui prend son importance entre ces intervalles

De joie et de panique, adorable sangsue

 

Qui prend au personnage avec sa foi reçue

Et son prochain voyage, ô médiocre vestale,

Ce qui reste de chant et de sang cannibale.

Ô voyons si la rose est amère et déçue.

 

Elle peut l’être enfin, personnage et tissue

De fils subtilisés à la fable initiale.

 

CIII

Les rites du poète engagé dans l’envoi

Qui clôt son infini et l’empêche de vivre

Comme pourtant il a vécu avec son livre,

Le seul possible alors en ce sinistre endroit.

 

Il s’adonne à l’ennui et à ses désarrois,

Jouant l’après-midi et le soir il s’enivre,

Redisant cet envoi qui jamais ne délivre

Les démons invités à calciner sa voix.

 

Enfin la nuit l’assomme et il rêve de toi,

Toi qui jamais là-bas et pour mieux le poursuivre

Ne promit l’aventure à moins d’un bateau ivre,

Impossible saison en ton château sans toit.

 

Au matin il est seul, seul avec son patois

De poète achevé et qui doit lui survivre.

 

CIV

Qui as-tu convaincu ô poète fini ?

Pas même la concierge aux yeux de braise ardente,

Ni le noir paysan à la langue apparente.

Te voilà seul au monde et pas même banni…

 

Libre comme le vent qui te poussa ici,

Entre la terre et l’eau, coquille à l’habitante

Aussi rêvée que morte, ou fille fainéante.

Maintenant, fils de rien, tu as d’autres soucis.

 

Le temps va s’achever comme finit l’ennui.

Le soleil en déclin vivace dans l’attente

Brime tes yeux lassés de poésie latente.

Puis la lune peut-être éclairera la nuit.

 

Je ne te promets pas une fin aujourd’hui :

Salue ton personnage et la chance retente.

 

CV

Qui sont ces animaux qui semblent apprécier

L’enfermement ici avec moi pour spectacle ?

La fenêtre est pourtant ouverte sans obstacle…

Qu’attendent-ils de moi pour ainsi s’associer ?

 

Mais à qui en parler sans l’ambiance vicier ?

Je ne voudrais pas qu’on m’initie au miracle :

D’autres chats à fouetter m’attendent au pinacle

De cette chambre en rond qui a ses devanciers.

 

On s’approche de moi, j’entends les chats miauler

Sans toutefois chez eux provoquer la débâcle.

Moi-même je n’ai pas la couleur de l’oracle.

Personne ne viendra au moins pour m’épauler.

 

J’aurais dû m’informer avant de me piauler :

Les anciens habitants hantent cet habitacle.

 

CVI

La poésie est… n’est pas… et on se bouscule

Au portillon du Vrai en revue entrouvert.

Musidor tient le seuil, le crâne découvert

Pour ne pas saluer celui qui vierge encule.

 

Son chapeau à la main il pousse un monticule

De vers rimés ou pas, l’un étant le revers

De l’autre qui se voit dans le tain à l’envers.

Le paillasson durcit son poil au ridicule

 

Des prix qu’on se chamaille avec de minuscules

Façons de discourir, mais avec foi d’expert.

Le visiteur souvent dans le dédale perd

Ou son sens de l’humour ou bien ses pellicules.

 

Car secouant le chef pour ne pas qu’on spécule

À sa place il sort et remet son vieil imper.

 

CVII

Tout bien pesé, et question poids je m’y connais,

Ces animaux têtus qui hantent mon espace

Ne sont peut-être pas les princes de la place…

À les chasser voilà j’y vais de mon sonnet.

 

On récolte, dit-on, tout ce qu’on a semé.

Je ne vois pas pourtant pourquoi dans mon palace

Tant de haine sursoit aux emplois de ma race…

Impossible avec eux d’ouvrir les guillemets.

 

Car j’ai beau leur parler ils demeurent muets.

Ignorant les raisons de pareille disgrâce,

Je m’épuise au dialogue et même je m’efface,

Je souffle la réplique et de me remuer

 

Ainsi sur le plancher, quitte à me voir muer,

Je rampe sur le ventre et au rideau m’enlace.

 

CVIII

Soyons tout, soyons rien… Je veux bien me damner,

En enfer méditer avec d’autres moi-même…

Apprécier la douleur pour ses vertus suprêmes.

Et entrer dans la peau du soldat qu’on connaît…

 

À tout acte sensé oui me voilà fin prêt.

Après tout, pourquoi pas ? On en devient énième.

Chacun s’emploie à inventer les stratagèmes

Qui font que l’on vit bien de semblables apprêts.

 

J’ai le choix de la bête et ne craint pas l’après

Pas plus que le passé qui connut mon baptême

Et maints décrets de foi en l’Homme et ses problèmes.

Mais promettre la soif à un injuste arrêt,

 

C’est demander à sec au Diable d’abjurer

Et à ses animaux d’accepter l’anathème !

 

CIX

La page blanche prouve à l’auteur qui l’endure

Que l’écrivain en lui n’a pas trouvé duende.

À force de chercher, sans projeter les dés

Sur le tapis de l’existence, il fait figure

 

De tâcheron qui se répète et dénature

L’enjeu de sa jeunesse et de ses procédés.

Voilà pourquoi l’enfant ne s’est pas suicidé

Et comment l’homme ainsi continue l’aventure.

 

Chacun de ces moments de doute le structure.

Si le blanc s’interpose et que l’homme obsédé

Par la complexité facile du godet

Ne trouve pas le mot qui ouvre à la biture

 

Les portes de l’écrit, alors c’est l’écriture

Qui juge son auteur indigne de bander.

 

CX

S’il ne se passe rien, la poésie s’en passe.

À moins que rien ne soit la poésie du temps.

Promenant mes vertus et mes défauts patents

Le long du cimetière où quelques-uns trépassent

 

Mais en si petit nombre et si étroit espace

Que personne n’a peur d’y trouver son faisan,

Je songeai à Hélène au nom si courtisan

Qu’il m’arrive souvent d’en changer les impasses,

 

Égarant ainsi fait les ressorts de sa race.

Je ne croisai personne à part quelque passant

Dont je ne saurais dire, en pur adolescent,

Si ce rôle incombait à ma froide grimace.

 

Nulle charogne ici m’imposa sa carcasse :

Sur son nom je lâchai une goutte de sang.

 

CXI

Vous ai-je dit qu’elle a été assassinée ?

Je connais l’assassin ; il croupit en prison.

Longtemps j’ai cru savoir, mais pour quelle raison ?

Qu’il y était heureux, près de sa cheminée.

 

Boit-il autant que moi ? Dans la coupe avinée

Le miroir réfléchit nos semblables visions

Inspirées par le temps et la télévision

Et ce que nous savons de cette dulcinée.

 

Faut-il en traverser, comme Alice entraînée

À un tel exercice à force de poison,

Les fissures du tain qui servent de cloisons

Pour ne pas resservir de fenêtres fermées ?

 

Qui es-tu, prisonnier de ma farce rimée ?

Et qui est cette enfant qu’ensemble nous baisons ?

 

CXII

Si tu n’as pas dans ta maison la madeleine

Et dans tes draps cette poupée au doux chiffon,

Ainsi que la fumée au sinistre plafond,

Tu ne sais rien de la douce et fameuse Hélène.

 

Le temps jouait avec le temps, et cette haleine,

Qui enfume au présent ton imparfait salon,

Retrouvait le chemin, jalon après jalon,

Et s’animaient ces carafons de porcelaine.

 

Que de jouets avec Hélène ! Ô que revienne

En une fraction de ce temps, cette chanson

Qui plus que toute autre exhorta, saine boisson,

Le noir maître des lieux à rappeler sa chienne !

 

Pas de rideau tombé pour cette comédienne :

Ce n’est qu’une poupée et voici sa leçon.

 

CXIII

Au premier acte un personnage à l’air commun

En chaise longue et sans parole est immobile ;

Un bon quart d’heure et le rideau tombe facile…

Le spectateur n’a rien appris, pas un emprunt.

 

Au second acte un autre arrive, inopportun

Ou pas, et saisissant l’autre par son textile

L’emporte sous le bras, passager ustensile.

Au troisième il revient et observe quelqu’un,

 

Quelqu’un qu’il s’agit bien soit de mettre au parfum

Soit de détruire ainsi car il est inutile.

Rideau. Au quatrième, un autre se profile.

Il est seul sur la scène et en quatre défunts

 

Partage son égo comme tout un chacun

Au cinquième se voit octroyer domicile.

 

CXIV

Tu connais bien la solitude et les ennuis

Qui finissent toujours par arriver en masse

Si la chance a tourné avant qu’on te ramasse.

Tu ne connais rien d’autre à part le noir des nuits.

 

Ce que tu ne sais pas en prison te conduit

Au pays du soleil et des libres espaces

Où le corps et l’esprit forment la carapace

Pour une fois ensemble et enfin aujourd’hui.

 

La lumière t’aveugle et la chaleur construit

Les murs de ta jouissance et de toute la place

Que prennent maintenant ton rêve et ton audace.

Te voilà dans le monde aimable et introduit.

 

Mais tout ceci n’est que fiction, le seul produit

Qu’une vitre crasseuse en sa toile bavasse.

 

CXV

Hier au téléphone il entendait des voix.

Aujourd’hui il a bu tant et si bien qu’il rêve.

Mais il est impatient et voudrait que s’achève

Au plus vite le jour et que la nuit le soit !

 

Mais le sommeil est rare à la hauteur de soi…

Hélène qui se tait, Hélène qu’on enlève,

Hélène dans le lit mais pour pas qu’il en crève…

Il a beau la multiplier, elle déçoit.

 

L’écran du téléphone à des airs d’autrefois.

Cette modernité sans doute ne relève

Que d’un désir commun à tous ceux qu’on prélève…

Habile politique et commerces adroits.

 

Demain, il le promet, jouissant de tous ses droits,

Il mettra fin au jour, il en connaît le glaive.

 

CXVI

Il mettra fin au jour où commence la nuit.

Mieux vaut ne pas reprendre où commence l’aurore.

La mort en est violente et la douleur encore !

Voir le jour commencer n’inspire pas l’ennui.

 

Dehors un enfant joue à retrouver le bruit

Dont le trottoir résonne à cette heure sonore.

De ma fenêtre avec envie je collabore.

Mais j’ai tant oublié et tant souffert depuis !

 

Je ris de cet idiot qu’Hélène a éconduit.

L’enfant ne comprend pas, la rose veut éclore

Mais le jour elle dort et rien ne s’améliore,

Ni loyer, ni enfant, rien n’est jamais gratuit.

 

Ce soir à la veillée et bien avant minuit,

Il sera si tranquille, heureuse métaphore.

 

CXVII

Cet autre qui s’ennuie à certaine distance…

Ici le jour est clair : invite, appel, défi…

Je m’accroche à un rêve, universel profit.

Je veux être avec tous et je suis en instance.

 

Sommeil comme le cou de qui n’a pas la chance

D’œuvrer avec les dieux et les maîtres d’ici.

La nuit qu’on me conseille est une attente aussi !

Je sais pourtant ceci : je n’ai pas l’existence !

 

Qui es-tu ? Je le sais. Que veux-tu ? L’apparence

Des murs me le redit : ils se sont épaissis

Au témoignage du voisin, qui est assis

Sur le même balcon qui sait nos conférences.

 

L’un fixe rendez-vous, l’autre les transparences.

Mais qui condamne l’autre à être raccourci ?

 

CXVIII

Piéger l’autre en son nid et rêver de voyages…

Promesse de l’écran pour pas cher la vision.

Un essai est offert avec des précisions

Sur les taux de succès couramment en usage.

 

Mais rien sur les tombeaux ni sur l’étroit passage

De la vie à la mort, rien sur les illusions

Que notre promeneur fort de sa décision

Cultive dans le bloc sous forme de messages.

 

Il ne fuit pas mais va, prêt à tous les partages,

Où le mène son pas, nu et sans provisions.

L’aventure est ailleurs qu’à la télévision

Et l’homme qui le sait est à son avantage.

 

Certes l’œuvre mérite un ou deux ajustages :

Mais à choisir son heure autant sans évasion.

 

CXIX

Ah ! Quelle hésitation et quelle douleur lâche

Saisit l’opportuniste au moment de choisir

Entre la vérité qui borne le plaisir

Et la justesse qui facilite la tâche !

 

Me trouvant en attente, amer et sans panache,

Je refermai la porte avant d’approfondir

Ce qu’elle me voulait enseigner du nadir

Où je divaguais comme un vulgaire potache.

 

Quelques verres bien pleins derrière la moustache

Et je trouvai l’endroit propre à me rendormir.

Des rêves on en fait, parfois même à frémir,

Mais celui que je fis, si toutefois ne cache

 

Mon incompréhension, ne m’enseigna macache !

Voilà comment la nuit on se met à vomir.

 

CXX

Celui qui sait ne sait pas tout de ce qu’il sait.

Il en ignore au moins toutes les conséquences.

On a beau se méfier des courtes apparences

Ce sont elles qui font que l’on se méconnaît.

 

Et longue est leur histoire au chevet de l’essai

Que l’un tente d’écrire et que l’autre devance.

Si nous n’étions pas deux au moment de l’instance

Mais nous sommes la paire et le temps est pressé.

 

Dans la marge ou l’étroit interstice creusé

Pas de place pour l’un si l’autre est en avance.

Cet infini écart explique bien la chance

Mais sans l’offrir à l’un plus qu’à l’autre abusé.

 

J’en causais à Hélène un soir comme exposé :

Elle me rit au nez et reprit sa romance.

 

CXXI

« Le roman est dessous. Gratte un peu, ma mignonne.

Force ton ongle. Entre les lignes tout se lit.

Tout se donne, même le temps sous le vernis

Des choses dites et non dites. Je bouffonne.

 

Le lyrisme n’a pas sa place. Je marmonne.

Partageons les secrets maintenant que le lit

De terre t’environne. Ah ! j’en ai le tournis !

Mauvais pour la césure et la rime. Je donne

 

Au burin tout le sens que le marteau entonne.

Dessous tu entretiens la preuve du conflit…

Mais le roman s’en passe. O finis infinis !

Le récit prend racine et ta race bourgeonne.

 

Ton ongle avec la mort revient en amazone.

Le chapitre suivant explique le délit.

 

Aussi restons-en là. Au I inachevé.

Peut-être le dernier. Le moment à confesse.

Devant tant de témoins ! Bien après la caresse.

Je ramenais, des lourds travaux de mon chevet,

 

Le texte et l’or d’un temps passé à retrouver.

Entretemps tu t’éteins, peut-être par faiblesse.

Je ne saurais jamais de qui tu fus maîtresse.

De moi ou de la mort. Mais faut-il éprouver

 

Ce seul ressentiment pour enfin approuver

Le choix du lieu et de la nuit ? Et je m’empresse

D’ajouter : Je suis le visiteur. Toi l’hôtesse.

Je n’irai pas plus loin. Le voyage est larvé.

 

Nous n’avons pas la chance et le vol réservé

N’a pas de sens non plus. Quelle était la promesse ? »

 

CXXIII

Disant cela le malheureux revient chez lui.

Il est plus de minuit et dans le ciel sans lune

La nuée s’épaissit. Les effets de la brune

Sont encore dans l’œil du passant. Plus l’ennui.

 

Paranos et connards traînent la patte ici.

Mais notre homme est discret et rien ne l’importune.

Il traverse le temps, mais sans chercher fortune.

On ne reconnaît pas ce passant imprécis.

 

Il veut tuer quelqu’un mais il est indécis.

Cette fois l’accident, par de grosses lacunes,

Ne convaincra personne et la raison commune

Mettra fin à la fièvre et aux thèses du psi.

 

Mais le seuil est lointain malgré le raccourci.

Il se perd, arpentant les allées une à une.

 

CXXIV

Mais qui rencontre-t-on quand c’est la solitude

Qui malmène nos pas dans ces tristes jardins ?

Un éclairage en biais force les citadins

À reconnaître l’ombre avec exactitude.

 

Mais notre personnage est dans l’incertitude.

Il ne sait où aller, morose baladin

De ce monde ambigu où le joyeux gandin

Du commerce télévisuel se dénude

 

Pour paraître conforme et doué d’aptitudes

En rapport avec l’art de donner en radin

Et de recevoir tout avec ordre et dédain.

Il revenait du cimetière et l’habitude

 

Des lieux le replaça, non sans sollicitude,

Devant le vieux comptoir des fidèles mondains.

 

CXXV

C’est la peur de la mort ou le désir d’encore

Revivre les saisons et leurs plaisirs inouïs

Qui rejoue le même homme au visage réjoui,

Satisfait même de sa pensée indolore.

 

Respirant le bonheur il attend que l’aurore

Jette le soleil noir dans les draps de son lit

Ou du lit de passage à l’heure de l’oubli.

En attendant il est bien seul. Il élabore

 

Des plans confus mais prometteurs et en déplore

Plutôt l’aspect rébarbatif. À la merci

D’un coup de feu que l’autre expose et éclaircit,

Il s’accroche à ce zinc et furieux en explore

 

Et le moindre voyage et le prix que minore

Un troquet averti mais au cœur endurci.

 

CXXVI

Entre le vieux camé et le jeune poète

Pierrot (appelons-le ainsi pour le clouer

Lui aussi au poteau) Pierrot est le jouet

D’une hallucination à l’angoisse incomplète.

 

Les brandons de la joie illuminent sa tête.

La douleur est bavarde et l’inconscient troué

D’instants si solennels que le voilà noué.

Une pute aux yeux clairs explore sa braguette.

 

Mais le plaisir ailleurs inspire la branlette.

La fille en animale a beau la secouer

Les mots imposent leur roman inavoué

Tandis que les mondains renouvellent la fête.

 

N’en pouvant plus la pute avouant sa défaite

Vante la turgescence et revient échouer

 

Dans le noir amalgame et les récits de crise.

Pierrot n’en pouvant plus frappe le songe-creux

Et sur le crâne aigu du vieux camé chancreux

Vomit toute sa haine et du poing pulvérise

 

Ce qui reste du verre et de sa male emprise.

S’il sort d’ici sans le mot juste en amoureux

Il est bon pour revoir le jour nu et fiévreux

Et tout recommencer, avare et sans surprise.

 

Il sait pertinemment et jusqu’à la traîtrise

Qu’il faut tuer quelqu’un, heureux ou malheureux,

Avant de se tuer, loin de ces culs-terreux.

Mais avant tout il faut prévenir la méprise :

 

Il éjacule enfin, imposant sa maîtrise

D’un jeu devenu dès lors plus que dangereux.

 

CXXVIII

Dans ces moments jaloux faut-il précéder l’acte

Par un discours construit et pourquoi pas si clair

Qu’après l’acte l’émule ébloui par l’éclair

Ne se fait pas si rare et justifie l’entr’acte ?

 

Terroriste dans l’âme et soucieux que le pacte

Ne souffre de défauts inhérents au transfert,

L’homme, si c’est ainsi qu’il se nomme en enfer,

Sent qu’il faut expliquer et le voilà qui jacte.

 

Il veut faire des vers, mais en autodidacte,

Cherche rime, raison, amour, même concert,

Comme on cherche querelle à l’ami trop disert

Qui menace l’effet et l’éditeur contracte.

 

Quelqu’un remplit son verre avant qu’il se rétracte :

Un clin d’œil à la pute et elle le ressert…

 

CXXIX

Igitur le mondain, Musidor le poète

Jettent la pièce en l’air saturé de renvois.

Et Pierrot l’amateur de croix et de pavois,

Caressant à rebours le manteau de sa bête,

 

Trace d’un doigt précis les mots de la goguette

Qu’il est venu ici honorer de sa voix.

La cendre du comptoir reçoit un art grivois

Où le mot mort n’est pas sujet à escampette.

 

Personne en ce bordel à part ses exégètes

N’entend malice, aigreur, ni douleur toutefois.

Le plus gros de la meute entonne enfin l’envoi

Et le concert s’achève en communes branlettes.

 

Dehors tout est tranquille et la nuit incomplète

Distribue aux passants ses primitifs emplois.

 

CXXX

La bête est seule maintenant que tout roupille.

Elle n’attend plus rien ni d’Igitur le nain

Ni de Pierrot en proie au souci léonin.

Musidor ouvre l’œil chaque fois qu’une fille

 

Alerte le passant que la tumeur titille.

Rien dedans, rien dehors, pas même le venin

De la critique en deuil ni de l’ordre canin

Qui croît dans la nation et la joie des familles.

 

La bête veut rentrer dans sa chaude coquille.

Elle en griffe la nacre et les jours saturnins

Qui empoisonnent lentement son féminin.

Voilà comment de rue en rue on se bousille.

 

La piqûre à l’octave en voit un qui sourcille :

Il faut rentrer chez soi et attendre demain.

 

CXXXI

Philosophie de merde et spectacle enfantin :

Artémise en nuisette attend ce soir que l’Homme

Rentre l’esprit ailleurs que dans son noir Royaume :

Homme et Royaume ici désigne le pantin,

 

Le pantin qui lui sert de triste cabotin

À l’heure du plaisir et de son clair fantôme :

Aussitôt la voilà qui redevient la môme

Rencontrée au hasard, l’une ou l’autre catin

 

Portant le même nom plus ou moins clandestin.

Elle prévoit le shoot juste après qu’il la nomme,

Ne décevant plus l’autre à cause de l’idiome

En usage depuis qu’il paye le festin.

 

Mais le sens à donner ce soir est incertain :

Hélène est revenue en reine ou c’est tout comme.

 

CXXXII

Le paillasson frémit et un rai de lumière

Apparaît sous la porte ; elle se jette hors

Du lit et elle appelle en mesurant l’effort

Que lui coûte son cri : la tête la première !

 

La Bête qui attend franchit cette frontière

Mais sans aller plus loin que le reste du corps :

Elle a souvent vécu cette possible mort :

Et encore elle attend, prostrée sur son derrière,

 

Un signe d’impatience, un effet sans manière,

Élan du désespoir, inutile ressort

Au moment d’accepter les récits que le sort

Impose à son sommeil de fausse aventurière.

 

La Bête suit le bord d’un tapis et peu fière

Se couche sous le lit, ouvre un œil et s’endort.

 

CXXXIII

« J’aime ce chat rugueux comme un autre poème.

Il reconnaît mes nuits passées sous la Cité.

Sa griffe me polit sans agressivité

Et sa langue est la mienne, illisible et extrême.

 

J’attends de le comprendre et attendant il m’aime.

Quelque chose me dit que cette mixité

Témoigne assez de l’art que par complexité

Un homme fait payer à mon petit système.

 

Son oreille poilue et son museau bohême

Ne me racontent rien des voyages cités.

Peu importe que l’homme et le chat excités

Aient voyagé ou non ou par quel stratagème

 

Je me réveille enfin heureuse et en vous-même :

Vous m’aimez vous aussi dans la simplicité

 

Du jour que les travaux annoncent dans vos pages.

Je sais de votre Hélène au moins le noir roman.

Je le relis toujours me demandant comment

Le chat devenu Bête illustre vos tapages.

 

Quand par le cimetière en sinistre équipage

Vous répandez les bruits de vos chiens occitans

Et que se lève noir le nuageux autan,

À ma France je songe et à son vrai langage.

 

Alors ce chat si doux en parole et en âge

Secoue sa vieille peau en étranger au temps

Que poursuivent les mots de la Cité d’antan :

Vous revenez au jour en joyeux personnages !

 

Et le minuit se change en midi nécrophage :

Ah ! comme c’est obscur ce changement gitan !

 

Ne me néglige pas, ô voyageur avide

De substance et de gloire ! Ici est mon repos

D’accessoire passé et d’ignare cabot.

Homme ou femme je suis la loi liberticide.

 

La Bête qui se change en chat plus que stupide,

Citoyen de la langue et de ses vains propos,

Ce chat que je caresse et dont je sens la peau

Muer comme serpent que sa croissance bride,

 

Ce félin donnera un enfant si perfide

À ce Monde fini où ton ancien tombeau

Remet au goût du jour ce tortueux nabot

Qui jamais ne servit de rime à ton égide,

 

Si perfide et si vrai que ton faux homicide,

Inventé pour limer tes expédients verbaux,

 

Ne laissera au monde et à ses habitants

Que sa peau pourrissante et sa gueule muette.

Celui qui croît la nuit ne peut être poète :

La langue est nationale et appartient au Temps.

 

Tu me voulais obscure et misérable actant,

Mais je suis ta catin, risible mais prophète.

Hélène n’a pour nom que la rime seulette.

Son tombeau de papier ignore le printemps.

 

Voyons si je suis claire, échappant au Gitan

Qui se voulait plus saoul que son anachorète…

Enfin le jour paraît et le chat sans sa bête

Lape le lait, griffe la peau et va l’antan

 

Car ce jour est le même et la nuit arpentant

Tes décors de théâtre annonce une autre fête. »

 

CXXXVII

L’amigo Igitur, comme pas un mondain,

Observa l’escalier qui montait dans l’étage.

Enfourchant un balai propice au remontage,

Il exerça son pied, non sans quelque dédain,

 

Sur la première marche, en parfait baladin.

Les mots lui venaient purs et même d’avantage.

Il en trouva la rime après chaque comptage

Au rythme qu’imposait la rose du jardin.

 

Qu’elle vécût en garce auprès d’un muscadin

Méritait promptement et sans autre enculage

Qu’on s’y intéressât au moins par fignolage.

L’ami la canne en l’air et le museau badin

 

Entonna dans la cage un chant moudjahidin

Qui sens dessus dessous mit tout le voisinage.

 

CXXXVIII

Musidor arriva sur ladite entrefaite.

Un intellectuel relevant de la gent

Qui de mémoire en droit normalise l’agent

Au point qu’on ne va plus à l’école en poète

 

Lui barra le chemin, un trottoir à branlette

Dont la porte cochère abrite un contingent

De muses sans sommeil et de rêveurs régents.

L’ami envisagea la poudre d’escampette

 

Mais ses jambes dessous, redoutant la défaite,

Se raidirent sur place et le flic outrageant

Sa chevelure folle emboucha l’indigent,

Lui conseillant l’aveu pour toute chansonnette.

 

Il remit sa cuillère ainsi que l’allumette

En espérant peut-être un oracle indulgent.

 

CXXXIX

Pierrot, le pied prudent et l’œil sur l’autre rive,

Espéra l’explosion afin de filer doux

Sous le pont en éveil où allait le bagou

Des témoins du ramdam, meute approximative.

 

Il s’y joignit pourtant avant qu’on le poursuive.

On ne sait jamais bien ce qui couve dessous,

Mais c’est ainsi que l’homme enfin reste debout

Avec ceux de sa race ou de l’aire adoptive.

 

Il avala le sel de façon préventive

Et dégueula dans ce qui pouvait être un trou.

Aucune raison de le prendre pour un fou.

L’arythmie, imprévisible jeu, s’y cultive.

 

Il résista pourtant à l’attaque fictive :

Il était avec eux, fier et au garde-à-vous.

 

CXL

Igitur réclamait au policier en nage

Son aristocratique universalité

Que l’huissier retenait de son autorité,

Soupçonnant toutefois l’effet du surmenage.

 

Musidor maintenu par le même attelage

Se référait plutôt à l’actualité,

Non sans conclure aussi à la moralité

Que sa muse inspirait à propos du carnage

 

Qui n’avait pas eu lieu… Et dans cet équipage

Ces braves compagnons de la fatalité

Qui écrase son homme et son absurdité

Furent conduits au poste et sitôt mis en cage.

 

Pierrot n’expliqua rien de ce vain cabotage

Aux nouveaux compagnons de sa précarité.

 

CXLI

Pour être dessaoulé, il était dessoulé !

La foule encore en masse agitait ses enseignes.

Un malheureux boîtait et voulait qu’on le saigne,

Mais pas de fille en vue alors que le poulet

 

Cernait le moindre effet d’insoumission dans les

Regards de la critique annoncée comme on règne

Sur la publicité et les vœux qu’on renseigne.

Dessoulé mais heureux d’avoir laissé filer

 

Les arguments salés d’un impropre pamphlet,

Il décida d’attendre avant qu’on le restreigne.

La rue finirait bien par laisser ses araignes

Et retrouver céans grisettes et valets.

 

Certes la Loi permet qu’on daube ses palais,

Mais de là à jouer à se donner des beignes…

 

CXLII

Igitur rechanta sur ordre de son juge

Ce qu’il avait chanté par pur amusement,

Mais la menace était d’un genre musulman

Qui inspire à ses pairs un meurtrier grabuge

 

Dont il est interdit, surtout par subterfuge,

De rire sans pleurer ou de pleurnicher sans

Avoir donné au moins une goutte de sang.

Son chant est ambigu et il cherche refuge

 

Derrière le refrain que le juge méjuge

Car au second degré le sens est indécent

Comme au premier il est fatal à l’innocent.

Du coup le magistrat, un peu comme on adjuge,

 

Frappe sur le comptoir : « L’Enfer qu’on ignifuge

Donne soif aussi bien à Dieu qu’à son passant ! »

 

CXLIII

On vit même Artémise en nuisette aérienne

Descendre dans le feu et prendre un saint plaisir

À donner le spectacle, attisant le désir,

De sa propre existence entre les mains vauriennes

 

D’un qui sous le couvert de poésie ancienne

Se vautre dans la tombe à sinistre loisir,

Ne craignant nullement, le poussif, d’y moisir

Pour le reste du temps qui pourrit son haleine.

 

Même le juge en croit ses yeux fous de l’aubaine.

Levant un verre vide il a peine à saisir

Le sens de ce théâtre et on le voit gésir

Sur la croix que simule en joyeuse chrétienne

 

L’épouse du poète amoureux fou d’Hélène :

« Entre Igitur et Musidor, lequel choisir ?

 

Mugit-il saisissant à deux mains les nichons

Comme s’il s’agissait de l’avenir de France.

Il croit s’en abreuver comme à quelque Jouvence

Et sent la poésie flatter son bourrichon.

 

Il en bande, Zoïle, et comme il est cochon

De nature et de droit il n’a pas l’expérience

Du désespoir malin qui anime l’enfance

Quand devenue majeure elle meurt patachon.

 

Les deux compères sont ravis et un bouchon

Atteint les glands d’un lustre et retombe par chance

Sur l’anus excité qui pète en apparence

Mais en réalité exige le cruchon :

 

Tout entier il pénètre ainsi que ratichon

Dans le cul de l’enfant et en toute conscience.

 

CXLV

« Ah ! Trop saine justice en ce pays si vrai

Que le faux est un mot de trop dans son lexique !

On n’est jamais mieux dit qu’en cette République !

Le maldisant poète en est tout désœuvré.

 

Ensemble franchissons ces classiques degrés.

Que l’unité l’emporte et qu’enfin en musique

Le cœur du panthéon national et mythique

S’ouvre comme la rose en pétales dorés.

 

Saine et définitive elle admet le progrès.

Elle ne vieillit pas, donne tort au critique

Et à l’amant déçu qui en sonnet abdique.

Tu ne fomenteras d’inutiles regrets.

 

Saine joie d’avoir faim au milieu du congrès

Après avoir mangé la moitié de la bique ! »

 

CXLVI

Disant cela le magistrat ouvre les cuisses

Et donne à voir l’enfant qui dort dessous le crin

En attendant que la nation et son crincrin

Le réveille et l’adopte et même l’étourdisse.

 

Il est fier de son œuvre et aime la justice.

« L’héroïsme est entré dans un alexandrin

Le jour où la victoire a gravé au burin,

À la balle, au couteau, et à tous les sévices

 

Qu’on inflige au vaincu même après l’armistice,

Ce que jamais on ne verra dans le pétrin ! »

Le discours ne ment pas selon les deux flandrins

Tout grandis par-dessous sans subir de supplice.

 

Tranquilles ne sont pas ni surtout aruspices :

L’enfant ne promet rien dans l’écrin utérin.

 

CXLVII

Moi, Pierrot, saint d’esprit et de corps, prend au mot

Les inventions et l’art rencontrés sur la route

Comme je revenais, assailli par le doute,

Du procès au tombeau sans autres animaux

 

Que le chat et le chien, l’un mondain et grimaud,

L’autre passant ici en pleine banqueroute

De la langue commune et de ce qu’on ajoute

Pour paraître en papa d’un horrible marmot.

 

Je déclare sans haine et malgré tous les maux

Que ces travaux d’enfer, raison de ma déroute,

Instillent dès minuit, que je ne vous écoute

Plus. Amis sans amitié, allez voir chez Plumeau

 

Si l’habit de poète est encore en promo !

Moi, du bertsulari je préfère la joute…

 

CXLVIII

Mais quelle course folle à travers le printemps !

La pluie revient en force après la gelée noire

Qui immobilisa avec son écritoire

Cet oiseau de passage arraché à l’étang !

 

L’électuaire nou-veau est un orviétan.

Printemps à la césure, ô l’année illusoire !

N’attends-tu pas l’été et sa folle mémoire

Qui nourrira l’hiver de passion et de temps ?

 

Courir me fait du bien car mon sang est gitan.

De la simple chanson au chant inspiratoire

Je me sens fait pour ça : Une chanson à boire.

Que mon sperme ici-bas cultive l’occitan !

 

L’orage nous anime ô graine de titan !

La boue de nos chansons est une belle histoire.

 

CXLIX

L’une est morte pourtant et l’autre me contraint

À revivre en quidam ce que mon simple père

A vécu avant moi pour envoyer ma mère

Dans le septième ciel à quoi elle s’astreint

 

Encore. Épouses sans la nuit, à coups de rein,

Quel reflet de miroir excite la chimère ?

On n’a pas même droit à un peu d’éphémère.

Et dès minuit l’esprit revient sur le terrain.

 

Si je n’écrivais pas, bite sur le lutrin,

Et si je n’avais pas l’inspiration en terre,

La nuit, cette salope au conseil adultère,

Me surprendrait au lit en sage pèlerin.

 

Et la pute éloquente au voyage forain

Me donnerait l’enfant, son âme et sa matière.

 

CL

Trois femmes en un seul homme en proie à son temps.

D’aubade en sérénade, à faciles lampées,

Il avance ses nuits comme autant d’épopées

À revivre avec elle et sous terre pourtant.

 

Il annonce un récit au détour inquiétant

D’un visage ou d’un cul, maudissant la flopée.

Sur les trottoirs nourris de sa pharmacopée,

Il choisit ou retient le désir et prétend

 

Retrouver la fusion de son métal chantant.

À quand la quatrième, adorable poupée,

Ô bouche qui s’avance et donne la lippée

À ses contemporains amateurs d’orviétan ?

 

Ce sera la dernière, il en aura autant

Que durera sa rose et sa folle équipée.

 

CLI

« Avec votre français, que de pain sur la planche !

On imagine mal d’autres siècles sujets.

Le verbe en prend un coup ; combien de ses objets

Perdus dans les récits font la loi le dimanche ?

 

L’oiseau qui fait son nid sur une telle branche

Risque de répéter, avec ou sans budget,

Le refrain sans la strophe et le même trajet ;

À cette allure on court la sérénade blanche

 

Quand le noir de la nuit personne ne déhanche.

Or on veut gambiller et même s’outrager

À défaut de quelqu’un pour nous les ouvrager.

Triste soir qui promet une existence en tranche !

 

Avant de se coucher la caresse du manche

Ne palliera donc point la solitude franche. »

 

CLII

Ce mec avait l’air con de qui rime en cadence

Sur des alexandrins peu faits pour avancer

Ensemble et d’un seul pas dans l’erreur du fossé.

Il était sur la route et vu son apparence

 

De rhapsode vieillot reconstruit dans l’errance

Après avoir œuvré dans l’hymne et le placet,

On était bien en droit de croire et de penser

Que sa maudite langue ouvrageait dans l’outrance.

 

Aèdes nous étions et francs de l’existence.

Aussi d’un seul tenant, décidés à rosser

Ce prétendu poilu d’un immortel passé,

Nous lançâmes dans l’air de ce voyage en France

 

Le boomerang têtu de notre indépendance,

Joyeux comme des fous qu’on vient de dénoncer.

 

CLIII

Le sycophante avait la peau dure des cons.

Plusieurs fois écrasé et pissant de la glotte,

Il n’avoua jamais et de pose en parlote

Trouva du temps assez pour rimer du flacon.

 

Trinquâmes nous aussi car la soif a du bon.

Au moins le désespoir une fois pris en faute

Est sujet à caution et fleure l’anecdote.

D’aucuns pensaient déjà en tirer la leçon

 

Sous forme de roman ou tout autre façon

Qui n’eût rien de fayot ni mal contre notre hôte.

Pour l’esprit la chanson, pour le cul la capote !

Mais le cafard avait l’œil vif et des soupçons…

 

On se voit enchaîné comme Ubu au balcon,

Pas meilleur que la merde et moins bon qui popote.

 

CLIV

Dégueulant pour chanter et pétant dans les marges

Me voilà, les amis, sans masque ni plastron.

Tout proche de la mort, transi et sans un rond,

Je vais revivre encore et loger chez les barges.

 

Pas facile la mort au bout de la décharge !

Le roseau qu’on disait ne pense ni ne rompt.

Quant à la poésie et son piètre ronron

Homme qui s’y dédie à la fin ne s’en charge.

 

Les chemins ont un bout, ceci à la décharge

De ce qui fut premier et sonore clairon.

Et c’est par là qu’ensuite à dos d’aliboron

On en est arrivé à ignorer la charge.

 

L’homme que vous voyez n’a su prendre le large :

Comme cycle mortel il a tourné en rond.

 

CLV

En voilà un chef-d’œuvre avec au bout la clé

Qui n’ouvre pas la porte et se donne à la foule !

Je suis entré ici comme un qui se dessoule

Et qui sait bien qu’alors il faut bien la boucler.

 

Comme mes compagnons je me sens encerclé.

J’aime ce périmètre où le pigeon roucoule

Même en hiver quand c’est le vent qui tourneboule.

Sans issue je rechante et le chant est bâclé.

 

Mais peu importe la chanson si l’oiselet

Quitte le nid pour retrouver un autre moule,

Celui du trou et de sa terre qui s’écroule.

Ce vieil enfant connaît déjà ses osselets.

 

Marteau, enclume et étrier sont appelés

À taire le silence : il a perdu la boule.

 

CLVI

Les fous sont en prison et par voie de justice

Les damnés de la terre avouent à l’hôpital

Avoir commis l’ennui mineur ou capital

Sur leur propre personne avec ou sans complice.

 

Voir le ciel sans jamais éprouver ses prémices.

Ici la mort survient hors de l’empan natal,

Territoire infini et expérimental.

L’homme est le prisonnier de ses propres délices.

 

Ne pas le voir pourtant par effet d’artifice

De jour comme de nuit, ce sommeil est fatal !

On ne vit pas longtemps dans le chaos mental

Qui s’ensuit au matin : ou c’est un exercice

 

Et le rêve devient avec l’enfant : malice

Ou pire : dérision. Voici le fou total.

 

CLVII

Pas d’entrée en chanson ni rien de convivial.

Le compagnon devant ne se retourne guère.

Si j’étais le dernier, je n’étais pas son frère.

Me suivait-on ? Je n’avais pas le sens filial.

 

Ces masques sont forgés dans l’orbe familial,

Mais le trait est commun à l’assemblée entière :

Est-ce bien le regard hérité de la mère ?

Ou les chaudes tensions du sein patrimonial ?

 

Peu importe le nom ; le langage est trivial

Comme à l’usine ou à l’école, ou à la guerre.

On n’écoute pas, on lit : on sait même se taire ;

Le claquement de doigts se veut dictatorial.

 

Je ne serai plus ce que je suis, c’est crucial !

Il est même question d’en faire l’inventaire…

 

CLVIII

Voici l’homme qui s’empare de l’homme, et ça :

Celui qui ne travaillera jamais pour l’homme.

« Entre l’idée et l’acte » il n’a pas de royaume :

On ne le comprend pas ; espèce de poussah

 

Par lui-même conçu, il n’est ni fou ni roi.

Pas même serviteur, ni facétieux fantôme.

On ne sait pas non plus si lui-même se nomme.

Ni s’il aime quelqu’un, que ce soit toi ou moi.

 

Il ne possède rien, ne cherche pas d’emploi,

Mais connaît la façon, l’épouse et le symptôme

Par quoi on reconnaît si l’art est autonome,

Ce qui est bien utile en ces temps de pavois.

 

Bien sûr il n’est pas libre et souvent on le voit

Tituber dans la rue où l’homme le renomme.

 

CLIX

J’ai rêvé de cet homme étant adolescent.

Je voyais bien son ombre et ses murs à l’épreuve

De la nuit et des jours et de leur roman-fleuve.

C’est dans ces moments noirs que la mort a du sens.

 

Mais la curiosité stimule le suspens.

Ou tout autre raison est une belle épreuve,

Au soleil ou ailleurs, sachant que tous les fleuves

Finissent dans la mer avec leurs contresens.

 

L’homme devient un homme et l’enfant un absent.

Il faut bien qu’à la fin cet homme s’en émeuve

Et par la mort enfin, quitte à créer la veuve,

Il enterre sa hache et à l’oubli consent.

 

Il faut être tout près de cet endroit croissant

Pour mieux le désirer et refaire peau neuve.

 

CLX

Le mal et la douleur ont tant fait les beaux jours

De l’homme en proie à ses désirs de pacotille

Qu’il ne se trouve plus esprit qui en babille

Sans se sentir au moins en retard d’un séjour.

 

La chanson si jolie a fini en discours.

On en discute encore au sein de la famille

Si quelque géniteur en dispense les billes :

Au triangle ou au trou on s’amuse toujours.

 

Non, la douleur subit notre altier désamour…

Certes la joie n’est pas plus heureuse à ses filles,

Pas plus que le plaisir elle nous entortille

Et ses tubes sont bons seulement au balourd.

 

Le temps décidément n’est pas propre au concours :

Mais s’il faut s’abstenir voyons qui nous habille.

 

CLXI

En voici un beau rêve ! Avec la coterie

Au complet et fidèle à ses engagements.

Ô noble rendez-vous des fées que le roman

Une à une avantage au gré des literies.

 

Les noms se sont noyés dans cette féérie.

Nous ne savons plus trop ni pourquoi ni comment

Mais nous revoilà prêts aux recommencements,

Ni plus ni moins joyeux en cette infirmerie.

 

Certes le temps n’est plus aux vieilles vacheries…

Le mot suffit au mot et le temps au moment,

Par effet de réseau, voire même autrement

Tant le plaisir est l’art ou la pédanterie

 

(Mais que choisir entre l’une ou l’autre ânerie ?)

De renvoyer l’attente en ses appartements.

 

CLXII

Mais la chair n’est pas plus triste que sa chanson.

Et on ne lit jamais tous les livres que l’art,

La science et la pensée inspirent au hasard

Ou à la muse en soi qui dort à sa façon.

 

J’ai regardé le ciel circulaire et maçon…

Qu’y vois-je que ne voit aujourd’hui la plupart ?

Moi aussi je façonne avec le canular

Mais mon livre a des airs d’hidalgo canasson.

 

Ou bien la marionnette a son aliboron…

Et ce n’est pas le moindre excessif avatar.

Si encore la nuit tournait au cauchemar…

Le matin me voici debout sur le perron,

 

Saluant le passant toujours dans l’édredon :

Je le suis à l’usine avec son saint patron.

 

CLXIII

— On ne traverse pas les murs sans s’y cogner.

— Marcher sur l’eau sans joie appelle la noyade.

— Aussi la main au feu guérit de la bravade.

— Payer plus que débit c’est encore y gagner.

 

Nous n’étions pas, anars, sur le point d’épargner

Le flic ni le curé, pas plus que le malade,      

Tout type de sujet à larbine peuplade

Que par cœur et par art nous voulions dédaigner.

 

Le proverbe a son charme et pour les aligner

Sur le zinc ancestral, postés en embuscade

Et prêts à tout tenter, hardis à la ballade,

Nous voilà compagnons sans nous en éloigner.

 

— Toxique est la substance et de s’en imprégner

L’homme atteint le sommet et la dégringolade.

 

CLXIV

Échapper à la mort par la gloire posthume

Sans avoir joui ici de la reconnaissance

Ne le console pas, ce mort sans ordonnance

Que par patriotisme ou conscience on exhume.

 

J’en parlais à son fils qui portait le costume

Un peu grand pour son âge et vu les circonstances.

Nous foulâmes ensemble un terreau que la France

Nourrit depuis longtemps de trop classiques plumes.

 

La larme qui tomba non sans noire amertume

Et que dans mon mouchoir je cueillis en silence

M’inonda le soir même avec quelle impatience !

J’en conçus une angoisse à l’éprouvant volume.

 

Comment y retrouver le sommeil qui consume

Le meilleur de la mort et de l’adolescence ?

 

CLXV

Et pourtant en sortant du cimetière ombreux,

Nous reçûmes les ors d’un soleil tout en liesse.

L’un se réjouit et court, retenu de justesse

Par celui qui s’en tient au rite douloureux.

 

Je suivais ce duo, joyeux ou malheureux…

On ne me vit jamais verser dans l’allégresse

Ou au contraire en proie à la noire tristesse

Qui accompagne l’art de vivre en amoureux.

 

Je traverse le temps en voyageur fiévreux.

La chaleur de mon front une seule maîtresse

En éprouva la hargne et la belle vitesse :

En mourut-elle en moi comme revit l’anxieux ?

 

Sortant du cimetière, ô soleil mes aveux

De ta lumière encore appréciaient la paresse.

 

CLXVI

Bouffon si vous voulez, mais des enterrements

Où votre suite en pute vierge et névralgique

Borne votre existence, essai anthologique

Que la Grille découvre au visiteur navrant.

 

Mille ans et plus de rythmes vains et de roman

Tracent l’allée en fleurs et le côté tragique

Des blocs couchés ou droits selon quelle logique

Qui inspire mes vœux et mes meilleurs moments.

 

Me voici en voisin du très fier monument

Où mon nom est gravé dans les feux de la brique.

Ensemble nous avons rêvé de l’Amérique

Mais je suis resté là pour que l’achèvement

 

Ne tombe dans l’oubli ou dans l’isolement —

Je réveille les morts de l’illusion comique.

 

CLXVII

L’Histoire est rattrapée, en soucieuse atalante,

Par le roman sans fin de nos publicités.

L’écran forme l’esprit et ses complicités.

Ce n’est plus un secret mais l’illusion enchante.

 

Pourtant la terre ouverte et le feu qu’on invente

Menacent le désir et l’œuvre des cités.

L’angoisse est aujourd’hui, dans les complexités

De l’histoire perso, le principe qui hante

 

Et qui pourrit la vie : ô femme qui déchante,

Homme qui se méprise et enfants excités

Au point que la berlue emploie les cécités

Qu’on peut imaginer comme le sycophante

 

Remet entre les mains de l’ardeur gouvernante

Les pommes du voyage et leurs atrocités.

 

CLXVIII

Comme Crytile en son voyage en Hypocrinde,

Me voici sur le quai prêt à prendre, inflexible,

Le large et son projet peut-être inaccessible.

Il se peut que je sois de la farce la dinde…

 

Je n’ai jamais, c’est vrai, voyagé vers ces indes

Dont parlait mon aïeul du côté du visible.

Et de l’autre côté, rivage imprévisible,

Je ne m’aventurais qu’aux hasards de nos brindes.

 

Aussi me rejoins-tu avant que la mer scinde

Notre amour « taciturne » et le prenne pour cible.

Je n’oublierai jamais ce baiser indicible

Ni l’éjaculation dans ta main qui me blinde

 

Contre d’autres amours… Vois comme elle se guinde

Et me retient ici dans le champ du possible.

 

CLXIX

Qui est ce casanier rejeton du voyage

Qui jamais n’a eu lieu ou seulement ici ?

On dirait que son vers s’est, disons, adouci…

Ce matin on le vit observer un nuage.

 

Il est vrai que le temps a changé les parages.

Parlant de toi à l’autre on voit comment aussi

Sa voix s’est étouffée et le sens obscurci.

Dans leur cuir craquelé attendent les bagages.

 

Dans la gravure au mur figé l’appareillage

Sur le quai abandonne un semblable récit.

Ce qui reste est morose, immobile et précis :

Nous ne changerons pas de sitôt, ma sauvage.

 

Heureusement j’ai la fenêtre et cet herbage

Où paissent savamment nos tranquilles soucis.

 

CLXX

La vache ruminant derrière la clôture

Me prend pour un taureau et vomit le récit

De trente années passées à soigner le sursis

Sans se perdre de vue comme veut la nature

 

Du droit et de ses mœurs. Certes dans l’imposture

Maintes fois j’ai refait le chemin raccourci

Par l’attente et la hâte, toujours plus indécis

Mais fidèle et patient comme veut la nature

 

De l’homme que je suis. Certes sous la toiture

De la maison commune et de son appentis

Nous avons trop vécu et pas assez senti

Les effets du printemps comme veut la nature.

 

Voici toujours l’été et cette autre aventure

Qui m’offre la jeunesse et le viol consenti.

 

CLXXI

J’ai la campagne belle et le vin prometteur.

Si je suis seul je chante et si pour moi tu danses

Je me laisse griser par d’autres apparences.

Dans le pré le bétail rassemble ses acteurs.

 

Je sors si ça me chante et je suis spectateur

Du troupeau qui me joue et rumine mes transes.

Mais tu ne comprends pas et dansant tu avances

Le long de la clôture dont je suis l’humble auteur.

 

Tourne en rond, ma catin, attachée au tuteur

Qui soutient mon vertige et empêche l’errance,

Ce voyage pas loin qui me ramène en France.

Et couvre de baisers ce pauvre agriculteur.

 

Ah ! Quelle turgescence et sans admirateurs

Pour recevoir ce sperme et pallier ton absence !

 

CLXXII

La campagne est un trou et le trou t’appartient.

Soucieuse nudité que le lit argumente.

Et il n’en faut pas plus pour que je m’alimente

Du moindre mot osé si elle me retient.

 

Le matin ne promet rien si je me contiens.

Quelle pratique enfin ici me documente ?

Sur ta peau un lézard effrayé se lamente

Et croit avoir atteint des triomphes anciens.

 

Une vache m’écoute, adorable maintien

De la compagne nue et posant à l’amante.

L’exercice du sang chaque matin augmente

Le désir d’inventer encore l’entretien.

 

Quel taureau s’en plaindrait, simple d’esprit faustien

Visitant à l’envi les trous d’une démente ?

 

CLXXIII

Quelle folle en cavale est venue me hanter ?

Ô moule de moi-même à quel soir me destine

Cette enfant qui se veut aimante et clandestine ?

Et l’automne a rompu les plaisirs de l’été.

 

Me voici emmuré dans ma propriété

En compagnie d’une étrangère qui coltine

D’autres noires passions et pourtant je m’obstine

À garder porte close et à m’y prétexter.

 

Quel hiver satisfait cette curiosité ?

Le printemps d’ordinaire avance sa tétine

Et l’été me retrouve en commère enfantine…

Mais cette fois je joue avec l’éternité.

 

Ce n’est pas de l’amour et j’en suis entêté !

Je n’ai pas vu venir cette lutte intestine.

 

CLXXIV

Que veux-tu de l’enfance et de ses livres vains ?

Dans la bibliothèque est assise la fée

Qui change le poème en atroce trophée.

Tu ne deviendras pas ce futur écrivain.

 

Le paillasson reçoit les giclées de ton vin

Car ta main tremble encore et ton âme bluffée

Par tant de temps passé avec le coryphée

Aux alentours en deuil personne ne convainc.

 

Fallait-il en ces temps consulter le devin

Plutôt que ce pasteur émule de Morphée ?

Dormir et en rêver avec une assoiffée

N’a guère profité à ton esprit bovin.

 

En l’absence de père et de festin divin,

Une étrange compagne à ta vie est greffée.

 

CLXXV

Titubant à l’orée avec ton chien fidèle,

Tu rencontres la mort en personne et souvent.

En fait chaque matin énervé par le vent

Qui change la saison en douleur éternelle,

 

Tu visites le gouffre avec ton chien, sans elle.

Tu l’as abandonnée à son sommeil navrant,

Nue comme sa pensée au moment fulgurant

Qu’elle n’a pas offert et qui clôt la querelle.

 

Inventant la glissade ou la chute irréelle,

Tu parles à ton chien comme si cet enfant

Devenu ta douleur se marre triomphant.

Nous n’irons plus au bois tenter la bagatelle.

 

Puis elle est sur le seuil et tu la trouves belle :

Encore un jour en bouche avec son oliphant.

 

CLXXVI

« Sois poète et tais-toi ! » disait-elle en riant.

La bouteille en témoigne ainsi que la chambrette

Au tapis maculé où la rose nuisette

Offre encore ses plis au cadavre criant.

 

La mise en scène assoiffe un visiteur client.

La voici qui se donne et devient indiscrète

Au point d’en écarter l’une et l’autre gambette,

Laissant la langue à son poète suppliant.

 

La fulgurance est telle et l’artiste impatient

Que le voyeur en transe en parfait interprète

Renouvelle en suivant sa docile requête.

Poète je le suis et même négociant.

 

Je ne vois pas en ce roman d’inconvénient

À jouer pour la forme au discret proxénète.

 

CLXXVII

Si la nuit le conseille et si le temps s’y prête,

Allons voir si la rose affole la raison

Et si la mémorable et verte pendaison

Inspire à tes versets la finale requête.

 

Pas de mort sans plaisir héros de la gazette !

À la Une du temps ils vous en parleront

Comme fruit de l’amour et de son biberon.

La gravure est ancienne et l’histoire incomplète.

 

Une angoisse cueillie encore à l’aveuglette !

Sortir par la fenêtre et lever le soupçon

Que le voisin partage avec son paillasson,

Voilà ce qu’il convient de soumettre à l’athlète

 

Du jeûne et de l’attente, amateur de fleurette

Dont les glabres pubis outragent la boisson.

 

CLXXVIII

Folie du terroriste ou du vieux psychopathe,

La grotte est habitée en tout temps et ici

Par ce noir personnage aux contours imprécis.

Pendant ce temps le chien hargneux donne la patte.

 

L’ivresse te cabosse et laisse ses stigmates

En maintes pages lues et caressées aussi.

Comment veux-tu que l’art te paraisse concis ?

Au contraire le flot abîme tes « frégates ».

 

Ainsi l’homme de bien dénonce les picrates

Et ses publicités par l’écran que voici

Construisent le roman de l’homme à sa merci.

Mais tu n’es pas en lutte et l’écume des hâtes

 

Sur le même rivage étend ses automates,

Filles et fils anciens d’un semblable récit.

 

CLXXIX

Quel homme qui n’a pas tué l’homme ou la femme

Et pourquoi pas l’enfant conçu ou non par lui

Ne finit pas en homme et triomphe d’ennui ?

Traversant tes vieux prés selon l’ancien programme,

 

Tes herbes à l’effet d’un antique dictame

Ont levé le rideau de l’éternelle nuit

Qui hante nos chansons hier comme aujourd’hui.

La tragédie n’est pas propice au calligramme.

 

Je tue toutes les nuits et le jour je rétame

Dans la lumière ou sous la pluie, et je m’enfuis

Aussi loin que je peux, déçu ou éconduit,

Le couteau à la main, le tenant par la lame,

 

Prêt à le projeter au cœur de l’amalgame

Dont je ne suis au fond que l’étrange produit.

 

CLXXX

Je connais ces déserts aux portes des cités

Où tu vends la promesse à l’homme solitaire.

Mais je ne suis pas seul et j’ai les pieds sur terre.

De plus je suis l’auteur de tes complexités.

 

Je cherche les récits et l’authenticité

De la chair et des os que le vieux cimetière

S’emploie à conserver, sans prix ni commentaire,

Mais avec le repos pour toute activité.

 

Que partager sinon cette immobilité ?

Et je ne parle pas du silence à abstraire

Tant le poème nu n’a rien d’alimentaire…

Je perds mon temps ici comme ailleurs l’acuité,

 

Ce pouvoir que la mort seule m’a invité

À seringuer en toi, ce dont tu n’es pas fière.

 

CLXXXI

Voici que sur le tard, alors que l’existence

Refermait sur mon nez ses portes de métal

Et que le temps dehors, impatient et brutal,

Remettait les fusions à certaine distance

 

De mon pauvre intérieur, l’annonce d’une enfance

M’arrêta au chevet de ton lit vertical.

Quelle promesse encore et dans quel hôpital ?

La vie auprès de toi me laisse sans défense.

 

Je touchais cette chair mienne par négligence.

Les yeux interrogeaient mon regard trop frontal

Et la bouche formait un semblable mental,

Du moins dans mon esprit surpris par l’exigence.

 

Je crois que pas un mot, ô troublante indigence,

Ne célébra l’évènement congénital.

 

CLXXXII

Rien n’est plus éprouvant que d’avoir à veiller,

Malgré soi et contre elle, un enfant homoncule

Doué de la parole, alors qu’en funambule

On achève de vivre avec son oreiller

 

Sur le fil du sommeil et sans se chatouiller.

L’automne refermé effraie le noctambule

Que l’hiver accapare en triste somnambule.

Le voilà de nouveau soucieux de s’arsouiller

 

Dans l’espoir de dormir sans se déshabiller,

De la rue à son lit, avalant la pilule

Et retrouvant l’emploi du rêve sans scrupule.

Mais dans la nuit nouvelle un enfant veut crier

 

À tel point qu’en urgence il faut en bousiller

Le langage in progress sans autre préambule.

 

CLXXXIII

Qu’espérais-tu ce soir avant la nuit tombée

Alors que cet enfant encore réveillé

Bavait son aliment sur ton sale oreiller ?

Dans un éclair je vis l’ombre du macchabée :

 

Assassin en visite et à la dérobée

À peine recruté par le noir conseiller

Qui me dicte des vers que je sais employer

Pour que tu vois en moi ton meilleur sigisbée.

 

Ici cette semence est toujours prohibée

Et la morale est sauve et payé le loyer

Ainsi que l’attention de tout le poulailler.

Et du chant marseillais tu es tout absorbée.

 

Du moins je l’imagine, ô mère Bethsabée…

En attendant le roi, je cours m’encanailler !

 

CLXXXIV

Elles font des enfants pour nourrir la patrie,

Espérant, je le crois, toujours leur épargner

Le combat homicide et sachant s’indigner

Sans perdre la vertu qui a son égérie.

 

Devant le monument, offrant leur symétrie

Au regard du soldat qui passe pour régner

Sur l’esprit national, et voulant témoigner

De la douleur du sein privé de sa furie,

 

Plus fermes que jamais, bravant l’intempérie,

Elles ouvrent au vent leurs genoux résignés

Pour recevoir du loup les futurs alignés

Au travail, à la guerre et même en psychiatrie.

 

Passant occasionnel et mentor hors-série,

Saluez mon drapeau si jamais vous oignez.

 

CLXXXV

« Le moment est choisi pour trouver du travail

Et donner à ces gens l’aliment qui éduque

Et l’art qui les nourrit, mais sans que je m’ensuque !

Maints poètes tout bas connaissent l’attirail

 

Qui fait que l’ouvrier peut parapher un bail

Sans avoir à payer l’instrument qui l’énuque.

J’ai l’expérience aussi et pas la moins caduque !

On ne me prendra pas fignolant le détail…

 

Je ne suis pas non plus le bœuf de ce bétail !

Il n’est pas né celui dont je serai l’eunuque.

Si le travail m’agrée et si l’art du trouduque

Ne m’éloigne pas trop de mon noble bercail,

 

Je veux être payé sous l’œil qui le reluque

Et redresser le poil en bombant le poitrail ! »

 

CLXXXVI

Je tenais ce discours à des amis crevés

D’avoir longtemps trimé pour que la poésie

Continue de nourrir le sens de l’hérésie

Sans que l’homme au travail en mange les pavés.

 

Je montrai la photo et les travaux rêvés

Par la marâtre en proie à cette frénésie

Qui n’était pas le seul fruit de ma fantaisie.

Ces travaux cependant me semblaient achevés

 

« … Alors que mon bouquin, comme vous le savez,

Connaît depuis longtemps cette paralysie

Qui ressemble à la mort ou en est le sosie.

Aux sources du malheur nous voilà abreuvés.

 

La nuit connaît sa fin, auteurs qui écrivez

Sans avoir les moyens de votre anesthésie. »

 

CLXXXVII

L’esprit préfère alors se jeter sous un train,

Mais le corps a des fins en somme plus subtiles.

Le printemps enhardit la fonction érectile.

On surprend le poète aimant avec entrain.

 

Et la rime n’a plus de secret qui astreint

Son homme à la cheville et le sens au tactile.

L’enfant est bienvenu si l’hiver n’est hostile

Au retour en fanfare et en alexandrin.

 

L’été devient attente et le pied plus marin

Dans l’écume du bord avec ou sans textile

Si le soleil au rendez-vous de tous les styles

Inonde la fenêtre, à toute heure utérin.

 

Chaque année est un songe entier et souverain :

En ce sens le sommeil n’est pas si inutile.

 

CLXXXVIII

La voie ferrée de loin en loin portait la trace

De la mort épousée ou du triste accident.

Les cheveux, les tissus et les fragments de dent

Jonchaient le noir métal et le gravier tenace.

 

Le printemps rhabillait forêts et populace.

L’animal secouait son pelage prudent

Et le vol des oiseaux me parut confident.

Je n’avais pas la tête à briser la surface

 

De ces miroirs tentants à la raison tenace.

La vitre reflétait des os et hasardant

D’autres regards dans les rougeurs de l’occident,

Je me vis me voyant, tranquille et perspicace,

 

Attendant que la nuit m’enfourne avec ma race

Et ses œuvres, son plan et ses pauvres perdants.

 

CLXXXIX

Que dire à cet enfant pour lui donner la foi ?

N’en faut-il pas assez pour tenter l’aventure ?

Ou quelle lâcheté au fond nous dénature ?

Nous ne sommes pas faits pour donner de la voix !

 

Ah ! Quel concert studieux ! Quel opéra sournois

Et pauvre en personnage anime la biture !

Le palais à la fin défie l’Architecture.

Quel tombeau recouvert de graffitis en croix !

 

Mais singer le bonheur ou la douleur parfois

Donne à l’humaine forme un esprit, immature

Peut-être, et quelquefois de la littérature…

Mon enfant, le sais-tu ? ton père encore y croit.

 

Que croiras-tu toi-même, ô futur sans-emploi,

Quand le moment sera venu de la censure ?

 

CXC

Tu apprendras peut-être à écraser ton frère

Par le nombre inquiétant des pages du bouquin

Que les ans, la patience, ô le pauvre péquin !

Ont rassemblées ici à même la poussière.

 

Mais ne le plains-tu pas trop vite au lieu de taire

Ton orgueil ivoirin, ô maudit Arlequin… ?

Il ne te lira pas, trop sensible au sequin

Et franc à la besogne exigée sur sa terre.

 

Ton enfant est le sien, soldat ou prolétaire,

Et ta femme a l’œil sur la maison du coquin.

La vie fera de toi un con ou un requin.

Il y a de la place, ici, pour l’adultère.

 

Ô mon fils, ô ma fille, ô trop profond cratère !

Je ne rentrerai pas, ce soir, ô mannequin !

 

CXCI

« Pantin ! Et non bouffon ! Ah ! Sinistre fantoche !

Ta demeure en est pleine à peu de choses près.

De quoi ? Mais de marmots et sans le faire exprès !

Et te voilà camé par le vin de l’embauche…

 

Sur la route en auto reposant ta bidoche

Comme ton père fit entre quatre cyprès

Tu repenses comment tu as signé le prêt…

Emprunter à celui qui possède la pioche

 

C’est en tenir le manche et produire du mioche.

Voilà à quoi ça sert de baiser à peu près !

C’est bon sur le moment mais sans compter qu’après

La morale et l’honneur te fendent la caboche !

 

Le travail et le sexe à quoi l’homme s’accroche

C’est la faute à la femme et pas à nos excès ! »

 

CXCII

Ceci dit à deux poings martelant le comptoir.

Ce type avait raison mais par noble principe

Je lui ai donné tort et j’ai cassé sa pipe

Par hasard ou malchance en ce sacré foutoir !

 

On est resté tout coi comme après l’abattoir

Des grandes guerres qui font qu’on y participe

Sans poser la question du sang et de la tripe.

Mais à qui la poser sans médaille en sautoir ?

 

Déjà on s’assemblait sur l’infâme trottoir

Et par le téléphone on surveillait le type

Qui hésitait encore entre un joyeux œdipe

Et un adoubement dans sa cité dortoir.

 

Le poète des fois finit au dépotoir,

Ce qui n’empêche pas d’en fêter l’archétype.

 

CXCIII

Je suis rentré chez moi pour le dire à ma femme.

Et j’ai montré le sang que j’avais sur les mains.

Ça promettait vraiment de tristes lendemains

Et elle le disait en toisant l’amalgame.

 

J’avais usé du bord du comptoir, pas de lame !

Ceux qui me commentaient avaient l’air inhumain,

Mais c’était l’impression que j’avais et non point

Ce qu’il fallait en dire en proie au mélodrame

 

Qui se jouait dehors et pas comme on acclame

Le héros ou sauveur qui tombe mort à point.

La haine de l’humain qui dresse ses deux poings

Aux Assises finit en mauvaise réclame

 

Pour la peine de mort et son effet infâme

Sur l’esprit des enfants que pourtant je rejoins.

 

CXCIV

Comme l’hiver est proche et ses moissons faucheuses

De bonnes intentions, de fuites en avant… !

Reste que le printemps sera dorénavant

Le seul rêve possible, ô voisines prêteuses !

 

Plus question de chercher les ors de la joueuse

Dans quelque feuilleton qui passe pour roman.

Le poème s’impose et ses joies du moment

Pour ponctuer le mal qu’on se fait, ô jouisseuse !

 

Les dés, toujours les dés ! Vers cette bételgeuse

Qui brillera longtemps après l’atermoiement

Accordé au chanceux qui n’est plus un enfant…

La moisson de l’été n’a pas été juteuse.

 

À ma place chantez et « soyez amoureuses ! »

Dans le lit ou ailleurs, qui le veut s’en défend.

 

CXCV

Qui n’a pas tué l’homme, ou rêvé de le faire,

N’a pas vécu assez pour sa trace laisser

Dans la chair de la femme évoquée pour aimer.

Voilà qui me complique, avant même d’abstraire,

 

Le travail entrepris à l’âge où l’adultère

N’est plus une hypothèse… Une fois accepté

La loi du jugement que leur humanité

Impose sans appel au noyé du cratère,

 

Privé de ce nectar, muet mais sans colère,

Il rejoint le troupeau amer des emmurés

Et s’exprime avec art en couplets censurés

Par le silence même et par la circulaire

 

Géométrie des lieux où cette jugulaire

Sous la pulpe du doigt bat les jours mesurés.

 

CXCVI

Lame de porcelaine au fil trop émoussé,

J’ai brisé ton assiette et dormi avec toi

Tant d’années sous le drap, insoumis mais matois

Comme il convient de l’être en cet endroit pensé

 

Pour son homme écraser sous le poids du passé.

J’en ai fait le roman, incapable à la fois

D’en dire le poème émergeant quelquefois

Ni de plaindre le sort du triste trépassé.

 

Mais qu’est ce que j’attends pour enfin me lasser

De cette attente morne au pied d’une autre croix ?

Je visite ma chair au nom de quel effroi

Si la vie et la mort ne font qu’un, insensé !

 

Voyons si le sommeil ne m’aurait pas blessé…

Je connais bien ce personnage au sang si froid…

 

O le pauvre amoureux des pays chimériques!

Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,

Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques

Dont le mirage rend le gouffre plus amer?

 

CXCVII

C’est ici, mon épouse, entre ces quatre murs

Que se joue, ô mon sang, la suite d’une enfance

Dont je me souviens mal, à part quelque apparence

Aux contours vaguement attachés aux impurs

 

Bibelots ou jouets que le grenier futur

Expose encore aujourd’hui non sans cohérence.

Plus haut ne monte pas l’infirme qui s’avance

Plus bas dans les brouillards du boulevard obscur

 

Où se rejoue encore et encore le dur

Aveu de l’homme en proie aux nuits de l’existence.

Certes je ne suis pas aussi noir que tu penses…

Je vois la trame à travers toi ô linceul sur

 

Le passé compliqué de ta cuisse au fémur

Destiné à la casse avec obéissance.

 

CXCVIII

Tu ne reverras plus le monde tel qu’il est.

Tes anges porteront la nouvelle à ton frère

Chaque fois que l’année, en sûre batelière,

Conclura ton futur tel qu’il s’en est allé.

 

Par quel magique écrit, sans rien accumuler,

Peux-tu encore aimer comme on aime se plaire ?

Ici l’usure a un effet trop circulaire

Pour que l’angle adopté puisse la simuler.

 

Et tu fermes les yeux pour ne pas en parler.

Ton nom déshérité n’est plus dans l’annuaire.

Un être te ressemble et tu veux en parfaire

Au moins le personnage à défaut de sa clé.

 

Le monde est devenu étrange ou dépeuplé

Selon la volonté de cet autre adversaire.

 

CXCIX

Trouver la métaphore ou la correspondance

À l’intérieur de cet hexaèdre conçu

Pour l’attente, et agir plus souvent à l’insu

Qu’à l’instar ; te priver de toute confidence

 

Que l’interprétation menace d’évidence ;

Écrire dans le mur troué, non pas dessus ;

Y trouver les récits têtus et tous issus

Des sagaces piliers de cette résidence

 

Un peu particulière (avoue que c’est tendance)

Et ne rien composer en dehors des tissus

Que les jours et les nuits, par jugement reçus,

Ordonnent au soleil en sa coïncidence

 

Avec le temps ; nourrir ; mais par quelle imprudence

Cet hôte devient-il charnu et fort ossu ?

 

CC

« Il n’y a pas de fin parce que c’est fermé ! »

Me gueula dans l’oreille un complice à perpète.

Par cet alexandrin il s’imposait poète,

Mais poète sans vers qui ne fût pas formé

 

Selon le cercle en cours à nos pas imprimé.

La rime se faisait aussi rare que bête.

Observant les procès de notre cigarette

Nous vîmes à quel point le silence est rythmé

 

À la mesure de l’angoisse ; « Ô mon seul aimé,

Si tu savais combien, jusqu’à ce qu’on m’arrête,

J’ai trouvé de récits, cherchant à l’aveuglette

Dans l’automne et l’hiver ce que le printemps met

 

À l’encan de l’été ! » Heureux ces guillemets

Qui donnent la parole à mes strictes branlettes.

 

CCI

Faut-il comme Charlot refuser du vulgaire

Le jugement inculte et chercher un ailleurs

Que le bourgeois occupe avec ses employeurs ?

Si la question se pose, alors c’est en grégaire

 

Qu’on s’attelle à la tâche, inquiétant caudataire

Qui nourrit de son art ses propres fossoyeurs.

Comment ne pas songer à tuer les bailleurs

En connivence avec d’autres commanditaires ?

 

La trahison s’impose à ce célibataire…

S’il ne tue pas il meurt comme les rimailleurs,

Privé de sa substance et sujet des railleurs

Qui conseillent plutôt l’attente grabataire.

 

Le suicide n’est pas déclaration de guerre,

Mais c’est un singulier retour aux envoyeurs.

 

CCII

Pourtant il ne tue pas et demeure ici même.

Il affine son art au fil de leurs couteaux.

Il détourne les yeux des infâmes poteaux

Que son cadavre emploie à d’autres anathèmes.

 

Le voici inventant les précieux théorèmes

Que l’Université applaudit aussitôt.

Sur ses murs il suspend ces tristes ex-voto.

Ah ! comme l’existence est chouette quand on s’aime !

 

Voici la cohérence et son frère Poème !

C’est une religion avec ses aristos

Ou je n’ai rien compris aux péchés capitaux !

Pourtant il ne tue pas et reçoit le Baptême…

 

Et le voilà tranquille un soir de chrysanthème :

Les ors du crépuscule éclairent l’écriteau.

 

CCIII

Ah ! s’il faut en finir en joyeux mirliton,

Que le nom disparaisse au profit de la fête !

Que les accouplements de ce triste poète

Avec les joies du temps nourrisse le maton !

 

Dans la publicité des écrans avortons !

Laissons faire en chantant la majorité bête !

Au pied des monuments que la joie nous arrête :

Soyons les amoureux gigolos et gitons !

 

… Tout cela est bien beau, mais quid de ce bâton

Qui de taille ou d’estoc explique la courbette ?

Se faire ainsi fêter sans tambour ni trompette

Finit par fatiguer le jovial marmiton…

 

La cuisine a du bon, comme dit le dicton,

Mais trop n’est-ce pas trop et ça vaut-il tripette ?

 

CCIV

Le conseil du poète a bien de l’expérience !

Si on n’en revient pas, de ce possible champ,

Comment ça se termine et pourquoi s’affichant

Avec l’honneur des uns et des autres la science ?

 

Une fois mort, ma foi, ce n’est pas la conscience

Qui conseille l’effort mais quelque pieux marchand

Aux genoux saturés de ses propres plain-chants.

On n’en mesure pas la moniale efficience.

 

Plus haut l’échine ploie et dit son impatience.

L’autel en république épure les couchants

Au profit du réveil qui toise les méchants

Pour faire de l’exemple une sainte omniscience.

 

Les mains en porte-voix et frisant l’inconscience,

Le poète connaît la pointe et le tranchant.

 

CCV

Mais en guise d’épée, entre ces murs épais,

Le taulard de la rime et de ses libertés

Fusionne avec les mots et leurs noires clartés.

Tapoter le crépi d’un doigt qui veut palper

 

Cet intérieur caché et même se tromper

Au moment d’en finir avec les amitiés

Que le désir inflige à ses déshérités,

Voilà comment l’esprit au moment de flipper

 

Cherche à donner un sens au coup de dés pipés.

… De ce voyage en mer vous étiez les soutiers.

Jamais le nez au vent et crevant de guetter

Le moindre changement de ces divers aspects

 

De la Réalité. Comment, ami, trouver la paix

Dans ce concert de vols et de propriété ?

 

CCVI

« Trouver la paix ? Mais quoi ? Et pourquoi pas, compère,

Le luxe d’un hôtel où couchent les putains ?

J’en connais de plus sains et même cabotins

À l’heure d’en finir avec la joie précaire !

 

Je te parle de calme et je te désespère ?

Regarde-moi vieillir comme tous les matins

Que notre dieu commun embrase puis éteint.

Je n’ai plus d’âge, mec ! Je suis le reliquaire

 

Et tu es pèlerin. La prison est impaire

Mais pour jouer à deux, à part le baratin,

Je ne vois pas comment si l’autre a du festin

Une idée en rapport avec cette moukère

 

Qui te hante, frangin ! Me voici à l’équerre

De ta géométrie anale, ma catin !

 

CCVII

Quel voyage, mon vieux ! Ah ! Quelle allégorie

Que cette mer en barque avec son horizon,

Benthique profondeur où l’on perd la raison

Sans espoir de retour hormis une avarie.

 

Voilà le sens caché de notre asymétrie !

Le bien commun supporte la comparaison

Avec le mieux écrit au sein de la maison !

D’enfant nous n’aurons point, tant pis pour la patrie !

 

Mais quel plaisir enfin, quelle belle industrie

Que ce pur simulacre et en toutes saisons !

Jamais on n’assista à pareilles liaisons

Parmi ces renégats que Justice expatrie.

 

Inaugurons ici la fantasmagorie

Sans croire pour autant à une guérison… »

 

CCVIII

La mort ! La mort ! Sans dieu, c’est bien le seul sujet !

Enfermé, en voyage ou ailleurs dans la ville

Ou par ces chemins que le promeneur tranquille

Arpente pour rentrer ou même sans objet,

 

Il avance et ne peut s’arrêter pour changer

Ne serait-ce qu’un point, une folle broutille

Que l’expansion recèle et peut-être éparpille.

Il s’accroche à son heure, esquive le danger,

 

Épouse sa pareille et croit s’y mélanger

Alors qu’il en repeuple, ô fatal ustensile,

L’idée même creusée en sa biblique argile.

S’agit-il en ceci de ne pas déranger

 

L’ordre depuis longtemps propre à interroger

Seulement pour survivre en son noir domicile ?

 

CCIX

L’homme jugé par l’homme, ici dans la muraille.

Il envoie sa fumée à son piètre plafond

Où elle se dissipe ou plutôt se confond

Avec d’autres essais que son esprit travaille

 

Pour ne pas s’ennuyer, inutile semaille

Qu’aucun été prochain, déserté du bouffon

Qui sommeille depuis, ne brûlera au fond.

Léonard y veillait au sein de la bataille.

 

Il alimente ainsi la probable pagaille

Qui préside à son sens et ivre se morfond

De ne plus disposer au moins d’un carafon

Où le soleil se plaît en myriades d’écailles

 

Toutes plus disposées à jeter à la baille

Une ancre moins sommaire et d’intenses typhons.

 

CCX

Océans des plafonds, le dos dans la paillasse,

Vous emportez la nuit au large de mon port

D’attache… Ô sommeil réveillé en plein effort

Pour renaître à la vie et y trouver sa place !

 

Paralysie des reins au milieu des sargasses

Que l’étrave s’invente en route de l’export…

Tu souriais dans les embruns sans passeport.

L’horizon se peuplait d’improbables barcasses.

 

Quel style et quel savoir ! Quelle savante audace

Jamais au bout de cette nuit, l’œil au sabord

Que le mur te propose. Une fente d’abord

Sans perspective puis prometteuse d’espace

 

Et le récit commence avec un nom tenace,

Un nom de personnage évadé de ton corps.

 

CCXI

Je le vis ! Comme si je ne te voyais plus.

Lui libre de sortir et d’entrer à toute heure

De ces jours et ces nuits dans la triste demeure

Que l’homme me destine, oubli de soi inclus.

 

Je m’attendais toujours à retrouver le flux

Du texte commencé dans la vie antérieure

À ce merdier censé, avant que je m’écœure,

Me rapprocher de l’homme et de son cœur occlus.

 

Mais il ne parlait pas des styles superflus

Que la prison conseille au minus qui en meure.

Sa voix d’acteur fameux se voulait supérieure :

L’éternité devient le rêve du reclus.

 

Et le voilà à l’œuvre, ô graphes résolus,

Du générique et d’un titre en forme de leurre.

 

CCXII

Sans la passion l’histoire ainsi conçue au fond

D’un trou demeurerait à jamais incomplète.

Le personnage naît et meurt comme poète

Et ce qu’il a vécu réjouira le bouffon

 

Qui lève la toile et applaudit comme font

Ceux qui n’ont pas compris que s’achève la fête ;

Il referme la porte après que son esthète

Le remercie d’avoir ménagé le chiffon

 

Qui lui sert de mouchoir et de fin colophon.

La douleur s’est donnée en attraction concrète

À ceux que la question du grand voyage inquiète.

L’auteur n’a pas conclu mais nous philosophons

 

Avec les moyens de la foi et des profonds

Récits que conserve l’instinct… à l’aveuglette.

 

CCXIII

« On a beau faire, Orphée, on est toujours l’idiot

De la famille ; et les feux de la rampe éclairent

Plutôt l’orchestre que l’acteur ; alimentaires

Sont les grincements de ces trop nombreux folios.

 

Et s’ils ne le sont pas, ouvrages de bestiaux,

La prose y gagne au moins un devis forfaitaire.

On multiplie un rôle pour ne pas se taire

Et les vers bancals deviennent plus commerciaux

 

Que la chanson enfant avec ses matériaux

Depuis longtemps faits pour amuser le parterre.

On est bien bête de donner l’excédentaire

Aux moins innocents qui se fichent des rabiots.

 

Pas étonnant alors que les immémoriaux

Nourrissent par-dessous les fleurs du cimetière. »

 

CCXIV

Traverser la fenêtre aux carreaux endormis

Suppose que la vitre est assez transparente

Pour éviter le bris que pourtant on fomente,

Mais sans aller jusqu’à décevoir les amis.

 

Depuis longtemps ici nous nous sommes soumis

À l’aspect immédiat des choses qu’on commente

Avec les mêmes mots et une sage entente.

Vous verrez que demain même nos ennemis

 

Colleront sur la vitre un nez, comme promis,

Exercé aux effets de l’action permanente.

C’est que le personnage est fier qu’on le fréquente

Avec pour le spectacle un valable permis.

 

Espérons, ô ajour, que nous n’avons omis

Rien qui nous en éloigne et nous prive d’attente.

 

CCXV

Croire et ne plus y croire et sombrer dans l’obscure

Attente du poème et de son inquiétant

Personnage étranger aux séquelles du temps.

Comment ne pas songer à boucler l’aventure ?

 

Le mot effleure encore et soumet la censure

Au silence têtu, impayable habitant

Du même vase clos ; poète débutant

Toujours, dans la peau de sa propre créature.

 

Que faire de demain, ici, si rien ne dure

Autant que la douleur qui ne dure pourtant

Pas plus longtemps que ça : le piètre récitant

Qu’on n’entend plus le dire et qui s’y dénature ?

 

Non, ce n’est pas le doute et sa morte écriture :

L’imperfection du vide est un beau contretemps.

 

CCXVI

Ce que l’un doit à l’autre : approche des travaux

Que l’ensemble réclame à hauts cris de psychose.

Sortons un peu là-bas, peut-être virtuose

Du luxe qui consiste en séjours estivaux.

 

Loin des hivers là-bas, dans des hôtels nouveaux

Aux touristes camés que la science propose

Sous couvert de sagesse et de facile prose.

Un été que la mer, agitée de rivaux

 

Aux nageoires d’acier, rive dans les cerveaux,

Surfaces de papier dont quelque dieu dispose

Pour en alimenter le risque de surdose.

Malade je geignais sous les yeux des prévôts.

 

Ô plage interminable où comme des caveaux

Les coquillages morts figuraient cette glose.

 

CCXVII

Chez les autres pourtant habiter en ermite,

N’en sortant que la nuit quand le logis est clos

Ou quand l’hôte est mouton de ses divers boulots.

La rue est un hiver infernal et sans suite.

 

Quel frère ou quelle sœur cette cité abrite

À l’abri des bourgeois et de leur populo ?

Rien à faire j’agis dans un crade solo

Dont le vague refrain n’inspire que la fuite.

 

Là-bas c’était l’été, rêveur et sodomite

Arpentant les chemins qui mènent au pueblo

Où l’attente produit des vers plutôt « philo ».

Rien n’est plus beau que l’heure atroce et sans limite.

 

Le retour au logis est une œuvre fortuite :

Ce parasite en soi s’y conduit en salaud.

 

CCXVIII

Revoir l’enfant tombé du lit que par tutelle

On s’est enorgueilli de fréquenter la nuit,

Voilà comment l’été s’achève dans l’ennui,

Terrible sentiment après la bagatelle.

 

De qui tiens-tu ce front que la beauté constelle ?

De qui donc cette hâte et tout ce qui s’ensuit ?

Je crois me reconnaître et elle me poursuit

Au creux même des lits où mon humeur pantelle.

 

Mais quel sens te donner ? Rencontre accidentelle ?

Ou bien tu me cherchais comme je te construis…

Hanté, je reconnais toujours les mêmes fruits

D’un amour « taciturne » où la femme est mortelle :

 

Me voici parmi eux, constante clientèle

Dont mon poème a l’art de parfaire les bruits.

 

CCXIX

Retrouver son enfant après un « long voyage »,

Après le tour de force et les rats du cachot

Où pauvres et rupins nourrissent le facho

Qui agit à leur place avec arme et bagage

 

Sous les arcs de triomphe et les lieux du dressage

National, et revoir son enfance mélo

Servie au pet-de-loup solennel ou salaud,

Autant s’en retourner et encore : à la nage !

 

Qu’avez-vous fait de moi, parangons du chômage ?

Sur la plage où le chien reconnaît non troppo

Ce que je fus alors, l’enfant joue du pipeau

Pour faire dinguer la fillette au patronage.

 

Je ne suis plus moi-même ou bien je n’ai plus l’âge

De tout recommencer, eunuque du troupeau.

 

CCXX

Loin des tombeaux et des tripots, fils de moi-même,

Me voilà de retour : la plage est dépeuplée.

Pas de traces de pas, cicatrice ni plaie.

À la fin on est seul et c’est ici qu’on s’aime.

 

Qu’ai-je fait de ce moi dont je connais l’extrême

Bien ? Fils de qui je fus, encore une goulée

De ce vin assassin qui retrouve d’emblée

Le vertige et la gloire et l’art de la bohème.

 

Tu ne « ululeras » plus avec ton poème.

Le soleil descendu sur la mer contemplée

Du point de vue obscur de ton fier mausolée

T’interdit le sommeil, ultime stratagème

 

Du sort commun à tous. Quel est donc ce système

Dont tu empruntes nu la misérable allée… ?

 

CCXXI

Qu’y a-t-il de commun entre nous deux, terrien ?

À part la mort toujours et la nation en guerre,

Qui triomphe de toi, de ta geste vulgaire

Et de ton héros mort en piteux galérien ?

 

— Mais qui se terre sinon moi, pâle historien

Aux probables fictions ? Qui plus que moi grégaire

Et enclin à fausser par la pratique impaire

Le sens hypothétique et mineur de ce rien

 

Qui nous sépare ? Et ce comma épicurien

Fait de toi une femme et de moi l’adversaire

De toute idée d’enfant qui ne soit pas larvaire.

Nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre, vaurien !

 

Ma chrysalide attend dans le lit vénérien

Où ton utilité est purement vulvaire.

 

CCXXII

Ma chérie, il faut inventer de nouveaux mythes.

Déconnecter l’esprit des réflexes anciens

Qui conditionnent l’art et ses jeux physiciens.

Que plus rien ne ressemble à ces jouets tacites !

 

Certes le personnage est la séquelle écrite

Du récit rejoué chaque fois que « ça vient ! »

D’avance nous savons de quoi il se souvient.

Nous sommes prisonniers toujours du même rite.

 

Alors rien de nouveau à part quelque mérite

Tenant à la chanson ou au rhétoricien.

Ainsi le temps ravit même le béotien.

Chacun y va de sa mesure favorite.

 

À deux, à trois, à quatre, on est bien hypocrite

D’agir en solo mais toujours avec les siens.

 

CCXXIII

Laisser à la nation ou même au monde entier

L’héritage conçu au cours d’une existence

Passée à croire aux dieux censés être de France,

Voilà de quoi penser avant que vous votiez !

 

Que ce legs en fiction, en poème, en métier

Se donne à qui en veut en son adolescence

Et plus tard en pensant à la mort qui s’avance

Selon la loi et l’art instaurant l’héritier,

 

Voilà de quoi douter du savant goguettier

Qu’on impose à la science et à ce qu’on en pense !

Certes la société est un principe intense,

Limite avec la mort du pénible sentier

 

Que nous empruntons à Dieu sait qui ! Le quartier

Est plutôt malfamé, royaume d’une enfance.

 

CCXXIV

Celui qui veut trouver du sens n’est pas chasseur.

Cette proie en vadrouille est un enjeu facile.

On la trouvera même quelquefois utile.

Qui sait ce qui ravit cette éternelle sœur

 

Que je suis… ? Regardez-le chercher, connaisseur

De soi-même et de l’autre, opiniâtre et tranquille.

Sans cette solitude il devient infantile

Et le poème perd en sens et en douceur,

 

Cette douceur de transe infime et sans noirceur

Qui ne tuera personne en ce noir domicile

Que la nuit habite elle aussi. Cet imbécile

Croit. Il n’a jamais rien vu du fatal farceur

 

Que je suis. Il tire dans le tas, en penseur,

Alors que je suis l’être et la mort de tout style.

 

CCXXV

Enfin seul, dira-t-il, dans un lit enfermé,

Celui d’une rivière ou celui de son hôte.

Je ne me souviens plus s’il parle ou s’il chuchote.

C’était je crois la veille où il fut inhumé.

 

J’étais seul moi aussi, le nez dans quelque met

Qu’une femme en chemise, excessive et idiote,

Proposait à la mort — la dernière anecdote.

Je n’étais pas, je crois, un aussi fin gourmet.

 

Mais je n’écoutais plus. Et elle se soumet

À la froide exigence, allons, d’une capote.

C’est la veille du jour où le témoin papote

Avec d’autres curieux de savoir qui on met

 

Dans ce trou. Retournons, si le temps le permet,

Dormir sous le noyer où la rive clapote.

 

CCXXVI

Dormir sous le noyer ! C’est la mort assurée !

Qui n’a pas un cousin mort dans l’après-midi

Sous ce noyer fictif où las il s’étendit,

Avant d’autres travaux, « dans les bras de Morphée ».

 

Mais la Mort elle aussi a sa bizarre idée

Du sommeil des cousins lointains « comme l’on dit ».

Voilà c’est un moment esthète et refroidi

Avec le vent d’automne et l’onde ennuagée

 

Qui annonce l’hiver. Coule, rivière aimée,

Sous l’ombre du noyer. Le ciel s’est alourdi

De haschich et de pluie. Et toi, cousin, hardi !

Cours vite chez ta femme acheter la poignée

 

De terre. Ah ! comme elle a vécu, vieil hyménée !

— À la fenêtre te voyant mourir, pardi !

 

CCXXVII

Comme l’attente est longue ! ou ce n’est pas l’attente,

En tous cas pas l’attente admise dès l’entrée

En matière ; longtemps depuis qu’elle est vautrée

Dans ce lit, narcissique et toujours mécontente.

 

Naguère on pouvait croire à une belle entente

Et savourer déjà les fruits à la vesprée

Tandis que s’annonçait une belle journée ;

Nous sommes en automne et le soir s’impatiente.

 

Rien n’est plus ennuyeux que cette sénescente

Perspective ; et la nuit prépare sa fournée.

Quels cristaux ! Et dehors, le diable est en apnée.

Il craint la solitude et qu’on le désoriente

 

Au point qu’il s’en égare et se voit en atlante

Du petit dieu admis à payer la tournée.

 

CCXXVIII

Sans profession de foi, à l’usine ou chez soi,

Ou dans les lieux dédiés aux dévotes pratiques,

Il dort sans le sommeil ni le rêve esthétiques.

Hallucinant plutôt, on voit qu’il se déçoit.

 

Il n’y a pas de lieu où coucher ce faux roi

Ni personne avec qui, rendez-vous féériques,

Partager le royaume et ses passions lyriques.

Il n’est pas loin d’aller prier les bras en croix.

 

D’ailleurs c’est comme ça qu’à la fin il se voit.

Il n’en dit pas un mot et reprend ses chroniques

Comme si rien n’était, par vertus alcooliques,

Aussi facile à dire ; au matin un envoi

 

En point d’orgue refait, derrière le convoi,

Le chemin à l’envers, inspirant des répliques.

 

CCXXIX

Ce n’est pas elle, ni l’amour, qu’il faut tuer

Comme l’un tue le temps et l’autre la voisine.

Ton poème jamais au cœur du magazine

Ne lui dira ce que tu veux « perpétuer ».

 

Mais quel sexe pourtant ici substituer

Au sien ? Hercule entre les bras de Mélusine

N’avait d’autre projet que sa propre cuisine !

Toi, tu t’en prends au Temps et tu veux le tuer !

 

Toi, tu prends la voisine et fais mieux que tuer

L’amour. Mais toi, l’ami, sans passion ni usine

Autre que ton bouquin, ton bouquin sans voisine

Ni ennui à tuer, tu veux « perpétuer… »

 

Or elle est elle-même et tu ne peux tuer

La lecture sans toi au fil du magazine.

 

CCXXX

Le bruit des mots jamais, même en prenant le temps,

N'effleurera l'esprit qui chuchote avec elle.

Jamais tu ne diras, de refonte en séquelle,

Ce qu’elle veut entendre et que tu sous-entends.

 

Quel silence le jour ! Et la nuit supputant

L’encan des rendez-vous, les pieds dans la « marelle »

Du roman ; tout ça pour éviter la querelle

Qui amoche l’enfant, ce possible habitant

 

Des lieux ; dehors, la nuit te conseille l’instant,

La fraction, la limite, et tu la trouves belle.

Or tu l’as inventée au fond d’une poubelle,

La poésie en vers au mètre si constant !

 

Auprès de la fenêtre elle file pourtant…

Parque qui ne sait rien de toi ni même d’elle.

 

CCXXXI

Tu n’as pas ta place aux réunions, interprète

Sans religion ; toi qui survis en palotin,

Nourri de temps perdu et du soir au matin,

En attendant le jour, soumis à la concrète

 

Influence du Nu. Les voilà à la fête

Et pour longtemps encore. Et pour le baratin

Qui vend la peau à l’ours, voici le cabotin

Qui jouera à ta place une farce imparfaite

 

Mais qui parle ! Or, tu ne parles pas, tête à tête

Quelquefois volcanique en marge du festin.

Ta peau ne vaut pas cher, tu n’as pas de destin

Dans les plénums standards. Rien pourtant ne t’arrête…

 

Au cimetière sous la croix — famille bête !

Du trou creusé en rond tu es le clandestin.

 

 

CCXXXII

Il y a poète et poète : artiste ou non.

Dans la ville où tu vis ta campagne impossible,

Sur les trottoirs navrants ton dos leur sert de cible,

Ô éternel blessé d’un mal qui a son nom.

 

Mais le poème n’est jamais une question

De nom ; heureusement pour toi, c’est illisible

Et beau ; la mort en chemin c’est intraduisible !

Le spectacle est donné jusqu’à l’indigestion.

 

Tu n’aboliras pas les autres suggestions.

Derrière le carreau de la vitrine horrible

Qui donc se chargera de les passer au crible ?

Tu ne connais pas ces coupables histrions…

 

En attendant, foin de tous les « septentrions » !

Nous n’allons nulle part et tu es putrescible.

 

CCXXXIII

(À Paris comme ailleurs, foin de consommateurs

Sur la place publique où le cerveau s’engage

À donner de la voix à défaut de suffrage ;

D’un côté et de l’autre, abondance d’auteurs

 

Secouant leurs panneaux sous le nez taxateur

Du larbin de l’État haut placé dans l’image

De l’Écran ; Enyo ! On a touché au langage !

Le poète n’a pas le métier du buteur…

 

La cacozélie ne trouve plus d’éditeur.

Et l’alexandrin, au rythme impair et sauvage,

S’emploie à parfaire un art du décervelage

Comme on n’en a pas connu depuis que l’acteur

 

Ne joue plus mais sert, et c’est bancal, amateur

Et cruel ; ne sors pas, ce n’est plus de ton âge.)

 

CCXXXIV

« Une fois dans la mouise, ô gentil travailleur

Du vers et du poème et d’un volume même,

Que reste-t-il en sus ? Le vulgaire qui sème

Ne récolte-t-il pas en joyeux laboureur ?

 

À l’œuvre des années, et pas même un acteur

De cette comédie qu’on appelle système !

À l’arrivée tu n’es pas même le deuxième.

Pas même décroché le prix consolateur.

 

Tu mérites pourtant le titre de docteur…

On devrait te trouver quelque part dans la crème

Du dessus du panier… cette merde est extrême !

Gratouille la guitare au trottoir collecteur

 

Des papiers cul de la nation ; sans cet auteur,

On n’est pas moins heureux dans l’aimable achélème. »

 

CCXXXV

Mon nouveau compagnon, rhétoricien dans l’âme,

Habite le trottoir en mécène appliqué.

Certes ce coin tranquille est joliment fliqué.

On s’y tient avec art, dégrisé et sans femme.

 

Nous avons nous aussi de l’inconnu la flamme.

Sans couronne adossée au mur revendiqué,

Le monument attend que quelque syndiqué

Nous propose la lutte et sa rouge oriflamme.

 

Nous ne connaissons pas rois ni princes ni dames.

La nation en leader nous a mis au piquet,

Le nez dans la rigole et l’esprit confisqué

Par les seules visions de notre psychodrame

 

Embouteillé. Le pinard nous sert de dictame,

Au moins dans les moments où il faut s’astiquer.

 

CCXXXVI

Tu t’éloignes de moi, je ne te rejoins pas.

Mon Hélène le temps a passé, tu me manques

Mais je suis sur la route avec des saltimbanques

Et je ne m’ennuie pas même après les repas

 

Quand tout ce monde dort et que seul ici-bas

Je compose ce chant comme on joue à la blanque.

Mes compagnons, prudents, me prennent pour un branque :

Mais ne le sais-tu pas, après tous ces ébats

 

Dont le moindre est un jeu autrement dit : combat

Perdu d’avance mais, voici la bonne planque :

J’y vois de quoi guigner le sabot de la banque,

Résigné à donner un sens au célibat.

 

Certes nous n’avons pas ce genre de débat ;

J’exerce ma mémoire au futur qui la flanque.

 

CCXXXVII

Nous ne fuyons pas mais, arpentant leurs espaces

Pour jouer leur théâtre et en vivre joyeux,

Le temps nous est compté, trop rude et ennuyeux

Chaque jour à la nuit qui tombe sur nos traces.

 

Tu n’en verras pas un, rêveur, qui se délasse

Seul ou pas dans le lit, maudissant ses aïeux

Pour au moins se donner, faute de justes lieux,

Du cœur à l’œuvre en cours au prix d’une grimace

 

Qu’on prend pour du talent ; moi-même sur la place

J’applaudis la réplique, en suis aussi curieux

Que la claque qui veut maintenant des aveux :

Qui suis-je et pourquoi moi dans ce rôle fugace ?

 

Nous allons sans conquête, au hasard de la passe :

Nous avons des enfants, contents d’être avec eux.

 

CCXXXVIII

Le temps n’est plus favorable aux aïeux, Hélène.

Longtemps tu précédas mes pas sur les chemins

Au sortir des châteaux et autres lendemains.

Mais nous n’avons plus l’Art et puis la coupe est pleine.

 

Qui boira de ce vin sans souffrances crâniennes ?

À en perdre l’ivresse et son cœur trop humain ?

Entre deux âges tu es toujours le gamin

Qui cherche dans le Temps tes belles tragédiennes.

 

Sans passé ni futur ni langage à la peine,

La seconde est une horloge : impair tournemain

Qui te vaudra toujours un labeur de Romain.

Sur la scène tu as l’air d’un vieux capitaine.

 

Il est vrai que l’enfance est presqu’aussi lointaine

Que celle des aïeux eux-mêmes benjamins.

 

CCXXXIX

Barcasse ou feux de la rampe au rideau tombé,

Tu as les pieds sur terre et l’esprit aux abois.

Chien des coulisses tu connais ce que tu bois.

Le sang par le tapis en est tout absorbé !

 

Cadavre sans énigme au public exhibé.

Aucune enquête en cours. Le journal est sans voix.

L’inconnu t’as crevé le cœur comme autrefois

Un jouet s’est perdu au sein de l’alphabet.

 

Comme le capitaine aime à sombrer flambé

Dans quelque casino surplombant le détroit

De ses rêves, tu reviens sur les lieux, sang froid

Mais du mort seul ; c’est un public sans quolibet :

 

Car tu ne seras pas maudit, même au gibet

Fantasmagorique, ô pauvre humain de surcroît !

 

CCXL

Hélène et Artémise, Igitur, Musidor,

J’ai joué à la femme et à l’homme, poète.

Il m’est même arrivé de me rendre à la fête

Donnée en d’autres lieux où le silence est d’or.

 

Personnage à l’égo qui sommeille ou s’endort

Selon que le récit se joue ou se feuillète,

J’ai voulu, inconstant, me croire l’interprète

Le mieux placé au paradis du mirador

 

Commun. Ah ! pourquoi donc jouer au matador

Alors que cette foule adore ses emplettes

Et les palais de la cité dont les vedettes

Ainsi font, font et font, menaçant le stentor

 

D’ablation. L’acteur n’est pas poète, ô butor ;

Il a l’air du taureau mais pas la chansonnette.

 

CCXLI

Quel spectacle ! Quels feux je donnais au vulgaire !

Et quel Triomphe aussi au cœur de la Cité !

On me vit rarement hors la Félicité

Que mes blancs compagnons chantaient comme à la guerre.

 

Certes ici ou là quelque pauvre adversaire

Avançait dans le champ où par proximité

J’entendais ma victoire et sa caducité :

Mieux que Sarah enfin je fis le nécessaire.

 

Mais dans la grotte balsamique où je m’affaire

L’apparence est maîtresse en domesticité ;

Ce costume de scène au phallus excité

Dit d’un auteur le texte et pour le satisfaire

 

J’ai vendu ma couronne au règne mammifère

Et dénaturé l’art ancien d’expliciter.

 

CCXLII

On ne me verra pas pratiquer l’alchimie.

Verbe, douleur, ennui, extases du proscrit

Parasite des cieux et fourrier de l’Écrit ;

Personne ne m’a vu devant l’Académie

 

Mais j’y passe pourtant, vecteur d’une endémie

Comme d’autres oiseaux errants et incompris.

Le paillasson est dur aux pieds des sans-abris

Et le froid de l’hiver inspire l’anomie.

 

Chanson ni plus ni moins, sourde polysémie

Des seuils censés nous mettre en ordre et à l’abri ;

Caressant chaudement les poils de mon labri,

J’interroge le temps de mon Alcoolémie.

 

Aboie ! dit la leçon de mon anatomie.

Jamais depuis longtemps je n’avais autant ri !

 

CCXLIII

Mon chien est andalou et ma route incertaine.

Sans canne je ne suis qu’un homme parmi eux.

La nourriture manque et pourtant mes aïeux

Inventèrent le prix de la terre lointaine.

 

Mais sans terre et sans yeux, même sans capitaine,

Sans les rêves dorés d’un projet ambitieux,

La route est une route et le temps sans adieux.

Personne autant que moi ne boit à la fontaine

 

Que fait couler l’ouvrage, oblation et patène,

Quand toutefois il est du goût des gens sérieux,

Sentencieux, oublieux, laborieux, silencieux,

Le sommeil agité par leur croquemitaine.

 

Moi, je n’ai peur de rien et ma voix est hautaine ;

Je couche avec mon chien et visite les lieux.

 

CCXLIV

À vingt ans c’eût été un malheur un peu rude…

Je n’imagine pas un pareil compromis

À l’âge où le poète est encore insoumis,

Quand son esprit mesquin croît dans la solitude.

 

Il faut avoir vécu sans notable aptitude

Pour comprendre à quel point parmi des abrutis

Il est dur de construire ensemble les bâtis

De la maison commune ; atroce l’inquiétude

 

Qui soutient l’existence et pire l’habitude

Qui vieillit avec soi sans le moindre répit.

On dirait que cet homme enfin s’est assoupi ;

Il connaît la chanson et même l’attitude

 

Qui convient au sommeil ; une autre servitude,

Sans grandeur ni futur, en conçoit l’incipit.

 

CCXLV

Est-ce fini ? Déjà… Ah ! Comme le temps passe

Plus vite que la mort ! Demain n’a pas le sens

Qu’il avait autrefois. Jamais un seul suspens !

Et tu écris encore, Toi ! Grand bien te fasse !

 

Personne ne le sait… ou si peu que l’espace

Est à peine vivant, trop saturé d’encens.

Ô toi qui en reviens comme d’un guet-apens,

Ne te retourne pas et dans la carapace

 

De l’urne ou du cercueil fuis cette populace !

Ici les morts en croix n’ont pas plus de non-sens

Que tes vivants jugés toujours à leurs dépens.

Le Juste ne l’est pas, même par contumace.

 

Vide donc le flacon du dernier face à face

À même cette terre ouverte à contresens.

 

CCXLVI

[…]

 

Seriatim

I

Depuis quelque temps, on assiste en France à un « combat » entre deux factions qui se réclament l’une et l’autre de l’apolitique.

Mises ensemble, ces deux phalanges semblent former une nette majorité.

La réflexion politique n’est pas, en ce moment, la mieux inspirée ni la plus nécessaire.

D’un côté, les partisans d’une société construite à l’image de l’entreprise exercent leur arrogance avec une insolence de morveux de la classe et de l’autre, on oublie trop vite qu’on a été conçu pour consommer et que par conséquent la revendication tient au pouvoir d’achat pour cette seule raison.

Le chômage et la pauvreté, qui toujours s’ensuivent, nourrissent la classe moyenne du manque d’argent et de considération simplement humaine.

Mais lesdits « gilets » ne s’en tiennent pas à exiger la satisfaction de leur désir de « mieux vivre » de leur travail. Ils veulent aussi peser sur l’organisation de la société et réclament qu’on en modifie la constitution.

Ainsi, une opposition se dresse devant eux, qui n’est pas seulement le fait des « marcheurs », mais aussi de toute la coterie conservatrice qui a d’autres chats à fouetter.

On a alors vite fait de parler de révolution, sans savoir ce que c’est exactement.

Marcheurs et gilets se hérissent en même temps selon ce principe ancien et éprouvé.

Or, ni l’une ni l’autre de ces chapelles n’est révolutionnaire, par le seul fait qu’il n’y a pas de révolution sans exercice de la politique, d’autant qu’en cas de révolution, la violence s’impose.

Or, ni l’un ni l’autre de ces clans n’élève la violence à la hauteur de ses pensées.

On préfère débattre, dehors ou en salle selon l’idiosyncrasie de chacun.

Les marcheurs font les questions et les réponses et les gilets s’éparpillent en autant d’avis.

Présenté comme l’élite de la nation, alors même que l’enseignement dispensé au sein de l’ENA, de l’avis de ses élèves et de ses professeurs, relève du cours préparatoire avant même tout programme plus élémentaire, les politiciens et autres chiens de garde s’appliquent à élaborer leur discours après les faits et autres évènements, ce qui, en termes philosophiques, en fait une secte de salauds, qualificatif qu’il convient d’appliquer à tout le corps exécutif lequel, en cette monarchie élective qui s’affuble du titre de république, constitue le seul pouvoir en place en dépit de l’article 16 de la Déclaration des Droits etc. qui stipule, à tort ou à raison, que toute constitution qui ne prévoit pas la séparation des pouvoirs n’est pas ou ne peut être démocratique.

Ainsi, la justice est réduite à une administration soumise au pouvoir exécutif et par conséquent tout magistrat est un pédant, c’est-à-dire quelqu’un qui s’en tient à « l’application de la loi » sans réel souci d’une jurisprudence, celle-ci constituant le seul outil véritable de l’exercice judiciaire et législatif. Un fonctionnaire pur et dur, statut qui entre en conflit avec l’esprit des lois.

Alors qu’en est-il du troupeau parlementaire ? Il est la seule image ou devrait être la seule image fidèle du peuple qui l’élit à date fixe. Est-ce ici que la philosophie, enfin ! applique ses pansements ?

Faut-il considérer que la philosophie, dans la connaissance et l’action et par delà toute velléité morale ou esthétique, émane nécessairement de cette masse à la fois électrice et représentée d’une manière ou d’une autre ?

Autrement dit, le peuple, dont il faut bien exclure fonctionnaires et ministres pour les raisons évoquées ci-dessus, échappe-t-il à l’état de salaud et de pédant ? Est-il au moins en proie à la qualité de philosophe… ?

Et cette difficulté alimentée par la Constitution même trouverait-elle un apaisement sensible si cette grammaire citoyenne était changée, voire même révolutionnée ?

La pratique philosophique, conditionnée par celle du doute et donc de la solution provisoire en attendant mieux, est-elle à ce point possible dans ces conditions plus que contraignantes ?

Si on en juge par l’état de la plus grande démocratie du monde, où certes la liberté n’est pas un vain mot, mais à quel prix ! on ne peut pas dire que le peuple a ce talent particulier qui consiste à placer platoniquement le philosophe au pouvoir… disons en lieu et place du salaud présidentiel, ministériel et fonctionnaire… et d’ériger l’élection des juges en premier principe de justice.

Il semble bien que la philosophie n’ait pas sa place dans le troupeau des élites et du commun des mortels réunis considéré comme seul corps électoral.

Je m’amusais récemment, à l’occasion du spectacle médiatique en cours, à me dire que si jamais je n’ai opté pour une carte d’électeur qui eût froissé mon honneur de poète, j’ai cependant accepté avec joie et concupiscence la carte de lecteur que la communauté des communes, sans y chercher malice, m’a délivré afin que je puisse réellement accéder à l’énorme et labyrinthique Bibliopôle qui motive encore mon désir de survivre à l’imbécillité environnante.

 

Anything is good material for poetry. Anything.

 

« Qu’est-ce que je fous ici ? »

Je ne suis pas difficile à déchiffrer…

Le chien semblait séduit par toute cette poésie.

 

Un chien… et passant

Par le rond-point

Il me vint cette idée

Complexe mais pas absurde

Que j’étais entré dans un poème

— Aussi l’idée connexe

Était

Est sera toujours

D’en sortir

 

« On n’est pas écrivain parce qu’on écrit des livres.

On n’est pas écrivain parce qu’on enseigne la littérature.

On est écrivain seulement si on peut écrire aujourd’hui

Ce soir

Dans la minute. »

 

Qu’est-ce qu’ils foutent ?

Encore eux !

 

Tenez-vous tranquille signifie :

Tenez-vous en à l’ordre.

 

Qu’est-ce qu’un poème ?

Ce n’est pas de la poésie.

Surtout pas ça !

 

Tournant encore autour.

Canettes et gilets.

Une grosse dondon se donnait en spectacle.

Il faut de tout pour faire un monde.

Mais quel monde est en formation ici ?

 

Visages connus. Airs déjà sifflés sous ma fenêtre.

Mise en place du poème sur ces tréteaux populaires

Pas conçus pour ça.

 

Sans morts pas de changement !

Non pas l’art et la mort

(comme je le crus longtemps)

Mais nous et la mort.

La mort et nous toi moi eux

« Qu’est-ce que c’est que l’attente ?

— Pas d’attente sans espoir »

Fut la réponse du berger

(je relisais Villon : la merla)

 

Concevoir le discours

Comme on construit une religieuse

 

Il y a un infini

Entre le poème

Et ce qu’il signifie.

 

« Ne lisez plus entre les lignes.

Caressez les mots et arrachez la page.

Mais j’avais beau attendre

Il ne se passait rien »

 

Depuis quelque temps…

La veille où Grenade fut…

Avec qui suis-je si je ne suis pas seul ?

 

Mieux vaut être seul qu’accompagné

S’il s’agit d’attendre.

Un flic est un raté social

Pas un héros

 

Anything. En passant.

Qui êtes-vous ?

Pourquoi vous ?

Le moteur ronronnait en attendant.

Qu’est-ce que je fous ici ? Construisant

Ce qui sera forcément interrompu

Car on n’attend rien de moi

 

On n’est pas écrivain…

Moi non plus !

Crucifiez celui qui n’éprouve

Aucun désir de possession

En entrant dans une boutique !

 

Troquez la liberté !

Elle se vend cher sur le marché aux poissons.

Passant caminando

Tout ça d’un trait :

Comme on rature.

Énormément de cons, ça oui !

 

Il ne pleut pas sur la guerre.

Il ne neige pas sur les révolutions.

Enterrez-les ! Mariez-les ! Et sous le Signe !

Là ! Maintenant ! En ordre !

« Tout le monde veut le pouvoir… dit l’un.

— Mais le pouvoir sur quoi… ? » questionne l’autre.

 

On est foutu si on n’achète rien !

Acheter c’est un plus.

Mieux que l’acte qui consiste

À échanger une poignée de fric

Contre un peu de dignité sociale.

 

Acheter c’est un plus.

Tu te sens mieux après.

Et tu ne demandes qu’à recommencer.

Pas d’autre alternative.

Tout se vend !

 

Rengaine du poilu mort d’avance.

La peau de l’ours. Tout se vend

À condition de louer le trottoir.

… Et ainsi toute conversation

Tenue sous les palettes tendues de toile.

« Moi j’ai pas de bagnole alors je m’en fous…

— Tu t’en foutrais pas si tu savais !

— Si je savais je serais pas ici…

— On peut pas tout savoir »

Dit enfin un vieillard chenu

À la barbe fleurie.

 

Je veux bien vendre un poème ou deux…

Histoire de manger autre chose que mon capital.

Dans la mêlée on ne sait plus

Pourquoi on est venu se faire insulter

Par un putain de président !

De toute façon il y a de quoi bouffer

(femmes au fourneau)

Et même de quoi boire !

Qu’est-ce que je fous ici ?

Ce n’est pas ma place mais j’y suis.

J’habite sur cette terre

Qui est à tout le monde

Et surtout au migrant !

 

Un chien dans le fossé

Reniflant des restes de poésie

Le voilà charmé et prêt à tout

Pour en faire autant !

 

Un seul chien pour donner un sens

À ces circularités passagères.

 

Pas difficile de me déchiffrer.

J’ai un bison séminole à la place du cœur.

Je n’habite pas où je demeure.

 

Tout ça sur un coup de tête

Donné dans la conversation.

I’m against it ! Anything !

Anarchisme sentimental.

Comme si ça pouvait exister !

 

Petits bourgeois du travail.

Les uns contre les autres

Car il vaut mieux obéir

Que de chômer. Anything.

 

Alors comme ça ça vous amuse !

Élection piège à cons et tutti quanti !

Bibliopôle à l’horizon XXII

On ne pensera plus rien de moi…

Mais j’en ai déjà marre

Qu’on me prenne pour ce que je ne suis pas !

 

Flâneur des deux rives… glanant

Dans les journaux où Marie Roget

Fait la Une — Anything but…

 

A cool of books

will sometimes lead the mind to libraries

of a hot afternoon, if books can be found

cool to the sense to lead the mind away.

 

« Je veux y aller ! Maintenant

Je suis avec vous ! Ni pédant ni salaud !

Ah ! Quelle foutaise la philosophie !

— Et la poésie donc ! »

 

Jiggs devant la vitrine

« C’est fou ce qu’on peut désirer

Quand on se laisse aller ! »

En ordre jusque devant la porte

Et ensuite dites ce que vous voulez

Il y aura toujours quelqu’un

Pour vous la faire fermer !

 

La porte ? Ma gueule ? Qui

Êtes-vous le cul en rond

Comme les gamins d’Arthur ?

Vous n’avez pas tout réussi…

Laissez les pauvres se démerder sans vous !

 

Et vous dites que c’est de la poésie, ça ?

Tout ce qui ne chante pas n’en est pas !

Allons enfants de la patrie !

Notre drapeau est bleu blanc rouge !

Bleu comme le ciel d’été !

Blanc comme la neige en hiver !

Rouge comme le sang versé !

Poésie du triomphe et de la charogne…

 

Qu’est-ce que j’y fous… ? J’en sais rien.

La curiosité… le désir d’en avoir moi aussi…

On ne sait jamais… les miettes d’un repas

Partagé de force avec l’État…

Anything but all ! Anybody else but you !

Ne jamais plaisanter avec un type

Qui veut tout changer sans violence…

 

J’y fous ce que j’y fous… Je suis ce que…

Bison séminole… trottant vers le lieu

De son supplice rituel et bon à manger.

Péter la vitrine où se regarde le monde

Peut-il être considéré comme un crime ?

On ne le saura jamais sans jurisprudence.

 

Flâneur. Anything. J’y fous ce que…

Même le chien me comprend.

Pourquoi pas vous ? Destructeurs

Dit le Code du marketing.

Vos enfants vous ressemblent :

Égoïstes, soit : jaloux et hypocrites.

Le mépris n’est pas loin,

Tapi dans les poches que

Le flic visite comme s’il y était chez lui.

Rencontre de bonnets blancs,

Chacun estimant que la société

Peut se passer d’idéal politique

Et de mort violente. Anything !

 

Moi, j’ai la chanson et le poème…

Je chante et je dis tout.

Avec tout et sans rien.

Mais qu’est-ce que vous foutez !

Vieillards d’angoisse et filles perdues.

Paumés du travail et hypocrites de l’entreprise !

Ma guitare est sommaire… dit Bobby.

 

Et ainsi sur le chemin

Caminante no hay camino

Mon chien connaît-il l’ennui

Ou seulement l’angoisse… ?

Vos enfants le caressent-ils

Pour tenter d’en posséder le sens ?

Achetez au meilleur prix

Le moment de détente.

Et enseignez comment faire

À ceux qui le savent déjà.

 

Quelle ode ! Quelle attente !

Les collections de poésie

Ne sont même plus écrites

Par des poètes ! Anything.

Ramassis de bonnes intentions hypocrites

Et de pédanteries plus ou moins salopes.

Mais a-t-on le choix dès qu’on met

Le nez dehors pour trouver

Quelqu’un d’autre que soi ?

 

Mon chien dans le fossé sous les palettes

À l’abri du mauvais temps

Et des coups de pied.

L’os dans la gueule

Et l’œil encore en Enfer.

La pauvrette disparaîtra

Dans le néant des poésies amères

Creusée à même le plancher des vaches.

 

Vous n’aurez pas l’arcane et le bas d’laine !

Pas tant que le système des coïncidences

Qui soutient le monde et ses créatures

Ne figurera pas en lieu et place

De vos grands hommes à reconnaître

Sous peine de passer pour un aguafiesta.

 

Passant comme celui-ci

À proximité des lieux

Où la révolte qualifiée de sédition

Avoue être prête à se contenter

D’un séjour au Paradis

Avant même de le mériter

Ou de s’en passer si c’est l’heure.

 

Chien aux trousses mais charmé

« d’entendre de si justes propos »

Besognant comme pas un sur le dos

D’un canasson de fête foraine

Et se passant même d’un abreuvoir

À sentences toutes plus insensées

Que la plus sinistre des chansons à boire !

 

Qui suis-je si je ne suis rien pour vous ?

Si vous ne pensez rien de moi…

Si vous ne me cherchez pas

À l’endroit même où je me trouve ?

 

Aujourd’hui

Ce soir

Dans la minute

Il n’y a pas d’autre chemin

Caminante pas d’autre raison…

Vous êtes utiles et je ne le suis pas.

Même si la poésie devrait servir à quelque chose.

Il y a travail et travail

Et le poète qui n’amuse pas

Ne trouve pas de quoi survivre.

 

Il faut servir la messe.

Apporter des fleurs, des vierges à épouser

Avant qu’elles ne le soient plus.

Flatter le dos des vieilles

Et épousseter leurs vieillards.

Le viol de l’enfance n’est plus à la mode.

 

Quelle ode ! Quelle canzone !

Les copies d’écrans

Ne remplaceront jamais

Les coupures de journaux.

Mais qui sait qui vivra heureux

Parmi ces enfants de la conservation de l’espèce

Désignée pour faire le bonheur des autres

Candidats à l’éternité… ?

 

Mare nostrum qui n’a plus de secrets

Pour les voyageurs venus d’ailleurs…

Ode, ode à celui qui comme Ulysse

N’a traversé que sa propre ville

Jusqu’au cœur de sa femme !

 

Je sais que la poésie n’est pas partout

Que tout la rend possible.

Est-ce là la pierre de touche ?

Passant devant les points névralgiques

Qui secouent vertement le pouvoir,

Je sais que tout cela peut servir la poésie

Mais que ce n’en est pas, heureusement !

 

Ah ! si nous étions transparents !

Mais la totale opacité de notre propos

Rend le chien dubitatif,

À l’orée de l’Enfer déjà partagé

En parts inégales, liberticides

Et policièrement haineuses.

 

Quelle ode (quelle distance)

Entre l’idéal triomphal

Et le rêve piétiné !

C’est écrit sur tous ces visages.

Rides de la crispation constante.

Qui détient les clés du bonheur

Ou à défaut de la joie ?

Une joie passagère mais réelle !

Le produit de consommation

Considéré comme une relique

De ce qui s’est perdu en chemin.

 

Depuis quelque temps…

Je mâchai cette nouvelle nourriture terrestre.

Je cheminai aussi, avec mon chien.

Je collectionnais les os des martyrs de la Nation.

Je trouvais un refrain

Et je le perdais aussitôt.

Item, je donne ma charrue

Aux mains qui me façonnent.

Et mes ouvriers de papier,

Personnages sonores,

Je les donne à entendre

Sous ma voix. Any else

But you. Ramasse le fric

Et tire-toi au Paradis

Avec leur billet de retour.

 

Donner aux uns pour qu’ils redonnent

Et prendre aux autres le nécessaire

Produit de cette imagination.

C’est aussi vieux que le Monde.

Plus vieux métier. Il suffit d’ouvrir l’œil

En passant sur le chemin de ronde.

 

J’appelle mon chien par mon nom.

Il ne chevauche rien et me suit.

Il ne retournera pas en Enfer.

Nous avons d’autres chats à fouetter.

 

Bien sûr il y a les paysages, les ciels,

Leurs arcs après les pluies, le vent

Qui chante dans les arbres

Ou les fait chanter selon qu’on écoute

Ou qu’on en écrit l’ancienneté rurale.

 

Il y a toutes les raisons de ressentir

À quel point le bonheur est possible

Si on accepte de le mesurer ensemble.

 

Le Monde et les mots qu’il faut

Pour en sortir vivant au lieu

De mourir devant une vitrine.

 

Quelle ode ! Interminable saison

De floraisons et d’animaux imaginaires.

Rends-moi ma femme ! Celle que j’aime

Et qui m’aime ! Oh ! quel qu’en soit

Le prix ! Je donnerai tout ce que je possède

En échange de cette possibilité

De ne plus dialoguer avec le citoyen

Consommateur et électeur !

 

Quelle ode ce moment d’écriture !

Ah ! si je pouvais avoir tout lu !

Au moins pour gagner le cœur

Du voyageur qui quitte son pays

Pour toujours. Anything. Sinon

Le temps lui-même n’a plus de sens.

 

« Qu’est-ce que je fous ici ?

En compagnie de ces débiteurs patentés.

Agitant le concept de vie sociale.

Avec des claquements de drapeau

Caressant la joue du soldat inconnu

Soudain dressé sur ses os et joyeux ! »

 

Je ne suis pas ce que vous croyez !

Je me mets à table par habitude,

Par fatigue, sans faim ni soif.

Je ne vous reconnais même pas.

J’ai toujours vécu au pied des arcs.

J’ai le croquis facile et même vrai.

Ah ! si j’avais voulu devenir chanteur !

Si quelqu’un s’était occupé de moi…

Mais j’ai suivi mon chien

Après l’avoir débauché

(comme vous savez)

Et les choses ont suivi le cours

D’une Histoire qui se fait sans moi.

Quelle illusion si j’avais voulu !

Et à quel prix mes aïeux !

 

Vous n’aurez pas l’arcane et le bas d’laine !

Agitez le vin dans le verre pour voir !

Seuls les monuments ont des érections

D’onanistes. Moi je courais la femme

Dans les poils odorants des vitrines

Ô galeries ! Pôles des convergences.

Je suis tellement facile à déchiffrer !

 

Décorum des passions partagées.

Catafalque de Victor Hugo jouxtant

Le corbillard des pauvres, mais pauvres !

Ne meurt pas qui veut. Élevez l’honneur

À la hauteur de la sincérité si vous pouvez !

 

La majorité sacralisée au nom de quoi ?

Religion, sépulture et épousailles, en rond.

Sans ça nous ne sommes plus nous-mêmes.

Mais qui sommes-nous si nous cessons de l’être ?

Vulgaires acheteurs de bricoles

Qu’un désir de branleurs met en vitrine

À l’heure des rites annuels du commerce.

 

Je passais par là avec mon chien.

Je suis le charmeur de mon chien.

J’ai perdu la clé du bonheur

Mais je vis de poésie et d’eau fraîche.

J’emmerde le citoyen qui se sent

Responsable (peu ou prou)

Des lendemains promis à sa descendance.

Se fiche-t-il de celle des autres, ses frères ?

 

Vous n’avez pas le bison séminole.

Ce que vous possédez n’a pas de prix.

C’est en meute que vous agissez.

Une dose d’idéologie politique

Ne vous ferait pas de mal…

 

Quand ce n’est pas la religion

Qui pourrit l’existence

Que vous attribuez aux autres,

C’est la propriété que vous leur contestez.

Gens de peu de malheur ! Soyez

Au lieu d’exister même sans chien

Pour recevoir les charmes de la parole.

 

L’homme de trop vous salue toujours

Du haut de son pont jeté

Entre le vrai et le faux.

 

Chemineau que le poète hèle encore.

Le chien a de plus en plus l’air

D’une créature mythologique.

La disparition se signale toujours.

Et au hasard de l’Histoire

Comme Jiggs devant la vitrine

Voyant qu’on le regarde

Se retourne peut-être menaçant

L’homme prononce quelques mots

Anything qui servent de poésie

À ce moment purement électoral.

(Un autre moment transporte le corps

D’une victime de quelque accident

Qui va changer le cours de son existence)

« Errant qui n’erres plus, dit-il

Sans quitter des yeux l’objet de son désir

À ce moment encore insatisfait

Selon les critères de l’offre et de la demande,

Joins-toi à nous car nous sommes dans le vrai. »

Paroles qui tombent dans l’oreille d’un sourd.

 

En effet, il suffit de s’arrêter un instant,

Juste le temps de parfaire l’idée qu’on se fait,

Pour être aussitôt traité de sédentaire.

Le chien n’a pas l’air d’un bison séminole.

Il l’eût que ça n’eût rien changé à l’instant.

Puis l’instant devient moment

Et le moment fricote avec le temps

Pendant ce temps, « hypocrite lecteur ».

Le corbeau ne sait pas d’autre mot.

Impossible de changer le corbeau

Ni le mot ni le récit parallèle.

Je suis pourtant facile à déchiffrer.

Si vous me cherchez… passant devant

(heureusement à pied ou en vélo)

Et franchissant le fossé qui ouvre la voie

Des champs avec le chien toujours aussi

Charmé d’entendre de si justes propos.

Ne qualifiez pas d’absurde

Ce qui est en réalité plus complexe.

 

À quel point je suis différent de vous.

Étranger à vos réquisitions sommaires.

Je n’ai jamais éprouvé le plaisir

De toucher la cible à cette distance.

J’aurais fait un mauvais flic, papa.

Mon cerveau ne contient pas dans un casque.

J’ai réussi à ne pas devenir con, papy.

Pas au point d’aller pisser ou me branler

Sur la tombe du pauvre type

Que personne ne connaît aussi bien que moi.

Vois comme la poésie est une ballade

À défaut d’être le voyage promis.

 

Sans image ni son, sans ce décorum

Qui enchante mais ne charme pas

(n’est-ce pas ô mon chien d’enfer ?)

L’idée n’en est pas une ni ses sœurs.

 

Bien sûr il y a le paysage, les ciels

Et les vents qui sentent la voilure.

La broussaille prend un sens

Et l’ombre ne s’y définit pas.

Quelle que soit la beauté de l’instant

Et du lieu qu’il propose à l’esprit,

L’arc se fond au noir ou au blanc

Selon les circonstances de l’instinct.

Un jour prochain ô vagabond

Tu seras moins facile à déchiffrer

Et tu le sais. D’ailleurs si tu ne le savais pas,

Tu ne sortirais pas dans le mauvais temps.

Toi qui aimes le feu de ta cheminée…

 

Ce que tu fais ici, parmi eux, importe peu

Au regard que tu portes sur ta propre attente.

Tu n’attends rien mais on attend

Ou du moins es-tu en mesure de le croire,

De croire à cette possibilité d’erreur

Qui ne serait pas une erreur d’appréciation

Mais de curiosité, si j’en crois mon expérience.

 

Un jour prochain je saurai qui tu es

Si tu n’es plus l’objet de ma curiosité.

 

Oui ce fut par curiosité

Et non plus par désir

Que le passé a disparu.

 

Cette mémoire n’existe plus.

Pas plus que ce que je désire.

Ah ! c’est beaucoup moins facile

Que tes prétentions possessives !

 

Nous sommes faits

Pour ne pas nous comprendre.

Je le sais, mais tu ne le sais pas.

Tu n’es que le spectacle de mon risque.

Et je ne suis pas loin de te haïr.

 

Mais je ne chuterai pas aussi bas !

S’il m’arrive de me prendre les pieds

Sur le seuil de ta maison rêvée,

Ce n’est pas pour frapper à ta porte

Ni essayer ma clé dans ta serrure…

Je passais et je me suis arrêté

Plus par myopie que par curiosité.

Je ne te hais pas à ce point !

… si jamais je t’ai haï, ce dont je doute.

 

Bien sûr le paysage, les ciels, les arcs,

Le système des couleurs et des formes,

Ce vent qui arrive de Nantucket

Ou de n’importe quelle autre aventure

Hors du commun… toutes ces beautés

Que rien ne cache, ces pages d’horizon.

 

Je ne t’invite pas à partager mes points de fuite.

Je suis le vent et je ne donne rien

Qui ne soit pas purement parodique.

Tu n’auras pas l’arcane et le bas de ma laine.

Rien sur mes hivers d’angoisse

Ni rien de mes étés.

J’emporterai le printemps avec moi

Et tu ne sauras rien de mon terrible automne.

J’ai perdu à jamais mon double et la raison.

Il n’y a pas de place autour de ma maison,

Rien de si théâtral pour que tu t’en étonnes.

 

Fantôme de vent… ou lémure du vent.

Qui n’a pas sa fenêtre pour se passer de la rime ?

À cet instant je souhaiterai mourir

Sans douleur ni passion,

À peine dans l’angoisse.

Voyons s’il ferait froid dehors.

 

Il n’y a rien de plus poétique que l’absence.

« Surtout que celle-là est définitive. »

 

Finirez-vous par vous entendre ?

Quelle importance si je ne vous écoute pas ?

Et si je vous entends, où est la poésie ?

Mauvaise question car elle n’est pas localisable.

Elle est ce qu’elle est ou ce que je ne veux pas.

« Ce qui revient au même. »

Encore un article dans le journal,

Histoire de revenir sur les lieux

Sans la télévision ni surtout

Ses commentaires contradictoires.

Je ne supporte pas qu’on se contredise !

Mais c’est toujours anything alors…

Il doit y avoir un peu de vrai là-dessous.

Journal quand tu me tiens !

Arrachez n’importe quelle écaille.

Elle est la poésie même,

Mais à quelles conditions

Qui échappent au désir

De se contenter

De la gamme de prix

Qui définit le gogo socialement ?

 

Tu es la définition de ta définition.

À la hauteur des yeux de tes enfants

Le sucre qui les tuera un jour ou l’autre.

Les moyens de transport

Tuent plus que les guerres.

 

Nous n’avons pas encore inventé

L’analyse qui ne soit pas logique.

 

Zappeurs de livres, visitez l’Enfer.

 

Pourquoi ici, pourquoi en France ?

Hasard des migrations familiales

(« La terre est à tout le monde »)

Avec la part nécessaire de la souche.

 

La poésie est une impasse

Aux lointaines fenêtres.

 

Ô que la douleur t’achève

À même le fossé

De tes déambulations.

 

Impasse bordée de putes

Et de tous autres commerces.

La nuit ressemble au jour

Et le jour à d’autres nuits

Plus lointaines encore.

 

« Est-ce que tout ceci aurait un sens ?

¡ No me digas ! Un sens alors

Que je n’en ai pas moi-même ? »

Tourné sans pouvoir se retourner.

De l’écran bavard et sommaire

Au vent que les livres appellent

De leurs vœux. Anything.

 

Anything. Personne n’y croit.

Le plumitif aime la langue

Plus que la poésie.

D’ailleurs elle ne la lui inspire pas.

La langue n’inspire pas la poésie.

Rien n’est moins poétique

Qu’un monument aux morts.

 

Avançant toujours dans le même sens

(du journal au poème

Ou du poème au roman)

Il ne rencontre personne

Et s’il en croise

Il se félicite d’être à pied

Et d’être aussi capable de désigner

Le champ qui s’offre au regard

(comme chacun peut le constater)

 

Traversant le champ

Qu’il n’emprunte que pour

Ne pas avoir à expliquer

Pourquoi il ne roule pas,

Il recommence à aimer la poésie

Et se fie au clocher d’une église

Pour retrouver son chemin,

Le sien, pas celui de ces morts

Que la vie n’a pas encore quittés.

 

« Voulez-vous rencontrer l’être

Qui convient à votre propre existence… ?

— … ?

— Appelez-le de vos vœux ! »

 

Bien sûr il y a le vent

Par-dessus les champs

Qu’on vient de labourer.

La motte de terre peut-être gelée

Et le ruisseau qui bégaie dans les racines.

Les pieds humides et douloureux.

Les mains dans les poches.

Quelle myopie cette ode !

Faut voir ça pour y croire !

La première rue sent le mortier de ses murs.

Je suis souvent passé par là.

En fuite toujours,

Fuyant le badaud des vitrines

Et la race des plieurs de joncs.

Où habites-tu maintenant ?

Le chien n’a rien pu faire…

 

Ce qui est perdu

Ne se retrouvera jamais.

Passons notre chemin.

Derrière la vitre nue,

Un écran distille les discours.

Tel quel, la poésie n’en fait rien.

La pratique du cut-up, peut-être…

« Sans la rime je suis perdu !

Je ne chante plus ! Je ne trouve plus !

Tout mais quoi dans le Grand Tout ? »

 

Le chien suit son homme.

Il n’y a pas d’homme sans un chien

Sur sa trace, humant Dieu sait quoi.

Ou il n’en sait rien et il n’existe plus,

Ô mort que le voyage éternise !

 

Depuis quelque temps…

En quoi consiste l’honneur

Si on est poète ? Anything.

Fierté de l’un et considération des autres.

Mais quelle morale s’en charge ?

Quelle est donc cette morale

Qui autorise la fierté du sujet

Et vante les mérites

De la pratique de la considération ?

… good material for poetry… ?

Tu écrirais quoi à propos du soldat inconnu ?

Blague à part…

 

Le material n’est pas un os.

 

Le material est fait de mots.

Sans les mots, pas de poésie.

Quelle tautologie ! Quelle ode !

Comment expliquer ça à un gogo

Qui rêve de vacances

Dans un paradis hôtelier ?

 

Et pourquoi donc lui expliquer ?

Est-ce qu’on t’a expliqué ?

Te souviens-tu de cette enfance ?

Tu ferais bien d’y repenser.

Ses mots. Ses pensées.

Les mots des choses et des faits.

Les mots en usage à l’époque

Et les mots qui te viennent à l’esprit maintenant ?

Les mots qui changent le dictionnaire.

Dans quelle ville ? Quelle campagne ?

Comment sous la Lune ?

Pourquoi avec le Soleil ?

Et ces poissons qui remontaient l’embouchure

Du fleuve Bidasoa ?

Ta seule république inventée par Pío.

Ses flics, ses prêtres, ses mouches.

Au cœur d’un anarchisme bien en phase

Avec la réalité de l’homme déjà mort.

Ah ! comme je les sens bien

Ces Analectics Songs !

 

Et comme elles s’éloignent de moi

Ou me tuent à petit feu !

J’ai besoin de cette poésie

Comme le gogo envie ses plages

Et ses lits bordés par des putes !

 

Constitution de la société

Parmi les sociétés

Qui constituent le monde

Et le construisent peut-être

(Qui sait ?)

…

Reconnaissance de la mort

Comme limite de la pensée :

Ne pas aller plus loin

(Ce ne serait pas une aventure :

Bien sûr le vent sent la voilure)

Et après… ? Après les jours et les nuits…

Les autres ont le pouvoir

De penser de toi

Ce qu’ils veulent en penser.

Tu es et tu possèdes.

Tu ne seras rien d’autre à leurs yeux,

Surtout s’ils ne te comprennent pas.

 

Travaux d’approche de leurs cabanes

Tendues de toile bleue comme le ciel

Dans le journal où tu te changes

En citoyen ordinaire : venu d’ailleurs.

 

Quelle politique pour servir de terre à labourer ?

Je comprends la dispute

Entre l’amateur de football

Et le féru de rugby

Entre le client de l’hôtel

Et le convive de pierre

Etc.

Mais ici ? L’un voulant mieux vivre de son travail

(au détriment du pauvre sans travail

qu’il entraîne dans son sillage)

et toi sur la crête des mots

material / anything

Qui veut vaincre l’autre ?

C’est la question.

 

Quelle violence exercer

Sur cet amateur de profits ?

Quelle révolution poétique

Opposer à son libéralisme

Larvé ou identitaire ?

Non mais tu te rends compte

De la démesure en perspective ?

 

Étranger tu es et étranger tu resteras.

Non pas par indifférence ou égoïsme,

Mais parce que la poésie t’éloigne de ces apparences.

Poésie langage intermédiaire

Entre ces mêmes apparences

Et ce qui appartient au rêve,

Aux antipodes de la réalité.

 

Quelle ode cette ode

Qui n’en est pas une !

Que de rimes dans ce poème

Qui se passe de rimes !

 

Anything ! Cualquier cosa !

N’importe quoi et non pas tout

Ô traducteur en forme de dieu…

Ça ça et ça encore ! Ici et là !

Aujourd’hui ce soir dans la minute !

Rien n’aura lieu sans cette possibilité

De machine à écrire à l’intérieur.

 

Et dehors le ciel bleu ou gris

Ciel des paradis voyageurs

Ou des orages sur la maison

Où tout ceci a pris naissance

 

Moi aussi je hais vos métiers.

Comment ne pas haïr ce qui tue

La poésie dans l’œuf ? Je sais trop

Ce que vaut l’instinct mécanique

Étant moi-même plus ingénieux

Qu’aventurier. Hidalgo dingue

Sans cette terre qui signifie quelque chose,

Sans vous je ne suis rien qu’un vagabond.

Et sans moi vous n’avez plus aucun sens.

Nourrissez-moi de vos travaux d’usine !

Mes papiers valent bien vos dictats.

 

Ce que je fous ici je le sais mieux que vous.

Un chien ne vaut pas qu’on perde au jeu.

Quelle misère sans la haine ni le sang !

Quel poète aujourd’hui peut construire

Le discours de ses égarements

Sans y laisser la peau de son seul poème ?

Un chien sans pipeau au cul pour épater la foule.

 

Vous n’aurez pas le chiasme et la gaussienne !

Façon bébé à sa maman républicaine.

Vous n’aurez rien à vous mettre sous la dent

Si vous n’avez pas la passion de la morsure

Ô chiens d’enfer à la place de l’ami Pierrot !

 

Écrivez pour empêcher les autres d’écrire.

Un parano m’accusa de l’en empêcher…

Faut-il rire ou en pleurer ? Faut-il y croire ?

 

C’est l’enfant qui ruine l’existence de l’homme.

 

Bien sûr la vie à la campagne

Le charme des usines

Au large des routes

L’alignement des vitrines

Les plages d’or et leurs sirènes

Et l’espace tellement infini

Histoire de ne pas en revenir

 

Il faudrait arrêter

Non pas le temps

Mais l’instant

 

Chronique du bien

À tous les étages

De la vie en commun

 

Ne pas perdre le temps

En chemin

 

Poussons la chansonnette mais pas ensemble.

Vous n’aurez pas le temps ni la manière.

Dehors il ne fait pas si froid que ça.

Jamais vu une vitrine geler à ce point.

Un paillasson commercial sans les pieds.

Laissez venir à moi les petits sans leurs jouets.

 

Aux extrêmes de l’échiquier représentatif

De l’humaine conception du divin

La haine de la poésie est un fait.

 

Mais moi j’ai mon bison séminole.

Je ne crains pas Buffalo Bill. Anything.

Peut-être en passant mais à pied

Ou à la rigueur en bicyclette.

Je n’ai jamais tué personne.

Mon chien le sait. Nous retournerons

Ensemble sur nos pas pour vérifier

L’authenticité de l’anecdote. Anything.

 

Le même monde et la nécessité

De nourrir et de tenir à distance

Le nombre croissant des créatures

Qui peuvent servir à quelque chose.

 

Fusées des langues dans la géométrie.

Si quelque chose veut dire quelque chose

Alors pourquoi pas tuer son prochain

Par pur désir ? Au carrefour menaçant

D’écraser sous les roues la militante

Aux cheveux gris reflets de bleu.

L’os n’a pas d’autres significations.

Patine des cuivres et transparence

Approximative des vitres interposées.

 

Description / instruction / ce naguère

Que nous évoquions en critiquant

Arguments à l’appui de nos dires

Le goût des voyages organisés

Ou en tout cas entrepris en terres

Connues pour leur innocuité.

La toile bleu soulevée par la tramontane.

La flamme d’un réchaud qui s’éteint

Et Pierrot qui rejoue l’allumage

Rituel de celle qui sous l’Arc

N’a jamais éclairé la nuit parisienne.

La flaque bleue du dos d’un gendarme.

Une paumée de la séparation s’en prend

Aux nasillements du président en marche.

 

Autant d’images qui perdront leur sens

Le moment venu de les oublier en vrac.

 

Haine des métiers même de ceux

Qui nourrissent la pratique de la page

Et de ses agglutinats. « N’importe quoi

Fera l’affaire, man ! » Ou comment

Inspirer la haine aux peuples qui

Ne trouvent pas le duende.

Après bien des idéogrammes.

 

Signes minimaux des écrans

Où l’agitation et les bavardages

Du candidat à l’Histoire nationale

Perdent leur sens et leurs poisons.

L’enfer n’est pas à la mode des saisons.

 

Quelle page en échange d’une Constitution ?

La voluminis ne se vend plus aussi bien

Que naguère. Et l’homme qui parlait ainsi

A laissé sur place une impression de haine

Sans qu’on sache pourtant de quoi il parlait

Exactement (vécu sur un rond-point sous la

Bâche bleue des palettes et le fumet espagnol

D’une omelette) Ceci ou cela sans choix

Ni préférence. Le poème traversera la rue

À ses risques et périls. Le parlement

A toujours l’air d’une église. Cet homme

Venu de nulle part. Le liber n’étonnera

Plus personne. Fusées des langues

Alors que la tramontane rougissait les visages

Crispés par les contenus tweetés. Anything.

 

A fashionable grocery list. Ou autre chose.

Vous choisirez ou pas. Selon saint Frusquin.

Saint Glinglin ou sainte Nitouche. Au choix.

Ou au hasard. La route étant tracée depuis

Longtemps, vous ne risquez pas de vous perdre :

Ça parle aux sens. Et vous n’en manquez pas

Ô yourself ! Pas de voyage sans retour ici.

Vous emportez qui vous voulez : femme,

Homme, enfant, chien d’enfer ou de paradis

Le billet s’extrait de la machine à l’imprimer.

 

Quelle ode ! Quelle poésie ô troubadour !

Et toi trouvère en Île-de-France ? Marie

Roget dans les copies d’écran de l’époque.

Ce diable d’homme a tout changé. Ici !

Je n’en demande pas tant, cholera !

Arman infligeant de justes corrections

Aux erreurs de passage. « Quel est

L’antonyme de anything dans votre putain

De langue ! » Ce n’est pas rien… La question

Reste posée. Tribunal des traductions en cours.

La clarté ? Je dis ça comme ça… Le marin

À la pipe toujours chaude. Un coutelas

Bien aiguisé. Pour ne pas tuer son hôte ?

 

Quel aède ! Ou rhapsode peut-être…

S’il n’y a pas de chemin où va-t-on… ?

Et si c’est un chemin même question.

 

Item, mes chausses au maire de mon village.

Avec chaussettes et chaudement, tout.

L’odeur des pieds colle de Chine /

Pourquoi Rimbaud raisonne-t-il l’été ?

J’ai rencontré (sur la route) le frais cresson

Tignasse des pauvres sous le béret.

Camerone en marge « Mais enfin !

Que voulez-vous dire ? » Par là

Ou autrement. Les choses qu’on ne

Possèdera pas. Cette tranquillité

De luxe. Les corps qui n’attendent plus

Au moins pendant ce temps. Il me dit

« Ma tête me tourne… » Le « me »

Typique de ces constructions locales

À même le Verbe tant cité ici. Anything.

 

Anything veut dire je t’aime / pas toujours

Je veux dire pas tout le temps / toi

Ou un(e) autre — à même cette terre

Qui appartient à tout le monde / volée

Par les « patriotes » dont le seul tombeau

Est celui d’un inconnu qui n’aimait pas la guerre

(Ne dites pas le contraire j’ai ouvert

Cette tombe dans la nuit parisienne

Et on a eu une discussion « franche »

Comme deux hommes politiques Duprey

Se livrant à ce qui ne peut plus être considéré

Comme folie / passagère ou autrement /

 

L’esprit a besoin des marges schizophréniques.

Sans l’outil paranoïaque il n’est plus rien.

Mais la connerie, Barbara ? As-tu songé

(avec moi) femme qu’on prend pour un homme

À l’impact de la connerie sur l’état des sciences

Et de la philosophie ? Sans la mathématique

Mais avec art / Destruction de tout le passé

Par intoxication collective. Dehors le ciel est gris

Aujourd’hui « Bois de chauffage pour les pauvres »

 

Vous n’aurez rien de ce que je laisse aux autres.

Dit le clodo qui a vécu le combat comme une guerre.

Poison dans l’air du temps. L’idée même d’humanisme

Est morte sur le seuil avant d’entrer en jeu. « Dieu

Le sait. » Moi je ne sais rien que tu ne sais pas toi-même.

 

Voyez un peu le moraliste / ses caractères tracés

Dans une idée de la langue qui ne sera jamais

Celle de tout le monde. Visiter les poubelles

Est encore une occupation digne d’un poète.

L’arrogant fait la moue / trobar / morgar /

Et le rossignol s’envoie en l’air dans ses branches.

Doigts légers d’une fille « qui n’a pas l’âge

Selon nos critères modernes » Pourtant la caresse

Retrouve le même langage / « je vous emmerde ! »

 

Mon chien ne suit plus. Ce que j’ai perdu non plus.

Je n’ai même plus le goût de la crasse. Chose.

Cosa cualquiera. Ramasseur de comètes après

Les festins. Vous n’aurez rien de moi. Rientout.

On ne passe pas d’une langue à l’autre sans

En payer le prix. Mais avez-vous payé ? JE.

 

Rientout. On en « ramasse à la pelle » ici.

Quel riche pays ! Celui qu’on fuit. Investir

Oui mais ailleurs. Ou les piscines inspirent

Les joies de la noyade. Mais l’esprit colonial

N’est plus ce qu’il était, n’est-ce pas, Tutur ?

Crapaud des rives. Une femme-pont enjambe

Cette eau que tu ne saurais boire même si

L’occasion t’en était donnée. Pourquoi

Cet attachement à l’accord du participe passé

Avec avoir ? Être… bon. Mais avoir… ?

 

Vous n’aurez pas ce qui nous appartient !

On l’a assez cher payé. Des générations.

Des morts. Une colonne à Paris. Que de noms

Gravés dans la mémoire ! Sans visages, sans rien.

Conneries de politiciens et de crasseux du tympan.

Mes graffiti. Je n’aime pas les murs. Perpendiculaires

Des trottoirs empruntés pour sortir de là !

Une fenêtre plus ouverte que les autres.

Ses pots de fleurs et de plantes grasses.

Le rideau crocheté. Et ce visage qui

N’en est plus un / rapiécé / qui se veut

Aimable ou importuné / selon la fenêtre

Que le trottoir propose à l’esprit en quête

De quelque chose qui ne soit pas propriété.

Dire que dans ce pays on est patron de soi-même,

De sa propre image et de ce que les autres en font…

 

Vous n’aurez pas mon bison séminole, Rientout !

J’ai beaucoup voyagé pour le trouver enfin.

Contrée caressée par les eaux. Des voilures de vent.

Promesse d’un bon moment à passer avec la marine.

J’ai jeté ma ligne dans ces vagues jaunes comme vos gilets.

Éjaculation tonitruante. Ça, je le donne aux enfants

Que je n’ai pas été faute de connaissance de la douleur.

 

Crissement des bois contre le parapet.

Ta jambe effleurant les jambes au marché.

Nu sous le blanc de l’uniforme tropical.

Cheveux crépus de la vérité. Cueillie.

 

Jetez vos notes et ne coupez pas. Ne pliez pas.

Ne hiérarchisez pas. Laissez le vent agir.

Rossignol des chants d’été. Piaillements.

 

N’écoutez pas les présidents surtout s’ils sont élus.

 

Que le hasard nous guide et lui seul !

 

La nuit c’est fait (par qui ?) pour dormir.

« On a deux oreilles pour ça ! » Au matin

Frais et titillant l’esprit la queue en l’air

Ou pissant le sang Voici l’être et l’avoir !

 

Ne laissez pas le haïku troubler le contenu de votre verre !

 

« Il faudrait vivre sans autres contraintes… »

Laissez les autres vous alimenter du nécessaire.

Le conseil était tombé dans l’oreille d’un sourd.

Je n’avais pas « l’âge ». Je n’aime pas l’humanité

À ce point ! Le migrant n’a pas d’autre projet

Que de se sédentariser. La terre est à lui

Plus qu’au patriote qui n’invoque que la force

Constitutive de son contrat social. Comment

Être (devenir) juste dans ces conditions ? JE.

 

Personne ne ment aussi bien qu’un élu /

Élu par ceux qui mentent aussi bien que lui.

 

Le clavier universel sur les genoux et l’écran

En face de soi / le dos bien calé dans le coussin /

Qu’est-ce que c’est que ces promenades dans la campagne ?

Pendant que maman et la frangine se cassent le dos

À retourner herbe et terre pour nourrir la famille.

Un faune tout nu traverse le musée des révoltes.

 

Là, maintenant, sans dictionnaire et sans ministère !

Arcbouté dans le fauteuil ancien. Toute la boue

D’une existence qui s’achève sans reconnaissance

Officielle. Commerce foutu d’avance. Tu n’amuses

Personne. Tu vieillis comme les armoires. La laine

Te tient chaud à défaut de bois. Dehors bien sûr

Le ciel le bleu le gris les merles géométriques Que

Veux-tu dire par là ? J’aimerais tellement te comprendre /

Te répondre / t’aimer comme je m’aime / les clochers

Des églises voisines comme astrolabe / pérou

Des vieux. L’or n’a pas peuplé ton imagination.

 

Quelle est cette ville que je ne connais pas ?

On s’y comporte comme dans toutes les villes.

Où est le rythme de leurs pas ? Caminante !

J’aimerais tant savoir de quoi tu parles…

 

Clochers de saint Glinglin ou de saint Frusquin.

Les saints et les seins. Assomptions et ascensions.

Tout ce qui monte redescendra un jour. Gravité.

Les visages devant la mort. Portrait de l’humain.

Et les champs couverts de verglas en mottes.

Alouettes des miroirs. Au passage tu salues

Et on te reconnaît. Café des guéridons et des chaises.

Mais qu’est-ce que c’est que cette réalité de cinéma ?

 

Item la lessive que je n’ai jamais faite / son eau

Blanche comme le lait qui coule des lavoirs.

Il n’y a pas d’autre écriture. Je le sais

Depuis si longtemps que je n’ai pas d’autre enfant

À nourrir de mon travail. J’aime ce qui s’approche

De rien et ne crois pas qu’il existe un tout.

 

Quelle douce anarchie que celle de la paresse !

Loin des ministères et des conseils d’administration.

Peut-être à fleur des vitrines mais sans jalousie.

Un beau corps refleurit ces déserts. Le sais-tu ?

 

Allées et venues comme odyssée villageoise. Ceci.

Rencontres diverses de bavards qui ne croient pas

Un mot de ce qu’ils se racontent sous le patronage

Des gouvernements. Engeance type à insérer

Au cœur du Poème. Euréka ! Les culs

Qu’on ne sodomisera pas. « Et j’en passe ! »

 

Jiggs devant la vitrine. L’accessoire. Aux pieds.

« Peut-être ne les chaussera-t-il jamais. Je dis

Ça comme ça… » L’écart (grand) entre l’expression

Et ce que ce type pense : juste. Encore une manière

De se sérialiser. Ne pas suivre. Crier de joie chaque fois

Qu’un flic tombe le nez par terre. Je donne mon sang

Au député de ma circonscription. Relique en tube.

À usage interne. « Il n’en soufflera mot. » Sortant

Dans cette rue que je connais bien : ces passants

Que je connais trop. Au passage un ou deux.

Pas plus. Écrasés comme punaises sur la page.

« Je n’en connais même pas le champ… » La

Marseillaise vomie dans la rigole où s’époumone

Un poivrot libertaire. Grand-écart du héros

Fonctionnarisé. À la fenêtre ce visage rapiécé.

Moi dans x années = je suis déjà mort / ici

 

« Nous connaîtrons enfin une poésie

Sans musique et sans peinture

Nous aurons la besace et l’animal sauf

Ce bison séminole ramené avec d’autres

Bagages.

Sans musique et sans peinture

Le cigare au bec et le paradiso au cul »

 

Vous reviendrez de la guerre sans trophées.

Les uns marcheront devant et les autres

Derrière comme des chiens d’enfer / ici

 

Ne pas poursuivre les idées dans le champ

Du possible. Anything conçu comme ceci

Ou cela : impossible choix rendu impossible

Par la seule hésitation : les nerfs à bout.

 

Pas de poésie dans le poème. Déblais

Même si le ciel vaut le coup d’être vécu.

Laissez aller votre regard-cerveau sur la page.

 

Le champ annoté jusqu’à l’illisible. Crasse

Des tympans. Usure des choses au contact

Des foules endimanchées. Ces signes

Dans les ciels des cartes postales. Voyage

Interrompu par une mauvaise nouvelle.

L’être humain n’existe que par comparaison.

 

« Qu’est-ce que je fous ici ? » répétait-il.

Pourquoi cette machine à écrire / ici ?

Les doigts de fées de la main de Fatima.

Le jeu de poker des cartes postales /

Moi ? Difficile à déchiffrer ? Vous rigolez !

Je me fond dans la foule et dans ses idées.

Je ne suis personne en particulier et

J’emmerde celui ou celle qui accepte

D’être élu / mon chien commençait

À donner des signes de colère / ici

Avec cette poésie de la chose familière.

J’ai toujours connu ça : l’habitude / ici

 

J’ai mis en vente mon bison séminole.

L’Oklahoma est ma terre. J’en vends aussi.

Je récupère les pots bonne maman

Avec couvercle svp et sans étiquette

Ni traces de colle / je déteste ces traces

Si difficiles à enlever / veuillez patienter

Pendant la criée ô mes frères / patienter…

 

Ah ! les joliesses de ces vers nouveaux !

On en reprend chaque fois. On y trouve

Déjà cet anything qui parle tant aux poètes

En mal d’inspiration ou d’écriture / choix

Toujours à la mode / la pensée en coulures

Denses sous les couvercles de l’automne.

 

La risette des élus à l’enfant qui bégaie.

« Je ne fais que passer. Poussez-vous ! »

Nous aurons des vers jusque dans les trous !

Graphomanies des absences. Toute la cité

En feu. Commerces vitrés et affiches numériques.

Quelle ballade ! Quelle féerie aux carrefours !

L’enfant écrasé par erreur ou par malchance

Ne crie plus. Tant mieux ! On en avait marre

De l’entendre. Oh ! comme il a changé, Bob !

 

Merveilleux de ces attentes pourtant ordinaires.

La trace d’enfant s’efface avec le temps.

On n’y revient jamais même en pépère.

Des lunes qu’on ne s’était plus adressé la parole.

Et pourtant on se connaît bien. Banalité

Ou anything. Je n’ai pas encore choisi.

« Vous n’aurez jamais le temps de les sodomiser tous… »

Le temps, non. Mais le rêve ? Songez au rêve,

Mes belles amoureuses. Trompeuses enfants

De la conservation de l’espèce. Maintenant

Que nous en savons un peu plus sur l’Évolution.

Ce que l’Histoire fait subir à la Connaissance.

Une île au beau milieu de la rivière. Oiseaux

Des monuments. Les noms qui s’étagent

Selon les dates clés de cette autre évolution.

Un bison séminole se foutait de la gueule

De la statue au grand dam des sectateurs

Velus. Vercingétorix humilié par le Romain.

Puis salement assassiné dans son oubliette.

 

Je ne serais jamais là au bon moment.

Je vis devant ma télé. Je zappe. Je m’instruis.

J’ai mon idée. Et c’est la vôtre. Battre / ici

 

L’autre agitait un drapeau orange-noir-vert.

Il est passé à la télé. Ça aurait pu être moi.

 

Elle a voulu mourir d’angoisse dans un puits

Assez étroit pour rendre difficile voire impossible

Le sauvetage de sa sale peau de sycophante.

Ne parlez jamais en présence de vos partisans.

Dites autre chose. Et faites-vous élire. Le bison

Séminole arrivait en camionnette. Le lieu saint

Du sacrifice était fin prêt. Vous n’aurez pas, disais-je,

Les territoires de mes racines. Et le puits, ignoble,

S’est refermé alors que le pompier-médecin

Venait d’empoigner sa douce main d’argile.

Je remonte toujours sans cette main, Christ

Et Vierge à la fois. D’en haut, le trou n’est pas

Un trou : ce n’est rien qu’un champ à ruminants.

 

Ô nuage des rêveurs d’oubliette ! La nuit est noire

Autant dire sans étoiles et les draps sont si anciens

Qu’il est inutile de songer à les nouer / farce

Rejouée devant un public de rebelles salariés.

 

Entre la chansonnette poussée comme dans un berceau

Et ces photographies du souterrain évolutif et noir

La main ne passe pas ni le cœur pas même une idée

 

La bibliothèque universelle sera biotique

Ou ne sera pas / j’en sais quelque chose !

Laissez-les venir / ma semence aime les culs

 

CHANSON POUR BILITIS

 

Entre le moule définitif

Et la coulée en fusion

Il ne se passe rien

Que l’attente de l’ouvrier

 

Je suis cette machine / écrivant

Pour suivre le fil et non pas

Déroulant la bobine

Au hasard du festin

Ou de l’odyssée / selon

 

Ah ! qu’est-ce que j’ai aimé

Croquer vos os charmants

Sans briser la vitre / toutefois

Du reliquaire familial

 

Rien n’est plus facile

Que l’amour sans l’amour

Que la haine sans la haine

Que le poème sans poésie

 

Je reviendrai vous hanter

Dans la chambre vous aimer

Le soir après l’heure

Du couvre-feu

 

(blanca)

 

Le chien semblait (était) séduit par toute cette poésie.

 

Ces esprits convaincus. Où est la sincérité

Du débat télévisé ? « Je vais faire un tour

Avec les copains : signifiant : tu m’emmerdes ! »

En plan la gamine encore pas bien épousée.

Le mioche au nez gluant comme la bouffe

Qu’il ingurgite « entre latrines et… » / ici

 

Item trois bocaux contenant les déchets

De trois opérations subies à l’hôpital.

Carabas en fera ce qu’il voudra en faire.

Je ne serais plus là (par sainte définition)

Pour le critiquer. Il sait ce que j’en pense.

 

Item mon paletot des jours de tristesse.

Les boutons (de la corne véritable)

Iront à mon épouse qui en fera

Ce qu’elle voudra. Mais que pourrait-elle

En faire sinon tenter d’en négocier le prix

Avec Carabas qui est mauvais en affaires ?

 

Item le langage contenu dans une des poches.

Il ira au passant qui le premier foutra le feu

Au reste de mes biens. Par décret d’en haut.

Pas autrement. Sinon je redescends, Christ ou Vierge,

Et je règle son compte à ce beau couple.

 

Je possède tellement depuis que je suis !

Qu’on me permette d’en rêver au lieu

D’aller travailler au service de la société.

Quelle belle matinée ! La dernière… ici.

 

Après Charybde ou Scylla (je ne sais plus)

J’ai fait un somme sur le trottoir / ici

Seul dans mon paletot avec dans la poche

Un langage bien à moi / incompréhensible

S’il ne m’appartient plus / que cela soit clair !

Quel moment ! Quel beau cauchemar en ode !

Et je n’en suis pas mort. La terre est dure

À la nudité. Mais je n’étais pas nu car

Je dormais tout habillé / ou / je dormais

(je ne sais plus) (je fais tellement de choses)

(je les fais en même temps) (et je m’y perds)

(voulez-vous me suivre ?) l’été c’est l’automne

Et l’automne c’est le printemps / j’enjambe

Toujours l’hiver à la fin de la strophe /

 

Chaque fois que ça veut dire quelque chose

Je prends la poudre d’escampette. Au large

Moussaillon ! Sus à la baleine ! Je me nomme !

Ces discours de pot-au-feu n’entrent pas

Dans ma poche. L’aventure a sa science

Et ses observations. Le travail n’a rien à voir

Avec la poésie. La poésie n’est pas le fruit

D’un travail. Pourquoi dire ce qui n’est pas dit ?

 

Je fous ici ce que j’y fous. Travaillez pour moi.

Nourrissez-moi. Entretenez ma saine activité.

Baignez-moi dans vos baignoires. Montrez-moi

Vos cuisses ô phénomérides ! Crevez déjà morts

Dans vos démocraties, vos corporations, vos lois !

Et laissez-moi vivre dans les marges de la société

Qui est tout ce que je sais de l’humanité.

 

N’est-ce pas, mon chien ? Dire ô dire

Qu’elle n’est plus là ou qu’elle n’est

Nulle part ! Toi et moi sur le chemin,

Caminantes, surtout moi, car tu n’es

Que ce que je ne suis pas : charmé

D’entendre de si justes propos.

 

XXe / la Rhétorique et la Pléiade

En collections éditoriales

À la place de la Poésie

Savantes émulations / et sincères !

Pound et Williams retrouvés !

La Tradition revient / la modernité

S’éloigne / s’éloigne / s’éloigne

Ô princes qui fréquentez les princes !

Que de poésie dans le Poème !

Oh que le Poème manque de Poète !

Didakticos de droite et de gauche.

Période de gelée blanche

Ô rayonnement nocturne

De la Connaissance / Moralistes

De la Forme / Sur le Noël, morte saison,

Que les loups se vivent du vent,

Et qu’on se tient en sa maison,

Pour le frimas, près du tison

Qui dit mieux dit TSE / pauvre poésie

Des municipalités et des facultés !

Que vienne la seule démocratie !

N’en déplaise à l’ami Baudelaire

Qui s’inventa une terrible histoire

Pour retrouver le sens de la poésie

Sans en venir aux mains universitaires

Ni aux pieds des parasites électoraux.

 

Et ainsi de suite / sachant que toutes ces collections

N’appartiennent qu’au Dépôt / que l’historien

En nourrira les marges de sa propre invention

/ Si Dieu le veut / ou tout autre pirate

Du Mérite et de l’Honneur / on ne fabrique pas

La poésie avec les moyens de la poésie /

 

Voilà ce que je sais / et tous ces livres

Que j’ai lus pour ne pas les lire /

Toute cette « profondeur » littorale

De coquillages vides et d’algues mortes /

J’observais d’autres nageurs / plongeurs

Benthiques / artistes sûrs / loin des châteaux

Des princes de l’édition vassaux des clubs

Sur le rocher assis tu contempleras

Le rivage touristique et national

Tandis que les attroupements

Tourneront les pages de sable

Et d’écume / si nous parlions d’amour ?

 

Rien n’est plus beau qu’un défaut de versification

 

Maintenant je sais où est la beauté

Non pas dans la désobéissance

Mais dans l’erreur inévitable /

Quelle différence d’avec

L’imposture post-moderne !

Quelle ode ! Quel aède ! Quel cul

Dont personne ne possèdera la merde

Au bout de sa queue ni de son index !

 

Je l’ai toujours su / cabane dans l’arbre

Que détruisit l’entreprise chargée

De la construction du nouvel ensemble

Immobilier à vocation touristique

 

Ligne droite des points qu’on aligne

Pour ne pas s’attirer des ennuis

Et quand je dis ennui je dis douleur

Sans alchimie ni personnage emprunté

À la chronique la mieux partagée /

Bon sens ne saurait mentir / déclin

De tout ce qui n’est pas inventé /

Chaque matin je mets le nez dehors

Pour « trouver du nouveau » mais

Tu as toujours le nez au milieu de la tronche !

 

L’existence est le seul poème

/ dommage qu’on ne connaisse pas

Le moyen d’en traduire la quotidienneté

Sans être forcé d’en faire le roman /

 

Si je t’aimais comme tu mens

Je serais ton seul assassin

 

Voyez comme la plage noircit

De loin ce n’est plus le rivage

Qui s’impose au regard

Mais à force de ciel

L’invention de la seule comète

 

Chacun peut se croire

Poète de sa propre poésie /

Ô la belle définition de la démocratie !

Mais si j’en crois le vent

Il ne s’agit pas de gouverner

Mais de ne pas se laisser faire

 

Soulignement d’une manière ou d’une autre.

À l’écrit comme à l’oral. Ce vent qui nourrit

Malgré les trompettes de la saison.

Ce qui reste se reforme sans cesse.

L’intermédiaire est élu. Trahisons en vue.

Vous apprendrez à vous fier à anything.

Mais avec talent. Sinon vos besognes

Éditoriales et ministérielles finiront

Dans les myosotis. Avec votre nom.

 

Italiques ou modulations particulières de la voix.

Reconnaissance de ces terrains inaccessibles

Autrement. Drone survolant les limites sans

En franchir les dents de scie. Revenir avec

Toutes sortes de métaphores historiques

Et même nouvelles. Des charretées de tropes.

Vous m’en direz des nouvelles ! Bien sûr le ciel

Les ciels d’autres ciels et cette couleur qui est ciel

Celle de la profondeur. Des plongeurs heureux

De remonter avec des coquillages comestibles.

Ce ne sont pas les charmes de l’ivresse. L’ivresse

Est aussi utile que l’art et même lui ressemble.

 

Chaque matin l’hiver comme l’été se souvenant

De l’endroit où on a enterré son angoisse.

 

Seule une mort inopinée t’en délivrera.

 

Rôdant autour de ce lieu nécessairement construit

À un moment ou à un autre de l’existence.

 

Je hais vos revendications de parasites du pouvoir.

 

En attendant tu ne creuses pas la question.

Cette terre a de la patine maintenant.

Donne-lui la versification de sa langue.

Ou retrouve-toi dans un autre pays

Ô voyageur qui ne voyage pas si loin !

 

Hébétement garanti dès l’entrée en matière.

Des vieux assis. Ils ne meurent pas de faim.

Pas même eu besoin de déterrer une angoisse

Qu’ils n’ont pas enfouie sous terre faute de sens.

L’égoïsme des jaloux et des hypocrites.

Avec pour seuls prétextes des enfants et la patrie.

Chacun se croit magistrat, mais seuls les élus

(fonctionnaires et édiles) le sont aux yeux de tous.

Ce regard finalement porté sur les autres.

 

Moi, ici, et tant que j’y suis,

Je ne suis pas difficile à déchiffrer

Je porte ma solution en exergue.

Comme qui s’en irait nu acheter

La nourriture de sa journée

Avec les sous de sa descendance.

 

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Vous voulez dire « tuer » ?

Je n’ai jamais tué personne

Pas même blessé (cœur à part)

Mais je veux bien essayer

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Mon voisin a des dents d’or

J’ai moi-même de vieux souvenirs

À revendre avec leurs cadres

Au fond du puits j’irai baigner !

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Misez plutôt sur la poésie

Que tout être sachant dire

Peut donner à qui le cherche

Ô le joli quatrain pacifiste !

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Quel bon moment que le moment !

Tout le monde n’a pas le moment

J’ai hérité la belle impatience

Du dormeur qui se réveille enfin

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Ma voisine a des grâces d’aurore

Je gratte le papier tous les matins

Fenêtre ouverte et le balcon

En forme de coquillage vide

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Le carré de gazon et ses chiens

Je reluque l’or de mon voisin

Quand il ouvrira la bouche pour

Me renseigner sur son passé

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Que voulez-vous que je vous dise… ?

Ces voyages avec le retour des bancs

De thon au large de Dakar / je suis

« ravi d’entendre de si justes propos »

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

Le vent et le soleil sur ces éclats

D’une écorce qui est toute ma vie :

Jamais je n’ai autant chanté !

Je ne suis rien si je suis tout.

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

« Ce qui reste d’un métier quand

On a renoncé à l’exercer pour vivre.

Pas même un camarade mort

D’avoir avalé cette saloperie ! »

« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »

L’animal tantôt furieux tantôt si proche.

Jamais indifférent au moment de revivre

Les pires moments de cette courte existence.

Restes que les chats reniflent sans y toucher.

 

« Dites donc… Vous n’êtes pas facile à déchiffrer…

J’en ai lu assez pour en penser quelque chose

Mais pour ce qui est du sens, j’y reviens pas ! »

 

Ils voulaient foutre Beckett à la poubelle.

Au feu ! précisa l’un d’eux. Tête d’abruti.

Il porte sur lui la « tragédie » de l’imbécillité.

Colosse qui se donne en spectacle bras en croix.

Le sang est factice. Du sirop ou de la confiture.

Une vierge (prétendue telle) secoue sa chevelure

Baignée de soleil et de larmes gouttes de verre

De pacotille. Un gosse exhibe sa boule de cire

Plus grosse que celle des autres gosses. Christ.

 

Zapping à tous les étages. Mort dans l’ascenseur.

Le bout du cercueil se met à râcler la paroi de béton.

« Quand vous aurez le temps, pensez à ramener

Les fleurs… » Les fleurs… J’y pensais en revenant.

Le même bouquet déposé sur son paillasson

Un an plus tôt. Qu’est-ce qu’on s’est aimé(s) !

 

Quel mal y-a-t-il à tuer un flic ?

Vivement qu’on robotise la profession !

On numérisera la nôtre qui consiste à…

 

L’eau du canal. Cette opacité verte.

Dessous, le cadavre est immobile. Impossible

De dire qui c’est. S’il est venu de loin. S’il est

Plutôt d’ici. J’ai pensé à Marie Roget. Journaux.

C’est là-dedans qu’on se retrouvera à la fin.

Ayant élucidé le mystère de notre passage.

Une péniche attendait le signal. L’écluse

Bouillonnant. En attendant. Revenez

Sur vos pas si vous n’attendez pas. Conseil.

 

L’interruption est le principe même de l’action.

Si vous n’interrompez pas le cours du texte,

(C’est un conseil) le poème prend vie et alors

Oui et alors vous ne saurez rien de la mort.

Interrompez avant d’être interrompu. Loi

Anti sérielle. « Vous êtes sur le point

De devenir un auteur de romans policiers. »

 

Beau moment que l’intention.

Je suis difficile à déchiffrer.

Naguère mon chien était un chien.

Je ne la nommerai pas, elle !

 

Une bonne histoire qui a valeur de fable.

Une autre qui servira la Chronique du Bien.

Alternance des choix.

Ce chien ne vous servira à rien

Si vous n’aimez pas la chasse.

Méfiez-vous de votre voisin.

Il y a de l’or dans sa bouche.

Sa langue caressant cet or

Chaque fois qu’il me parle

De son passé. / Ne pas dire Elle mais /

 

Tête noire d’une mésange dans les branches d’un prunier.

Quelle ode au rossignol qui chante à votre place !

« Manque un doigt à votre main… » dit-il, l’or

Scintillant et sa langue si proche de ce que j’en sais.

Sa femme est un homme et l’homme sa femme.

Il ouvre un livre (à moi) à la bonne page : Mentez

Si vous voulez, mais ne le dites pas avant de mourir !

Rire de la femme. Aux éclats. Mon slip retient

Une érection. « En effet, dis-je, je fus ouvrier et… »

 

Laissez l’esprit dans les ornières et sautez le ruisseau.

Difficile à déchiffrer : comédie de l’interprétation.

Entre l’impression et le désir (composition) : festin.

Avant le voyage. « Préparez-vous à mourir. »

Par justice. Justice de citoyen et non de philosophe.

« Puis-je… avant… ? » Vous ne saurez jamais

Ce qu’il a vu avant de… Même source au suicide.

Vous en saurez plus sur la maladie. Ses implications.

« Ce que nous avons en commun, c’est la prière… »

Tuez-les par injection de plaisir. Conscience plus tranquille.

Mais le ruisseau de l’aveugle donne contre un mur.

Le petit Lazare éjaculant son rire de pervers littéraire.

« Ne partez pas sans un lazarillo. Vous vous perdriez ! »

 

Poésie de ce qui vient à l’esprit. N’importe quoi plus

N’importe quoi. Addition mais pas multiplication.

N’importe quoi n’égalant pas n’importe quoi.

Ou alors par hasard. Et alors ce hasard… Quel plaisir !

 

« Toute cette profondeur… » Nous touchions

A la fin du Voyage. Auteurs de ce voyage.

Ils mirent pied à terre. Terrasse des cafés

Bondées. Bérets de coton des filles légères.

Phénomérides. Combien de temps avons-nous

Passé ensemble ? Quels couples ? Quel

Solitaire ? Un seul à la proue. Lisant

L’illisible pas encore déchiffré. Trop

Contemporain. Sautez le ruisseau

Des vers incompréhensibles. L’ensemble

Ne vous charme-t-il pas ? Cette cohérence !

 

Les pas qui nous précèdent.

Je suis si facile à dé à déchiffrer.

Le même sang coule dans nos veines.

Il est à vous, ce chien… ?

 

Ce chien et le fils de ce chien et la fille

Disparue dans le néant de l’instant.

 

Vous n’aurez pas l’palace et la manière.

Vous dites : facile ?

Qu’est-ce qui est facile

Si ce n’est pas beau

Que vous vouliez dire ?

 

Je voulais dire : cette eau du canal

Verte opacité

Et le visage dessous

Avec ses poissons

Et sa poussière d’algue.

 

Où nous mènent nos promenades

Si nous épousons l’air ?

 

Mon voisin et sa dent d’or.

Sa langue nationale.

Sa femme qui est un homme.

Ce qu’il considère

Comme sa propriété.

Le couteau pour trancher.

Là-bas, la rivière invitait.

Pique-nique des erreurs.

Les petits animaux.

Nous sommes étrangers

À la Création.

Revisitez nos cimetières

Avec cette idée dans la tête.

Petit à petit l’oiseau…

Ne prenez pas cet air !

Nous aimons nous aussi

Les caramels moux.

Mous… pas moux.

Chaque mot plus précieux

Que celui qu’il suit

Pour former le lit

Des conversations.

« Je suis un type sérieux ! »

Pas moi. Je me connais.

 

J’ai tout essayé. Même le pire

En matière de prosodie et de versification.

Sans un roman à la clé, vous quittez le chemin

Pour traverser les champs. Clochers des églises

Comme seuls repères.

 

Les pieds dans les mottes de terre gelée.

Une alouette qui attend.

Le café scintille le soir à cette distance.

On m’y attend. Les dés.

Ton sourire au pied de l’escalier.

Tu voudrais que je sois ton poète.

Mais je ne veux pas d’enfants.

Je suis la conclusion de ce sang.

Je l’ai toujours su.

Je ne raconte pas d’histoires.

Est-ce l’écriture ou la langue ?

 

Tu veux souligner. Je souligne.

 

Une versification à la portée de tous.

Pas de chichis universitaires.

Chacun sur sa page creusant

La tombe de son personnage.

 

Quelques objets d’art pour la frime.

Mais la poésie est ailleurs.

Ou elle n’est pas dans le poème.

Qu’est-ce que le contraire de l’objet ?

Je veux dire : dans ta langue… ?

 

Mon bison séminole avançait au ras de l’eau

Que le vent froissait comme feuille de papier

Dans la main de celui qui n’a pas écrit ça.

 

Les gens ne vous veulent pas du mal.

Ils souhaitent seulement survivre

Le plus longtemps possible

Sans ennuis. Ils connaissent

Cette alchimie. Depuis le temps !

 

Ces vocations et ces fonctions…

Qu’avez-vous compris de mon explication ?

 

Éclats de page.

Gouttes d’une rosée rayonnante.

Le flux interrompu.

Maintes fois interrompu.

Les interventions familières.

La dent d’or du voisin.

Les attroupements autour

D’une idée vague mais prégnante.

La page ne se structurera pas.

« On n’a jamais vu ça ! »

Brandons du blanc non écrit.

Le feu invisible. J’aime.

 

Sans anecdote (rhétoriquement simple)

Ni sentiment (moralement pur ou parfait)

Le conneau n’entrave pas. Est-il humain

De ne pas reconnaître sa propre indigence ?

Quel débat ! Quelle ode ! Quelle situation !

 

Entre la mort et l’autre, mon ode situationnelle.

Qu’on la chante ou pas ? Et que ça me chante ou non ?

Choisissez bien votre animal sacrificiel.

Port de cornes recommandé par la tradition.

Sabots exigés. Et dans la bouche de mon voisin,

La dent d’or de la langue qui s’y frotte. Anything :

Je ne le dirai jamais assez : ne venez pas nu.

Habillez-vous comme si vous alliez combattre.

Ne tuez pas avant. Attendez le moment. Priez.

Vous ne savez pas à quel point c’est difficile.

Vous n’en déchiffrerez pas les arcanes.

Munissez-vous d’un portevoix. Évitez de crier

Pour ne rien dire. La douleur est conseillée.

Si vous ne savez rien des raisons de votre ennui,

Écrivez pour empêcher les autres d’écrire.

 

Balançoire des dessous.

Grisaille d’un temps à venir.

En excellentes conditions,

Le combattant enfourcha le bison.

L’autre était à pied,

Muni d’un bouclier

Derrière lequel il cachait

Son arme. Ismaël applaudit.

 

Les salles de spectacle sont les bordels nouveaux.

On paie à l’entrée et à la sortie.

N’applaudissez pas sans mains.

Et si vous êtes doués pour les travaux manuels,

Comportez-vous comme si vous étiez aimés.

« Le conseil tomba dans l’oreille d’un sourd. »

 

Je n’ai jamais autant aimé

Qu’en compagnie d’une femme.

 

Le chien n’est pas un animal comme les autres.

Aboyez avec lui. L’honneur et le mérite vous reviendront.

Et si l’objet de votre amour a disparu comme ça

(geste des doigts) ne revenez pas sur les lieux

De sa disparition avec le même chien. Sourd.

 

Cette chanson est un trophée

 

Si tout ceci avait un sens,

Vous seriez mort depuis longtemps.

Heureusement c’est dénué

Que j’avance ces hypothèses.

 

Comme la ville est proche

Quand on est à la campagne !

Je soupçonne vos jupons

Ô jolie brin de fille en fleurs !

 

J’arrive en carrosse Citroën.

Juste derrière l’autocar au cul

Farci de ma publicité.

Quel sens de la poésie il a !

 

Cette chanson est un trophée.

La dentelle de vos jupons

M’a donné le bison.

Je rentre en bicyclette.

 

Charmantes fenêtres de liseron en bouton.

Les matins ne sont pas tristes mais on pleure

Sur les trottoirs de l’école. Menacez le temps !

Il vous donnera la pluie et d’autres gouttes

Dont vous ne saurez jamais rien, écoliers !

 

1º) Étant donné le tour du propriétaire

Effectué au XXe siècle pour connaître

De la surface littéraire possible

2º) Étant donné le nombre d’œuvres

Modernes et post-modernes

Jetées sur le tapis de l’édition

3º) Étant donné que tout est fait

Et que refaire ne fera pas connaître

Plus et mieux : sauf plaisir du particulier

4º) Étant donné le retour aux classiques

Dans tous les genres que l’on connaît

: savantes et populaires compositions

5º) Étant donné que cette pratique

Confine à la médiocrité des œuvres

Considérées comme « objet d’art »

6º) Étant donné que sans l’invention

D’un genre nouveau : inconnu

Jusqu’alors : le piétinement

Constituera l’exercice commun

 

Piétinement : pieds, foule, stagnation.

Bruit : je n’ouvre plus ma fenêtre.

L’écran occupe toute la place : mur

Tapissé de nouvelles qui n’en sont pas.

Journal versus poésie : toujours : mur

Vu de l’intérieur : dehors : pourrissement

Des couches apposées en un autre temps :

Nous n’étions pas plus heureux. Anything.

Ces morceaux de la réalité quotidienne.

Apparences recommencées par habitude.

Habitude dans la continuité de la contrainte.

Chercher la peur : sa rhéologie : son herméneutique.

Il y a longtemps entre l’ennui et le piétinement.

Nous avons perdu quelque chose

Faute d’avoir trouvé autre chose.

 

Moi au moins j’ai mon bison séminole !

 

Il n’y a pas plus d’enfer

Que de beurre en broche :

Je suis facile à déchiffrer.

Si facile que je tombe

Amoureux fou de la moindre

Sollicitation sexuelle.

 

Toute considération morale est un plan.

La manque d’épaisseur est évident.

Il faut chercher ailleurs.

Mais on ne cherchera pas ensemble :

Parce que c’est impossible.

Ensemble : on jouit l’un de l’autre.

On ne s’aventure pas.

Sauf en cas de viol.

Mais c’est interdit par la loi.

L’alcool remplace la drogue

(Bukowski)

Or la drogue est

(pour l’instant :

en l’état actuel de nos connaissances)

La seule solution des hypothèses.

 

Faute de mieux

Mieux : sans risque

L’ersatz genre corrida

Ou même combat à mort.

Encore mieux : sport à sensation.

Manèges des foires.

Voyage sans billet.

Exhibitionnisme masqué.

Etc. Liste établie

Au cours de la composition

D’une poésie de rhétoriqueur.

 

Faute : non : erreur de mieux.

Constellation du Taureau.

« Qu’est-ce que je fous ici ? »

La seule question qui peut encore

Servir d’incipit au poète sans poésie

(pléonasme)

Redondance dans un programme.

Il ne s’agit plus de tourner en rond

Mais d’aller droit dans le mur.

Le jour ou l’autre, roman.

 

Vous n’aurez pas ce qui vous revient.

Mais par quelle loi tombée du ciel ?

Ah… oui, ce ciel goûté comme un ice-cream.

Langue dehors de l’enfance qui persiste.

« Je ne veux pas travailler ! Je veux…

VIVRE

» ces petites choses sans poésie

Forment-elles le poème ? Try it !

Et après ? Et après le plaisir solitaire…

Ces corps doué de la parole

Et quelquefois même de génie…

Le vent secoue les volets ce soir.

Paresse au moment de sortir

Pour les fermer une bonne fois pour toutes.

Le mégot suit les traces de sa fumée.

Jamais vu ça ici. Nous possédons tous

Les mêmes choses. Le prix seul

Dépend de la qualité. Tous au même stade

De l’évolution d’un travail

Qui ne vaut pas la peine

Qu’on se donne à le gagner.

Le mieux serait de disparaître

Uniquement parce qu’il est impossible

D’anéantir le reste du monde.

Reste du monde : toi y compris.

 

N’ouvrez plus le dictionnaire.

N’entrez plus dans les musées.

Ne lisez que vous-mêmes.

Et suicidez-vous à la fin.

La fin : mal définie

Ou pas (encore) définie

Selon ce que chacun

Sait de l’autre.

 

Alors : vous savez : vos attroupements…

Ces plages noires vues du rocher

Où je participe mais sans plonger

Aux ébats des plongeurs fous

Qui éclaboussent mon œuvre.

 

Œuvre : (décidément !) nontravail.

Pourquoi ne suis-je pas devenu voleur ?

Le vin moins risqué que la drogue.

(Bukowski)

Mais quoi à la place du voleur… ?

Ce poète sans poésie /

Sans rhétorique ni ribambelle.

Bien sûr il y a Villon et Ronsard…

Et ces ciels de fenêtres aux volets

Battus par le vent. Ces orages

En forme de récits aux personnages

Ni vrais ni mal conçus. Ne pas travailler

Mais ne pas risquer sa peau chez les autres.

Ça ne tient pas debout.

Raison pour laquelle je vis couché.

 

En l’an soixantième de mon aage,

Je ne me sens pas coupable

De ne pas avoir au moins détroussé

Le bourgeois ni ses pauvres larbins.

Pas même tué un. Quel plaisir

Rimbaud éprouva-t-il

D’avoir tué un ouvrier rebelle ?

Aucun je suppose. Pas le temps !

Fuir. Et profiter de l’avantage de la race

Et des principes du colonialisme.

Heureusement que je ne me soucie

Pas de morale, ô mec ! Ni de beauté

D’ailleurs. Pas très savant non plus.

Et immobile dans cette espèce d’action

Qu’est l’écriture en chambre close.

Pas le moment de tout remettre en question

Et pourtant… Exploration de l’intérieur

Habité pour ne pas sortir trop souvent.

 

Mon bison. Séminole. Le sacrifice.

La croix menace et signifie.

Le croissant impose ses lunes,

Beau langage. Mais Dieu

N’est que le personnage

De nos personnages.

Je préfère Faustroll et Gor Ur.

Je voyage avec eux

D’île en île

Et d’inconnue en inconnue.

 

J’crois bien que je ne trouverai rien ici.

Chercher ailleurs ?

Mais je ne cherche pas.

Pourquoi s’éloigner

À la fois de mon enfance

Et du lendemain ?

 

Pourrissement dès que cesse le piétinement.

Pharmacopée désignée pour reculer l’échéance.

La médecine sociale impose ses limites, hélas !

Les enfants ont besoin de place.

D’autant que le peuplement prend des proportions

Jamais atteintes ou pas possibles depuis longtemps.

Laissez-les venir à moi. Je suis cloué dans mon fauteuil.

J’ai mes gardiens et mes pleureuses. Venez.

Approchez de mes travaux. Je ne mords pas.

Mon chien non plus ne mord pas depuis…

Ne touchez pas à mes médicaments !

 

Où es-tu si tu n’as pas disparu ?

En quelle contrée de ce nonenfer ?

Tu disparaitras toujours, n’est-ce pas ?

Mais ce n’est pas à toi de répondre.

D’ailleurs, je ne me souviens pas

De t’avoir jamais entendu parler…

 

Nompoésie. Heureux de t’avoir connue.

 

N’allez pas croire, ô gilets,

Que ce nonenfer suppose

Un nomparadis. Le paradis

Existe. Mais faut y aller…

Et je connais le chemin.

Tout le monde le connaît.

Juste avant de mourir :

(tué dans un combat

ou pendu au bout d’une corde)

Vive ce moment de Connaissance !

 

Ce sera la dernière action :

(et peut-être la seule

si la chance est unique)

Mais avant, le roman

S’interpose et joue

À notre place le personnage.

 

Imposture ? Tu parles !

Foutaise pure et simple.

Plaisir du solitaire appliqué

À l’autre qui en sait trop.

 

L’armoire à confiture ou le frigo.

Langage des chiens à peuple.

Sortant il s’élance à la mer

Ou à la nature qui le reçoit

Avec des printemps d’été

À l’aube de futurs voyages.

 

Jupons de la grand-mère

Accrochés à la place des œuvres.

Dieu n’est pas loin, aux aguets,

Avec ses écritures de facteur

Et sa pléiade de commis.

 

Voulait écrire un roman

Et s’est épanché entre

Ses pages obstinément

Blanches et mortes feuilles.

 

Heureusement ô bison

Je n’ai pas eu à vivre

Ces instances du cœur !

Ramenez la peau tannée

De vos animaux au logis

Qui préfigure le tombeau,

Panthéon des peintres

En mur et en enseigne.

 

Refaites-moi le coup et je vous imite !

 

De quoi ai-je vécu

Sinon de cette imitation ?

Je n’ai pas trouvé la femme

Pour porter mes enfants.

Mais j’ai mon bison américain,

Marais parcourus des frissons

Que l’hélice prend au vent.

 

Voulez-vous m’inviter ce soir

À partager le repas de vos rêves ?

Ce que vous appelez sommeil

N’est que la nuit nécessaire.

Trouver Dieu dans ce lit

Revient à accepter l’idée

De viol. Dans la cuisine

Sur la table entre les chaises,

Vos intentions alimentaires

N’ont rien de turgescent.

Pas plus que vos figures

Dont la moindre est une grimace.

Vous n’avez pas de bison.

Pas la main sur cette croupe

Qui vit Buffalo Bill bondissant

Comme le Basque sur ses parois.

« Un molinete belmontenio, por fa’ »

 

…for the poet there are no ideas but in things.

 

« …la négation même de l’esprit de révolution nationale. »

Ah ! l’envie que j’ai eu d’écrire un poème

Après ça ! Collégien avant 68 / Breton encore

Vivant. Le corset en exemple / Hemingway

Au passage. Pas d’autre écriture. Tu verras.

« C’est-y qu’vous peinturer avec des idées

? » Je me suis mis à regarder les choses

Pour en comprendre la place dans la

Proposition. Introduite par / un système

De poulie élevait les tuiles à la hauteur

Des funambules. Chant nationaliste

Tandis que l’enbata menaçait le château

De Charles Quint sur le flanc du Jaïzquibel.

L’anthologie dans la poche. Et 50.000.

« T’as envie de ressembler à Mirabeau,

Toi ? » Mireille descendant l’escalier entre

Les arbres. « On t’a mis des choses dans

La tête ! » Analectic Songs. Le poème

Depuis si longtemps en chantier. C’est

Autobiographique, ça. Et ça n’a rien à

Voir avec la coulée dont j’essaie vainement

D’arrêter les effets sur mon existence

Actuelle. Aveuglé par sa propre graphomanie

Il continue jour après jour et ne voit rien la nuit.

Chaque coulée aspirant les autres

Par intermittences comme s’il n’y

Avait pas d’autres poèmes « à faire »

 

Des choses, sans doute, mais avec

Une petite idée de comment les

Faire entrer dans la maison.

 

Ces petits bourgeois me donnent la nausée.

Jamais eu l’occasion de serrer la main

À quelqu’un d’aussi veinard qu’un héritier.

 

Le sirventès comme la langue, dans

La bouche. Ne saura jamais fermer

Sa gueule au bon moment. « Je vous

Envoie de quoi payer votre loyer. »

 

Jamais eu l’occasion de fuir. D’ici.

Trouvé de quoi me nourrir ici.

Des rencontres ici ou là. Travaux

Des champs. Relisant Vingtras

Une fois l’an. Et les Travailleurs

De la mer. Archipels. Combat

Les pieds ancrés sur un rocher.

 

Mais une nausée sans philo.

Bonjour à la dame qui se propose.

Au monsieur qui paie le loyer.

À toutes espèces de bonnes

Gens. Bonjour et au revoir car

Demain n’est pas un autre jour.

 

À peine arrivé le bison voit une bisonne.

« Possédez-vous cette fenêtre mon bon

Monsieur qui s’y penche sans prudence ? »

 

Voyagez sur le fil tendu

Entre la peur

Et la foi.

 

Aurons-nous le temps

De nous connaître

Sans briser nos chaînes ?

 

Quel plaisir le viol !

Puis rentrer chez soi

Et aimer ses enfants.

 

Dans le frigo

Poétique

Et familier

(Familièrement poétique)

La tranche

De femme

Ou d’homme

Au méridien

En sauce.

 

Contrarier.

Toujours contrarier.

Mais dans le dos.

Voix déguisée.

 

Bisonne empaillée.

 

Oh ! que ça ne dise pas grand-chose.

Et que le sous-entendu soit peu

De chose mais tout !

 

Chérie !

 

À six heures il sort en grève.

Au passage le perroquet.

« Je savais ce que je voulais faire

Mais maintenant je sais plus !

Que le ciel me vienne en aide !

Je ne veux pas vouloir mourir ! »

 

Mira, mira Maruxina mira…

 

Comment ne pas rêver ?

 

mira como vengo yo

 

« Qu’est-ce qui me retient, merde ! »

 

On a tous eu ce père.

Et quel père est-on devenu ?

 

Les bourgeois deviennent officiers.

Les autres suivent devant.

 

Belle bisonne en peau de couille

Héritée de Joaquin Murieta.

¡ Que brote la sangre !

Nous aurons des enfants saint-cyriens.

Et même un académicien.

Et tant pis si ce n’est pas le tien !

Je serai pas venue pour rien…

 

Tra la la

 

« Qu’est-ce que tu veux me raconter,

Mon petit ? je sais déjà tout. Veux-tu

Que je te dise ? Ça m’a servi à rien,

Nom de Dieu et merde à sa vierge

Républicaine ! » Tra la la itou

 

Les zaps quotidiens.

Au moins une heure

Par demi-journée.

Héritage familial.

 

Vertus théologales :

Dieu objet : charité, espérance, foi :

Je t’en mets trois tartines bien beurrées

Avant la messe, ma pute !

Ou trois piliers.

Comme tu veux, ma moitié.

Nous aurons des temples

« Comme des chairs d’enfant »

Nous aussi…

 

Déchiffrer ce type qui n’en vaut pas la peine.

Mais de quelle peine parlez-vous donc, jean-foutre ?

Bien sûr il y a le ciel, ses bleus, ses gris, le blanc

D’un soleil digne de Lorca. Le rose de la rose, blanc

Lui aussi dans cette lumière andalouse. Un type

Pris au piège de sa ville ou en proie à ses démons :

Lequel ? N’hésitez pas à revenir pour y goûter

Encore. Chair d’enfant et morte saison : poème

Sans prosodie (donc sans langue) ni versification

(donc ne chante pas) Chaque heure un violeur

Exprime son ennui ou son désespoir. La ville

Cache ses mains. Coulant comme un fromage

Hors de ses limites. Polluant fleuves et champs.

Qui serons-nous quand nous ne serons plus des hommes ?

Je dis ça comme ça : sans pratique de la vertu :

Surtout si elle construit le personnage suprême.

Le blanc de la blanche. N’éclaircissez rien d’autre.

Les lavoirs ont disparu. L’eau y nourrit des fleurs

Et des poissons rouges. Vieillards nostalgiques

Encore. Il en reste. Lorgnant le mollet des filles

Qui sortent du lycée en jupette. J’aurais l’œil

Moins informé si ça m’arrive un jour. Comment

Se libérer de la ville sans se perdre dans la campagne ?

 

Comme le poème est beau sans poésie !

Mais qu’est-ce qui leur a pris de mettre

De la poésie dans le poème ?

 

Je ne sais pas si je suis démocrate…

Mais cette expérience est si passionnante !

Voir même le plus bête d’entre nous

Glisser son choix dans la fente

Avec le sentiment d’appartenir à la communauté

Par ce lien si simple, si facile et rapide avec ça !

Sans forcer sur les reins ! Et même jouissif…

 

La première fois que ça nous arrive d’être aussi têtus.

Et on pense si sincèrement à notre descendance !

On a bien l’intention de ne rien laisser au hasard.

Dire que je ne serai pas là pour amuser les enfants !

 

Je ne dis pas que c’est dur

D’en avoir pour encore si peu.

J’en ai tellement marre…

Ça me soulagera même

Si je dois souffrir…

(Propos recueillis par le scribe)

 

Belle soirée sous la Lune en compagnie

D’un être caressant et consentant (c’est

Rare de nos jours) / Envie de revivre ça

Autant de fois que c’est encore possible.

Je me contredis beaucoup ces temps-ci.

À l’approche de cette disparition en nu.

Mon chien vient de crever / mauvais jour

J’ai oublié un tas de choses que je ne

Pourrais pas écrire de toute façon /

À quoi bon s’en inquiéter ? Rien n’est

Moins sûr que demain. Plus de temps

D’arrêt. Ça file dans le mauvais sens.

 

J’ai un bison. Je ne sais pas

Si vous le saviez déjà… oui

Ou non. C’est comme ça

Qu’on meurt. Oublié par

Ceux dont la mémoire est

D’or. Ça ne me fait même

Pas chialer. Mon cœur s’est

Endurci dans l’eau de trempe

Ou par l’écrouissage au vers.

 

…for the poet there are no ideas but in things.

 

Ouvrant les choses comme des boîtes de conserve.

L’oiseau qui semblait observer la surface d’une feuille

D’albizia en réalité se… Mon voisin ouvre la bouche

Et sa langue maintenant c’est évident n’est pas celle

Que je croyais nôtre / « demain est un jour tranquille »

In things. La chose naturelle comme celle que l’industrie

Expose dans les vitrines de nos appartements cossus.

Ainsi vont les idées. Il suffit de se baisser ou de s’élever

Pour changer les choses par rapport à la ligne d’horizon

Ainsi mise en œuvre / je pensais que cette langue était

Celle de nos lois / jamais observé autre chose que l’oiseau

/ « ces fils de pute » / le crapahut des choses rencontrées

Au hasard ou non sur le chemin ou en appartement.

Comme la vie est belle quand tout est moche ! In things.

Ailleurs le salaud et le pédant vous changent la vie

En enfer / que je croyais nôtre / mais la pluie s’est

Mise à tomber en plein repas sous les arbres nus

De l’hiver / jamais hiver plus doux que celui qui

Précéda cette noble guerre / le fascisme. Un œil

Pour larmoyer et l’autre pour / ah ! ce que demain

Est tranquille alors que tout s’achève en tragédie.

 

« Nous ne savons plus la poésie, » dit-

Il se souvenant qu’il avait commencé

À en écrire à l’époque où des généraux

Voulurent changer la république / aimer

Son prochain comme on aime partir.

 

Assis sur une murette ensoleillée,

Il comprit qu’il n’avait jamais aimé

Quelque chose de beau en poésie.

 

En dehors des poèmes déjà connus

Rien de beau en poésie pas même

L’effort contenu dans sa bouche.

 

Ne venez pas pleurer dans mon mouchoir

Si ça ne vous chante pas. J’en ai connu

De plus / dites-le ! Ou taisez-vous à jamais !

 

Un chapelet de pierres chaudes

Sous les racines de l’arbre fruitier

Que le voleur a laissé nu et seul.

 

Plus loin les tombes se laissaient visiter.

Visages venus de loin pour chercher.

Lui était étranger et il n’aimait personne.

 

Anything / but in things. Quel mois

Est plus cruel si le printemps n’est pas

La solution de l’hiver ? C’est toujours l’été

 

Que je reviens en voleur de bouquets.

Une fois le gardien m’a poursuivi et

Je l’ai distancé avant de ne plus revenir.

 

Comme les choses sont belles

Si la majorité les trouve moches !

 

On ne change pas.

Mais on change.

 

De la fenêtre je me jette dans la rue

Sans quitter mes pots de fleurs du regard.

Exploit qui me vaut le titre de joueur.

Mais quid de la chance ? Pas un mot.

 

J’ai bien observé vos petites danseuses.

Que de couettes envolées !

Ouvrez-moi n’importe où.

Je suis facile à déchiffrer.

Comme un lazarillo allemand

Acheté avant le voyage.

Avez-vous bien dormi

Dans la couchette voisine ?

Pourtant le sens du train…

Et toutes ces sortes de banalités.

 

Non. On ne change pas.

La fortune nous sourit-elle ?

Nous changeons quelque chose

Qui n’a pas vraiment changé

Mais un acte est un acte

Comme un contrat est un contrat.

 

Imprimé dans le pays d’origine.

On a ce genre de choses dans les bagages.

On ne cherche pas longtemps pour retrouver

Cette promesse de chemin.

 

Dire que j’ai quitté ce rond-point

Pour écrire ça !

 

Me laissant guider par le clocher

Perdu dans le brouillard que l’hiver

Dispense aux promeneurs têtus.

 

Un café ? Oui je veux bien mais pas serré.

Je joue aux cartes aussi oui le tapis les dés

La buée sur la vitre et les passages tristes.

 

Je ne sais pas à quel moment je vous ai le plus haïs.

 

Retraites mi or mi flanc.

L’un ne voulait plus payer d’impôts

Sous prétexte que les pauvres

Seraient moins pauvres

S’ils en payaient comme tout le monde.

« Vos vers sont difficiles à déchiffrer. »

 

Qu’est-ce qui court dans vos cheveux ?

Nous avons oublié nos pensées de l’époque.

Lève la patte et va voir ailleurs, des fois…

 

Faulkner pensait que le romancier

Est un poète raté.

(Je sais pas où j’ai lu ça)

Je ne suis pas loin de le contredire

Mais est-ce bien contradiction que cela :

Le poète est un romancier raté.

(Seul W.C. Williams…

Mais Baudelaire ? Rimbaud ?

Même Verlaine… ?)

Le type dans sa ville.

Avec ses journaux. Marie Roget.

Il y a toujours un mystère sinon…

Sur le chemin des églises

Jusqu’à ce que Mohammed…

La Lune contre le mauvais temps.

Le change n’est pas favorable

En ces temps de disette morale.

 

Ce type n’aimait pas son existence.

Mais il aimait celle des autres.

C’est comme ça qu’on devient poète

Et donc romancier de bonne source.

 

On le voyait déambuler dans les rues.

Les places n’avaient pas de secrets pour lui.

Il entrait dans l’église comme dans un café.

Qui ne l’a pas salué au passage ?

 

Comme ces gens sont proches de la poésie !

Et pourtant si éloignés du poème…

 

C’était là une de ses pensées les moins

Difficiles à déchiffrer. Il y en avait d’autres

Que personne ne s’avisait d’approcher

Comme s’il s’agissait de poésie.

 

N’ouvrez pas le bocal des dents

Sans la langue prête à tous

Les sacrifices / Ne mentez pas

Aux enfants qui ne savent pas

Encore mentir sans se faire

Attraper / logorrhée des fâcheux.

 

Comme le bavardage est à la mode !

Regardez la belle putain qui se dénude :

Que de commentaires à son propos !

 

Et ça chante jusqu’à produire de l’effet

Même sur les esprits les moins enclins

À considérer les choses de l’amour

 

Comme le meilleur moyen de rencontrer

Dieu et ses fils / en assemblée constituante.

Mais c’est pas gratuit et on y réfléchit

À deux fois avant de / quelle épouse le sait ?

 

Sur le terrain des manifestations autorisées

Le flic se comporte en collaborateur zélé.

Mais si c’est interdit de se trouver là

Que pense-t-il des enfants abandonnés

Dont la Nation ne veut à aucun prix ?

 

Et la question revient comme Médor :

Qu’est-ce que je fous ici si je suis déjà venu

Hier et tous les jours qui ne sont plus ?

 

Si vous n’avez pas la langue fondue

Dans le même or que vos dents,

Ne vous adressez pas à la Nation :

Personne ne votera pour vous.

 

Je suis seul et ce n’est pas une ville.

Les murs forment un rectangle parfait.

Qu’est-ce que la perfection sans le carré

Et le cercle qui le contient tout entier

Ou y habite en tranquille tangente ?

 

Je suis seul et la ville n’est pas la mienne.

Je n’habite ici que faute de posséder

Ma propre maison sinon / cet ailleurs

Dont je ne connais pas le nom /

 

Vous aimez les chansons

Mais ne savez chanter.

Donnez-leur la leçon

De votre surdité.

 

Petit quatrain qui se perdra

Dans la vague mourante

Des vacances à l’étranger.

 

S’agit-il de tuer le temps ou de le retrouver ?

 

Chérie.

 

Chien témoin de la disparition.

Est mort ce matin d’une crise cardiaque.

Enterré aussitôt dans le jardin.

Revenu en chambre pour écrire.

À midi repas sommaire sans appétit.

 

Dessiné une ombre sur le mur.

Figure ce que je sais d’elle.

Pas de mot pour le dire.

Même emprunté à Poe.

 

Cette solitude finira

Par tuer le bonhomme

Qui veut témoigner

Avant que la nuit

Tombe sur tout ça.

 

Des années pour suivre le fil

De cette lente observation.

Rien de beau mais c’est vrai.

Quelquefois le personnage

Revient frapper à la porte.

Un détail qu’il a oublié…

À l’intérieur on se met à l’aise

Devant un verre et la fenêtre

Reçoit les pluies de l’industrie

Et des déplacements à l’équerre

De cette surface revisitée.

Des années et quand je dis

Des années c’est des années !

Comme j’ai attendu votre visite !

Vous avez enfin frappé à la porte.

Le gars a déguerpi sans demander

Son reste / et on a pris un verre

Et on s’est souvenu / et la bouche

A retrouvé le fil de toutes ces années.

Je n’en demandais pas plus.

 

C’est promis : plus de poésie.

Je veux dire (que ce soit bien clair)

Plus de poésie (adverbe négatif

Et non plus comparatif comme

Vous en baviez au temps

De notre jeunesse commune)

 

Et c’est bientôt fini : on s’arrête

Pour revoir le train passer

Dans la même gare rénovée

Depuis peu : vous revenez.

 

Votre blanc manteau secoué

Devant la porte encore ouverte,

Les poussières prennent le chemin

Du retour à la case départ.

 

On ne recommencera plus.

On s’arrête et on attend.

Et en attendant on s’aime.

Quel plaisir tout de même !

 

Et quelle forme l’attente !

Ni fumée ni géométrie.

Elle vous ressemble au fond.

Prenons un autre verre.

 

Voulez-vous que nous descendions ?

J’ai creusé ce trou pour vous.

En pensant que vous ne m’aviez pas oublié.

Creusé sous la maison héritée.

Quel bourgeois s’en soucie ?

 

C’est là que je relis les poètes.

Les seuls romans que je relis.

Trou dans la terre de mes fondations.

À la rencontre des diagonales

De ce rectangle conçu pour vous.

 

Je n’ai jamais autant ri

De ne pas savoir pleurer !

L’humour naît pourtant de la tristesse,

Du deuil, des voyages interrompus.

Descendons cet escalier

Et ne remontons plus jamais.

 

Dans ou à la surface des choses.

Je ne me souviens plus

De ce que vous pensiez être

Le meilleur pour moi et mon cœur.

 

Dans la bibliothèque ou dans la cuisine

Lisons. Lisons ensemble ce que nous avons lu

Avant d’écrire. Le frigo en est plein.

 

À travers le carreau regardons

Ce que la télé nous cache.

Nous n’irons pas menacer

Les ors de la république.

Nous mourrons ensemble incognito.

 

Ce droit qui n’est pas le nôtre :

Droit d’être et de le paraître.

Reprenez le verre et parlez

La langue dedans et le cœur

Ouvert à tous les cœurs.

 

Ah ! comme la romance est inutile !

Toutes ces rimes qui se perdent

Dans la cacophonie des moteurs !

Ici la voix n’est plus la voix.

Ne comptez pas les marches !

 

Comme elle est lente cette descente !

Et comme elle serait longue sans vous !

 

Le cœur est une façon de parler.

Ce n’est que cela, rien de plus.

Sous terre l’esprit est à l’étroit.

Mais deux en un c’est bien joué !

 

Marches qui montent vers la ville, descendez !

 

Je ne vous ai pas tout dit : devant le portail

Un poète flashe l’affiche et s’en retourne

D’où il vient sans doute / nous échappons

Ainsi à toute rencontre dont l’un serait

La dupe de l’autre / il faut parler aussi

(puisque le débat est ouvert à tous)

Des ciels qui descendent eux aussi

De leur piédestal / ne ménagez pas vos efforts

Ô voyageurs de l’espace et entrez dans

Notre atmosphère sans craindre le feu /

 

Voilà comment tout s’arrête :

Dans l’attente / on aurait pu

Mourir en guerre / mais c’est

Loin le désert / on ne meurt

Plus de cette façon si on

Est poète sans poésie et

Quelquefois même sans poème.

 

Agissez sur les dispositions de la page.

Il est encore temps de soigner

La présentation / utilisez le logiciel

Que votre disque dur entretient

Comme le mac / le plan est le seul

Endroit accueillant / votre château

Vos mers, vos sirènes, vos durs rochers

Où vous laissez l’empreinte de votre

Sueur / là-bas on s’attroupe autour

D’un message commun à tous les hommes.

 

« J’ai bien pensé vous rendre visite

Mais les voyages ne sont plus possibles

À cause de vous / de votre exigence / »

 

Il n’est pas si mauvais de mourir seul.

 

Qu’est-ce qui disparaîtra après nous ?

Et pourquoi ? Quelles traces avons-nous

Laissées ? Un enfant gambade dans l’eau

D’un bassin où ma voilure démontre

De quelle habileté je me suis rendu

Maître / « N’insistez pas ! Je ne viendrai

Pas ! » J’ai tellement de choses à vous

Dire / Vous ne saurez que la langue.

 

La pratique de la démocratie suppose

Une baisse de la qualité du poème

(dans un premier temps qui est le vôtre)

Mais il faut s’attendre ensuite

À une remontée puis à un dépassement.

Voilà ce que nous allons vivre.

Je veux bien vous croire

Je n’ai jamais voulu rien d’autre

Et je suis sincère quand je le dis

 

La moindre copie dans le journal

Me donne une de ces envies

D’en retrouver le poème !

 

Intéressons-nous aux objets purement imaginaires.

 

Les voici s’adonnant à la cueillette.

Petits faux paysans en manches retroussées.

L’un fume, l’autre pas.

Et c’est pourtant le même personnage.

« La campagne est accueillante à souhait.

Les panneaux de signalisation sont beaux.

Si vous n’avez pas le ciel de votre côté

Appelez-le de vos vœux.

On ne manque pas de bonnes âmes par ici.

Mais ne jouez pas aux ricochets sur la rivière.

Sa surface est un miroir

Où se regarde le ciel.

Vous reviendrez si ça vous plaît.

Vous en trouverez toujours les moyens.

Et si vous êtes déçus,

Allez voir ailleurs

Et ne revenez pas !

Mais n’envisageons pas le pire,

Car le meilleur est à la portée de votre bourse.

Les enfants adorent ça.

Et les vieillards aussi.

Les chiens les chats

Tous les animaux domestiques

Aiment retrouver le sens

Qui nous a été donné

Et que nous avons perdu. »

 

La propriété nous tue.

Ah ! s’il y en avait pour tout le monde…

Et si l’homme n’était pas un animal…

— dit-il en déchargeant les palettes

Tandis que la toile bleue subit les envolées

De la tramontane qui ne faiblit pas.

Certes il avait l’air bien sympathique.

Et je l’étais aussi.

Il y avait même des femmes

Prêtes à se donner pour un loyer.

Mon chien léchait des bottes

Qui avaient appartenu à un mort.

L’odeur des os le rend fou.

Il lècherait n’importe quoi

Ayant appartenu à un mort.

 

Qui n’a pas eu sa part de gâteau ?

On ne meurt pas si facilement de faim ici.

Pas facile de distinguer le névrosé du psychotique.

En tout cas les perversions agissent sur l’esprit.

Rien n’est clair / rien n’est là où il devrait se trouver /

Même infime l’interstice nous affecte.

L’autre est un miroir qui se multiplie /

Plus on y réfléchit / surface ou intérieur /

Nous n’avons pas accès à l’extérieur du système.

Et le miroir se brise comme un poème

Qui s’est approché de lui-même.

 

Que de cris retenus !

Que de douleurs étouffées !

Que d’erreurs pardonnées…

 

L’homme joue devant l’homme

Et l’animal n’applaudit pas.

Nous ne saurons rien

Car nous mourrons avant.

 

Quelle fenêtre nous le dira ?

Nous avons beau visiter les cimetières,

L’inachevé nous étreint.

Personnage s’extrayant du marbre.

Drame inachevé ou en cours.

Comment en savoir plus ?

 

Virgile retournant à Brindisi pour en finir.

À Brindisi ou ailleurs. Mare nostrum ou

N’importe quelle étendue d’eau ou d’autre chose.

La jarcha se terminait par une éjaculation.

Maruxina… le trou dans la cave de sa propre maison.

Hésitant entre son érudition et ce qu’il savait

De sa propre ville / territoires aux limites

Circulaires par définition / comme cette folie

Qui s’empara de mon voisin / celui qui

Parlait la même langue que moi / nous

N’étions même pas amis / sa femme dans le lit

 

Vous n’aurez rien si vous n’héritez pas :

Voilà la seule question / balaie toute question

Relative à l’être / vous entrez dans la propriété

Parce que le lien est familial / ou alors achetez !

 

Perversion des codes relatifs au comportement.

Ne jamais tourner le dos au flic ni au magistrat.

Je reviens en étranger sur ma terre natale.

Écrasement sous des tonnes de prétextes.

Je ne veux plus jouer avec mon voisin encore

Enfant / sa femme au lit avec / on tue pour

Moins que ça, mec ! Mais je n’ai jamais tué

Personne : alors comment pourrais-je savoir

Maintenant que le roman est lu : comment

Il eût pris la chose ? Vous savez bien que je ne mens pas.

 

Cet extérieur n’en est pas un : je touche la surface,

Je descends dans le trou, je visite les lieux d’une

Profondeur limitée par la nature du sol qui soutient

Les piliers de ma maison / mais même le nez à la fenêtre

Je ne vais pas plus loin que le rivage : un rocher

Me retient / je sais où je suis / pas difficile à

Déchiffrer. Je baise sans me soucier du mal.

Plongeurs plus ou moins fous à proximité.

Nus et turgescents. La race qui est la mienne.

Me déchiffrer ne vous coûtera aucun effort.

Et vous pouvez m’ouvrir n’importe où : livre :

 

Charybde et Scylla / municipalité et université :

Évitez / lyre, flûte et chant / dit-on / demeurer

Le seul capitaine / ne suivez pas la leçon (dit-il)

 

De ces rhétoriqueurs : ils vont conduiront en Enfer

« Mais l’Enfer… enfin… monsieur ! » / il y a

Sirènes et sirènes vous devriez le savoir bouchez

 

Plutôt le trou de votre cul : pédé et prof : ouais

Le mot solution vient du mot dissolution / vous

Devriez le savoir / suivre le chemin jusqu’à Ithaque

 

Où vous attend la belle épouse, le chien (autre chien

Mythologique) et même un fiston qui a l’expérience

De la sodomie passive / videz les lieux et recommencez !

 

Entre le populaire (apparences)

Et le savant (rêve)

La réalité / aux antipodes

De la poésie / je n’ai rien

Trouvé sous cette pierre

Qu’un cadavre que la ville

A rejeté comme la mer

Bannit les coquilles vides.

 

Multipliant les promenades en rond / ici

Selon la corde aux neufs nœuds / figures

Nouvelles certes mais figures /sous prétexte

De modernité toute la « vieillerie poétique »

Revient comme le père un temps dépossédé

Du royaume de ses aïeux. Je ne suis pas ce fils !

Toujours le proclamer « haut et fort » / plume

Ou nageoire : il écrivait avec et plus tard les siècles

En parlaient encore. / Avellaneda toujours caché

Peut-être dans le trou que j’ai creusé sous ma maison

: trou et non pas tunnel : car : je ne vais nulle part.

 

Cet effort qui consiste à retrouver la cohérence

Alors que le poème s’en passe. Ou comment

On fiche en l’air le travail de 50 ans d’existence.

 

Remplacer la rhétorique par autre chose

Comme la science du son s’oppose ou

Prétend s’opposer à la résonnance naturelle.

 

Laissez le La suivre son chemin.

Prenez le même sens et écrivez

Pour empêcher les autres d’écrire :

Le parano prend le slogan au pied

De la Lettre / parano ou seulement

Con / les schizos sont si rares

Que je n’en connais pas un seul !

 

Bien souvent les charmes de la nature

Campagnarde- masures habitées

Par des ratés du voyage : rien n’est

Plus beau qu’un arbre parce qu’il

Porte sur ses épaules le mystère

Des saisons / dessous l’herbe pousse

Sans cri ni explications tirées par

Les cheveux. Charmes. Arbre autant

Qu’alchimie / s’amusant avec le dico

Pour se donner des airs de troubadour.

 

N’être que le sage intermédiaire

Qui convoque apparence et rêve

Au concert de la réalité. Poème

 

Sans poésie. Il n’est plus temps

Maintenant. Demain n’existera

Jamais que dans ta foi en toi-

 

Même. Cousez, cousettes du signe !

Coupez, pliez, cousez autant que

Ça vous chante et si ça ne vous chante

 

Pas : revenez dans la pierraille des chemins

Pour danser sans musique et regarder

Sans peinture / Ici, on écrit et ça va.

 

Le même principe s’applique

À tout ouvrage entrepris

Avec ou sans raison d’ailleurs.

Il faudrait (pour être juste)

Retrouver sa fanfarlo et

S’en tenir à cette tentative

De faire le tour du propriétaire.

Mais tout le monde n’a pas

Son sartre… et puis il y a

L’angoisse souterraine et

Toujours vivace. Qu’on ait

Un boulot ou qu’on s’en passe.

 

Ni morale ni esthétique.

Mais comment violer

La Loi sans passer pour

Un fou ou un criminel ?

 

D’ailleurs : folie et crime ne sont-ils pas des boulots ?

 

Crasse des trottoirs les soirs de perdition

(terme évidemment religieux) / Instances

Du texte revisitées au moins une fois

Par jour : le soir approche toujours

Sur le fil de ces travaux / ne dénaturez

Pas l’écriture par la pratique de la

Cohérence / à la fin méfiez-vous

De la nature humaine de vos travaux.

 

Sans la beauté le texte est nu :

Prêt à l’emploi / si tant est

Que le lecteur n’est pas lui-même

Un praticien de l’ombre jetée

Sur les ensoleillements humains.

 

Signe :

« Je me jette à la baille une ou deux fois par an.

Je signe comme je signe et je ne connais pas

Ladite angoisse de la page blanche : qui suis-je ? »

 

Tisser ou coudre selon le vent.

Près de la fenêtre offrant

Le profil aux passants et

Voisins / « Cette proximité

Ne vous dérange-t-elle pas ? »

 

Vivre avec les autres n’est pas mon fort.

Mais ne nourrissent-ils pas mes travaux

(ici, ce mot est un singulier qui n’a pas de

Pluriel car : je ne travaille pas) ? Se pose

Alors la question de l’amour / pas autrement

Ni en dehors du temps ainsi jeté

Par cette même fenêtre sans autre

Horizon que leurs regards de portail

Enchaîné à la rue. Ces choses qui

Leur appartiennent / Ce qu’ils en font

Quand je ne suis pas là pour m’en

Inquiéter… L’amour n’a pas plus de sens

Que la haine / Mais on fait avec…

 

T’as cette idée et tu forges le métal

Selon ce qu’elle impose à ta conduite :

Ne rien violer sous peine d’en payer

Le prix / ce sont des juges et non pas

D’honnêtes et sincères personnes.

 

Et tu es là / pas ailleurs / vieillissant

Et pas le moins du monde aigri / joies

Quotidiennes des plaisirs qu’il faut

Limiter pour ne pas passer pour

Disons : un démon. Ce qui crée

(malgré toi) une espèce d’enfer

/ ne pas appeler ça un enfer

Reviendrait à se taire / mort certaine

Du lexique en cours de fabrication

Sur l’établi de tes jouissances /

 

Cet effort américain qui consiste

À tordre les bras de la modernité

Pour la remettre sur le chemin

De la sagesse / or il n’y a de moderne

Que l’automatisme pur / rien d’autre !

Mais mais mais : tu aimes les charmes

Du passé / tu reconnais ta faiblesse /

Tu argumentes / et tu perds le fil

Qui t’a conduit jusqu’ici / tu « mérites

L’enfer » / heureusement pour toi

Cet enfer n’est qu’une façon de dire

/ et tu t’en tires par une pirouette

Exécutée sur la place publique

Devant un parterre de larbins

En tous genres (c’est le cas de le dire)

Misère de l’existence conçue (par qui ?)

Comme un segment du temps /

 

La chanson a du charme au creux de ton épaule.

Ces nuits valent bien toutes les nuits

Que le couple a passé depuis que l’Histoire

S’est installée dans tous les esprits

Pour enseigner des tas de choses utiles

Et même quelquefois agréables

/comme ta chair encore tiède / car

Tu n’es pas tout à fait morte.

 

Au fond, nous ne savons plus

Très bien ce que nous voulons.

 

…ce n’est plus la faute

À Voltaire ni à Rousseau.

Les Illustres ne se vendent

Plus au marché de la Joie.

 

Pourquoi (au fond)

Ne pas travailler

En vue d’un week-end ?

Travailler ensemble

Pour que la joie

Ne soit pas seulement

Un rêve à partager

Avec d’improbables

Sirènes ? Comment

C’est si facile ? Avec

Toi ou sans eux.

52 fois par an

Et même plus

Si les congés

Sont payés… ?

Pourquoi, mon fils,

N’adhères-tu pas

À ce courant de pensée

Qui vaut bien toutes

Les idéologies

À la mode ?

Surtout que,

Mon fils, ma créature,

Tu te trompes de sens…

 

Ce frisson qui menace la tranquillité

Acquise dans l’action qui fait le Poème.

Suffit que tu me parles de toi et de

Tes soumissions. Comment ne pas

Entendre tes « trop justes propos » ?

Les rues sont si connues de tous ici.

Ces noms le sont moins, je crois.

Personæ d’un théâtre dont l’auteur

Est né de la croissance urbaine.

On ne traverse pas les murs si

Ce ne sont pas des vitrines et

Je n’ai pas la mienne à l’étalage.

Où vais-je encore à mon âge ?

Faut que j’y songe / un révolver

Ou quelque chose dans le genre /

Un cenote creusé par moi et non pas

Par quelque phénomène géologique.

Une conception nouvelle de la disparition.

Sans chien pour être charmé ni objet

D’un amour pas très catholique.

Les origines n’ont plus le sens / vu

D’ici / que mes vieux écrits leur donnent

Du moins quand je les relis ô saisons !

Et demain est un jour tranquille et

Ensoleillé par la prolifération humaine

Qui pollue et qui charme à la fois ô

Politique provisoire du bonheur avec

Ou sans compagnie pour recueillir

Les mots du festin et du désir qui

S’ensuit / Faut que j’y pense merde !

 

Item, mes boîtes de conserves vieilles

De plus de soixante ans — à celui ou

Celle qui aime la rouille des surfaces

Nostalgiques — les étiquettes déchirées

Aux endroits qui renseignent sur

La valeur énergétique du contenu.

 

Item, mes habitations à l’autre bout

De ce monde hérité de papa, masures

Et appartements donnant sur le front

De mer, les amies de passage et l’enfant

Recueilli sur le quai avant le « grand départ »

/ toutes sortes d’adieux avec ses bastingages.

 

Jamais plus grand livre que ce recueil

Qui fut lu une nuit d’akelarre dans les dunes

Que la Lune éclairait comme si désormais

L’ombre avait plus d’importance que la lumière

À nos yeux / cet apprentissage du livre conçu

Comme un « sujet d’art » / dit-elle en maniant

Le désir / « nous aurions encore le temps si

Tu consentais à te taire » / et plus loin sur

La plage d’hiver les barricades du pouvoir

D’achat dressées par les fils et les filles

De ceux qui ont cru aux succès de leurs

Vœux / spectacle des filles nues se jetant

Dans l’écume maintenant blanche de lumière.

À l’autre bout de cette existence à rebours,

Les clés du langage données par la ville

Un jour de pluie et de vent / les ponts

Traversés par des piétons pressés d’en finir

Avec la grève / et le coup de fusil qui sonna

La fin des festivités / un guardia civil auréolé

Montait en même temps vers le ciel étoilé.

Jamais je ne m’étais senti aussi heureux

Qu’avec toi / nous reviendrons l’année

Prochaine : et le livre sera enfin publié.

 

J’aime l’omelette aux anchois

Derrière la porte aux petits carreaux

Portant la trace de nos mains d’enfants.

 

Club des parodies les plus folles.

Un bigophone joue l’air de Micaela.

Joues parfaitement rouge bordeaux

Du ténor qui ne veut pas danser avec elle.

Les uns entraient par la fenêtre.

Les autres « étaient déjà là. »

« Il faut maintenant dépasser

Ce stade, » conseillait le Roi.

Et la Reine m’appartenait.

Depuis longtemps je suis

Le jouet de cette monarchie

Du Verbe. Je me souviens

Seulement d’avoir été très seul.

Comment pourriez-vous me comprendre ?

Nos chemins se sont séparés à l’âge

Où le citoyen n’est pas encore un électeur.

Les uns ressemblaient à leurs pères.

Les autres ne voulaient pas être reconnus.

Prenez la reine par la taille

(qu’elle a souple comme la

Chienne qu’elle est) et tournez

Sans vous soucier des inquiétudes

Du Roi qui n’est pas votre seigneur,

Du moins pas tant qu’il prétendra

L’avoir baisée avant vous, poètes !

N’importe quoi pour vous asseoir, poser

L’énorme cul que la poésie vous a collé

Dans le dos / et n’attendez pas les bavards

Qui veulent changer la conversation en

Filet de pêcheur / coussins de soie au chou

/ les usines crachaient leurs employés

Dans les rues de la ville et les commerçants

Grimpaient aux murs par les tuyaux de descente

De gouttières ô chats errants du désir réduit

À l’envie / des filles jouaient à se diaboliser.

Un pas en avant, deux sur le côté

Droit, un en arrière et on reprend

La figure à son début / deux fois

/ puis la copulation est enseignée

Dans les meilleurs stades du Royaume

Ô république des triboulets crucifiés !

Vous ne ferez plus rien par hasard, ô poètes !

Cousez, coupez, pliez, anything, à l’encan !

Plongez la tête la première dans la complexité

Toujours évolutive : chronique si vous voulez.

Ce sera toujours mieux que de vous laisser aller

À fabuler dans l’absurde de papy / grandissez

Dans le choix / imposez-vous par calcul / visez

La signifiance / donnez un sens à votre vie !

(et n’oubliez pas l’guide, que ça vous plaise ou non !)

 

Quelques beautés inavouables dans les marges

De la spontanéité. Les pans d’usine aussi bien

Que les horizons des chemins tracés dans la

Verdure et les champs. Toujours des animaux

Au volant. La comédie de l’homme en larmes

Depuis saint Pierre. Ces hommes qui ne donnent

Pas des enfants à la patrie qui les a vu naître

Ou qui leur a ouvert les portes. Creusez votre

Trou. Des territoires infinis à votre disposition.

Un enfant par borne. Vous arrivez enfin au bout

Du monde où il n’y a plus de saisons. Plus rien

Ne pousse que vos enfants. L’un d’eux est beau.

Vous ne pouvez pas le nier. Vendez-le à l’État.

Enrichissez votre lopin avec cette substance

Mirifique. Étonnant voyageur. Dans les fours

Vos cadavres se consument lentement, au

Rythme que leur impose la justice des hommes.

Je ne sais pas si j’ai été aussi clair que je le veux…

 

Quelle beauté les soirs d’été ! Sur la terrasse

À Málaga. Croquant les buñelos de la Passion.

Leurs guirlandes au-dessus des têtes folles.

Les chants venus du fin fond de l’Arabie,

Langue connue de tous. Au bar Fatima on

M’expliquait que tuer est une fonction

Aussi belle que l’affine. Identités remarquables

Des visages. Nous ne tuons que par plaisir /

Alors pourquoi tuer l’homme qui ne se mange pas ?

 

Ma tête s’est enrichie de toutes les grimaces du monde.

Jetez la chèvre et battez l’âne.

L’après-midi avec la mort pour seule compagne

Dans le confessionnal de sable et de soleil.

L’ombre vous parlera enfin. Un verre à la main

Et la parole avec le dieu qui est le vôtre.

Nous en avons tous un.

Derniers vers de Laforgue avant la mort

Programmée de l’intérieur de son corps

Par l’algorithme de la maladie chronique et évolutive.

Cet in progress plus ou moins longtemps

Et dans les limites du possible ou en tout cas

Du Connu. Les fontaines sont vivantes.

 

Masques mortuaires de l’illusion comique.

Leur phosphorescence de luciole.

La langue s’y agite plus qu’elle ne parle.

Ne réclamez votre dû qu’au personnage qui l’incarne.

 

Et ainsi pendant si longtemps

Que les horloges ne savent plus

Qui les a inventées.

 

Le club des parodies avec sa claque joyeuse

Et hypocrite. Que voyez-vous dans le trou

De la serrure ? Les jambes fines d’une fille

Qui n’a plus l’âge de se donner à l’homme.

 

Masques de plâtre ou de papier mâché.

Théâtre sans rideau autre que la nuit.

Qui a inventé le temps ô ma pucelle ?

 

Je ne le dirais pas au temps si je le savais.

Beauté d’un seul vers de Villon à l’appui.

Rare les artistes dans ce domaine.

Baudelaire encore. En costume de Poe

Ou dans le sien : drôle d’histoire

Inventée pour troubler le bourgeois

Qui préfère Fanny. Du moins hors du lit.

 

À qui appartiennent ces mécanismes

De la précision et de la logique ?

Je ne le dirais pas aux hommes

Si je le savais. Libre à moi

D’en inventer le personnage

(je réfléchis tout haut)

Et les acontecimientos nécessaires

À la compréhension de la chose publique.

 

Lits et parfums qui en disent long

Sur les goûts d’une époque

En matière de plaisir.

 

« Ce que tu peux être difficile à déchiffrer ! »

Pourquoi pas un enfant s’il ne porte pas mon nom ?

À quel point ce nom n’est pas le mien…

 

Rentré tard en fin d’après-midi,

Fatigué par la distance parcourue

Et par cette agitation tournoyante

Qui nous a accompagnés en route.

 

En route vers quoi ? L’estomac

Encore pétaradant sous le soleil

Et les rares frondaisons de l’été.

Aliz composait des vers en chemin.

 

Chemin de quoi, vraiment ?

Au croisement des paysans

Ces regards d’un autre temps

Que nous n’envisageons même pas.

 

Qu’ont à faire nos visages

Dans cette petite histoire

De la famille au repos et

Qui ne veut pas s’ennuyer

 

D’elle-même ? Nous revenons

Avec les trouvailles des enfants.

Rien ne m’amusera plus jamais

Si je dois continuer de les aimer.

 

Comme la poésie est belle

Quand le poème n’est plus là

Pour se passer d’elle !

 

Nous avons oublié un chapeau

Sur une chaise inoccupée.

Ah ! que le vent l’emporte

Plutôt qu’un de ces gilets !

Et qu’il en coiffe un angelot

De porcelaine chez ma sœur !

 

« Je n’ai pas été heureuse avec toi. »

Quelle cruauté quand elle s’y met,

La garce ! Nous avons des étés

Reproductibles, il faut dire…

 

Qu’est-ce que je suis

Si je ne suis pas

Ce que j’ai voulu devenir ?

Naïveté des questions posées

Lors des examens de conscience.

 

Nous avons aussi des plages de sable si fin

Que nous en mesurons l’âge et l’érosion,

Dit-elle pour meubler une conversation

Qui n’avait plus rien à voir avec notre amour.

 

Nous possédons des tas de choses agréables.

Et nous redoutons les effets de l’enfer mitoyen

Sur cette espèce de bonheur dont nous connaissons

Le prix, bien sûr. Ouvrir l’encyclopédie des choses

Et en chercher la poésie à défaut d’en pouvoir lire

Le poème. Nous ne mourrons pas ensemble, sauf

Par accident. Dans un avion par exemple, voyant

L’autre crier comme au premier jour et criant

Soi-même sans aucune retenue. Il n’y a rien

De plus désespérant que le désespoir. Et je pèse

Mes mots. Nous avons acheté l’ennui dans une boutique

De prêt-à-porter. Ça nous va bien, de nous ennuyer

Mutuellement. Ce qui n’interdit pas le plaisir, tiens !

 

Quelle confession ! J’occupais le confessionnal

Aux heures de la branlette. « Comment ?

Monsieur le Curé ! Vous ? » Pas plus tard

Qu’hier, ma douce paroissienne déflorée

Et même usée jusqu’à la corde. Au point

De n’être plus en mesure de concevoir.

 

Qui sera le premier à s’en plaindre, ô ville ?

Ici le poète est un héraut.

Il ne porte pas les armes

Mais il a l’œil sur le blason.

 

Entre le bourgeois et l’homme libre :

La race délétère des larbins

Pose la question de savoir

Comment vivre en homme libre ?

Nous sommes tous nés

Dans cette antichambre

caractère provisoire de cette situation

Si le moyen de vivre libre

Est une réalité ou une fiction.

Encore que la fiction

Naisse des apparences ou du rêve

Ce qui n’est pas la même chose

Oh non mon maître pas la même du tout !

Palamèmedutou / résonnance éprouvée plus d’une fois

Au contact des eaux vives de l’Hers à l’endroit où

Le moulin qui servit autrefois à moudre le grain

Sert aujourd’hui de générateur d’électricité /

[…]

Palamèmedutou / cette chose qu’il est question d’observer

À travers le prisme des arcs-en-ciel que la fin de la pluie

Impose au ciel où la nuée a perdu son sens métaphorique

À cause d’une explication / nous étions sur le balcon

Et nos verres ruisselaient d’intentions ce qui n’est

Palamèmedutou / renseignez-vous avant de critiquer !

Pensant aussi à la femme qui a perdu sa beauté

Ou qui n’a jamais été assez belle pour inspirer

Le désir de la posséder au moins le temps d’en jouir

De quel langage me parlez-vous ? La langue française

A perdu le sien dans le monarchique classicisme

Qui s’est imposé (arc-en-ciel) au Droit comme à l’Art.

Les tropes ne manquent pas si on prend le temps

De discuter avec cette engeance dont l’esprit

N’est pas fait ni construit pour apprécier le temps

Qu’il faut à un homme pour trouver enfin son style.

Palamèmedutou / […] / « suffit de prendre le temps, mec /

Alors tout s’éclaire et tu éteins pour retrouver la chaleur

Du lit et peut-être de celui ou celle qui se donne en spectacle.

Belle ou bonne chanson des choses qu’on connaît

Comme si on les avait fabriquées soi-même.

À la télé et surtout sur l’internet il y en a encore

Plus / des choses qui naissent partout où on met

Nos pieds d’être doué de la parole / cette curiosité

De conquérant que le larbin sert avec fidélité /

La trahison est le nœud de la réussite : acceptez

Le joug et secouez-le s’il vous meurtrit les épaules.

Palamèmedutou / je lègue mes crayons aux mines cassées

À cause de trop de chutes / ces feuilles que le vent

N’emporte pas / tout ce gaspillage de temps : ne plus

Chercher ailleurs ce qui s’est toujours trouvé ici, mec !

Quelle dent dure au malheureux qui ne sait pas

S’il a raison ou tort / traçant la grille d’un poème

Faute de pouvoir en concevoir le plan / parties

D’un tout qui va prendre un sens : et pas que pour soi !

Des années à ruminer dans l’herbe rase des hivers

Et les catapultes du printemps / l’été est si charmant

Si l’automne promet une douceur propre à revisiter

Les lieux cette fois en touriste appliqué : une femme

Ou un homme / pourquoi pas un enfant ou l’ancienne

Façon de dire bonjour au jour qui n’est pas encore né.

La grille n’est pas faite pour être ouverte ou fermée :

Vous passerez devant en remontant la rue où j’habite

Depuis si longtemps maintenant / pas d’architecte ici

Mais un homme muni d’une feuille et d’un crayon.

À la fin (c’est comme ça qu’on appelle ou qu’on nomme

Le dernier segment de temps : allez savoir sur la base

De quelle unité !) à la fin la grille réclame son inachevé.

La voilà bien scellée à ses piliers à l’entrée du royaume,

Mais on éprouve encore le besoin non pas de parfaire

Mais d’ajouter / Rien n’est plus achevé que l’inachevé.

Essayez si vous en avez encore le temps et vous verrez !

Palamèmedutou / Vous habitez avec les autres mais cette grille

(du moins en rêve ou selon les apparences du jour) qui

Ne s’ouvre ni ne se ferme continue de hanter ces minutes

De notaire enfin plié en deux hommes par le temps qui

Lui / s’achève : j’ai toujours aimé lire et c’est pour ça que

J’écris / ne passez pas devant chez moi (chez nous) sans

Consulter l’heure au cadran solaire de mes nuits blanches.

 

Pistes suivies à la fin de l’été […]

« Tu passeras pas l’hiver, » dit-il

Mais je n’avais pas entendu

Le « sans moi » / et j’ai eu mal.

 

« Des fois je me demande si tu écris

Ou autre chose. Anything. Moi quand

J’écris c’est à quelqu’un et je sais

Pourquoi j’écris. Je trouve les mots.

J’ai un pouvoir de conviction

Que j’ai maintenant envie

D’exercer sur toi. Ça fera peut-être

De moi une écrivaine. Tu as

Toujours rêvé de vivre avec

Ce genre de femme. Mais tout ceci

N’a d’intérêt que si tu écris

Et pas autre chose, ô mon amour ! »

 

La jalousie borne l’égoïsme tout comme l’hypocrisie.

Fêtez l’anniversaire de votre bison

Si vous en avez un à disposition

« J’ai pas tellement envie de vivre avec les autres.

Mais si tu sers à quelque chose, pourquoi ne pas

Habiter dans ma rue. J’aime pas les déplacements

En commun. Faudrait que tout m’arrive par la rue,

Celle que je connais parce que j’y suis né, mec.

Je ferais bien un voyage avec toi si tu l’organises.

Qu’est-ce qu’un beau vers au milieu du poème

Qui se fiche de ses vers comme le macchabée

Qu’on ramène chez soi après le boulot ? / je

N’ai pas l’esprit à la domesticité. Je fais ce que

Je peux pour ruser avec cette maudite situation.

Pas trouvé d’autre solution aux exigences vitales.

Et puis j’ai pas les épaules d’un voleur / toi non

Plus. Viens habiter chez moi si t’es dans la rue

Ou partageons nos impressions dans l’une ou

L’autre de nos maisons / ça nous fera du bien. »

 

Marre de chercher à écrire

Pour dire quelque chose

De pas trop con. Signé.

 

Qu’est-ce que je fous ici

Restera la seule question

À poser au voisin qui jardine

En attendant de fleurir

Le cimetière de ses rêves.

 

Admirez le coucher du soleil

Sur l’horizon des vacances

Passées à chercher encore

Et toujours la même raison

De ne plus chercher ici

Ni dans aucun endroit

Où le rêve ne croit plus

En lui-même ni en soi.

 

Si c’est passer le temps que tu veux,

Abandonne-toi dans n’importe quel

Recoin de ce rivage rocheux à souhait.

J’enduirai ton corps de l’essence des algues

Et je le purifierai dans la spirale des coquillages.

Je ne connais pas d’autre langage

Que celui de l’abandon.

Je ne suis pas un fan

Des recherches étymologiques.

On n’explique pas le choix des mots

Par ce qu’ils sont devenus

Dans la bouche des autres.

Laisse la mer revenir sous tes pieds.

Six heures de patience

Et de silence vocal.

La nuit tombera sur ta mort.

Et je prendrai la fuite

Pour ne pas tomber entre leurs mains.

 

Bizarre instant du poème cette épode.

J’ai écrit ça après être revenu seul.

La nuit est claire comme son eau.

Je vais la passer sur la terrasse.

Des fois je trouve l’inspiration

Et des fois pas.

Je guette le jour alors.

Le jour est ma proie de chasseur déçu.

Vous habitez le même jour et ça me console.

Qu’est-ce que ce cœur que vous brandissez

Comme s’il s’agissait d’un trophée

Alors que c’est le vôtre ?

Vous ne saurez jamais ce qu’est la poésie

Parce que vous ne savez rien du poème.

Mais pourquoi vous en parler… ?

Songeons plutôt à quelque orgasme

Sans vraiment se mettre à l’abri des regards.

Le soleil a patiné votre beau.

Vous ressemblez de plus en plus à une statue.

C’est pour ça que je rêve de vous tuer.

 

Ne cherchez pas le refrain

Qui conduit la ballade.

Ne cherchez pas à m’échapper.

Vos parfums me rendent fou ou savant.

Votre duvet poli par le soleil appelle mes lèvres.

Pissons ensemble dans la vague.

Croisons nos jambes sous cette eau.

Je vous achèterai un bikini et un chapeau de paille.

Et un voile diaphane pour les jours de vent.

Je ne rêve de rien d’autre en ce moment.

Et si je rêve c’est parce que j’ai accès à la réalité.

Comme il est agréable de glisser

De l’exigence du poème

À la paresse du roman !

 

N’exigez rien de moi que le plaisir.

Signé : votre.

 

Cette race de larbins qui exige un « meilleur salaire. »

J’en suis et je m’en veux. / éclairez ma lanterne ô

Partisan de l’effort produit au service de cette communauté

Particulière qu’on appelle nation faute de lui appartenir

Corps et âme / arracheurs de dents d’un côté et de l’autre /

Celui qui vend est un voleur / celle qui se vend une pute /

Vous n’avez pas le choix ô domestiques nés l’un de l’autre !

Mes rues sont vos rues / ou l’inverse : je ne sais plus

// Ponctuez le temps consacré à gagner votre croûte //

Nous sommes parce que je n’est pas / ces arbres nus

De l’hiver : cette humidité de vent et d’animal chassé.

La Terre (la terre) est à tout le monde : bienvenue

Au voyageur qui cherche à se sédentariser : je lui demande

S’il veut prendre ma place / mais je ne prendrai pas la sienne.

Le voyage est un suicide donc : il faut le planifier avec soin.

Rien à foutre qu’on augmente mon salaire ! Mais je vis

Et je suis donc des vôtres ô buveurs de psittacismes !

 

Ils auront vite fait d’oublier l’aspect de mon cadavre.

Je ne leur laisserai pas une histoire policière

Ni même une tragédie personnelle.

On vide les maisons des morts

Pour en partager ce qui peut encore servir

Ou ce qui a quelque valeur marchande :

Peu de souvenirs sur leurs étagères.

 

Mignonne, allons voir si je bande encore.

Les plis de ton corps sont bons pour l’inspiration.

Quel que soit ton âge et ta situation sociale.

Il y a longtemps que le corps sait cacher ses défauts.

Avec art quelquefois, non sans naïveté.

Allons voir si la beauté a conservé son pouvoir.

Pourquoi pas si la solitude ne dit pas le contraire…

 

Ne plus se réveiller, même sans en rêver.

L’homme n’est pas la Cité mais la Cité est l’homme.

Se nourrir des rencontres devant les vitrines.

On appelle aventure ce qui relève de la circonstance.

« Le salaire est bon si on sait servir. »

Elle ne se souviendra pas de moi

Comme je me souviens d’elle.

Le corps pas même jeté en pâture

Aux animaux de la surface.

Enfouir ou brûler, comme assassins.

Ou est la préméditation dans tout ça ?

Je suis convaincu que c’est la préméditation

Qui ouvre le chemin des cimetières

De nos tranquilles villages

Et de nos villes tourmentées

Par la même tranquillité de silence.

 

Vous serez payé si vous travaillez.

Sinon on vous donnera quelque chose.

Pourquoi anything ?

Ainsi vous ne salirez pas nos paillassons.

 

Belles demeures de ceux qui travaillent pour être payés.

Misère du reste du monde

Et de l’humanité qui s’ensommeille

Dans les refrains de la religion et de la politique.

« Je passais par là et j’ai vu ces filles à moitié à poil…

— Qu’est-ce que vous voulez dire par « à moitié à poil » ? Elles étaient à poil ou pas ? Précisez votre pensée.

— C’est pas une pensée ! Juste une impression…

— Vous ne rendez pas service à la justice en vous exprimant de la sorte… »

Moi aussi je passais et je les ai vues,

À poil / je veux dire : en slip et soutif.

Le reste, monsieur le juge (ou madame)

J’en sais pas plus que vous sur la nudité

Des jeunes filles qui présentent tous les signes

De la sexualité mise à nu par l’inspiration.

Herméneutique et rhéologie :

« Vous m’en mettrez deux tranches,

Une de chaque / j’ai de quoi payer. »

 

Insertion des nouvelles du jour.

Et quand je dis « nouvelles… »

Je dis pas autre chose du genre

J’ai pas le temps revenez demain

Ma fille a chopé un rhume

Quelle idée d’utiliser la piscine

Quand l’autan est noir !

« Utiliser » et ce type s’étonne

De ne pas avoir le même point de vue

Sur la nudité des filles et des garçons

En âge de participer aux réjouissances

De l’été offert par le patronat.

 

Facile mise en page des glissements

Opéré par ce qu’il convient d’appeler

Education de la jeunesse en vue

Du mariage, de la religion et de la mort.

Autrement dit (dans le désordre)

Travail, famille, patrie : idéal

Que ne réussira pas à contester

La trilogie mise en exergue

Au fronton de la nation.

 

La question est de savoir si la terreur

Consécutive au viol

Est due à nos conceptions éducatives

Ou à la nature.

 

La loi dite naturelle

(qui ne l’est peut-être pas)

Contre le droit pensé

Et appliqué par souci

De rendre possible

La vie ensemble

Et le progrès social.

 

Coq à l’âne cocaïne […]

« Blanc ou Noir c’est pareil :

Yen a pas un meilleur que l’autre.

Je propose à l’Assemblée

De laisser tomber ce débat. »

Tous les prétextes bons

Pour prendre la place de l’autre

Et ramasser la mise sans lui.

Ce monde n’est pas le mien.

J’y fous ce que j’y fous. Point.

À la ligne si ça vous chante.

J’ai une de ces envies d’aller pêcher

Au large de nos frontières comme autrefois !

Te souvient-il ? Titi grillant l’éperlan

Entre les rochers de la plage d’hiver.

Ce gosse de riche qui nous observait

Penché sur la balustrade de son balcon.

« La chance qu’il a ce con ! »

Comme si on en manquait

Alors que le banc d’éperlans

Faisait bouillir cette eau.

Et que toujours le même boiteux

Arrivait avec sa canne en nous engueulant

Parce que soi-disant c’était son coin.

Comme s’il l’avait hérité.

De qui un pareil inutile avait hérité ?

La dragueuse revenait du canal à marée haute.

« Les Noirs c’est des Blancs

Et les Blancs c’est des Noirs !

J’en ai marre de me laisser avoir

Par les idées qui courent les rues ! »

Gosse au balcon pas invité

A nous rejoindre et à recevoir

La leçon du futur à notre place.

 

Les fils et le tissu lui-même :

C’est pas la même chose.

 

Cette copla :

No son todos pescadores

Los que a la playa van

.

Unos pescan los jureles,

Otros, las hijas de Adán.

 

Autre :

Y a-t-il vraiment des idées

Dans les choses que tout le monde

Peut voir toucher changer… ?

Ou faut-il les chercher

Dans le rêve scientifique ?

Pour répondre à cette question

Pratiquez la poésie

Aux antipodes de la réalité :

Chant intermédiaire.

Ou préférez le poème

Qui se passe de tout ça.

 

Quelle ode ! Quelle unité ! Quelle chose !

Ce type riait tout seul assis à la table

Voisine de la nôtre remplissant les pages

De son carnet de ce qui était peut-être

Une refonte totale de l’écriture /

Ou bien ce n’était rien de tout ça

Et nous rêvions en observant le défilé

De ceux qui veulent être payés

À la hauteur de leurs rêves d’enfants.

 

Vous ne voyagerez plus longtemps dans cette bagnole.

Exégèse tout le long du chemin, interprétant le nain

Qui dort en lui, comme la muse du mauvais poète.

Ne cherchez pas à paraître moderne alors que vous

Êtes les nouveaux rhétoriqueurs luttant contre les excès

Que dis-je : les outrecuidances de ceux qui sont venus

D’une autre planète pour montrer comment on monte

Les chevaux par temps de corrida / sol y sombra

À tous les étages / cette sensation d’être déjà venu

Et les chants qui accompagnent l’ingurgitation.

Les flics n’aiment pas qu’on leur rappelle

L’échec scolaire qui les a placés où ils se trouvent

En ce moment de votre propre insuccès : bagnole

Bonne pour la ferraille et encore : je crois pas

Qu’ils soient intéressés par la rouille / lointaine

Origine de ces écrits pourtant à peine pondus !

Vous n’aurez pas la race et la romaine ! / copla

Où ce type / qui n’a jamais prétendu être le premier

Des hommes occupés à se reconnaitre dans un miroir /

Emploie ses filles à ravauder ses propre filets / espoir

De bonnes épousailles / perspective d’une réalité

Aux antipodes de la poésie : n’écrivez jamais

Que vous n’êtes pas venus : le ciel en témoigne

Et : « je ne mens jamais » Gloire à vos épodes !

 

Les préoccupations du fils à papa comme de sa fille :

Spectacle du bonheur à tous prix / les revendications

Salariales sur le devant de la scène avant même la nuit.

Cette nuit qu’il faut traverser chaque jour / « l’œuvre

Des étrangers à notre système. » « Je me paierais

De votre tête si j’en connaissais le prix ! » « Éclairez

Ma lanterne ô minus habens de l’état civil ! » Théâtre

De ceux qui ne sont pas venus pour déconner.

 

La modernité crevée comme bête

À peine sortie de la terre nourricière.

Et ces rhétoriqueurs en bandes organisées

Autour des systèmes rémunérateurs /

Non il n’y a pas de poésie

Sans poème mais le poème

Existe aussi bien sans elle /

Populants et savants /

Comme un animal blessé couché

Sur le côté pour tenter de stopper

L’hémorragie rougissant comme feu.

Cette hésitation devant la difficulté

Que la moindre illisibilité

Pourrait opposer à l’attente

Du plus grand nombre

Le poète veut toujours dire quelque chose

Que les autres sont censés comprendre.

Il s’approche d’eux au lieu de les inviter

À participer à son expérience du vide.

Crachant toute la substance

Qui lui sert de fluide binaire.

Un type ou une autre

Qui écrit dans un carnet

Sur la côte où les vacances

Sont le principe d’existence

Provisoire mais bien réelle

Ce type ou cette autre

A aussitôt l’air d’un poète

Personnage à ajouter illico

À la compagnie des étrangers

Qui illustre notre comédie

Les soirs de grande douleur.

 

Cette envie que j’ai eue

De continuer l’article

Par autre chose

Que le bavardage

Copié sur les infos

Circulaires du temps.

 

La poésie ininterrompue suppose une loi des séries.

Or ici l’interruption est le principe du langage osé.

 

Quelquefois le cadavre revient en vainqueur.

Lui qui n’a jamais rien gagné que sa mort.

 

Quelle passion pour les feux d’artifice !

Un flic consultait sa main noircie.

 

Je gagne peu mais je gagne.

Je dis ça comme ça, mec.

 

Possible rendez-vous

Avec la mort ici…

 

« je n’ai jamais été (pas allé)

plus loin que le quai

où mon père embarquait

pour se perdre une fois de plus

sans espoir de revenir »

 

« les idées ça pullulait

comme des parasites

et on attendait le soir

pour ouvrir le toit

à la Lune et à ses enfants »

 

« la pluie n’entrait pas

dans la maison de mes pères

alors que la toiture

laissait passer le jour »

 

« avez-vous essayé

de refermer la plaie

comme font les chasseurs ? »

 

« le poème est partout

c’est peut-être ça

qu’on appelle dieu

cette sensation

qu’on en saura plus

si ça dure plus

longtemps que prévu »

 

« comment fonctionne l’esprit ?

quand on saura ça

on saura tout »

 

« on se fera bouffer

avant d’y arriver

le mieux est de

ne pas s’en aller »

 

Escaladant les rochers

Comme si c’étaient

Des chevaux de manège.

Le ciel tournoyant au-dessus

Et les étoiles se multipliant

Chaque fois que le disjoncteur sautait.

 

« Et si tout ça n’avait aucun sens ?

Je pose la question parce que des fois

J’ai l’impression que je me dois

Plus aux hommes qu’à Dieu… »

 

« Dites ce que ça ne dit pas

Quand on se tait soi-même. »

 

« Une belle tranche de cette viande

Cuite sur les deux côtés avec

Un verre de votre vin de famille…

C’est comme ça qu’on l’appelle, n’est-ce pas ? »

 

Et si tout ça n’avait aucun sens… ?

Charme momentané d’une évidence révélée

Par l’agencement des mots.

Une pluie de « poésies »

Sortie des salles polyvalentes

Et des cours de récréation.

Quelque part un pauvre type

Ne supporte plus sa solitude

Et songe à la mort avec ironie.

Seringues des cages d’escalier.

L’ascenseur est en panne kaput

Le bras d’un camé qui aime les vieux

Et s’imagine les respecter.

Nous traversons ainsi nos demeures

Et nos lieux. Celui qui a perdu un ami

Dans un combat à l’issue incertaine

N’acceptera jamais qu’on ironise

Sur le sort des victimes de la guerre.

Descendant cet escalier monumental

Le vieil homme se dit qu’il va falloir

Le remonter / avec le poids des courses !

Mais le camé offre son bras squelettique

Et voilà que commence le voyage incertain.

7 étages de ciment souillé par les passages

« Au lieu de ça j’ai eu cette idée sommaire

De sauter par la fenêtre comme si je savais

Voler avec les pigeons qu’on ne peut

Même pas manger pour éviter les déséquilibres

Nutritionnels. !! Mais enfin, jeune homme !

Vous ne m’écoutez pas ? — Tu me rases,

L’ancien ! » Ils écrivent des romans pour nous

Divertir de ce qu’on sait déjà pour l’avoir

Vécu et avoir même à le revivre tant que

Durera cette existence de hasard sans les dés.

Sur le trottoir une vieille attendait qu’on

Lui offre un bras pour l’aider à traverser

Alors je me suis proposé et j’ai eu envie d’elle.

 

Des tas d’histoires de ce genre

Sur la table aux tréteaux aussi

Peu théâtraux que possible.

 

Vous ne reviendrez pas sur les plages normandes,

Mes beaux alexandrins.

Et déjà cherchant la rime qui permet les voyages.

 

Quelle drôle d’idée

Que de vouloir mettre en vers

Le jour le plus long

De Cornelius Ryan !

Il s’en est fallu d’un cheveu

Que j’y parvienne, Médor !

 

Là-haut un pauvre type songeait

À mettre fin à ses tristes jours,

Ses longues nuits sans rêves,

Cette succession d’échecs.

Seriatim des banlieues de l’esprit.

 

Aujourd’hui ils veulent imposer

L’idée d’une société ville/campagne

Oubliant l’interstice des banlieues

Et les rivages aux réels horizons.

 

L’idée d’une poésie chaos/unité.

Et dans l’interstice ce pauvre type

Qui se sent seul avec sa propre mort

Comme si cette compagnie le préservait

D’une tout autre définition de la solitude.

 

Soit tu veux mourir parce que tu es jeune.

Soit c’est la vieillesse qui te conseille.

Et dans l’interstice, tu passes ton temps

À te demander si ça vaut encore le coup

De revivre ce qui vient d’être vécu, seul !

 

Ils s’amènent avec les décors.

On va pouvoir jouer avec eux.

Les écrivains qui savent écrire

Et ceux qui ne le savent pas.

 

Dehors ces entrées dans les gouffres du spectacle

Organisé par les enfants des propriétaires.

Cirques et théâtres, tournées et projections.

Voire meetings politiques et défilés à la mode,

Genre contestation on veut plus de pognon

Pour nous élever à la hauteur de votre bonheur /

 

Ces gosses qui trottinent sous les cierges en Espagne.

Formant la boule utile autrefois à l’éclairage

Des intérieurs. Rideaux voletant aux portes.

Il n’y avait pas de carreaux aux fenêtres.

No son todos pescadores

 

Comme si le monde était enfin entré en moi

Et que je n’avais plus qu’à en parler

Pour passer pour un poète.

 

« Je ne suis ni plus ni moins un homme. »

Mesurant l’importance des fêtes populaires

Et la nécessité de la rigueur scientifique.

 

« De temps en temps ça me prend

Et je me sers des mots de la chanson

Comme si j’étais en train de séduire

La femme que j’aperçois encore

Dans les rues de mes rêves… »

 

Quel plaisir peut-on prendre

À rechercher l’unité

De ce grand bordel ?

— Mais oh monsieur

Ce n’est pas une question

D’unité ni de cohérence !

Vous pensez ! Nous avons

Dépassé ce stade primaire

De l’évolution cognitive !

Ce que nous recherchons…

 

Pauvre type à l’étage songeant au suicide.

Chaque fois qu’il se met à écrire il renonce

À ce non-voyage au centre de la Terre

Et de ses habitants / voyant l’animal /

Par exemple un chat / tenter de lui inspirer

Une histoire qui ait valeur de fable /

Afin de figurer parmi les grands fabulistes

De l’Histoire / qui en est au fond la seule

Chronique / l’animal au poil si doux !

 

Je dis pauvre type comme je dirais pauvre fille.

Avec sous la main tous les ingrédients de la fuite.

L’argent qu’il faut gagner pour ça aussi !

Toujours l’argent ! Quoique vous en fassiez !

 

« Travailler ou voler, on n’a pas le choix des armes. »

Se poser la question de savoir si ce type (cette fille)

Travaille ou vole pour payer le temps à la hauteur

Du plaisir recherché. Vous n’écrivez pas pour écrire.

« L’art doit servir à quelque chose. » Misère du sens !

 

Mot à mot des passions exprimées à l’écran.

Seriatim des discours conçus non pas pour convaincre

Mais pour éveiller. Cette seule titillation du sens.

Mais lequel parmi tous ces sens ? Soyez fidèles.

 

Baudelaire inventant sa propre histoire

Pour attirer le chaland.

 

Hasard ou calcul des textes qui parlent de nous

En fonction de ce que nous croyons être.

Ce type (cette fille) feuilletant les données

Du suicide dans les pages d’un bouquin

Consacré à la torture exercée en temps de guerre.

 

Inventez-vous une histoire

Plutôt que de chercher un concept.

Parcourez les sentiers du récit

Au lieu de thésauriser dans l’idée.

 

On vend toujours mieux l’attraction

Que l’attente /

 

Choisissez votre camp :

Le jeu (avec ou sans les autres)

Ou la mort (maintenant ou plus tard)

 

No son todos pescadores /

Qui suis-je ? Qui me veut ?

 

Au bras du seul camé de l’immeuble

Il remontait dans ses appartements

Avec l’idée d’inviter cette « aimable personne »

À partager le repas de midi avec lui.

Mais comment le lui dire

Sans lui donner à penser

Autre chose que ce que ça dit… ?

 

Renouez avec l’errance

Parce que de toute façon

Elle finit par faire le tour des choses.

Voilà ce que je voulais vous dire.

 

Du volumen au codex et maintenant le browser.

Qu’est-ce qui m’empêche de lire selon le rotulus ?

Et pourquoi j’ai tant de mal à ouvrir ce bouquin ?

Alors que mon esprit exprime sa joie

Chaque fois que mes yeux se posent

Sur mon écran / Écrivez pour l’écran

Et continuez de lire comme ça vous chante !

 

Qui aurait cette idée farfelue

D’installer une librairie

Dans un bois ou une savane ?

 

…l’essentiel n’est pas que l’artiste soit dominé, mais que depuis cinquante ans il choisisse de plus en plus ce qui le domine, qu’il ordonne en fonction de cela les moyens de son art.

 

Il ordonne en fonction de cela les moyens de son art

Ou il n’ordonne rien du tout et laisse ce soin

À celui qui se trouve devant l’écran.

L’artiste c’est celui qui lit

Et non plus celui (ou celle) qui écrit.

 

Alors qui suis-je si c’est ça que les autres pensent de moi ?

Se demandait ce type au bord du suicide, clé en main.

Il n’avait plus les moyens de faire le tour du propriétaire.

Son esprit refusait obstinément de se livrer à ce jeu.

Il ou elle. Il n’y a d’homme et de femme que dans l’acte sexuel.

Ce que les autres pensent de moi / cette idée folle que j’ai

Que les autres sont ceux qui pensent quelque chose de moi.

— Où c’est que j’ai piqué cette idée… ?

— Tu le sais trop bien… dit la fille.

— Je veux plus penser quoi ce soit des autres !

— Alors finis-en une bonne fois pour toutes !

 

« Ce qui me domine… pas difficile de le savoir… »

Encore faudrait-il d’abord essayer…

Voir ce que ça donne… des fois que…

On ne sait jamais avec ce que pense les autres…

La fille riait en montrant ses vilaines dents.

« Donnez-leur de l’argent

En échange de leurs élucubrations

Et ils deviendront aussi doux

Que les peluches de ma petite-fille. »

Vrai / c’est l’argent qui est recherché

Ce que l’argent permet à celui (ou celle)

Qui en possède sans être contraint(e)

De travailler comme les autres

Ou de risquer la prison ou la cavale.

« J’arrête pas de le dire !

De nos jours

(et c’était peut-être aussi le cas dans le passé :

j’en sais rien : j’y étais pas)

C’est l’argent qui motive le moindre poète.

Même s’il en a par rente ou par salaire.

Il en veut plus parce que cet argent là

N’est pas la conséquence logique

D’un héritage ou d’un labeur d’esclave :

C’est l’argent du commerce / un argent

Qui a valeur d’adoubement / chevaliers

Qu’ils (elles) veulent devenir ces poètes-là !

Et je ne dis rien de la montée en grade

Dans les coulisses de l’État et du Monde ! »

 

On s’approche de la rivière

Comme l’animal du troupeau

Qui paît un peu plus haut

Sur la pente qu’on vient

De descendre avec cette idée.

 

Pescadores… et les autres /

Ceux qui ne le sont pas /

Nos filles / chronique du bien

/ Ce sont les mères qui chantent

/ Cousant derrière le rideau des portes

/ Pendant que les pères (Adam)

/ Roulent le filet ravaudé

/ L’œil sur les filles qui minaudent

(Ces autres adorent ça, la minauderie)

Les plus belles minaudent du bec

/ Les autres épouseront des pescadores.

 

Quel royaume veut sincèrement

Devenir une république… ?

 

Quel roman cette démocratie !

Et quel spectacle à ne rater

Sous aucun prétexte !

 

Dire que je ne vivrais pas assez longtemps

Pour assister au rideau final / dénouement

: On ne pouvait pas rater ça / les nations

Qui ne se donnent pas corps et âme

À cette évolution ne seront pas

Les nations de demain / ou il faudra

Les détruire / bibliothèque d’Alexandrie

 

« Voulez-vous que je vous aide à monter tout ça… ? »

Disant : vénérable monsieur qui ne peut plus arquer.

Surtout quand ça monte ! Ce maudit ascenseur

Qui lui ne veut pas monter / ni descendre monsieur

: ni descendre / il ne veut pas / tête de mule

 

Ensuite on n’a plus besoin de savoir monter

Ni d’accepter le bras d’un camé qui meurt

Lentement parce qu’il s’ennuie / sans le Mal

Ni le Bien d’ailleurs : pas besoin non plus d’inventer

Des salades / pour : trouver un public et profiter

Des saveurs de l’argent et de la reconnaissance /

 

Toi-même : vous : monsieur : avez-vous : trouvé ?

— Ni l’un ni l’autre… mais j’ai beaucoup travaillé.

Je peux vous montrer ça si vous voulez… oui… ?

Non. Je n’ai pas acheté grand-chose aujourd’hui.

Changeons le sujet de la conversation SVP / ()

 

Le suicide : non : l’accident : monsieur : toujours

L’accident. Alors j’attends et je me désespère.

Rien n’arrive : monsieur : je compose une chanson

Chaque jour / ça me fait du bien / je parle de vous :

De votre suicide : oui : mais rien n’est encore arrivé

Chez vous non plus. Un jour l’ascenseur ne tombera

Plus en panne et alors je n’aurai pas le plaisir

De vous inviter à partager : votre refus témoigne

Assez de notre proximité. Oui : mes économies…

Des bouts de chandelle, monsieur / pas de quoi

Éclairer mes nuits noires. Je ne m’ennuie pas mais

J’attends : ce qui revient au même : ah ce stream !

 

Nous avons besoin de cette liberté de penser

À autre chose qu’au travail qui nous alimente.

Des vacances à crédit moi aussi. Avec qui vous savez.

Le side de l’été. Elle et moi. Des kilomètres avalés

Dans la nuit et la voilà à poil sur la plage de rêve.

Non monsieur : elle n’est plus de ce monde : autre.

 

Mais tout ça c’est du passé : maintenant c’est demain.

Je descends chaque matin pour acheter les fruits

De mon repas quotidien / sans confession / ce repas

Qui me divertit / ivresse passagère / je n’abuse pas :

Moi aussi j’ai soigné des symptômes : puis ça passe

Et la page n’a pas changé d’orientation / ces personnages

Qui reviennent frapper à ma porte : je vous dis ça

En vrac / n’hésitez pas à m’asséner vos vérités si

Ça peut vous faire du bien : je connais 2 ou 3 trucs

Pour améliorer la rythmique du vers sans passer

Par les contraintes de la gamme / nous voici arrivés

/ Palier des rencontres si brèves que je suis incapable

De me souvenir de ce que je vous ai révélé hier /

À la même heure : voyez-vous : vous et moi

À l’heure fixée par je ne sais quelle puissance

Supérieure / Comme il est facile de se tromper !

 

Ah tout ça ne mérite pas le prix Nobel !

Beau navire

Je chantais

Et la mer

Revenait

Ah c’est l’heure

De partir !

Qu’est-ce que ça peut me foutre

Si je ne suis pas là pour en profiter ?

Grâces des corps sortant

De l’eau seins nus au soleil

Moi cherchant à ne pas oublier

Que je suis venu pour ça

Si j’ai des fois conçu un vers

Qui vaille la peine d’être lu ?

Les dalles de terre cuite

Absorbant l’eau des chairs

De la surface de ces chairs

Quel que soit leur âge.

Il m’est arrivé d’en être plutôt content…

Puis j’ai connu un malheur ou un autre

Et je me suis mis à refaire exactement

Ce que je m’étais promis de ne plus faire.

C’est la mer

Qui revient

Et ses vagues

Surmontées

De joueurs

De mon âge.

Je collectionne les oublis et leurs créatures.

Pour ça faut que j’écrive et que je me relise.

Voulez-vous svp me servir un verre de ça ?

 

Faudrait pouvoir en extraire l’essentiel…

Mais c’est pas facile après tant de temps.

Ou bien presser le tout pour pouvoir

Jeter l’écorce et la pulpe. J’ai cette idée.

 

Amenez-vous un soir et on en parlera.

 

Gravissant des escaliers interminables

Dans les tours bornant le rivage estival.

Et là-haut un ouvrier me parla du vertige.

 

« Pour qui travaillez-vous le dimanche ? »

 

On aime les symétries, les circularités, les angles

Qui n’échappent pas à notre attention / ce texte

Demande trop d’appétit / jouez sur la transparence

Des pages / vous avez la possibilité de ne rien lire.

 

Vous verrez comme je suis facile à déchiffrer.

Et puis qu’est-ce qui vous prend de vouloir

Tout savoir de moi ? De ce que je veux dire.

 

Là-bas le décor

Était celui d’une forêt.

Il y avait des chevaux sur la plage.

Et ces filles aux longs cheveux

Que le vent agitait

Comme autant de mauvais présages.

La puanteur d’une cheminée

Descendait sur la ville.

Des signes invitaient le passant

À rejoindre la troupe.

« Venez revendiquer avec nous !

Vous n’êtes pas si différents. »

Il fallait descendre une pente de sable

Fin et blanc

Et l’océan était peuplé de mouettes criardes.

« Je vous assure que je l’ai vécu comme ça ! »

Descendant devant moi mais plus vite.

Je me souviens des griffures environnantes.

Qui descendait derrière moi ?

« S’ils nous payaient comme nous le méritons ! »

Je n’avais jamais envisagé la question sous cet angle.

Je ne travaillais pas.

Je n’écrivais pas non plus en ce moment.

J’avais des idées noires.

Mais je ne pensais pas à la mort.

L’argent me rendait imprévisible.

Cette bagnole sous les figuiers du désert.

Ce cuir brûlant nos fesses nues.

Les créneaux blancs de notre petite forteresse.

Éclaboussures d’une piscine

Dont l’horizon se confondait

Avec celui de l’océan.

Une goutte de cette eau dans la verte.

Cristaux scintillant sur l’argent d’une cuillère.

« Voulez-vous d’autres souvenirs ? »

Des choses que je ne connaîtrais pas.

« Vous connaissez… ? Oui ? Bon alors autre chose. »

La vie consistant à posséder

De que l’autre possède déjà,

Quitte à le déposséder.

Cette forêt n’étant qu’un vulgaire décor de papier.

Un sapin de Noël en son milieu.

Des mamans Noël se promenaient nues entre les arbres.

« Faites comme si je vous avais invité, cher voisin. »

Bon début pour un roman.

Les manifestants ne cherchaient pas à entrer.

Le portail monumental était resté ouvert.

« On se regarde en chiens de faïence.

— Un hasard si leur révolte se tient juste à notre porte. »

Des flics portant sur eux l’indigence de leur intellect.

Des mouchards entre les lignes.

« Vous n’êtes jamais venu… ?

Quelles belles soirées nous passons ici !

Vous deviendrez un fidèle vous aussi, vous verrez ! »

Moi qui n’ai jamais suivi personne

Sur les traces du bonheur imaginé

Par les organisateurs du désir.

Je la suivais comme un petit chien

Qui a horreur de se perdre dans la foule.

Des pancartes prenaient la place des nuages.

« Ils ont raison, après tout !

— Avec eux, jamais ! »

Et on s’est envoyé en l’air

Sous les trembles de la propriété voisine

Qui n’était plus habitée depuis longtemps.

 

D’accord si vous ne vous laissez pas aller

À commettre les excès de cette modernité

Qui n’est en fait rien d’autre que n’importe quoi !

 

Anything. Vous ne reviendrez pas sur vos pas

Après tant d’années à visiter les monuments

Que d’autres civilisations ont élevés dans le ciel

De la Connaissance de l’Autre / dernier rappel

 

Des mots inconnus finiront par obscurcir ce ciel.

De nouvelles conjugaisons, parfaitement inconnues

Elles aussi, changeront la chronologie des faits.

Vous verrez que ces personnages vous seront

Parfaitement étrangers et que l’identification

Sera tout aussi impossible. Un autre monde aura

Pénétré le nôtre / créant une Lune nouvelle /

Nouvelle attraction à laquelle les océans

Se soumettront / bref : tout est possible / ici

 

Vers-planètes en constellation sur la page.

Avec les cartes de vœux rédigées par des enfants

Sur le modèle imposé par leurs géniteurs.

 

Ce besoin impérieux d’envoyer la chose en l’air

Qui nous environne / hologramme des intentions

Que seul le plan a reçu de nous / palais d’hormones

 

Voulait que je vomisse avec lui après les rituels.

Voir : oui mais quoi : si la nuit est la seule parente ?

Expansion imaginable mais incalculable sérieusement.

 

Avez-vous lu ce que je n’ai pas écrit ? / petit malin

Parasitant une fête donnée à des fous que la joie

A transformés en vers-planètes jusqu’à l’aurore.

 

Ce n’est pas que je tourne en rond / mais je reviens

Sans doute à intervalle régulier / sur ces lieux imaginaires

Autant que réellement visités / au cours d’une enfance

 

Qui ne se doutait pas de ce qui allait arriver à son futur.

Analectic Songs. Les répliques descendaient du ciel.

Le personnage (comédien) ouvre la bouche et avale

 

Avant de régurgiter le contenu de ce qui peut être papier

Ou matière optique ou magnétique / ou autre chose

Qui peut toujours arriver pour ne changer que le détail

 

De la pratique / ce qu’il convient de savoir impérativement

Avant de se mettre à écrire des vers / si ce sont des vers

Qui sortent de votre cerveau et non pas de ces propositions

 

Qui n’ont pas leur place sur la scène poétique / vomissait

Sans moi / ne camouflant plus la seringue ni le mode d’emploi.

« Voulez-vous que nous écrivions ensemble ? Moi l’inspiration

 

Et vous le métal qui subit ces contraintes extérieures que

Le commun des mortels (euphémisme pour dire les crétins)

Ne peut même pas espérer comprendre pour allumer sa lanterne.

 

Trou creusé sous la maison / prenant la précaution de ne pas

Fragiliser les fondations / consultez le plan géologique /

Et dites-moi si vous sentez quelque chose de particulier…

 

Les uns sont doués pour le stream, les autres pas /

Qu’est-ce qu’on peut y faire ma bonne dame hein ?

Automatique ou prémédité / vous ne le saurez pas !

 

Les vers-planètes ne vous diront rien si vous n’êtes

Rien / le vers-planétisme (notez le changement d’accent)

N’est pas jouable par tout le monde / alors se pose //

 

La question de la démocratie qui veut que ce qui

Ne peut être compris par la majorité ne doit pas

Jouer avec les enfants à la pédophilie ni à chat

 

Nos plaisanteries ne sont plus aussi courtes

Maintenant que l’âge nous a pris par la main

Pour nous aider à franchir le seuil de l’existence.

 

Vous voulez faire plus et mieux que Sade… ?

Je vous souhaite du bon pain sur la planche !

Et aussi une tranche de Poe

/ et du vin de Rousseau

 

Ça joue beaucoup aux entournures de l’existence.

Ça se cherche un aspect / et qu’est-ce que ça trouve ?

 

L’humanité, en tout cas celle qui peut te lire,

C’est toi et toi seul / et quand je dis seul…

 

On aime la trouvaille / l’écaille qui se détache

Sous l’effet de la lumière / on a l’impression

D’avoir trouvé soi-même / on se reconnaît

 

Le texte a vite fait

De secouer ses manches de prophète.

Il y a toujours un dieu

Derrière la prise de parole.

 

Le poème comme excrément

Après l’ingurgitation poétique.

Qui veut lire ces déjections

Devant tout le monde ?

 

Moi j’ai un bison et vous n’en avez pas.

Vous n’en aurez jamais.

Vous aurez autre chose

Mais pas un bison®

 

(Un bison séminole)

 

Le même arbre dans le ciel

En toutes saisons le même

Avec ou sans ses feuilles

Le même et jamais un autre.

 

Le soleil par intermittence

Parce que le ciel est couvert

Et que le vent en altitude

Joue avec mes nuages gris.

 

Je franchirai une clôture

Pour traverser le champ

Et croiser les animaux,

Frères des clochers.

 

Terre d’avant le printemps,

Lourde aux pieds qui la foulent.

Je ne sais pas où je vais.

Je sais où je veux aller.

 

Quelle ode ! Quelle érudition

Qui ne dit pas son nom !

Les toitures de mon village,

Autant de chapeaux sur ma tête.

 

Le bois se consume lentement,

Comme la chair de nos aïeux.

Nous ne sommes plus cousins.

La capitale a son langage.

 

Tu ne t’évaderas plus désormais.

Tu promèneras ton chien d’enfer

Parmi les canards sédentarisés.

Un pêcheur saluera tes exploits.

 

Sinon la ville est loin d’être un enfer, l’ami.

On s’y déplace à grand-peine, on y sue

Sous l’imperméable ou dans sa chemise.

La conversation se laisse aller en métropolitain.

Une cigarette accompagne d’autres plaisirs

Petits. On voit beaucoup de vieux qui peinent.

Leurs filets aux commissions sont bien ronds.

Les voilà au pied de leur immeuble, indécis.

Ont-ils tous connu la campagne immobile ?

 

Quel chemin que l’attente au travail, l’ami !

Le soir tu te demandes

Comment les uns trouvent

Et les autres pas.

À ce rythme la vie sera courte comme celle

Des papillons. Mais qui a sa chenille en secret ?

Guettant le moment où la nymphe (en principe)

Annonce des nuits prometteuses de joies

Créatives. Au guet l’employé de l’emploi !

Mais la nuit attend.

Elle ne rêve plus.

Elle se réveille

Avant même

D’avoir trouvé le sommeil.

Quelle misère ces longues cigarettes de l’ennui !

 

Qui n’écrit pas, s’il veut écrire, s’ennuie.

Qui écrit trop se demande s’il écrit

Ou si c’est autre chose qui lui arrive.

 

Le poète est celui qui cherche le langage

De ses observations.

Et s’il ne le trouve pas, tant mieux !

 

Le sentiment est une idée de soi.

Et l’idée, le sentiment que ce sont les autres

Qui empêchent d’écrire.

 

Misère des pots de chambre qu’on n’utilise plus

Parce que c’est plus facile d’ouvrir une porte

Que de glisser sa main sous son lit.

 

Oh ces glissements sous les choses !

Ça vaut mieux que le scalpel.

Rien n’est ouvert et tout arrive.

Ainsi se recueille la poussière des parquets.

 

Poussières, moisissures, coulures, entailles,

Réponses des surfaces, aveuglement tangent.

Si possible la nuit quand le monde est endormi.

Caressant les corps incertains de l’obscurité.

Le poème peut naître aussi de ça. Que dis-je ?

Il naît de cette exploration aveugle et sourde.

Tu es celui qui cherche le langage des choses

Nues. Les choses qui ne contiennent rien.

Toute surface qu’elles sont ces choses dues

À celui qui traverse le temps de cette manière.

Bien sûr, tu voudras savoir qui t’accompagne.

Qui donne un sens à ta solitude de caresseur

D’objets ? Si ce n’est pas Dieu c’est donc

Forcément mon double ! t’écris-tu dans

La nuit. Et tu as parfaitement raison

De le croire et de crier pour le faire savoir.

 

Cette obscurité de machine à tuer le temps

N’est en rien un mystère ! Et tu cries dehors

Ce que d’autres regrettent dedans. Honnête

Et sincère poète, voilà ce que tu es au fond.

 

Alors au diable leurs raisons de croire !

Caressons le dessous des choses.

Recueillons les produits de surface

Sans nous soucier de savoir qui a raison

Et qui a tort. Jouir est un devoir citoyen (rires).

 

Qui a le stream a la poésie.

Moi j’ai le bison séminole.

Je te salue, vecino.

 

Politique ? Mais oui que j’en fais !

Et même tous les jours.

J’emmerde le bourgeois et ses larbins.

J’ai des petites joies de temps en temps.

Mais bon : si j’en avais l’occasion :

J’hésiterais tellement à me servir de mon couteau

Que je ne couperais rien /

Je veux bien / à l’occasion / voler qui en a /

/ Mais voler une vie /

/Même si elle colle à l’existence

Au point qu’on ne sait plus quels chats fouetter /

/ Non / c’est trop difficile /

« C’est au-dessus de mes forces. »

Ce que j’aime ces temps gris / ciel bas /

La tramontane s’est assoupie enfin :

On peut sortir sans se les geler /

Ça inspire la balade / mon chien

Est heureux comme une femme

Qui a obtenu ce qu’elle veut /

Les jardins ne sont pas encore fleuris

Les piquets se mouillent contre la haie.

La brouette retournée abrite un petit animal.

Sautant la clôture, j’aperçois des oiseaux migrateurs

Traversant le ciel entre les nuages ces oiseaux

Qui ne font plus rêver personne.

« On y va en avion et pourtant on n’est pas riche ! »

Vent à peine dans les feuillages presque nus.

Mais la nudité n’appartient-elle pas plutôt

À ces branches ruisselantes qu’un oiseau secoue

Au rythme de sa poésie personnelle.

« Tous poètes ! »

Je ne me suis jamais autant ennuyé que cet hiver.

Les flics sont toujours aussi minables.

Beau métier pourtant mais qu’espérer de pauvres types

Qui ont raté l’expérience scolaire promise par la République ?

Qui ne se vend pas se condamne à la solitude.

« Nous aurons des poètes au conseil municipal.

Rien ne vaut la poésie quand tout va mal.

Entretenez ce goût de la Beauté

Dans l’esprit de vos enfants.

Ne donnez rien qui ne vous soit payé. »

 

Beau ciel gris des matins tranquilles de l’hiver.

« Je me demande où nous allons avec toi… »

Le chien cherche son enfer et ne le trouve pas.

Il aboie au lieu de se laisser charmer voire instruire.

 

Pensez bison si vous n’avez

Pas le stream / pensez

Aux côtes de la Florida

/ Elle vous le rendra

 

« Est-ce qu’on peut avoir envie de vivre le matin

(comme ce matin tranquille gris d’hiver)

Et se donner la mort en fin d’après-midi ?

Je pose la question parce qu’on me l’a posée… »

 

La mort en fin d’après-midi / alors

Qu’on n’y pensait même pas ce matin /

Je veux dire : se donner la mort

Parce que c’est tout ce qu’on possède vraiment

Avec cette vie qui nous a été donnée.

 

« Prenez le café avec moi et on en parlera. »

On parlait de tellement de choses

Entre le matin (tôt) et la fin

De l’après-midi juste avant

Que le soir devienne totalement

Nuit / même ciel que ce matin

 

La question de l’argent qu’on a

Ou qu’on n’a pas / l’argent utile

Si on veut continuer d’exister

Sans se soucier de la faim

Ni du froid / Sur le Noël, morte saison,

Que les loups se vivent du vent,

Et qu’on se tient en sa maison,

Pour le frimas, près du tison

Comme c’est beau la poésie

Quand c’est bien fait !

 

Toutes ces choses si utiles !

Mais on n’a pas le choix.

Malgré la philosophie

Qui prétend le contraire.

Le seul choix c’est la mort :

Tuer ou être tué / se tuer

« À la balle ou au boulot »

 

Misère de l’esprit mal nourri.

« La faim n’est pas une bonne discipline. »

Poésies. J’en retournerai comme ça tous les jours.

Mais à quoi bon : Arthur avait ses colonies / pas moi !

 

C’est le refrain de la journée.

Arthur avait ses colonies / tsoin tsoin

Ce ciel gris que je me mets à aimer

Comme j’aime ses arbres presque nus.

Pas vraiment envie de quitter ce monde.

Je le possède autant que ma mort.

Et cheminant avec les Solitudes

Dans la poche et un chien qui

Cherche toujours son enfer

J’aime l’hiver que je hais

Autre refrain / essayez donc :

Arthur avait ses colonies

J’aime l’hiver que je hais

 

Vous devriez travailler ça aujourd’hui

Puisque vous n’avez rien d’autre à faire /

 

rien d’autre à faire / tra la la

Arthur l’hiver et le travail du jour

Le cul au sec sous la feuillée.

Le chien s’est endormi dans son enfer.

Quel rapport entretenir avec l’hiver ?

Les bourgeons croissent sur les branches.

La pluie de la nuit ruisselle encore.

La tramontane s’est endormie dans son enfer.

 

Si vous m’invitiez à partager avec vous

Un repas 3 étoiles et que vous me promettiez

De ne pas me lâcher avant l’aube… ?

On voit la neige

Uniquement si le ciel est dégagé.

Ce qui s’est perdu n’est-il pas oublié ?

…Tiens le ciel est bleu maintenant…

On dirait que les nuages fuient.

Par effraction dans une de ces maisons

Où le touriste se paie de notre tête.

Les nuages se poursuivent maintenant !

Fuyant et revenant à l’assaut du bleu.

J’ai toujours aimé vivre de vent.

Hiver comme été le vent

Dieu de la joie et des idées noires.

 

En ville les places sont occupées.

Il n’y a pas de « citoyens ».

Ce sont des habitants.

 

Moutons de Panurge des bateaux rentrant au port.

Le même quai depuis des générations.

Les chats sortent de leurs trous.

Chaque sillage a son vol de mouettes.

Moutons en route pour l’horizon.

Ils habitent chez leurs parents.

Ils reviendront toujours

À l’heure des rites familiaux.

Travail, famille, patrie :

Pétain avait donc raison :

C’est ce qui leur convient

Le mieux : habiter sur terre

Plutôt que d’en rêver.

Et comme je rentrais au port

À cheval (si je puis dire)

Sur mon bison séminole /

J’ai rencontré l’amour

Ô filles d’Adam / rêveuses

De capitales et de vacances !

 

« Entre les flics et les fils de famille

Ah je vous le dis : on est mal partis ! »

 

« Auriez-vous raison contre tout le monde… ?

Nous sommes un seul et même cerveau ! »

 

« L’effet d’un chou pourri sur un sofa de soie.

Bon… d’accord… Mais ce n’est pas que ça… »

 

« J’ai appris hi-er… J’ai appris hiver. »

 

La tramontane profite du ciel bleu

Pour revenir hanter nos cheminées.

N’assourdissez pas le vieux

Qui n’entend que ce qu’il veut.

« Il y a tellement de belles choses à voir ! »

Et : justement : je revenais d’un long voyage

Au pays où le chant peut vous mener loin.

« C’est en ville qu’on se sent le mieux.

Prenez pour exemple les illuminations.

C’est la Cité qui hante ces campagnes.

Je suis. Donc vous n’êtes pas. Ah ! Ah ! »

 

Tristesse d’un passage où le forçat ne passe plus.

Nous avons connu ça dans tous les ports.

Pourquoi condamner celui ou celle

Qui ne fait rien comme les autres ?

Ces oiseaux migrateurs qui n’attirent plus le regard.

L’écran multiplie les vitrines. Si vous voulez m’aimer

Ne prenez pas cet air supérieur. Je ne suis pas que belle.

Ce qu’elle pouvait être douce à cet endroit-là !

La différence entre vous et, disons, un criminel… ?

Non… Je ne vois pas. Vous inspirez le crime.

Après vous avoir lu, on ressent ce besoin

De commettre ce qu’il est interdit de commettre !

Arrêtez-vous au bord de la rivière un jour d’hiver.

Les galets ont acquis cette matité impressionniste…

Bien sûr vous ne connaissez ces peintures

Que sous le verre

Qui les protège des outrages de la lumière.

Éclats d’écailles dans l’opacité où plongent

Les racines. Avec un peu d’expérience vous

Les aurez pour rien. Conseil suivi dans l’après-midi

Avant de songer à la mort en termes de poésie.

Virginia au fil de l’eau

Virginia ma maîtresse

En poésie solitaire

Il commençait (malgré lui) à organiser le poème

Sur chaque page / se soumettant au format

Comme lorsqu’il peignait sur des toiles achetées

Par paresse / Virginia aux poches lourdes

Dégoulinant dans l’herbe de la rive / les truites

Étaient excellentes / et vous tenez là l’opinion

De quelqu’un qu’on a élevé (façon de parler)

Au bord de la mer / cercueil de Queequeg

Vous sauve un narrateur qui sinon… / poésie

Des coulures de rivière dans l’herbe haute

Où le corps fut déposé / pourquoi se suicide-t-on ?

 

Chanté :

J’ai épousé

Après l’travail

L’amie d’enfance

Qui bien m’allait !

 

Entre le stream et la grille

Les paliers de l’inspiration

Et ce type qui m’invitait

À boire un verre avec lui

Les verres ça se remplit

Et ça se vide comme ça :

Revenez me voir souvent

J’adore les gens inspirés !

 

J’l’ai épousée

Sans trop savoir

Ce que j’faisais

Le sachant trop !

 

Vous avez tellement d’inspiration

Que je me demande si vous existez

Ou si vous n’êtes qu’un aspect de la vie…

 

J’l’ai bien aimée

Toute une nuit

Puis au matin

J’m’en suis allé !

 

Le métal surgissant des évents prévus

À cet endroit du moule techniquement

Aussi bien réussi que n’importe quel

Ouvrage pensé pour donner à penser

 

J’ai voyagé

Au bout du monde

Sans elle mais

Toujours gaillard !

 

Aimez-vous les rencontres du soir

Où la question du matin ne se pose pas ?

 

Puis j’ai r’venu

Avec des sous

Et j’ai cessé

De travailler !

Dit :

V’là ce que c’est qu’une vie :

On part et on revient toujours.

Faut croire à la fidélité,

Sinon on devient marteau.

 

Puis le ciel s’est de nouveau obscurcit.

Mais la tramontane ne s’est pas endormie.

J’ai eu froid en rentrant. Mon chien reniflait.

J’ai jamais eu de chance avec les chiens :

Mais ils m’ont toujours reconnu, alors…

Alors j’ai su que le poème n’est pas poésie

Et que la poésie n’est que le trou du cul du monde.

 

Si vous voulez

Qu’on vous encule

Dev’nez poète

Et fermez-là !

 

Voilà des oreilles pas du tout prêtes à entendre

De « si justes propos » / d’autant que je ne suis pas

Difficile à déchiffrer : juste rasoir à force de stream.

Même que c’en est déprimant / tu ne m’aimes plus

/ Je n’aimerai plus personne / oreilles du partisan

De l’ordre établi dans son esprit une fois pour toutes.

Une bonne fois. Rien n’est bon comme le bon pain.

Et sur la place publique les apolitiques se disputaient

La paternité de l’idée : masque d’hypocrisie des héritiers

De Debré en plagiaire de Déroulède : qui comprendra

Ceci mieux que les obscurités de Villon ou de Dante ?

Le jour où je ne saisirai plus vos intentions est arrivé.

 

Si vous voulez qu’on vous encule…

Je veux dire (ne nous méprenons pas)

Métaphoriquement parlant : le plaisir

Est-ce qu’il est : et l’enculé pas forcément

Un pauvre type qui ne fait pas de politique.

 

« Moi j’enculais ma belle une fois par jour à l’époque.

Faut dire qu’elle était faite pour ça.

Ce qui n’interdisait pas d’autres douleurs. »

 

« Voyez les choses du côté pratique :

Ne mélangez pas le rouge avec le blanc.

Buvez plutôt deux verres d’affilée.

Vous serez des nôtres dans ces conditions. »

 

Becquées des printemps. On n’y est pas encore.

Le temps des giboulées approche. Les chemins

S’épaississent. On marche dans le fossé herbeux.

Plus loin des tortues cherchent le soleil

Sur les branches mortes qui émergent. Fêtes

De l’intellect. Fruits de la passion. Une barque

Qui pourrit sur le quai de bois lui-même rongé

De l’intérieur. Qui habite ces maisons ? Héritiers

Et chanceux. Salauds et pédants. Un brin de gaité

Philosophique vous ferait le plus grand bien. Et je

M’y connais. Un nid abandonné pour l’hiver. Ils

Reviendront peupler nos haies et nos tas de bois.

Vous n’avez pas ça en ville. Vous avez autre chose.

Cet autre chose dont nous ne rêvons pas ici. Vous ai-je

Menti à propos de ce voyage ? Vous paraissiez si heureux !

Les six étages de cette embarcation. L’ivresse à toute heure.

La mer enfin furieuse. « Après quoi, je vous le demande ! »

Cette femme en colère. Et ta façon de la tranquilliser. Mais

Tu ne banderas jamais assez. Remettons cette discussion

À plus tard.

 

Méchantes vagues des balcons.

Les embruns fouettant les carreaux.

Je ne réponds pas à tes lettres.

J’ai trouvé ce que je cherchais.

 

J’ai toujours rêvé d’écrire quelque chose

Dans le genre de Martín Fierro ou des Soledades…

Un chant définitif.

Puis je me jette à l’eau avec Virginia.

On ne me trouve pas.

Mon corps se dissout.

(Comme si c’était possible !)

Je deviens rocher / ou ma vie

Se transporte d’animal en insecte

Et d’insecte en algue /

Je deviens rivière

Et on m’appelle Noire.

 

Vous n’éclairerez pas ma lanterne avec la vôtre.

Je ne vous aime pas

Mais je ne vous hais pas non plus.

Je n’ai pas besoin de vous.

Ne lisez pas ce que je vous écris.

 

Cette fois la tramontane ne se retient plus.

Les carreaux de la fenêtre renvoient à l’intérieur

(Où j’écris) le froid venu de l’Est.

Qu’est-ce que je fous ici ?

Pourquoi mon chien est-il mort ?

Plus personne à charmer ici.

Mon luth n’est pas constellé.

Il ne l’a sans doute jamais été.

Sinon je vous aurais aimé(e)(s).

 

Comme c’est beau une page qu’on vient décrire !

Ça fleure l’entrecuisse et la chevelure.

N’épousez jamais la fille du propriétaire.

Gardez-vous bien de caresser son chien de paradis.

Ses enfants ne seront pas les vôtres.

N’écoutez pas les spécialistes de l’ADN.

Sinon vous ne connaîtrez que l’hiver.

Vous privant ainsi des charmes de l’année

Que Dieu lui-même a conçu comme un Tout.

Anything. Cette simplicité à la portée de tous.

Comme c’est beau ces mots qui ne se font pas

La guerre !

Tra la la itou

 

Ce n’est pas de cette triste façon

Que je quitterai le monde / ce

Monde que je n’ai pas aimé comme

J’aurais voulu vous aimer / shoot

Des streams acheté à bas prix /

Tiens… la température baisse :

Tirons-les rideaux sur les vitres :

Chaud textile qui obture la

Transparence qui me plaisait

Tant : rien n’est plus long que

L’hiver : rien plus vite que l’été :

Je patiente aux intermédiaires.

Mes bottes près du paillasson

Que je n’ai pas emmerdé / tsoin !

Il y a stream et stream / les amis ne sont jamais

Assez fidèles / traité de versification nécessaire

En ces temps de pouvoir d’achat / épousez plutôt

Une chienne venue de loin / l’ouvrier qualifié

Que vous êtes peut redorer n’importe quel blason :

C’est la vague qui revient qu’il faut prendre, l’ami.

 

« Mon idéal est de fonder la République de la Bidasoa sur cette base : pas de mouches, pas de prêcheurs et pas de flics. Un peuple sans mouche, c’est-à-dire propre* ; sans prêcheurs, c’est-à-dire de bon sens** et sans flics, autrement dit dans un État sans force*** ; toutes ces choses qui me paraissent excellentes. » Pío Baroja.

* c-à-d en bonne santé.

** intelligents gens.

*** solidarité.

 

Science, philosophie et éthique… ou

Est l’Art dans tout ça ? Pío doit en parler

Quelque part / Il en parle partout /

Anything / tout le monde peut essayer /

Les uns plus doués que les autres /

Qu’est-ce qu’on y peut ? / mais l’égoïsme ?

Avec ce que ça suppose de jalousie et d’hypocrisie… ?

On revient toujours là : « interrogeant

Un oiseau mort » / Qui suis-je moi-même

Pour donner des leçons de comportement

À mes semblables / hypocrites lecteurs /

alba serena / puis la nuit interminable

Où le sommeil impose ses lois / fantômes

Familiaux revenant d’un autre voyage

Au fin fond d’une Histoire qui ne doit rien

À notre existence / et nous sommes toujours

Out / travailleurs des deux rives / copulant

Par conviction / inexplicablement par conviction.

 

Le rocher en forme de vieil évier qui traverse le

Mur de la cuisine dont un angle est occupé par

Les planches d’un lit / matelas posé à même le

Sol / sur des solives de châtaignier : le parquet

Sur lequel on a dansé avant de s’épouser /

Le pain levant sous la cheminée / four avec sa

Porte d’acier / après la fournée on mettait les pruneaux

À sécher / et toutes ces sortes de choses dont on

Parle encore entre nous : les truites des trous / les

Gendarmes quelquefois complices : l’État nous

Donne à bouffer / ils emmenèrent ce gaillard en

Le poussant devant eux / plus tard / trois jours plus

Tard il revenait dans son régiment sans avoir subi

Autre chose qu’une leçon de patriotisme / pour cette

Fois / la pierre où Jean a vu s’écouler le sang qui

Sortait de sa tête / « j’ai voyagé partout / même

En Amérique : conclusion : nous ne sommes rien et

Nous ne serons jamais Tout / Anything / poésie des

Intérieurs où on attend de reprendre le travail où

On l’a laissé (à d’autres) / quel est le roulement

Cette semaine ? / Vous avez tous un père, une mère

Et des racines / renseignez-vous avant de vous plaindre !

 

Maruxina / la loi du plus fort / celui qui attire

Les traîtres et les renégats / Donnez-leur de qu’ils

Demandent et ils feront ce qu’on leur demande /

Ils savent exactement ce qu’ils peuvent raisonnablement

Demander : exactitude, raison : ils ont grandi dans

Cet ordre / vous ne trouverez pas de gens plus

Carrés dans ce monde : nous les possédons tous

Sans exception / regarde ce qu’ils m’ont fait !

L’autre : regarde ce que je me suis fais… l’un et

L’autre dans le même trou / sous ma maison de

Pierre / retrouvant l’origine de notre nom / les

Flancs d’une montagne sans arbres ni jardins.

 

Plus tard en ville il aida

Un aveugle à traverser

La rue où tout le monde

Semblait avoir les nerfs

À bout / l’aveugle le

Remercia et l’invita

À monter chez lui pour

Boire un coup à la santé

De l’inventeur du flashball.

 

Ces petites choses qui construisent notre existence.

Nous n’avons jamais assez de recul pour apprécier

L’ensemble / alors nous écrivons pour être publiés.

 

Le roman de la publicité

Spots mis bout à bout

Sans se soucier de l’ordre

D’apparition /

Roman du bonheur parfait :

Il a un prix

Et c’est pas pour nous !

 

On passe ses loisirs à feuilleter

Ou à mettre en pratique ses achats.

« C’est à devenir dingue ! »

Et je le deviens depuis quelque temps.

Je n’ai même rien ressenti

En apprenant la mort d’un flic.

Je sais qu’on pourrait me reprocher ce manque de sensibilité.

Mais je n’en parle à personne.

Je regarde les flics crever à la télé.

Ça ne me fait ni chaud ni froid.

Si jamais on me pose la question :

Je répèterai ce que disent les journalistes.

 

Dans un pays où la carte de Presse

Est attribuée à son hôte par l’État :

Peut-on avoir confiance en la parole

De ces présentateurs de l’actualité ?

 

France, Chine, Russie :

Qui réussit le mieux à faire croire

Qu’on y vit en démocratie ?

 

Pound : une disposition d’esprit et non pas un art.

 

Cette fois la pluie tombe à verse.

Secouée par le vent elle gifle ma fenêtre.

Buée traversée de gouttes. Quel froid

Il fait ! Un plaid ne suffira pas. Le vent

Semble agiter les rayons blancs du soleil.

Un café te réchauffera le cœur. Un flic

Mort n’est pas un homme comme les autres.

Pourquoi traiter l’homme qui a raison de se plaindre

Comme celui qui a tort de s’en prendre à ses biens ?

La lumière rebondit sur les carreaux comme

En témoignent les barreaux. Quand je serai grand

/ Mais il ne le sera jamais / je partirai au loin

Pour ne plus vous revoir et j’en aimerai d’autres

/ D’autres qui, crétin ? Pour l’heure, contente-toi

T’étudier tes leçons ! / celles que je n’ai pas étudiées

/ Par erreur de jugement : mais je n’avais personne

Pour guider mes pas sur le chemin de l’exactitude

Et de la raison / ciel irisé maintenant et ce maudit

Chien qui aboie parce qu’il ne sait pas faire autre chose !

Dire que j’avais un chien d’enfer et qu’il était

Tombé sous le charme de mes « si justes propos » /

 

Les escargots en fête. Mon voisin

Prépare la farine. « Ça va baver ! »

 

Trop d’esthétique et pas assez d’action.

Ça joue à jouer dans l’espoir de gagner.

Inventant le Mal après Sade et Baudelaire.

La revendication sociale : liberté

Au change avec l’acte politique : fraternité.

Nous ne serons jamais égaux.

Sinon les uns ont le devoir de s’aplatir

Et les autres n’ont pas les moyens de s’élever.

Les escargots se reproduisent par hermaphrodisme.

Qui est le robot et qui l’homme ?

Il ira loin ce garçon. Un récit somme toute

Métaphorique qui sert de fable

À une existence de faux cul. L’enfant lorgnait

Déjà les possessions de son voisin de lit.

Poèmes des buées vitreuses. Nous

Ne serons jamais égaux. Même

Deux à deux. Le soleil et sa douce chaleur

À travers les vitres chaque fois que

Le nuage se sépare / vous aimez trop la

Liberté et pas assez vos semblables.

Imitez le cri sans l’épouser. Promesses

Des jours. Il n’y a rien comme le matin pour

Vous ravigoter. Vous n’avez pas changé. Vous

Êtes toujours le même. Je

Vous ai reconnu tout de suite. Ce premier

Regard après tant d’années : nous

Nous reconnaissons l’un l’autre : mots

Échangés alors : une caméra de surveillance

Avec son et analyse comportementale

Toujours à disposition dans ces

Cas de rencontre inattendue. N’écrivez

Qu’en cas de récidive parfaite. Conseil

D’ami.

 

Il revient avec un seau d’escargots

Qu’il me semble entendre converser

Ou se frotter les uns contre les autres.

« C’est meilleur si on les fait jeûner. »

Crottes de farine de froment T 55.

Du piment d’Espelette. Dimanche

Prochain. Vous et moi. Et votre dame.

On ouvrira des bouteilles. Ivresse

Raisonnable. Et puis nous sommes

Chez nous ! Il a « perdu » sa femme.

 

« Ce que vous appelez poésie n’en est pas. »

Tout le monde dit ça.

Et tout le monde écrit.

À une femme, à un homme,

Quelquefois à un enfant.

On écrit moins aux vieux.

On leur en veut tellement !

« Vous devriez y réfléchir plus sérieusement… »

Tout le monde dit ça.

Je n’appartiens à personne.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

Pound : une disposition d’esprit

Et non pas un art : vous feriez

Bien d’insister sur ce point.

Nous sommes tous des poètes,

Mais pas sur le même plan !

« Revenez la semaine prochaine.

Je vous cuisinerai un rôti de bœuf

Bien saignant comme vous aimez :

Moi ça me dégoûte tout ce sang !

Ne me parlez plus de moiteurs ! »

 

Belles plongées en esprit sur les boulevards.

Une époque sans drones celle dont je vous parle.

Du moins pas à la portée de toutes les bourses.

Il fallait se croire habité par le diable pour s’élever

Ainsi au-dessus de la ville / moiteurs emmerdées

« Il ne me reste pas grand-chose en mémoire

Des écrits de ce temps. » Non, pas connu la guerre.

Ni à Paris ni ailleurs. Mis en vers Le jour le plus long

De Cornélius Ryan. Rommel sur la route. G.I.

Descendant du ciel. Courage d’une génération

De dix-huit ans. Inconscience ? Peut-être. Je n’en

Sais rien. Je m’élevais au-dessus du boulevard.

Pas grand-chose à en dire à la fin. Moiteurs

Qui scandalisaient ma grand-tante. « Le jour le plus long ! »

Je ne savais pas de quoi je parlais. Dix-huit ans.

 

« Vous aussi vous le poème bison séminole. »

Promesse tenue. Mais qui promettait ?

 

Poe, Baudelaire, Laforgue, Corbière, Villon :

Tous ceux qui ont dépassé la parodie

Pour trouver leur propre voix : 50 ans

Que j’en suis à rigoler dans les marges…

Je suis bien de mon temps, me dis-je, mais…

 

Antennes de la race sur la tête.

Possible mais faudrait relire.

Élaguer. Fusionner. Égaliser.

Ni le temps ni l’ennui. On

Finit par ne plus écrire pour

Les autres. Mort en chambre

Avant noyade. Qui serais-je ?

 

Cette idée de l’opéra chez les poètes américains.

Baudelaire les précéda. Malgré la corporation judiciaire.

Quelle édition ! Sept volumes en un. Les fenêtres

S’ouvrent enfin ! Et tous ces gens (comme moi) qui

Sautent dans le gazon de nos jardins pour imiter.

Avec ou sans chou. Qui j’aime le mieux ? L’Homme

Ou mon époque ? Jamais pu répondre à cette sacrée

Question. Des années que je vieillis sans moi à

La clé. J’ai vu les personnages mais pas le décor.

 

Font chier avec leurs substances qu’il faut acheter.

Avec leurs histoires (toujours les mêmes) chroniques

Des voyages au bout de la nuit. Moi c’est le jour que

Je vois le mieux. alba serena. Du réveil à la première

Sollicitation de Morphée. Ces travaux avec les autres.

Pas de poésie sans mots alors que le poème s’en passe.

Je n’ai pas été surpris par cette coupure. Je m’y

Attendais depuis pas mal de temps quand c’est

Arrivé. Des vers comme autant de traces mais pas

Dans la vitrine du joaillier. Je n’y amène pas mes

Femmes pour dépenser. Papier tue-mouches des

Attentes, j’y prends le large. Au battement frénétique

De leurs ailes transparentes. Des antennes sur la tête.

Moi de la race des poètes. Je ne renouvelle pas mais

Je sais / J’ai assez vécu pour en parler avec mon prochain.

 

Mécaniques des fluides corporels.

Dans l’être encore en vie comme

Dans le cadavre dont je suis l’auteur.

 

Après avoir posé le jus de son projet,

Il se met à travailler le texte au corps.

Prend forme alors la conversation

Qui est à l’origine du poème en jeu.

 

« Vous ne saurez rien de ce qui s’est passé

Si j’ai manqué de sincérité. » Les faits sont

Vérifiés. Voilà ce qu’on peut en dire. « Vous

Me lirez comme on revient sur ses propres pas. »

 

Rien n’est plus agréable qu’une coulée verbale

Au moment où on s’y attend le moins. Pourquoi

Chercher à en peupler la page ? « Vous me comprendrez

Si je suis à votre image. » Conception particulière

 

De Dieu : il n’est ni grand ni miséricordieux.

Il n’engrosse pas les vierges sûres ni ne connaît

Un seul ange. Il n’est rien de ce que la racaille

Des hommes en a fait : Dieu est un lecteur.

 

Je suis sorti dans la rue avec cette idée de Dieu.

Qui est le mien ? Sans considérations sexuelles.

Dieu tel que je l’ai conçu. Hermaphrodite des lieux.

Je ne me reproduis pas quand je baise : Passez

 

Votre chemin si vous ne me connaissez pas comme

Je vous connais / des années dans les rues et à travers

Champ / j’ai même voyagé dans l’espace et connu

La Lune / je suis le joyeux livre du temps à venir.

 

Encore un quatrain et j’en finis avec ça : ni contrainte

Ni liberté : je connais la technique / mais dorénavant

Vous n’aurez pas de visage / car ce fut mon erreur

De jeunesse / de vous penser dans un miroir.

 

On avance, n’est-ce pas ?

Plus besoin de regarder où on met les pieds.

On ne sait pas où on va mais on est attendu.

La table est mise, paraît-il…

 

« J’ai déjà parlé de tout ça…

J’ai tellement écrit et encore

Pas tous les jours / écrit par

Jet deux trois fois l’an pas plus

Quelques semaines / pas plus

/ Et aujourd’hui j’écris encore

Alors que le vent souffle sur

Les maisons des salariés / jardins

En préparation / les choux : « pas

Assez froid, me confie mon voisin.

Les choux ont besoin d’un hiver.

C’est bon le chou pour la soupe :

C’est bon la soupe pour le corps : »

Les nuits sont de moins en moins

Travaillées au corps : retraite de

L’attente pas même conçue comme

Récompense de toute une vie

De travail « j’en ai eu tellement

Marre quelquefois… » et ce vent

Qui déchire les feuilles mieux que

Grêle et mitraille réunies / parlé

De tout ça : écrire et la douleur

De ne pas profiter de ses propres

Écrits pour aller faire le tour du

Monde / rencontrer mes semblables :

Les vrais : pas les municipaux ni les

Chercheurs du corps enseignant « qui

Qu’est le meilleur ? Aragon ou Breton ?

Ah ! je penche du côté de … » pauvre

Con que le vin ne projette pas du côté

De la poésie ou du poème : oui le

Voyage avec Mentor à la barre à la

Place d’Elpénor dont Homère parle peu

Alors que Joyce en fait un des personnages

Principaux du périple : le vent revient

Ce matin agitant les feuillages nus.

 

Nous aimons les saisons

Parce que nous haïssons les ans.

 

Le langage est dehors.

Suffit de se pencher.

Sortir la tête du trou

Parallélépipédique qui

Nous sert de demeure.

 

Lire d’abord avant d’écrire.

Sinon

Le Parnasse

Menace

 

Les acteurs du langage ne savent pas parler

La langue du poème / savent-ils la lire ?

 

La tête hors du trou et cette langue acquise

Par éducation nationale : comme il y a loin

Entre l’éducation et l’instruction : modèles

Sur les marches de l’Histoire : l’un après l’autre

Figurant le progrès des mœurs : les poètes

S’immisçant dans la chanson / non pas après

La nuit, mais avant / gâte-sauces des élus

Et tapis des connaissances

Organisées en sciences.

Y pensant en sortant la tête : le vent allait

Vers le Sud / on ne voit pas la mer d’ici ni

Les sommets enneigés à cette époque /

On ne voit que la façade triste de la maison

Du voisin qui ne regrette pas d’avoir perdu son temps

Au service de l’État=la société qui constitue

Notre seule limite pour l’instant / dans l’attente

De se trouver devant notre seul enfer / lit

De fortune : qui suis-je ? qu’est-ce que je possède ?

Qu’est-ce que les autres pensent de moi ? Où

Ai-je piqué ça ? / Cette pensée qui prend la place

Du poème et même s’instaure en exemple de langage :

Vers le Sud allant avec ses loups et ses saisons.

 

Rien n’est plus beau que la disparition de la lumière

Dans la grise luminescence du mauvais temps !

 

Rombières et vieux clous de la poésie passant

Devant le portail où pend mon écriteau judiciaire.

 

Je ne sais plus ce que je dois faire

Chaque fois que revenant de la nuit

Je tombe sur le corps désarticulé

D’un camé de la première heure :

Appeler du secours ou agir en homme.

Si je passe mon chemin je reviens

Comme le vent à l’aube avec la lumière.

Cette fois il a l’air d’un cadavre :

Je pique son portefeuille et entre

Dans l’ombre des meilleurs moments

Du poème que j’ai vécu pour lui.

 

Vous pensez que ce n’est pas facile de me déchiffrer :

Veut dire : de comprendre ce que j’ai écrit dans le ciel.

Nous ne nous rencontrons jamais : pas même dans

Les cafés de la ville ni les cabarets de la campagne.

Prenons exemple sur les loups : ils s’approchent

Toujours / leurs traces dans la neige des trottoirs

Ou dans le sable des pages / nous couchés et rêvant

Que tout ceci n’est qu’invention / que tout finira

Par s’éclaircir / comme le soleil après l’orage :

Ce n’est pas la nuit qui nous sépare : c’est le jour.

 

Je ne sortirai pas sans vous : cadavre

Des nuits / le romancier raconte

Des histoires aux enfants de son

Imagination / passez votre chemin

Blancs voyageurs du noir / ici

Je bifurque et je m’égare encore :

 

Rien n’est aussi simple que l’anatomie.

Rien aussi facile que les physiologies.

Ce qui se complique c’est la manière

De s’approcher de ces futurs travaux.

 

Suffit pas d’un scalpel pour disséquer.

Même la panoplie du légiste ne suffit pas.

Rien à voir d’ailleurs avec la dissection /

Mais pourquoi me suis-je mis dans la tête

Que je devais suivre le chemin de mes

Prédécesseurs en poème ? Déconstruction

Parsage etc. / et si on se mettait à charcuter

La réalité ? / dit sans rire et à jeun : cela

Va de soit / sinon je ferais bien de changer

De métier, de femme et même d’enfant !

 

Toutes ces choses si belles et si agréables !

Et cet autre côté de l’existence / sans poésie !

 

Münchhausen des mères toxiques / l’extraordinaire

Richesse que pourraient constituer ces sorties d’école

Si le lien filial était rompu ou même hors de question :

Le voici encore en train de chercher l’illustration

De son propos dans les mythologies passées de mode.

L’extraordinaire richesse des littératures en tous genres :

Exemples pris à l’Histoire ou à la simple existence

De l’homme (de la femme) ni plus ni moins / tous

Les niplusnimoins de la Terre dans le texte qu’il est

Nécessaire d’illustrer entre les propos sinon ces enfants

N’y comprendront rien : on aura bossé pour rien sauf :

Quelques coulures particulièrement bien senties.

 

Vers-planète chantonnant dans la tête de cet intrus.

(Intrus, au fond, n’est-ce pas ?) Pas étranger (quoique

La terre d’Espagne distingue l’extranjero du forastero)

Mais intrus : « il était là avant que j’arrive » La guerre

(Que dis-je : la Guerre) n’est pas le meilleur moyen

De changer la nature profonde du Monde (celui

qui exclut les autres) / « des fois la Lune me fait penser

À ton cul aussi bien qu’à ton visage » et il ajoutait

Sans rire : « je ne voulais pas te vexer » chantonnant

Sur des airs connus de tous :

Y compris de ses ennemis.

 

Trouver le moyen de paresser

Sans avoir sans cesse recours

À des ruses aussi usées

Que la rime au bout du vers.

 

Comme c’est beau un texte qui s’organise

Autour de la seule pratique du texte !

 

Je ne crois plus à la magie de la page :

Présentation du texte façon Pindare :

L’exégète en conçoit un fort mal de crâne.

 

(surtout si la rime est soigneusement évitée)

 

Parlant d’une affiche publicitaire :

« La présentation est purement conçue

j’adore ce type et ses adverbes

Pour faciliter la lecture et inciter

cela va de soi

L’achat ou la présentation au guichet.

 

Exégèse des dernières années d’existence :

Comportement de fils de l’Église / « Ne me

Faites pas dire ce que je n’ai pas dit, nom de Dieu ! »

il savait où il allait

 

« Je ne suis pas seul couché

Dans les draps blancs de la page. »

 

Beau passage où l’esprit rencontre quelque chose

Qui ne lui avait pas été révélé avant.

 

Bien sûr il y a et demeure à jamais

La nature d’une douce campagne

Où il est possible de s’arrêter

Pour prendre le temps de taquiner

Les habitants de la rivière.

 

« Vous n’irez jamais plus loin que cet arbre ! »

c’était écrit chez Gertrude Stein, au début

 

Hemingway s’est farci le tout

d’un bout à l’autre ?

D’un bout à l’autre / bout.

 

C’est l’imprimeur qui a eu cette idée

De modifier les espaces entre les vers

Pour que la page « ressemble à quelque chose »

ô lecture !

 

La profusion d’anecdotes

Pouvant servir à illustrer

Le propos

Qu’il soit juste ou pas

 

« Des fois vous avez cette idée rien que dans la tête

Et vous pouvez pas vous empêcher d’apporter

Votre pierre à l’édifice / »

 

« J’en avais des pierres et pas des moindres !

Et je les lançais pour effrayer les poissons

Sans cette idée absurde

De prétendre être meilleur

Que vous aux ricochets ! »

 

« Comme c’est beau la poésie

Quand ça devient poème

Et pas autre chose comme

Ces déglutitions de chanteurs

Qui ne donnent en spectacle

Que leur goût pour l’argent

Que je n’ai pas »

 

« Merveilleux ou féérique ?

Je vous pose la question…

Comme ça… ne sachant pas

Si je suis le premier à la poser

Dans les circonstances d’un poème… »

 

Si on se laisse guider

Par ces fous du pouvoir d’achat,

On peut dire adieu à la poésie

Et aux aventures du poème.

Cette fois c’est moi qui parle

 

J’ai même pas (plus) envie de renverser le pouvoir

…sinon j’aurais bien adhéré / juste pour voir /

À mon âge qu’est-ce que je risque / une fessée

Administrée (c’est le cas de le dire) par un Parquet

Qui a aussi ses crises de plaisirs inavouables :

« Qu’est-ce qu’il y a comme garces dans ce palais ! »

(propos transmis par un ami magistrat / pour servir)

 

Non : pas d’égalité ni de fraternité.

Juste la liberté : pour tout le monde

Sans exception : même les enfants

Les fous / les criminels / les prêtres

/ les soldats / tout le monde quoi !

 

— Je suis pas frère et puis c’est tout !

Et je veux bien être votre égal !

…Dites donc : si on reparlait de

Ma… « liberté » ?

 

Quelle pluie ! Quel vent ! Quelle ode !

Quel mauvais temps aujourd’hui !

 

Un vent assez fort pour emporter avec lui

Les espoirs du jardinier qui derrière sa fenêtre

Compte les feuilles sur les derniers arbres.

L’eau creuse les fossés sous leurs branches.

Ça le rend presque nostalgique, ce mauvais temps !

Son père a vécu le même hiver plus d’une fois.

On recommence et on croit inventer / c’est triste

D’en arriver là à la fin d’une vie qui n’a servi

Que les intérêts de l’État et de la société

Qui se conforme malgré tout à ses principes.

 

Quel mauvais temps aujourd’hui !

Dire que je n’ai jamais été le poète

Que j’avais envisagé de devenir

Quand j’étais en âge de rêver !

 

Jamais tu n’iras aussi loin que Shakespeare.

« Un homme seul est foutu d’avance. »

Quel mauvais temps aujourd’hui !

Mais comme cette épode sent bon

Les annonces en filigranes nerveux

De ce printemps qui me recrée

Chaque année avant que l’été

Ne m’apporte ma platée de plaisir !

Je ne suis pas ce chien

Mais je lui ressemble

« charmé d’entendre

De si justes propos »

 

« Je voudrais pas trop jouer avec la typographie

(si vous voyez ce que je veux dire…)

J’aurais trop l’impression de jouer au chanteur.

J’aime pas trop ces effets de bouche ouverte.

Alors si vous pouvez me conseiller… monsieur ? »

 

« C’est juste une expérience… disons : pour voir… »

 

« Si vos contestations servent à tout le monde…

Nous pourrons nous entendre sur les principes.

Sinon vous pouvez aller vous faire voir ailleurs ! »

 

Qu’est-ce qu’un vers en poésie ?

Qu’est-ce que le vers d’un poème ?

 

Toute cette valetaille qui cherche des réponses

À des questions dont on pourrait se passer

Si on était construit dans la même matière…

 

Force est de constater (pour parler clairement)

Que nous ne sommes pas équivalents devant

La prégnance des enjeux qui déterminent

 

(chacun de son côté) l’intérêt de continuer

À vivre comme si l’existence n’était pas limitée

Par toujours les mêmes et inévitables (que

 

dis-je : infranchissables : phénomènes

Communs / et puis il n’y a pas (en stock)

De tombeaux pour tout le monde : place

 

Limitée dans les monuments nationaux : sauf

Les noms superposés en colonnes parfaitement

Droites : le ciseau connaît des angles morts.

 

« Le temps est tellement long, mon bon monsieur !

Que (voyez-vous ?) même les calculs les plus savants

Ne valent plus rien comme facteurs de l’Éternité. »

 

Tityre semper recubans / sous un ciel d’orage qui

Menace de troubler la surface de l’eau : les attentes

Du pêcheur que je suis quand je n’attends plus rien.

 

Visages des passants devant la porte opaque

Du club où il est possible de changer de peau

Au moins l’espace d’une joie retrouvée avec joie.

 

Fils de famille poussant les escarpolettes : culs

Et cons ouverts à toutes sortes de joies possibles

Si on accepte de jouer le jeu sans penser à maman.

 

Ou bien : c’est maman qui impose ses charmes de

Putain extraite du même bordel où la joie est

Si facile à déchiffrer : « pas comme vos hypothèses

 

Alors que : monsieur : une hypothèse se doit d’être

Parfaitement claire : » une bagnole à douze cylindres

Ça ne court pas les rues ni même après les cousines

 

Qui ont de si jolies jambes : jardin des supplices en

Prime : genre : j’ai déjà vu ça dans un magazine ah

Si j’avais pas eu une sœur qui te ressemble !

 

Vous cherchiez le langage et vos approximations

Avaient valeur de poésie / on s’y croisait dans

/ disons / un poème dont la fin se fait attendre

 

Et attendra toujours car vous n’êtes plus de ce

Monde / vous aurez des continuateurs en manque

D’invention car : ils n’ont pas atteint l’âge requis

 

Par tant d’exigence : mais le jour viendra où ils

Seront lus pour ce qu’ils valent / misère des boîtes

De nuit / entre la joie et la certitude d’avoir joué

 

Pour n’être plus considéré comme un (une) minable.

 

Quelles sont les parties de ce qui est fragment ?

Le cerveau toujours en activité comme le cœur.

« Je ne peux pas comprendre qu’on perde son

Temps en poésie alors que l’ingénierie manque

D’idées / on finira par forcer le génie à ne s’occuper

Que de questions de société et accessoirement de

Mort : » ingenio manchego / tout-en-un / finissez

-en avec les objets d’art / retrouvez le mur de vos

Temples / à l’endroit même où le pouvoir exerce

Sa connaissance de la douleur : mimes blancs

Et noirs du jour et de la nuit / chacun à sa place.

 

Noirs touristes

Vus d’ici

Pair ou impair

Le compte y est

 

Enfants de la Lune

Aimés par des fous

 

Chacun sa place

Dans l’espace

 

Oiseaux chiant

Sur le trottoir

De l’allée pavée

De vagues roses

 

Aime-t-on

S’y retrouver

Après avoir oublié

Pourquoi ?

 

N’aimez rien d’autre

 

« Nous ne savons plus rien parce que nous en savons beaucoup. »

 

Les barques de ceux qui vivent de la pêche.

Pescadores. Il faut revenir sur ces pas au

Moins une fois dans sa vie / et tirer les vers

Du nez de celles qui n’ont pas eu de chance.

 

Vous ne saurez de quoi je parle qu’en vous

Pliant aux procédures du voyage / êtes-vous

Le père de votre fille comme vous le prétendez ?

« Ne jouez pas avec moi, Gisèle ! » Ravaudage

 

Devant les portes qui exhalent les fumets / riz

À tous les repas : qu’est-ce que la poésie si

Vous n’avez pas compris qu’elle n’existe pas ?

« Nous passons notre temps à emmerder les

 

Autres. » Comptant les pieds palabras esdrújulas.

Les parapluies aux reflets de soleil / tous ces corps

Qui contiennent quelqu’un avec qui je pourrais

/ si je le voulais / entretenir une conversation

 

Sensée. Passage du sens et des vérités. Myriam

À tous les étages / forçant le baiser sur la joue /

Larmes de crocodile mais d’argent pur / la joie

De ne pas être seul / de pouvoir compter sur

 

Quelqu’un. « Connaissez-vous l’écriture secrète ? »

Mais ici l’orage menace toute une contrée / vents

Si violents qu’on craint pour les toitures / volets

Arrachés la dernière fois / une dernière fois avant

 

La prochaine. « Je connais ça ! » Les soldats de pierre

Regardent droit devant eux / à une certaine hauteur

Peut-être calculée : je n’en sais rien : mais le vent

Insère ses feuilles mortes dans les plis de la vareuse.

 

Qui est ce personnage ? J’en ai connu des pauvres

Types / tous revenus de quelque chose d’inavouable :

On finit par oublier qu’on est victime du temps ()

Au cul de la cousine trouvant enfin une raison

 

D’être moins con que la plupart des autres / orages

En perspective croissante / le soleil semble creuser

L’intérieur des nuages / la vitre se réchauffe et ses

Gouttes disparaissent / un merle revient de loin.

 

Poésie des récits immobiles / bière

Des morts : le corps ressent une douleur

Au niveau du ventre /

 

…moins con que la plupart des autres :

 

Vous regardez les autres jouer

À votre place / mais vous ne jouez

Pas aussi facilement le moment

Venu de ressembler aux personnages

De la réalité devenue rêve :

 

J’ai vu à quel point je vous manquais.

 

Je n’ai jamais goûté aux plaisirs de l’usine

Que de loin et dans la perspective mouvante

D’un passage sur l’autoroute des vacances.

 

J’ai senti (sans préciser l’organe)

À quel point j’aurais pu vous aimer.

 

Nous sommes ce que nous possédons.

 

Un papillon de nuit qui a perdu ses strass.

On en voit encore les papillonnements

Dans la lumière descendant d’un haut réverbère.

 

(Le soleil veut sortir) quelle solitude cette nuit /

C’est une question / si j’avais un métier aurais-je

En même temps une profession (dans le sens

fiscal du terme) ? (le soleil déchire mais en vain)

 

Item : tout ce que j’aurais acheté si j’en avais eu

Les moyens / à ceux qui ne savent rien de moi /

 

La machine à écrire qui est en moi :

Durement acquise / puis l’expérience

De la facilité / la spontanéité / le rêve

Qui n’a pas de prise sur l’existence

Avec les autres : force de l’implicite

Et du hasard / crissement des pneus

Dans les virages de la nuit estivale :

Non je n’ai pas tué ma passagère /

 

Le stream : prendre la plume et barboter

Comme un enfant dans ces eaux protégées

Par les garde-fous de la joie / je précise

Car chacun a son idée là-dessus…

 

Tout ce qui peut arriver quand on ouvre les yeux :

D’autres les ferment et le résultat est le même :

Sueur des murs qui nous enferment : pleut-il

Dehors comme c’est logique ? Choisissez :

Creuser un trou dans ce sol ou une fenêtre

Dans le mur qui semble (je dis bien : semble)

Donner sur l’extérieur : ou piquer une crise

De nerf en espérant que quelqu’un (si on vit

en famille) connaisse la substance adéquate /

Et le moyen de s’en procurer sans alerter les

Autorités : on est seul ou on ne l’est pas, voilà.

 

Je vous souhaite bien du bonheur si jamais :

Les murs se multiplient sans raisons apparentes :

Je dis ça comme je dirais autre chose de plus sensé.

Un incendie dans l’appartement et je suis coincé

À cause des barreaux : comme si on me proposait

De crever par étouffement / vous ne souffrirez pas

Si vous consentez à accepter l’idée que la beauté

N’est pas un vain mot / dites-vous que si la laideur

L’était (un vain mot) alors il n’y aurait pas de beauté

Autre que celle que tout le monde peut apprécier

Dans les vitrines / bottes de Jiggs et l’écrivain au

Travail de ce récit particulier : cette pénétration

Par effraction dans le personnage considéré comme

Demeure du Temps / (par où l’air se renouvelle-t-il

chez vous) / demeures des moins fortunés sur terre

Comme au ciel / « Avez-vous rédigé votre testament ?

— Moi qui ne possède rien que mes hardes de papier ! »

 

Poème-bocal à renverser sur la table :

Le couteau à la main pour trancher.

 

« Pas de symétries s’il vous plaît ! Pas de ces trucs

Qui donnent l’impression que vous êtes en train

De construire quelque chose qui pourra être visité

Un de ces jours prochains / ô après votre mort /

J’vous paye un verre maintenant qu’on est d’accord ? »

 

« Il faut avoir le cœur plein d’amour

Pour avoir peur de mourir ! »

 

…si vous savez exactement ce que vous perdez

De cette triste façon de ne plus exister comme

Vous en avez l’habitude / depuis si longtemps

Que ça dure / que j’en suis fatigué jusqu’à l’os :

« J’ai plus qu’une envie : violer le corps d’un enfant

Qui soye pas trop jeune cependant car j’aime

Les seins et les poils / et aussi une certaine dimension

Qui soye pas ni plus ni moins que la mienne / voyez

Comme je suis encore capable de raconter des histoires ! »

 

Je ne perds rien mais j’attends : analectic songs

De ce que je tiens à distance pour ne pas aller

Trop loin dans le sens de l’analyse : grammaire

Peut-être : presqu’un langage mais vous êtes censés

Y mettre du vôtre : sinon je serais plus humain

Que vous : et ça : c’est pas ce qu’on a de mieux

À faire : « ah si c’est pas assez simple on va pas

Pouvoir vous trouver un public assez nombreux

Pour couvrir les frais d’édition : » putain de public !

 

Vous faire parler de force

Mais sans vous torturer

Comme on fait à l’école.

Quelle est cette force ?

On dirait que je l’ai

Sur le bout de la langue

/ Sur le bout de ma queue /

Ne pas agir si seul enfin —

 

« Quand j’aurais plus la dalle

Ni ce besoin de me faire aimer :

Vous n’existerez plus pour moi

Et j’aurais des dents en or ! »

 

Je vis : je vis ce type monter au ciel

Et exprimer sa joie en déféquant

Sur le public qui n’était pas venu

Pour lui / les pages tombaient

Du ciel en tournoyant automne.

Vous n’pouvez pas savoir quel

Bonheur ç’a été pour moi de

Signer l’éclairage de ce spectacle !

 

Une seule phrase comme la malle de l’aubergiste

Que Cervantès a rêvé pour nous en plein cœur

De son personnage / j’en trépigne chaque matin !

 

Qui vous voulez être :

Un poète de salle polyvalente

(pour ne pas dire de bibliothèque)

Ou un chercheur qui ne trouve rien ?

Faut savoir écrire pour trouver.

C’est pas donné à tout le monde.

Vérifiez que le type (ou la fille)

Qui écrit sous votre nez

A quelque chose sous la plume

Et autre chose que de bons sentiments

Ou des idées qui ne servent à rien.

 

« À part adhérer à un ensemble d’idées

Qui forme la claire mission du groupe,

Que voulez-vous que je fasse

Si je veux vivre sans me soucier

De savoir qui a raison et qui a tort ? »

 

Ce type qui s’accrochait à la vie

Parce que son existence avait été

Exceptionnellement remplie de

Toutes les joies qu’on peut imaginer,

Ce type s’appelait Salvador Dalí.

 

Un tour d’horizon des hôpitaux / villes en soi /

Maîtrise des statistiques et contrôle de soi /

Ces apparitions télévisuelles enchantent le

Poète qui en devient la sténodactylo appliquée

/ Ne sommes-nous pas tous de petits employés ?

Salariés ou indépendants / a cuenta ajena o propia /

Parallélisme des hôpitaux et des sources d’emplois

Dans un formidable écran de fumée statistique /

Nous qui ne savons que ce que nous savons / nous

Incapables d’aller plus loin que le bout de la rue

/ Au passage des vitrines dites de première nécessité

À intervalle (selon quel écart ?) les rêves à satisfaire

Sous peine de connaître des problèmes dits mentaux

Ou en tout cas de sérieux problèmes relationnels /

Ces corps passant devant la salle d’attente / morts

Remplaçables comme n’importe quelle autre chose

Dont la fonction est déterminée précisément par

L’organisme : qui suis-je si je ne possède que ma maison ?

Qui suis-je si je ne sais pas ce que l’étranger pense

De moi / les migrations ajoutent du sens à ce genre

De réflexion : ces gens qui s’accrochent à leur mode

D’existence / qui suis-je si je me souhaite une mort

En poème ? Le type qui résumait l’énorme étude

Statistique avait tellement l’air sûr de lui / le député

Clignant d’un œil en direction de son ennemi /

« Nous ne cesserons pas de nous cannibaliser : »

Puis le soir avec ses loups chargés de la sécurité

Des biens sous prétexte de veiller à la tranquillité

/ faute de bonheur / des personnes en état de

Voyager / « tout a été dit mon bon monsieur »

Et je disais que je ne souhaitais pas autre chose :

Que tout fut dit depuis longtemps et que seul

Le langage est encore un terrain de découverte

Ou mieux dit : la source des inventions nécessaires

À la préparation des agonies en général / Pénélope

Ou Eurydice : quel est le pendant masculin de

Cette question ? « vous ne trouverez rien de plus »

 

Enfin il sortit et se perdit dans la foule

Qui rentrait chez soi ou se préparait

(individuellement) à dépenser son

Argent et son temps en plaisirs

Formatés (eux aussi) depuis longtemps.

 

Dans sa poche l’outil statistique prélevé

Lors d’un piratage / la question maintenant

Est de savoir s’il a laissé des traces : un séjour

En prison le rendrait fou / il y pense en

S’engouffrant comme le vent dans l’ouverture

Qui n’est pas encore sa porte mais y ressemble :

 

Bercez-moi d’illusion

Dans le berceau familial !

J’ai retrouvé le testament

De papa et maman :

La même écriture :

Bizarre, non ?

Eux qui ne se sont jamais

Mis d’accord sur mon sort…

Bercez-moi d’illusion

Dans le caveau familial !

 

Il descendit dans les entrailles de la terre.

Boyaux illuminés aux affiches grotesques.

Un tremblement constant affectait ces murs.

Sous ses pieds la poussière semblait métallique.

« je ne suis pas celle que vous croyez ! »

Moi non plus dit-il je ne suis pas celle : mais

J’ai voulu l’être quand j’était petit enfant

Du couple travaillant et jouissant d’une existence

À la hauteur de la politique la mieux partagée.

« on fait de ces rencontres quand on ne s’y

attend pas ! » moi non plus je ne m’attendais

Pas à : suivant la trace des autres : voisins de

Palier / « je ne savais pas que vous habitiez

ici ! » moi aussi je m’étonne : chaque jour je

M’étonne et je ne reviens pas « je ne suis pas

Comme vous : je ne : »

 

« Faut que je constitue un capital ! »

 

Dot des filles balaises

Qu’on ne baise

Qu’à crédit

 

J’ai dix / que dis-je : vingt pavés

Dans les interstices de ma vie

Privée : suivez le chemin tracé

Par la trace de mon ombre :

C’est le drap qui m’a excité !

Cette soie et ce chou, ah madame !

 

Comme j’étais petit

Quand j’étais petit !

 

Les pieds noircis du promeneur des villes,

En sandalettes se promenant sur les grands

Boulevard où le Capital reprend ce qu’il a

Donné : l’enfant voulait monter en croupe

Derrière la Jeanne de la légende du feu

Sacré : comme je suis venu grand

Quand je serai grand !

 

Les vers du poème

N’étaient que les asticots

Des mouches à merde.

En ce temps…

 

On s’y tient quand le vent emporte ses feuilles.

Accroupis devant le pot en attendant son tour.

Vous n’aurez rien qui ressemble à la vie :

Besogneux de l’illusion comique / des fous

Jaspinent eux aussi : mais ils n’attendent rien.

Ils ne sont pas venus pour ça : c’est le vent

Qui leur a arraché les cheveux : sortez si

Vous voulez le savoir : cheveux au vent dehors !

 

« Ô maison où je suis né !

 

Je n’ai pas la force de vous en parler :

Pas aujourd’hui par temps de loups.

J’ai tout perdu en ne gagnant rien.

 

Lumière des fentes du volet la nuit.

De loin on pouvait croire à une sorte

D’amour : le vent emportait les feuilles.

 

N’avez-vous jamais rêvé de posséder

Vous aussi une maison avec ses vents

Qui viennent de tous les coins du monde ?

 

Les jours sont si longs que la nuit est profonde.

Enfoncement comme dans le métro :

Chemin des habitudes avant les vacances.

 

Un enfant est toujours seul : cruauté des

Parents qui n’y pensent pas : le psychopathe

Exerce son prépuce dans les fourrures.

 

Avez-vous connu l’émerveillement causé

Par celle qui ressemble à vos sœurs mais

Dont il est possible de rêver tout nu et chaud ?

 

Cette vie qui devient tellement féérique.

Demandez et vous recevrez à la hauteur

De votre travail / et de votre appartenance.

 

Joues certaines des buissons où se cache

La première tentative de possession et

Les mots qui accompagnèrent le retour

 

À la maison / cette maison que vous rêvez

De posséder : tout le monde a droit à un lieu

/ comme tout le monde a droit à un personnage.

 

Misère des transports en commun : feuilletant

Les bouquins de l’attente / la vitre se couvrant

De la poussière industrielle : métaux finement

 

Dispersés au rythme des parcours imposés.

« Vous souvenez-vous d’avoir mis les pieds

Sur les tapis de nos bureaux ? » Dot à crédit

 

Des dondons de l’héritage familial : érections

Sur demande dans les boutiques du numérique.

« Rappelez-vous que nous habitons au septième. »

 

Je n’ai pas la force de vous en parler :

Je coupe à travers les jardins des palais,

Enfourchant des statues habitées par

 

Les oiseaux / je trouverais le temps long

Si j’avais attendu avec eux / mais je suis

Seul maintenant / et l’eau de la baignoire

 

Est tiède et tranquille / plage des coquillages

Après une inoubliable tempête que nous vécûmes

Derrière les vitres d’un hôtel : « je retourne au

 

Travail / si tu n’y vois pas d’inconvénients / »

Qu’est-ce que j’ai pu écrire comme poèmes en

Attendant que la nuit s’achève : l’endroit respirait

 

La vie : et j’aimais la vie à ce point : moi le héros

D’un roman qui ne vit jamais le jour / ballets des

Grooms dans le couloir : tu sortais d’une chambre

 

Et ce n’était pas la tienne : nous eûmes encore

Des vacances de rêve / puis la vie devint moins

Accessible : et nous avons fini sur le trottoir. »

 

Qui parle ? Question posée depuis sa saison en enfer.

Qui est qui ? Suis-je le seul personnage ?

« J’adore me réveiller le matin ! »

J’ai noté cette parole plus d’une fois.

On s’habitue à tout, dit la sagesse pop.

« Ce ne sera pas la moindre de mes inventions. »

Des mouettes perchées au vent.

Les nœuds métalliques rouillés

Sortant du béton en miettes.

« Je n’aime pas qu’on me mente. »

Ces poèmes qui n’en sont pas.

Les gens simplifient ou s’égarent.

En finir avec la poésie.

« On n’aime que ceux qu’on aime. »

Que voulais-tu dire par là ?

Puis j’ai compris que l’hiver

Est la saison des infortunés.

 

Gratouillant du bout de sa plume d’encre

Les pages d’un carnet qu’elle exhibait

Moins que ses jambes toutefois.

 

Vous connaîtrez la poétesse aux accents tragiques

Qui sait toutefois se donner pour alimenter sa légende.

 

Parlez-moi de ce roman.

Vous avez la dent dure,

Paraît-il / dit-on / mais

Contre quelle sorte de

Chair ?

 

Nous n’avons que le désir de vivre

Et s’il n’est pas à vendre

C’est que nous ne savons pas comment

Le vendre.

 

Nous ne gagnons de l’argent

Qu’en satisfaisant les désirs.

Le besoin aussi, avouons-le.

 

Servez sans vous poser la question

De savoir qui vous ne servez pas.

 

Ici, on ouvre le toit par endroit : ainsi

L’été nous baigne de ses lumières /

Et vous savez comme elles sont belles !

Sinon la chambre est plongée dans le noir

Et nous nous servons de la cire des processions

Pour alimenter nos bougeoirs.

 

Pas difficile de déchiffrer si

On se laisse porter par les crêtes.

Je n’ai rien dit du creux de la vague :

Cet exercice n’est pas une sinécure.

Et je mesure mes mots quand je dis ça !

 

Vous voici cherchant la poésie

Où elle se trouve / d’après

Ce qu’on sait de cette nuit des temps.

 

Vous n’avez jamais procédé autrement

/ me semble-t-il /

Nous nous connaissons depuis si longtemps

/ vous et moi /

 

Dallage des sols percé de petits jardins de fleurs

Toutes plus colorées que les murs où se distingue

La broderie des tableaux / en vente malgré

Le sentiment qu’éprouve le propriétaire des lieux

À l’égard de ces « créations uniques »

 

Dehors les gens se chamaillent à propos du prix

Ou de la morale / jamais question d’autre chose mais :

Remontant avec elles vers le soir je compris

De quoi ce type avait voulu me parler.

Connaît-on jamais assez le prix d’une seule

« Observation pertinente » ?

 

Ainsi le poème ne comparaît pas

/ comparaît pas.

 

Boire à la source même de la joie.

Comme caresser un nouveau projet.

Dessous les organes frémissent déjà.

On sent comme ça s’organise : jet

Comme sorti par le petit trou de la seringue

/ qui vaut le grand de la lorgnette.

À la place des animaux mythiques :

Des noms bien connus depuis l’enfance.

La bibliothèque

Qui s’anime de fleurs.

« Nous sommes tellement pourris

Par cette abondance de références ! »

Pages de racines

Qui cherchent l’eau

Et le minéral / la soif.

 

L’énorme différence

Entre un voyage au centre

Et quitter la surface.

 

ACTOR : Ils élevèrent un enfant

Et le nommèrent Actor.

Il ne connut pas ce qu’ils savaient.

Et il devint poète.

Du moins imaginèrent-ils

Qu’il l’était.

Que savait-il lui-même

Du poème et de la poésie ?

Certaines fois, ce qu’il écrivait

Avait bien l’air d’être

De la poésie

Et d’autres fois,

On n’en était plus aussi sûr.

Cela dura des années.

Actor ne connut pas le monde.

Il ne savait rien de nous,

Mais à peu près tout

De ses pères.

Nous ne le connaissions pas nous-mêmes.

Nous avions connaissance

De cette expérience,

Nous souciant peu d’ailleurs

De savoir si Actor

Était heureux ou pas

Ni s’il connaîtrait un jour

L’amour / D’ailleurs…

Laquelle d’entre nous ?

Ou : comme disaient nos pères :

Laquelle d’entre elles ?

Mais il n’en était pas encore

Question.

Le sujet est le suivant :

Imaginez la suite

De cette fable

En nous regardant

Danser toutes nues

Devant vous.

 

« jamais je n’oublierai ce personnage expérimental… »

J’ai inventé deux personnages :

Gor Ur et Actor.

Vous ne choisirez pas.

Dites « A » pendant

Autant de temps

Que vos poumons

(proportionnellement)

Contiennent d’oxygène.

Un sou ancien

Pour la petite souris.

« est-ce ce que vous entendez pas poème ?

Il y en avait partout et j’en ai profité :

Voilà : le petit poème est terminé.

 

Et vous en avez dit beaucoup de choses !

C’est une poésie compatible avec l’exercice

(tout aussi complet) d’une autre profession :

C’est bien pratique comme poésie : américaine.

Je ne trouve pas d’autres mots / pourtant

J’en connais, des mots : de toutes sortes.

Deux professions en une ? Ma foi c’est :

Possible / je m’en vais y réfléchir pensant :

Comme je suis heureux de vous connaître !

Et on se serre la main sur ces bonnes paroles

Qui nous rapprochent encore de notre seigneur

 

Parlez sans voix.

Réfléchissez sans y penser.

Tuez vos cadavres.

Ressuscitez vos morts.

 

Ou faites-les revenir au monde

Par une opération du saint esprit.

 

Vous ne rencontrerez personne

Si vous vous entêtez à considérer

Que toute connaissance doit entrer

Dans le poème (ou texte) en cours.

Les oiseaux sont si durs d’oreille !

Ne leur expliquez rien : oubliez

Pourquoi vous êtes venus et

Prenez la vie comme elle vient

Elle aussi : car elle vient, poète…

 

Le poète coincé dans son triangle

j’expliquais ça à Actor en âge

De comprendre que j’en savais

Plus que lui sur ce sujet

[bref]

: image, musique, idée / à quoi

Il ajouta : récit et je fus d’accord

Avec lui pour oublier ça !

 

« Dire qu’il va falloir partager les repas

Avec des étrangers à mon propre monde :

Je ne sais pas si je vais supporter ça… »

 

Se précipiter à la fin :

La tentation est forte.

On tient moins à soi avec l’âge.

 

Mais la vie trop incomplètement découverte.

La jonction avec le futur / ces êtres encore

Possibles mais pas jetés avec les dés du bain.

 

Comment ne pas y penser ? Qui hors la peur

N’hésite pas à la dernière seconde ? Qui de toi

Ou de moi, voisin ? Je regardais les merles noirs

 

Plonger leurs becs jaunes dans les sillons de ta

Terre natale / le cœur pétrifié au moment d’aimer.

De qui es-tu la femme ? La couleuvre prépare son

 

Nid sous l’escalier / « il tombera toujours des étoiles

Dans nos jardins, fiston » / si le poème ne s’infantilise

Pas : qui redeviendra petit enfant ? Les merles silencieux

 

Sous le regard des corbeaux bruyant comme des usines.

« je n’ai jamais autant aimé la vie, mais : vois-tu : il faut

Se préparer un jour ou l’autre : étrange voyage… jamais

 

Je ne me suis senti aussi près de la mer : la plage ou

Le quai / et tous ces témoins qui m’oublieront demain :

Redondance de la terreur / j’ai besoin de ce mot :

 

Demain / comme tu as encore besoin de moi, ma

Trace / et voici le temps où mon voisin

Dans son jardin

Fait irruption

Hache à la main

Pour faire fuir

Ces oiseaux noirs.

Nevermore : tu ne sais rien dire d’autre.

 

Entre demain et justice

Le choix est vite fait

Quand le temps est compté

Sans autre précision.

 

Allons voir si les bêtes sont heureuses.

Ou suivons le mouvement à l’intérieur

De ces couloirs interminables

Où il est rarement question de trouver la mort.

Le poitrail ouvert

Et séparé de son (ou sa) propriétaire

Sur le plancher du wagon.

« La question n’est plus de savoir

Si c’est poétique,

Mais de trouver

Ce qui ne l’est pas

Dans cette complexité

Jamais absurde

Que dans l’esprit

Des paresseux. »

 

Nos bêtes sans qui (lesquelles)

Nous ne serions pas

Ce que nous sommes.

Toi et moi & les autres.

 

« J’ai bien reçu votre invitation…

Je souhaite à votre fille

Tout le bonheur que je n’ai pas trouvé

En me conformant à cette tradition

Qui s’ajoute à la mort et à la religion

Pour tourmenter l’esprit des philosophes,

Des poètes et même des savants. »

 

« jamais je ne me suis sentie aussi inutile.

J’ai erré toute la soirée de table en table sans

Parvenir à m’intéresser à une conversation.

Je n’écoute plus comme j’ai su écouter

Du temps où je fréquentais votre cercle.

Ne cherchez plus à me ramener à la maison,

S’il vous plaît / et prions le Seigneur pour qu’Il… »

 

Jamais aussi près de Vous […]

« ou complètement à côté de la plaque… »

Changez de chaussettes

Si le cuir vous fait mal.

« Plus loin que cet arbre, dites-vous… ? »

Les nécessités de la page maintenant multipliée

À l’infini « c’est bien parce que c’est vous… »

Épuisez les ressources du Bien

Avant de vous mettre à chercher

Autre chose que la propriété.

« Vous n’irez jamais aussi loin… ils abandonnent

tous… à un moment ou à un autre : tous ! »

Je ne sais pas jusqu’où je suis allé /

J’ai perdu la trace /

Quand ? /

Je ne me souviens même pas

De cet instant /

En admettant que ce fut

Un instant /

 

Sin(ceri)tas / le pauvre bougre examinant les possibilités /

So much talk of the language — when there are no ears.

/ d’au moins une strophe à partir de ça :

ceri (série)

sintas (cintas)

Comme si ça pouvait le mener quelque part.

Mais s’obstinant sans voir qu’autour de lui :

Ce n’était pas le Monde qui changeait

Mais ce qu’il était devenu :

Un exégète de sa propre folie /

Si on peut appeler ça folie :

Peut-être n’est-ce après tout

Que sagesse mais sur un autre plan

Que celui de la réalité de tous les

JOURS.

 

L’Héméron : non pas journal mais poème

(présence de Mallarmé dans cet ensemble)

« insistez sur le mot ensemble / à la craie

Sur les murs de sa chambre

Alors qu’il entrait dans son adolescence /

Hemerón et Actor entrant dans ce théâtre

Conçu comme tragédie des comédiens :

« vous n’interpréterez que votre propre rôle

(papel) et vous épouserez les ondes provoquées

Par cet ensemble de changements : au brou de noix

Sur les murs de la première chambre disponible

En ce commencement d’identité : « mais voyons !

si vous cessiez de parler de vous à la troisième

personne / personnage / » sorte de Michelangelo

Des murs particuliers s’ouvrant sur un balcon

Où elle donnait le spectacle (en face) de ses seins.

 

Tu ne retrouveras pas l’Histoire au fil de la tienne.

Le palier est désert : portes donnant chez soi et

Chez les autres / la lumière dans ce puits aveugle.

 

Saisi quelquefois par le temps / puis en chassant

Les fantômes familiaux et les personnages

Historiques / une goutte de lait (dit-elle) au

Téton mordu pour elle : « on commence par être

Deux quand on atteint cet âge » / « ne touche

pas à la drogue si tu veux continuer d’apprécier

cette offrande : »

 

C’est à l’autre de t’arracher

Le plaisir et à toi sin(ceri)tas

D’en inventer le refrain.

 

Les jambes de Rimbaud sont si belles !

 

« j’aurais fait un bon peintre si j’avais voulu…

un bon musicien même : ce n’est pas par paresse

que je me suis mis à espérer quelque chose

de l’écriture : c’est par pauvreté : un papier et

un crayon / et les paysages de mon enfance :

cartes postales des déserts de l’Atlas et /

voyage en barque de Bayonne à Donostia :

à la rame dans les vagues peut-être naissantes.

Voir sa propre maison à partir de cet horizon :

dans l’optique le balcon où ma mère attend

que quelqu’un veuille bien lui faire la conversation.

Et j’en passe :

 

À l’autre d’y mettre du sien

Et de s’enfuir de bon matin

Tandis que dans ce crépuscule

Les phares des mobylettes

S’entrecroisent et remontent

Pour disparaître derrière les toits. »

 

Comme le Monde travaille pour moi !

S’écrie-t-elle en essayant sa nouvelle

Robe d’été : j’ai moins aimé ses pieds nus.

 

On parle beaucoup du langage / les réseaux

Se téléphonent / disparaissez, bourricots !

Derrière les toits de vos niches que la pente

Étage jusqu’au pont : où se décide votre sort.

 

Est-ce vraiment l’oreille l’important… ?

Les yeux ? Les zones érogènes ? Dis-moi,

Toubib / comment parlent les gens quand

Ils ne parlent plus ? À quelle heure du jour

Et de la nuit on les rencontre mieux que

Tout nus dans son lit souillant les draps

Sans personne pour en profiter / toubib ?

Ne parlent-ils pas de silence / ceux qui

N’ont rien à dire ? / ou ne veulent rien

Entendre / pas même écouter dans la

Nuit dort en chacun de nous ? Je pose

La question au spécialiste de la douleur

Qui finit par tuer son impatient

Commentateur /

Non sans avoir d’abord détruit l’intégrité

De ce qui a commencé par être un corps

Et qui finit dans la poubelle / une poubelle

Peut-être conçue pour ça dès l’origine :

Origine des temps : il n’y en a pas d’autre.

 

Vison métabolique des choses / ana

& cata : quel cycle mieux imaginé qui

Ne servira à rien au moment d’écrire.

 

Miser plutôt sur l’attente et même :

(choquons un peu) sur la paresse /

Quelqu’un finira par s’occuper de

Vous : satisfactions des nécessités

Vitales et communautaire : hôpital

À la mesure de l’emploi qu’il suscite :

Vos droits d’auteur iront à la hiérarchie

Et à ses serviteurs : à moins que la famille

(finalement) ne s’entiche de la recette…

 

Le fou protège (comme il peut)

L’intérieur sans jouer le jeu

Du chat et de la souris /le poète

/ l’œil aux aguets dans la fente

Des murs / jette des petits cailloux

Sur la tête des passants / quelquefois

Dans l’eau si la fosse est assez

Large pour contenir tout ce qu’il a

À dire / leçon #1 de l’expérience.

 

Nous aurons tous des souvenirs pour meubler

Notre captivité croissante (au début, on peut

Se croire libre comme l’air / mais en réalité

Nous ne possédons pas les ailes des oiseaux :

« le bec seulement, Mimi, rien que ce bec

qui a poussé comme une fleur : sous l’effet

de l’eau et du soleil ») / et d’un tas d’autre

Chose dont la nature est encore une énigme.

 

L’existence est faite (c’est vrai) de frigos,

De table, de fauteuils, d’écrans, de verres,

D’enfants, de voisins, de livres, de… Vivez

Comme il vous plaît ! Roman des spots

Mis bout à bout (je me répète) sans souci

De montage : inutile de monter : c’est bien

Le seul roman sans queue ni tête / désespoir

De ne pas pouvoir donner suite à une bonne

Idée : et il n’est ni trop tard ni trop tôt

(si vous voyez ce que je veux dire…)

 

« Toutes ces bêtises qu’on lit dans les poèmes ! »

Elle aimait les chansons.

On ne peut pas aimer les deux.

 

Avez-vous rencontré (finalement) votre poète

/ ou votre poétesse / ? Je l’ai vu passer devant

Chez moi : pensez si j’étais à la fenêtre / c’était

Jour de marché : la camionnette du marchand

De vin (bon rosée de l’Aude) passe à onze heures

Précises / Pensez si je suis à ma fenêtre !

Il y en a toujours un à goûter : qu’on ne l’ait

Jamais goûté ou qu’on ait oublié (ce qui m’arrive

plus vite en vieillissant) / j’ai vu passer votre poète

: lui manque une jambe / la dernière fois c’était

Une oreille / et je me demande s’il a pas subi

Le sort d’Abélard / là-bas / d’où il revient toujours.

 

Je ne l’ai jamais vu pleurer mais elle pleure.

Je vous en dirais plus si je savais.

Avec les règles municipales

Aucune fenêtre ne fait face à une autre :

Alors forcément : pour voir… difficile !

Peut-être autant que de savoir ce que vous voulez dire

Quand vous écrivez.

Ne me demandez pas de grimper aux murs !

Je ne l’ai jamais fait de ma vie ! Vous pensez !

Je vous en dirai plus

Dès qu’elle consentira

À sortir dans le jardin.

Demain ou un autre jour.

Vous n’en saurez peut-être jamais rien.

Habituez-vous à cette idée, des fois que…

 

Ne pas écrire ce que personne n’a jamais écrit.

 

Avez-vous essayé la cheminée ?

Comme le papa Noël, oui !

 

« je manque d’expérience dans ce domaine… »

 

Ne m’écris pas si c’est pour m’expliquer

Ce que je n’ai pas expliqué moi-même.

 

Le mauvais temps revient à la fenêtre.

Je vous parle du présent.

Le vers de la majuscule au point.

On n’entend pas les chasseurs.

L’hiver n’a pas d’oreilles.

Le message est poétique ou n’est pas.

Voilà en quoi consiste cette convulsion.

Misère d’un seul instant de tristesse.

Rien d’autre que l’ivresse.

La pluie commence

À brouiller les transparences.

Pas d’orage ce matin.

Le gris uniforme des cieux.

« C’est là-haut que ça se passe. »

« Ils en savent plus que nous. »

Puis un volet se referme.

Presque violemment.

J’écris aussi dans ces conditions.

J’écris comme ça me chante.

Je n’ai pas plus de choses à dire que toi,

Mais je prends le temps de les écrire.

Nous sommes différents :

Comme le vent et la pluie.

Et l’existence se referme comme l’huître.

Pans ocre des maisons ainsi battues.

« Où voulez-vous que nous habitions… ?

Quelqu’un rentre chez lui.

Clapotements de pas devant le portail.

Un enfant ou autre chose.

Sirène de midi qui n’ébranle rien.

Pas même ces oreilles peu faites pour séparer

Le grain de l’ivraie.

« Au moins on est chez nous… »

Je suis chez moi.

La pluie est chez elle.

Le vent ne retourne pas chez lui.

Le pluviomètre se balance au bout d’un piquet.

Je ne vois pas passer les feuilles.

Pourtant :

J’attends.

Chez moi :

Sans toi.

 

Il monta pour manger : dans sa cuisine.

(Quelle information ! Quelle ode !)

 

C’est le rêve bourgeois qui nous gâche l’existence

/ pas celui des rêveurs.

 

« Comment aimer celui qui vous pourrit la vie ?

On nous demande d’aimer / et de fraterniser

si c’est pas le moment ni l’endroit de baiser /

et rien pour se défendre contre ces viols

/ si on en a marre qu’on aille se faire voir

ailleurs / dit le président élu par des cons.

Je sens que je vais finir par tuer quelqu’un :

Et comme j’ai de la chance, ce sera n’importe qui ! »

 

« Qu’est-ce qu’on a pu se marrer à cette époque !

On en buvait pas trop, mais on connaissait tous

les refrains : même que j’ai fini par en épouser

un, de refrain / et sans avoir bonne mémoire,

je m’en souviens bien assez ! / » Au café du coin,

Les yeux sur le tapis vert lui aussi, mais moins

Loquace / et les dés n’avait pas d’autre signification

Que ce que ça voulait dire de jouer à perdre son

Temps avec des bons à rien qui avaient appris

À écrire pour se faire une place dans la société.

« Des mecs au fond méchants comme la teigne :

Quand on a rien dans le crâne on l’a pas ailleurs.

J’avais jamais vu autant de mouches sur le papier.

Et ça bourdonnait comme au fond de la mine.

J’aime pas les gens qui viennent parce qu’ils

Se plaisent pas dans leurs pays : j’en connais,

Bien sûr, mais pas des tas comme vous pourriez

Croire / chez eux on joue (paraît-il) aux dominos.

 

Qui ne joue pas à quelque chose

Histoire de se priver d’en penser

Quelque chose : de ce qu’on fait

Pour avoir quelque chose à vivre.

 

« On n’aime pas autant

Si on a pas bien baisé. »

 

Dans l’éclairage économique

Sous un plafond qui a connu

Toute l’ascendance et même

Plus si on compte les femmes.

 

En allant chercher

Un linge envolé

J’ai vu un oiseau

Caché sous l’boisseau.

 

Que croyez-vous qu’il fit ?

 

Il se cacha aussi

Pour éviter les gouttes.

Et trouva la chemise

Cachée sous le boisseau.

 

« J’ai la cuite amère, mec. La violence.

J’ai toujours eu ça. Et je revenais avec

Un trophée. Toujours. J’aime gagner. »

 

Le malheur qu’on fait payer aux autres :

Qui croira que la femme a un jour dominé le monde ?

Rien qu’un jour pour donner à rêvasser dans les cuisines.

« Mais voyons ! Ce n’est pas logique ! »

Ça l’était au début.

Puis on finit par se perdre.

Et on raconte n’importe quoi

À des types qui sont censés être vos amis.

 

Qui a inventé le jeu de cartes ?

Selon quel principe mathématique ?

Ils n’en savaient rien à l’époque.

Et les gens continuent de compter

Leurs sous / papa et maman dans

La cuisine les mains l’une dans l’autre

/ le cornet ne contenait pas de dés.

 

Personne ne joue s’il n’y a rien à gagner.

Mais on peut devenir méchant

Si on n’a rien à perdre.

Voyez ce que vous avez fait

Aux habitants de vos colonies :

Et ne vous étonnez pas s’ils ont

De la mémoire / plus que vos

Propres enfants : confessions

Des réseaux / l’écran sans tain

Pour expliquer sans violence.

 

« Tous ces types qui reviennent cramés

Quand moi je rentre avec mon désespoir !

Et l’esprit assez clair pour en souffrir /

» Dieu a laissé tomber une goutte de son

Sperme après une sacrée excitation

À propos de son double : mais il n’y

A pas eu orgasme divin / juste une goutte

Comme ça arrive quand on s’excite /

« Il a fallu que ça tombe sur moi ! »

 

Ensuite il redescendit : pour écrire.

(Quelle information ! Quelle ode !)

 

La pluie tombait toujours

Comme elle tombe en ce moment.

« Ce que je peux avoir froid avec toi ! »

 

De quelle nature était la semence divine ?

(Je pose la question maintenant

/ la pluie tombait /

Que Dieu n’existe plus /

Disparu dans l’Histoire

Comme tant de soldats

Qui ont voulu sauver

Leur terre pauvre mais

C’est tout ce qu’on possède)

C’est la question qui explique tout /

Sauf qu’on ne sait rien du langage

Qu’elle destine à l’oreille ou à autre

Chose : répondez par un clignement

De l’œil si vous pensez que oui

Ou de l’autre œil si c’est non /

La pluie tombe encore

Pas de repos depuis ce matin

J’ai vu passer une conversation

Sans en déchiffrer le contenu

(mais j’en connais le sujet : )

Le prix des prochaines vacances.

 

Dieu qui finit par tromper l’homme

Qui avait le plus confiance en lui

Et qui n’avait pas encore défloré

L’enfant reçu pour ne pas en avoir.

 

« Nous irons le plus loin possible.

Mais attention : ça tourne ! »

 

« Tiens ! Vous revoilà ! »

 

« On en a des histoires à raconter ! »

 

La pluie n’inspire pas autre chose :

Mourir la fenêtre ouverte

Sur un soleil éclatant.

 

Ce qu’une simple parole peut contenir

D’histoire personnelle comme d’idées /

« car sans au moins une idée de ce qu’on

fout ici / mon fils / tu ne vivras pas

longtemps entre les bras d’une femme. »

 

ou l’inverse si le fils est une fille.

 

« reconnaissez que le monde est justement partagé :

Les uns vivent des autres / l’inverse est aussi vrai :

On ne peut pas mieux faire en matière d’Histoire. »

 

Il eut un accès de fièvre

Dû à une idée fausse :

Celle qu’elle lui inspirait

Chaque fois qu’elle passait

En robe printanière : quelle

Information ! Quelle ode !

 

« Il n’y a rien comme le sexe pour vous perdre un homme :

Je n’en connais pas un qui bande encore / dans mon lit

je veux dire : j’ai écrit de beaux romans érotiques si

ça vous intéresse / vous avez une page Facebook ? »

 

De l’information. Et de l’ode.

On n’en demande pas plus.

Nous paierons le prix annoncé.

Pas de marchandages en vacances.

Vous vous y connaissez en trigo ?

 

Non pas n’importe quoi, mais n’importe qui.

Écrasé comme une punaise sur le carreau.

Derrière la pluie, le vent, le soleil et tout

Ce que vous pouvez imaginer maintenant

Que votre existence réclame un sens : il

Était temps ! Demandez à Dieu d’éjaculer.

 

Dieu n’a jamais éjaculé.

Il ne s’apprêtait même pas à le faire.

(de sa puissante main)

Il était seulement excité.

Et…

 

Je n’écrirai jamais plus sous votre influence,

Ô bigotes de mon quartier (je n’ai pas dit :

de ma paroisse) / vos jupes sont les ailes

Des sirènes : vous les avez héritées de Dieu.

Mais vos corps que n’emporte pas le vent,

Vos corps que le clystère empoisonne au soir,

Ces corps aux brassées de fleurs et de bruyères

: je n’en ai pas connu d’autres / même en enfer

D’où je viens (moi chien) en docte compagnie,

Même charmante si vous me laissez dire /

Ah cessez de flatter ma fourrure d’hiver !

Celui que j’accompagne (ou qui m’accompagne :

comme vous voulez) ne cherche plus l’amour

Parmi les femmes de ce monde : il sait que

Vous n’existez pas / cagotes aux lèpres si

Anciennes que même l’enfant s’en souvient

/ je n’irai plus en votre compagnie tâter

La queue de Dieu pour savoir où il en est

De sa Création : je devrais dire : de Sa Sainte

Création :

Mais je ne suis qu’un chien

Et je reviens de loin !

 

Laissez parler la multitude.

Et archivez tous ses propos.

 

Ô que la chandelle ne meure

Jamais d’attendre le sommeil !

 

La création, ma mie,

C’est la sainteté !

 

Ah que j’en perde la raison

Si des histoires je vous ai

Raconté après le curé !

 

Merci de m’avoir écouté !

 

Si l’oreille vous est de quelque utilité

En ce domaine particulier

Du langage.

 

À moins qu’il n’y en ait pas d’autres.

« C’est bien possible, ma bonne dame pipi…

J’en ai vu d’autres, mais pas à ce point difficile

à déchiffrer sans y mettre du sien : si vous voyez

ce que je veux dire, moi : » tombé d’un ventre

Qui courait le 100 mètres en moins de temps

Qu’il n’en faut pour le dire /

 

Chantez que ce n’est jamais arrivé.

Égorgez cet agneau qu’on appelle

Enfant et revenez dimanche prochain.

 

Il pensa à se marier et oublia qu’il avait eu cette idée.

Ceci est une information sûre : voir même une ode.

 

Ces révolutions qui remettent le monde

Sur ses pieds de banquier de l’existence.

De quel déséquilibre sommes-nous atteints ?

Je n’ai jamais goûté à la prison : si je suis fou,

Enfermez-moi au dernier étage de la tour

La plus haute et laissez la fenêtre ouverte

(si c’est possible à cette altitude : j’ai comme

un doute) j’ai toujours rêvé de me jeter dans

Le vide : faute de néant / de savoir ce que

C’est / comme l’idiot envisage la noyade

Par le biais des encyclopédies de l’internet.

Je m’écraserai alors (par calcul) sur le toit

D’une banque aimée de tous : même de toi.

 

Je ne sais pas faire autre chose, mec…

Ah oui… je sais voler… mais j’ai peur

Du vide… je préfère la pluie de mes

Hivers / et ce vent si froid, si menaçant !

 

La Lune ruisselant sur les barreaux de la fenêtre

: le bureau est installé au rez-de-chaussée / Lune

Des premiers instants de bonheur / « j’ai lu

Quelque chose sur l’internet à propos de la

Noyade / » pourquoi évoquer le dernier jour

De Virginia : que j’aimais comme je n’avais

Jamais aimé personne : Virginia, Truman,

Ernest, Rimbaud : ces êtres doués pour

La moindre phrase qui revient en mémoire

Dès qu’on (re)commence à écrire : au fil

De la Lune étalant son reflet jusqu’à la rive

Prochaine / sur l’internet : lu quelque chose

Qui devient poème parce que tu l’as lu /

« il a fallu que ce soit toi » / premiers instants

De la connaissance de la joie / les gens

Lancent leurs lignes et attendent / tandis que

L’enfant mesure l’importance de la tragédie

Qui se joue / « j’ai pas lu mais je lirai » /

Tu liras par-dessus mon épaule ce que j’ai

Déjà morcelé comme jardin familial / géomètre

Aux bornes scintillantes sous le soleil d’été

/ un jour à l’approche de la nuit / les gens

(toujours les mêmes) plongent leurs mains

Dans l’eau et remontent des êtres morts

D’angoisse et de fureur : comme cela se passe

(leçon #2) dans la vie réelle / réelle vie la dans.

 

En ville tu défonces

Les limites de la réalité.

Bélier au crâne dur

Comme l’esprit

De groupe qui

Anime dans les marges.

Convoque les possibilités

Prosodique (accents)

Des modes d’emploi.

« Je ne vous (toi et moi)

Connaissais pas cette

Disposition pour

Le fidéicommis.

Grevé. De. Restitution.

Les morts sont poètes

Par. Comme je disais.

Ardoises des dettes

À payer avant la nuit.

Fouillant l’ombre

À l’aide d’une torche

Flambant comme

Dans un film d’horreur.

Disposant. Grevé. Appelé.

Appelée du fond

D’un trou creusé

Dans l’imagination.

Les nuits sont chères. Tiens, mon père (boucher)

Aurait dit : coûteuses. Moi je ne dis rien encore.

Je dis : encore. Sachant que j’en ai les moyens.

« Mais de là à inventer ce que personne ne sait

Dis : encore. L’hiver j’observe les oiseaux rares.

Mon carnet à la couverture froissée / la mine

Grasse si utile en cas d’ombre / designer la

Limite exacte que personne ne peut dépasser

Sans avoir de l’avance sur son époque : les faits

Qui démontrent que la prévenue est une salope

Qu’il faut réduire au récit de l’assassinat qu’elle

N’a d’ailleurs peut-être pas commis

Intellectuellement

/ ô fêtes aux entrées durement acquises / « une

Poésie utile à tout le monde est un humanisme »

Je le savais déjà : je n’ai jamais tué que le temps.

Intellectuellement / nous n’en saurons jamais

Plus que ce que nous savons déjà / préliminaires

De l’angoisse / « winner takes nothing » je le savais

Déjà / des paons appelaient Léon / sans la nuit

La télé annonçait que magistrats, syndicalistes,

Journalistes et politiciens n’inspirent pas la confiance

/ intellectuellement : beaux vers qui filent avec l’eau

Vers d’autres cours / je vieillis, dit-il : je n’ai plus

Soif : item, ma crasse exemplaire dans les caniveaux

Du savoir, sachant que tout se perd et qu’à la fin :

Le lézard ne retrouve pas sa queue parce qu’elle est

Digérée depuis longtemps / heureusement il / je

Sais / je n’ai pas l’oreille d’un sourd au langage que

Vos inventions donnent au poème sans les prendre

À la poésie / nothing / anything / pas du tout fait

Pour les esprits formés sur les bancs de l’école /

Nécessite une aventure préalable / un coup de pouce

Du sort / réservé non pas aux chanceux mais à ceux

Qui fréquentent le duende sans se soucier de savoir

Pourquoi c’est tombé sur eux : mais que savent-ils

Vraiment ?

Fêtes données la nuit

Quand les limites se trahissent.

Parlez-moi de l’extase.

En revenant sur ses pas,

Il ne comprend toujours pas

Que quelqu’un a jeté les dés

À sa place et que cet être

N’a plus aujourd’hui d’existence.

Vraiment ?

 

Qui suis-je pour parler ainsi

Et surtout pour agir ainsi ?

 

Je suis… les noms au fil de l’eau ou dans le sillage.

Les gens choisissent la morale et l’esthétique.

Que se passe-t-il, là, tout près de moi, maintenant ?

S’il n’y a personne, si je n’attends personne, ici ?

Ne me privez pas de la société d’au moins un homme.

Je ne vous parle pas d’amour : c’est intellectuellement

Que je veux dire / sans être contraint de l’imaginer :

Je sais que c’est un roman / je sais où le trouver /

L’immense terrain de jeux des intellectuels / les autres

Font semblant de s’aimer / « que voulez-vous qu’ils

Fassent de leurs mains ? » / creuser / creuser sous

La maison mais pas un tunnel : un puits / jusqu’à

Rencontrer le premier degré signalant une élévation

De la température : il y a des gens pour calculer ça :

Avec des paramètres en veux-tu en voilà / ces gens

Tellement utiles qui font semblant de s’aimer /

 

Ne jouez pas avec mes nerfs !

 

Vous comprenez ce que je tente de déchiffrer

Afin de demeurer facile à :

 

La page est un mur / ou le plan de sable

Que la vague lisse encore au fil de son écume

/ révélant la présence de haricots dessous /

Et la récolte fut assez prodigieuse

Pour inviter tout le monde

Y compris les enfants

Au repas de conclusion

(avant la sieste)

 

Sourire de satisfaction sur les lèvres :

J’ai toujours aimé ce moment après

L’amoncellement des coquilles vides :

Les verres ne s’entrechoquent plus.

Les jouets sont immobiles, sérieux.

On entend la mer (océan pour les autres)

/ le ciel est presque blanc, métal

Divin proche de la fusion : nous dormons.

 

Qui a intérêt à nous réveiller ?

Le flic qui ne songe qu’à se défendre ?

Le prof qui ne sait plus écrire sans fautes ?

Le toubib jouant avec les reflets de ses ciseaux ?

Tous ces gens qui servent à quelque chose

Et que tout le monde aime ou apprécie ?

Alors que les autres, les inutiles :

Juges, syndicalistes, journalistes, politiciens

N’inspirent pas la confiance / c’est

Le moins qu’on puisse dire / poétiquement

Cette fois : les insectes ailés ou pas se baladent sur nos joues.

 

Je n’ai eu soif que l’après-midi :

Aimé de tous.

Le vent nous a chassés de cet endroit paisible.

Les embruns fouettaient nos visages d’enfant.

Nous avons oublié nos coquillages sur un rocher

/ voyant de loin / sur la falaise nous étions :

La vague emporter notre trésor vidé de toute vie.

 

Envol des voitures dans le ciel d’été livré à la tourmente.

 

Quels soirs moins propices

À l’invention du sommeil ?

La chaleur est intense /

La pluie a cessé de tomber

/ le vent semble s’être couché

Lui aussi / dans d’autres draps

/ demain les escargots / êtres

Qui ont le pouvoir, s’ils rentrent

Dans leur coquille, d’arrêter

Le temps : nous courrons jambes

Nues dans ces herbes mouillées

/ joues écarlates de feu : désir

D’ordinaire annoncé par ce qui

Demeure du rêve / mais les prés

N’ont pas le charme de nos plages

/ faut-il le répéter ? sin(ceri)tas

 

Allez hop ! Une fleur de Laforgue et ça repart !

De même l’ouverture en trompe-l’œil du Villon

Qui séjourne sous la lampe / avez-vous bien

Fermé la fenêtre à l’intrus ? N’oubliez pas le

Guide !

 

Soleil blanc irradiant le gris du ciel.

Feuilles pointues des branches torses.

Un pan de mur gâche la vue.

 

J’aime le blues de vos phares, autos.

La nuit quand la pluie a cessé de tomber.

Vos glissements près des maisons, ombres

Au volant. Je ne vais jamais aussi loin

Pour trouver de quoi faire. Mes fuites

Sont des voyages. Franchir le portail

De fer et de rouille est inutile. La mort

S’annoncera-t-elle ? Aux gouttes d’eau

Sur vos toitures, autos. Vos verres embués.

La trace sèche sur la chaussée. Trabalengua !

La poésie n’y peut plus rien. Pourtant,

Naguère encore… / chasseur de l’inconstance

Au péril de l’existence / Ah mes autos !

 

Le poème et ses fils :

Je connais des gens

(sans distinction de sexe)

Qui signent roman

Sous le titre du poème :

Parce que roman

Peut faire vendre

(belle illusion !)

Que pensez-vous d’eux ?

 

« Penser n’est pas dans mes cordes…

Mais si vous avez besoin de quelque chose… »

 

Les gens utiles (en qui on a confiance)

Et les inutiles (pas confiance du tout !)

 

Les parasites / ceux dont on peut se passer

Si on y réfléchit un peu : ils réfléchissaient

Sans cesser

De défier l’autorité et ceux

(inutiles)

Qui la représentaient

Ou éprouvaient le besoin

D’en parler.

 

Le peuple n’habite pas dans les palais

Mais il peut visiter ceux qui sont inhabités.

 

Clientèle des vieux et des écoliers,

Des handicapés et des pauvres :

 

« si on peut profiter, on profite »

Jardins pour s’envoyer en l’air

 

Sous l’œil-au-ciel des statues.

Marbres des mécènes-en-creux.

 

Ou tout autre matière plane

À la surface d’un digne-standing.

 

« ya rien à voler ici à part les chiures »

Pas de bal non plus : sauf invitation

 

Sur patte-blanche-diplomatique :

On revient à la réalité par la même-porte.

 

« J’aime ce pays comme moi-même ! »

Chantonnait un visiteur ardent / l’œil

Posé en coin sur les petites filles chipies

Qui lorgnaient les statues / berceaux fous

Dans les allées : les jambes croisées d’une

Nurse attiraient l’attention des historiens

En herbe / « ah ce que j’aime ce beau pays ! »

Cette fois avec l’accent des faubourgs /

Les chips entre les dents et toujours l’œil

Aux aguets car d’autres exemplaires de la

Gente féminine en formation avançaient

Entre les haies cette fois en Andalousie

/ à Grenade écoutant un concert classique

: « j’aime ce beau pays comme je m’aime »

 

La queue violacée d’un baigneur

Éprouvait des contractions semblables

À celles de la nymphe que nous avions

Observée sous la houlette d’un professeur.

 

« Tant que ça ne fait pas mal : je veux dire :

Dit le magistrat au cours d’une conversation

Privée : physiquement : parce que là-dedans

(il désignait l’intérieur de son propre crâne

figurant celui de la victime supposée) : c’est :

j’aime ce beau pays : autre chose : en réalité

Nous n’en savons rien… » ce qui offusqua la

Dame qui était assise sur mes genoux / juste

Le temps d’atteindre le bocal contenant mes

Cerises (j’ai bonne réputation parmi ces gens)

 

« Il faut manger : et s’il ne s’agissait que de ça :

Nous avons tous des rêves : ce n’est pas pour rien

Qu’on dit que nous sommes semblables : svp

Ne la prenez pas par le cul : elle est bien jeune,

Vous avez… ? » Qui sait ce genre de choses si

L’occasion se présente : « et puis c’est une autre

Race / je ne dis pas inférieure / mais nous sommes

Si différents : historiquement : et donc moralement. »

 

Être ou ne pas être un objet sexuel.

« le smart se vend bien ici, vous savez ? »

Jouant aux échecs avec l’inconnu(e)

/ l’écran plus complexe encore que

Le mental / à deux heures du matin

Un tweet donna le départ et : sûr

De lui : il initia les représailles prévues

Par le Coran / des heures d’attente sous

La pluie / à l’abri d’un auvent de toile

Que le vent secouait projetant des volées

De flotte sur la chaussée ensanglantée.

« si vous n’en avez pas je peux vous en

avoir un pour x euros / vous ne pourrez

plus vous en passer : il faut vivre avec

son temps » Sériatim des immobilités

Gagnées sur le Temps / « j’aime ce beau

Pays ses châteaux ses bouteilles ses femmes

Ses bouquins ses spectacles beautés nues »

Quelle angoisse ! Quelle ode ! On ne vit

Pas longtemps dans ces conditions / on

Finit mal : « ne regardez pas l’heure avant

d’avoir pris votre décision » grimaces des

Animaux en captivité dans ce beau jardin.

L’acier des barreaux comme autant de cloches

Rythmant l’existence des habitants / colère

En exhibition dense : danse d’une fille nue

Qui agitait un concombre : « vous m’en direz

des nouvelles : indispensable ! On ne peut plus

s’en passer / et en plus ce n’est pas cher du

tout : » Où est passé ce passé si je ne suis pas

Celui qui l’a enfoui dans sa terre natale : « 

 

Est-ce que nous y pensons sans arrêt ? Est-ce que

nous n’en savons pas plus ? Depuis le temps que

nous ne nous occupons que de nos propres affaires

sans nous soucier des conditions d’existence que

l’animal supporte à notre place ?

 

j’aime la barbe à papa,

les pommes d’amour et

les berlingots / les manèges

l’enfant que j’ai été, le son

de mon ocarina / les percussions

de Strasbourg / mon masque,

mon tuba et mes palmes /

la danse des arcs et le txistu

ttun ttun / les rues adjacentes

où le lavoir en pointe

sentait la rose de tes pieds.

 

» / il n’y a que le futur

Pour porter les traces

Du poème envisagé

Au cœur même de l’enfance

 

Fiction forcément scientifique

(je te le dis comme je le pense)

 

Le texte est symphonique.

Les deux bandas de Charles Ives

Du haut de la tour où son enfant

Voit plus loin que demain.

 

« fera un excellent ouvrier »

« excellent élément »

Distance entre le père et le fils :

« parlez-moi de la mère : »

 

« Un jour (cher enfant / plus tard : cher ami)

vous vous souviendrez de mes moranes et

de mes dewatines » / cette racine humaine

Émergeant de la terre natale : au cours d’une

Promenade avec les siens : dunes au soleil /

« n’oubliez pas mes combats dans le ciel

de ce pays que vous aimez » / mais le langage

Tout le monde s’en fout : les livres sont des

Catalogues : on n’y parle pas du langage /

Le feuilletage est le seul mode d’existence

Maintenant qu’il est trop tard pour mourir

Sans les autres / « j’aime je l’aime ! » / Ode

Dans un parking / au son des caddies / l’enfant

Aime mieux les contenus que le contenant.

 

« Mettez-vous bien dans la tête

Que ce ne sont plus vos enfants. »

De l’auteur à l’acteur

Autor / Actor

« Avez-vous choisi votre camp ?

Nous avons trois couleurs : une

pour chacun de vos désirs / 3

tweets sur le fil tendu entre

Votre attente

Et nos installations.

» J’ai rêvé que je savais nager…

En vérité je n’ai jamais appris…

Je compte sur votre gentillesse…

Nous aurons 3 beaux enfants…

Des deux sexes dont un garçon…

Plongeons avant qu’il ne soit trop tard !

 

A H N / faites votre choix

Ô romancier de l’anticipation

Ou du futur : précisez de quoi

Vous êtes le romancier

Ô Poète raté (selon Bill)

 

Pascal Leray retrouvant les fils

De l’invention de la Recherche

Et exigeant que sur-le-champ

Quelqu’un en invente le mode éditorial

« Qui ? Mais lui ! Il est en train

d’atteindre les limites du champ

schizophrénique ! » Quelle écriture !

Quelle angoisse ! Quel beau pays !

 

Léviathan dans les phosphorescences de l’immensité

L’immensité sans plages accueillantes

L’interminable quête du bonheur qu’on achète

« Nous avons perdu un ami qui nous était cher »

 

Qui ne connaît pas la chanson ?

 

Après leurs rouleaux et nos livres :

Villon feint l’ignorance et nous fait rire

Un général qui monte au ciel après avoir toussé

« Ne laissez rien à l’ennemi ! Pas même vos femmes ! »

Il vous en restera comme une impression :

Très proche (je n’en doute plus) de celle

Que j’ai ressentie moi-même avant de me livrer

À l’interprétation que vous savez : rôle

Du comédien : actor : autor : on ne peut pas être plus clair.

Une fois là-haut il se met à briller avec les années.

Villon manie l’obscénité avec art.

« Avez-vous réfléchi à ce dont nous avons parlé… ?

Q : Les étoiles ne changeront pas de ciel

Si on n’y met pas du nôtre…

R : Mais pourquoi voulez-vous

Qu’elles en changent, nom de Dieu !

Q : Je ne sais pas… Comme ça…

« Il y encore tellement de choses à faire ! »

Le comédien rencontre un autre comédien :

Q : Vous êtes d’ici ?

R : Nous aimons tous notre pays.

Q : Vous connaissez X (ou Y, Z, etc.) ?

R : C’est moi… C’est vous…

Plein de poèmes aux alentours mais pas ici.

Les étoiles ne se comptent pas aussi facilement, bébé…

R : Pourtant, j’en ai vu une…

Dans un ciel noir de guerre et de misère.

Villon parle parisien et ça ne nous parle plus

Comme il a voulu que ça nous parla (parigot).

Q : Il n’y a que les petites choses de poétiques.

Les autres (les grandes ou à peu près) c’est

Une autre affaire et nous ne sommes pas près

De nous y mettre aussi facilement que ça, bébé.

Pas de réponse (étrange…)

Comptez les pieds au lieu de vos syllabes !

À la fin, cette impression que vous laisse

Mon poème : si vous avez pris le temps de lire

Ô impatient lecteur de comètes !

Ne gisez pas à leurs pieds de vainqueurs.

Je donne tout ce que j’ai acquis

Et je rends ce qu’on m’a donné.

La différence fera de moi un homme ou un animal.

Villon a-t-il vécu cette sensation sans doute intense

Ou tout ceci n’est-t-il que légende à but marketing ?

L’erreur est de laisser son ennemi potentiel

Construire les bases de sa future industrie de guerre.

Tuons le mal dans l’œuf !

Toute cette jeunesse destinée à connaître la douleur…

Et ces disparitions qui jettent le soupçon…

Le général qui montait n’est pas redescendu.

Vous ne compterez pas une étoile de plus.

On ne compte pas infiniment : c’est ainsi.

Pensez plutôt à acheter quelque chose à vos enfants :

C’est bientôt Noël.

Après leurs rouleaux et nos livres :

L’expansion des réseaux.

(grimace de dégoût)

 

Pleurnicheries des saisons

Pendues aux arbres ou nouées

Dans la gorge qui ne demandait rien.

 

Le soleil n’est pas éternel.

Rien ici n’est éternel.

Aussi loin que porte l’esprit :

Rien d’éternel et pourtant

Il n’y a pas d’autre solution.

 

Romans où le corps se donne en spectacle.

Les divers lieux de cette offrande à l’autre.

On finira par ne plus rien comprendre à la douleur.

Ce temps passé à la fuir… Instruments de l’extraction

Ou de l’injection : nous avons les moyens

D’inventer la parole.

Quel éclair cet instant de bonheur !

Des scènes de cul à la place des pamphlets anarchistes.

Du journalisme social entre les actes

Inspirés par la réalité.

Ne vous inventez pas vous-même

Si vous n’en connaissez pas le prix.

J’ai connu une gonzesse qui écrivait des mensonges

Qu’elle jugeait assez gros pour être appréciés

Des éditeurs parisiens.

Dans la rue on rencontre (ou on voit de sa fenêtre)

De plus en plus d’étrangers : certains vont même

Jusqu’à ne pas parler notre langue !

Mais malgré ça et tout le reste

J’aime mon beau pays et ses châteaux,

Même si ce n’est pas l’Espagne de mes aïeux.

À la barre fixe

Je suis un artiste.

 

Tu parles d’un artiste ! / « la Terre est à tout le Monde »

Le malheur à notre porte / seuls ceux qui peuvent s’en sortent

J’en ai connu un qui aimait les femmes « qui sentent bon »

Rumeur ce matin

De noyades et la mer

Avait refusé la carcasse

Qui flottait sous le vent

Et se rapprochait de la côte :

« si c’est pas malheureux… desgracia…

Vois si on a quelque chose à manger »

Il ne dit pas bouffer / il respecte

Celui qui s’invite dans le Jeu /

« on joue depuis tellement longtemps ! »

Il veut dire : nous / les damnés /

« quelle chance vous avez ! »

Et autour de la table la discussion s’engagea

Chacun s’employant à ne pas aborder les sujets de discorde

« ce n’était pas le moment » / des enfants qui ont perdu

Leur joie naturelle : depuis combien de temps ? / Où

En étions-nous à cette époque forcément toute proche ?

Il ne se souvient pas d’autre chose que des ennuis au travail.

Quelle ode ! On en venait à parler de son propre travail

Au sein de cette société qui est la seule limite que personne

/ pas même toi ô étranger / ne peut franchir « même farci

aux as » (interprétation de langue à langue / personne

N’est mort « nous sommes venus chercher / puisque c’est

ça que vous nous demandez / la tranquillité / pas la richesse

ni le confort / soyez assurés que nous nous tiendrons tranquilles »

 

Tu parles d’un artiste ! /

Pas un simple collage.

Ces couleurs (si ce sont

des couleurs) ne se mélangent

Pas : c’est l’arc-en-ciel

De nos rencontres fortuites

/ de loin l’effet est pictural :

« tu verras comme c’est pictural »

 

Pourvu qu’aucune idée ne soit assez nette

Pour l’emporter sur les autres !

 

Ce fou qui hurlait de douleur :

Impossible / pour lui comme pour nous /

De situer cette douleur ni de savoir ce qu’elle était.

Nous sommes retournés dans nos bureaux respectifs.

Voilà ce que j’appelle solitude.

 

Pourvu qu’aucune idée…/ lavement : traitement

Thérapeutique / « on ne se sent pas mieux après »

Avoua le sujet en question ici / ça continuait de couler

Et il fallut attendre deux heures avant que ça s’arrête :

« je vous l’avais dit » / il avait plus d’expérience que nous

Dans ce domaine : les années acquièrent ainsi un sens.

« mais je vieillis moi aussi » / se vidant comme animal

: « qu’est-ce qu’on va devenir toi et moi… ? — Mais

rien, mon chou ! On ne devient jamais rien / même si

on a été quelque chose / » / ils extraient de la terre

Disons : de la boue : des cadavres plats ou plus exactement

Écrasés par le poids de la terre qui a pesé sur eux pendant disons :

25 ans / cuir indestructible sauf par le feu / « si c’est la solution,

n’hésitez pas » / purification des fumées aux terme de la Loi.

 

L’atmosphère (au figuré) se peuplait (au figuré)

De toutes ces histoires que chacun ne cachait plus :

Secrets de famille éventés (au figuré) / « nous

procéderons au classement hiérarchique de ces données

quand on nous en aura donné les moyens » Quelle ode !

Il se sentit capable d’égaler le Parisien / il voyait

S’amener en masse les rimes les plus judicieuses /

« je donne tout » résuma le type qui en avait fini

Avec ses écoulements / le Monde s’approchait de

Quelque chose : « il suffit d’un rien pour s’élever

au-dessus des autres » / quel artiste je fais ! Ah !

 

« Vous rirez moins quand il ne vous restera plus

qu’une demi-minute de conscience, vous verrez : »

Mais qui sait de quoi je suis la conscience ?

 

« j’aime quand ça se complique : on ne sait plus

où donner de la tête : les murs / lémure / » L’ode

En marge des journaux télévisés : les grandes causes

: toutes liées à la religion, à la conservation de l’espèce

Et à l’anéantissement des restes humains / catacombes

Sans déchets : la pancarte indiquait : « On ne visite plus »

Ce qu’il y a derrière : ces parois que l’esprit construit

Parce qu’il ne peut pas concevoir ce qui est derrière :

Mais quelle imagination ! Quelle ode ! Petits poètes

De l’obscur : le moindre galet les inspire / à la plage

Comme ailleurs : vacances nécessaires qu’il convient

D’organiser en économie : « tout est économie » / Votre

Poésie est un divertissement que nous n’avons pas réussi

À inscrire dans les flux : par contre nous savons (coup

de baguette magique) faire du divertissement un spectacle

Poétique / rites nécessaires : messes, mariages, enterrements.

Les bornes de l’existence : la robe de la petite fille espagnole :

Sévillane, communiante, mariée / veuve : ou le gilet

Noir de celui qui a perdu la mère de ses enfants / usure

Des revers / au mur deux clous pour accrocher et ajuster

La ceinture nécessaire (faja) / cette pauvreté digne

Du seigneur qui (avec ses chiens) les protège du loup :

Los que a la playa van / « le type au lavement est

décédé cette nuit — Mais de quoi ? — Suicide… »

 

Ce qui avait d’abord paru être une chaloupe

N’était que la carcasse d’un bateau de pêche

Qui ne valait plus rien pour ça / ils les coulent

Au large / il ne faut pas longtemps à la mer

Pour en finir avec ces restes / « on a cru à

la dérive d’une chaloupe : à bord les malheureux

que l’Afrique vomit parce qu’elle ne peut pas

les digérer : ces zones du peuplement humain

qui souffrent d’indigestion / chronique / ode

aux enfants du malheur de n’être pas nés

dans l’estomac des fortunes de ce Monde / »

 

Le Monde est un être à lui seul :

La Ville ne lui arrive pas à la cheville.

Impossible de savoir quand il finit.

Sait-on d’ailleurs quand (ni comment)

Il a commencé ? Exhumez vos corps

Perdus à jamais / mais l’industrie des

Réseaux n’est pas plus à la hauteur.

 

Perception + Imagination = ce Monde.

Multiplication des réductions à l’échelle.

Jouets de l’avenir / les morts ne parlent

Pas : sauf s’ils laissent de l’écrit : documents

Et œuvres d’art / moi parmi ceux-là

/ gourmant en postérité ? / non /

Je me fiche ce que je laisserai tôt

Ou tard / plus tôt que tard maintenant

/ facilité pour l’écriture tient sans doute

A une autre facilité : la lecture / Vico :

« chaque ouvrage était lu trois fois : la

première pour en saisir l’unité ; la

seconde pour en observer la suite

et pour étudier la composition, la

troisième pour en noter les expressions

remarquables, ce qu’il faisait sur le

livre lui-même »

UNITÉ SUITE CITATIONS

« rien qu’avec ça tu construis

n’importe quel poème / tu vois,

l’ami ? J’aime discuter avec toi :

et pas seulement parce qu’on est

d’accord / je t’aime parce que tu es

moi / aussi bien que n’importe

lequel de ces salariés qui en

veulent toujours plus / mais qui

paie à la fin / si ce n’est celui (ou

celle) qui ne travaille pas parce

qu’il (ou elle) refuse de travailler »

UNITÉ

SUITE

CITATIONS

Beau poème (finalement beau) du

Monde conçu comme un personnage

Et non pas comme la ribambelle de

Tout ce qui s’écrit depuis longtemps :

Et ne me parle pas de la Ville qui vieillit,

Qui finit par vieillir parce qu’elle ne

Ressemble pas au Monde : quelle ode !

 

Frisson nouveau : juste ça aux entournures.

Comme devant l’autel : aux agenouillements

Conçus comme des moments de réflexion

En attendant de penser / on ne copule pas

Dans les temples / on y enterre quelquefois :

Entre la malédiction et l’incroyance : ode

À la seringue (petits fumeurs s’abstenir)

/ le cucul d’un enfant qu’on fesse ou qu’on

Caresse : qu’est-ce qui meurt vraiment en nous ?

 

Vides nennis / chants funèbres à la sortie :

Orthographiés nénies par les puristes /

« j’en avais le cœur chaviré » / cette noyade

En hypothermie / voyant les autres mourir

Avant d’y passer soi-même : ce long spectacle

De la disparition que pallie (un temps) le

Tombeau dressé ou couché selon les moyens

Familiaux (quelquefois l’État prend le relai)

« admirez cette façade toute de poésie ! »

Refus obstiné de qui a été gâté par l’existence :

En chemise déjà blanc immaculé conçu /

Qu’est-ce qui meurt vraiment en nous ? Ce

Jour-là / et après quand l’oubli convoque

Inutilement la recherche ?

UNITÉ

SUITE

CITATIONS

Ordre des choses quand on a un peu de jugeote.

Homonymies (-phonies) entre les ex-voto /

Tout commence par cette sensation d’unité :

Un tout (traduisez anything) dû à la chose

Qui ne le contient pas : est en soi une œuvre

D’art / « vous en déduirez les identités

remarquables. »

Frisson nouveau ou extase : ekstasis : être (fait)

Hors de soi / et se voir mais pas comme dans un miroir :

« pas à l’envers » (rires) / ni se voir se voir / l’étrange

Expérience de la sortie / comme une mort en vie :

« qui ne s’y est pas essayé, l’ami ? » Alors que le Monde

(ledit Mundus si vous voulez donner un nom à

ce qui n’en a pas) est bien le lieu de cette sortie

hors de soi / « le problème c’est qu’on n’a pas

encore trouvé la : substance : celle qui » / un appel

À la magie ne suffit pas : par exemple : « j’étais là :

ici : quand Eva Braun… vous savez… ? » / cette salope

Me fait bander encore : « notez ce qu’il vient de

dire : il n’en avait jamais parlé avant : » /avant :

Ils veulent d’abord savoir / ensuite la question du

Présent telle qu’elle peut se poser à des esprits

« parfaitement bien dans leur peau / » La Ville

N’a plus d’âme / plus de corps / c’est le Monde

(malgré votre tentative : « rien que des trucs »)

Qui impose le Temps comme seule mesure / ou

Comment j’ai écrit certains de mes livres /pas tous

 

Comme le texte (poème ?) est beau quand il n’est plus

Écrit par ceux qui commencent par l’autopsier !

 

« j’emploie mon temps comme je veux, monsieur ! »

Ou : madame / ou rien du tout si on n’a pas envie !

 

Miser sur l’attente : avec quels moyens ?

La patience… ? Ou au contraire…

L’embarcation n’était qu’une carcasse

Bonne à virer au fond de la mer.

Personne pour alimenter le récit

Que les curieux (autant d’objectifs)

Commençaient à se jalouser.

Ils s’égaillèrent comme des mouettes

Que les éboueurs privent de promesses.

Au large, la carcasse de l’ancien bateau

Avait disparu sans laisser de traces : pas

Même un galion / « ya rien à voir finalement… »

Et ya jamais rien eu à voir : vous disparaîtrez

De la même façon, poète : ils viendront,

Mais pas pour voir une carcasse couler

Dans son cimetière :

celui qui a toujours été le sien.

 

J’aime les gens qui partent :

Ceux qui s’enfuient

Comme ceux qui s’ennuient.

 

L’aventure ou l’ennui :

Nous n’avons guère le choix :

À moins de s’injecter la bonne substance :

Encore faut-il s’y connaître…

« mais on apprend ça où, mec ? »

 

L’ennui c’est plus facile :

Et écrire là-dessus.

Ne pas s’en lasser.

 

Éviter les fatigues dues aux répétitions.

Se méfier de toute formulation itérative.

Regarder les feuilles tomber à l’automne.

Les bonnets de l’été / chair recomposée

Dans la physicochimie solaire /

Et ainsi de l’hiver aux dessous électriques.

« C’est le printemps qui m’ennuie… »

Et pourtant tout y recommence…

Même les mouettes veulent se reproduire.

Les guerres et la misère nourrissent le printemps.

Sauf au suicidaire de s’y donner rendez-vous avec lui-même.

 

Si vous aviez (dans votre lointaine jeunesse)

Élevé un bison ayant fait trempette dans les marais /

Vous comprendriez ce que je veux dire

Quand j’écris.

 

Comme ça glissait !

Jamais je ne pourrai oublier ça !

Les joncs fouettant nos visages

(j’exagère à peine mais on est dans un film

et je ne veux pas décevoir mon public)

 

J’ai écrit ça parce que je l’ai vécu.

Je n’ai jamais rien écrit d’autre.

 

Comme c’est agréable de n’éprouver aucune contrainte !

Sensation de luxe et même de tranquillité.

Nous ne sommes pas loin d’en jouir.

Trouvailles à deux dans le même espace.

Le jour n’est plus nécessaire pour se retrouver.

« c’est déjà ça ! »

Spectateurs des horizons

Que l’imagination exalte

Jusqu’à la disparition

De l’objet ciel-mer.

Les visiteurs-en-marge se donnent de la peine

(d’après le chroniqueur local)

Pour profiter de tout ce que le commerce expose

Dans ses vitrines si transparentes !

Au pas des carioles et des charrettes, suivant

Ce qui paraît intéresser tout le monde : Monde

Dressant sa carcasse à l’intérieur de chacun

Et inspirant toutes sortes de publicités.

Habitants de ces contrées

N’en disent rien entre eux :

« On en parlera plus tard,

Dit l’un d’eux en prenant

La tête du cortège servile

Et souriant » / parler n’est

Pas écrire : il faut un plan

Pour étaler la matière /

Les bêtes habituées aux rires et aux machinations des enfants

Ne reculent jamais / se méfier du coup de pied quand on a

Le dos tourné : l’argent n’explique pas tout /

 

Ici l’Histoire locale n’a aucune importance.

On n’y assassine pas plus qu’ailleurs.

Comment c’est chez vous ? / les faits

Organisent la joie / organisent-ils la joie ?

Pas plus de rites que d’habitudes.

Le juste équilibre propice au crédible.

Entre l’imagination et la perception,

Ce Monde qui est aussi le vôtre : sinon

Vous vous ramenez avec vos folklores

Et c’est nous qui applaudissons cette fois.

 

Non : nous ne rions pas plus que vous.

Le malheur ne nous distingue pas non plus.

Mêmes chansons dans les rues de nos faubourgs.

Même substitution des substances.

Le camé a la même gueule / la pute

Se vend au même prix / relatif du pouvoir d’achat

« ne faites pas grincer la porte en entrant »

Les boutiques de l’ennui à ne pas confondre

Avec les jardins de la nécessité /

Le dos courbé de ceux qui ne gagnent pas assez /

To have and have not / glycines forcenées /

La poutre soulevée en deux jours / le balcon

Qui penche maintenant / glissades des enfants

Les jours de pluie sur le dallage de feu /

Nous aurons tous la nostalgie pour repère /

Unique repère un de ces jours /

Comment aimer celui qui vous vole

Les moyens d’une existence digne ?

Le lierre aussi s’est mis de la partie /

Le mortier dans l’herbe coupée la veille /

« ça n’amuse pas les enfants »

Ça ne m’amuse pas non plus / la maison

De mon père n’a pas de nationalité /

« nous ne savions pas où nous allions »

/ sous l’appentis contre le mur le bois de l’hiver

/ pour d’autres c’est celui des barbecues

« notre pain quotidien ?

Qui nous le donnera

si on ne peut pas le payer ? »

Derrière la fenêtre « plus seul qu’Onan » /

L’homme qui n’a jamais été un personnage.

 

Nulle alchimie dans tout ça…

L’excitation des tissus adéquats

Provoque l’orgasme et l’éjaculation

En constitue la preuve, ma chérie.

 

Si tu te déshabilles à temps

Et s’il ne fait pas trop froid

Dans cette maudite chambre

Où nous scellons nos vœux /

 

Je te ferai un enfant de papier :

Marionnette des fils de l’attente

/ si bien sûr tu réussis à te foutre

À poil avant que l’huissier frappe

 

À la porte ô que l’alchimie du verbe

L’emporte sur celle de la douleur !

Je ne sais plus si je t’aime encore

Mais je veux bien le dire avec des mots

 

S’il est encore temps de baiser

Sans se soucier

Du bel huissier

Qui agit seul

Si tu te donnes.

 

J’avais une autre chanson

Sur le bout des lèvres

Mais la neige a succédé

À la pluie et maintenant

C’est dehors que ça se passe

 

La mer où nos barques se couvrent et s’immobilisent.

Avons-nous assez rêvé ?

Un oiseau noir est-il toujours corbeau ou merle ?

Femme en fuite dans la trace de mes pas

Que j’ai laissée en venant

Déclarer mon amour.

Cet horizon de plage sans autres oiseaux

Que ceux que tu veux voir.

Aime la poésie comme tu m’aimes.

Je serai l’auteur de ce poème

Quand viendra le temps

De payer nos factures.

 

Avons-nous assez rêvé ?

Sommes-nous bien deux

Dans cet endroit sinistre ?

 

Je serai l’auteur de ce poème quand tu reviendras :

Je ne me souviens pas de t’avoir perdue,

Mais la maison est bien vide sans toi.

 

On ne va pas loin en cultivant des fleurs.

On ne va pas plus loin que son jardin.

Le promeneur qui ne connaît pas ce chemin

N’est pas un promeneur.

 

Appelons-le autrement /

Il reviendra plus souvent.

Reviendra pour poser la question

De savoir qui prendra ma place

Quand je ne serai plus là

Pour en parler distinctement.

 

Le chemin je le prends mais

En promeneur qui se demande

S’il est en train de se promener

Pour ne pas faire autre chose.

 

Je ne m’appelle pas Personne.

Je n’ai jamais porté le nom

De l’inconnu en voyage /

Je ne reviendrai pas je le sais

Mais j’en ai tellement envie !

 

Au moins ne partageons-nous

Pas le même souci du retour :

Tu meurs ainsi chaque jour

Et tu renais par habitude.

Un enfant serait de trop /

 

L’hiver connaît ma froideur.

Un cercueil de branchages

Effeuillés me conviendrait

Mieux que tes lettres d’amour.

 

À mon âge (dit-il) le Monde n’est plus accessible

Que comme bouche de métro.

Je sais où la rame me conduit.

J’ai même ma station providentielle.

Mais on ne sait jamais ô Hasard

Ce que tu réserves à l’attente.

Je zappe comme à vingt ans, certes.

Les miettes du repas universel

Je les ramasse « à la pelle » /

Et me voilà « plus seul qu’Onan »

/ spécialiste du temps

Qui ne sert à rien /

À mon âge j’ai le chant du coq

En travers de la gorge.

Et le Monde sans s’éloigner

Ferme ses portes et me salue !

 

Je n’ai jamais assisté de toute mon existence

À un spectacle aussi peu historique

Que celui-ci.

Je n’appartiens plus à personne /

Je fais exactement ce qu’il m’est possible de faire

Sans les autres.

Dit le promeneur qui n’en était pas un.

Plus besoin de petits cailloux blancs.

Plus besoin non plus de compagnie.

Ce que je sais est presque suffisant.

Dit l’homme en chemin sans s’arrêter.

Point d’Histoire ni locale ni universelle.

Le personnage n’en était pas un /

Je le dis à l’imparfait parce que ça l’est /

Il reconnaissait les lieux exactement

Comme il savait se conduire dans les textes

Désormais classiques du modernisme /

Combien de temps encore dans ce même pays

Qui est le seul en plus de me ressembler ?

La page ne s’animait plus de places exactes.

Il ouvrait et fermait la fenêtre aux oiseaux noirs.

Il sautait par la fenêtre si ça lui chantait.

Dix / que dis-je : quinze / étages contenant

Chacun des dizaines / que dis-je : des milliers /

De possibilités de rencontres /

Mort plus d’une fois : c’est dans les journaux.

Je n’aime plus personne, dit-il au flic.

Je vais retourner en Floride et épouser

Une bisonne cousine de mon bison ô Fortune !

 

Le rossignol des branches fleuries

Allège mes petites douleurs,

Mais certainement pas les grandes.

 

À l’équerre des façades et des trottoirs,

Celui qui ne rêve pas / ce qu’il endure

Est bien réel / les jambes à l’oblique

Du trottoir et de la rigole / j’ai entendu

L’automate siffleur / chant électrique

Au bout du bec / le plumeau d’une servante

Agite les poussières de la bourgeoisie /

Souliers sans lacets / il revenait après

L’interrogatoire / qui est ta sœur, miteux ?

L’esprit ne veut pas mourir / il se souvient

Ô cygne d’autrefois : cette impossibilité

De « trouver du nouveau » dans les draps

De la République / invoquant les personnages

De la Comédie / le rossignol pirouette le cri :

Ce que j’endure chaque jour / ingurgitant

Les toxiques autorisés par le gouvernement

Et ses flics / tout ceci est réel : anamnèse /

Il a suivi le même chemin parce que c’est

Celui de toute tragédie : condamnation,

Illusion puis récit / tout ceci connu depuis

Bien longtemps / j’en veux pour preuve…

Enfin ses jambes se replient sous lui et

L’eau de la rigole transporte les confetti

Et les plumes des chapeaux arrachés par

La fin qu’on sonne / comme au combat /

Le rêve n’est pas pour moi, dit-il au passant

/ et aussitôt les façades s’illuminent de bleu

/ nous sommes au XXIe siècle : la Ville n’est

Pas un personnage qu’on peut disséquer

Parce qu’il est mort / on ne peut pas non

Plus le disséquer parce qu’il va mourir /

 

Le rossignol des rayons de soleil

Réduit quelquefois mon ennui,

Mais dès que je sors la nuit, il

A l’air d’un vieil automate siffleur.

 

« J’ai connu un type

Qui réparait le temps

Avec un tournevis /

Jamais vu un tel œil

À l’ouvrage du temps.

Jamais plus lourde bosse

Sur un dos travailleur.

On se couche toujours

Avant les automates. »

 

Mécanique des sourds / le chant trois fois programmé :

Égalité parfaite des actes / une seringue à son chevet :

« je me voyais me voir » — tragédie du survivant /

Quelle fut sa dernière pensée ? Un rossignol chantait

Dans l’arbre en fleurs / tout chante le matin / les uns

En allant au boulot / les autres cheminent : mais lui

Plongeait dans le silence / tout entier : ne laissant rien

À part cette seringue qui ne contenait plus rien / pas

Un mot : rien / et le rossignol quitta sa branche pour

Aller se percher sur la borne d’une fontaine qui

/ je le jure ! / n’existait pas hier : caminante sans doute

Attiré par la beauté de ce paysage pastoral : mon nom

N’est pas Personne / je n’ai rien compris à l’économie

De marché : je n’ai jamais désiré autre chose / que la

Possibilité d’atteindre la limite de la perfection : faute

De pureté / « je passais par là quand soudain / » ô l’ode !

L’eau de la fontaine ! / presque sa voix maintenant

Qu’il est mort / ou : que je suis sur le point de quitter

Ce Monde qui ne porte pas mon nom / voyage en rond

Déterminé par l’attraction /

Quelle est cette beauté

Qui ne veut pas se rendre

À l’évidence ?

 

Partout des raisons de donner raison ou tort.

« as-tu fini ton repas ?

C’est l’heure de dormir.

Les rêves ne concerneront

jamais les rêveurs d’hier.

Prends un fruit et tais-toi.

As-tu écrit à ta sœur ?

J’ai reçu des nouvelles

de ton frère, celui qui

voyage au bout du monde.

Ah si ton père avait su !

Mais il n’a pas eu le temps.

J’ai bien peur que nous

n’ayons pas le temps,

nous aussi. Finis ton repas

et retourne te coucher.

N’oublie pas de remonter

le ressort de l’automate.

Je l’ai payé assez cher !

Je ne retournerai jamais

Là-bas ! C’est ici que je veux

Finir mon existence, ici

Avec toi, ma perle rare ! »

 

Relisez-vous ou faut-il vous injecter

La substance relecture-avec-moi ?

 

Toute une population

Qui finira

Par oublier.

Notez ça

Dans votre carnet

« à couverture

de cuir rouge »

 

pinceau trop imbibé :

cause des coulures.

 

Comme pluie sous un vol d’étourneaux.

Les passants fuient sous leurs journaux.

 

Notez ça dans votre carnet « à couverture de cuir rouge »

 

Ce type cassé sur le trottoir / en proie à son délire :

Les flics, les autres, les femmes : la longue liste

Des griefs / énumération qui finit par ennuyer

Le bon Samaritain / heureusement ce type ne

Tient pas debout / l’autre s’enfuit sans prévenir

Les secours / estimant sans doute que ce type

N’est pas en si mauvais état que ça : le poème

De ses fulminations ne l’a pas convaincu / fuir

Alors que l’autre est en proie à son délire : est-ce

Bien humain ? Des milliers de plaquettes chaque

Année : impossible de s’arrêter devant chaque

Requérant / la conversation perd son sens /

Costume du dimanche : soulier bien cirés /

La cravate de travers mais les boutons de

Manchettes sont à leur place / ce type passait

Un mauvais moment : sans les autres / après

Avoir bu avec eux / et fumé / bavardé jusqu’à

Épuisement du sujet / ses accès de colère entre

Les complaintes / ce qu’il possède est en jeu :

Regards obliques des impatients / flics et femmes,

Les bornes de son existence / personne en vue /

Est-ce le moment de s’apitoyer ?

 

« je donnerai ma chemise »

 

« je l’ai déjà donnée »

 

Linges sur les fils / agissez

En concert / donnez

Votre chemise.

 

« je n’ai jamais rien donné »

 

Yeux plissés dans l’ombre /

Donnez / ne reprenez pas.

Agissez.

 

Cortège derrière le mort

/ des fleurs en couronnes /

« soyez généreux »

 

« je ne vous connais pas »

« c’est un hasard si »

Chemise d’été / ouverte

 

Seins qu’on caresse.

Agissez. Vous ne le

Regretterez pas.

 

« par hasard » « mort »

« fleurs » « plaisir » /

Agissements clairs.

 

« vous reviendrez l’année prochaine »

En chemise.

Donner.

 

Ce type (celui du trottoir) a un travail régulier.

Même bien payé. Vacances à l’étranger. Avec

Ou sans sa femme. « parlez-moi de ce type /

sa chemise / la vôtre / métaphoriquement /

depuis quand le connaissez-vous ? sa mort

vous affecte-t-elle ? de quelle manière ? / »

 

Je n’ai pas connu le poème dont vous me parlez :

J’ai surtout connu le roman /

Avec des personnages et des histoires /

Des rencontres / des séparations / soledades /

Je me promenais autour de la Ville / seul /

Je voyais les jeunes filles / celles qui promettaient

/ les chiens se promenaient aussi / en laisse ou

Pas / un chien par chapitre et j’étais content /

Si vous saviez ce que j’ai dû subir !

Tout ce que je possédais alors / et rien

Sur ma personne / que ces regards en coin :

« que me veut-il ? » / jamais ivre mais enclin

À l’orgasme / l’ivresse de courte durée / reprendre

Ses esprits après le coup / rarement des jeunes filles

/ si vous saviez !

On ne se ballade jamais assez chez les autres /

Cette république qu’on défend / les enfants

Qui jouent / les étudiants / les vagabonds :

Toute une vie à observer et à me défendre !

Aurons-nous un jour assez de temps

Pour nous approcher du langage du dehors ?

« je crains que non » / voix venue des profondeurs /

Les murs / l’oreille sur les tombes / des fois que ça parle /

Que ça finisse par parler : pour tout le monde /

Avec ou sans la science : mais avec art /distinction /

Nu dans le bassin aux poissons rouges : ou nue

/ je ne sais plus qui j’étais / je le serai un jour !

 

Comme l’escargot rentre dans sa coquille.

Sinon il se balade laissant

Sa trace baveuse sur le chemin.

 

Ce n’est pas qu’à l’intérieur on soit

Confortablement installé, même

Chouchouté de l’extérieur par

Des mains qu’on emploie au ménage.

 

« Ce n’est pas comme ça qu’on fait des enfants ! »

Les allocations miroitant dans la vitrine patriotique.

« bonjour monsieur l’escargot » / petites crottes

Noires dans les sas d’entrée : il fait froid dehors :

Alors je me colle au corps qui va dans ma direction.

Les gens sont paralysés avant les vacances / l’été

Quelle joie les transporte ! / filles et femmes presque

Nues sur les parapets humides / le cocktail invite

À la conversation : quelquefois plus / « vous n’étiez

pas escargot monsieur ? je vous ai connue escargot :

Je vous ai connu escargot / » mais l’été je ne le suis

Plus : je suis poisson dans l’eau ou main dans la culotte

/ je suis la voile et le vent : « mais mais mais… ? Sans

coquille monsieur qui n’êtes-vous pas » Je ne suis pas

/ je ne suis plus / mais ça ne durera pas plus que l’été :

Je ne suis pas celui que vous croyez : j’ai une épouse

Et ma coquille / j’ai une bagnole et un appartement :

Je lutte pour augmenter mon pouvoir d’achat / j’ai peur

Qu’un flic casse ma coquille / ça arrive quelquefois vous

Savez ? Quelle phobie ! Quelle ode ! Moi aussi je hais

Tous les métiers / mais le métier d’escargot me retient

De retourner le mal contre moi : tout le Mal dont l’Homme

Est capable / ah je ne vais pas vous ennuyer avec ça !

Prenons plutôt un verre à double sens / et regardons

Toute cette chair qui s’expose à notre concupiscence :

Chair de femme et d’enfant : nous n’en avons pas d’autres

À disposition / le Monde est un chemin si étroit ! Surtout

Sans coquille / sans cet unique pied qui nous associe

Aux autres passants en direction des services sociaux.

 

Déshabille-toi et attends /

La nuit n’est pas encore la nuit.

Et quand elle l’est enfin,

Le jour n’est pas loin de fleurir

Dans les premiers rayons.

 

Jardins des matins tranquilles

Qui préludent aux travaux /

Des champs comme des villes /

Qui ne travaille pas / dit-on /

Ne peut rien exiger de l’amour.

 

Que la douce froidure des matins

Raidissent les poils de tes jambes.

Je n’aurais jamais plus chaud que toi

Dans cet enfer bien commode

Pour expliquer toutes ces complications.

 

Que la journée semble inutile

Vue d’ici ! / le Temps est le seul

Souci / l’escargot ralentit encore

Ses trajets définis à l’avance :

Rhabille-toi maintenant que c’est fait.

 

Qui ne tourne pas en rond dans

Sa belle bagnole ? / il n’y a pas

De plus longs voyages / temps

Subjectif de ceux qui enterrent

Leur angoisse et leur insomnie.

 

Je n’aime que ma poésie : faute

De poème / je t’aimerais toi aussi

Si tu ne vieillissais pas aussi vite

Que le concept de profit / mon ardoise

Ne concerne pas / n’a jamais concerné

Les produits de première nécessité.

 

On devient voleur ou assisté

Si on n’aime pas le travail.

Le personnage se dessine

Et le récit veut prendre un sens.

 

Que le divertissement soit condamné

À passer son éternité de beau mort

Parmi les houris ou les incubes que Dieu

(dans son infini bonté) a inventé pour nous :

Hommes et femmes ni riches ni pauvres

Et souvent associés dans le mariage.

Sur Terre : les cénotaphes aux marbres

Couverts des meilleurs poèmes inventés

Par le dernier esprit de modernité /

 

Aimez la simplicité des observations

Judicieuses / l’évidence d’un spectacle

Inattendu / chez soi et chez les autres :

Choisissez de parler aux oreilles et aux

Yeux : non pas les choses / mais les petites

/ celles que tout le monde connaît / comme

Le chien se forge un langage proche de son

Instinct / de la foule de ses chiens déjà

Morts et disparus / là où l’os ne peut plus

Se passer de la chair : imaginez le reste /

 

Croissance constante des excroissances

Sur la peau qui cherche sa coquille /

 

Aimez le vent

Et les courants

Plutôt que la

Turbine qui agit

De l’intérieur.

 

L’extérieur ( comme vous l’appelez)

Est le seul moteur du voyage existentiel.

N’installez pas un vilebrequin en vous.

Plus facile à trouver que le vent et la mer :

Mais il vaut mieux tourner en rond autour

De la Terre / plutôt que d’aller au travail

Pour se faire bien voir / en somme : distinguez

Le poète voyageur

Du poète travailleur.

L’un écrit des poèmes

(c’est-à-dire un seul)

L’autre cherche la poésie

Et ne la trouve pas.

 

« ceci est un principe et non pas un axiome »

 

dit-on au vent qui s’est tu

(comme s’il avait parlé…)

Et à la pluie que le soleil

A chassé vers quel horizon ?

(nous ne le savons pas)

 

Un jour j’écrirai un beau poème sur le sujet.

 

Il n’y a pas plus d’alchimie que de beurre en broche.

Il n’y a que des histoires inventées de toutes pièces.

Des inventions de personnages

Comme autant de cénotaphes.

À moins que la douleur qu’on ne soigne pas

Prenne du sens parce que la poésie est trouvée.

« vos arbres sont charmants, cher voisin…

— ce sont des charmes alors vous pensez… »

Si je pense : je ne fais que ça : du matin au soir

L’esprit entre les choses prenant la précaution

De ne pas en pénétrer le silence / « vos charmes

ô voisine du voisin ! » / ne me faites plus languir !

 

— Moi aussi !

 

Tout le monde au chevet de nos arbres

Dont on fait les cercueils mais aussi les vaisseaux.

Grand débat national en attendant l’humanisme

Qui nous pend au nez comme la goutte des pituites.

« c’est comme ça que je l’ai rencontrée » / bonheur

D’un ancien triste à la sortie de la mairie / l’église

Attendait son heure / sous les arbres disparus de

Notre place publique / le kiosque aussi a disparu /

Les jeunes couples / les landaus / la jeunesse le nez

En l’air et la main à la pâte / « moi aussi je l’aime »

Sortie vers un autre mode de vie : les enfants des

Autres suivent en grapillant les dragées / perspective

Sans horizon naturel / ici jadis est passé un soldat

Porteur d’une mauvaise nouvelle : le pote en question

Avait fui en Amérique / et il ne comptait pas revenir :

Il avait disparu pour tout le monde sauf pour ses

Nouveaux amis :

Nouveaux amis je n’en ai pas.

Je vieillis avec eux et je suis

Déjà vieux / les nouveaux amis

Demeureront un rêve d’enfance

/ à jamais : en tout cas tant que

Je n’en déciderai pas autrement.

Et glou et glou…

 

Quelle ode vos visites à mon chevet

Ou plus simplement sur le seuil

De la maison de mon père !

 

« nous aimons la poésie comme notre propre chair :

voyez comme nous frissonnons / » ô vert tremblement

De mes membres dans le lit où je suis censé en finir

Avec moi-même : si tant est que rien ni personne

N’y soit pour quelque chose /

Descends sur moi

Corps encore doux

Et franc / je t’aime

 

« l’art est une sottise » / il le sait maintenant

« toute l’écriture est de la cochonnerie »

La faute à ces élans mystiques (même sans dieu)

Qui invitent aux misérables postures de l’orgueil

/ et aux bizarreries de style

« mais je n’ai rien demandé

/ ni à papa ni à maman / non

plus qu’à la patrie qui / de nos

jours / n’est plus la terre / rien

demandé à l’extérieur de moi-

même / j’aimerai toujours

les paysages de mon enfance :

je ne veux rien dire d’autre. »

 

Et je ne ferai rien pour que ça change :

Ni travaux d’utilité publique ni crimes.

Plutôt crever que de vous ressembler.

Même si je sens en moi remuer le ver

De l’hypocrisie / héritage sans doute :

Je suis si pauvre que ça n’a pas d’importance.

Mettons. Je vous parle d’un voyage

Que je fis / mais c’est fini maintenant :

Je ne reviens plus donc : ce n’est plus

Un voyage / j’encule des êtres sans malice

Ici : et je vous envoie des cartes postales.

 

Que le facteur en lèche

Les coulures d’océan !

Je suis loin si loin au bout

De ce monde provisoire.

Que sa langue y trouve donc

De quoi fonder l’exégèse.

Îles sous-marines là-bas

/ au fin fond du désespoir :

Le seul sentiment à même

De traduire la complexité

De la chose qu’on rencontre

Tous les jours que je fais.

Lèche, pourlèche ô rapide

Coursier de l’administration :

Tant que les réseaux in progress

Le veulent / car tôt ou tard

Ce dernier signe du passé

Fera oublier toutes les guerres.

Interprétation (improvisée ou pas)

Entre l’impression et le poème :

Sans la langue du facteur (et

Sa salive nécessaire) cet océan

Ne constitue plus 70% de la surface.

Lèche, pourlèche ô vaincu

Des courses dans l’éphémère.

 

Fusion des fusions.

Ouvrier au travail

Dans cette lumière.

« l’art est une sottise »

Il le sait maintenant /

Moi je l’ai toujours su

/ j’ai ri contre les murs

Fusion de toutes les fusions.

L’art est un divertissement :

Qu’on le veuille ou non.

Nous ne croyons plus.

Nous avons trop cru.

Ouvriers sans toutefois

Aimer le travail en cours :

« toute l’écriture… » cochons

Le groin dans la mangeoire.

L’idiot du bruit et de la fureur.

Des siècles d’attente

Et à bord de sa belle bagnole

De publiciste ou d’ingénieur

Il rentre chez lui ou part en

Vacances : comment s’appelle

-t-elle ? L’ai-je connue sur

La même plage ensoleillée ?

J’ai tellement enculé de salopes !

Promis les monts et leurs merveilles.

Qu’est-ce qu’il y a de beau là-haut ?

À part la mort qui donne un sens

Aux chutes vertigineuses : ceci

Est le corps de l’écriture et

Le vin du cochon : mangez et

Buvez si ça vous chante : il va

Aussi au concert pour écouter

Ça / en compagnie de sa compagne

Du moment : « tout le monde

écrit / aujourd’hui » / il n’y a que

Moi pour ne pas m’en enorgueillir :

J’ai cette envie de disparaître

Avant de passer pour un sot /

Mais qui détruira ce que j’ai

Conçu une fois que j’aurais

Disparu ? / sottises et cochonneries

En tous genres / « confieso que

he vivido » / il y a un tas de choses

Que je fais sans savoir exactement

Pourquoi je ne les fais pas /

 

Les crétins de notre temps veulent des preuves de

Nos compétences en matière d’art et de littérature :

Donnons-leur de l’académisme pur pour clore leur

Bec / faut les voir interloqués mais toujours incrédules

/ panteler devant la preuve : mais ils sont si ignares

Qu’ils continueront à se poser les mauvaises questions

: avec eux le temps est perdu d’avance : ne pas fréquenter

Cette engeance : un humanisme sans les abrutis / suffit

D’essayer de les impressionner pour les repérer : temps

Perdu en opérations parallèles sur le terrain des rencontres :

D’autres attendant l’amour / ou la perfection d’un essai

Transformé / « ce qu’on perd comme temps (sous-entendu :

précieux) au lieu de vivre notre vie (sous-entendu : chère) »

/ preuve, perfection, prix / les trois axes du malheur /

 

Le sens de ce chemin

(pas de tous les chemins)

Qui s’achève en festin

Sans invités pour apprécier

Ce moment de pure folie.

 

Prisonniers du mouvement

(je ne parle pas de tout le monde)

Nous avançons dans le soleil

/ comme aujourd’hui le soleil

Qui manque à l’ombre où

L’herbe gelée est inhabitée.

 

Qui vient à travers champ ?

Ou qui traverse la rue pour

Frotter ses pieds sur le seuil

Et demander à entrer pour

Partager les toxiques du jour ?

 

La belle bagnole rutile rouge

Entre sol y sombra / quelqu’un

Veut toujours se jeter par la

Fenêtre toujours ouverte : nuit

Toujours à l’approche du jour /

 

« regarde comme la vie est belle ! »

Il dit : je vois et rejoint ses saints

Au paradis des exténuations nettes :

« j’ai la publicité dans le sang / »

Regard mouillé de vitre blanche.

 

Ombres chinoises des rideaux

Qu’on a tirés pour ne plus voir :

Insectes et reflets des parodies

De commerce plus bas sur le

Trottoir / quel effet sur ton esprit !

 

Une ode en préparation / écrans

Superposés des « j’aime » / sans

Jeu de mot : bourgeons, pierres /

Le sens du prix / jouant l’acteur

Entre les apparences et le rêve :

 

Espèces de romances / on conduit

Les morts en silence / festin des

Sanctuaires ivres / la belle bagnole

Porte un crêpe noir au rétroviseur :

« j’ai jamais vu un visage si nettement

 

affecté par » / ce contenant de chair

Destiné à la pourriture puis au désert :

« j’ai toujours su que je ferai ce boulot »

Des clodos se désoiffaient sur les bancs

Par dix degrés en dessous de zéro.

 

Régions obscures des voyages en saison.

À la ville comme à la campagne / sans

Transition / jouant de la cacozélie avec

Une « joie non dissimulée » / cette route

N’aime pas les pieds / deux allées d’arbres

Nus / « où étiez-vous quand à Guadalcanal »

…/ parcours semé de batailles / une belle

Femme aux casinos / la même mais sa peau

Change de couleur / je reconnais les yeux :

Kafka prend une note dans son journal /

« m’aimerez-vous si je vous dis qui j’étais ? »

Cahotant dans un western /

les bisons

à l’horizon

 

La publicité noie l’information

Comme l’information tue la poésie.

 

Discours d’un pot de fleurs à la fenêtre

Au-dessus de la rue qui s’illumine des feux

De ses vitrines / dispositif connecté au Monde

/ « je crois en Dieu » / la porte joue un air

De comptine / « j’ai jamais essuyé mes pieds »

Levant la tête (n’oublions pas que vous êtes

en train de lire un roman) il rencontre ses yeux

Pers / les fleurs sont des jacinthes en effet /

Et il passe son chemin / il ne lui a jamais parlé.

 

« cette existence faite de zaps… » /

Plus loin au croisement de leurs rues

Respectives / citant Coppée à chaque

Rencontre d’un panneau / malheureux

De n’être pas devenu ce qu’il avait

Rêvé d’être dans son enfance solitaire :

Soledades / « je vais l’emmener pour

La première fois sur la Côte » la belle

bagnole

 

« n’oubliez pas ce que je vous ai dit à propos

De ces tristes endroits du monde où nous vivons »

On ne meurt pas de cette façon / le noir cortège

Aux nénies noires prend le train à deux heures

De l’après-midi : pas le temps d’en écrire quelque

Chose / « n’oubliez pas que tout est roman » /

 

Belle bagnole filant sur la route des vacances

Non payées par la nation / il emmène la fille

Qui a joué dans sa publicité / capote pliée /

« jamais entendu ce genre de moteur / même

au cinéma »

 

fille de l’air

 

actualités en jaune / il se récite une fleur

sans penser à mal / ou Sade en son château /

saluant le gendarme comme s’il s’agissait

d’un intellectuel ou d’un artiste / il n’a pas

pensé au savant ni au philosophe / « un café

doublé d’hormones nous réveillera de ce

cauchemar » / la radio crachait des publicités

maintenant /

 

Il déconnait : je suis l’homme le plus riche du Monde.

/ disant vrai certes mais sans malice :

« descendant du nord au sud »

La mer en perspective bleue

Comme dans un tableau /

« pensez-vous que je serai

assez belle pour tout ce monde

que je ne connais pas aussi bien que vous ? »

Ils font de la poésie avec des petits riens

Ou des grands touts /

Boîte de vitesses à sept rapports

/ nous serons arrivés

Avant tout le monde.

 

Vitesse de la toxicité /

Jamais posé la question :

À moi-même / au spécialiste

/ j’arrive avant tout le monde

/ « il ne sera plus l’heure »

Projeté dans un domaine

Inconnu / saut par-dessus

La clôture / des bisons dans

Les marais / un des leurs

Debout dans le plateau /

Je m’identifie à cette vision :

La vitesse acquise est un

Phénomène en soi / ruses

Des personnages secondaires

/ tout le monde s’impose

Comme récitant / coulisses

Aux muqueuses buccales /

Glaires du temps / accidents

Sans conséquences / vivez

Tous en même temps / j’ar

-rive

 

Tous en même temps vivez votre vie

Chacun du côté de la mort de l’autre

Vivez tous ensemble sans vous soucier

Du temps qui passe ou ne passe plus

Selon que vous écriviez ou que vous

Vous donnez aux autres pour le meilleur

Et pour le pire / sédimentation des

Toxiques une fois tranquillisés les liquides

/ vous ne reviendrez pas / vous êtes mort

Avant même d’avoir commencé / qui

Comprend le mieux ? Ce qui vous arrive

Chaque fois que vous acceptez de lever

Les yeux vers les siens ? Jacinthes des pots

/ complémentaires tremblantes mais

Sans débordement du cadre qui leur est

Affecté par : la transmission des pensées.

 

Devient-on fou au point de se suicider… ?

 

« Citez vos sources

Si vous êtes un bon universitaire ;

Lavez-vous la langue

Si vous agissez dans le cadre

Des activités municipales. »

 

Nous ne saurons jamais qui nous sommes.

La question est : qui le sait ?

De là toutes ces convictions stupides !

 

Vertige intellectuel provoqué par les meilleurs esprits.

Vous ne saurez jamais tout ce qu’il a voulu dire.

Avouez cependant qu’il vous a ouvert la porte.

Rien de plus agréable que d’emprunter la même route.

Un bout de chemin ensemble.

Vivons de ces croisements

Sans croire un instant qu’il s’agit de rencontres.

« Moi j’ai suivi son conseil et je m’en porte bien »

 

Craquelures des peintures

Dues à la nature des pigments

Ou au non respect des règles

De superposition des couches.

 

« les musées en sont pleins » / ou

Fins fendillements des connaisseurs.

À Lorca les toiles incendiées sont

Restées telles quelles / spectacle

Signifiant pour le fidèle / quelque

Chose de beau dans cette pratique

De la leçon donnée aux despotes :

 

« nous reviendrons sur nos pas »

Après avoir vu tant de choses !

Hurlé à la mort dans la citerne

Vide et poussiéreuse : les aubes

« Des moulins me disent quelque

chose » / à Tolède les mains des

Compagnons sont peintes par

Un mal-voyant / aller à l’essentiel :

« on ne demande pas l’aumône à

Une statue à moins d’être fou »

 

Une technique sans spéculations :

« c’est trop demander » / verbe

En déclin des rues et des champs

/ même la douleur est sujette à

Caution / mais toute pratique

A ses limites : on en perd la joie

Initiale / regardez-moi pleurer

Sur mon sort / criant de vérité

 

« c’est pas la sagesse / mais l’intérêt qui :

conduit nos pas dans la société des hommes

et le voisinage des autres formes de présence

terrestre » / Quand je lui ai posé la question

De la Mort : il m’a demandé pourquoi cette

Majuscule / ? / et sa femme l’a servi (trois

Verres déjà et le soleil commençait à décliner

Dans les arbres / la pluie ayant laissé la trace

De ses gouttes sous les branches : un oiseau

(merle au bec jaune) retrouvait son nid

Dévasté par un débroussaillage / « vous

reviendrez l’année prochaine avec la même

question et ainsi jusqu’à ce que vous

assistiez à ma propre mort : c’est ce qu’elle

redoute le plus : plus que la maladie qui affecte

ses seins/ » / commendes au fil des minutes :

« vous reviendrez » / comme si c’était

Inévitable / « ne composez plus avec les rimes :

La langue française est morte depuis longtemps / »

Filez encore, connaisseurs

De l’ordinaire existence

Qui est tombée sur nous

Comme le rideau sur la scène.

 

Là-bas la sagesse consiste

À jeter la poussière du chemin

Sur la robe des juges qui baissent

Leurs savantes têtes en priant.

 

Filez avec les défauts de la langue.

Jetez la poussière mais pas

N’importe laquelle : le chemin

Conduit à la sagesse et l’enfant

 

Ne connaît pas la haine : il sait

Ce qui convient au juste équilibre

Des forces sur quoi repose la vie

Libre et heureuse de l’homme fait

 

Pour exister : tissez puisque c’est

Encore possible / la robe des fonctions

Qu’il faut bien assumer si on veut

Vivre / et mourir en cours de balade

 

Et non pas sur un champ de bataille

Ou dans la rue au révolver : la pluie

A aussi son rôle à jouer / les orages

Jouent souvent / celui qui n’angoisse

 

Pas est un personnage de roman :

Réduisez l’orgueil des juges à néant

Afin de pouvoir entrer en philosophie :

De la connaissance à l’action il n’y a

 

Qu’un pas / portes cochères et portails

Des fils de fer barbelés : à cap Canaveral,

Un vaisseau s’est élancé vers un autre monde

Et John Wayne est passé à la télé (un Ford).

 

« vous verrez : la vie ne sera plus misérable / ici

/ mais vous vous ennuierez souvent : à moins de

zapper avec pertinence / » / rendez-vous utiles

Et profitez de votre salaire : ne dépassez pas

Les bornes de la critique ni du comportement :

« L’existence est une mer d’huile » / le fauteuil

D’osier craque sous lui / dehors tout lui ressemble

/ « un prix pour chaque chose : rien n’est gratuit

certes / mais chacun peut travailler dans le sens

de ses désirs : » / à la hora feliz la double dose

De plaisir liquide / une entrecôte grille sous la

Hôte noire et peuplée de chats doux comme des

Agneaux / « j’aime les chats aux fleurs si prégnantes

/ possibilités de rendez-vous avant la nuit : mixez

les sentiments communs et buvez ! » / doigts

De pieds strictement bronzés de sa femme /

J’imagine les couches successives : ils reviennent

Chaque année / « sans les enfants » / la télé

Pétarade en noir et blanc / « on attend le match »

 

Rien n’est moins magique que la beauté.

« je peux pas expliquer » / « je trouve pas

les mots » / ce désir de posséder / tentation

De l’expérience : les corps des jeunes filles

Au soleil / plus loin la roche aux éclats d’or

/ la mer qui rutile / beauté d’une goélette

Traversant le champ / sur le roof des beautés

Nues prenant lumière et soleil dans un seul

Embrasement de chair / des types satisfaits

De leur réussite / « c’est pas banal mais c’est

concret » / l’attention détournée par d’autres

Phénomènes tout aussi inexplicablement ()

Ressentis / nous cheminons sur le même

Chemin depuis tant d’années : nous n’attendons

Plus rien du chemin et tout de la beauté / qui

/ nous le savons / peut surgir comme le loup

Des bois / la question est de savoir qui nous

Empêche de changer : ou nous le savons trop

Et le compas est faussé après de longues

Études au cœur même du schloss (référence

nécessaire) / Qui ? Où ? Quand ? Comment ?

Étendu comme les autres sur le sable : « jouons

sinon je m’ennuie » / mais crayon en main il ne

Cessait de noter les détails de cette aventure

Si drôle et si tragique / « ce soir la Lune est pleine »

 

Ce que vous appelez beauté est un complexe.

Vous n’en viendrez pas à bout avec des paroles.

Fussent-elles les plus poétiques et les plus vraies

Que votre sacré cerveau peut concevoir encore :

Vos yeux ne regardent plus : ils reluquent / yeux

Comme médium et non plus comme outil / encore

Un peu et vous donnerez dans la confession :

Écueil du langage : vous prendrez l’eau avant

Longtemps / vous avez acquis le savoir-faire

/ comme un acteur (artiste) de music-hall /

Mais le reste… ? / les murs / ces maudits murs

Qui enferment… ? / ces murs percés au lieu

De contenir… ? / la beauté vient-elle ainsi de

La simplicité… ? / d’une simplicité originelle… ?

/ en tout cas elle n’est pas moins inaccessible

Que la plus proche des étoiles / point de magie

Dans l’athanor des doctes / quelle ode ! / à même

Cette terre qui ne vous a pas vu naître parce qu’elle

Est aveugle : réfléchissez…/ témoins de l’État civil :

Fonts baptismaux où l’eau n’est pas plus nouvelle

Que l’ancienne pratique du feu / ces murs ! /

Transpercés par l’écho de l’été / vous vous (vous !)

Suiciderez devant un parterre de personnages

Dont personne n’a entendu parler /

 

Anecdote :

« Le mort

N’était plus mort

Mais cela

Ne dura pas… »

 

Il y avait ce type qui désirait plus que tout

Parvenir à écrire quelque chose d’aussi

« réussi » que Les Fleurs du Mal / mais sans

Le Mal ni Satan ni « ces femmes qui n’en sont

pas » / il avait lui aussi une « histoire à vendre »

/ mais pas dans le genre « chou pourri sur un

sofa de velours » / l’histoire d’un type qui aime

Le Monde à tel point qu’il veut le changer : mais

Pas seulement sur le papier / l’engagement, me

Dit-il : tu devrais t’engager toi aussi : tu verras

Ta popularité augmenter à la mesure non pas

De ton talent (de ton génie) mais à la hauteur

De la vérité : « c’est mieux la vérité / versus /

la sincérité et tous ces « élans mystiques » et ces

« bizarreries de style » : tes choix ne t’honoreront

jamais » / Les Fleurs du Bien ? / « j’ai jamais

parlé de fleurs ! » / il parlait du tirage et du

Nombre des travaux : « tous ces esprits fleuris

penchés sur mon bouquin : mais alors : mec !

de mon vivant ! Ah ! je veux pas mourir avant ! »

Je n’avais jamais assisté à un pareil spectacle

De l’angoisse :

 

« la nuit je ne dors pas

: à cause de la nuit

. Le jour je travaille

Parce que c’est le jour (,)

 

Étoiles des arbres nus

Aux carreaux de ma porte.

Je n’ose pas sortir

Avec les petits animaux

Qui peuplent ma solitude (,)

 

Avec ou sans Lune je m’ennuie

. Je ne m’aime plus : j’ai froid

Alors que cet été est le plus

Chaud depuis cent ans : la télé

En dit toujours plus sur le temps.

Un chat miaule mais ce n’est

Pas moi (,)

 

Je ne joue plus avec ta nuit :

Je ne te comprends plus : aussi

Bien qu’avant. Avant : tu jouais

Avec mes écrits tu : ne les comprends

Plus. Étoiles en nombre croissant

 

Depuis le début de l’été. Rien d’autre

Que cette alternance même : quand

Je ferme les yeux pour : ne pas te voir

: endormie comme si plus rien n’existait

Que moi (.)

» des saisons :

 

Toute transparence finit dans l’opacité.

 

Chaque fois que le poème s’approche de sa chanson,

Il périclite / avec moi il menace de tomber en ruines

/ vieilles pierres pas si anciennes que ça : été comme

Hiver : les manches retroussées du travailleur en nage

/ il construit sa maison et rêve d’un palais / à proximité

Des lieux où le repos impose sa croissance de cristal :

Retombé en enfance il croise sa guitare avec le fer des

Humbles / la la la : personnages pour figurer les apparences

/ à l’angle des deux rues la borne de granit écaillée

Comme le manche d’un couteau au travail de la viande

: plus personne ne passe : pas même les Tristes / ruines

Dans l’intervalle : la langue française a perdu sa prosodie

À force de lois / mais la versifier ne lui rendra jamais

Sa liberté de femme facile : que la chanson tue le poème

Et qu’on n’en parle plus !

 

L’angoisse s’est éteinte avec

La promesse d’une nuit sans fin.

 

« Tu n’en sortiras jamais ! »

Bulle blanche formée par le drap.

 

L’appel (ou le cri solitaire)

D’un animal traverse la nuit.

 

Jusqu’où la traverse-t-il ?

Poème ajouté au poème :

 

À revisiter par transparence verticale :

Qu’est-ce que le ciel (dit-il

 

À la nuit) : sinon le début

De ma course folle ?

 

Personne ne l’écoutait.

On dort si bien la nuit

 

Si on n’a pas de raison

De s’éveiller pour l’achever.

 

Je suis… je suis… et si j’étais… ?

 

Quel beau début pour un poème… !

À moins que ce ne soit que le refrain

De la chanson :

 

Il n’y a rien à glaner

Dans les rues

Dans les champs /

Tu l’as toujours su :

Mais tu reviens toujours.

Là-haut à la fenêtre

Une belle t’attend /

Mais pour l’instant

C’est son mégot

Que tu reçois sur la tête !

 

« ya d’la friture sur les ondes de la poésie !

/ — c’est exactement ce que je voulais dire…

/ — ya pas qu’la langue qu’est morte…

/ — ça écornifle jusque dans les ministères /

— le mystique au prix de la cacahuète /

— et pan qu’elle m’envoie sa clope sur le museau !

/ — tu r’viendras plus ou c’est qu’t’es con…

/ — je m’pendrai pas sous son balcon…

/ — des fois j’y foutrai l’feu au cul !

/ — et des revues et des revues ! / papa

Tutur va pas êt’ content dans sa tombe

Pas creusée pour qu’il s’y retourne…

— c’est bien l’seul homme que j’connais pas

Qui y retourne comm’ s’yavait pas

assez de po

de poésie

dans ce pupu

dans ce putain

d’pays chrétien

et démogratte !

 

» des saisons /

 

« faut-il que je m’enferme dans ma cuisine :

Brûlant les fonds de casserole de ce qui reste

De la prosodie / ? Poisson non encore écaillé

Dans l’évier

Ouvre un œil rouge

De mon côté :

— ces saloperies se couchent de telle manière

Qu’ils se privent de l’usage de l’autre œil !

/ ya pas d’poésie sans cet œil-là ! —

Non chéri / pas de poésie sous le couteau

Aux traces d’écailles / à midi retour de l’école

/ je n’arrive même plus à me mettre en colère :

Après quoi ? / des couvercles rouillés

Sous l’évier

Et leurs bocaux

Où la saumure

Fait voyager

Mes petites graines

J’en sème aussi sous l’armoire ancienne /

La tapisserie se décolle : fruits et légumes

Du bonheur de travailler comme Dieu le veut :

J’assassine un petit poète avec une feuille de chou

: sectionnant ses glandes au ras du ventre :

Patates non pelées sur la table : qui suis-je

Pour demander qu’on me juge sur pièces ?

Tu me connais : je finirai aussi mal que toi

/ je ne me soucie pas de ma charogne

Comme Bubu qui aime sa femme /

Pour l’heure je cuisine avec la sauce tomate

Qui amuse l’enfant

Quand il joue au soldat

 

» des saisons :

 

Qui aime mieux que moi

Le rivage des fleuves

Au pied de la montagne ?

 

J’y jette ma ligne

Et ma petite faim :

On se verra demain.

 

La barque qui s’avance

Vient me chercher /

J’ai encore de l’appât

 

Dans ma vieille ô vieille

Boîte de conserve rouillée :

Métal des armures, je crois.

 

Les mégots tombent des fenêtres :

Poésie sans poème

Des vierges folles.

 

Il y a longtemps maintenant

Que je n’attends plus : une carpe

En rut renvoie le soleil.

 

Plus de nuit désormais /

L’infinie lumière du jour :

À ne plus pouvoir fermer

Les yeux /

 

Le rêve éveillé du dernier témoin :

« j’ai dénaturé ce qu’il y avait de beau

En vous : » /

Passants des rues et des prés,

Ne réduisez pas le poème

À la rengaine qui vous trotte

Dans la tête depuis longtemps !

 

Ne soulevez pas vos pieds plus

Haut que le trottoir ou le talus :

Les girouettes ne chantent pas

Mais elles rouillent en silence

Jusqu’à ce que le vent les tourmente.

 

Sous ce toit j’habite enfin seul :

On a trop peur des copulations

En cas de cohabitation / selon

La nature du sol on devient momie

De cuir ou amalgame propice

À de nouvelles cultures / riez

 

Au lieu de vous inquiéter

Parce que vous finirez comme

Moi : la chanson n’est pas de

Saison sous terre / j’aimerais

Un poème ô pas long ni profond

: mais obscène comme la vie

/ avec des reflets d’or SVP /

 

Qui me possède ? est une question

Non pas plus pertinente, mais moins

Malencontreuse vu ma condition de

Poète marginalisé par ma pratique

À l’envers ou en dehors des music-halls

Et des prurits corporatifs / catacombes

Des murmures que la surface finit par

Amplifier au moyen de la cruauté exercée

Avec bon sens : je félicite le terroriste non

Pas pour la justesse de son propos : mais

Simplement pour exister / face au portail

De ma prison dorée : l’Occident me possède

/ je n’ai pas la clé : hors suicide et à l’endroit

/…

 

Mimosas fleurissent en hiver

/ beaux jaunes complémentaires

De la couleur des cadavres qu’on

Honore de quelques bouquets

Tricolores / la nuit les étoiles sont

 

Vertes : routes disparues faute de

Jour / les fumiers sont inodores /

Que de vêtements à arracher pour

Aimer ! / seul celui qui va au bout

De ses désirs est humain : opposer

Le Diable est une manière d’avouer

L’échec de la Justice qui s’obstine

À juger les hommes / au lieu de s’en

Tenir aux faits / aux seuls faits / les

Mimosas ornent la table / nappe

Aux violettes écrasées par l’enfant

« espiègle » / pas encore diabolisé :

 

Le halo semi-sphérique nous attend :

Nous avons hâte d’entrer dans la

Lumière / les bêtes sont couchées

/ les camés descendent après l’ascension

/ vierges folles aux balcons de la nuit :

 

Brassées de jaune jetées sur les lits

/ « que deviennent nos cadavres ? »

Source de toutes les maladies ? / ô

L’hiver aux mimosas dans la plaine

Qui sert de reflet à nos montagnes !

 

Je me surprends à attendre

/ comme le chômeur attendre :

Il ne se passe rien à l’horizon

Des toitures / je n’ai pas d’amis

/ la girouette grince comme une porte.

Toute cette richesse enfouie

Sous la masse convulsive de l’écriture /

Le poème est une épode ou n’est pas /

« réfléchis un peu ! »

On entre chez soi comme chez les autres.

 

« vous remercierez votre dame pour les fruits… »

On vous enferme dans l’amour

Et vous ne parlez que de ça.

Becs des cigognes à l’angle d’un toit.

Trouver le moyen de ne pas crever maintenant.

« merci pour les fruits de votre arbre »

Enfermé avant même de sortir :

Même la guerre n’a plus de sens.

Entre les averses le soleil a l’habitude de…

Terre aux eaux revenant de loin.

« merci encore pour l’arbre et cette… »

Passer une partie de son temps à gratter

La surface des murs / insectes qui s’agitent :

Dérangés par cette « habitude qu’ils ont de… »

L’amour pèse des tonnes.

On s’en passerait bien mais…

« avez-vous pensé à un deuxième arbre ? »

Au milieu du jardin hérité / sous les étoiles

Conçu : l’arbre qui s’ajoute à notre arbre /

Avons-nous pensé une seule seconde aux

Voisins qui eux aussi s’échinent mas pas

Pour sortir : pour demeurer !

 

L’intérieur contient

La nourriture qu’on a achetée

Et des tas d’autres choses

Qui sont si utiles !

 

Dehors la pluie menace

(comme on dit)

De tomber / la neige

C’est autre chose…

 

Sur la table mes poissons,

Mes couteaux et mon chiffon.

Le chiffon est un torchon.

Le chiffon c’est

pour la poussière.

 

Un seul livre est ouvert.

Les autres ne s’ouvrent pas.

Je me vois lire à la lumière

Du miroir mon seul compagnon

 

Dont je suis la compagne /

Dans l’assiette la chair blanche

Et les reflets de mon couteau.

Le sang est dans la sauce.

Feuilles de persil : immobiles.

 

« nous n’irons pas en vacances cette année / »

Nous n’irons nulle part comme d’habitude.

Les péages sont gratuits mais pas l’essence.

Et puis Bébé est mort.

 

Élans mystiques, non pas ! nous cultivons l’impression,

Laissant aux plus savants le soin de fertiliser leurs intuitions.

Et en lieu et place de l’expérience, nous pratiquons l’interprétation,

Avec ou sans improvisation : à la fin nous levons le rideau

Sur les étranges compositions de notre ouvrage :

Bizarres… étranges… nous n’avons pas encore imaginé

Les détails de notre mise au tombeau : roman ou

« si ma prétention n'est pas jugée trop haute »

…si ce n’est pas trop demander : poème.

 

Le shoot orgasmique est une merveilleuse façon

De mettre fin à nos jours

Provisoirement.

 

Spectacle affligeant

De cette portion de la société

Qui débat des conditions d’existence

Pour tout le monde :

Moi y compris !

Je ne peux pas me faire à cette idée :

Soumission de la propriété

Au sentiment « général ».

 

L’idéal serait de mourir dans un bordel bien achalandé :

Ou chacun est le client (la cliente) de l’autre.

Il ne reste plus alors qu’à jeter l’argent par la fenêtre.

Chahut dans la rue provoqué par ce geste fou.

(dans la rue : on imagine mal un bordel en forêt /

Mais pourquoi pas un bordel en forêt ?)

La question est : qui veut mourir dans un bordel ?

La mort donnée ne vaut pas la mort reçue.

 

L’existence est un rêve fou.

Chaussons les lunettes de la folie.

Après quelques mois d’utilisation,

Le candidat à l’existence peut les ôter :

Son cerveau s’est accoutumé

À l’idée de survivre comme seul mode de vie.

(Erismann et Kohler)

 

« voilà comment j’explique vos traumatismes »

Je suis sorti de là

Me disant :

Ya pas d’autre explication /

Je suis bon pour le travail :

Me rendre utile aux autres

Et du même coup à moi-même.

 

« pas besoin de les fabriquer (les lunettes de la folie) »

On les chausse dès l’enfance.

Il y en a pour toutes les pointures de nez.

« vous ne savez même pas que vous en portez »

Ça m’a fait froid dans le dos de l’apprendre

« même ceux qui vous les ont collées sur le nez

ne savent pas qu’ils en portent depuis toujours :

ils se doutent de quelque chose en regardant

leur enfant dans les yeux : comme ça : regardez-moi ! »

 

Qui a parlé de « soigner » ma folie ?

 

On fait ça machinalement : on les colle

Sur le nez de nos enfants

Sans poser de questions

À ceux qui en savent assez

Pour foutre tout le système en l’air.

 

« heureusement qu’on a le sens de l’humour ! »

 

« je préfèrerai que ce soit naturel mais :

c’est le genre de chose qu’on choisit pas /

alors autant donner la mort dans un bordel

à ceux qui sont décidés à partir en beauté /

une fois que j’aurai été bien utile aux autres :

je me laisserai machiner par la beauté et :

quelqu’un (que je connais ?)

m’enverra valser dans le néant / »

 

« j’peux pas m’en empêcher

chaque fois que je regarde

le ciel la nuit / j’y pense avec

toi (sans toi) couché(e) dans

le même lit (depuis longtemps) »

 

« tout ce qu’on se met dans la tête

avant d’y aller / et pour de bon cette

fois-ci / se disant : c’est ma mort après

tout : j’en fais ce que je veux / mais c’est

la vie qui perd ainsi tout le sens qu’elle

pourrait prendre si on savait d’avance »

 

Mon poisson mort

Dans la cuisine /

Ta gueule enfarinée

Qui s’avance et qui

Pousse la chaise.

 

Donne-moi une raison

De continuer comme ça :

Et je me tais pour

Parler d’autre chose :

 

On a tellement de choses

À se dire : comme la réforme

De la Constitution et les peines

Plafond / ou plancher / justice

Enfin rendue devant un café.

 

Le couteau ruisselle d’écailles /

Je t’ai vue à l’œuvre / l’huile

Sur le feu : par la fenêtre l’air

Du petit matin apporte des

Nouvelles du monde : imite

Ces cris : comme la mouette

Et le miroir aux alouettes

De ces millions d’écailles

Encore tremblantes sous l’eau.

 

L’infime (ou infinie) pellicule de poésie

Qui sépare le bon grain de l’ivraie :

Je vois ça tous les matins en me levant.

 

Jetant par-dessus bord ma semence sacrée :

Le monde [Monde] est un tissu de lâchetés.

Pucerons dans les sapins : qui sont ces abeilles ?

 

L’incroyable suffisance du bienfaiteur :

Une place porte son nom / il est : la poésie.

Herbe d’ivresse aux petits pas de punaise.

 

Des idées sur tout et sur rien : poésie

De vautrin : qui fait l’âne pour avoir…

Tous les matins en me levant, ce spectacle :

 

La poésie enfermée dans une maison : poètes

Sur le paillasson / frottant leurs pantoufles de

Vair / malheureux mais l’œil aux aguets /

 

Sur le canal passent des péniches et même

Des bateaux de plaisance : sur le roof la jeunesse

/ « choses que nous n’avons pas connues » /

 

Sauver le monde : préserver ses habitants /

Le matin je traverse par le pont métallique

/ je ne sais jamais où je vais : mais l’aventure

 

C’est l’observation de cette engeance / poissons

Dans l’eau / parmi eux voleter et picorer / bon bec

De Paris : heureusement que le Monde est mal conçu.

 

Avec ou sans rythme

Le poème court vite :

Pas dans les rues* / pas

Dans l’escalier** / court

Vite dans les maisons

Inhabitées / poème court.

 

* Trobar leu.

** Trobar clus.

 

Le soleil scie dans la masse nuageuse :

Pourtant, la lumière n’est pas jaune /

Ni l’ombre bleue : dans le blanc de la

Toile / ébauche d’un écran de fenêtre

/ les personnages tracés avec l’ongle

/ le clocher que tu reconnaîtras toujours

/ les cris d’enfants à l’intérieur d’une

Maison toujours plus proche : écrasée

De soleil ou d’ombre selon le temps

Qu’il fait / les rideaux s’agitent devant

Les yeux : connaissance de l’autre / lune

La nuit au carreau : même regard inquiet

/ tu as l’air étrange / tu n’agis pas comme

Les autres : chant intermédiaire le matin :

Entre les apparences et le rêve : cette réalité

Entrevue dans le prisme des moyens poétiques

/ jus des ciels (plusieurs) / tu inventes la barque

Et la godille / personne à bord : tu ne t’en iras

Pas cette fois :

il y a longtemps que tu ne pars plus.

 

Érotisme des corps inaccessibles /

Réinventer les voyages aux limites

Du raisonnable /

Queues raides des visiteurs / la femme

Se déshabille / l’enfant embarque /

Rêver de ne pas rêver : l’imagination

Manque au sédentaire qui se met

À fumer /

« ce n’est pas raisonnable »

La malle où on enferme

Les carnets toujours vierges

Qu’est-ce qu’un pays ? Les chemins

Entre soi / corps qu’il serait facile

De posséder /

Les heures de volupté au prix du crime

Contre l’humanité

/ l’ombre est verte maintenant / été

Passé : des sauvages à bord / santé

Précaire des dormeurs : l’érection

À la vue des corps d’enfant aux seins

« palpitants » malgré l’immobilité /

« je viens de là /

je n’y retournerai pas : »

Qui sont ces voisins ?

Les nus de l’aurore

Entre le drap et la chemise /

« pourquoi ne pas s’en tenir au roman ? »

Toute une civilisation qui veut oublier

Mais qui reconnaît l’attraction comme

Moteur de sa tragédie / sans ces actes :

Nous ne sommes plus nous-mêmes.

 

Ismaël va faire un tour du côté de la rivière

Qui à la hauteur de sa maison est vive comme

Un animal qui s’enfuit / il jette des cailloux

Dans le passage de ces forces descendantes

/ « qu’est-ce qui laisse des traces du passé ? »

Il interroge des broussailles souillées par

Les crues / dessus le ciel est « livide » soit :

« bleu mais pas vraiment / comme veiné / »

Visage

aux nuages

de passage /

Il n’y a pas d’embarcation au ponton /

La charpente branle sous ses pieds /

L’eau chante dessous entre les piliers /

« le passé parle en moi » / ce mouvement

De foule : l’élan populaire associé / sans

Le peuple rien n’est possible : « pas si loin

d’ici » / hors, cette muraille (celle qui borde

la berge) se tiendra ici éternellement : dit

(à peu près) la plaque de marbre sous la croix

/ « nous avons agi dans la volupté » / le passé

A l’âge de ces galets : il les lance pour ricocher

/ son esprit ricoche aussi loin que possible /

« je m’en veux » / et non pas : « que me veut-il ? »

Les temps ne sont plus aux questions qu’on pose

Au Monde : la réponse avec la bave de l’effort

Entrepris pour se sortir de cette faille / gaîté

 

Couples en fête

Des berges folles

L’été au soir

Avant de se mettre

Au lit.

 

Le crime

N’est pas loin.

Jambes nerveuses.

On hésite

Entre la fuite

Et le plaisir.

 

Qui n’est pas jugé

À ce qu’il n’a pas tenté ?

 

Es incomprensible que un individuo que haya estudiado profundamente la sociedad actual no sea comunista.

Es incomprensible que un individuo que haya estudiado profundamente el comunismo, no sea anarquista.

 

Le Monde est un verre brisé :

Quelqu’un buvait et / le verre

Est tombé / il s’est brisé / et

Le contenu sert de flaque aux

Morceaux / personne n’a le

Pouvoir (la pelle) pour rassembler

Ces fragments de ce qui fut et

Qui n’est plus que poussière

Dans l’œil du poète : métaphore

À travailler un verre à la main.

 

Autre Huidobro : Un juez que en el momento de dar una sentencia no se está riendo interiormente de sí mismo y de la sociedad es un perfecto imbécil.

 

Par cette après-midi ensoleillée

Après des jours de pluie et de vent :

J’ai éprouvé ce besoin de citer le chilien.

 

Sí mismo y la sociedad / ce rire au moment

De passer pour un écrivain / voire pour un poète :

Un grand noyer projette ses branches nues

Dans un ciel / ici les épithètes nécessaires

À la compréhension de ce que je suis en train d’écrire :

Ou peut-être de chanter si toutefois cette maudite langue

Retrouve ses anciens pouvoirs sur le Monde.

 

Un juge / race non élue chez nous : fonctionnaire soumis

Aux intérêts de l’Administration / hypocrisie de ceux

Qui craignent la police : le seul pouvoir détient tous les ressorts.

 

Qui n’est pas jugé

À ce qu’il n’a pas tenté ?

 

Je ne me souviens pas de son nom / Ismaël :

Dites-vous / « mettons » / revenant après la chute

De la lumière : muraille noire maintenant / de près

Ses ronciers s’animent : on y habite depuis longtemps

/ la peau encore touchée par le rayonnement solaire :

« il n’y a pas plus de poèmes que de beurre en broche »

Sottise / pédanterie ou absurdité ? « je n’ai pas encore

décidé » / en l’an soixantième de mon aage (environ)

/ il serait temps de rentrer ! « la pluie reviens toujours »

/ glissement d’un point à un autre une fois de plus /

Qui n'est pas jugé à ce qu'il n'a pas tenté ?

« je ne souffre plus : je deviens insensible / comme

si je me préparais à mourir à tout instant / »

des corbeaux sur les plus hautes branches : silencieux

/ « je ne les ai pas entendus (ni vus) arriver »

Le soir à la lumière d’un reflet /

Image-son d’un verre brisé : expérience tentée /

L’idée comme la toile d’araignée des murs /

L’ouverture d’une fenêtre l’a projetée contre le mur

/ elle s’y frotte maintenant /

S’y déchire mais sans araignée

/ la fenêtre s’est refermée :

Cette maison est parcourue

De vents contraires / « je n’y

vivrai pas longtemps » /parce

Que tu ne veux plus vivre : dis-le

/ au plafond où l’araignée

Reconstruit sa toile… sottise

 

Quel constat ! Sans doute définitif / mais le rêve

N’est pas un rêve : l’idéal / jalousie entrouverte

Comme des jambes / comment l’appelez-vous ?

 

« il le faut bien » / je conseillerais plutôt l’arrêt

De toute activité : sauf la destruction / lente si

Possible : se méfier des juges qui ne rient pas

D’eux-mêmes ni de la société : ne pas seulement

Jeter la poussière du chemin sur leur chemise :

Oser tuer / au nom du vide total d’idéologie /

Sans folie à la clé / ni intention / brûler leurs musées

Pénitentiaires / « Quelle fiction ! » / mais surtout

Quelle conclusion ! / personne ne survit au point

D’en faire le récit complet : avec le mode d’emploi

/ quelle différence entre se piquouser et acheter ?

Entre tuer et se croire aimé ? / « on pend des trucs

au plafond » / feuillages fouillés pour y trouver :

Une raison de continuer qui ne soit pas : lâcheté.

 

Malle de l’aubergiste : y compris Sylvia Plath /

Nous tous / et de plus en plus : la machine

Éditoriale est désormais un réseau / je n’y suis

Plus : j’entends les turbines / les ouvriers sur

Le chemin : radios à fond avec applications /

« j’sais pas si le moment est bien choisi pour… »

Ouvrir la malle : et y penser avant de commettre

L’irréparable / « j’dois avoir tout mis là-dedans »

Jamais un savant (intuition) n’accèdera aux mânes

Du texte / « faut admettre ça : » les uns sont doués

Les autres pas / impressions dès l’ouverture « ça

sentait bon » / et alors je suis resté avec elle /

 

Notes pour un rapport aux autorités de tutelle :

Les psychothérapies et autres cures de désintoxication

Au service de la Production et de l’Administration /

Organisation des villes comme à la campagne : contre

Les catastrophes naturelles / les guerres / les attaques

Terroristes / les actions individuelles / les coups de folie

Qu’il faut bien juger en assises pour plaire aux familles

Des victimes / architectes de la Géographie et journalistes

De l’Histoire / les charlatans utiles à cette grande marche

Vers l’organisation parfaite (idéal) des moyens de transport

/ de l’irrigation / et de l’énergie : « un homme seul est foutu

d’avance » / la lecture en proie aux énigmes policières sur

Fond de crise familiale / des nazis à tous les étages / « plus

on sera et moins il y en aura pour tout le monde » / la

Formidable illusion des conquêtes / « comment peut-on

espérer trouver le bonheur dans l’industrie ? » / les uns

Donnent à bouffer aux autres / et les autres se réduisent

À eux-mêmes : il n’y a d’individu que dans la pauvreté /

Et finalement trouver un coin de campagne pour passer

Le temps avec le temps : « ça mérite quelques bizarreries

De style et de composition, non ? » / les seules énigmes

Sont policières : chacun veut repêcher le corps de Marie

Roget / pas plus loin que la rivière immonde qui coupe

La ville en deux / alors qu’à la campagne des ruisseaux

Se cachent sous les frondaisons : le cueilleur de cresson

Se limite à cet élan mystique : la perspective d’un repas.

 

« on ne veut plus de policiers

dans nos énigmes criminelles »

Policiers : tous des salauds qu’on est contraint d’aimer

Pour ne pas passer pour un pédant /

et de chapitre en

Chapitre le lecteur (personnage) s’enfonce dans la Famille,

L’Histoire ou même la condition humaine réduite pour

L’occasion à une place dans la société du travail /

« c’est ça ou se lancer (balancer) d’un pont sans

élastique / » / on ne veut pas être sûr de mourir

À la fin :

« de toute façon on mourra après »

Travailler & s’amuser : c’est toujours créer /

Et les prévisionnistes de la propriété immobilière

Interrogent les météorologistes /

et de chapitre en

Chapitre le lecteur (toujours vivant) oublie pourquoi

Il est venu : surgit le vendeur au bagout habitué

Aux fausses barbes : week-end à la campagne ou :

En Égypte / « choisissez entre le cresson des rus

Et le sable des pyramides » / papa ne se retourne

Pas dans sa tombe : il a déjà joué

or : on ne joue plus !

 

Chassez la poésie / le conte revient au galop :

L’art des vieux qui n’ont plus rien à dire

/ n’ont sans doute jamais rien eu à dire

Nouvelles mythologies au service du sommeil

/ on dort de moins en moins et pourtant

Le rêve se confond maintenant avec

Les apparences : le style confessionnel

(vous avez des problèmes) finit dans

La critique sociale / « vous savez tout.

Maintenant : » retournez au lit (au travail)

 

Le soleil d’hiver trompe une tourterelle qui frétille.

Un moineau en pépie. L’écran se brouille. Vous

Êtes malade. Mouchoir sanglant des mauvais

Jours. Refermant le roman résolu, vous savez

Que vous venez de perdre votre temps. Vous

Ne sortez pas : on vous cueillerait. Bizarre de

Se retrouver seul à la maison… La cuisine a perdu

Son odeur de café. L’air est frais. Le roman refermé

Sur le nom de Marie Roget.

Vieux grimoire maintenant.

Votre chien est mort. Vous ne reviendrez plus

Visiter les berges de l’Enfer. Celle qui veillait

Sur vous a disparu. Vous savez comment. Ce

N’est pas écrit dans ce roman. Ils n’écrivent

Plus rien dans les romans. Le libraire est un

Menteur né. Mais achète-t-on encore ce genre

De bouquins ? À l’heure du numérique… ?

Qu’est-ce que pour nous… La fiction conçue

Comme les marges de l’information.

Garde-fous.

On ne peut pas aller plus loin : allez plutôt

En vacances. Vous n’êtes pas fou. Vous rêvez.

Et vous ne sortirez pas de ce rêve en écrivain.

« Que faut-il étudier pour devenir garde ? »

 

fin du canto intitulé

Notes pour un rapport aux autorités de tutelle

 

dit-il

 

« moi je ne disais rien »

 

« je vous connais »

 

« je me tais en principe »

 

« vous vous taisez toujours »

 

« vous me connaissez »

 

ou début…

 

Une tourterelle attire des moineaux,

Des mésanges, des merles se méfient.

Soleil d’hiver chaud contre le mur de

Briques / dans l’escalier la mousse verdit.

 

Nous avons des œufs et du jambon. Cet

Arbre portera ses fruits le moment venu

(disant : ne vous inquiétez pas) / Ne

Retournez pas dans l’ombre. Des feuilles

 

Persistent. Dans l’escalier les pas verdissent.

Vous verrez le printemps Lombric montrant

La tête ou la queue / nous sommes si près

De la nature. Pas de pluie prévue aujourd’hui.

 

L’ombre aussi verdit. Insectes pressés par mon

Imagination / je vous connais / Nous avançons

En même temps : je crois. Nous avons tellement

Attendu ! Un merle se décide à siffler. Je ne vous

 

Reconnais plus. Nous étions plus que deux, jadis.

Ne permettez pas au récit de se perdre dans le

Passé qui nous occulte. L’air est si frais ! On se

Croirait en hiver. C’est l’hiver. Je ne sais plus si

 

Je vous connaissais avant. Nous avons tellement

Vécu ! Cette campagne est construite comme

Un récit. La tourterelle ne voit rien venir. Un

Galop derrière la haie qui nous sépare. Est-ce

 

Vous ? J’avais tellement raison de me perdre

En chemin ! On ne me reconnaissait plus ! On

M’interviewait. Je sentais comme un bonheur

Me caresser la joue. Rien que la joue, cousine !

 

Nous avons tellement de choses en commun…

Ces romans qui entretiennent nos conversations…

Ces pas au hasard de l’allée tracée par l’architecte…

Vous ne le connaissez pas…

Histoire de famille…

Vous savez… si je suis là…

Entendez-vous la tourterelle ?

Le soleil d’hiver est sa seule inspiration en ce moment !

Ces choses que nous connaissons…

Les mêmes organes mis à disposition de l’esprit…

Voyez-vous des différences… ?

Non je n’ai pas connu l’architecte…

Ma famille est si ancienne !

Nous en parlons quelquefois mais…

Je vous raconterai ça plus tard…

Avez-vous lu le dernier roman de… ?

La partie romanesque ne vaut rien :

Amateurisme de qui se sert du roman pour…

Mais les digressions me ravissent !

Ces idées ! Ce que nous sommes ! Ce qu’il sait !

La poésie n’est qu’une manière de message…

Cette allée enfante les autres… vous verrez…

Des années que j’y suis, cousine…

Mon roman n’intéressera personne…

Aussi je me garde de l’écrire !

Avez-vous déjà écrit un roman… ?

Je m’y suis essayée… jadis…

Mais maintenant que je sais que nous sommes cousines…

Nous irons au bois…

Je suis comme vous : je ne veux pas retourner en enfance !

Ne dites pas le contraire…

On fait feu de tout bois… Ici.

 

Ce désordre avant d’entrer en enfer… !

 

Exemple de chant intermédiaire :

(ou Le triomphe du vulgaire)

 

De la schizophrénie

Perte de contact avec la réalité dont absence de conscience de cet état.

à l’autotélisme :

 

Citation (ce que tout le monde peut savoir : Wikipédia) :

« L’individu autotélique n’a pas un grand besoin de possessions, de distractions, de confort de pouvoir ou de célébrité, car presque tout ce qu’il fait l’enrichit intérieurement.

» L’intérêt de la personne autotélique n’est pas purement passif ni contemplatif ; il implique un désir de comprendre, une volonté de résoudre un problème. On pourrait parler d’un intérêt désintéressé.

» L'individu autotélique résout plus facilement les difficultés de l'existence.

» Leur énergie psychique paraît inépuisable, ils sont plus attentifs remarquent plus de détails s’intéressent volontiers à quelque chose sans en attendre de récompense immédiate.

» Attitude joyeuse de curiosité volonté de comprendre, de résoudre des problèmes.

» Mais intérêt désintéressé : attention dénuée d’ambition et d’objectifs personnels pour avoir une chance d’appréhender la réalité selon ses propres termes.

» Les individus autotéliques sont moins préoccupés par eux-mêmes et investissent plus d’énergie psychique dans leur rapport à la vie.

» Les personnes autotéliques marient une saine fierté de leur individualité et un intérêt authentique à l’endroit d’autrui.

» Les individus créatifs sont généralement autotéliques et c’est parce qu’ils disposent d’un surplus d’énergie psychique à investir dans des choses apparemment triviales qu’ils font des découvertes. »

 

« Je suis le Mozart de la poésie contemporaine : je n’ai rien inventé. » (un poémien*)

* Je préfère parler de chant intermédiaire plutôt que de poésie ; donc de poémien plutôt que de poète.

 

Intégration :

 

(dans l’ordre : chemin)

Modernité (lecture)

Postmodernité (vécu)

Classicisme (tendance)

 

Sériatim (les fragments)

Analectic (les voix)

Héméron (les jours - travail)

Télévision (les écrans - réseaux)

 

(différentiel)

Perversion (intuition)

Rhéologie (impression)

 

(ensemble - item)

Sources

Invention

 

Sériatim :

(à commenter ici)

possessions

comprendre

existence

détails

curiosité

attention

vie

autrui

découvertes

 

« A Silvestre le parecía vulgar y anticuado escribir sus ideas, y encontró más pintoresco, más jovial, exponerlas por medio de esquemas. Y lo hizo así. »

Pío Baroja - Aventuras, inventos y mixtificaciones de Silvestre Paradox (La vida fantástica 1)

 

Par exemple, on pourrait ici insérer le roman versifié de Pierre Vlélo : « Avant-fiction ». (conseillé)

 

Caminante

Este no es el único camino…

 

[#Carabin Carabas (notes…)]

 

Ces nuits sont oranges avant la fin.

Dernières lueurs bleues dans la fenêtre.

Les ombres chinoises d’un feuillage d’hiver

Inventent des personnages alors que

Le roman que je suis en train d’écrire

Est au point mort : je ne connais pas

L’angoisse. Les veillées sont roses.

Ces nuits n’arrivent pas toutes seules.

Les lieux sont à peine des lieux.

J’écrivais alors la longue (interminable)

Conversation entre Carabin et Carabas :

Devant le miroir dont ils sont eux-mêmes

L’autre côté. Ces nuits deviennent noires

Avec le temps. Mais ce temps n’est pas

Encore venu. Nous devinons une écriture.

Tout s’éteint lentement. Bientôt il faudra

Accrocher des étoiles dans ce ciel devenu

Lune. Seul en face. Ce livre voulait être

La malle de l’aubergiste. Qui donc bernait

Les personnages ? Les feuillages ne sont

Plus les haies de mon jardin. Tout s’éloigne.

Un chat en équilibre sur le portail miaule.

Que peut-il faire d’autre ? J’attends de lui

Qu’il parle à la place de la nuit. Paroles

D’amour ou de quête. Nous étions deux.

Aventures. Inventions. Mystifications. Or.

Nous eûmes des visions vite peintes afin

D’en immobiliser les voyages. Qui es-tu

Si tu sais ? Pas un oiseau ce soir. Les

Orages sont loin. Nous n’irons plus au bois.

Je suis construit. Je me vois, dit-elle au

Soir. C’est comme une destruction de

Ce que tu as conçu dans un moment de

Pur égoïsme. Nous ne saurons jamais qui

A parlé. La douleur est physique. Il ne reste

Plus qu’à s’en plaindre. Élégies en perspective.

Reprenez, cousine, un peu de ça. Et chantez

À la place du chat qu’on enterre avec mon

Chien. Toutes ces ombres ! Ces couleurs qui

S’en vont ! J’aurais voulu être aveuglé, mais

Le soir s’installe dans le calme. Personne pour

Me plaindre, ô moi personnage de roman !

 

« Le type (ou la meuf) commence par « être moderne

absolument » / ce qui le met en retard d’un siècle au moins/

il devient / ou croit l’être / : alchimiste (de la douleur ou du verbe)

/ évidemment ça foire / lamentablement / si ce type (cette meuf)

: n’est pas un charlatan / ou ne le devient pas : à force d’y penser…

Ensuite le voilà qui se met à faire de l’humour / ou de la dérision /

Mais qui parodie-t-il si ce n’est pas lui-même (elle) ?

Le texte se fragmente / ne s’achève pas / entre la confusion

Et la négligence : loin de toute espèce d’exigence / il ou elle

(deuxième chance) pense à devenir charlatan : et le devient

Peut-être : faisant passer (ou tentant de le faire) des

Approximations (au mieux) pour un nouveau genre / voire

Une nouvelle école / mais la plupart du temps : on revient

Aux fondamentaux les plus scolaires : l’homme s’est assagi

(dit-on) / il est plus lisible qu’un panneau de signalisation /

Et s’il n’a pas renoncé au charlatanisme : il continue la route

À ce train-là : peut-être salué (sait-on ?) / sans doute obscur

Et sinistre / ayant vécu sa saison / et malgré la pluie

Et le froid qui givre sa fenêtre : il croit enfin avoir raison /

« je suis lisible » « je suis compréhensible » « j’ai atteint

ce degré de simplicité qui fait de moi un : » poète / »

 

Les âges : ce rythme ternaire dont la mesure est :

Une seule existence.

 

Les deux chiens s’avançaient vers moi

(et je ne comprenais pas ce qui se passait

malgré moi) / celui que j’ai charmé

Et qui me suit / et celui qui n’a rien oublié :

Je ne revenais pas d’un aussi long voyage.

Je ne m’étais même pas arrêté.

Il faut dire que je possède deux chiens :

Sans eux (m’a dit mon père)

Je ne suis plus moi-même

/ Je suis né dans ce pays :

L’enfer à ma porte

Et l’eau des voyages

Baignant ce seuil gris et dur.

Ne transmettez à ceux qui vous lisent que l’expérience qui se dégage de la douleur, et qui n’est plus la douleur elle-même.

Je ne sors jamais sans eux.

Ma maison est leur maison.

Les voici qui s’avancent vers moi,

Chacun portant l’un de mes fardeaux.

Je n’ai pas inventé une autre vie.

Je n’ai pas eu l’alchimie.

Je ne crois pas à la douleur

Ni à la puissance de la parole.

Je sais ce que je sais, pas plus.

Et seul en ma maison j’existe

À la place de ce que j’ai perdu

Et de ce que je n’ai pas trouvé.

Les voici qui s’avancent vers moi,

Ce qui explique ma colère, ma seule

Colère en ce monde que je n’ai pas

Réussi à aimer. Têtes bonnes à caresser,

Langues faciles. Jouets du siècle.

L’un a donné son nom à une balise

(à moins que je me trompe de chien)

L’autre au flic qui menace la liberté.

Je n’use plus de déguisements.

Je n’enduis plus mon corps nu

De graisse de lion comme le voleur

Qui visite mes nuits. Nos balades

N’évoquent plus l’amour ni le voyage.

Voici un homme et ses deux chiens.

Il est né ainsi (m’a dit mon père)

À tel point qu’on dirait que ces chiens

Attendent qu’il meure pour disparaître

À leur tour dans les conclusions d’un poème :

Lequel n’est pas encore écrit. Quelle ode !

J’en susurre les pieds du matin au soir,

Ce qui me rend improbable question travail.

Mon père me l’a dit (plus d’une fois) :

« Tu sais ce que tu sais. Tu n’iras pas plus loin. »

Et en effet le seuil gris et dur de ma maison

Se laisse caresser par les vagues mourantes.

Le coquillage s’y usure, patient comme la vie.

J’ai charmé mes chiens à deux époques différentes :

Mon père me l’a dit : « Il ne peut en être autrement. »

Et je l’ai cru.

L’expérience qui se dégage de la douleur

n’est plus la douleur elle-même.

Toison d’or ou père : tu ne partiras pas.

La cuisine sent le poisson

Mais aussi le citron.

Père ou fils : tu partiras longtemps

Après la fin du voyage. Et le repas

Ne fut pas partagé. Les chiens lèchent

La gamelle grasse aux gouttes d’or.

L’expérience qui se dégage de la douleur…

Aucune alchimie n’est à la hauteur de l’enjeu.

Autant se mettre à croire en Dieu

Et porter le vin à la messe.

Ou ne rien croire du tout

Et caresser les chiens

(deux dans mon cas mais

c’est peut-être aussi le vôtre)

/ les caresser et attendre le soir :

Comme si le matin

Voulait cette seule vocation.

Chiens joyeux à cette heure.

Dans quel état d’esprit se trouve mon voisin ?

Suis-je encore capable d’amour ?

Moi qui ai tant aimé !

Cette mer qui prend naissance à l’horizon !

Ces montagnes qui descendent sur la plage !

Ces corps nus qui jouent avec le soleil !

Je ne me mets jamais à la fenêtre.

J’ouvre ma porte et sur le seuil gris et dur

Mes deux chiens attendent

Que la vague efface mes traces de la veille.

Ensuite ils s’avancent vers moi :

Celui que j’ai charmé de ma seule voix

Et celui qui ne m’a pas oublié.

C’est tout ce que je possède parmi vous :

La maison de mon père ;

Les deux chiens dont il parlait si souvent ;

Et ces recommencements dans l’attente.

Si vous voulez appeler ça richesse…

Ça se termine par un poème

Et tout le monde disparaît.

 

« Vous zavez pas d’chien, vous ? » / non

: j’en avais un mais papa l’a tué d’un coup :

De fusil / comme j’étais un enfant témoin

De ce qui se fait dans un lit à deux ou trois

/ l’alcool faisant foi comme les timbres

De ma langue / non j’ai pas d’chien mais

J’en connais : des chiens et des ceux qui

En ont : au moins un / et pas de géniteur

Pour les tuer / au fusil avec amour / la bite

En feu mais pas dressée comme il faut

Quand il s’agit de se montrer à la hauteur

/ Ne lui serrez jamais la main, me dit-il :

Je ne le connaissais pas non plus : ni chien

Ni enclin à le devenir : avec des obscurités

De poète en mal de fable définitive / aussi

Définitive que le Procès ou les 50.000 $

Promis à la littérature / le genre de type

Qu’on claque sur un coup de tête, dit-elle

Alors que je n’étais pas venu pour ça : ces

Êtres qui se vendent sans rien rater du plaisir

/ Je leur parlais de mon chien et ils en savaient

Plus que moi sur leur géniteur : sans honte

D’être nés d’un rapport (voir personne) / une

Bouteille à la main et le reste dans l’autre :

Poche percée qui ressemble déjà à une tombe

/ Je n’irai jamais de ce côté-là de l’existence

Sauf si je ne trouve pas autre chose à faire

Pour en vivre : « non sans blague zavez pas

d’chien… ? » J’en avais l’allure comme papa.

 

« Et un chat… ?

Ça vous dirait

D’en avoir

Un… ?

 

Vous tombez

Bien :

J’en ai un

À votre service.

 

J’l’ai trouvé

Dans un port

De pêche

En Espagne…

 

Il est

À vous

Si vous oubliez

La carte postale. »

 

Les kilomètres qui séparent

L’homme en rut

De son mariage

Avec la fille

De son village /

Celle qui

Lui était

Promise.

Le doigt

Sur la carte

Avec d’autres doigts.

On finit

Par oublier tout ça…

Des personnages

Plus que des histoires…

Or le personnage

Ne se vend plus

S’il n’a pas atteint

Une certaine

Notoriété.

Des personnages

Plein les poches.

Et pas une bonne

Histoire

À raconter

À cette descendance

Qui se profile

Comme la perspective

D’une autre mort.

Plus radicale

Celle-là…

Je peux

Même pas

Lui en parler…

Je ne baise plus :

Je joue.

Tout le monde

Sait jouer.

Et je ne sais plus

Écrire.

 

C’était l’Ode élémentaire du bloggeur.

Le type qui sent que son journal

De bord n’ira pas aussi loin que

Ses rêves /

 

Que cherches-tu

Toi

Qui ne trouves rien ?

Semble répéter

Le vieux Pablo

Devant sa toile.

 

Des tas d’Odes élémentaires sur seuil de sa maison.

Mais il ne pense pas au pain, ni à la terre, ni aux

Femmes qui la font tourner / à ces sortes de choses

Que l’ouvrier connaît mieux que quiconque a encore

De quoi vivre / Je hais ce type que je ne suis pas devenu.

 

Heureusement qu’aucun enfant de ma chair

Ne me posera la question de savoir en quoi

Consiste ma contribution à l’effort social /

 

Comment lui expliquer que j’ai plutôt œuvré

Dans le sens de la mort ?

 

Pourquoi lui demander de me lire

D’un bout à l’autre ?

 

Heureusement qu’il n’existe pas !

Qu’est-ce que j’en ferais maintenant ?

Un poète suivi par sa chienne de mélancolie

Ou un ouvrier qui sait où il va avec les siens ?

 

Ah ! Je hais ce type que je ne suis pas devenu.

 

Et ne me demandez pas de lire à sa place !

 

« On ne retiendra que le savoir-faire

Pour le spectacle / donné sur la place

Du Marché aux Idées et aux Émotions

/ Manuels revisités par le marketing

Universitaire sous la houlette des

Corps constitués / Chacun ira de son

Ode : suivant les chemins de ses désirs

De démocratie : ô question trop souvent

Posée par le Poète lui-même : Personne

Sait de quoi il parle / Mais en attendant

Il faut aller au bout de cette sacrée idée !

Sinon on se reprochera toujours de faire

Des enfants pour que ça ne s’arrête jamais ! »

 

Le soir / les bars sont fermés

/ l’église est fermée

/ les portes sont closes

/ la solitude doit avoir un sens…

 

L’hiver ou l’été ou

/ les pluies de printemps

/ les tramontanes de l’automne

/ personne d’autre que soi…

 

Pourvu qu’elle ait un sens !

/ Ça se saura tôt ou tard

: pense le type ou c’est elle

Qui pense comme un homme.

 

L’Homme avec ses deux sexes

Et la Femme en question /

Il faut que tout ceci ait un sens !

Comme dans le dictionnaire.

 

Mais ils finissent par en avoir marre

De la modernité et de tout ce qu’elle inspire

À ceux qui ne peuvent pas suivre parce que

C’est compliqué et pas du tout absurde

Comme le prétendait papa !

 

Ils deviennent les classiques de notre temps

Du moins le temps que ça dure

Dans les vitrines des librairies

Et sur les comptoirs de la solitude.

 

Ça rime à quelque chose et si ça

Ne veut rien dire : on est là pour le prouver

Que Dieu existe même s’il n’existe pas !

 

Ça ne suivra jamais derrière peut-être

À cause de cette idée que Dieu est Dieu

Et pas autre chose de plus ou de moins…

 

Et ils se voient en martyrs de la cause littéraire.

Sans toutefois faire le voyage d’Abyssinie

Ni se jeter dans la baie du Mexique sans bouée

Ni autre chose que son propre cul.

 

Ça devient de plus en plus un rêve de consommateur.

Gare à celui ou à celle qui finit par y croire.

Je viens d’en ramasser un en rentrant du boulot :

Et il a profité de mon sommeil pour me piquer

Mes économies de bouts de chandelle : la vache !

 

et… « cette bande de minables ramollos pépères mornes consommateurs de spectacle »

tu en fais quoi. L’élu… ?

 

II

 

Plongez le personnage dans l’Histoire :

Il en ressort aussi crevé que le castor

Pris au piège de l’hiver arctique.

Essayez vous-même les eaux de la

Rivière : vous n’allez pas plus loin

Que le seuil de cette porte avec voisin

Jouxtant la haie de mauves, yeux

Dans les feuillages fleuris de l’été,

Pas plus historique que vous à l’heure

De retourner dans la cuisine pour cui

Pour cuisiner le même rata patriotique.

Vous avez beau écrire mieux que les

Autres : vous n’allez pas plus loin

Que le seuil où volètent feuilles et

Oiseaux, habitants eux aussi en voi

En voisins aux yeux connectés avec

La réalité des chansons et des jeux.

 

Tiens : ce soir il fait encore soleil.

On dirait que la nuit est en retard

D’un jour : alors je me pose la question

De savoir si je n’ai pas un problème

Avec le Temps et sa majuscule né

Nécessaire sinon : on ne vit plus avec

Avec ses voisins, les animaux comme

Les autres : aimez-vous les autres les

Uns. Carré de lotissement toujours

À vendre mais pas au plus offrant.

Ne pas avoir été sauf au service

Et ne rien devenir à part sous terre.

Il te reste cet instant avec feuilles et

Avec feuilles et oiseaux, les yeux

Du voisin sur ta fenêtre et tes écrans

Te montrant le chemin de la communauté.

 

Nous eûmes bien du plaisir entre ces

Ces quatre murs tapissés de fleurs.

Des enfants de chair et de papier.

Des biographies à la pelle. Des signes

D’éternité et de problèmes résolus.

Mourir d’extase ou d’épectase alors.

Hors de soi ou par extension, dit-on

Si l’on a encore cette chanson en tête

À l’heure tralala itou à l’heure de pencher

Du côté où l’eau coule à l’envers et

Contre tout ce que nous sommes.

 

Voir un zoziau en âge de voler plutôt

Ô plutôt crever entre la plate-bande

Et l’allée qui ruisselle encore, encore

De printemps : des pèlerins en route

Pour les grands cimetières de l’avenir.

Mal aux chevilles après la promenade

En rond dans la nature refondue, due

Dans la forge que nos aïeux nourrissent

Du même minerai impossible à, sible à

Réinventer sans se brûler les doigts ô

Doigts ! Un enfant passe en fée ou en

Sorcière, exigeant les bonbons comme

Comme si l’Histoire n’avait plus de, plus

De sens : un étage d’escalier dessous.

Des soucis perçant le vieux goudron.

Crottes de chien en souvenir. Voulez-

Vous que mon bras vous accompagne ?

Un autre enfant pêchait à la ligne, bou

Bouchon dinguant dans les vortex, le so

Soleil fouettant l’air en ondes de nylon.

Le nôtre ? Pas du tout ! Nous sommes sans

Sans Histoire depuis : pas même un re

Refrain à donner en boulettes à l’eau,

L’eau l’eau qui revient vient de là-haut.

 

N’attendez pas l’Histoire sur ce fil, a

Ami de toujours : ces pages sont, le sont

Perdues dues à jamais ici et plus loin

Que la porte : ne reculez reculez pas

Non plus ! Vous n’entrez plus ! L’Histoire

Ô on dirait que l’Histoire vous en veut !

Plumes d’oiseau encore adolescent, jeune

Assez pour se perdre en chemin et revenir

Sur ses pas faute de nouveautés veautés

À mettre sous la dent, sa dent de lait lait

« Dans la bouche » : un per

 

Personnage sans pieds

Ni queue, sans cette

Expérience du vide

Qui fait l’homme creux.

 

Le vent exagère toujours

Les effets de manche.

Voulez-vous aller

Au fil de l’eau plutôt

Que de noyer le poisson ?

 

Que donner à la vie

Si elle ne donne rien ?

Que reprendre au moment

De ne plus rien pouvoir ?

 

Dans le lit des jambes

Qui se croisent encore.

Noyés sous le noyer

Des siestes de l’après

Après-midi à la fenêtre.

 

Un flanc métallique surgi

Met en fuite les tortues

Paresseuses de l’arbre mort

Que l’eau habite en cadavre.

 

Quel personnage sans psyché

Disparaît dans les évènements ?

Le tien ou celui de la télé ?

 

Gratte-cul des bancs sous les frênes,

Une clôture de grillage étincelant

Avec un chien et une bourgeoise

Issue du peuple grâce aux services

Rendus à qui ? Mais à qui parle-t-on

Dès qu’il s’agit de jardiner pas loin

De la maison acquise ou héritée ?

Prurit des bancs sous les tilleuls

Et le ruisseau frémissant d’ondes.

Un type allongé sur le côté, nu

Jusqu’à la ceinture de la pointe

De son Savoyard extrait la mâche

Et la fourre dans sa poche, silence

Des écureuils et de la femme en

Rut qui resurface son potager.

Passant, tu ne chemines plus depuis

Depuis longtemps, si longtemps

Que l’Histoire oublie que tu as

As existé avant elle, bien avant

La première guerre ou déluge

De feu sur ce que l’amour doit

À l’amour. Des excisions

À l’horizon.

Des fumées de poêle

Au poil tombé

Du cuir d’un ours.

Cri trop sommaire

Pour donner lieu

À autre chose

Que l’existence.

Mescalito

En personnage

De trop, de trop

Malgré les combats

Et les arrachements

D’autres cris moins

Laconiques : nous

Sommes les premiers

Et les derniers, ô ans !

 

« Reprenez au 1 ! Sans les bécarres ! »

Zigotos de l’actualité servie

Avec les couverts fournis par le Pouvoir.

Tête frappant la nappe sans penser

À la douleur qui s’ensuivra inévitablement.

Plusieurs personnages reprenant depuis

Le début : cherchant des yeux le guide

Mais celui-ci ronge un os en attendant

Son heure : sa baguette est un couteau.

Enfant, je ne venais plus. Maintenant,

Je viens. Et plus je viens plus je m’éloigne

De l’instant où j’ai décidé d’écrire

Pour ne pas servir. Vos traces distinctes

Des miennes mais conduisant ici

Malgré les chants d’oiseaux et les ruts.

 

Tiens : il ne pleut pas ce matin : il vente

Cependant : l’autan noir menace les feuilles

Et les autres couleurs printanières : comme

Palette retrouvée dans le fatras d’une histoire

Qui n’est que la tienne : pas celle des autres

Ni celle qu’on enseigne chez les pédants

Qui refont le monde après l’avoir conçu.

Les toitures claquent des dents, ô passagère

De mes croisières ! L’eau fuit ou s’évapore.

 

Ne mesurons plus l’effet

De nos paroles sur l’esprit

Qui attend un enseignement.

 

Déchirons ce qui peut l’être.

Cocottes des brouillons acquis

À force de salaires et de pensions.

 

Voisins s’échinant dans la peinture

Des murs et des portails : évitez

Les coucheries de l’été si l’homme

Est un marin ou un voyageur de l’espace.

 

Shootant la baballe sur le terrain avant

D’en venir aux verres en signe de paix

Et d’amitié : le personnage s’égouttant

Comme le linge sur le fil tendu entre

Ce qui aurait dû être et ce qui est encore.

 

Beaux mollets des dames élevées au grade

De capitaine des gazons : le factotum fume

Une cigarette d’attente assis sur sa tondeuse,

Rêvant de masturbations et de sommeil.

 

« Ne revenez pas si vous êtes déjà venue !

— Mais enfin qui suis-je si vous aime ?

— Chaque goutte de pluie est un enfant,

Ô flaque de nos amours circulaires ! M’ai-

Mez-vous encore ô fée du logis ? — Voui ! »

 

Pluie des cynorhodons sur le banc sous les chênes,

Elle proposait aussi sa confiture d’extases secrètes.

« Nous aurons des joies d’enfant devant le sapin !

Des chocolats plein la gueule et l’envie de pisser

Réprimée pour jouer à la place des autres, ces autres

Pas encore aussi adultes qu’ils devraient être ô cependant !

Ne me regardez pas comme ça, Arthur ! Je ne vous ô

Je ne vous reconnais plus si vous jouez avec les autres !

J’ai envie de pisser mais je me retiens, vous savez

Que je peux me retenir longtemps ! — Je sais tout

De vous ô jardinière de mes printemps sans issue ! »

 

J’aime la tige

Des églantiers

Dans le ciel bleu

De nos voyages

Sans quai ni gare.

 

Goussons des rages

Les plus sommaires

De l’enfant toujours

Menacé de narcissiques

Résolutions du problème

Primaire : shoot

Des familles rencontrées

Sur le terrain des voisinages.

 

Pas plus loin que la porte,

Voyant l’allée qu’emprunta

L’aïeule toujours irritée

Par ces trompeuses floraisons.

Le gravier en gémit encore.

Crevasses des chapes coulées

Sur hérisson de schiste.

Ces questions de dilatation

Et de contraction prenaient un sens

Inattendu : n’en dites rien au pédant

Ni au salaud qui le seconde en haut lieu.

Comme la vie est belle

Quand la mort est exacte !

 

Et au rendez-vous des fées en string autour du berceau

Qui aurait dû voir nos jours revenir de la nuit

Sans ennui.

 

Ils jettent leurs enfants,

Ne les déposent pas

Même sur le trottoir

À côté des poubelles.

 

Maritxu et Hélène jouant avec des vaguelettes

À la Saint-Michel,

Oignant leur peau d’écume et de semence d’oursins.

 

Articulant des violets sur le rocher quelquefois

Aussi cruel que le couteau,

Elles donnaient des leçons aux petites sorcières.

 

Quel bouc laissait pendre sa queue rose et molle

Contre sa cuisse de sédentaire ?

« Le meilleur père » et pourtant il s’adonnait à « ça ».

 

Au large les barques noires revenaient à la rame,

Entendant le grincement des taquets et le bruit

De la houle contre la coque : pas un chant ici-bas.

 

« Imitez-moi oh comédiens exemplaires ! » Redonnez

Le même sens aux choses qui se sont perdues

À l’approche du jour en mer « Figez la partenaire ! »

 

Corps nus comme extraits de la terre et non pas

De l’eau : l’errement est le même : des cantabriques

D’or sur le moindre tintement de cloches en l’air.

 

Quel âge nous prit à la gorge ? Le nôtre n’existait

Point encore : enfourchant ces vieux ou anciens

Canassons du passé : déclament alors des vers

 

Composés pour plaire aux propriétaires « Race digne

De figurer au fronton » / jupettes soulevées par le geste.

Riches à la raquette et les autres à main nue : voici

 

Le fils de l’homme et sa sœur : promenant leur savoir

En laisse comme l’a dit papa : comme l’a voulu maman.

Il n’y a pas de roman : il n’y a que des personnages.

 

Au crincrin des valises sur le quai où l’Europe double

Encore sa mise : des filles voulaient plaire et plaisaient.

De quel shoot nourriras-tu tes moments de liberté

Provisoire ?

 

« Je n’en sais pas plus que toi sur le sujet : écrire

Des romans est un passe-temps qui vaut la chanson.

Mais la poésie ne se donne pas aussi clairement… »

 

Disais-tu. Quel décor qui ne servira pas la comédie

Clairement entrait en scène avec des voix inconnues ?

Un canard s’agitait en grimaçant dans l’effort : chier.

 

Pourquoi aller plus loin que ce qui se donne en prime ?

Chaque nuit est un tour de vis : au milieu de l’existence

La barque chavire du côté du plongeon : « À toi le tour ! »

 

J’aime les coquillages

De l’étalage

Autant que la page

De tes suffrages.

 

Grisaille d’un jour d’été après une matinée de sommaires

Éclaircies : la méridienne municipale réduite à son ombre.

Passant, ne descends pas de ta colline couverte de sapins.

 

Quel âge pourtant nous accompagnait en donneur de leçons ?

S’agissait-il de posséder ou de rechercher la douceur ?

Qui remplissait nos verres sinon ce serviteur en phase

Terminale ?

 

Dans l’impératif soyons il y a le mot soie et ses nuits.

« Je ne cherche plus : je n’ai rien trouvé, mais on m’a

Donné : ces spots de bonheur et de retrouvailles

Après tant de temps passé loin du foyer :

« Reviendras-tu, dis-moi ? »

 

Sur le terrain vague entre mer et montagnes jouant

Mieux que les autres à la balle et à la cruauté / fils

Et fille à la fois : « N’est-ce pas ce que tu voulais ? »

 

Ces alains qui s’expriment avec clarté et composition :

La pratique de l’hypothèse vole en éclat. Amants de

L’enfance à peine éclose : Quel père donne à sa fille

Ce qu’elle exige de lui ?

 

Au balcon les femmes mûres attendent l’automne.

Coudes gras sur la balustrade décolorée : cheveux

En ombre sur la peinture qui s’écaille depuis longtemps.

 

Entre le bonheur des spots et les désastres du document :

Qui a peur ? Qui a froid ? Qui s’interroge sans avaler le sel ?

Rien n’est plus simple et pourtant le passant le complique,

Ce rien.

 

Des camions qui sentaient la moisissure des fruits. Des trains

À odeur de pieds et d’acides. Des Parisiens sur la plage. Bleu

D’un ciel qui reçoit les messages. À l’église les fleurs coupées.

 

Qui croira que nous sommes venus pour succéder puisque

Nous ne possédons rien ? « Juste bon à recommencer avec

Les mêmes outils et un peu plus de technologie ! » Races !

 

Quel homme ne ressent pas du plaisir à assister,

D’une manière ou d’une autre,

À la douleur de son ennemi enfin vaincu ? Mais :

Est-ce bien pour toujours… ? Car nous ne durons pas

Aussi longtemps / ici : ces alains qui raisonnent juste

Quel que soit le sujet de leur leçon de choses.

 

J’aime ces eaux tièdes

À marée basse l’été,

Surveillant les aiguilles

Et l’avant-garde de l’écume.

 

J’aime tes chevilles

À l’effort du rocher,

Ta cuisse qui donnera

De l’enfant et des mains.

 

La lame du couteau

Sous la coque tenace.

L’oursin enfin ouvert,

Pulpe du sucre de la mer.

 

Soyons avec la soie

Et rêvons de partir

Mais pas sans avoir

Appris à revenir.

 

Ces montagnes

Qui menacent

De s’écrouler

Et toute cette eau

Qui revient à l’heure

Prévue ou calculée.

 

Nos chemins sont

Déjà tracés, en terre

Suivant les lignes

Des itinéraires

Les moins complexes.

 

Nous préférons l’absurde

Pour expliquer l’absurde.

Mais à l’ombre d’un figuier

Nous avons réfléchi ensemble

Et la soie est devenue surface

À peindre et à vendre : race

Au taxon appris depuis

Trop longtemps maintenant

Pour ne pas en aimer

L’usure et la fragilité.

 

J’aime ces gosses fous

De joie à l’annonce

D’une prise de guerre :

Tu reviens à la question

Du sexe sans la poser.

 

Il y aura de la beauté

Même dans l’honneur.

Ce jour-là arrive tôt

Ou tard : prépare-toi

À mourir sans tragédie,

Sauf jouée à l’approche

De la nuit : alains et fausts

Sur tous les écrans : fille

De vingt ans morte

D’épuisement à deux pas

D’une autre représentation

Spectaculaire du malheur.

 

Ces bibliques sons au fil du vent et des marées,

Paroles d’hommes rompus à l’exercice du conseil.

Les nations se nourrissent de ces exhortations.

Pages de vent et d’âge : détails de couleur

Et d’appartenance au milieu traversé : objets

Et petits animaux véridiques : une compagne

En sourdine, ses pas entre les meubles quotidiens,

Utile et sans particularités : l’homme se sent

Écouté : il recommence chaque matin comme si

Sa pensée ne connaissait pas le pays : noire

Comme l’ébène de ses forêts : ni belle ni

Exemplaire : saignant au bon moment : race

Vaincue par le sang : quel enfant peut naître

De cette conquête lointaine ? Et pour quel

Avenir sans elle ? J’aime la rascasse et la raie,

Le lamparo interdit et le père de mes amis.

Des lunes sous la Lune et des heures sous le soleil !

Qui partage la cigarette volée et le fond de bouteille ?

Dressant les queues devant des filles interdites.

Giclant sur le ciment des terrasses désertées

En hiver : qui sommes-nous si Dieu n’existe pas ?

Qui existe si nous ne sommes pas seuls ? Zembla

Nu dans les arbres : ou Jésus : quelle importance

Si tout ceci n’est qu’une question de rapport

De force :

« Si tu es sage,

Tu auras ton personnage,

Mais si tu me fais chier

Je te quitte sur l’heure ! »

 

Autant acheter sur la plaza : ces coquillages

Arrachés à la mer au prix qu’il faut payer

Si c’est vivre qu’on veut / ou rechercher

La mort dans un combat au cœur du désert

Ou parmi les habitants de la forêt vierge.

 

Autant arriver après l’arrosage des sols,

Dalles dans les allées, saluant le commis

Et la préposée à l’étripage : sacrifice ou

Anéantissement : des écailles partout

Et ce sang où pataugent des chats.

« Je viens chaque vendredi car, ô frère

Ennemi, c’est le jour du poisson » Miaou !

 

Jour des jours. On s’y habitue et j’en connais

Qui sont prêts à se battre pour qu’on y tienne !

J’aime le harpon et la ligne : mes semelles

Translucides : mes muscles en formation :

Mes résolutions chez le marchand de chasse

Et de pêche : ces nœuds qui hiérarchisent.

 

Soupes et ragoûts. Feux des quais peuplés

De femmes qui n’attendent plus mais se

Préparent déjà à attendre encore : ah mince !

C’est la vie ! Que veux-tu… ? On vieillit nous

Aussi : malgré la substance de nos récits :

Oublier ou ne pas oublier, telle est la question.

 

« Tu verras… » Les pieds dans l’eau de l’escalier

Qui atteint la surface : « Quelle est cette ville

(ou cette île) dont tu reviens ô bien aimé ? »

Au lieu de dire : « Je ne t’attendais plus » /

Des enfants alentour : les siens et ceux des autres.

Il reconnaît à peu près toutes les femmes :

« L’enfance n’est plus ce qu’elle était ! » Se

Mentir à soi-même avant de repartir pour

Le même voyage que seule la mer peut changer

En enfer ou en raison de se laisser aller à jouir

Loin du foyer et de l’âge : « Tu connaîtras bien

Des choses, tu verras… Ce que l’homme connaît

Et que la femme rejoue sans cesse sur le tapis

De l’enfance et de sa fin au doux duvet » Race

Perdue d’avance, mais « Je suis tellement

Heureux de vous avoir rencontrée, baisée,

Trompée, oubliée ! » Nous ne nous aimons pas

Comme on aime vivre !

 

C’est dans ces conditions que je rencontrai Luce

(LUCE mais je vais me contenter (dit-il) de Luce)

Un jour de vent, d’enbata, après-midi sommaire

De la plage l’été / gavé de Parigots ambre solaire

/ Serviettes prenant leur vol dans le ciel encore

Bleu de Prusse lavé au blanc d’Espagne : cruelle

Déjà la jambe extraite du sable de son enfouissement.

« Veuillez éclairer ma chandelle qui chancèle : /

Est-ce bien le travail qui les nourrit ou le poisson ? »

Durs tétons soumis aux impératifs du regard,

Un pli ventral surmontant la ceinture du slip.

« Non pas horreur des crabes qui viennent mourir

On se demande pourquoi sous les pieds du touriste

/ M’emmènerez-vous à l’horizon de cette Cantabrique

? ô toi que je n’ai pas encore rencontré ? » : regrets

Exprimés un jour de marché passant par Gastelu

Zahar : « Je suis venue pour… » Balles de cuir

Claquant deux fois / « mon cher poète je viens

Puisque papa est d’accord pour passer l’été

À la mer plutôt qu’à la campagne mais il est vrai

Que l’héritage familial commence à exiger des

Travaux hors de prix : l’hôtel se substituera aux

Murs décrépis et les embruns aux relents des

Fenêtres : Je vous écris de Beyrouth où maman

Est retournée en Enfer : ne m’en veuillez pas si

Je vous raconte tout ça sans les préliminaires

Nécessaires

Qui éclaireraient (vous avez raison) à la fois

Mes pleurs d’enfant et mes rages de future

Prostituée : car je ne vois pas comment ni

Pourquoi je deviendrai ce que vous espérez

De moi / » Crasse des parapets sous le cul

Mouillé des précipitations : mais à l’abri

De la terrasse du casino (de ses ruines salées)

Enfouis (une fois de plus) mais cette fois dans

Les tortillons de papier de la fête là entassés

Par la main-d’œuvre municipale : deux êtres

Qui cherchaient à se distinguer de la masse

Cognant les vitres du living avec des becs

D’envie et d’égoïsme : « la marée est, vois-

Tu : descendante — nous n’avons rien à

Craindre d’elle : puis la nuit cèlera le mensonge

: Sceau hérité de la peur de mourir trop tôt :

Sans voir : oh : sans avoir : mais sait-on ce qui

Refusera de se donner : je te promets : tais-

Toi : ne dis rien : laisse le silence : écoute :

Nous sommes seuls : et pourtant déjà trois. »

 

J’aime ce qui se laisse aimer.

Sinon je n’aime pas la mort.

Des hommes meurent pour

Mourir : leurs enfants écrivent

L’Histoire / J’aime qu’on m’aime

Comme j’aime : préférant le potentiel

Chimique de l’intérieur aux toxiques

Des vitrines du spectacle : j’aime sans

Mesure la solitude avec toi / reviens

Hanter mes heures de télévision !

 

Nous ne tuons pas : nous travaillons : des mouettes

Attendent au large du cap le retour des travailleurs

De la mer : passé la nuit à se plaindre de la fraîcheur,

Nus dans l’amas des tortillons : d’autres nous imitant :

Ce silence à peine rompu par le charme : la mer est

Constante dans la rumeur : fidèle dans la marée :

Changeante comme le regard : selon que le soleil

Abandonne son pouvoir sans réplique à la Lune.

Sans un mythe à la clé l’existence est une production

De l’esprit en proie aux contraintes sociales : visite

Ailleurs qu’à Venise : les lieux ne respirent que la mort.

Je n’irai pas te rencontrer ici ou là : au hasard ou

Sur catalogue proposé par ces vitrines : le seul lieu

Est dedans : comment espérer revivre dans la pratique

Des visites et des terrasses ? Nous aurons le temps

D’y penser en passant : « papa m’a dit que l’amour

Est une nécessité vitale : autant pour soi que pour

La pérennité des : choses : il a dit : « chose » : et :

J’ai pensé : toi : j’arrête d’écrire aujourd’hui : dommage

Que la communication coûte si cher à nos minables

Portefeuilles (citation) / papa a réparé l’espagnolette »

 

Territoires de la plume

Examinée à la loupe

Binoculaire : ces mots

Pour désigner la partie.

 

Qui ne veut pas beaucoup ne veut rien.

 

« Nous sommes tombés sous le charme des eaux :

Tu sais : le bruit du clapotement dans les entrailles

Des murs : ici c’est le rocher qui se propose à la place

Des palais : je t’envoie (pour une fois) une carte postale :

À mon avis de très bon goût : rares sont les paysages

Aussi bien reproduits : tu me diras : tu dis toujours :

Finalement : mais papa se fait de gros soucis : à cause

De son cœur : qui n’est plus le fidèle compagnon

De ses voyages : il le repose maintenant dans les hôtels.

Tu me diras (tu ne manques jamais de le dire) si l’été

Se plaint de mon absence : j’ai rêvé (enfant) de tendre

Une corde entre ces deux rochers emblématiques : idée

De funambulisme (le côté cirque hérité de ma mère) ou :

De balançoire avec petite culotte pour les vieux messieurs !

[ici, la date et le lieu :

Toujours : le temps et

La place qui manque

Pour tout dire : en

Attendant la prochaine

Escale : je ne sais ce que

Papa a prévu : pour moi :

Pour elle : pour l’exemple

À donner à nos enfants.]

 

Refrain : Arthur et Luce

Sont dans un bateau :

Arthur en pince pour Luce

Et Luce pense à autre chose

De moins probable : une

Ville : hôtel particulier : elle

Écrit au kilomètre mais sans

Graphomanie : elle envisage

La variation comme moyen

De justifier l’abandon de la rime.

 

Oh ! comme nous sommes loin

Du peuple maintenant, Arthur !

Mais n’est-ce pas ce que nous

Voulions ? Toi et moi seuls enfin,

L’une écrivant et l’autre vraiment

Seul, seul à jouir de la situation

Inventée par elle : ville à deux pas

De la moindre côte aux vases

Fréquentées par les oiseaux

Migrateurs : autres volatiles :

Mais dans les branches des saules :

La grue préfère la marche.

 

Qui es-tu si tu n’es pas là ?

Le dernier message en bleu

Au dos d’une carte postale

Somme toute aussi ordinaire

Que les autres : avec signature

Et bisous de papa : maman

Est en visite : elle adore les visages

Des murs : craint les inondations :

Se répète quand elle revient,

Le soir de préférence : ses amants

Renouvelés : fument des cigarettes

Sous les porches éclairés

Par des lanternes de poterne.

 

Il y a de quoi s’en poser à l’infini,

Des questions sans réponses définitives !

Passe le temps à en évaluer

La valeur prosodique : loin de moi

(dit-il) toute idée de contrainte

Par le mariage : Mister and Misses.

La plage au pied de l’hôtel : moustiques

Le soir : le soleil au ras de la houle :

Rares esquifs avec ou sans voiles :

Traces de doigts sur la baie vitrée :

Le matin l’esclave de service s’emploie

À les effacer : courbant cette échine

Familière : canto chico des saisons.

 

(dit-il)

 

« Je n’ai jamais rien rencontré d’aussi beau

À voir et à approcher d’assez près pour savoir

Tout d’elle : vous m’en direz des nouvelles ! »

 

« Un jour, nous n’aurons plus d’argent : ou

Pas assez : pour :

— Et alors… ?

— Et alors je ne sais pas ce qui arrivera…

— Nous ne mourrons pas ensemble : je veux dire :

Pas en même temps : à la seconde près : et alors ?

— Nous finirons sur la paille si ça continue comme

Ça !

— Ou ça ne finira pas parce que la mort surprend

Quelquefois…

— Encore un peu de vin… ?

— C’est ça ! Intoxiquons-nous ! »

 

Qu’est-ce que je n’aime pas

À part souffrir ?

Seul le plaisir nous aide à vivre.

Alors pourquoi s’en priver ?

Et surtout : ô société : pourquoi

En priver l’autre ?

Il n’y a pas de justice sans examen

Honnête du désir.

« Mais qu’est-ce que cette notion morale

Viens faire dans ton si juste propos ? »

 

Rien ne sera oublié : lai

Complet avec rimes léonines

Et totalité des personnages

Rencontrés ici ou à la télé :

Pas assez de place sur la pierre.

Une puce incrustée avec alimentation

Solaire : visite limitée au jour :

De préférence après midi :

Dessous ni chair décomposée

Ni cendre refroidie : la terre

Que personne n’a creusée.

Cénotaphe des œuvres qu’on épuise

À force de fréquentation : la grille

Rouillée par les brises : ce sel

Sur la langue une fois revenu

Pour prier : invitation en cours.

Son corps abandonné dans les déserts

Du Coran : qui veut améliorer finit

Par noyer le poisson et son pêcheur :

Enfant en attente sur la berge.

 

Les pieds dans les bottes de caoutchouc.

L’herbe perçant la vase de la baie à marée basse.

Le croc sur l’épaule et le regard perdu

Dans les complexités phénoménales de l’estuaire.

Le lombric sans queue ni tête et sa femelle.

Poursuivi quelquefois par des filles en fleurs.

Mais rarement seul comme il le désire encore

Malgré les cabotages : canne de fibre et Mitchell.

Cuillère et bulle. Plomb des profondeurs. Le fil

Déplaçant le rayon solaire en onde : vu de loin

Ou dans la lunette d’approche jouant avec

La lumière du matin qui s’accroche encore

À la nuit : « si tu n’as pas bien dormi c’est ta faute ! »

Sur la langue l’acidité du lait : « ce que je veux,

Tu le voudras toi aussi ! » Sur l’autre rive un gardien

Mais sans troupeau : juste une zone délimitée

Par la hiérarchie : obéir pour ne pas mourir de faim.

Tandis que les bancs de louvines profitent de la marée

Pour se jeter dans les bras des prédateurs : piliers

Du pont couverts de cette populace avide non pas

De cette chair mais de ce qu’elle rapporte : si on a

De la chance ou : si on s’est bien battu : ô femme je

Me suis battu avec ton frère : mais il n’en mourra pas !

Nous jouons : au mousse, aux dés, au travail, au lit :

J’y pensais quand elle a croisé mon chemin : Luce

Aux yeux de marée d’équinoxe : acrobate à cheval

Dans l’écume : cheveux noués comme la crinière :

Il fallait à tous prix qu’on évoque Venise et ses fêtes.

 

(dit-il)

Les yeux ensemble dans la meurtrière : le champ

Avec ses barques aux avirons coupés de soleil : le bois

Apprivoise des oiseaux / nous sommes en vacances

Depuis le début de l’été : papa est en voyage avec

Qui ? Le spectacle donné par les parents à leurs enfants

Ni comédie ni tragédie : montage publicitaire en cours

Dans le laboratoire de l’avenir : saisit un volume au vol :

Déchirure d’une fleur au mal bien littéraire / criardes

Mouettes dans les débris non pas d’un naufrage mais

De ce qui est passé par-dessus bord non pas dans

La tempête mais tout l’équipage au travail de l’ordure :

Objets du passé maintenant : et il revint avec cette

Blessure dans le cœur : il avait connu une autre femme,

Une femme aux belles couleurs de soleil et de forêt

Et il ne pouvait pas s’empêcher d’en parler / d’en rêver

Secouant le lit sur ses fragiles pieds de métal : crise

Des matins parce qu’il n’avait rien à faire à terre :

Qu’attendre : sous la tonnelle du bar de la Poste :

Plis de son bleu de travail aux auréoles de sel / château

Sans hantise, dit-il : la vue était panoramique : l’œil

Comme bercé par ces illusions : et à cheval elle passa

(Je vous raconte une histoire, messieurs…) 421 pour

Un inconnu qui n’appartient pas à la communauté :

Roulement de dés dans la mémoire maintenant,

La Gauloise au bec et dans la main le perroquet.

Il voulait que je me souvienne d’elle et de tout.

 

(ne dit-il pas)

 

Croissons dans la panade.

Du gras de morue à la place du beurre.

« Je ne sais pas si je pourrai me débarrasser

De cette angoisse / je ne te promets rien »

Pain des jours anciens dans l’ancien fumoir

À fromage : « je ne me suis jamais posé

La question / mais si tu le dis… »

Les draps sentaient son fromage.

Comme c’était l’été

Et que le vent revenait sur les quais,

Au balcon il relut ces poèmes

Sous le regard de la voisine au balai.

« Nous ne nous aimerons jamais assez, Arthur…

— Pourtant… ce temps… ces murs…

— Prouvent-ils le contraire ?

— Je ne t’ai jamais quittée ! »

La voisine tiqua, l’œil clignotant.

Balai soulevant des feuilles mortes

L’été / en bas des enfants se disputaient

La balle : éclat de vitrine à intervalle.

Un paillasson de fer sous ses pieds avant

D’entrer : la voisine observa longtemps

Ce sable dont elle ne reconnaissait pas

La texture : « Dis-moi, jeunesse, la poésie

Nourrit-elle l’esprit ? Ou le vide-t-elle

De sa substance filiale ? Je veux savoir ! »

Il le disait en tout cas… mais elle dormait

/ à l’heure où la femme descend et croise

Ses habitudes avec celles des autres : consignes

Diverses dans le filet / Douves secrètes dessous.

« Non je ne sais vraiment pas… ni

Quoi te dire, ni te promettre, ni oh toi ! »

Dans l’interstice des lames de parquet

Ou par la meurtrière au grès témoin

D’une érosion beaucoup plus ancienne /

« Je ne te demande pas de promettre /

Mais de t’efforcer d’y mettre du tien :

C’est souvent comme ça qu’on réussit

À s’en débarrasser : » et il voyait ces débris

Se déposer sous la vague en reflux : le sable

Miroitant alors : une anguille crevée recevait

Les premiers rayons : « Que vois-tu maintenant ?

— Je ne sais pas regarder comme toi, l’ami…

— Ces femmes les pieds dans l’eau, tu les vois ?

— Je les compte, l’ami : et ça m’angoisse

De te le dire, voilà ! » dit-il : écrasant le mégot

Dans la paume de sa main : il avait vu une mocheté

Grasse et sans couleur s’arracher des cris de plaisir

Au fil de la douleur occasionnée par la braise

De sa cigarette / « Foutez-la dehors une bonne fois ! »

 

« Je dis ça parce que je ne sais plus…

— Mais tu ne sais plus quoi… ?

Vas-tu cesser de me foutre la trouille ?

Ou bien ne reviens plus une bonne fois

Pour toutes ! »

 

« Si c’était facile, je le saurais

Aussi bien que les autres…

J’ai de la morue et du fromage…

Amène le pain dur et les œufs.

Et un flacon de ton anisette

À l’anéthol ! »

 

« Nous sommes les odeurs

Et le vent qui les donne.

Seul le sommeil annonce

Ces retours familiers auxquels

On s’habitue après avoir été

Aussi jeune qu’on pouvait

L’espérer. »

 

(substitue un imparfait de l’indicatif

À celui de son subjonctif, encore)

 

« Des fois je me demande si

Tu n’existes pas seulement

Pour les autres / je m’échine

Pour ne pas finir avec les chats

Qui jalousent les ravaudeuses.

Tu n’y penses même pas, alors… »

 

« Qu’est-ce qui court le plus vite

Dans le règne animal, réponds !

— L’esprit quand il revient de loin ! »

 

Dans le donjon sous sa terrasse

Ils observèrent le conservatoire

Des traces de la captivité dont

Il était question dans le prospectus :

« Quel destin on peut avoir si

On ne s’y attend pas, pas vrai… ?

— Elle savait bien ce qui l’attendait,

La garce !

— Oh ! Avec toi nous ne valons pas cher ! »

 

En tout cas pas aussi cher

Que le prix payé au large

De cette civilisation désormais

Perdue dans le labyrinthe

De ses désirs ritualisés.

 

Foutre ces écrans par la fenêtre

Avec le pognon de nos travaux

Ne servira sans doute à rien mais

Si on ne le fait pas : le paradis

Devient une sacrée réalité.

 

Revenir vers ces fresques écaillées

Et en lécher la chaux crevassée.

Combien de personnages ont

Souffert de ton imagination ?

 

L’eau des bénitiers et des douves

Finit par avoir un sens : celui

Qui ne s’est jamais perdu /

Gravité des architectures passées.

Roche des fondations dans l’herbe

Cramée des étés de vacances

Et d’aventures sans lendemain.

 

Comme il est facile d’oublier

Si la blessure est grave et

Définitive : cicatrice inexplicable

Autrement.

 

Ne revenez jamais avec une femme

Arrachée à son peuple : son ébène

Ou sa glaise sur le bahut avec les

Bibelots de l’enfance : « Quelle erreur

Avons-nous commise, dis-moi ? »

Écaillant la prise du matin et l’éventrant

Pour la détruire plus que pour la préparer

Aux ingurgitations méridiennes.

 

« Revenez quand vous voulez la table

Est servie à l’heure et la nuit tombe

Comme partout ailleurs : vous ne serez

Pas dépaysé : mais vous repartirez avec

Notre odeur / Ça, je vous le garantis ! »

 

« Mais pourquoi des projets puisque nous

N’en avons pas les moyens ? Tu oublies

Un peu vite que tu n’es pas là (avec moi

Voulait-elle dire) tous les jours : qui voyage

Le mieux ? Je ne sais même pas ce que c’est

Une île ! »

 

Pourtant au mur pendait la carte : ses tracés au fil

Des explorations préliminaires : les taches laissées

Par les doigts pressés d’en finir avec cette série

De calculs improbables : les plis accidentels ou

Rageurs : les victimes du royaume des insectes :

Toujours rétablissant le niveau d’un autre doigt.

Quel horizon fut mieux établi pour toujours ?

En marge les petits personnages costumés

À l’ancienne : mais de quelle tradition était-il

Question ? Nous n’irons jamais aussi loin, Arthur.

Même en vaisseau spatial. Pas plus qu’en rêve,

Cette imagination des sédentaires : cloués au sol

/ voilà ce qui nous attend : et tu n’y penses pas

Parce que tu es déjà un ivrogne, Arthur ! Et

Peut-être pire que ça… Les gens en parlent…

Tu ne connais pas les gens aussi bien que moi.

Sans doute parce que tu les fuis : tu ne fais

Que passer : parmi nous : parmi eux : ici et

Là-bas : au diable si tu veux : mais pas dans mon lit !

 

Quel âge est assez grand pour imposer sa race ?

Nous sommes si loin de tout : communiquant

Au lieu de se parler : comme on a toujours fait :

Cherchant la race où elle ne se trouve pas /

Perdant un temps précieux à épater la galerie

Des petits portraits et de leurs paysages de pacotille.

Dans les fissures de la pensée insérant nos enfants.

Attendant qu’on agisse dans la rue au lieu de réfléchir

Avec les moyens de l’écriture : las tu n’es plus

Et ça te porte tort : un matin tu finis avec le soleil.

Une nuit finira par te rendre malade à ce point.

 

Tu aimeras comme moi

La nervure nacrée et le sel

Des couleurs retrouvées

À peine l’eau secouée.

 

Méfie-toi de la marée

Aux solstices : ne plonge pas

Avant les autres : ceux qui

Savent de quoi il retourne.

 

Comme la chair pourrit facile

Dans l’eau et parmi les rochers !

Nous aimons en friture

Les petits poissons et la chair

Des coquillages et des filles.

 

Mille raisons de revenir chaque été.

Comme s’il s’agissait d’œuvrer.

Nos petits outils ne pèsent rien.

Nous sommes agiles maintenant.

Nous connaissons la vague

Et ses petites traîtrises de garce

Nées des conjonctions gravitationnelles.

Nous avons l’expérience du passé

Et de l’avenir : une sorte d’éternité

Nous passe sous le nez et c’est rageant !

Petits poèmes des pattes brisées

Et des coquilles vidées : des corps

Plus délicieux que les mots qui

Les désignent depuis si longtemps.

Mais nous reviendrons pour le dire.

D’ailleurs qui ne revient pas ?

Qui ne rêve pas de remplacer

Le bonheur par une mort plus

Facile à comprendre ? Surtout

À deux sur les sables de l’été.

 

« Je t’écris parce que je n’écris

Plus depuis que tu écris ah !

Que s’est-il passé entre nous ?

Et dans quel état retrouverons-

Nous ce que nous avons laissé ? »

 

Tu songeais à laisser le monde avant de le quitter…

« Il faut bien habiter quelque part » / toitures des

Pavillons voisins : reflet sur le fer d’un outil / l’homme

Descend ses escaliers avec sa femme : moteur tousse.

« Mais bon sang qu’est-ce que c’est que cette poésie ? »

L’autre : « J’arrive pas à la chanter donc c’en est pas ! »

Et l’autre : « Comme tu veux (si ça te chante) mon vieux »

Crépuscule des travailleurs qui ne sont pas morts de faim.

Plis des pantalons / godasses genre basket / un béret

Sur un genou : « Toi au moins tu sais ce que tu veux »

La mer clapotait. La mouette en silence. Émanations

Des quais de l’autre côté de la baie : des filles jouant

De chaque côté d’un filet que la balle franchit / « Moi

: si j’étais toi : j’irai me faire voir ailleurs : des fois : la

Chance : « mais pas toujours » ou alors c’est si loin

Qu’on en perd la langue maternelle » / Voisins descendant

Les escaliers de leurs maisons : outils au fer luisant : terre

Des bottes : la femme secoue des racines : renifle un bulbe /

« À quelle heure il vient le fils (ou la fille) ? » descendant

L’escalier avec le chat : ce voleur d’étincelles : « Je sais plus

Comment on dit » / Tirant sur la chaussette pour craqueler

La terre : « J’ai pas assez vu, nom de Dieu ! Mais le travail,

Ce foutu boulot que j’ai hérité de la pauvreté du père… /

Des fois je m’en veux d’être reparti : mais la désertion

N’est pas mon genre » Descendant avec le chat couleur

De cendre : elle porte un panier déjà plein : « J’ai eu

Envie d’elle : pas toi… ? » Le béret quitte le genou /

Vole jusqu’aux pieds des mûriers où s’agite un merle :

« Caquète comme la poule ! Je ne t’entends plus ! »

Qui est qui si la nuit tombe ou si le jour se lève ? Midi

À toute heure : « Nous étions jeunes nous aussi » L’air

Chaud de la brise : ses sels : « C’est fini ou quoi ? »

Mais le jardin est clos / Le chat saute sur la murette

Et te regarde comme s’il ne te connaissait pas : passant

Des petits matins tranquillement installés pour profiter

Du Temps : « J’aurais pas dû revenir » Il grattait une

Pustule sur le nez : la narine excitée par les embruns.

L’autre estimait la patine d’un manche : se revoyait

À l’œuvre : ses pieds trépignaient dans les mûres

Tombées du bec : plis des pantalons sur les espadrilles :

« Ce monde ne nous appartient pas » L’autre : « 

Pourtant, il appartient à quelques-uns… Les salauds !

» Voyez comme les mythes reprennent leur souffle !

 

Voulez-vous m’accompagner

Plus loin que le dernier arbre ?

 

Résine sur le bout de la langue.

La ville le quittait sans remords.

 

Ces chemins qui ne mènent nulle

Part ! Perdant ses billes en route.

 

« J’en ai marre d’être seul avec toi ! »

Imitation du père quarante ans après !

 

Des fois des feux parmi les arbres déjà

Morts : mort de l’année dernière, fils !

 

Je ne vous connais pas mais je veux bien.

C’est tout nouveau pour moi, cette merde !

 

Si vous n’avez jamais travaillé — œuvré

Pour les autres — vous n’avez pas d’Histoire.

 

Crasse des murs

Un jour de pluie.

Volets tombés

Sur le trottoir.

Connaissez-vous

D’autres chansons ?

Verre qui roule

N’amasse pas.

Dans la rigole

Je vois l’enfant

Et ça me fait

Un mal de chien !

 

Qui menace le patron a les moyens de l’été

Et de la neige des montagnes : petite auto

Cirée comme un soulier : « Papa revient

De voyage : j’aime sa poupée et le peigne

De ses cheveux : » Écrasement des joues

L’une contre l’autre : on dirait qu’on fait

Bien Un : toi et moi : l’œil dans l’alignement

De la jante nue : clignotement des rayons

Un jour d’éclaircies et de ruissellements.

« Quel âge as-tu déjà ? » Personne ne vieillit

Aussi vite que moi : cet enfant sans avenir :

Mais qui pouvait se douter… ? / Cheminées

Et murs d’enceinte : le gardien claudiquait.

 

Entrez que je vous examine

De fond en comble : la maladie

N’est pas une fatalité, vous verrez !

 

Qu’est-ce qui est poétique si on se tait ?

 

Dans mon cabinet on retrouve

La saveur inimitable des choses

Qu’on a cru mortes pour toujours.

 

Qu’est-ce qui ne meurt pas avant… ?

— Avant quoi… ?

 

Ouvrez la bouche et dites-moi

Si je n’ai pas raison de revenir

Pour retrouver ma propriété.

 

Qui est cette femme qui n’appartient à personne ?

 

Je n’ai pas de raisons de croire

Que la maladie est définitive

Jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus.

 

Dans quelle profondeur se revoir sans s’aimer

Cette fois ?

 

Si j’avais su (mais j’étais jeune)

Ah ! pourquoi n’y ai-je pas pensé

Avant vous, belle étoile des jours ?

 

Graphomane à l’érudition acquise

Dans la table des matières, il gisait

Dans cette espèce de plancher des

Vaches : perdu pour la prochaine

Escale au pays des faux témoins.

 

Maintenant levez la jambe

Et dites ce que vous voulez.

Ce n’est qu’un exercice, allez !

 

Un rite de passage de la vie

À la mort des autres pour commencer.

Ne riez pas quand j’examine !

 

L’hypocrite jaloux se marre

Faute d’avoir trouvé de quoi

Alimenter l’esprit autrement.

 

La prochaine fois ne crachez pas

Avant d’entrer, dans vos mains

Ne crachez pas et entrez par la porte.

 

Je vous salue comme on salue

La pierre et l’horizon peuplé

D’oiseaux annonciateurs.

 

Revenez mais pas par la fenêtre.

Ne toquez pas au carreau, ne

Parlez pas au passant avant d’entrer.

 

Quand il ne sort pas dans sa ville

Il entre dans son sommeil de travailleur.

Qui n’espère pas y trouver la mort

Au cours d’une révélation enfin

Aussi claire que l’eau de roche ?

 

Baratin des malades de l’apparence.

Mots trouvés chez les autres et ailleurs

Mais jamais dans le lit où on couche.

Ivresse acquise en parallèle avec

La bouteille que la femme débouche

Comme son évier après la vaisselle.

 

Quand il ne dort pas il écrit et vante

Les mérites du libraire et du marché

Global dont il espère tirer la bourriche.

Au sommet de son panier un jambon

Et l’écran numérique des réseaux.

Il écrit pour ne pas tuer le temps.

 

Dehors le béret revient sur le genou.

On a vu mieux en matière d’attente.

Dire plutôt : pas d’attente sans merveilleux.

Sinon on tue : marre de tuer la bestiole

Qui nous suce le sang et revient comme si

L’écrasement n’était qu’une façon de parler.

 

« Où trouves-tu la poésie sans te baisser ?

Je t’ai observé parmi les ravaudeuses, zyeutant

Les peaux de cuisse et les ongles sales, notant

Les répétitions, les refrains, les idées reçues.

Mais il n’y a pas de poésie là-dedans, ô poète !

Ni dans les écailles des murs. Pas de poésie pure

Ni parfaite au fil de l’eau bleuie autant par

Les écailles que par les flaques de gras.

Plongeon dans cette eau des quais : j’en ressors

Comme si j’y étais tombé par accident mais

C’était une tentative d’assassinat : heureusement

Je sais nager et respirer sous l’eau comme

Un poisson : ce que tu ne sais pas faire, toi ! »

 

Je sais tout faire.

Détrompe-toi.

Mais je ne fais

Plus rien à part

Me nourrir de toi.

 

Sortant dans la rue qui lui donne son nom,

Il croit aller où il veut et prend le bus.

 

« J’entends bien que c’est de la poésie.

Mais sans se baisser au moins une fois,

Ça me paraît impossible : qu’est-ce que

J’ai raté ? Qu’est-ce que tu sais faire

Que je ne sais pas même imaginer ? »

 

Je ne connais rien de plus sensé

Que ce qui n’a pas de sens à donner.

 

Il sort et hèle sans mettre le pied ailleurs

Que sur le trottoir qu’il partage avec toi.

Ensemble vous vous éloignez et je crie

Ceci : « Vous vous trompez de sens ! »

Rire d’une vieille pie qui revient de ses

Courses derrière les vitrines et les cageots.

 

« Suffit pas d’ poser son cul sur les bancs.

Faut aussi avoir l’œil et je l’ai pas.

L’ai jamais eu comme vous l’avez

Si j’en juge à la beauté de l’expression.

Surtout que c’est pas beau que vous

Vouliez faire avec moi avant qu’on

Se rencontre et qu’on se trouve beaux

Au point de désirer en savoir plus

L’un sur l’autre ou l’inverse, je sais plus

Tellement j’y ai pris du plaisir, ami ! »

 

« Nous ne reviendrons plus si c’est ce que vous voulez.

N’insistez pas / je sais ce que je dis / les temps sont

Durs et ya plus d’ place pour personne ici-bas.

Faut monter ou descendre, on a pas l’ choix /

Prenez la main de votre femme et descendez

Au jardin ou montez dans la cuisine / je suis

Le chat si vous voulez : je l’ai été si souvent

Que je me prends pour un automate d’avant

Les électrons du temps où on pouvait compter

Sur la seule gravité et sur les impulsions nées

De la précipitation elle-même consécutive

Au même genre de guerre qui nous occupe

Encore : descendre et monter autant que c’est

Possible quand on possède sa maison et son chat. »

 

« Entre la fable

Et la chronique

Mon cœur balance :

Je n’écris plus.

 

Je vous écris.

C’est le matin.

L’autan revient.

Dix-sept degrés.

 

Le chat aboie

Contre nature.

À la fenêtre

La nuit grasseye.

 

Telle est la langue

Après l’hiver.

La méridienne

Est sans soleil.

 

Gonfler la fable

De l’intérieur

Ou s’appliquer

À la chronique.

 

Avons-nous jamais eu

Le choix ?

Sommes-nous si humains

Que ça ?

 

Matin sommeille

Encore au lit.

C’est le voisin

Qui va au trou.

 

Chie dans son lit

Le vieux Mescal :

Le premier verre

Nous réunit.

 

— Ce que tu vois,

Ce n’est pas moi.

Je suis ce que

Tu ne fus pas.

 

Ce que je bois,

C’est de la gnole.

Et mon cigare

Est un pétard ! »

 

Je les entendais chanter à tue-tête.

Dans « l’autre chambre » chanter

Ce qui leur passait par la tête, ce qui

Leur venait à l’esprit, ce qui existait

Encore malgré la douleur de n’être

Plus à la hauteur : cloison de briques

Montées au plâtre dans un grenier

Avec vue sur la mer et ses si nom

Si nombreux horizons, selon selon

La position des mains dans la prière.

 

« Voulez-vous que je vous accompagne ?

Je me charge de la bédoucette, allons !

J’ai l’habitude des vieux qui se préparent

À quitter ce qui a toujours été destiné

À l’abandon le plus total. » Et voici que

Le couvercle dégringole dans l’escalier.

Le chat bondit pour l’éviter, un camé

Qui montait redescend. La porte s’ouvre

Et se met à parler dans une langue inconnue.

 

De quoi parlerons-nous

Maintenant que tout est

Tout est fini / entre nous

Et malgré nous ? / Reconnais

-le. Nous n’avons pas toujours

Été à la hauteur. Pourtant

On est monté dans le ciel

De cet immeuble jamais ô

Jamais laissé à l’abandon par

Ses propriétaires de droit.

Le beau minois du premier

Rêve d’un avenir dans la Justice.

Ses cuisses tendres se croisent

Sur les marches tous les matins

Et toutes les fins d’après-midi.

Où va-t-elle ? Et d’où vient-elle ?

Nous avons eu son âge à l’âge

Du premier / mais sous le toit

La lucarne laisse passer la nuit

Et le vent des jours y sifflote.

Plus haut encore la télé propose

Les grands vents et les anabases.

Antenne pliée depuis longtemps.

Avec vue sur la cathédrale en feu.

C’est con, la poésie, Barbarin.

 

Les schizos vaquent à leurs occupations.

Les cons s’adonnent à leurs passe-temps.

Que reste-t-il à part les paranos ?

Si tu n’écris pas pour eux tu n’écris pas.

 

« Je vous ai déjà dit de ne pas mettre

Vos pieds et ceux des autres sur le seuil

De la maison qui ne m’appartient pas !

Revenez par la fenêtre sans briser le verre

De ces fenêtres qui en ont bien assez du vent !

Et cette pluie sans quoi vos parapluies

N’ont plus de sens, même si le soleil

Connaît l’ombre mieux que vos poèmes.

Passez plutôt le temps à passer devant.

Et laissez-moi le jardin et son puits artésien.

Je ne possède rien qui vaille le printemps,

Mais je connais l’été et l’art de s’y noyer.

Vous êtes de l’automne éphélides des branches.

Ne mettez plus vos pieds devant ma porte close. »

 

Ainsi chantait celui qui vit

Dehors

Pour ne pas mourir dedans.

Couché sur la publicité

Il dort.

Et quand je le réveille il sort

De là.

Regardez-le s’éloigner maintenant.

Il reviendra chargé d’ans et de faims.

 

Ne cherchez pas l’objet que j’ai perdu

En chemin.

Balayez plutôt / Soignez les apparences

En commençant par le seuil de votre maison.

Je vous salue à la fenêtre tous les matins.

J’ai mal au dos à cause de votre femme

Qui pèse sur mes épaules de trimardeur.

Ce qu’elle m’arrache ne renaît pas aussi

Facilement que vous l’espérez en frottant

L’une dans l’autre vos mains de proxénète.

Ne sortez pas pour vous mettre à la recherche

De mes traces / Ces choses devenues objets

Par l’intermédiaire

D’un face à face

Avec la Réalité.

La ville occupe le lit des rivières en éboueuse.

 

Pisse-copie des approches linguistiques

Contre toute velléité de logique d’enfant.

 

Par l'intermédiaire d'un face à face avec la Réalité.

 

Répétez-moi ça : aveugle et sourd

Qu’est-ce qui me reste pour comprendre

Comme vous comprenez du matin au soir ?

Sinon la nuit je me nourris de votre odeur,

Cheminant moi aussi sur votre peau, la langue

Suintant sur le chemin, face à face

« Entre l’idée

Et l’acte. »

Comment profiter de l’autre sans l’acheter ?

Des fois on change dans la vie : on devient

Ce que papa a soigneusement éviter de paraître.

 

Ce matin les feuillages hier gelés se réchauffent.

Les nuages filent vers l’Ouest. Le peu de feuilles

Craquette comme cigogne sans savoir pourquoi.

Que lisons-nous que nous n’avons pas lu ?

 

Il n’y a pas d’autres moyens de renouveler.

Avec ou sans plaisir cette idée qu’on a dans le crâne

Depuis si longtemps qu’on se sent près de Dieu.

Ce qui s’épuise finira dans l’oubli tôt ou tard.

 

Le matin

Le temps presse.

 

Le café

Coule à flot.

 

Tic-tac des électrons

Sans aiguilles à la clé.

 

Bouillie des actes

Dans le mixer.

 

À qui la faute ?

Pas d’autres questions ?

 

Feux pour balises

À la croisée des chemins.

 

À quoi ça sert

De servir à quelque chose ?

 

Le poète

Ne cherche plus la rime.

 

Des rythmes s’imposent

À la connaissance des lieux.

 

Soignez-vous

Et recommencez.

 

Reprenez l’idée

Où elle vous a abandonné.

 

Rue des matins.

Déjà des gosses.

 

La poésie finit

Par ressembler au temps.

 

Et elle se finit

Quand elle ne ressemble plus à rien.

 

« Voilà ce que je pense de vous…

/ Mais je ne suis jamais allé aussi loin

Que les arbres de votre jardin

Dont le sens se perdrait

Si vous n’en entreteniez pas

La clôture et ses jeux d’ombres

Sur mon propre jardin.

»

 

Pratique de l’ivresse

Pour pallier le vide

De la coquille.

 

Qui êtes-vous

Si je vous ressemble ?

Quel nid

Nous unit ?

 

Qui est l’auteur ?

À l’intérieur

Ou à l’extérieur,

L’auteur ?

 

Frottement

Des surfaces

Mais l’enfance

Ne se conçoit pas.

 

Le vin ou le sommeil,

De jour comme de nuit.

Triture alors la langue

Pour pondre comme les autres.

 

« Mais je ne voulais pas quitter les lieux de mon enfance ! »

 

« Je vous ai entendue brailler toute la nuit ! »

 

Qui sait mieux danser

Que le paralytique ?

 

…sans l’invention de la roue…

 

« Je me suis réveillée à cause de vous ! »

 

Verre tintant des visites impromptues.

Sans plaisir je ne viens pas / dit-il / je

Ne sais pas qui vous êtes / mais j’étais

Moi aussi / je me souviens « comme si

C’était hier » pourtant je ne sais rien

De cette veille : vous n’y étiez pas sinon

Cet enfant serait le mien avant d’être

Le vôtre / « comptez jusqu’à ne plus

Pourvoir en dire autant que le poète

Toujours vivant malgré l’attente et

Ses sanctuaires » Je ne m’attendais pas

À vous trouver ici / « mais j’y étais avant

Vous / » le barman clignotant d’un œil,

L’autre sur le miroir où se continue

L’attente / « s’il n’y a pas d’autres moyens

De sortir de là la tête haute » ni nuit ni jour

/ Traversée des solides / Influences des vents

/ Ni saisons ni existences / Variations des pluies

Dégoulinant plus que tombant / « ce verre

Ne produit rien / ces choses que nous écrivons

Et que personne ne lit / pourquoi la joie

Nous appartient-elle avant de se noyer

Dans un verre ? » Je t’écoute et je ne sais pas

Si nous sommes deux ou plus / ou peut-être

Rien « si ça se fait… » Bas de porte mouillé

À force d’entrées et de sorties / 0 / 1/

Il torchonnait son écran avec une attention

D’artisan qui connaît les limites de son métier.

« Vous ne le connaissez pas ? Mais qu’à cela

Ne tienne ! Je vous le présente : Verre »

Hédonistes ratés ou fruits de l’égoïsme…

Je ne vous ai pas encore jugés / mais j’y viens

/ Regrettant toutefois de venir alors que j’ai

Autre chose à branler sur cette terre à la con !

 

Ici !

Côté nord l’herbe se morfond

Dans le gel.

Suffit pas de se pencher à la fenêtre

Pour tomber.

Écartement des rideaux sur la façade

Percée d’un seul trou : lueur de lampe.

« Si vous avez quelque chose à dire,

Dites-le.

» Mais nous ne parlons pas la même

Langue.

Ce goût pour les mythes anciens.

La cuisse nue d’une déesse toujours.

Passant sous l’arche des pommiers

Les mains dans les poches et l’air

De ne pas habiter ici comme les

Autres. Plus loin on bine ou la terre

Se laisse regarder. Au sud la lumière

Efface les ombres une à une au passage

. « Vous ne reviendrez pas, n’est-ce pas ?

Vous vous êtes tellement ennuyé… Pas

Seul mais l’ennui est arrivé après vous.

Vous ne reviendrez pas cette fois » .

Non. Pas cette fois. Ici. Avec le vent

Qui a chassé la pluie venu pour voir

Si rien n’a changé n’a au moins vécu

Plus que je n’ai su y vivre moi-même.

 

Ici !

Claquemuré entre dosseret et pied de lit le vent

À la fenêtre pour une fois sans la pluie et l’air

Saturé de sel et de peau / Vous n’existiez plus.

 

Sérénade des barques retournées

Dans le sable les câbles sciant

La surface peignée une fois de plus

Pour recevoir la lumière des néons.

Nous ne sommes pas d’ici ce soir.

Tout l’avenir devant soi et rien

Pour en mesurer les angoisses.

Trop jeune ici ! Lampions de papier

Sur les fils que lorgnent des arondes.

Cette crasse des trottoirs malgré tout.

Tables positionnées selon les lois

Imposées par la tradition ou le jeu.

Le génie cède la place à l’ivresse.

« Ainsi tu seras toujours heureux

D’être ce que tu es et ce que tu donnes.

Ne va pas plus loin que l’ombre cependant.

Conseil d’ami. » Hédonistes ratés

Et disciples de la joie en une seule

Personne nommée en attendant

Que la nuit n’en revienne pas elle

Non plus. Nous n’irons pas plus loin

Que cette eau infinie s’il s’agit

De revenir avant d’avoir trouvé le lieu :

Ici ! Le sang sous pression une fois

Vaincue la peur d’avoir perdu ce qui

Était gagné d’avance : cet or paternel

Fécondé par n’importe quelle femme.

 

Paresse des lecteurs qui se targuent d’écrire : Mort

D’une certaine façon d’écrire / qui n’appartient plus

Au temps / qui ne s’écrit plus avec les autres : joie

Des frontons sans spectateurs : cet or paternel

Refondu avec le verre : au creux d’un coquillage

Trouvé au hasard des promenades : façonné par

La pratique de l’eau et de ses courses folles d’un

Bout à l’autre du monde connu : de tous et de

Chacun : ce monde qui n’est pas fait pour toi :

Comme s’il s’agissait d’être finalement fait pour

Lui : une mouette aux plumes arrachées par

La roche : elle plonge et revient sans le bec.

Ici ! Pas ailleurs et pourtant : j’ai le sentiment

De ne pas reconnaître les lieux : l’habitude

Sans doute. Une fontaine aux coulures métal

Métalliques. Que le troupeau des producteurs

S’y abreuve : pendant que je visite leurs rues

Désertées juste le temps d’assister au feu

Feu d’artifice : un toro me rejoint mais éteint,

Avec l’homme qui le porte : « Vous ne buvez pas ?

Je ne vous ai pas vu boire comme les autres.

Il faut connaître l’ivresse pour savoir enfin

Ce que c’est que la joie. Des filles vous le diront

Mieux que moi. J’en ai deux mais pas de fils.

Enculez-moi si c’est ce que vous cherchez ici. »

 

Fontaine des fusions sommaires.

 

Pas d’ombres sans lumière

Sur la toile conquise.

Un alignement de balcons

Miroite comme la mer

Qui propose son horizon.

Corps de l’oubli et de la joie

Qui va avec et sans raison

De croire qu’on a tort

D’être venu pour ne pas

Se distinguer : cruauté

Des traces de portraits

Au-dessus des chiottes.

Toujours les mêmes mots.

Mais la joie coule des fontaines

Comme les lexiques de la nécessité

De ressembler au bonheur des spots.

« Que ne suis-je venu plus tôt !

Avec ou sans vous mais plus tôt !

Tout ce temps perdu à me demander

Si j’étais faite pour aimer l’homme

Ou l’enfant qu’il porte en lui comme

Je retiens le monde par son Dieu ! »

 

Que l’écaille te donne la leçon que tu mérites !

 

Nous aurons le temps d’une zarzuela.

Temps de nous livrer corps et âme

À la devineresse du parc d’attraction.

Bottines des danseuses nues, plancher

Des pistes conçues pour étourdir si

Jamais la joie ne suffit pas à convaincre

Son homme ou sa femme si l’enfant

Est encore à concevoir : le riz brûle

La langue et les dents rient à notre place !

Tarot sur canapé, l’olive grassouillette

Au bout du palillo. « D’où reviens-tu,

Triste messager que je n’ai pas évité

Dans le métro à l’heure de la joie en route

Pour le bercail et sa télé ? » Lèvres

Huileuses aux traces d’écailles. Baiser

De circonstance. « Il est trop tard !

— Tu veux dire : Il est tard… ?

— Non, j’ai dit : trop tard et je signe ! »

Cliquetis des coquilles vides du poème

En paella carrossée au marteau, ici !

 

« Nos plus belles années sans une seule photo…

Tu écrivais sur le dos des bossus / cuisses des

Cigarières / mains des ravaudeuses / genoux

Des curés / Comment appelles-tu ces fragments

Déjà ? Tu écrivais dans la fièvre / sans joie ni

Plaisir / ni verre à proximité / ou autre chose

De plus phénoménal / écrivais des histoires

Sur les lèvres des passantes / aux vitrines

Donnant ton reflet transparent / nos plus

Belles années ensemble / sans photos maintenant

/ des années sans ivresse / au mur le grand projet

Qui contient mieux que la bouteille des marins /

Mieux et sans joie / sans ses serviteurs cloués

Comme Ulysse sans voix : je ne te reconnais plus.

Et je n’en ai pas connu d’autres : / au diable

La mort en salle / je ne danse plus : je m’en vais »

 

/ au dos d’une carte postale :

Signée luce ou autre chose :

Des empreintes de ses doigts

Sur le glaçage / ça ne sent rien

Que la couleur / des herbes folles

Versent sur les murs / chapeaux :

Entre un verre d’eau et un café /

« Je ne sais pas si je pourrais t’ou

T’oublier aussi facilement que tu

Que tu dis / non je n’en sais rien ! »

Mais t’ai-je jamais posé la question ?

 

Sappho en habits de servante au bar

Dit bon coin pour ne plus y penser mais

Y pensez-vous dans le métro au frottement

Des couleurs ? Je ne vous avais pas imaginée

Dans cette tenue : servez-moi du vin si

J’ai dit ce qu’il fallait retenir au bout du vers.

En habits ou à poil sur la plage filant

Comme un animal poursuivi par son

Prédateur attitré : bon coin pour oublier

Qu’on n’était pas venu pour ça : hasard

Des rencontres : que voulez-vous c’est le

Le hasard qui me joue sur le tapis de vos

Grâces / écrivais dans la gibbosité plutôt

Que dessus : sur la scène des filles nues

/ le jeu pour elles consistant à écarter

Les genoux pour saisir les billets mais sans

Laisser tomber ceux qui s’y trouvaient

Coincés déjà : sinon c’était perdu / avec l’aide

D’un peu de salive : « Voulez-vous gagner

Encore ? » / écrivais sur la mort des habitants

De la rue : cette crasse qui s’ajoute à la crasse

/ et sur la plage poursuivais l’animale en fuite.

 

Comme la vie est belle

Quand tu es moche !

 

J’ai perdu au tric trac

Le ciel de mes poèmes.

 

Gazouillez les oiseaux /

Aboyez les bâtards /

 

À force de lécher

On n’a plus faim de soi.

 

« Répétez avec moi :

Ce que je perds y gagne

En raison de se taire.

 

Là-bas c’est l’horizon

Et ici je m’en vais.

 

Pas plus loin que ton ventre,

Ou ton cul si je mens.

 

Grince du bec un merle

Dans la nuit sans lunaires.

 

Lon laire ! »

Trombinoscope des auteurs en attente

De reconnaissance territoriale à défaut

De légitimation nationale / ach ! Paris !

Paris und seine nähere Umgebung / :

Luce en voyage / avec dans ses bagages

L’homme de sa vie / sur le quai Arthur

Exigea un baiser « devant tout le monde »

/ N’excitez pas la übrige Frankreich /pas

Ici ! — des êtres venus avec leur argent

Dans les poches. Mais dans la vitrine du

Kiosque : pas un seul de ces auteurs et

luce se demanda si elle faisait bien de

Continuer à Paris sa lancée provinciale.

 

N’excitez pas votre prochaine veuve.

C’était le conseil de papa traversant

Les eaux de Venise en espadrilles faute

D’avoir prévu / perdit l’une d’elle et le flic

Verbalisa : désignant de la pointe de son Bic

La sandale espagnole rejoignant l’école

De la croisière : des rombières en jupes

Exhibant leurs cuisses : pas une seule

Beauté même à bord des gondoles /

N’excitez rien qui vous appartient /

Conduisez-vous en gentlemen / vous

Et les autres rappelant les enfants

Qu’une vitrine invite à la lèche : papa

(je me souviens) écrivait une chanson

Et la réécrivait chaque soir assis avec

Lui-même sur la terrasse qui sentait

L’anis et le jambon / vit que luce possédait

Les plus belles jambes du monde !

Sur le pont retourna et maman se noya

Sous les yeux d’un équipage en fête.

Me racontait ça pendant que le vin

Agissait sur ses sens : « trop d’auteurs

Et pas assez d’œuvres » / jambon

Bukowskien à toute heure : « ne suis

Pas mon exemple : ne les excite pas »

 

« Comme le monde est pitiou

Si on le regarde là-dedans ! »

 

Le matin il observe les araignées des murs.

Il se sent l’âme d’un romancier capable

De transporter l’esprit du lecteur « ailleurs

Qu’ici » / fait un pas de côté pour éviter

D’écraser la huit-pattes qui s’est immobilisée

/ menace ou paralysie due à la peur : la chaux

Colore les caresses de ses blancs bleus fissures

Que le soleil visite quelquefois / de son lit

Il voit le dehors de son existence : propriété

Collective qui figure l’enrichissement commun

Si on veut bien y croire : excitant les jeunes

Pousses découvrant le plaisir après la volupté.

Enfants divers s’égaillant dans les rues sombres

Mais parfaitement décrites par l’œil exercé.

 

Qui suis-je ? (aria)

Je ne me comprends

Plus : pourtant j’ai cru

Avoir inventé cette joie

Nouvelle et prometteuse.

Qui suis-je si tu n’es pas ?

Mobilier sommaire à l’heure

De rentrer chez soi à pied.

Poussière des chemins

Empruntés après les jardins.

Je ne me comprends plus.

Je parle une autre langue

Alors que l’ami d’enfance

Exerce sa pression verbale

Sur sa production filiale.

Vous n’appellerez pas ça

Malédiction / pas de foudres

Dans ce ciel parfaitement nu.

Pas de pluie à l’horizon / mer

Capable de fines trahisons.

Par injection ou éjaculation.

N’appelez pas ça damnation.

L’ivrogne perpétue sa joie.

Il ne la quitte plus et elle finit

Par l’abandonner à l’hôpital.

Je préfère la seconde à l’éternité :

Si tu vois ce que je veux dire :

Finalement seul à bord du Pequod.

 

Évitant de marcher dessus : il saute à pieds joints

Dans sa cuisine et ouvre la fenêtre : triste gelée

Sur les toits : pas de vent : les phares de la rue :

Loin maintenant de ces vacances : ne trouvant

Plus l’entrée : il part sans quitter le port : merles

Du houx et des troènes : un fer d’outil reflète

Les beautés du matin : revues et corrigées par

Quelque poète en route pour l’enfer du casino.

 

Que d’impressions qui peuvent passer pour des œuvres !

Fragmentation : non : incipit sans suite : ni expansion /

Recueils devant les vitrines : certains se jettent à genoux.

Prient souvent. Se font fouetter à la maison : menacés

De psychose ou de connerie selon le cas : il examine

Ces passages aux verrières crasseuses de crottes /

Jolie passagère d’un prospectus : il ne la retrouve pas.

Ni sur les roofs ni dans sa cabine : chair flasque des

Mémés : il traverse la mer en Priape : puis le Coran

Lui impose la stérilité / « n’excite pas cette gamine,

Nom de Dieu ! Elle en sait déjà assez ! » Fusion au blanc

De la queue seringuée avant d’aller se faire voir ailleurs.

 

Trombines des sacristies comme antichambres

De la mort : « je ne vous connais pas / mais ô

Comme je me connais moi-même ! »

 

Se tordait de douleur ou de plaisir /

Impossible de différencier comme ça :

À travers le hublot factice / mais vu bien

Vu la seringue et ses ustensiles : « j’y

Connais rien mais j’ai vu » Surtout ne

Dites rien au capitaine Achab ! Quelle

Fable ne fond pas ses métaphores dans

Le traité qui servira de souvenir aux

Promeneurs de la mer / morts ses vieux

Travailleurs : « avant j’étais marin et puis

Je me suis tué à bosser pour l’État / »

Connaît rien à la dose de poison né

Nécessaire pour en finir avec le mort

En attente de jugement dernier : papi

Papini statufié dans la chair de la morue.

Qu’est-ce qui est simple si c’est si con

Compliqué ? / Je vous pose la question

Pour meubler la conversation mais enfin

Si je suis seul à parler : non pas au mur

Mais à la fenêtre : au onzième étage au

Au-dessus du gazon et du kiosque : René

Renaissez avec l’invention de la page.

 

Odeurs des mailles renouées mille fois.

Nous ne connaîtrons pas la mort des machines.

Mâchouillant son ham il lorgnait le miroir

Où son visage craquelé fréquentait le meilleur

De la mise en bouteille : os de cachalot bébé

Ou la fille qu’il prit pour une femme sans cher

Sans chercher à se détromper : Qui suis-je si

Je ne possède rien pour abriter mes livres ?

Machines mortes derrière les vitrines du li

Du libraire toujours morose : par les temps :

Et par les cours : et les filous au service de l’é

De l’État. Son ham faiblissait à vue d’œil :

« j’ai déposé comme les autres mais la moisi

La moisissure est l’ennemie de la pensée poé

Poétique. N’hésitez pas à me contacter. » /

Son chien avait la rage. Et sa femme le chien.

 

Trente secondes pour perdre la vie

Et ne pas la retrouver dans le souffle

D’un gaillard bâti pour ce genre de con

De conquête / elle n’avait jamais ô ja

Jamais voyagé plus loin que Venise /

Et le Bic du flic (un joli titre à mettre

En jeu la prochaine fois) désigna la

Désigna la dérive d’une espadrille de fa

Fabrication bengalie. « ça se voit aux cou

Aux coutures. » À l’hôpital direction la

Lala morgue / lalalaire / combien ?

Puis trente autres secondes d’attente

Pour assister au plongeon du gaillard

En culottes courtes : bâti pour toutes

Les aventures : remontée d’un corps

Qui n’est pas le mien : ne l’a jamais ô

Grand jamais été !

 

Fragments réunis en guise d’hypothèses

Alors que le type n’a rien d’un chercheur.

Mais qu’a-t-il trouvé ?

 

Capable de lire cinquante « proses courtes »

Et Pynchon lui « tombe des mains » / Qui

Mais qui suis-je si je suis un autre ? L’enfer

Comme comédie et la tragédie à d’autres

/ Ceux qui ne l’ont pas vécue comme je la

Comme je la vis / ô tous les jours les nuits

Les crépuscules les interstices d’amour les

Intervalles gravitationnels / « proses courtes »

Comme idéologie de la (re)production / et

Principe éditorial / « comment voulez-vous

Que dans ces conditions on soit capable(s)

D’autre chose que ces passages interminables

Devant les vitrines : histoire de déposer et

Tant pis si on est « fliqué(s) » / « 100 pages

Pour le prix de la moitié de mille / où va

Où va le Monde (dont le suis l’idéaliste) ?

 

Fontaines des places fortes.

Des gosses

En jeu.

Sous le soleil les arbres

Rares entre les pierres.

Des femmes

En rut.

« Avant j’étais quelqu’un. »

Oubliée toute cette « profondeur ».

Des arbres

Morts.

L’eau descend des montagnes la

Neige éternelle comme turbans.

Reviens

Pour moi.

Bleu des murs et la profondeur

De l’ombre à cette distance.

Le passé

En jeu.

Pas les enfants : le passé.

Et par conséquent : une fois

Encore :

Le futur.

 

Jaillissement d’idées

En conseil municipal :

L’eau va nous manquer.

« papa ? est-ce que l’eau

S’en va avant nous ? »

J’en sais rien et je m’en fous !

 

Pas de pion sur la table.

Pas de dés ni de cartes.

Le tapis et ses fruits secs.

Ces doigts presque sans chair.

Lèvres crevassées

De nos baisers.

J’irai coucher sous la Lune.

Pétales comme autant de

Miroirs : toute la nuit

Miroitantes étoiles des

Fleurs : je ne rêve plus.

Finie la comédie ! Jeu

Des enfants et du futur.

 

Le poète sans la rime

Et bientôt sans tambours.

Théorie de la corde et

Du chalumeau : en rut

Sont les femmes de ce pays.

Je ne vois pas plus loin

Maintenant que je sais

Ce que j’aurais pu être

Si je n’avais pas eu cette

Idée de la suite à donner.

 

Au lieu d’en écrire le roman,

Il examine sa plume : quelques

Hyporachis à la limite de l’encre.

 

Au vexillum trop de barbes et

Barbules. Un coup de vent dé

Coiffe ton œuvre. Ainsi l’homme

Transformé en roseau. Fruits

Mûrs aux insectes du printemps.

 

Cherche la peau à quoi on arracha

(peut-être en famille) ce fragment

De la possible humanité du geste.

 

Visite les palais des basse-cours,

À cheval sur son dada, le crâne

Au soleil et l’œil dans ses ombres.

 

Quelle fontaine rencontrée ici ?

Imagine des repas sur la nappe

À carreaux rouges sur fond blanc.

 

Jeu des panoplies gagnées enfant.

Marche sur les galets des ricochets.

Arrache au néflier sa baguette et

S’en sert comme canne pour pêcher.

 

Qui pratique le guet du soir au matin ?

Et qui se fait inviter à midi chez cet hôte ?

Sa plume dans le carquois, chasseur abstrait.

 

Arrogance et paresse à la table même.

Chacun prétend qu’il sait ce qu’il fait

Et combien la société profitera de ses

Bienfaits.

 

Ne rêve pas avec les autres de ces largesses.

S’attend à perdre tout ce qu’il a acquis.

Pas de succession à la clé de cette mort.

Il entre dans le château et salue le portier.

 

« Si un homme était le portier de l’enfer

Il aurait l’habitude de tourner la clef. »

 

Laisse son béret au vestiaire entre les mains

De l’hôtesse déjà nue et donc prête à l’emploi.

Donne des bonbons aux enfants et les fait rire.

 

« Nous ne savions qu’admirer le plus,

Ou la beauté de ces enfants,

Ou la mollesse de ce vieux bouc. »

 

Plumes des têtes chauves alignées

De chaque côté de la table couverte

De subventions et de flatteries.

 

Platitudes, servilités : « je n’écris pas

Un roman : le sirocco puis la tramontane

Ah ! même mon canasson en a souffert ! »

 

Rires des jeunes filles à marier le plus tôt

Sera le mieux. « Le vêtement du Monde

Ne va à personne, allez ! » Demain il meurt.

 

Il secoue sa main et pince les lèvres :

Non ! Non ! Pas le roman ! Je ne suis

Pas venu pour ça : j’ai rendez-vous avec

Les fées. Elles ne m’ont pas oublié…

 

« Mais alors… ces hyporachis à la limite

De l’encre qui a séché depuis si longtemps… ?

Quel son ça produit ? Comment on se sent

Après ? Où avez-vous trouvé cette plume ? »

 

Pratique du mâchicoulis, le ciel au-dessus

De la tête, nuages ou pas. En plein vent

L’acte à commettre à temps. Cueillait

Les fruits de la vigne vierge. Échelles

Des autres contre la muraille. Mâchi

Mâchicoulait en attendant la recon

Reconnaissance. Coulures de l’existence.

 

L’utile et l’agréable comme principe

Divin. Mais l’enfant n’est pas à la hauteur.

Comment lui parler de ce plaisir ?

 

La maison du berger dans les douves.

Flottait encore quand il s’est endormi.

Sentait une chair qui voulait de lui.

Toujours ce premier chapitre puis

Plus rien. Jours comme autant de coups

Sur le bronze des nuits. N’est-il pas

Plus facile de croire ? Plus facile

De s’associer dans le cœur des églises.

Une à une déflorées les églises du dieu.

 

« Si jamais vous revenez dans le pays

Ô vous l’étranger qui me chanta parce

Que je l’enchantais. »

Que de rossignols

À la croisée des chemins bornés par

Ces calvaires déposés légalement

Dans les fours de la Bibliothèque !

 

Fleuve du loisir ouvrier. Charrie la crainte

(légitime) de ne pas survivre à soi-même.

Sous les ponts la chanson rapporte gros.

 

Le tweetophile ne pense qu’à lui. Le pédo

Phile aussi. Et tous les philes du Monde.

Mais comment haïr en pleine panique ?

 

Barbes et barbules en édition virtuelle

Et papier des feux de joie commémoratifs.

Il écrasa son mégot dans un cendrier de jade.

 

Joyeuses ceci et vœux de cela. On aimerait

Mourir de plaisir avant que la question

Se pose en termes clairs. « Vous croyez ?

Je ne sais pas si je suis digne de vos propos.

Je n’ai jamais trahi mon mari oh ! sauf en

Pensée ou en rêve si vous voulez me croire

Digne de votre semence » À ces mots

S’enfuit chercher le plaisir sous les jupes

De la domesticité.

 

Ode à l’abondance.

Perd la plume puis la retrouve par hasard

Alors qu’il ne la cherchait plus. Y pensant

Sans y penser. Mais en quelles occasions ?

Les fesses nues d’une adolescente mouillée

Par la vague qu’elle vient de sous-estimer.

« Ne riait plus quand je l’ai sauvée. »

Rendue à la mère avec serviette de bain.

Sous le parasol récompensé par une canette.

Prend la plume le soir. Venise en fleurs.

Soupirs garantis par le syndicat d’initiative.

Non ! Non ! Je n’écrirai pas ce roman !

Je ne veux pas dire la vérité !

 

Ne se voit pas en chevalier ni en troubadour.

Pas même en serviteur. Pas laboureur. Rien.

Et pourtant l’adolescence avance au cadran.

« Papa dit que tu te branles en pensant à moi »

Clarté toujours des propos tenus dans la cuisine

Avant ou après les repas payés rubis sur l’ongle.

Ne se voit pas en chauffeur de la baronne

Des lieux. Baise la baronne dans sa petite

Marquise. Peint des paysages parce que

C’est ce qu’il fait le mieux. Première page

À la plume et au couteau. Je n’ai jamais

Tué personne ! Et pourtant j’ai des raisons

De croire en Dieu et à ce que l’homme

Renaissant en sait. Plus que moi sans doute.

« Papa dit que tu es chelou et je le crois

Parce que c’est mon papa et que tu n’es

Que le fils du voisin » Zizi Jambaire à flot

Après le naufrage des spectacles pour papa.

 

Plume des seringues. « Font chier avec leurs

Pipes et leurs narines ! » Le guetteur dans l’arbre.

Lu les Vents de Saint-John pour passer le temps.

Poésie de la moustache. Suivi de Chronique.

Chez mon éditeur préféré. « C’est dangereux ? »

Quelle veine elle a ! Fréquenter le gratin

Du Largarde et Michard. À son âge. Chez le curé

Avec son béret tricoté dans les couleurs du drapeau

National. Cuirs frottés par la boniche bénévole.

Ça sentait le pipi et la crêpe brûlée. « Font chier

Avec leurs théories alors que la réalité s’en passe ! »

Piquousant l’interstice. Le propriétaire des lieux

En robe de bure. « Alors comme ça vous écrivez

Un roman » Porter la minijupe à cet âge. Décon

Tenancer le visiteur qui a payé son entrée au

Guichet de l’Enfer. Quelle comédie ne commence

Pas par une tragédie ? Ne serait-ce que naître /

« Il n’est pas encore né celui qui » / De quelle

Plume tenait-il son plumage ? Gambettes pas

Innocemment exhibées. Test des valeurs poé

Tiques. Celles qu’on apprend à l’école et dans

Les bordels sans façade. « Je suis ah ! je suis

Nomade et je vous ah ! je vous : aime ! » Plan

Séquence du cri éternisé par un seul tableau.

Je vous parle d’attente et non pas de mérite.

« C’est fou ce qu’il peut être con celui-là ! »

 

Des couples dont on attend le tango ou

La valse. « Marre de leurs rails et de leur

Fumée ! » L’inventeur de l’aiguille à injecter

Cherchait à serrer des mains. « Elle connaîtra

Le plaisir comme les autres » À dada sur mon

Bidet. Un bourrin sous les fesses des dames

Ici présentes pour servir de décoration. « Fa

Brication catalane garantie. Je possède aussi

Une ménagère complète cuite au four. »

Dans l’escalier des imitations

De la Villa Santo Sospir

Au passage laisse sa main courir sur les corps

De marbre antique. « Vraiment ? Vous ne

Voulez pas écrire ce roman ? C’est comment

Dire : incompréhensible. » Et pourtant elle

Comprenait ce langage : elle ne comprenait

Que lui. « ainsi tous ces noms latins sont

Noms de plume » Voui ! Comme qui dirait

Curriculum vitae. Ou autre chose inspirée

Par le Propre. Désir des communiantes :

Messe de la baise et de l’enfantement.

 

« Sont combien de crétins invités par moi ? »

Exécute la soustraction et le résultat l’épou

L’épouvante. Glisse un mot dans l’oreille

De la duègne. Elle secoue ses jupes. Vent

Des crevettes. « Après quoi courez-vous

Je veux dire : à part ces filles qui ressemblent

À leurs mères ? » Au ball-trap pas de plumes.

 

Maison des douves, les quatre roues en l’air

À la surface verte. Du pont retraçant l’histoire

De cette chute qui coûta la vie au seul héritier.

« Vous ne croyez pas ? Mais comment pouvez-

Vous résister à l’angoisse ? Car vous êtes fu

Funambule, n’est-ce pas ? » Pirouette des dames

Qui n’ont rien compris à l’Histoire de Mérovée.

 

« Les enfants ne savent pas encore. Taisez-vous ! »

Ouvrez n’importe quel bouquin en librairie :

Rien à lire s’il n’appartient pas à la souda

Nationale. Entrez dans la Bibliothèque en acteur

De la qasida. Avec l’acier qui convient au meurtre.

« Que sauront-ils si nous ne sommes plus là ?

Imaginez leur solitude dans cet espace infini.

Ce silence.

Vous avez une idée du silence, Geronimo ? »

Monte à cru les jours de fête seulement.

Sinon harnache. Panse. Cravache. Croise

Le fer sans mettre pied à terre. Et s’il y est

Forcé (chute) il regrette de ne pas avoir

Enfilé son armure hemingwayenne. Fête

Donnée pour les fous à la place de la messe

Traditionnelle. Pas trouvé officiant sur

La Web. Inventé la date pour être élu

Au conseil municipal. Perçoit la prime

Correspondant au déplacement. Mais

De roman, nada. Connaît des refrains

À condition de laisser son pote s’énerver

Après les fumeurs et les renifleurs-chiens.

Cathéter en vente dans les meilleurs plans.

Drainage total garanti. L’esprit ne revient

Pas du voyage. Vous revenez seul. Avec qui

Vous voudrez mais seul en dedans. Plume

Des culs aux folies. En simple Carmelin.

 

« Se tuer c’est se venger de ses parents »

Dit-elle / à n’importe quel âge ? dit-il /

Même au seuil d’une mort naturellement

Admise / « tu n’aurais pas idée de vouvoyer

Un chien »

Je sors

Pour vivre

Ma vie

Sans toi.

Lisait sans ciller la débauche à laquelle la poésie

Est en train de se livrer sans que la populace se doute

Un instant ô un instant

De ce qui se passe dans son dos / « à l’Université ?

Mais tu n’y penses pas ! Je ne suis pas faite pour ça ! »

Courts volumes arrivant par la poste au moins une fois

Par semaine / avec les petits cadeaux de la fidélité /

Devant le miroir se jugeant imparfaite mais parfaitement

Désirable : « c’est fou ce que l’existence leur inspire / »

Pas une trace d’invention là-dedans : des adaptations

Purement bourgeoises : « le peuple ne s’amuse pas :

Ivresse, hallucination, shoot : le choix triparti des :

VITRINES : soulager aussi la douleur / penses-y avant

De partir. Les parfums de la boulangerie au matin

Des rentrées : pièce d’or en poche : tinte sur le verre

De la caisse : patronne peu désirable mais sa fille

Est destinée à un autre héritage que le tien : des

Chars d’assaut cliquetant dans les rues d’une ville

Imaginaire : « ces conards de muslims finiront par

Détruire ce que les cristos nous ont laissé après

Avoir réduit l’esprit à la mendicité intellectuelle »

// « des fois je me demande si tu as conscience

De la beauté de la langue / de toutes les langues

/// cette capacité à trouver du nouveau se nomme

Poésie : » mais (dit-il) ces proses courtes et ces courts

Passages du vers sur la page c’est joli c’est même beau

Mais : ça ne trouve pas : / » SURÉCRIVEZ SI VOUS VOULEZ

SURVIVRE

En fond les boucles de la boîte à rythmes programmée.

Dehors la mer s’en prend à la côte. « Où sommes-nous

Maintenant ? » Pas loin d’ici / et pourtant je ne reconnais

Pas les lieux : « tu as dû t’endormir : vieux rails aux soudures

Tenaces encore » / « je ne me suis jamais sentie aussi seule

Que dans cet hôtel »

Et pourtant quatre étages en-dessous

Des larbins promenaient leur destin

En laisse / tutoient leurs chiens alors

Que je te respecte comme si je t’avais

Créée de toutes pièces : nécessaire

Cohabitation du plaisir et de la conservation

De l’espèce : Ouah ! Ouah ! Fais ouah ouah

À ton papa / risette à ton petit frère et slurp

Au voisin qui écrit comme Bukowski.

Pléthore sous prétexte de bien commun.

 

« que conserverons-nous

En âme et conscience ?

Le bien social ou le savoir-

Faire des meilleurs d’entre

Nous ? » Question posée

En séminaire par ceux qui

Ne veulent pas mourir

Comme les autres mourir

Sans laisser de trace hors

Du cimetière municipal

Destiné à la revalorisation

Des biens publics un jour

Ou l’autre : appartements

Comme communs diviseurs.

 

Documents et non pas œuvres.

 

Tuning à tous les étages.

Et en marge les réceptions

Données par les fils et les filles

De famille (comme on dit) les

Sujets de sa Majesté que Dieu

Lui-même a désignés comme

Valetaille du principe fondateur.

« je n’étais pas là alors…

— rigole pas avec ça…

— rien d’autre à branler…

— j’ai pas demandé le prix…

— Affiché le prix / en bas…

— descends toi-même…

— suicidons-nous cette nuit…

— c’est papa qui va pas être

Content / maman pas contente

Non plus : tant pis pour nous…

— et pour eux c’est pas tant pis

Peut-être… ? »

 

Dehors la mer fouette les rocs entassés

En digue : « voiles et mâts sont rentrés :

Vous pensez : on sait prévoir depuis

Longtemps : le métier : prenez un peu

De chair avant de retourner dans votre pays »

Gouttes remplies de la lumière des rues.

Comme insectes des routes dans les phares.

Jamais voulu finir avec une inconnue-clé.

Moi aussi je participe à la débauche de

Loisirs conçus pour pallier l’ennui et les

Questions de type métaphysique comme

On s’en pose entre le bénitier et le prie-Dieu.

Invitation au voyage dans les barriques :

Sel et vin et les odeurs du levain en masse

Dans ces matins promis au recommencement.

Dans sa tête (je veux dire : pas sur le papier

Led) cherche encore des battements imitant

À la fin le dramaturge des temps anciens.

Dactyles et spondées à la pelle : et croit

Avoir atteint le minimum requis pour passer

Pour un Moderne : plus le temps de critiquer

: « j’ai pourtant l’impression de venger papa

Pris au piège du ventre de ma maman : »

« Rigole pas avec ça » / qui finira de vivre

Avant l’autre ? / masse par vitesse au carré

Moitié requise : la vague emportant nos

Souvenirs : car c’était tout ce qui nous reste.

 

Ce que je peux aimer

Ces tours dans le ciel

Rose / et ces filles en

Robe de soirée déjà :

Attendant le véhicule

Qui les emportera elles

Aussi dans la nuit festive

Et peut-être pas aussi

Interminable que ça,

Les filles !

 

Ce que je peux aimer

Ces battements de peau

Imitée de la mienne /

Qui arrivera d’abord

Au contact de ce métal ?

« il faut partir d’ici (dit-il)

Avant qu’on nous en empêche »

Désignant l’horizon possible

De la nuit : dans un sens ou

Dans l’autre : ayant perdu

Le Nord /

 

Ce que je peux aimer

La possible aventure

Du présent au pays

Des solaires extases

Et de l’intuition mère

Des hypothèses nobé

Nobélisables / « retiens

Mon bras avant la

Fin » : ayant gagné

Un billet de retour

Sans elle.

 

« quand c’est pas la mer c’est toi ! »

Attente d’un premier rayon vitré.

Pendant un moment s’en tient

À la confusion lune-soleil puis la nuit

Passe à l’ombre : côté nord de la houle

: les façades imposant leurs angles

Au ciel qui rougeoie : « combien

De morts cette nuit, dis-moi, Blaise ? »

« ceci est un roman : rien n’existe

Que le roman initié par le premier

Cri / votre poésie c’est de la zizique

: qui croit au sacré tourne le dos

À la réalité : tous des prêtres je te

Dis ! Pas un soldat ici ni un poète

Sans langue ni patrie / ça croit

Et ça prie dans n’importe quel

Patois / nous irons vers midi

Une fois de plus : soleil ou pas

Pour activer les horloges.

 

Traduisent et retraduisent /

Croyant à l’infini comme

Moyen de ne pas se taire.

Mélange de services rendus

Pour mériter de se nommer

Soi-même : et des litaniques

Pressions exercées sur le cœur

: n’importe quel cœur acheté

En boutique à condition d’avoir

Du crédit : temps passé à /

Débiter le fantôme en tranches.

 

« nous irons pique-niquer sur l’herbe des golfs :

Veux-tu m’accompagner pour que je ne sois pas seule

Comme tu le désires depuis que je t’ai menti… ? »

Véhicule de location attend (attendait) la queue

Basse et la patte au repos : « avoir à sa disposition

L’animal qui obéit au doigt et à l’œil : comme

En poésie universitaire : souda des croque-mitaines

Du personnage joué depuis la plus lointaine

ANTIQUITÉ.

Arrive nu sur la scène : asexué ni vieillard ni enfant

/ moulin à paroles des recherches : théseur

Des occitanies / « n’oublie pas le vin j’aime

L’ivresse sans vision ni orgasme : pas seringuer

Cette fois : ça nous coûte un bras cette excursion »

Vent chargé (comme on dit) d’embruns et de hâles.

Frisottis des rivages en attente : la montagne

Descend en métal : route serpente sans arbres

Mais avec terrasses aujourd’hui sans jardins :

« quand on pense à tout ce qui est déjà mort :

Papa : maman : le chien : et le voisin pédophile »

Ne pas se marrer en entendant ça : ça la tuerait.

Or nous sommes faits l’un pour l’autre /

Mais qu’est-ce qui ne l’est pas si on prend

Le temps : d’accoupler les détails : jusqu’à

Ce qu’il en reste un : l’impair qui n’a pas de mot

Mais qui s’impose à l’esprit au moment d’en finir

Avec « ce don du ciel » (selon ce qu’on en sait

Faute d’en savoir plus, mon enfant)

CRISTAUX

En phase liquide / « promets-moi de ne pas te donner

En spectacle comme la dernière fois : » mais ce n’était

Pas la dernière ô Hélène / je cherche l’épectase faute

De trouver une raison de t’aimer / ne cite pas en exemple

Ton enfance : je connais des tas d’enfances et pas une

N’arrive à la cheville de la mienne / question du genre

QU’EST-CE QUE JE VAIS FAIRE DE MA VIE ?

En phase ce que vous voulez si vous lisez un roman

Que je n’ai pas écrit à la place de ces coulures

De l’existence.

Qui se sent doué pour l’écriture se trompe de monde.

Et ça vient comme n’importe quelle autre substance.

Soumettant le livre à l’épreuve de la débauche.

Péripatéticiens des trottoirs gras de doubles.

Passe en vélo et salue la critique des ascenseurs.

« tu n’as pas autre chose à faire dans la vie ? »

J’ai commencé par le Satyricon un jour de pluie

Et de grands vents ah ! c’était de très grands vents

Et ils venaient de loin pour me décoiffer / vents

Dans l’axe sud-est nord-ouest / jouant à cache-cache

Avec les potagers et les fenêtres des chambres /

Feuilles des piments en été et des choux l’hiver

Déchiquetées par cette lutte constante : fatigue

À la fin : ralentissement des fuites : mais impossible

Arrêt des machines / contre les vents les machines

/ contre les raz-de-marée des équinoxes / Shanti

À l’abordage de son fauteuil / inquiétudes ceci :

« je dois aller jusqu’au bout » mais c’était l’heure

Du pique-nique / éparpillement d’enfants sans le sou

/ beau reflet sur l’aile / baissa (baisse) la visière

Sur son œil expert : il prend note : chaque jour

journée est un chapitre de ce roman : à la fin

Il meurt comme don Quichotte : avec beaucoup

D’illusions.

 

(j’aime bien ce roman / pas vous ?)

 

Oui oui les romans

De la gare au tripot

Et du trottoir à la télé

Les romans sans virgules

Comme le vin de messe.

 

J’en ai lu j’en ai lu !

Avec des personnages

Et de fameux voyages

En enfer en croisière

J’en avais l’âme en feu !

 

Comment que ça s’écrit

J’en sais rien je m’en fous

Mais si jamais je peux

Moi aussi décrocher

Les étoiles du ciel :

 

Faudra alors que tu existes

En chair en os et en sommeil

Dans notre villa andalouse

Avec jardin mi anglais mi

Arabe : et un beau barbecue

 

Made in USA : raconte-moi

Ton histoire : avec la mienne

Ça fait deux : en faut-il plus

Pour exister et ne pas regarder

À la dépense ?

 

Ça fait combien d’épaisseur

Une vitrine en ville avec l’éclairage

Et les reflets de la curiosité ?

Petits pâtés des pendus du jour

Sur la tartine de pain perdu.

 

Pas de sucre dans le café STP.

Tu ne me connais pas mais j’écris.

Les pieds dans le raisin de ma vigne

Je bois le vin de l’an passé (à quoi ?)

Ce rhum vient de la Martinique.

 

Personne ne tue personne sans enfant

À la clé : un monde enfin stérile sans

Rien d’autre à faire que l’amour et

La lecture / oui oui les petits romans

Du kiosque Hachette avec abonos.

 

Comme la ville est nulle pour les yeux !

Et pour les oreilles c’est la conversation

Et les regards en coin : qui est la plus

Belle ? Extraite d’un roman à deux sous

Par un sociolote et une sociololote.

 

J’aime les petits romans de ma gare.

Les quatrièmes pour commencer.

La transparence des réalités quo

Quotidiennes et si mortelles ! / oui

Oui je sais tout de toi et c’est pour ça

 

Que je donne mes sous au libraire.

 

Les rancuniers font de longues carrières dans l’édition

Et de si courtes dans la littérature : cadavres des acrimonies

Dans les fossés aux vieux égouts.

 

Oui oui j’aime vos romans / leur sociolotie /

Esclaves de l’État mais heureux en ménage.

Qu’est-ce qui se vend mieux que les petits pâtés

/ à Séville ou ailleurs les pendus comme à Murano

/ barbouzes léchées par les noirs corbeaux

(comment voulez-vous qu’ils ne soient pas noirs ?)

Sans Pallas et sans fenêtre : la vitre nue de l’amour.

 

« Ah ! Ces retards qui s’accumulent !

On n’en finira donc jamais ! Ursule !

Changez de nom avant qu’on arrive

À bon port : j’ai blessé mon genou

Contre votre pied de table : appelez

Le capitaine ! Je souffre de douleur ! »

 

Si finalement le meilleur des plaisirs

Était le plus infime et le moins rare /

 

Grands vents ! Ça oui ! Un enbata du tonnerre !

Tournait les pages d’un exemplaire oublié.

Là sur le sable comme un coquillage : la marée

Menaçant son intégrité / « ya pas d’images

Maman ! » Poursuit vers le parapet où l’attend

L’équipage familial : le glacier coupe le jus

Et enfourne ses baquets dans son fourgon.

Fuite sans ordre des petits romans / quoique

La possibilité d’un hôtel peut expliquer

Ce qui se passe : touriste abolira les lois locales.

Reviendra et en lira le petit roman exemplaire :

Nueva edición de nuestras novelas ejemplares.

Qui va plus vite que la feuille d’automne ?

Plus vite que la goutte qui n’a pas encore

Rencontré sa vitre ou son visage ? / Que d’amour

En théorie ! Va pour l’intuition qui nourrit le feu

Universitaire ! / Attendait sur le quai qu’on lui parle

D’autre chose que d’actualité et de nouveaux produits.

Du forum au tweet même les plus précieux esprits.

« Ça te raccourcit le roman de Pynchon

Et du coup tu comprends où il veut en venir »

Raccourcissement ou circoncision / « c’est une question

De religion littéraire : pas le temps de te lire : j’ai

Tellement de choses à écrire ! Des pensées plein

Les couilles ! Sans prépuce je m’en sors. Barman ! »

Peurs et aversions /

telles qu’on ne sait plus

à quel saint se vouer /

vous vouez-vous vous ?

au roman mais j’en passe !

un chapitre, une branlette

et au lit jusqu’au matin

que le gréviste peint à la main

comme carte postale.

 

Nous aurons des extases devant les morts

De nos voyages / que d’acuités dans ce roman !

Tombes sans oiseaux pour chier dessus devant

La mer indifférente parce que morte / morte

Depuis longtemps : on n’y croit plus alors

On en revient toujours avec le même roman.

« Chantez de temps en temps mais pas tout le temps ! »

Ainsi vous aimez

Tourner les pages

Et sucer des bêtises.

Loukoum anal ça

S’intitulait je crois.

Peut-être pas loukoum

Mais anal j’en suis sûr (e)

Comme si j’y étais encore.

Ainsi vous lisez

Ce que les autres

Écrivent sur le cul.

Si nous nous aimions

Plutôt ? Ces toits

Sans oiseaux ni pères

Extraits de l’ombre

Pour donner la leçon

De leurs propres pères.

Ces toits sans vent,

Sans âge ni robes

D’été pour voler avec.

Ces pins qu’on dit parasols.

Ces coquillages vus de loin.

Ces canons que la guerre a laissés

Pour compte. Ces pages nues

Qu’on s’attend à noircir

Un jour ou l’autre : la vie

Comme spectacle de l’autre

En proie à sa possibilité

De retour. Toits sans piliers

Ni murs. La sente serpente

Parce que c’est son rôle

De serpenter avec les mots

Qui l’ont inventée il y a

Si longtemps que tout le monde

Est mort depuis. Orgasmons

Une dernière fois

Si tu le veux bien :

Et sans arrière-pensées.

 

Beaux calligrammes des reflets de vitrine.

 

Qui n’aime pas les murs de sa maison ?

 

Bel orage aussi / qui promet un doux repos

Derrière les vitres / envoyant la fumée

Vers le plafond / la langue tout excitée

Malgré sa pauvreté prosodique / appelant

Le vers à la rescousse / et sa rime si possible

Aussi léonine que la turgescence en cours.

 

Qui n’aime pas les murs de sa maison ?

Ce qu’ils appellent de leurs vœux.

Au sein de quelle expansion aussi

Sphérique que possible : circularité

Des obsessions. Vous n’irez pas plus

Loin que ces murs / même vus du jardin

Que la raison clôture par décret.

 

Beaux arbres sans intervalles de taillis.

Oiseaux s’y taisent en attendant la paix.

Surprit deux pinsons dans l’acte d’amour.

Sans amour mais avec passion.

Vit le nid en construction sur l’autre branche.

Veilla à sa pérennité tout le temps du printemps.

Trouva l’oisillon dans la broussaille

Et le donna au chat qui joua avec

Avant de se le faire piquer par la concurrence.

 

On aime les murs qui définissent l’habitation.

On ne pense qu’à ça au travail, en trajet,

En vacances et en cavale quelquefois.

 

Qui n’aime pas ses murs n’en possède pas.

 

Oui oui oui je les aime

Mes petits romans-pâtés

De sable sur la plage.

Avec de l’écume et des nacres

Mes petites histoires de cul

Entre bénitier et hôtel.

Nous n’avons pas d’enfance.

Ce qui est mort mort mort

Ne nous appartient plus.

Petits pâtés de nos pendus

Pour la cause : faut avancer

Si on veut trouver le moyen

De ne plus perdre notre temps.

C’est vivant vivant vivant

Qu’il faut exister pour aimer

Relire et même écrire

Nos petits romans de guerre.

 

« Ne marchez pas sur mon trottoir (dit-il)

/ c’est le quai de mes partances même

Si vous n’y croyez pas comme j’y crois »

 

VOUS AIMEREZ CE QUE JE VOUS VENDS.

JE L’AI AIMÉ AVANT DE DEVENIR PAUVRE.

 

Non non pas d’amertume ni de colère.

Des mots aussi simples que possible.

De petites constructions successives.

Je n’ai pas la dent dure à la morsure.

Ma langue connaît des douceurs

Que vous n’imaginez pas ô lesbienne !

 

Je m’attends à une douleur passagère.

Sur le roof de l’attente le bleu du ciel

Pour chapeauter les derniers mots.

Les reflets d’une peau humide de piscine.

La vôtre si la patience est à ce prix.

 

Une dernière métaphore et puis s’en va.

Votre oreille sur ma bouche sans langue.

La mort vous la coupe avant la fin.

Sachant que le cri peut s’en passer.

Raréfiez l’air et obscurcissez les lieux

Comme le veut la tradition.

Allumez le brasier au milieu du roman :

Oubliez ce que j’ai dit entre le début

Et la fin.

 

« Des fois j’ai des visions et des fois j’en ai pas »

Raréfiez l’air et obscurcissez les lieux /

« L’or va bien avec le cramoisi de nos dais »

Près du cadavre une couseuse et ma casquette

Que le chien a « découturé » / « des fois j’en ai »

Insiste-t-elle auprès d’une visiteuse étrangère.

Vite couverte de noir à l’entrée car elle ne venait pas

« Pour ça » / porteuse du feu d’un autre enfer mais

« celui-là je l’ai bien mérité » / poème-conversation

Alors que je n’ai pas dix ans : une 12 clouée au mur

Sa bandoulière de guitare / « comment êtes-vous entrée »

Bouffée dans le vestibule : toutes montant dans les stucs.

« je ne le connaissais pas comme vous le connaissiez »

De quoi parle-t-elle ? Je sais que les histoires s’écrivent,

Ainsi que les pensées (« si jamais on en a ») / mais des

Fois : on a des visions et ça nous rend malade / preuve

En est ce macchab qui n’appartient à personne : « il »

N’a jamais aimé à ce point : pour la casquette tu reviendras.

 

« Plus personne n’a envie de construire /

Ni même de déconstruire / surtout ce qui

Ne l’a jamais été / vie documentaire drama

/ séquences successives jusqu’à preuve du

Contraire / la pub vous remet sur pied à la

Fin / je ne vous dis pas ça pour vous nuire

/ prenez donc un croquant et mouillez-le

/ vous avez entendu parler de la mort en

D’autres termes ? / chacun sa hutte de paille

Et son seuil de bois mort / queues et trous

En quête d’une mort provisoire mais réelle

/ « qu’est-ce qui vous excite le plus ? » //

Avec jardin potager et même un carré de

Fleurs / voilà les outils garantis par l’État /

Vous m’en direz des nouvelles / ne fumez

Pas votre terre avant l’automne / mariez

Les plus jeunes : fille ou garçon ne cherchez

Pas à vous reproduire à l’identique / je vous

Parle depuis la station internationale / main

Caressant une bite qui n’est pas la mienne /

Dire que je laisse des gosses ! Ce temps perdu

Sans madeleine ! À la fin les champs de bataille

Vous paraissent moins injustes / coupez le son

De vos télés / cul nu dans les coussins resucez

Le crayon qui ne vous sert plus à rien sinon à

/ je ne vous parlerai pas longtemps car / chacun

À sa fenêtre avec des visons d’enfer plein les yeux

Alors qu’on se sent aveugle ou qu’on veut l’être

/ paille de nos murs et de nos toits à l’imprimante

3D / « comme si vous y étiez » / mais je pleure

Enfin / personne n’est mort mais je pleure : le vin

N’y est pour rien / auvent de vigne saturée de pa

De papillons blancs comme flocon de neige / JE

Ne voulais pas partir comme ça mais bon c’est fait

/ je vous écris depuis l’infini toujours sans solution

Satisfaisante pour l’esprit / ne comptez plus sur moi

Pour meubler vos silences / je parle une autre langue

Et elle me le fait bien comprendre / une cabane en

Alaska non mais vous rigolez ! Je ne suis jamais allé

Aussi loin ! Pas fait le tour de la terre avec vous ou

Sans vous : nous ne nous aimons jamais assez : ou

Trop tard : levez le nez et si pas de nuages choisissez

Celle que vous voulez : selon quels critères j’en sais

Rien / je l’ai fait moi aussi à propos de ce que vous

Ne savez pas de moi : je vous écris parce que je parle »

 

La ville ne dort pas.

Elle ne cesse jamais

De mourir de son feu.

De là-haut vient la nuit.

La nuit et ses petits fruits.

Baies des buissons de feu.

Allez d’un point A à un point

B sans passer par C ni D.

Trouvez alors le sommeil.

Ou rêvez avant de chercher.

Le bonheur est un autre.

Clou enfoncé dans la tête

Ou dans le pied selon que

L’on a de la chance ou pas.

Heureusement c’est l’été.

Perspectives noires des rues.

Phares projetant les ombres.

Qu’est-ce qui meurt cette fois ?

La ville mais encore / comment

La nommes-tu si tu en viens ?

Crasse des mains à force de murs.

Croit poétiser alors qu’il meurt

Avec elle / même avec plusieurs

Dictionnaires à la clé il meurt

Et la ville ne dort toujours pas.

 

Soyons tout. Écris histoire avec un s. Claque.

« Des cends plu tôt la pou bel le » / remonte

Avec le voisin et s’enferme avec lui dans un

Verre / Carlos de los Cojones a raison de penser

Qu’il vaut mieux éviter les ennuis avec les flics.

Écris amour avec un s. Claque. Elle se rhabille

En vitesse. Ne supporte pas sa nudité en pleine

Lumière. Mais joue avec les miroirs en experte.

« Ne re com men ce pas s’il te plaît » / claque

Puis écris / avec ou sans s / croit multiplier par l’s

Mais sans religion / le voisin a une crise d’angoisse

/ mais propre l’angoisse : lavée de tout soupçon /

Marchez sur l’enfant s’il fait mine d’exister.

 

« j’ai vu le toubib

Il est d’accord avec moi

Alors on s’y met

Le mois prochain

Avant les vacances

D’été dans cet hôtel

Où nous avons connu

Tu le sais bien le bonheur »

 

Crasse au frottement des murs.

Murs frottés par désespoir.

« Je ne joue pas toi non plus »

Nous aurons des enfants

De la patrie et du travail,

Des sans-famille au poil.

Pas loin qui veut se noie.

Mais ici on bande bien.

« ça te fait pas du bien ? »

De bander oui ça me fait.

Mais en venant je me disais.

« j’avais jamais autant grandi »

Je me disais que cette crasse

Dont ne veut pas le lavabo

On ferait bien d’y penser

Avant d’accepter de signer.

 

Glouglou des tubes. Soyons tout.

Eau chaude des murs. Des planchers.

« veuillez sonner avant de pénétrer »

Pourquoi ne pas se la faire seul

Cette existence de chemin ?

Prendre le nécessaire voire même

Le payer et ne pas rencontrer

L’autre d’aussi près / « j’y ai

Pensé figure-toi mais finalement

J’ai besoin de conquête en dehors

De ce putain de boulot à la con »

Paille des vents en lutte. Soyons.

Oiseau chie en parlant à sa mie.

Sur le zinc ça chie et ça parle.

Veut entrer pour visiter la nappe

Et le dessous de table déserté.

Ne dort pas dans notre lit mais

Sait construire son nid près du ciel.

Laisse traces sur la vitre.

Bec parle avec un minimum de mots.

Elle écoute et enfin se donne.

Ça va en faire du chahut au dessus !

« tu n’as jamais aimé les gosses »

Mais j’aime ce que j’ai été

Quand tu n’étais pas là

Pour me dire le contraire.

J’aime les friandises des boîtes métal

Métalliques / les miettes de croissant

/ les pelures d’orange pour jouer

Avec le feu de mes allumettes / j’aime

Tellement de choses que je me perds

En route / tu sais : sur le chemin de d’été

L’automne rencontré sous les feuilles.

J’aime m’en aller

Avec cette idée

Que je ne reviens

Pas avant Noël.

 

Ces temps. Spectacle en continu.

On vous amène de quoi manger.

Le sel de la soif. Soyons. Ne soyez pas

Sans moi. Ne suis-je pas avec vous ?

Comédiens usés jusqu’à la corde.

Dialogues de sourds. L’histoire avec

Un H. Un tremblement, docteur…

Je ne sais pas pourquoi je tremble

Comme ça ! / il m’a dit : va trembler

Ailleurs / « le travail d’abord / veille

Sur les enfants à ma place » Temps

Passés à relire celui qui n’écrit pas

Dans l’autre sens / Écran après écran.

Plus besoin de demander : c’est pro

Grammé / « qu’est-ce que je fais

De mon corps ? » Ne savait rien

Du mode d’emploi : un expert

À chaque table, dans chaque lit,

Chaque fétu de paille / chaque

Feuille même toujours aussi blanche

Qu’au matin / des savoirs qui s’enseignent

Mais pas juste pour savoir : maison

De fous : qui est le père ? qui es-tu ?

La chair recomposée / à caresser

Ou à manger : mais ne mangez pas

La chair humaine : ne condamnez

Pas vos enfants au cannibalisme /

 

N’aimes-tu pas mieux

Le fruit de l’amandier

Ou le frère du maquereau ?

J’ai lu ça dans un livre.

On peut aimer sans aimer.

Au passage les racines

D’asphodèle et les ailes

Des papillons / en montant

Vers le sommet où la croix

Étend ses bras d’équerre

Et de pivot / n’aimes-tu pas

Mieux le verre de gentiane ?

Pèlerins joyeux et partageurs.

Le fruit du noyer ou celui

Du mandarinier sauvage ?

Poisson dans l’eau avec son encre.

Ou crustacés des quais abandonnés.

Mine d’or en friche ses potagers.

Au pied de biche ses fenêtres.

« ils ont habité ici mais ils n’y sont

Pas morts » / j’ai aussi dans mon cor

Mon corbillon : « j’aime les fruits

Et leur alignement dans les cageots »

Qui est mort cette nuit ? J’ai entendu

Les grincements de l’ascenseur.

« partons si c’est encore possible »

 

Non je ne sais pas ce que c’est un poème

Si je le savais je serais le premier à publier

Ce que jamais personne ne s’avisera d’oublier

Tes fruits d’arbre conçu pour une lecture

Joyeuse dans la campagne que nous fuyons

Ensemble

 

Surtout ne me ressemble pas.

 

On aime ou on n’aime pas. Soyons. La vie s’achève

En queue de poisson. Possédons le moment à défaut

D’éternité : nous ne sommes sûrs de rien. Aimez-vous

La truite au jambon de Trevelez ?

 

Ne vous avisez pas de me ressembler.

 

Affirmateurs au banc. Le ciel s’élève encore d’un cran.

À force de mouvement la toupie quitte l’enfance.

Êtes-vous armé pour la fuite ? Ou nu comme un vers

Qui s’inspire du doigt ? Négateurs affirment. Mais soyons.

Façades des certitudes ouvragées au burin à même le ciel

Ou en atelier avant de perdre pied. Fabrique d’ingénieux

Inventeurs. Change d’idée en route. Épouse l’air de la chute.

Banc peuplé d’oiseaux qui chient en parlant. Si jamais

Vous pensez à me ressembler consultez les hauts lieux

Du malheur avant de ne plus pouvoir reculer devant

L’évidence de l’échec. Jeu dites-vous. Soyons. Marteau

En main. Fabbro. Ni feu ni autre chose. Des jardins si

Bien faits pour le regard. Mais vus de près on déchante.

Et la ville semble s’éteindre comme le feu alors qu’elle dort.

Une veille d’avance. « Vous reviendrez » / à l’heure prévue.

Vieille valise de papa et maman du temps de leur voyage

De noces. Venise dans la tête. Les pendus de Murano. Ah !

Oui j’aime les jardins

Arabes et ouvriers.

J’aime les carillons

Et les vitrines neigeuses.

J’aime ce qui se fait

Ensemble et pour toujours.

Même au prix de l’effort

Qu’on ne fait pas pour soi.

J’aime me promener

Au bras d’une inconnue

Jusqu’à la connaître enfin.

Avec elle biner les soles.

L’enculer à l’heure et sans faute.

Oui oui les jardins et la pub

Qui me procure le vocabulaire

Nécessaire pour comprendre

De quel bois nous sommes.

Soyons. Avec le voisin et la

Voisine. Avec les enfants

Des écoles et du cimetière.

Soyons le jardin de notre jardin.

 

Enfin… si possible… pas vrai ?

 

« des fois je pense comme toi »

 

Ville dort et l’Ural dans le jardin étroit

Ronronne avec ses chats / « je suis veuve »

Les Pyrénées d’Hendaye à Collioure / side-car

Au plaid écossais (pléonasme) / ou placitum

Se vend bien en braderie « ça placite ? »

Pas plus loin que la sortie de la ville où

Je dormais : les yeux dans le coussin lampe

Clignotant sur les murs (dit-elle) « tu ne

Connaîtras jamais la misère d’aussi près

Que je l’ai connue en des temps où téléphoner

Se faisait dans les bars à condition d’avoir

Inspiré de la compassion au loufiat / exige

Le meilleur anéthol aux frontières / l’Ural

Filait sur la X cheveux au vent entre les platanes

Ponctués de couronnes / Croix des Bouquets

Où il trouva la mort mais pas en voyage : il

Était en mission. Qu’est-ce qui nous pousse

À servir si ce n’est pas la peur de ne servir

À rien ? « des fois la poésie prend possession

De la page et alors (vois-tu) le « découpage

En colonne » comme l’eau des ruisseaux

Que nous franchissions pour atteindre les

Monts : retrouve traces et s’en réjouit car

Il y a longtemps qu’il les cherche : une carrière

À peine dérangée par les ours et maintenant

Les loups : ratés scolaires et même sans métier :

Ils sont destinés à l’hilotisme non sans conforts

Annexés par l’info et ses pubs : « nous avons

Besoin d’eux » La ville pas morte pour autant.

Ne sortez pas sans votre petit panier à provisions.

N’oubliez pas la CB ni votre DNI. L’identification

Est au cœur de la Raison. Commencez à cultiver

Le jardin des vieux jours : avec ou sans elle peu

Importe / mais achetez la charge au marché

Qui se propose à l’intelligence : « faut être

Con pour y renoncer comme ça par balle

Ou pendu à la poignée d’une espagnolette.

» Les grands textes dans la forêt des possibles.

La queue tendue à proximité des fesses d’enfant.

« Bon Dieu mais que peut-il bien se passer

Dans cette tête : un type si charmant » mais

Nous ne possédons que ce corps pour y arriver

Coûte que coûte « Nom de Dieu ! » Contraintes

Éprouvées par une longue expérience : colonne

Que Butor approcha en son temps de travaux

« opiniâtres ». J’aime les fruits du crépuscule ou

Au crépuscule : nous sommes morts depuis si

Longtemps : suicidés au bout de l’enfance et

Jouant le jeu de l’adolescence : « maintenant

Tu as peur de la mort » / douceur d’une joue

Avant fellation dans la roselière / la barque

Qui « prend l’eau » : elle la prend à toute

Brassée / peau sans écailles maintenant

Qu’elle est sortie de l’eau / elle née de cette eau.

L’Ural dans les feuillages. Ces cuirs venus de loin.

Cette ligne Imaginot « on ne passe pas » Ville

Et consorts. Quelle masse transportée ici ?

Quel volume jeté dehors ? Vitesse acquise

Par ces coulures de l’expérience. Ici, le vers

Ne vole pas de ses propres ailes : « suffit pas

D’écrire : faut garer son cul » / titillant les clitoris

De la page du bout de la langue : découvre

Le plaisir à l’âge où on en perd la trace /

Babel aux armatures de plomb : l’acier

De qualité manque : « on peut pas dire le

Contraire : faut bien reconnaître que cette

Débauche de savoir-faire (au pluriel) jamais

Ne remplacera le hasard : « j’avais jamais

Vu un poisson d’aussi près ! » Tétons à l’air

Ou au spectacle / elle n’enseignait rien et

Pourtant elle se donnait à fond non sans

Angoisse : « j’avais jamais vu une moto

D’aussi près ! » Ni les frontières qu’on ne voit

Qu’à la télé : « le mensonge ne sera jamais

Un péché capital mais c’en est un sinon

Pourquoi je prie ? » / aiment la foule y van

De compra : « je trouve pas ce que je cherche

/ aide-moi au lieu de reluquer les filles ! »

Colonne seule au milieu d’un enfer comme

Premier acte de la comédie de l’existence.

 

Un premier vers quitte le nid…

 

Horizontal comme le repos des après-midis.

Cigales au son de fuites de robinet.

Le vent vient de la mer.

D’où je viens ? Devine ! Oui !

En moto avec lui ! Jusque

Je sais pas où : nus devant tout le monde.

Le Monde nu sous les parasols.

Vers comme le premier essai

De voler de ses

Propres ailes

« toute cette poésie qui veut se vendre

Ou servir de ausweis » le cœur

Accroché aux avions

« Dragon revient sur terre

Avec six hommes à bord

Et une pute qui a étudié

Le comportement des vers »

 

Colonne fait un pas

Sur le côté esquisse

L’incipit du ballet qui

Lui trotte dans la tête

Avec ses petits chevaux

De bois et ses enfants

De papier et de suicide

Dessous la terre frémit

Et fend le béton armé

Où habitent déjà les

Les animaux jamais vus

Avec autant d’acuité

Depuis que j’ai volé

Après ce premier vers

Sans attache ni sentiment.

 

Tambours superposés

Pas plus que ça ta colonne

Qui sent les bonnes herbes

Du taillis et de la brousse.

 

« Ça arrive à quel moment

D’après toi ? Marre d’attendre

Cette Saint-Glinglin de la gravité »

 

La vie est toujours derrière soi, aboyeur !

Devant le mur des matins et des soirs.

Ruines antiques en prime. Avec Cinecittà

En perspective cavalière : fausses fuites.

« Suffit pas d’baiser : il faut comprendre »

Déplacement du festin saute-ruisseau.

L’aveugle se fait avoir par plus malin que lui.

 

Un vers coupa un nuage en deux.

 

« Pourquoi tu fais ça, merde ? » / ya

Autre chose à bouloter dans la vie :

« regarde ta mère et si ça te donne

Pas à réfléchir : va voir les filles des fois

Ça marche ! » Moitié de nuage descendant

Lentement sur les collines toutes proches.

Envol de divers oiseaux avec leurs insectes.

Feuilles déchirées retombent : « j’aurais

Pas dû venir » / et pourtant la barque filait

Vers l’amont et ses cascades / « jamais

Vu d’aussi près ce que l’homme peut penser

En pareille situation ! » / l’eau coule à l’oblique

/ « le phénomène artésien est une invention

Aussi pure que l’idée qu’on a du plaisir »

Vers envolé :

 

J’aime retomber avec toi !

 

Pléthore des messages et des exercices.

Une guerre en perspective. Pour clarifier

Le terrain de nos amours. Tapis jetés sur

L’herbe en feuilles. Mobilier de saison.

Petits pieds martelés dans l’or. Pluie

Fine des yeux. « comme le temps est

Court ! » D’aussi près que tu peux me

Déplacer sur ce qui est devenu un damier.

Alternance des contraires. Scènes plutôt

Que romans. « jamais prononcé ce mot

Qui appartient au vocabulaire des jeunes

Filles en route pour l’arrachement des yeux »

Les moralistes donnent leurs leçons à ceux

Qui la connaissent déjà mais ne trouvent pas

Les mots qui se vendent. Romans des prix

À payer pour se croire heureux en ménage.

 

Pattes des vers qui tournoient

Et par conséquent ne trouvent

Pas leur place sur la page / nous

Sommes donc condamnés à ce

Jardin plat comme le dos de la main ?

Nous n’en sortirons pas si toutefois

Nous en avons fracturé le portail

De bois pourri par définition et

Usage.

 

Analectic Songs. Quelquefois en passant.

« n’héritez pas si vous êtes possédé ! »

La page est une erreur de perspective

Comme tout ce qui est facile : c’est en l’air

Que ça vole : pas ici ! / « mais je suis veuve

Voyons ! » Dans la cour de l’immeuble refait

À neuf : l’Ural et sa poussière de ville pas

Encore morte / le fleuve appelle le passant

L’invite à boire ou à plonger : chaise de métal

Incertain / pièce d’or (la première) pas volée :

Reçue : « mais au nom de quoi, nom de Dieu ?

Fiche-la dehors avec les habitantes des lieux ! »

Lieux des colonnes que rien ne sépare.

Vous n’habiterez pas avec les autres si

Vous n’avez pas compris que l’heure c’est

Maintenant. Vers-oiseaux des cimes de la page.

Rien ne danse que l’esprit dans ces conditions.

Mains touchent ce qu’elles ne possèdent pas

Encore. Pièce paiera le retour. En train ou

Sur le dos du fils. « j’avais jamais approché

D’aussi près ce néant qui n’en est pas un

Maintenant que j’en vois le fond » / amie

Des petits animaux / « nous sommes chez

Nous ! Pas chez eux ! » Impossible de rayer

La vitrine sans diamant : la cagoule en sautoir.

« j’ai vu voler bien des vers mais jamais

Aussi haut ! » / Les montagnes sont les seules

Frontières, amigo / Crasse des murs sous les ponts.

Poternes des lieux de divertissement en attendant

La patience. « t’aurais mieux fait de te casser

Une patte, mon canard ! » Pourtant, avec le vent.

Élan rompu par la pluie. Pièce d’or in ze pocket.

Centimes du plaisir à gagner sur l’aventure.

Marches devant les vitrines dématérialisées.

« tu verbes ou tu verbes pas ? » / queue

D’illusions ! Non pas colonne mais queue.

Autre attente qui n’est pas autre chose que

L’impatience : avant queue / romans des

Casuistes de la librairie / « voilà comment c’est »

Ni pourquoi ni avec : prédicants des brasseries

En vue / « t’aurais mieux fait de succomber

À la tentation » / une fois mort on est mort

Disait le voisin de manège / nos petites imitations

De la réalité : données par la hiérarchie dite

« naturelle » par les « meilleurs d’entre nous »

/ ils sont partout : en bicyclette ou en vente

Dans les meilleures librairies / « jamais je n’ai

Été aussi près de l’avoir ! » Mais Pièce-d’or

Changea de poche : revenu à la maison sans.

« t’as pris du plaisir ? » J’en ai. Mais ça n’a

Pas duré. J’en veux une autre ! alors vers

De papa s’envole :

 

Je le savais !

 

avant le mien / enfin : si ça arrive un jour /

 

Couvercles des poubelles familiales.

« Des cends là » / Grottes visitées

Par les instances gagnées sur la

Guerre / Ouvrier aux lunettes neuves

/ compulse les épaisseurs de papier

/ porte le tablier neuf de l’été passé

À profiter des bienfaits de la société

Vente & Achats à toute heure / Peut

Lire dans les livres si ça « raconte »

Quelque chose / « Faut qu’ça parle ! »

Ne coupe jamais le son parce qu’il veut

Entendre les choses l’une contre l’autre

Se frottant pour le bien de la compréhension.

 

« Ne savent pas se rebeller »

Au café sous les branchages

Travaillés au couteau avec

Des oiseaux à chasser mais

Ils insistent : comme si on avait

Besoin d’eux / Détruit le nid

Pour prévenir et ne pas avoir

À courir / Vasard joué à pile

Ou face / « la rébellion est

Un art » / On a beau sortir

Les poubelles tous les soirs

Avant l’extinction des feux

De joie : père et mère au lit

/ avec des projets plein la tête

/ d’un été à l’autre et maintenant

L’hiver : pris au piège de la joie

Comme ersatz du plaisir : morale

S’étiole sur le fil des croyances

« dures comme fer » / Poubelle

Des soirs été comme hiver pas

Un domestique en vue : faut

Y aller seul et croiser le voisin

Joueur de mandoline dans un

Quatuor de danseuses du ventre.

 

« Tu l’as descendu (e) ou pas ?

— J’en sais rien si je l’ai descendu !

— Tu sais jamais rien au moment

Où il faut le savoir ! » / Et l’été

Ne se partageait pas sauf « en théorie »

 

Qui n’aime pas flâner si ya quelque chose à faire

D’autre que de se débiner devant les difficultés

Liées à la nécessité de continuer jusqu’à ce que

Ça s’arrête ?

 

Ne raisonnons pas en philosophe

(songea-t-il) ô Grand-Vent venu

Du large où je n’irai jamais parce

Que je ne suis pas fait pour ça.

— Pour quoi que t’es fait alors ?

— Demande aux enfants ! » //

 

Comme ça serait beau une poésie

Aussi belle que le plafond sixtinien !

Gueule émaillée des retours du travail.

Maruxina / Mira como vengo yo / Au

Café exhibant le béret neuf car celui

Qui a longtemps servi s’est perdu

À Venise : elle et moi et le petit lion

« Comme c’est beau ! » / rêvant de

Revenir chaque été : « Est-ce que

T’as une bagnole au moins ? Je veux

Dire une qui peut y aller… » / Poubelle

Pour éjaculation : « Demande aux enfants »

Ou au petit lion venu de loin pour

S’éterniser là-haut : « On a pas idée

(nous) de penser à des choses aussi…

— Qu’est-ce que je vais dire à ma fille à propos de…

— Tu f’rais bien de penser à autre chose… »

Êtes-vous content (ou satisfait)

D’en savoir un peu plus que les

Autres ? / Qui n’aime pas ses murs

? De qui hérite-t-on du droit d’habiter

Où ça nous chante ? Comme ce serait

Chouette une poésie suspendue !

Juste pour exercer le souffle / en bas

Soufflant entre ses mains pour voir

Comment ça reprend à l’existence

Ce qu’elle a voulu lui confisquer.

 

Ode / et puis quoi encore ! Des bamboulas.

Mais sans tambours ni trompettes. Fonte

Des neiges tôt ou tard. Les Alpes dans la vitre

Et des morts dans les nécropoles / en cascade

Les morts qu’on n’a pas tués : bamboulas

Au tison : les loups surgis du néant où

La pratique du Bien les avait rejetés sans

En tuer l’âme toutefois / aèdes et rhapsodes

Se partageant le butin des spectacles :

« Si jamais tu reviens pas je te quitte ! »

La tentation est grande : le Monde aussi

Est à la portée de l’égotiste / il ne s’y perd

Pas / ne jamais rencontrer / passer outre

/ chacun son verre ou sa pitance / pas

De complaisance mais par autotélie

/ « ne remonte pas avec le couvercle ! »

Croise un chat qui appartient à Catherine.

Voit de la lumière sous la porte. Craque

La marche. Il attend : mais ne l’entend pas.

 

« Comme ce serait beau, Engeli ! » / le ciel changé

Pour le prix d’une chanson ou d’un récit digne

Des meilleures mythologies structurant encore

Le Monde tel qu’on le voit : par écran interposé.

« Il manque une dimension à la réalité » / combien

En reste-t-il ? / le vin coulait à flot / toutes sortes

De vins / menstruels si possible / cratères des éjaculations

À l’entrée / « vous avez l’âge que vous avez / j’en

Connais des plus vieux qui bandent encore »

Friperie à l’encan sur les roofs : ça prend la pose

/ parfums divers mais vus à la télé / « comme

J’aimerais entendre ça ! » / chacun consulte

Son oignon : l’emploi du temps est un principe

/ usage des toilettes / « je ne suis pas venue pour »

Mais vous êtes venue et je vous retrouve / n’ayant

Rien oublié des paroxysmes non verbaux / n’ayant

Rien d’autre à redire / l’été toujours pourri par

La pluie ou les feux : « tout ce chemin pour étouffer

Aussi bien que chez nous ! » / qui suis-je si je n’ai

Pas la chance ? Qui a cessé de me hanter moi aussi.

Quelque chose comme un livre… Pourquoi s’y

Soumettre ? À votre âge ! Avec votre expérience !

Cette connaissance des moindres frémissements

Qui annoncent l’action ! Ne cherchez plus le rythme :

Cherchez-moi. Possédez-moi. Trouvez la poubelle.

Descendez-la. Arrêtez-vous devant le paillasson

De Catherine. Plus toute jeune mais fêtarde.

Bamboulas. Kam-bumbulu. Pourtant dans le silence

De la nuit. Traversant ce Monde entre les guerres

Et les catastrophes naturelles. Entre les êtres.

Caressant au passage. Guettant le vent, la pluie,

Les niveaux, les changements de couleur. Qui

Êtes-vous si vous ne possédez rien ? Sans oublier

Le néant que vous avez creusé sous la maison

De votre père (héritage de la mère) / tristesse

À tous les étages : laissez votre clé au portier

(qui est une portière) / des catherinettes en fleurs

Derrière la grille comme au couvent / « vous

Ah vous n’y songez pas ! Vous n’êtes pas Ezra ! »

Y songeait. Rien de mieux écrit que Molly. Ni

De plus définitif. Monde arrêté en début de siècle

Puis l’ « or du temps » s’est perdu en chemin /

Nous aurons des / petits pirates aux alentours /

Sur les roofs ou les quais : en attente de gloire

/ ou en tout cas de reconnaissance officielle /

Anarchistes au Carnaval des années de joies

Plus liées au pinard qu’aux instances du texte.

Justine et Anti-Justine. Restif à la rescousse. Les

Poètes du crime mis à l’index par des prosateurs

En robe prétexte. Fentes du nombril au creux

Des reins. Au balancier ouvragées. Tenu à un fil.

Rien n’est beau comme ce qui ne l’est pas. Arrgh !

 

« Ma première expérience avec

Le sexe des autres / vous voulez

Dire celui que les autres possèdent

Comme je suis dépossédée du mien ?

Vous cherchez à me faire parler

Pour que je dise du mal de ça /

Mais je ne me souviens plus /

Tout ce que je sais c’est que ça

S’est fini avant / ensuite on s’est

Quitté bons amis / oui oui c’était

L’autre sexe : Oh ! Qu’allez-vous

Imaginer ! Je ne suis pas comme ça ! »

(véridique)

Que se passerait-il s’il ne se passait rien ?

Ou si ça se passait ailleurs qu’ici avec vous ?

Sans famille ni rien à vous dire sur le sujet.

Vous connaissez Nantucket ? Nous aurons

Des romans pour remplacer la poésie.

 

(dit-elle) / l’Histoire sans cesse s’immisçant entre les vers

De l’épopée : « ce qui rend la lecture difficile voire impossible »

Les poids des années puis des siècles : poésie à l’Université.

Chasseurs sachant chasser. Mais Anne ne voit rien venir.

Carcasses abandonnées ou livrées en pâture à la librairie.

Qui sommes-nous si nous ne sommes rien ? Au café sous

Les branchages entrelacés des platanes malades du chancre.

Peignait cette encre de Chine au doigt. Chiures sur le métal

Écaillé des guéridons en rond : la canne aussi, trop vieille

Pour servir encore : son ivoire et ses ciselures : donnait

À admirer plus qu’à voir : ce qui se cachait dessous /

Difficile : entre Molly et Ezra cherchant à exister /

Anne et Catherine au balcon : ni plus ni moins amies

De toujours / à l’Histoire les réminiscences : et les pensées

Du moment : « je te parle d’un temps » : lais grotesque

À la clé du tombeau / « nous aurons » / mais qui n’a pas ?

 

Avant j’aimais les jours de pluie

Pourvu qu’il ne vente pas.

Le vent emporte tout ce qui a

Une certaine valeur à nos yeux.

 

J’aimais la roche battue par l’écume

Et les brisures de coquillage

Pour servir de poème à l’équinoxe.

Mais tu n’étais jamais là.

 

(chantait-il)

 

J’aimais voir mourir le poisson

Dans la flaque aux algues rouges.

Éclats de métal cloués dans le moindre

Plan de roche visité pieds nus.

 

Avant je t’aimais toi même sans la mer.

Je revoyais ce que j’avais connu avant.

Je me jetais en pensée du haut

De la falaise rongée jusqu’à l’os.

 

Mais bien sûr tu ne réfléchis pas

Avec moi. Tu penses à tes petits

Pieds martyrisés par la promenade

Sur le pavé de la belle et vieille Venise.

 

Avant j’aimais la simplicité des choses.

Mais tu compliques les voyages.

Nous allons à Venise sans voyage.

Nous prenons le café au café.

 

Non je n’ai pas connu cette joie

Qui consiste à enfin posséder

Ce que le rêve a cultivé en nous

Depuis si longtemps qu’on a oublié

Si cet enfant était aussi le nôtre.

 

Tsoin.

« La douleur, Engeli,

C’est l’attente de l’heure.

Car me voilà au lit :

Il faut bien que je meure… »

…les couilles au ras de l’eau.

Pieds dans les sables et les galets.

Jolis galets tout ronds

Épars sous la surface

Immobile des eaux

Montante’ en ce temps-là.

Sifflotait.

« J’ai connu mieux naguère :

Avec papa au front

Et maman à l’ouvrage.

Je ne sais plus si j’ai

Souvenir de tout ça

Ou si je me raconte… »

Sifflotait toujours.

Mains aux coquillages.

Fille suivait en minaudant.

Derrière le parapet

Des nonnes en vadrouille

Matinale : « Ça doit vouloir

Dire quelque chose si j’existe

Encore : pas vrai, les amis… ? »

Ne plaisantait pas avec

Les économies à faire

Du côté de la courtoisie.

Changeait sans cesse

De braquet : méconnaissance

Des lieux et de leurs surfaces.

N’a jamais habité nulle part.

Ni même passé des vacances.

Pourtant elle suivait, jetant

Des regards inquiets

En direction du parapet

Où les nonnes passaient.

Brise de terre dans les plis.

Chantait dans son lit

Les jours de pluie :

Le corps flottait ce qui prouve

Qu’il avait coulé avant combien

De temps le journaliste n’en

Savait rien la table voisine

Était occupée par des étrangers

À l’accent venu de loin la fille

Voyait toujours les épouses

En blanc filant à la surface

Du trottoir avec une mouette

Chacune sur l’épaule gauche

/ il ne raisonnait plus maintenant /

 

Calmez la douleur sans ajouter à l’angoisse.

Des fois il se réveille sciant ainsi le rêve et

Ne retrouvant plus le sommeil malgré notre

Science de l’injection : se croyait à San Quentin

// ne rigolez pas si vous trouvez un manuscrit

Dans ses draps / « j’ai vu ça plus d’une fois :

Le type se sentait si seul qu’il proposa de payer

/ et comme j’avais pas le sou… vous comprenez

… ? / des fois on hérite et d’autres fois pas »

Sifflotait en gémissant.

AUM des moments difficiles à passer.

Le corps flottait dans à peine

Vingt centimètres d’eau le

Journaliste avait rédigé ça

À la va-vite et la brise brise

De terre ou de mer ça n’avait

Plus d’importance maintenant

Pas plus que la marée et la

Position de la Lune dans le viseur.

« Ça rime ! » / journal froissé

Sur la table voisine soudain

Désertée : comme s’il fallait

Se retrouver seul avec elle :

Une des nonnes embrassait

Une gerbe de fleurs blanches.

« Où vont-elles ? Je ne vois pas

D’église ni de couvent… » Fuiiittt !

Des Chinois en pagaille : et des prospectus verts.

Il se pencha pour voir le fond : herbes et galets

/ pas de traces de coquillages : « on se perd ici

— c’est parce que tu n’écris plus…

— je vais bientôt mourir…

— encore un roman ! »

Il faut que ça finisse et pourtant il aime ça :

Le monde qu’il connaît depuis longtemps

/ il est revenu : assis sur le parapet avec

Le vent que la terre nourrit de ses rues.

Ou bien c’était le soir avec les moustiques

Et les odeurs du large : ni jour ni nuit ici.

Existence des brises à la place du bonheur.

Couleurs des palettes abandonnées. Sourire

D’une fille en robe blanche le vent dévoile

Des cheveux courts en boucles vivaces /

« je ne suis pas venu pour ça…

— pour quoi alors… ?

— le journaliste parle d’un noyé…

— ou d’une noyée… il ne sait pas…

— la décomposition des chairs

S’en prend à la ressemblance…

— tu devrais penser à autre chose…

Un nouveau traitement… j’ai entendu

Dire : — promesse de journaliste / »

 

Aller au bois et y cueillir

Les fientes du rossignol

Avec ou sans toi mon amour.

Boire dans le wasserfall

Les vins des vignes vierges.

Têtards et fretin des rivages

En spectateurs velléitaires.

Fruit fendu dans les herbes

Ne deviendra pas grand, ma

Mie, ne connaîtra pas la vie

Comme tu la connais avec moi.

Au bois avec mon corbillon

Et mes sandales impossibles

À ôter pour faire trempette.

Le rossignol envoie l’orchestre

Dans les coulisses du temps.

Petit lapin pressé par les aiguilles

Au mécanisme faussé par l’art

De se taire au bon moment.

Comme c’est joli ce qui est joli !

Encore un peu de vin et de victoire,

Ma mie : nous sommes arrivés

À bon port : la mer au bout du fleuve.

Et le bois en partance avec son ro

Son rossignol flûteur de fessées.

Sifflotait.

Comme jamais.

S’étonnait

La gardienne

Des lieux.

Un reflet sur la vitre.

« il veut respirer » / journal entre les mains d’étrangers

Couleur de brique trop cuite / dictionnaire à l’appui

« faites ce qu’il vous demande » / la dame a des dents

De pur ivoire éléphantesque : quand ils sont passés

Avec le corps aux yeux grands ouverts elle a pleuré

/ pas pu retenir larmes de crocodile : des vrais : pas

Des larmes de juge aux affaires matrimoniales : des

Larmes importées avec leur cuir : aussi le fleuve vert

D’algues et de dos : « j’ai ouvert la fenêtre comme

Il l’a demandé » / « vous suivez le rythme maintenant ? »

Cache-misère des mythologies : « mais a-t-on inventé

Mieux… ? — pour dire quoi ? » / c’est joli ce qui est joli

/ entrait dans l’eau avec cette idée que la profondeur

Est limitée par l’usage ordinaire : couilles comme poissons

Et les pies se posaient sur l’étrange rondeur des galets

/ des fois l’herbe comme les pattes d’un crustacé sortant

Pour jeter un œil sur ce qui change le voisinage en série.

« j’ai tellement peur quand tu dis ça : » / mais peur n’avait

Pas : relisait au lieu de changer le vin en eau : pas le temps

De nous expliquer / le temps menaçait de changer avant midi.

Qui es-tu, femme crépue ?

Et toi l’homme de toujours,

Que viens-tu chercher ici ?

L’Histoire pourtant te donne

Raison / mais tu ne sais plus

De quelle pureté il est question

Ici : ni de quel sens de la perfection.

Croix glaives plantés dans la terre

Natale ou étrangère, conquise

Ou perdue / pas d’enfant pour

Le dire aussi clairement que ça.

« C’est l’ennui qui me fait siffloter,

Figure-toi » / ou autre chose mais pas

Ce que je sais du temps pour en avoir

Usé plus que de raison : au travail des

Jours comme en rêve / comme c’est joli

Si c’est joli ! Sifflotait même dans les églises.

À Venise par exemple si elle existe encore.

Mais je ne suis plus sûr de rien, ô rossignol

Des bois si jolis que j’en ai le cœur à l’envers !

Enleva celle qui voulait devenir nonne.

Viola son secret sans l’emporter avec lui.

À la table voisine le journal se laisse feuilleter

Par la brise de terre / cendrier dessus avec

Cendre encore vivace / verres vides maintenant

/ « tu les connais ? » voulant dire : « tu la connais ? »

Il allait vite pourtant.

Il ne regardait pas deux fois.

Il aimait la logique

Et ses analyses.

Se fichait de la mémoire

Des autres.

 

« Ne grimace donc pas

Quand on te parle

De choses aussi importantes

Que ce qu’il faut en penser ! »

 

Brancard non vide au passage des premiers

Visiteurs du jour / « comme on se ressemble ! »

Trouvait jolis visages des enfants sauf dans

Le miroir de sa poussière d’or / « au moins

Nous savons où nous sommes »

Jolis creux

Des vagues

Au reflet

Des lunettes.

Ça me prend

Des fois

Quand je

Mens / ô

« as-tu pensé aux siècles, au millénaires,

Aux ah ! je ne trouve pas les mots ! »

Meubles des poésies / brises pour mesurer

Le temps / en ville nous bousculons le temps

Pour ne pas perdre pied / ici l’eau prend tout

Son sens / éclabousse par jeu : enfant en joie

Et coquillage étonné : peaux ruisselantes /

Gazouille en attendant / dans le lit attend

Et pépie comme s’il avait un jour d’existence

Derrière lui / et devant : la nuit sans fin / amour

Déçu pour prix du labeur dont la trace est aussi

Vraie que n’importe quel aspect de la nature.

Rien ne s’est usé : pas le temps de l’érosion /

Damasquiné par ses excès il s’apprête à rouiller

D’un côté et de l’autre à cesser de se voir dans

Le miroir de sa fée : « nous avons deux enfants :

Un garçon et une fille — l’idéal » comme la pierre

Et ses deux coups / « merci pour la traduction

— mais je n’invente rien !

— pourtant il m’a semblé…

(elle : tu la connais ?

moi : jamais entendu parler d’elle !

elle : ce n’est pas ce que je ressens…)

— oh ! non, vous vous trompez… »

« Mon Dieu que c’est facile à lire !

Mais je ne sais pas le redire… expliquez

-moi ça… » / voyait le rétrécissement

Ainsi que le ralentissement à l’aspect

Gluant des murs : aussi assourdissement

Des gazouillis avec cuculs à l’appui.

Spectateurs descendant des côteaux

Jouxtant ce paradis gagné sur l’attente :

« il est où l’Enfer promis dès la première

Révolte ? »

« Rigolez pas avec ça !

Ça leur fait un mal fou.

Elles en meurent mais

Vous n’êtes plus là.

Imaginez le roman…

Fini la ponctuation

En usage dans les meilleurs

Théâtres de la cruauté !

Racontez-leur plutôt

Une histoire d’amour

Qui finit par commencer.

Vous gagnerez de l’argent

Et aussi de l’estime et même

De quoi alimenter vos propres

Fantasmes / vous en avez

Non ? Tout le monde en a. »

 

« veulent pas comprendre qu’il n’y a pas d’élite

En poésie

À chacun sa gloire /

Entre le lit et le boulot :

À la place des jeux conçus

Pour passer le temps

Et goûter aux joies

De l’ivresse et de l’autre

/ savoir profiter en maître

De cette attente toujours

Passée à projeter le film

Acheté avec le contrat.

Ce que je vous propose est une autre conception

De l’égotisme

Le zinc transporté

Dans les foyers devant

L’écran et ses tactilités

/ avec un gosse en prime

Et la promesse d’un impôt

Plus juste et mieux rejoué

Sur le tapis des normes.

Crrrrr… (dans l’oreillette du Foxhole / Sally volupté)

[continuez]

Vous m’avez promis une retraite avec la maison /

J’ai promis à mes enfants de ne pas vider mon compte /

Si vous la connaissiez : cet instinct de survie comme louve

/ en hiver rôdant autour des hameaux avec les siens /

Crrrr… (cristal) trouvé au cœur d’un galet dans la rivière

De mon enfance : vase toujours noire à marée basse :

La digue en construction puis détruite alors

Que j’étais revenu pour photographier

Avant que ça se perde pour toujours /

Sally conseille de fermer les yeux sur l’épaule

De sa partenaire / Sally et Ezra sur le tarmac /

« je ne suis pas venu vous saluer : renseignez-vous »

Valéry au matin dans son encre comme chipirón /

Les beaux cimetières menacés par les changements

Climatiques : chiffrés mais je n’ai pas dépassé

L’usage douloureux de Bouvart et Ratinet /

Ou : Bouvard et Ratined / me souviens plus

/ des gosses jouaient avec la neige crasseuse

Des trottoirs dans la rue du Commerce : Georges

Pédalant pour démarrer le moteur de son Solex

[continuez]

Interrogeait un oiseau mort : ça me revient /

Qui n’a pas quelque chose à dire à son voisin

/ et pourtant ne le dit pas : ou suggère

Parce que la vérité n’a aucun charme /

[ça devient compliqué : abandonnez la transmission]

Washington, D.C., District Jail août 1948 puis prix

Bollingen : Axis provoqua plus d’une turgescence :

Mais la preuve ne fut pas rapportée : l’inventeur

De la Foxhole débarqua comme prévu : Fuller

Dirigeant le faisceau de son objectif dans le sang

Et distinguant nettement la couille du mollusque

Nommé olivia / genre conus / [rire du musidor

En état de parler] / crrrr… »

Ensuite je suis rentré chez moi

Et j’ai regardé les infos sur mon écran

/ dit l’enquêteur imaginé par

Le poète à la place

Du héros mythologique

Conseillé par Sally

Dans le Telefunken

/ bizarre que je sois seul

Maintenant que la nuit

A perdu son sens / pour moi

En tout cas / loin de toute

Source ou fontaine où revivre

La première rencontre /

Clé des Songes Verts en Prime

*************************

Ratiboisez la chanson foxhole

/ le blind pour le moins chanceux

/ guignard de service au top

De sa forme / qui êtes-vous

Princesse des Ténèbres ?

 

[continuez]

 

Un peu de verdure me rendrait heureux

[il ne retourne pas chez lui : bifurque]

Mais pas en pot ô magie des vitrines !

Pas ces sumacs devant ma porte / carnet

À l’encre de Chine en édition numérique :

Vous rêvez de papier comme si l’identité

En dépendait /

[je perds le fil de la narration

Qui pourtant s’impose aux hasards

Qui déterminent cette existence

De salarié au service du Bien /

Avec Chronique dans les vitrines

/ voulez-vous que je change de position ?

Triangle des visées / je vous calcule

Ça en moins de deux / ramassez

Le blind avant que je me mette

À voir : dans le Teléfunken Sally

Et à l’autre bout de l’Europe

Ezra en pleine discussion avec

Le popolo / eaux gelées du Cocyte

/ Anténore jusqu’au cou : marre

De ces conneries héritées du désir

D’Ordre : vous le voyez maintenant ?

Il rentre chez lui « prenant par le canal »

/ un type comme les autres sauf

Qu’il n’a pas le Pouvoir dans la poche

Ni une parcelle de cet héritage

Si ancien qu’on en a perdu le fil /

« des fois je m’angoisse des fois non /

Paraît que les Suisses ont une solution /

Les Chinois financeront l’intégralité

De nos besoins vitaux : y compris

L’espace : nouvelle patrie avec Sally

Et Ezra au micro : puis le Momo

Tambourine sur son xylo / olivia

Cueillie au passage de la caméra :

Douta un instant de son innocuité

/ puis la rejeta dans l’écume source

De poésie comme d’ennui : conus

En prime : vous le voyez maintenant ?

Traverse rues et écrans sans se soucier

De son apparence : salue flics

Et commerçants d’un même geste

/ sourit aux enfants comme si

C’étaient les siens : pense tirer

Un coup avant de s’endormir /

silence : bruit blanc puis coloré]

 

Nous aurons des… [brownien en cours]

« je ne sais plus ce que je veux / je sais

Ce que je ne veux pas : mais qu’est-ce que

Vous rendez crrrr possible ? / — Qui ça ?

Nous ? »

Suffirait pourtant d’un peu de verdure

/ avec des fruits et des couleurs des ailes

Et toutes les variations possibles du bruit

/ crrrr barques sans bruit au fil de l’eau

/ les dimanches et puis plus rien à glaner

/ [il arrive :] Sumacs des trottoirs : grandissent

Plus vite que mes enfants / devant ma porte

Les feuillages figurant le parasitisme global

/ procédé viral en cours : mais j’ai déjà vu

Comment ça se passe à la campagne : sans

Avoir rien à faire sinon regarder et écouter :

Imaginer le débat de l’homme avec sa nature

Maîtresse des lieux qu’il ne possède plus

Depuis longtemps : et ces conneries de cercles

Qui imposent les idées de justice à l’enfant

Perdu pour la production en série et ses

Applications réglementaires / « me voici

Enfin arrivé » / [monte ou descend] / murs

Toujours perpendiculaires : parallélismes

Des cultes / « quelle place occupez-vous

Dans le concert des cris ? » / un peu de vert

Dans cette politique du rassemblement ah !

Ne me ferait pas de mal : enfin un instant

De loisir sans véritable apaisement : juste

Le sens : jetant l’appât au pistolet à ressort

/ ils viennent et se renseignent / voient le type

Genre Tityre sur la berge : dactyles par six

À la douzaine / Carmelin et Sancho dans

Un bateau : pince-moi avant que je m’éveille

/ au balcon :

 

Tirelire des creux

Et tintouins des vides

/ j’ai la dent molle

À la rescousse / ici

On ne rigole pas avec

La précision : oiseaux

Des feuilles et des eaux

/ où t’as mis ta piécette ?

Sans elle tu n’es rien !

Je t’ai dit : tiens ta langue

/ c’est pas le moment

D’en dire plus que nécessaire

/ cherche-la maintenant !

Voilà le temps perdu :

Une goutte d’eau dans

L’immensité de l’herbe

Qui pousse entre les eaux

/ une piécette qui me venait

De ma famille qui est la tienne !

/ perdue peut-être pour toujours !

Cherche et ne reviens pas sans poissons

Nous avons besoin de manger

Autant que toi maintenant

Que tu sais nager grâce à papa /

Piécette ô ma piécette [d’or

Ou d’argent il ne sait plus]

Je t’ai perdue un jour de joie

/ tombe à genoux dans l’herbe

À croissance logarithmique :

« Notre père qui êtes aux cieux… »

[quelqu’un l’attend en attendant]

Il dit (sur le mode persien) : « Le

Vent emporte le vent et l’âge »

Maintenant il sait et ça fait chier

Papa / [continuez avec Sally

Et Ezra au micro]

 

Alors que voulez-vous j’ai continué comme c’est écrit.

Je voulais devenir riche et heureux de l’être même si

Ça ne pouvait pas durer aussi longtemps que je souhaitais.

J’ai cherché des rythmes sur les ondes et je les ai trouvés.

Je suis toujours aussi seul mais rien ne me rend plus heureux

Que de le savoir au lieu de me demander si je ne deviens pas

Fou à force d’y penser. Ne me regardez pas quand je vous

Parle ! Je ne suis après tout qu’une application comme

Une autre : d’un ensemble sur un autre. J’avais un Solex

Dans le temps : j’ai possédé un tas de véhicules mais ça

Ne me distingue pas des autres que vous êtes : voici

Mon billet pour le Grand Cimetière de l’Infini. Touchez pas

Cette surface. Regardez-la seulement. Fuller dirige le foyer

De sa focale sur l’immensité : plus de coquillages vénéneux,

En automne comme en été. Pas de printemps ni d’hiver.

Rien n’arrive et rien ne s’achève : jamais je n’ai produit avec

Autant de plaisir. Des cons pour actionner la manivelle

Sur l’air de Sambre et Meuse. Comme du temps de Méliès.

Je prends la place de Fuller des fois : le soir quand l’ennui

Menace ma sobriété. Appelez-ça lucidité si vous voulez.

Par le bras je vous conduis sur les terrasses de mes conquêtes.

J’ai une sacrée pratique du viol, vous verrez ! Puis j’oublie.

Comme si perdre son temps c’était ne pas le perdre.

Ce genre de choses. Cet infini ne m’écrasera pas : je

Vais le traverser. Mais pour ça il faut que je sois mort.

C’est écrit dans le contrat. Le seul contrat que je n’ai pas

Conçu moi-même : j’ai laissé faire les autres. Pour une fois.

Alors j’attends que tu reviennes. J’ai mis le Champagne

Au frais. Brisé le cristal pour boire dans tes mains.

[coupez]

Nous ne saurons jamais comment ça a commencé ni

Comment ça va se finir : [mais coupez nom de Dieu]

Mohammed était un homme : il a pu se tromper

(comme c’est naturel) ou chercher à tromper (mais

Pas seul) [coupez avant que ça finisse mal] / Fini,

Je te le dis, le principe de l’arbre à came. Ça va

Faire des tas de nostalgiques, je te le dis. N’oublie pas

Ta mandoline et tes voiles incertains.

[coupez coupez coupez]

 

Vouais vouais

 

Tantôt il se sentait citadin tantôt rue tantôt vitrine

/ comment voulez-vous

Que sans vitrine

La ville respire

/ après tant de siècles

Passés à nourrir l’Histoire

. Les gens à la fenêtre

Sont rares ici, dit-il

. Nous étions attablés

Sous la bâche bleue.

Nous aimons ces instants

De café partagé.

Nous aussi nous respirons.

Le Temps nous étreint

Bien un peu : cette gorge

Que la Guerre n’a pas

Encore tranchée : glotte

Comme un ascenseur

Dans la cage des rites

Quotidiens / vouais vouais

. À part profiter comme

Le permet notre position

Sur l’échelle sociale

… quoi faire d’autre ?

Ne montez jamais plus haut ni n’allez jamais aussi loin.

Lions des jardins où le concept colonial continue

D’encrasser les oreilles de la jeunesse tentée

Par l’aventure des sommets :

Au bois nous n’irons plus,

Sous le soleil d’été.

Au bois ni dans les livres

Nous n’irons pour attendre.

Ça finissait toujours

Par cette solitude

Qui voyait s’éloigner

La promesse de l’autre.

Maintenant la vitrine,

Instrument de l’abîme,

Ne s’éteint plus la nuit.

Nous descendrons ensemble

Pour recompter nos sous.

« je l’ai connue quand elle n’avait pas l’âge

/ mais rien n’a commencé par l’Enfer / ni

Autrement d’ailleurs : manège d’ouvriers

Aux portes de l’été / au bois voulait aller

Mais ce sens s’est perdu : »

Faites chanter le vin

Avant qu’il ne soit bu /

 

vouais / peut-être pas si tôt : le totte du matin /

« ne raisonnez pas comme si vous étiez moi »

Le passage de la logique au taxon : rata la marche

Et se cassa le nez sur le palier du premier : volée

Trop vite / « si j’étais vous je ne dirais pas ça »

Tantôt lui-même, entre déni et fiction, tantôt

N’importe laquelle de ces vitrines de fin d’année /

« votre comédie arrgh ! je l’ai en travers de la gorge »

Descendant le premier venu comme le suivant :

Ces passagers qui nous rendent visite comme si

Nous étions riches : que viennent-ils chercher ?

Étages élevés il y a plus d’un siècle :

Marches changées deux fois dont

Récemment : ainsi que l’ascenseur

Mais pas seulement la cage : perroquet

De nos vieilles habitudes / fientes

Des journaux et pornographie des lieux

: « un jour vous me remercierez, vous

verrez » / comme cela se fait entre

Bons amis : à cette hauteur de la so

De la Société des Amis du Domestique

Emprunté. Vouais et non. Prenez

Puisque j’offre / J’ai contracté le virus

De la rage avec elle : pourquoi se perdre

Dans la forêt obscure du désir

Quand on habite un endroit si charmant ?

 

Introduction quotidienne du petit bout de bois /

Nous n’irons plus / pourtant nous avions aimé

Ces changements : nous avons même ramé

Vers l’amont : luttant contre le vent : harassés

De soleil / ou bien je godillais debout / tourné

Vers la fin en estuaire / une anguille étincelant

À un mètre de profondeur : tu n’imagines pas

La force qu’elle peut développer au bout du fil !

Les coquillages morts invitaient au repos.

Pas un signe de vie à la surface / des noirs

Et des blancs / sans géométrie ni mouvement

/ incompatible avec le regard cette étendue

Que la mer retrouve à heure régulière : vouais

J’étais là aussi mais sans mots pour en dire

Quelque chose de sensé : « pourquoi ici ?

Pourquoi cette Histoire et pas une autre ?

Quelque chose me ronge de l’intérieur »

Je n’ai jamais su si j’y habitais ou si j’en rêvais

/ siècle à messages / sauts des puces sur le sable

/ l’enfant en trouve une dans ses poils / pourquoi

ici ? « je ne sais même pas si ça a de la valeur »

Raison de plus.

 

Pourtant les bois étaient jolis et agréables à vivre.

Des sorcières en rond /

Des flaques comme neige

Des hauts sommets /

Les miroirs de l’eau en l’air

/ qui a perdu les vers de Sappho ?

Poisson sans écailles au feu de bois.

Chair douce et langue dehors.

Ces épines au passage /

Bras nus des réfractions sauvages

/ qui n’a pas écrit quelque chose

De sensé sur le sujet ? / la mer

Dépose son sel sur les piliers.

Ou bien tu désertes les lieux.

« Aller au bois est une mauvaise

Habitude il faudra que ça te passe

Sinon tu ne deviendras pas celui

Que je ne suis pas / »

Vous refermez la porte du salon.

L’odeur du tabac dans les rideaux.

Les noirs de la bibliothèque. Orages.

Façon Courrèges une casquette

Portée sur l’œil : le shoot sur le gazon

Et la proximité des fenêtres d’azur

Volé comme lettre à l’imagination.

Quelle extase ! Nous en sommes tous

Là. L’ivresse ou la dure réalité des jours.

Comptant sur le sommeil pour habiller

La Nuit. « vous le savez, vous, qui

a perdu ces vers ? » / si je le savais

Ah vouais ! mais je ne sais rien d’aussi

Précisément possible et à la lettre /

Le tram et le grison. Roman à faire.

Des fois je suis ce que je suis et des fois

Non. Toutes les scènes de Iago coupées.

1097. Dit la préface bien renseignée /

 

Coupez le son et n’interprétez plus.

Désaturez l’image jusqu’au noir.

Vous ne pouvez pas déconnecter

Sans perdre les sources : alimentations

Par signaux / nous communiquons aussi

Par virus interposés / un coup frappé

Sur le plancher ne perd pas son sens

/ voisin impatient le vendredi / nous

Allons au bois cueillir des / qui n’aime

Pas ses murs : tantôt lui-même tantôt

Mur / voire murs / plans non sécants

/ forment l’habitat / imitation d’un bois

Au croisement des façades : chaisière

En poste depuis toujours : semble-t-il /

« depuis combien de temps habitons-nous

ici ? » / ou : à quel moment prononce-t-on

Le mot jamais ? Nous allions pour revenir

/ jamais le contraire / heureusement il y a

Des vitrines pour abriter nos personnages

: déni et fiction à tous les étages / rata

La première marche à la hauteur d’un regard

D’enfant : « dis-moi si je chante bien » /

Pas chanter : exister / pléthores de messages

Sous prétexte de poésie / « je n’ai jamais su

si tu dis vrai » / trouble psychique / aucune

Ligne de composition : va au bois comme on va

En vacances avec les siens / ne cherche pas

Plus loin : dispute des partisans du commerce

Avec les tenants de la joie / pas plus loin

Que le bois ni plus haut que l’étage /

« bon sang chéri ! qu’est-ce que nous avons

perdu toi et moi ?

— Sappho. »

 

vouais vouais vouais

/ repose le verre et allume sa clope :

« c’est déjà fini » / évoque un vieux film

Qu’il n’a pas revu depuis longtemps :

Il en sortait avec l’envie de recommencer.

« pas eu le temps de » / ni celui de penser

À retrouver le premier sens donné /

vouais vouais vouais

ou bien s’agissait-il seulement de le prendre

/ dans ce cas qu’est-ce que j’ai perdu ?

/ moi qui me souviens de tout mieux que Marcel

/ séjournant dans la bibliothèque aux cuirs

Craquelés comme des Bosch / finement /

Séparé du jour par les fenêtres / cadavres

Alignés comme après la bataille / jamais

Plus aussi proche d’en finir avec cette angoisse

/ « ça se passe comment pour vous ? » /

Je l’ai eu su / naguère au bois en toutes saisons

/ riant comme un mort / « vous n’allez donc

plus au bois » /

vouais vouais vouais

Bouffée sans conviction : on dirait que la braise

S’amenuise / l’auriculaire en crochet / détails

Pour une future mise en scène de la déconfiture

: des fois qu’on me demande d’exister avant de /

« vous voyez ce que je veux dire » / vouais vouais vouais

 

Ensuite ? / Ensuite on est remonté

Et on s’est couché dans le même lit

Parce qu’on a une seule couverture.

Sinon on a deux lits et deux lampes

De chevet / avec livres et manuscrits

Autographes / pas riches mais royaux

/ « je crois que le temps est venu de vous remercier

De m’avoir écouté / »

Vous aimez ?

Ancolies des fossés et des talus.

Jambes nues dans les herbes.

Laissez-moi rêver avec vous.

Ne sommes-nous pas heureux ?

Oubliés les aïeux, les semblables.

Le sceptre et le godemiché.

Montez sur ce trône et trônez !

Vous souvenez-vous de cette fraîcheur ?

Quelle source n’y coule pas ?

Vous avez tant écrit pour ne rien dire !

Et si peu pour exister avec moi.

Cueillez le fruit de nos amours

Et épousez sa promesse d’avenir.

Sally.

 

« vouais vouais vouais

Je me souviens de ça de tout d’elle de lui du bois

/ écrivais des lettres / entre les murs / des lettres

Comme personne n’en a jamais écrit / tramontane

À l’appui / quelle domesticité me servait alors ?

Hidalgo en quête de terre / pourquoi cette hiérarchie

Inspirée (que tu le veuilles ou non) par l’idée de Dieu ?

N’en parlons plus si vous voulez / un fond de bouteille

/ et ce mégot / nos spectres dans le miroir / le torchon

Du bartender essoré au-dessus de l’évier / je n’ai plus

Rien à dire à propos de ce bois : je peux revenir

Si ça vous chante »

 

Bois des gravures.

Empilement en coin.

Jour s’y fragmente.

Dos courbé en ombre chinoise.

Mouches des rideaux.

« vous ne saurez jamais »

Nous avançons à tâtons,

À moins de ne pas être seuls.

Plaisir de la compagnie.

De la foule. Du tout en marche.

Nous finissons non pas dans la poussière

Mais au sein même de la masse.

« Comme c’est joli ce visage serein !

J’aimerais en posséder un comme ça !

Je n’ai jamais eu de chance avec les hommes.

Des fois je me dis que je ferais un bon poème

Et d’autres fois j’ai du mal à me regarder

Dans vos miroirs oh mon Dieu que de miroirs

Ici ! / avec vous et sans vous : ces miroirs ! »

 

Au rendez-vous des fées le mycélium en rond sur le chemin

Qui mène de la maison aux coteaux couverts de neige

En cette saison

Arpente sans perdre de vue les nécessités

Mais ne se retourne pas pour recevoir

Les adieux prémonitoires « un jour tu

Mourras au milieu du troupeau : l’esprit

Occupé à trouver une place parmi les fées :

Mais les Convaincus et les Hypocrites

Forment le seul Cercle invitant au repos.

Encore l’hiver et ses matins de nuit sur le gazon et les dalles.

Qu’est-ce que tu attends pour atteindre le printemps

Sans eux (elles) ?

On ne franchit pas si facilement les limites

Du prétexte : si rien ne t’a convaincu ni si

Rien ne t’inspire la manipulation : quelle

Philosophie refait le monde à ta place ?

Dehors le plancton des jours qu’on appelle nuit.

Bon air pour l’intérieur que tu sors pour aller aux champs.

Le chien suit sans intention de découvrir le monde

À ta place.

En haut les vieilles cheminées

Qui ne fument plus depuis

Longtemps : les toits sans tuiles

Aux bois rongés par la vermine.

Clame ton innocence et retourne

Au cœur même de la vitalité.

C’est ce que tu as de mieux

À faire : ne crois pas, ne jalouse

Pas, établis la liste des choses

À faire avec ou sans les autres.

De la nuit finissante au midi qui s’annonce :

Les travaux ordinaires et la goutte qui fait

Déborder le vase : quelle étrange solitude

Ce dallage d’illusion ! Existence trop longue

Maintenant que tu y songes. Mais quelle fin

Étoiler ? Sans Dieu ils ne sont plus rien. Sans

Fictions on ne les voit plus jouer aux plus fins.

En quoi consiste ton honnêteté, filius ? Quel

Signe laisser sur un mur destiné à l’érosion ?

Et pourquoi le laisser si jamais tu le trouves ?

Là-haut des pièces inhabitées

Sous le ciel bleu ou gris, portes

Couchées dans les solives et les

Lattes de châtaignier : petits

Animaux aux aguets : jamais

Le feu n’a détruit cette occupation

Des sols : seul l’abandon donne

Une idée du temps qu’il a fallu.

Aux poutres suspendues les casseroles de ta percussion.

Jamais autant apprécié le silence qu’en ces heures

Crépusculaires. Sur l’écran de la pierre moussue :

Les scènes où Paris se peuple d’illustres en puissance.

Le troupeau est là, quelque part, dans la lande

Couverte de ronces et de sauvageons. Le soleil

Le dira : à midi, le regard se porte sur l’horizon

Du soir. Toisons vues de près au pinceau seulement.

Émail des rouilles dans l’herbe

Et sous les folies d’une patine

Sans fortune. Que crois-tu qu’il

T’arrive ? Qu’as-tu prévu pour

Demain ? Et pour ces autres qui

N’existent plus qu’en personnages

De ce qui finalement ne sera pas

Comédie ni tragédie : trop pensé

À la fin : alors que tout se passe

Entre les actes. Comme s’accrocher

Aux ailes des erratiques habitants

De l’histoire qui ne sera jamais

La tienne. Passereaux et arondes

Au vertige du jeu conclu avec le temps.

Il n’y a pas de juste milieu, ni d’extrêmes d’ailleurs.

La nouvelle ne s’extrait pas du jour ni de la nuit.

Passant sous les arbres pour aller conquérir l’océan,

Tu nourris tes sens de ce que la connaissance

Envisage pour toi.

L’existence est un suicide

Et le temps la seule vie.

Ne cherche pas dans les ruines.

Il n’y a rien à glaner ici : dommage

Qu’il faille au moins travailler

Pour ne pas mourir de faim /

Dommage que ce soit l’autre

Qui paie. Sans l’autre tu n’es

Rien. Ou alors avec l’animal,

Comme à la télé. Frontières

Mises en scène pour amuser

Les enfants et ceux qui le sont

Restés. Bouge-toi pour produire

Des flux utiles à l’économie.

Seules les ondes transportent

Les signaux. Mécanique de la

Transparence. Le troupeau

Ne t’appartient pas : emprunte

Ce qui manque à ton lit de rivière

Destinée aux relations maritimes.

Bien sûr c’est agréable ces matins qui reviennent

Vêtus comme le veut la saison. L’air revigore l’impatient.

Personne dans les rues mais des fenêtres éclairent

Les gazons. Yeux miroirs des animaux. Becs à l’usure.

Pénétrer en coup de vent dans une de ces maisons

Et y prendre le plaisir si jamais il s’y trouve. Sans calcul,

Impensable. Or tu ne crois à rien. Tu ne veux même pas

Savoir. Ce que tu donnes est à vendre. Et ce que tu achètes

Ne t’appartiendra jamais. « mais où trouves-tu les mots

qui me manquent ? serais-tu fils de tes fées ? fougères

de tes errances. je ne sais plus si je t’ai épousé »

Là-haut le troupeau attend

La fin de la nuit sous les arbres.

En bas les eaux ruissellent avec

La pluie. Main arrache cresson

Au passage. Œil voit poisson

Immobile dans racines. Sexe

Exige. Qui peut deviner le soleil

Sous la Lune ? Alors que la Lune

Traverse le ciel des jours. Là-haut

L’homme est mort. Il ne reviendra

Pas. Il s’accumule en bas, dans les

Creux. Son haleine monte jusqu’ici.

L’herbe en porte la trace. La toison

Aussi. Le gigot sur le feu s’en souvient.

Les abeilles en parlent en sourdine.

Le chemin ne s’est jamais fini avant.

Il ne sert plus à rien s’il ne pose plus

Cette question de toujours. Moteur

Tronçonneuse déchire la toile tendue

À même le ciel du coup sans étoiles.

Il n’y a pas de livre pour en parler simplement.

D’ailleurs on ne parle plus ce langage depuis

Que la langue a perdu son accent : la logique

Qu’on a finalement confondue avec la raison.

Rien de plus logique pourtant que l’esprit

En proie aux folies de la fiction et du déni.

Mais tu t’en fous : c’est fini : tu as joué :

Les dés se sont immobilisés : le cornet change

De main : siffle dans le verre : regarde

Par-dessus le rideau : anneaux de la tringle.

Tu n’es plus là où tu as été : la jeunesse

S’en fout : la tienne et celle que tu ne conçois

Pas : sans cette pluie

Le dos ne se courbe pas

En allant aux commissions.

Gouttes tombent des nids

Et des génoises. Visage

Mouillé sous le parapluie.

Flaques de l’enfance dessous.

Commence par jouer puis

Apprend. Tente de retrouver

Le jeu entre les travaux. Mais

Pas facile : sexe et estomac

Exigent. Exige aussi la compagnie

Et les possibles héritiers.

Prend le temps de trinquer

Puis revient se positionner

Sur la ligne : pas de troupeau

Depuis : des bits et des mégas.

Folle ou fou raconte comment il ou elle a perdu le fil.

Romans des modes. « pourquoi ne pas se souvenir

des meilleurs moments ? qui n’a pas rêvé de repartir

pour un tour ? religion aide. saloperie aussi. mais

tu n’as jamais voulu me comprendre ! » L’un ou

l’autre écrivant et voyant le livre se parer d’un titre.

Rien de plus que Molly au travail.

Éjectant le texte elle se sent homme.

Lui aussi est un homme et il narre.

De qui sommes-nous fils ou fille ?

Ou ni l’un ni l’autre mais soi ?

Dans les hauteurs les traces de ce qui a été :

Pour le malheur des uns et les approximations

Des autres. Pollen bleu dans les ruches. Morceau

De châlit. Épars le crin sur les rebords de pierre.

Pas de brique ici. Le feu ne se signale que par la suie

Des murs. Quels meubles ont-ils abandonnés avant

De ne plus revenir ? Nous disparaissons ainsi : perdant

Le fil de la narration initiée par l’enfant. En haut la Cité

Dicte l’illustration pour ne pas disparaître sans laisser

De traces. Qui n’a pas vendu ni trouvé les moyens

De s’acheter une place au cimetière disparaît sous

Terre ou dans les bois où nous n’allons plus pour

Trouver du nouveau.

Invente sa propre tragédie

De toutes pièces ou s’inspire

De la rencontre de la douleur

Et de l’alchimie : à relire un

De ces jours mais d’un trait :

Jouant la page sur le tapis

Sans rideau ni orchestre.

Le cerveau enfin travaillé

Au virus ou à la bactérie.

Dernier moment vécu avec

Divers charmes naturels.

Spectacle donné par des nerfs.

Puis redescend avant le soir, laissant le troupeau

En haut, bâton sur l’épaule, voyant les chevaux

Sauvages le voir, immobiles mais frémissants,

La terre en pente transmet ces sourdes vibrations

De sabots, le monde vient de perdre son horizon.

Et entre la verticale et les obliques : la Lune revient

Et sa lumière irise les crinières : « n’oublie pas que

tu as un enfant » / même deux si ta joie me concerne.

Le jour éreinte les meilleurs

Et redonne les plus faibles

À la nuit. Qui se suicide après

L’échec de la représentation ?

Qui s’acharne à redonner un sens

À cette existence devenue soudain,

Le temps d’une lame de rasoir,

La vie même. « je suis votre nouveau

voisin. je n’ai pas l’habitude des femmes

mais la vôtre éclaire ma nuit

d’un jour nouveau »

Un jour tu donneras tout et personne n’en voudra.

Croire, avoir et mystifier : tu n’as jamais été alors

Que le moindre animal existe. Qu’est-ce que pour nous

Ces fleurs en bouquet ? « vous ignorez encore comment

Je me nomme : sur ma porte pourtant » / l’escalier

Ou la pente / les marches ou la terre / rives ou trottoirs/

Qui se donne la mort après l’échec du spectacle proposé

À la ville ? Qui n’y pense pas en regardant ses prés ?

« j’étais marin avant de d’ouvrir cette boutique »

Le chien se laisse caresser. Le feu comme seule

Lumière le soir. Le feu aussi de la vigne distillée avec

Soin mais pas sans compagnie. Le chien naturellement

Recherche le sommeil : sans toutefois perdre de vue

Le fil. Personne ne frappera à la porte. Un enfant gémit

Comme à l’agonie : nous n’avons jamais autant gémi

Que par les temps qui courent (modernes) / « vous

laissez votre troupeau à la nuit ? »

c’est le matin

que j’attends.

Rien de plus

Sain que le matin.

Voilà mon hygiène

En attendant

De sentir plus

Mauvais que vos

Pieds, forastero !

 

« Tout le monde n’a pas un grand-père

Pour choisir le pays de son enfance

Ah merde de pays où je suis venu mou

Venu mourir avec sa langue morte ! »

 

Tourisme éditorial et ses autoclètes /

Aux portes de la Cité cadres et ouvriers

Se disputant les outils de la Perfection

/ « gravé dans le marbre : peuvent pas

En dire autant les adeptes de la pureté »

Existence sur les rails de l’idée commune

Qui passe pour un culte de la démocratie

/ « tu descends de ta sierra avec l’argent

De tes toisons : chaouchs devant les portes

/ ce qui est pur ou tend à l’être

Ne peut en aucun cas être parfait :

Arc de triomphe pour un trucage

Indigne du cinématographe /

Pourtant » drapeau claque au bout de l’avenue

/ écoliers préfèrent la vadrouille aux études /

Les épargnés redonnent la leçon des morts /

« descendu en un temps où le monde colonisait

Le monde : j’ai vu le moment où j’y laissais ma peau

/ plus d’enfants, plus de femmes, plus de travail

Au paradis : » / à Paris les autoclètes des Lettres

Exigent des waters en marge de la librairie où

Ils poireautent : jalousie contre jalousie / hypocrisie

Contre hypocrisie : parlent trop d’eux-mêmes

Sous prétexte de lire à haute voix pour être

Entendus et par conséquent pour être lus (achetés)

Coule la Seine et ses cadavres / « tatie peignait

Des utrillos sur des assiettes et des poulbots

Sur des isorels » / Dans le sud : famille de vendus

À la cause nationale au détriment de l’héritage

Arabo-andalou : cette idée d’une Andalousie

Qui aurait pu être la seule Colonie acceptable

/ la laine se détachait par poignées et le cuir

Sentait la cervelle / « grâce à qui si tu sais

Des choses que si je les savais ah si je les savais !

C’est qui qui a inventé la boîte de conserve ? »

Dire que des familles n’ont jamais passé la limite

Imposée par la tradition /

Si j’aime je prends

Si non je te le laisse

Mais si c’est une fille

Je te la donnerai

 

Je donne tout des fois

La nuit comme le jour

Pas le temps de rêver

Je suis français de souche

 

Fils de la fille je suis

Avec des lois d’airain

Et des vengeances froides

Je suis fils de ma fille

 

Mourir n’est pas facile

Mais qui ne meurt pas tue

Voyez comme Laforgue

Devient frenchie de chic

 

La France en général

Se vend pour acheter

Sa banlieue chic s’étoile

Ses zones s’ensoleillent

 

N’allez jamais plus loin

Que le père ou crevez

Dans un combat aliène

Sans héros ni futur

 

Hijos de pastores

Aquí no se vive

Dejad sus amores

En lugar seguro

 

Même le meilleur des poètes a rêvé de coloniser

Les zones où perfection et pureté nourrissent

Le rire de l’homme en proie à ses évidences /

Bamboulas d’une forêt à l’autre sans alizées /

La pensée connaît l’inconnaissable sans Dieu /

Et l’esprit joue avec le feu donné par les orages

/ descendu de sa montagne de Juif, d’Arabe

Et de Phénicien (ou n’importe lequel

De ces peuples)

Il veut des enfants heureux et il trouve la femme

Qui les lui donne / comme il les donne à cette terre

Où l’épée est la seule croix / misère de l’intelligence

Ici-bas : toute la Méditerranée rassemblant ses passagers

/ et Paris proposant ses autoclètes au tourisme éditorial

/ des nuées de tacherons lécheurs de vitrines le soir

Après le turbin des jours / lui avec son mouton sur ses

Épaules de volontaire / transportant l’anarchie dans ses

Poches / bavard le Français n’apprécie pas la prosodie

Visuelle / sur le zinc ou devant la télé / dans son jardin

S’il a la chance d’en posséder un / aligne des vers comme

Des bouteilles à la consigne / « l’idée c’est… » au ministre

Venu pour inaugurer / « nous avons la même idée de… »

« je te fais poète poète tu me fais poète poète » / mais

Quel mouton n’a pas vécu son enfance en agneau ?

 

« j’ai ça dans la tête

Et ça me turlupine

Ah c’est la maladie

De papa et maman !

 

Des fois ça rime et des

Fois ça n’a pas plus de

Sens qu’un coup tiré en

L’air où l’oiseau n’est plus

Ce qu’il était du temps

Que je savais jouer

Avec des riens trouvés

Dans le grenier des ans.

 

J’ai ça en dedans

Le jour la nuit

En rêve et au travail

Ça me rythme la vie

Et m’apprend le solfège

Sans effort à la clé !

 

Des pasteurs à la pelle !

En barque et par les airs !

Des courriers dans le tri !

J’en bois et j’en titube

En allant revoter

Pour exister encore !

 

Chantons mais sans guiboles !

Dinguons mais sans musique !

Jouons les fées des berceaux !

Faut perdre le rythme des chansons !

Plus de bourrées ni de rock !

Saoulons-nous en silence !

Profitons de l’ivresse

Avant confessionnal ! »

 

Marmaille dans les jardins / culs posés sur les bancs

Avec son mouton et sa laine en péril : il passe pour

Un pédophile ou un amateur de femmes au foyer.

« puisqu’on ne tient pas le même langage vous et moi ! »

Jadis il se laissait aveugler par les façades bleues /

Revenant des hauteurs où la neige persistait sous

Les oliviers : il prenait le temps de cligner des yeux /

Il se voyait dans le lit / plafond ouvert au ciel /

Les chevrons de châtaignier en torsades savantes

/ « d’où viens-tu si tu existes, hijo ? » / mais l’oubli

Sert de fourreau au patriotisme / « non, pas de barque

Ni de voile dans les embruns du soir : mes pieds

Et le poids de mes possessions / mes poches

Et mes épaules / ne suivant rien ni personne /

Je sais ce que je dis » / toujours le saura / mais

Pour le dire ah/ ça c’est une autre question !

« les mots à la place de mes coteaux ? » / lièvres

Fous entre les lentisques / enfant tu courais après

Eux avec les chiens : maintenant tu colles ton front

Sur la vitre / cristaux / buée / personnages vus

En plongée / caméra ne tourne plus : mémorise :

L’image change de nature / comme j’ai troqué

Ma terre contre une poignée de sel / privados

Erán / y tú : servidor / criado, mozo : ni dueño

Ni señor / « vete a ganarte la vida, hijo » / marin

Non : caminante : promeneur non : voyageur : non

/ déplacé / quel vent persien ? quel âge persien ?

Quelle chronique du Bien et des Aléas ? quelle

Histoire ? / lèvres grasses de l’autochtone adapté

Depuis longtemps / l’outil sur l’épaule considère

Ton mouton d’un mauvais œil : je suis romancier /

« moi non plus ! » / ne touche pas l’épaule / ne

Fouille pas la poche / prend la photo / « tourne-toi »

Des chaouchs de bas en haut : selon salaire : gilets

De domestiques selon couleur : « d’où viens-tu ? »

Tu sais que tu n’as pas d’âge / alors venir de

Quelque part / « comment que tu t’appelles

Si c’est pas trop te demander ! » / là-bas (nommons

Désormais les choses par leur nom) la pluie rend

Aux murs leur bleu ancestral / la pluie a trouvé

Le moyen de rendre le blanc aussi transparent

Que l’eau / porte ouverte ou il n’y en a pas /

Sur le seuil le balai est composé d’un manche

D’oranger et d’une barba de moro / dingaling

Du marchand / « on s’est connu là-bas : souvenez

-vous » / des idées à la pelle comme leurs feuilles

Ramassées en chanson plutôt qu’au fil de la poésie

/ peuple des surfaces cultivables / abandonne ses

Forêts où nous les avons laissées : invincible armada.

Invincible amada : veut-elle des enfants de moi ou

Mon argent : contre le prix d’un mouton aux pattes

Noires / ne comprennent rien à la Vue / ni à la Voix /

« faut des idées sinon faut les inventer » / un vers

Par page finalement : et des pages blanches en pagaïe

/ ça rame sur bâbord ou tribord avec bonne conscience

Au taquet ou à la gueule / « qui est-elle ? » / mouton

Avec Pathelin ou Panurge : flatteurs et béni-oui-oui

/ « voici le portrait de la belle

— Mais ce n’est point une lady ! »

Là-bas / là-haut /

Nous possédions un bien

/ nous nous aimions malgré tout

/ nous connaissions cette existence

/ mais le soleil / les coupes rases /

/ les Colonies / le sang mêlé /

/ les chaînes / les naufrages /

/ les comédies / les tragédies /

/ les farces / les entremeses /

/ toi / moi / le feu gagné sur la pierre

Et la pluie perdue en chemin / mouton

Je te vends / j’ai la poche et mon épaule

N’en peut plus / j’ai trouvé une femme

Ici / plaisir, tendresse et l’avenir / mouton

Du passé : comprends-moi / je suis verde

 

J’ai retrouvé la jeunesse

Grâce à vous, docteur !

En fait je n’avais rien perdu

Mais vos dons alchimiques

M’ont révélé ma richesse.

Je suis venu sans rien

Sur l’épaule (mouton

Symbolique) et sans celle

Que j’avais aperçue après

Les jeux de l’enfance.

Je me souviens de ça

Comme si c’était hier.

Si tu n’as pas le vocabulaire

En tête, retourne d’où

Tu viens, pastor de tu madre !

Je ne sais pas comment

Vous remercier et vous aimer,

Docteur en médecine et en

Un tas d’autres choses que

Je n’en ai pas idée, ô Père

Qui prend la place de mon abuelo !

Comme c’est riche ici !

Et ça soigne du mal !

Ça fait du bien aussi !

Hélas je ne suis pas

/ pour vous je ne suis pas

La femme de vos rêves /

Mais j’ai bonne toison

Depuis que je bois avec vous /

Et mon cuir a du chien

Bonne fidélité et morsure

Sans dents / ô docteur

Des rues et des usines

Où la plage est en vente !

Bénissez et curez cet anus !

J’en viens et j’y retourne

Comme si j’étais né / ici !

 

Entre l’alchimie de la douleur

Et les illuminations du verbe :

Pas de place, ni un interstice

Pour retrouver l’anus des premiers

Plaisirs solitaires / observation

Tranquille depuis des années

D’une interminable transition

Entre l’idée et ses applications

Dans la vie quotidienne / parce

Qu’il y en a une et elle prend

Toute la place : je t’écris dans

Dans mon matelas doublé

De mouettes et d’autres promesses

Non tenues. Ne te formalise pas

Si je te dis que les enfants (les tiens)

Sont bien où ils sont : ici le ciel

Prend autant de place que l’eau.

Je fume un mélange aromatique

Qui me rapproche des autres,

Surtout à l’ouvrage commun

Qui amenuise nos esprits autant

Que nos corps / je n’avais jamais

Vu d’hommes d’aussi près /

L’ambre des reflets que les yeux

Posent sur moi m’inspire /

Pas de draps mais un sac qui

A appartenu à un mort en héros

/ odeur moins forte que la mienne

/ nous n’avons pas perdu la côte

De vue : une autre côte apparaît

Quelquefois mais je ne sais pas

Dans quel horizon / nous croisons

Des touristes nus / peu d’épaves

À cette distance : je les cherche

Du regard si on m’en laisse le temps

/ je ne sais pas ce qui m’a pris

De conclure ce voyage retour

Compris / nous en sommes tous

Là (me dit-on) pour une bonne

Raison : manque de maîtrise ou

De connaissance des lieux / le temps

Se charge du reste / temps et lieux

Et rien d’autre à se mettre sous

La langue : les chansons reviennent

Porteuses de traditions bien utiles

Mais sans autre saveur que l’amertume

Des jours et la panique des nuits /

Ceci n’est pas un voyage :

Je le précise

Au cas où tu t’imaginerais

Que j’en ai conçu l’itinéraire

Ou que j’ai pris le temps en marche.

Je n’ai rien pris ni conçu, princesse.

J’ai à peine profité d’un instant

De lucidité : à la faveur d’un quai

Qui m’a paru tranquillement posé

Sur la mer / sans cette terre que tu

Nourris de ton sexe et de tes projets

Professionnels / j’ai cru être moi /

Je ne dis pas que je n’y crois plus :

Précision / tentation de me jeter

À l’eau pour aborder un yacht

Et saisir à pleines mains ces autres

Mains qui connaissent les limites

Du jeu mieux que moi : seins tendus

Jamais tranquilles et ventres plats

/ sauf les jours de pluie que le vent

Ne se prive pas de retourner contre

Nos attentes / veux-tu que je te dise :

J’aime cette existence à défaut

De l’avoir gagnée sur la tienne /

Lettre coupée de quarts chaque

Fois que le calfeutrage suinte et

Laisse cristalliser son sel : l’amour

N’est plus au rendez-vous des fées.

La poésie s’étire de paresse ou de :

Lassitude / ne deviens pas la prose

De Troie / pas de cheval ici : armure

De toile dure que l’embrun saccage

/ méthode de la lenteur / fumées

Aphrodisiaques ou hallucinatoires

/ la journée hachée par les heures

/ les tambours sans messages :

Il n’écoute que le frottement des

Poulies : le claquement des câbles

/ les saisissements de la coque et

Les ravissements de ses fantômes.

Quelles antistrophes dans l’écume !

Ces allers-retours finiront-ils par me

Rendre à la terre ? Zinc des repos

Bien mérités / l’intervalle aux putes

En âge de concevoir : selon obsession.

Lit ou trottoir au gré de la chance qui

(comme tu le sais à mon propos)

Tourne ou ne tourne pas : résiste

Ou se laisse emporter par les vortex

De ce qui n’a jamais été une passion

(loin de là et loin de moi cette idée !)

Enfin : tu existes. Mes flacons de sperme

Patientent dans la neige. Je ne vieillis

Pas. Je ne m’use pas. Je n’ai même

Jamais autant existé que maintenant :

Cet aujourd’hui qui attend les soirs

Dans le miroir des creux / belles mouettes

Prenant le vent / la pluie est douce

Souvent, rarement plus réaliste que

Toi. Puisqu’il est impossible de monter

Au ciel en bateau et que celui-ci

Ne m’appartient pas : c’est l’horizon

Qui me conseille les profondeurs /

Nous sommes conçus pour en mourir

Vite : une minute mais est-ce l’angoisse

Qui s’en mêle ? Les poissons morts

Retournent d’où ils viennent, inutiles

Ou non standard / n’ayant pas de

« spécialité » : je manœuvre dans le sel.

Mais la mer ne me laisse pas le temps

De me dessécher comme une momie.

Et même dans la lorgnette aucun mythe

Ne signale les limites du jeu : le sang

N’aime pas le sel / et je ne tournoie pas

Avec les épaves comme tu le crois

Encore / écrasement des chairs sous

Le couteau puis fentes jusqu’aux doigts

: le métier : il en faut un : on ne le trouve

Pas : on prend ce qui appartient aux autres

: où on l’achète si Dieu le veut : dieu patrie

Des douteurs / des ergoteurs / des bavards

/ dieu souche nationale / dieu sacrifice

Et mérite / mais au large Dieu n’existe

Plus : il ne reviendra pas en explication

Sensée / Tu ne m’attends plus sur le quai.

Les vitrines sont éteintes. Les balcons

Déserts. Les rues disparues. Les enfants

Au lit. Rien n’est plus comme avant.

Et je t’écris pour ne pas écrire /

Pour ne rien dire qui puisse meubler

La solitude d’une inconnue aux yeux

De braise / bamboulas des tisons mais

Sans loups à la rime / fenêtres de verre

Gagnées sur les cadavres patriotiques

/ l’horizon conseille les profondeurs /

Je n’arrête pas de me le répéter mais

Je suis à l’heure : on peut compter sur

Moi à bord / on connaît mon nom /

Pas de perroquet sur l’épaule ni de trésor

En tête / aucun crime de sang en perspective

/ rien sur la vengeance / ni sur le remords /

Aucun ami à informer / des voisins « charmants »

/ je ne suis qu’un personnage en quête

D’achèvement / jeu des bielles grasses et

Têtues / ce cognement incessant dans le coussin

/ tu ne connaîtras jamais ça / alors plus

D’enfant s’il te plaît ! / plus de prétexte

À continuer ce que les autres savent mieux

Que nous /

Ezra à Sally

Lettres de mer

Extraits choisis

(par qui ?)

 

Quels déchirements de pages dans le vent !

Mieux que par le feu ou les influences de l’eau !

Terre des grattements / la nuit quand personne

N’est là pour en témoigner /

 

Nous savons chanter

Alors chantons !

Rien de mieux

Que ces métronomes

Pour enfoncer le clou

Dans la tête.

Inspire la danse

Et danse toi aussi.

Nous sommes nés

Pour revenir

En héros vaincus

Par la douleur et le verbe.

 

« ça va finir par de la mixture en pot de verre ! »

Chasseurs passants de bon matin fusil sur l’épaule

Et cadavres à la ceinture / bois sans soif sinon crève

De peur : donne-toi en spectacle : ça leur servira

De leçon ! « qu’est-ce que je fous ici ? j’y étais pas

Ya pas une heure : dans le lit de ma prochaine /

Ah ça non j’y étais pas ! » / chiens aux babines lasses

/ tintements des Duralex / le miroir des mouches

Et les rideaux à transparence de rue / sa tête

Penchait et il relisait : voix basse le dos tourné

À la compagnie éparse à cette heure « j’y étais !

maintenant je me souviens ! » / voit l’autre qui

S’égaille et en redemande malgré l’aspect

Déconcertant de son ardoise / « qui t’attend ? »

Voulant dire : qui es-tu en train d’attendre, lisant

Et relisant cette foutue lettre que tu n’as pas écrite ?

N’imaginant pas une seconde que quelqu’un

Attende quelque part : que ça arrive (peut-être enfin)

Il se gratte le menton

Répète : en train quelqu’un enfin / rejoue les mots

Sur le tapis avec les dés : « j’ai jamais joué autant

Que depuis que je n’y prends plus plaisir » / mort

Pour la France / « moi aussi j’écrivais à l’époque /

Je lui écrivais / lui c’est elle : n’allez pas croire…

Dans la famille on tient à la femme et les hommes

Sont destinés à… / vous connaissez pas mon frère ?

Jamais joué [en train quelqu’un enfin lui (elle)]

Par grattement ou autre chose / jamais de la vie !

Vous me croyez n’est-ce pas ? »

 

Nous avons raison

D’avoir tort

Chaque fois

Qu’on nous veut du mal.

 

« oublié le reste de la chanson…

Vous écrivez quoi… ?

Vous ai vu débarquer…

Ça m’a rappelé des choses…

Ce sac qu’on trimbale…

Qui peut comprendre… ?

Prenez le rythme…

Là où il se trouve…

Dans la poche du pigeon…

Mais des fois (ça arrive)

On a plus les moyens…

Vous avez les moyens… ?

Comme le monde est petit… !

Vous et moi c’est pareil…

Des années entre nous…

Mais du pareil au même…

Pourquoi vous écrivez pas un roman… ?

Avec un chapitre de mon histoire…

Rien qu’un avant que j’y passe…

Vous sentez la poésie… ?

Ça brûle encore la gorge…

Ça a du mal à passer sur la langue…

J’en ai les dents bringuebalantes…

Vous fumez pas non plus… ?

Je vous laisserai partir…

J’en ai laissé partir des tas…

Et ils reviennent ou pas…

Ya pas de règle en la matière…

Ça va ça vient et je suis là…

Ne vous étonnez pas

Si vous m’avez déjà vu…

Si les circonstances…

Monsieur… vouais… »

 

Au café de la Poste sous la tonnelle et ses piafs :

La tôle cabossée d’un guéridon avec sa carafe de traviole :

Deux radeuses qui ont perdu leur « emploi précédent » :

Le type qui a tout raté même le dernier train pour Paris :

Un gosse jouait avec son reflet dans la vitre d’une affiche :

« Qu’est-ce que vous faites là de si bonne heure ? » :

Il revenait des champs aux sillons gelés, avec son chien :

Mais les alouettes n’étaient pas venues au rendez-vous :

Il siffla la substance de famille et salua la statue de Johnny :

« Le bus n’est pas encore arrivé

— Il viendra peut-être pas » :

Main sur le verre en cas de fiente tombée à l’oblique :

Le vent traversait la terrasse mais pas seulement à l’oblique :

« Tu mettras ça sur mon compte » / un vent incertain :

Il avait oublié la mer et ses escales :

perdait la mémoire :

Bras piquouillé à mort :

même le chien en redemandait :

Personne pour l’en empêcher :

arrive le jour où personne :

Pas même un frère :

empêche que ça arrive :

de plus en plus :

Souvent :

mais la chasse était ouverte et le gibier attendait :

Sauf les alouettes :

« ils savent qu’ils vont crever » :

mort :

Il n’aimait pas la viande et ne raffolait pas du sang :

Sally et Axis le reluquaient :

jambes agitées sous la table :

Bas aux fleurs noires des soirées d’été :

or, c’était l’hiver :

Lui aussi savait qu’il allait mourir :

et il m’en parla :

En termes clairs :

il avait pratiqué la boucherie :

mort :

Étalage des pendus :

« je ne sais pas comment mourir : »

Est-ce qu’on se comporte comme un assassin si on :

Ne fait rien :

pour empêcher ?

/ « tout le monde le sait » :

Il n’y a que l’ivresse pour s’illusionner :

ou la psychopathie :

Celle des femmes qui font des enfants à l’homme :

morue

À toute heure :

vendre du vent :

ne pas se montrer tel :

Qu’on se connaît :

nu mais pas vrai :

noyer le poisson :

Presque facile en ces temps de mise en vitrine :

de tout :

Ce qui peut se vendre au meilleur prix :

« j’ai des mains :

D’ouvrier : »

/ Saint Hubert en pompier sortant de :

l’église :

« Si j’avais su… » / il lui annonça la mauvaise nouvelle :

Son chien avait chopé un virus chinois :

maintenant :

Il s’exprimait en mandarin d’usine :

avec l’accent texan :

Beau poil cependant :

une boîte de sardines à l’huile :

Par semaine :

deux en période de fêtes :

« tu veux :

Toujours tout expliquer » / « c’est qui ? » :

désignant :

Le raté assis à l’autre bout de la terrasse :

sous un orme :

« travaillait pour l’État :

mais sans orgueil : »

/ pas connu :

Cette histoire :

« j’ai la mienne »

/ et l’autre répondit :

« tout le monde en a une :

t’imagines pas le nombre :

De justiciers qu’on enferme. »

/ tout le monde a travaillé :

Un jour ou l’autre :

on vous le demande d’abord :

ensuite :

On vous paye :

papa et sa piécette d’or :

en l’absence :

De mots :

pas un pour rencontrer l’autre :

et créer un effet :

Le journalisme frissonnant des derniers chrétiens en usage :

« j’ai jamais rien demandé et j’ai beaucoup reçu : »

/ mort

En plein milieu de l’intrigue :

plus personne pour penser :

À la place de l’auteur :

« c’est tout l’effet que ça me fait :

Ces choses qu’on achète :

le bagout des vendeurs :

écran

À palper comme s’il s’agissait d’un corps :

tous les coups :

Sont permis :

Lili / Marleen :

wie einst :

mon chien va crever :

De quoi ? » / « sans projet tu n’existes plus :

pas besoin de :

Liberté :

c’est la faim qui te fait sortir :

ou le désir :

pas mort :

Moi :

 » / et pas un mot pour rencontrer l’autre :

faire joli :

Ou intelligent :

poète ou homme d’esprit :

poète sans prosodie :

Ou homme d’esprit en chanson :

« pourquoi reviens-tu :

De la chasse ? » :

alors que je reviens de mon lit / après :

Trois heures de patiente écriture :

te voyant monnayer :

Ton apparence :

et celles de tes pensées :

par-dessus :

La tringle crasseuse :

la transparence raturée d’inscriptions :

publicitaires :

« qu’est-ce qui n’imite pas l’écran :

de nos jours :

Dis-moi Hélène si nous sommes faits pour mourir : »

mais mots :

Seuls :

pas loin :

l’un de l’autre :

mais seuls :

chiens de faïence :

Sur le bahut sans dentelle :

ni débris de tabac :

poussière :

gouttes :

pas un pétale :

ni semence d’iris :

je quitte mon lit :

tous les matins :

et le retrouve le soir :

mots sans rêve :

morts :

de désir :

appartiennent à la nation :

pas à la poésie :

il faut :

Faire avec :

mais on n’en peut plus :

pire :

on en a marre :

« J’y retourne demain :

et tous les jours que Dieu fait :

En période cynégétique :

un art après l’autre :

toujours :

Le sang :

à la clé :

viens avec moi » / je ne sais pas si je suis :

Toi :

tu ne sais pas si je t’aime :

le voisin considère sa maison :

Et son jardin :

en expert de l’attente autorisée par le Travail :

Et la Famille qui va avec :

sur l’étagère les fleurs avec et sans :

Titres :

selon la chance :

ces grattouillages de bistrot :

récits :

Du mot qui manque à l’appel :

« oui demain dans les bois et :

par les champs :

le Beretta sur l’épaule :

pas d’idée de sang :

Cible mobile de préférence : »

/ nous avons tous un chien :

Il meurt un jour ou l’autre :

mais la question est de savoir :

Si c’est avant ou après :

j’aime le fouet de l’air matinal :

Il ne me réveille de rien :

mais il ne me change pas en momie :

 

j’écoutais

 

Qu’est-ce que le rythme sans conversation ?

Sans le roulement du dé sur la tôle verte /

Cabossée par maintes danseuses nues /

Les soirs de fêtes :

Brise des verres

Dans la cheminée /

« le bien commun / comprends-tu ?

Sans ce Bien

(j’y mets une Majuscule

pour que tu comprennes

bien)

plus rien n’existe

que ta propre mort /

Je ne veux pas

mourir comme ça ! »

 

D’autres avaient plus de chance /

Avec des lièvres ou des mésanges :

Selon l’ambition : de chacun :

Plus de chance ça ne compte pas :

Dis-tu :

Au miroir de l’enfant :

Qui joue avec :

Son reflet /

 

« Dieu n’est pas partout comme la poésie

ou la merde /

Dieu est ici : ne me dis pas que :

Tu ne vois : n’entends : rien ! »

 

Ce « rien » entre les mots : empêcheur /

Rien pour faire joli :

Rien pour que ce soit :

Intelligent /

 

C’est d’en haut

Que tombent les sentences /

D’en bas :

Rien ne remonte :

Que ton style /

 

Chante ! chante le chanteur /

Écris ! écrit l’écrivain /

Wie einst /

Aus dem stillen Raume

Aus der Erde Grund

« je te paye un verre

Ou tu me le payes ? »

Ce matin je me penche

Sur ces brisures d’encre

/ j’ai l’esprit ailleurs

Qu’à la chasse

Aux alouettes /

Ô enfant des miroirs

/ anus magnum /

Nous avons en commun

Le reflet et l’envie /

Jours d’attente pourtant

Et terre en mottes dures /

Tire sur la ficelle /

Le ciel n’en demeure pas moins ciel

/ fleurs des étagères en fleur

: grimaces des miroirs /

« Qui sont ces gens ? »

Mais chez moi, doux enfant,

Il n’y a pas de mots pour le dire

/ autant enterrer le passé

Dans ses alluvions : mort

Qui passe ne se voit pas /

Qui sont ces putes, ces ouvriers ?

Qui sont-ils ces propriétaires ?

Qui chasse sur leurs terres ?

« des fois j’y pense et d’autres fois :

Non : je reviens sans mon chien : »

 

Retour sans le seul compagnon étranger

À toute idée de comportement philosophique :

Le chien / le mien / pas choisi mais rencontré /

Seul le hasard :

sans compensation graphomane

/ pacte des jours :

la nuit, nous sommes enfermés

Dans le même appartement : n’écrivait pas, rien :

Surveillait les lieux / ne racontait pas d’histoires /

Se pliait à ses actes et avait une bonne gueule /

Ruisseaux locaux et rivières paysannes longées

Ensemble / coupés par la couleuvre ou le chevreuil

/ amusés par le papillon ou fuyant la pluie des arbres

/ métal des truites dans la passe : vase du silure

Remontée près du pont au passage d’un oiseau

Allant à pied / rien sur les cuistres ni les charognes

/ mais pas philosophe non plus :

chien.

Des têtards l’amusent

/ ou le scarabée d’or

/ la crotte d’un ragondin

/ la peau du serpent

/ mais pas le galet agate

/ à moins de ricochets

/ sous le pont parcouru

Par leurs insectes têtus

/ l’oiseau jette un regard

Parallèle : fenêtre s’ouvre

/ chiffon des jours avec

Reflets et bras nus /

Philosophe non : chien.

Se laisse caresser par l’enfant

/ s’éloigne du promeneur

Ou s’en approche menaçant

/ nous ne savons rien du chien

Sinon qu’il n’est pas humain

/ et pendant que la mouche

Ne se laisse pas berner

Par le fil étincelant : promène

Sa vessie et son intestin /

Sa gueule aussi et ce museau

Qui ne trouvera jamais un sens

À l’existence ni à ses gouffres.

 

Moi-même je traverse l’existence

Sans connaissance des lieux

Ni des récits qui les approchent

De la ruine : mais sans personnage

Je n’écris plus qu’aux postulantes.

 

Pleurnichards de la décadence

En file indienne devant les vitrines

/ pourquoi leur écrire des lettres

D’amour — ou de haine selon /

Ça piaule même / au carrefour

/ chougnes des sorties en groupe

Serré de la vieillesse et de l’ennui

/ mon chien faisait le chien voyant

Que l’imitation de l’homme plaît

À l’homme : bluff des comédiens

À l’interprétation du personnage

Qui traverse pourtant les lieux

En parfait étranger / et le temps

Qu’il faut pour éviter de revenir.

 

Derrière le moucharabié les voiles

Et les bijoux avec promesse d’enfant

Au bénitier de la maison commune.

Fleurs des ventres en vente libre

/ l’adolescente s’y aventure en jeune

Première ou en promesse de l’esprit,

Du corps ou du travail bien fait /

Couilles des barons sans terre

En oscillation constante / paroxysme

Recherché ou seulement l’idée

Que l’acte ne connaît pas / lattes

Peintes à la main en atelier puis

Le menuisier et le jardinier ensemble

Contemplent leur ouvrage de la rue /

Têtes levées et dans le dos les rites

Du verre et des doigts manipulant

Les dés de ce qui n’a pas eu lieu :

Guerre ou noyade comme au milieu

D’un océan qui n’a jamais existé.

Chien ne voyait pas les choses

De ce point de vue : happait la mouche

Sucrée ou trouvait de quoi jouir

Entre les pierres du chemin

Ou au fond du fossé où pousse

L’ancolie « couleur de cerne des yeux »

/ ces nuits sans une seconde d’éveil

Parce qu’il couche sur le tapis :

Au matin le brouillard s’enfuit

Vers d’autres horizons que ne connaît

Pas sa curiosité naturelle /

Mais qui croise les pleureurs

De la fin de la race ? Roman

Et styles confondus au panneau

Décliné en BD / confesse des justes

« à un chouya près » / approximation

En odeur de sainteté / croix

Portées en bandoulière comme

À la guerre entre deux combats /

Bref mon chien suivait sans savoir

/ du moins je m’en persuadai /

Qu’il allait mourir et me laisser seul

Face à celui qui n’a plus que le style

Pour exister comme il en a envie :

Style et non pas écriture / cadavre

De profil / avec pour seul personnage :

Soi-même.

 

Bien sûr il y a les poils, les crottes, les aboiements

Et l’urine des angles et des troncs / les visites

De semblables / quelquefois à l’intérieur / pendant

Les moments de séparation : parce que vivre ensemble

Suppose la séparation de temps en temps /

Le tapis sent le chien / les rideaux le tabac /

La cuisine le porc et l’huile cassée / la chambre

Sent comme le jardin pourtant : fleurs au soleil

Et terre mouillée des pluies / la braise en instance

De feu retrouvé / les soles en jachère / la chienne.

 

Nous aurons la grisaille pour étrenner

Chaque nouvelle année / la douceur

Des gelées blanches dans les mains.

Poids des ans alentour / grimaces

D’effort / seul sans son chien mon

Personnage sans histoires ni lieu

De naissance ni de mort ni d’aventure

Trouve son style et cherche à le vendre

Pour ne pas s’en aller sans toucher

Son pécule / l’ombre d’un chien

Au mur se souvient : « que c’est lui »

Et lui seul : à l’ouvrage du Colosse /

Laissant le style aux minus habens

De la confession / tout personnage

Et rien que personnage mais sans « moi »

/ chiant comme le chien n’importe où

En apparence / alors que le graphe

Est commencé depuis l’enfance.

 

Beaux jeudis les mercredis.

Les temps n’ont pas changé.

Ni les murs de l’église

Ni ce qui reste des ateliers.

Beaux samedis les dimanches.

Surtout l’été

Quand l’ouvrier

Croit en l’enfance

Qu’il a donnée

À la patrie.

Beaux lundis les nuits d’enfer.

Morts des routes de campagne

Alignés avec les affiches

Et les consignes sanitaires.

La jambe devient molle

Après l’abus de vitesse

Acquise en plein élan.

Beaux jours devant soi.

Au rythme des nuits.

« Comment qu’on dit déjà

Si c’est derrière que ça se passe

Encore / dis-moi tout, bougnat »

Belles allées des cimetières

Et des quartiers où l’on vit

Encore /

Des couches hanc ad horam

/ ça arrive toujours ou enfin

/ un chien est mort ou pas /

 

Intervalle à parcourir

Sans savoir

Ce qui s’est passé avant

Ni se qui se passera après /

Sauf témoignages d’historiens

Et traditions en usage /

Puis ces projections sur l’écran

Du même ciel depuis toujours

/ avec ou sans Dieu

/ chien ou pas chien

/ salauds et pédants à l’appel

De la guerre ou de la joie /

Le chien témoigne assez

De l’ambiguïté philosophique

/ un chien comme les autres

Mais à soi / vit et meurt comme

Ce qui naît de l’accouplement

Universel / rien qu’un chien

Chez soi / mort avant ou après

Soi / chien de sa chienne /

Ne dit pas non au philosophe

Mais ne l’accompagne pas.

 

Qui ne s’habitue pas à son chien

Au point de le perdre ?

Tâcherons et stylistes sans ouvrage

Passant devant le portail rouillé et moussu

De la maison où le personnage n’est enfin

Plus lui-même :

« car enfin :

Qu’est-ce que ça veut dire :

J’écris pour me retrouver :

Comme si tu t’étais perdu :

Alors que (des tas de gens

Sont prêts à en témoigner)

Tu n’as pas bougé de chez toi »

Chien conseille le chien

Contre l’homme qui conseille l’homme.

 

Os ne conseille rien.

os = os

comme

enfant = enfant

Ne cherchez pas des puces

Où il n’y en a pas.

Revenez au bord

(de la rivière, du chemin, du balcon, au bord)

Et regardez en bas :

Vous y étiez / avec qui ?

Voilà la question que le personnage

Pose à son propre personnage.

 

« en cas de vertige prenez

Ce qu’on vous a donné

À l’arrivée / vous n’êtes

Pas seuls / enculez-vous

En l’absence de femmes

/ rendez ce qu’on vous a pris

À la limite / Dieu n’existe pas

/ Dieu a toujours existé :

Donc il n’existe plus /

Avalez et fermez les yeux

/ la sensation de vertige

Est un chien / ne vous fiez pas

Au temps ni au décor :

Coulisses les voici :

Vous allez aimer mourir

/ avec ou sans chien : mort

Est le maître mot : qui

N’a pas de monnaie ?

Donnez la patte au chaouch

Et graissez la sienne : Dieu

(qui n’existe pas plus que vous)

Vous récompensera en nature :

Indiquez vos préférences

Par une croix : aucun verbe

N’est donné sans crédit.

Soignez votre apparence. »

Dieu est une idée agréable

Mais la religion est une ignominie

Et ses adeptes un savant mélange

D’imposteurs et de bonnets d’âne.

Mais ne peut-on pas en dire autant

De toutes les planches de salut ?

Maintenant mon chat / oui comme

Sphynx sur le dossier / en contrejour

Reçoit les lumières contradictoires

/ petit poète deviendra grand

S’il vend son histoire aux communiants

Et autres pratiquants de l’ablution

Et de l’aumône / chat non pas

De faïence mais de chair et d’os

/ à l’abri de la pluie derrière

La vitre : tiquant à la goutte dure

Ou aux craquements de la menuiserie

/ immobile et vide de tout sens

Qui échappe à la symbolique

Des aspects / la poussière scintille

Dans un rayon qui a trouvé sa voie

/ se pose elle aussi mais cette fois

Sur la feuille encore blanche /

Quelle idée plus exquise invite

À la rencontre ? Cons et paranos

Assemblés sur les dalles ou les tapis

/ dans la fumée ou le clair contrejour

Des ajours / le chat n’a pas de nom

En poésie ou alors il a un sens /

Or je n’en cherche pas : ridicule

Prétention du croyant qui s’avance

Sur le parvis des fontaines de jouvence

/ pieds nus et le cul à l’air sous la robe

/ cherchant une issue à sa pensée

Du matin que le soir piquouse

Au cœur de la veine et de ses arts

Ses artifices / tu quoque / des pères

Et des fils et la femme comme ventre

À cultiver en chapelle ou dans l’ombre

Des artesonados : d’autres chats parents

Des patiences portuaires / chat hybride

Venu de Chine et de ces contrées

Où l’esclavage continue de nourrir

Son homme et la femme de ses fils

/ Dieu renégat de la Philosophie /

La religion élevant des palais

Et étendant ses places dans le monde

Jadis peuplé des seuls animaux

En conversation avec la nature /

Beaux arts des plafonds et des dômes

/ la Philo ne peut pas en dire autant

/ maintenant à la place du chien

Qui connaît ses cuistres et ses loups

: le chat qui en sait plus sur la folie

Qui amuse ou terrorise les cons

Selon que le temps est au beau

Ou à la pluie / à l’abri de ce côté

De la vitre tambourinée ou ensoleillée

/ mes pieds frottent la poussière du parquet

À cet endroit sans tapis car c’est l’été

/ l’hiver j’écris (dit-il) dans mon lit mais

Tous les matins se ressemblent / globes

Réfléchissant toutes les lumières acquises

Au fil de l’expérience : l’adepte est ennemi

Du profane : il finit toujours par tuer

Ou en tout cas par contraindre : les enfants

Soumis aux principes familiaux qu’aime

Et finance la patrie souvent reconnaissante

/ toujours ce n’est pas possible mais ne vois

Aucune injustice dans cette évidence,

Mon fils (ou ma fille ou toi que je possède

Encore qui que tu seras) / on perd sans regret

Son chien et son collier : mais le chat, poète,

Qui se « promène » comme s’il était chez lui

À l’intérieur de ce crâne : le chat ne s’oublie

Pas : icône des murs achetés tels quels

/ ne riez pas si je vous en parle comme

Si j’en possédais un exemplaire moi

Aussi : Dieu n’est pas la meilleure idée

/ mais ses artistes sont subventionnés

: querelles des faubourgs de la gloire

/ hypocrites et jaloux au cœur de la question

De savoir qui est qui / des chattes

Dans le jardin du voisin / ou plus loin

Dans la rue / ce chat n’est pas le mien

Mais il habite chez moi : tombé du ciel

Avec les feuilles d’automne / à l’orée

Du bois d’hiver et de ses promesses florales

/ seul l’été connaît mes érections

Et leurs objets divers / aussi divers

Que les dons prosodiques de la langue

Qui me sert de fil à la place des récits

/ chat des coussins les mieux placés

/ sa patte douce ou non : interdite

Dehors / s’exerce ici de jour comme

De nuit / à moins que tu ne saches pas

De quoi je parle entre tes cuisses /

 

Longtemps j’ai rêvé de voyage

Mais ils attendaient les premières

Mouettes, celles qui reviennent

Avec leur prise, sans vent ni cri,

Les mouettes de l’avant-garde.

 

L’horizon à cette heure bouclé

Par la nuée, les sillages bleus

Dans le vert de la houle, à toi

Comme à ces chats qui attendent,

Posés comme en peinture dans

Le contraste et les effets de trou.

 

Crasse du sel et des écailles sur

La toile de tes genoux, plié tu vis

Pour vivre et non pas pour écrire

Ce que personne n’a écrit avant

Toi, des jours et des nuits pour

Seule mesure, maintenant que

Tu pars, sans étoiles ni bon sens.

 

Qu’est-ce qui te manqueras, à part

Ce que tu aimes ? Ces bras de bronze

Au travail de l’homme, ces cris d’enfants

Au carreau brisé, la chair adolescente

Et les bamboulas au tison, le combat

Et l’attente, peut-être un chat ou deux,

Apprivoisés sur le seuil, dans le rideau

Cachant des désirs de l’autre, celles

Qui ne t’appartiennent pas de droit

Ni de force. Raison de partir enfin seul.

 

Ainsi les ports et les clubs, leurs houses

Et le tintamarre des goélettes amarrées,

Au sec ou proposant le quai au tartan vert

Et noir, sonnaillantes cloisons des soirs

D’été, comme si le mot n’existait pas,

Comme si ces oiseaux et ses chats errants

N’entretenaient pas des rapports avec elle.

 

Dieu se nourrit comme tout le monde

Des illusions en cours et de désirs croissants.

Partout des symboles de sa gloire imméritée.

Mâts aux filins fous dans le vent qui zigzague.

Tours des guets anciens, bite du sodomite.

Même les millions d’années ne réduisent pas

La concrétion. Accepte de mourir idiot mais pas

Ici. Il faut partir un jour ou l’autre mais sans elle.

Sans son chat et ses habitudes. Vitre brisée

Des cris d’enfants. Passage de l’adolescence

Qui revient à la même heure te hanter.

Mon Dieu, faites que la poésie se libère de tout !

C’est elle qui existe et non pas ces architectures

Où l’artiste trouve sa place entre deux colonnes.

 

Comme la langue retrouve sa patte douce

Quand la pensée ne sait plus ce qu’elle dit !

Barils des sels vivaces !

Croissance des systèmes

Entre le vent et les marées.

Je poursuis un chat voleur

Qui s’est habitué à moi.

Rien ne résiste mieux au vent

Que la toile des mâts et la pierre

Des guets, rien d’aussi pérenne

Que ce que tu n’as pas conçu.

La chair salée entretient la soif,

Eau ou alcool selon que le désir

Est en fuite ou captif de ses propres

Saisies. Le chat, le voici et me voici

Dans la même perspective, sans

Faïence de chien ni hâle gagné

Sur la défaite constante des courses.

Marchandises des quais alignées

Avec ses chats en visite des fois

Que quelqu’un ait oublié quelque chose.

Plus loin on ne pense qu’à la fin

De l’été, à l’entrée en scène de l’hiver

Interminable, annoncé par l’automne

Qui veut jouer aussi, le printemps

Est un chat qui n’a pas épousé

Celle qu’il aime.

 

Des plages sans fin

Et des enfants perdus

Comme coquilles vides

Dans le sable et l’écume.

Tu connais ces récits

Aussi bien que le vent.

Suffit de s’asseoir

Et de prendre le temps

D’écouter et de voir.

Au fond, il n’y a que ça :

La couleur dans tout ses états.

Pleuvent les voiliers

Et leurs pestiférés.

J’entends et je vois

Des enfants que j’étais

Comme si j’y étais.

Mais ne sois pas trop simple :

Ya rien de plus mytho

Qu’un môme avec les siens.

Vieux poète a l’air con,

À cent ans comme à vingt.

 

Bref, Dieu ne parlait pas : donc il ne mentait pas.

Ne parlait à personne, ni au lit ni ailleurs.

Comme au comptoir ou sous le robinet.

À la galène et au tison, rien, pas un mot,

Ni sacré ni autre chose, des riens en veux-tu

En voilà, et des fidèles en masse et en rond,

Alors qu’on crève de faim ou d’ennui,

Qu’on n’arrive à rien sinon à gagner

Ce qui se gagne ou se perd selon le jeu

À jouer ou à rêver / personne n’a calculé

La masse de la mort depuis que la terre

Est humainement possible / personne n’a tenté

Le Diable à ce point / mon chat n’en sait pas plus.

Et mon chien ne reviendra pas de si loin.

Faut que je m’en aille (dit-il) sinon je tue.

Je finis mes jours en prison ou ailleurs.

J’avais le choix mais je l’ai plus.

Je n’écouterai plus personne,

Ni Dieu ni ses prophètes,

Personne mais alors personne,

Et quand je dis personne c’est

Personne sur le pont ni à la baille !

Marre de gratouiller les écailles…

De boire et de chanter, de revivre

Ce que je sais et ce que je ne sais pas.

Rien à transmettre, broyez vos galènes !

Tuez les chats si ça vous fait plaisir

Et laissez le café à ceux qui le cultivent.

 

« Ya pas comme le pouvoir pour bien bander » /

Secouant la chevelure d’une collégienne

À la dérive de l’adolescence

Recommence chaque jour ce qu’il a commencé

Dans la joie d’avoir trouvé le la

/ ou reprend le fil où il l’a laissé la veille /

Et les épaules de la fille tressautent mais

Sa bouche rit / le jeu de mot le rendait hilare

/ « que si que vous l’avez connu / écrivait

Des choses dans le genre Apollinaire /

Vous savez : si proche de l’entendement

Qu’on se demandait si c’était de la poésie

Ou une manière comme une autre

De se distinguer du reste de l’Humanité »

Ni chien ni chat à cette hauteur de la vie sociale

/ pas même la terre rongée par le soleil et ses vents

/ pas même (quand il mettait le nez dehors comme

Hypérion)

Cette mer qui noie les peuples dans le commerce

De la chair et de l’esprit /

Donnons un sens à ces étendues à traverser

Pour conquérir d’autres horizons

/ « je sais plus où j’habite depuis »

Ni désir de pouvoir (par nécessité sexuelle)

Ni rêve hiérarchique (par paresse sans doute)

Dans sa tête peu faite pour la participation

Aux travaux qui font l’Histoire d’une manière

Ou d’une autre /

Écoutait et regrettait (sans amertume toutefois)

Que l’enfance ne connaisse pas la révolte : chiale

Des principes contradictoires et lèche les vitrines

En même temps / « où va se foutre le talent ? »

 

Ni désert ni forêt où l’abondance est animale /

Des façades bleues où le volet se ferme et s’ouvre

Étêtant les géraniums toujours atteints de pythium

/ puis arrachant la tige noire elle invoquait son dieu

Et ses seins / « j’ai jamais cru au génie de l’enfance :

Piètre poète celui qui imite le cri de l’oisillon /

Des idées derrière la tête, oui / et cette histoire

D’omelette nécessaire héritée de l’expérience

Du Pouvoir / ne me parlez plus de cette fille ni

De cette plage où j’ai imité le cri de la mouette »

Il n’y a rien (disait-il encore) comme se faire mal

Pour trouver de quoi écrire /

Sans devenir fou de rage

Ou de désespoir / cueillez

La rose tant qu’elle est rose

/ blanche elle a le sein laxe

/ et le nombril introuvable

/ or j’ai cette idée pas facile

Que j’eusse mieux fait de crever

Avant d’avoir atteint l’autre rive

/ la berge boueuse de pieds

Et de museaux / ces rues interminables

Et denses / rien à glaner

Ni à cueillir par le simple geste

Ou l’exercice constant

Du rêve sur les apparences /

Quelle rose ne le sait pas

Au fond d’elle-même ?

 

Qui rencontre-t-on si on est à la recherche

De ce qu’on croit avoir perdu en chemin ?

/ s’il s’agit d’un chemin et non pas d’un lit

Où le río fait trembler la maison / cuando

El río suena / qui en travers du chemin

S’interpose ? Qui engage la conversation

Comme s’il était naturel que l’homme

Se souvienne de la fille ? / agua lleva /

La roche creusant et amoncelant / le bois

Pris de vitesse avec le regard / la faja

Dénouée dans ces circonstances et le temps

Court vers sa prescription / acquisitive non ?

 

Ne soigne plus ses bouts rimés

/ ne cherche plus dans l’intervalle

De quoi nourrir la voix / s’égare

Non plus sur le chemin mais dans

La rue : la rue aux vitrines enfantines

/ aux personnages aussi heureux

Que s’ils étaient sortis d’un missel

/ vœux des moralités au Capital /

« jamais je ne cèderai à la tentation

/ plutôt fuir et vivre ma vie ailleurs

/ seul si l’animal veut de moi »

 

Mais le travail rend fou même celui qui aime

Travailler / d’arrache-pied ou selon le temps

Qu’il fait / « ya pas de contradiction à servir

À quelque chose et à toucher ce qu’on mérite »

Faisait son Apollinaire dans les cahiers

De son passé d’écolier / exhumant des désirs

De rencontre et de partage / « j’ai jamais

Autant vieilli » / et pourtant en la voyant

Il a revu : ce qu’il n’avait pas osé approcher

D’aussi près que la mer / « on revient

Sur nos pas à cet âge / tiens-toi le pour dit »

 

Si tu aimes ta terre natale,

La sienne appelle le voyage

Et tu n’en as jamais eu les moyens.

« j’ai rien appris de plus

De cette existence

Ni de vos attentes

Ô correspondants de guerre ! »

 

Qu’est-ce que le chemin

Si tu n’en trouves pas

La croisée ?

 

Rues tangentes et cercles

Où se fument les départs /

De la vitrine au Père Noël

À la pratique de la clandestinité.

Ces écarts de jambes sur scène.

La bouche glougloute en marge.

Oiseau des villes chieurs

Des trottoirs et des jardinières.

Tu travailles et tu gagnes

De quoi continuer sans rien changer.

 

Un peu de poésie d’enfant

Dans la politique municipale.

La conscience en lieu et place

Du dieu qui ne veut pas mourir.

« l’esthétique pure est une façon

De ne pas parler de sa défaite »

Comment sais-tu qu’elle t’attend ?

Qui a payé le prix et le silence ?

Qui sait mieux que toi comment

S’achève ces tourments, renégat ?

 

Suivi de son chien et précédé

Par son chat / la mer aux pieds

Et ces montagnes dans le dos :

Le voilà ton personnage /

Il ne te ressemble pas mais

Il est si proche de ce que tu as vu

Dans le miroir familial : chambre

D’hôte / les clous plantés

Dans le mur : près du lit au-dessus

Du chevet : elle prenait soin de lui

/ vérifiait la tension de la flanelle

/ flattait les cuisses et une épaule

/ toujours la même l’épaule :

Il n’y a pas d’explication /

« des fois j’y suis et des fois

j’y suis pas » / sous les oliviers

Elle touillait les migas / maintenant

Elle jouit du spectacle avec toi.

 

« je ne sais plus ce que j’aime /

Trop de catalogues à la place

De la mémoire / faut que je te dise

Que je suis pas venu seul : ma femme.

Ce qu’elle espère de moi encore.

Malade de l’égo comme les autres.

Veut exercer le pouvoir au moins une fois.

Laisse-moi toucher tes lèvres avec les miennes.

Nous étions si furtifs à l’époque.

Vite fait mais en as-tu profité

Autant que j’en ai rêvé

En repensant à toi une fois seul

Dans mon lit d’adolescent ?

J’écris ces mots sur la nappe.

Boulette des poubelles proposées

Par une domesticité qui attend son tour.

Tout le monde voyage aujourd’hui.

Promesses aux apothicaires.

Tu n’es plus toute jeune, dis donc ! »

 

Qu’est-ce que le temps change au juste ?

J’étais la proie des apparences et pourtant

Je ne me souciais que de mes chimères.

Nous finissons par ne plus rien y trouver.

Dis-moi comment ça s’est fini pour toi.

 

Qu’est-ce que cet enfant, de chair ou de papier,

Change mieux que la mémoire ? La ruine gagne

Le cœur même du tournoiement acquis avec les ans.

Mais tu ne sais rien de la tempête ni de Prospéro.

Tu n’as jamais quitté le rivage. Tu as trop attendu.

 

Nous ne saurons jamais ce que nous aurions changé

Ensemble. Nous avons perdu avant même de jouer.

Moi sur la mer « infiniment » et toi aux terrasses noires

De monde. Il n’y a pas de servante au grand cœur.

Ce poisson ne cligne pas des yeux. Jamais le travail

N’a autant signifié. Nous nous éloignons de tout

Ce qui était possible. J’en ai l’écriture comme au noir.

 

« Vous comprenez ? » / le chien, le chat, la mer et ses soleils

/ « que le vent les emporte ! » / je ne suis que le personnage

De mon personnage / gagne du terrain l’imbécillité commune

/ ces vitrines d’amour et de plaisirs solitaires / par les rues

Jetant son dévolu sur les apparences taxées d’inconnu /

Coudes de chaque côté du verre / goutte au nez et lèvres

Fissurées / je n’aime pas ce type de rencontre : comme si

Le lecteur s’y trouvait enclos comme en un pré travaillé

Selon les règles de l’art / d’un coq à l’âne ou par le biais

D’une substance hors de prix / « te souviens-tu de moi ? »

Je n’en ai pas le moindre souvenir : tu mens ou j’ai perdu

Le fil de ma propre histoire / « qu’est-ce qu’on gagne

Si on n’est pas seul à jouer ? » / je ne sais plus si je savais

/ Molly à tous les angles un peu éclairés / ou Sally charmant

Les ondes / Ezra en cage ou livré à lui-même et à ses démons

/ les personnages secondaires : soubrettes et notaires /

« depuis quand tu n’es pas venu ? » / au théâtre s’entend

/ ganté de blanc et environné de fumées et d’embruns

/ passe la porte puis le portillon et attend son tour /

« je ne sais pas si je suis positive ou pas » / sourire d’enfant

Et d’en bas / « elle n’a pas voulu monter » / mais pourquoi ?

Elle et moi : cette passade dans un décor de bambous /

La pluie des après-midis / « tu ne connais rien au cerveau »

J’avais l’art de dénicher le bon emplacement / au large

Les bateaux en proie aux mouettes / « on ne s’entend plus ! »

 

Qu’est-ce que la poésie de ce temps

Si ce n’est pas la poésie qu’on apprend

Par cœur à l’heure de signaler sa présence ?

Griffonne encore en marge avec des couleurs

Que le papier semble retenir / cette sorte

De pâleur acquise à l’exercice du devoir /

Essais de perspective par le moyen du chemin

Qui s’élève en pointe / le même arbre répété

Dans les mêmes proportions / « comprenne

Qui pourra » / mon Dieu chien ou chat qu’est-ce

Que cette poésie qui ne me connaît pas encore ?

Qui fréquente mes lieux quand je n’y suis pas ?

 

« ô le bel hendécasyllabe ! »

Il en a la bouche pleine /

Ne passe pas son temps

À sucer des pastilles

Contre sa mauvaise haleine.

Voit venir les meilleures.

Devine le degré de résistance.

Trouve ça dans les yeux.

Sait qu’elle ne le regrettera pas.

Venu avec sa piécette à papa.

Ne la quitte jamais, surtout

Si le temps est au beau comme

Aujourd’hui / « nous traverserons

L’apparence des vitrines pour

En consommer les avantages »

Comprend elle aussi cela.

« peut-être l’expérience, qui

sait ? » / évalue la fragmentation

Qu’elle fréquente / habitudes

Vite saisies / « voulez-vous

Que nous en parlions ? Ça

Me ferait du bien / maintenant

Que la solitude : cette atroce

Sentiment de ne plus pouvoir

Gagner la confiance / pas l’amour :

La confiance : mon franc-jeu

Devant l’hypothèse la plus

Probable / mais c’est bien fini

/ notez que je dois de l’argent

À l’hôtelier » / comme c’est

Étrange de la retrouver ici !

La prospérité, c’est le viol

 

« ne sera jamais riche / ni élu /

Dieu fils de pute y pourvoie / canaille

Des gosses de riches aux machines

(politiques, médiatiques, show-biz,

Lettres, écrans en tout genre, mer

Et panoramas sans distinction

De race ni de religion) et sur le pont

Les domestiques de la démocratie

Et des gosses souteneurs de proxénètes

(À leur âge, nom de Dieu / mais où

Court-on ?) / puis la ribambelle

Des fous et des larrons / enfermés

Ou agissant au creux des vagues

/ et le poète s’emploie à retrouver

Le sens : dispose des caractères

En rond sur les planches ou dans

Les pages de ses plaquettes imprimées

Aux frais de papa, de maman, de qui

Possède une parcelle de pouvoir

Sur ce que le temps finit par user

Jusqu’à la corde / ainsi les générations

Et cette maudite attente qui exige

De l’Homme qu’il pose son menton

Sur sa propre épaule pour jeter

Un regard nostalgique sur son passé

/ qui n’a pas été résistant comme

Camus ? Qui n’a pas tenu la chandelle

À la Presse ? Qui n’a pas feuilletonné

Dans sa jeunesse ? Dieu dans le cul

De sa mère l’Idée trouve de quoi

Entretenir la rue et ses campagnes

Environnantes de mers et de montagnes,

De déserts même si l’eau vient

À manquer au potager / je ne suis rien

Mais j’aime les idées et surtout celles

Qui divisent pour mieux régner / la terre

En surface comme en profondeur

Ne fera pas de moi un riche ni un élu

/ ça je l’ai compris il y a belle lurette

/ je vous parle depuis la station orbitale

Universelle : et pas un sou en poche

/ pas moyen d’influencer le cours

Des choses / entre les perroquets

Et les éjaculations précoces : je descends

Dans la rue avec mes bagages et le soir

Venu je n’ai toujours pas voyagé /

Qu’est-ce que la nuit dans ces conditions ?

La prospérité, c’est le viol / martel

En tête chaque jour d’heure en heure

/ cette fois se réveillant en même temps

Que la scène fond au noir / ne voyant pas

La nuit ni le jour / mon Dieu : qu’est-ce

Que ceci : ni nuit ni jour / ni espace ni temps

/ comme si je revenais de loin / sans passé

Ni futur / sans voyage ni mort / objet

Des pitreries qu’inspire la poésie

À l’angoisse ou au prurit / je deviens

Poisson dans l’eau / jouet des lignes /

Surfeur des crêtes / possible lendemain

/ mais vous ne m’écoutez pas, frères /

Nous nous ressemblons tellement peu

/ je bois et vous ne buvez pas / le monde

Vous sourit et je grimace dans les rangs

/ de douleur mais ça amuse l’enfant

/ le monde tel qu’il est ne convient pas

À ma vêture / grands vents par-dessus

Le marché / brassant idées et possessions

/ mais comment ne pas sortir de chez soi

/ conseillé par le temps qu’il fait /

Mais le conseilleur n’est-ce pas /

Pourtant je ne suis pas celui

Que vous croyez avoir portraituré

/ ni élu ni damné et bientôt

Ni jeune ni vieux »

 

Bal des suicidés qui ont survécu à la Guerre /

« on fait fortune ou on n’en profite pas »

La prospérité c’est le viol / on conseille l’amour

À tous les étages / mais là-haut le vent ravage

L’esprit et le soumet au vertige / lucarne

Des bonheurs possibles ou en usage / peupler

Le vide devient la seule obsession / « je veux »

Il est vrai que les promesses sont tenues /

Aux machines les plus belles (les plus désirables)

Présentent l’actualité et ses prix, ses honneurs

(sans jeu de mot) / ses défis face à l’impossible

Et à l’injustice décrite dans les meilleurs manuels

Scolaires / Dieu encule la femme et se fait sucer

Par l’homme / « puisqu’on est en période électorale

Refaites-vous une beauté

Car le temps voyez-vous

Regardez-vous enfin

Vous n’avez plus le poil

Aussi soyeux que jadis

Et je ne parle pas de naguère

/ revoyez la ligne et le profil

Replâtrez profitez-en pour

Changer l’opinion en idée

/ rien de plus beau que le suicide

D’un gosse de riche qui n’a pas

Convaincu / prospérité n’est pas

Triomphe / mais violer son prochain

Demeure le nec plus ultra /

Ne pas aller plus loin que cet arbre

Dit papa en présence de maman

L’enculée / le potager a besoin

De leur eau / dit-il encore à son

Fifisse ou à sa fifille / maman sans-

Culotte / on aime encore la tragédie

/ l’ouvrier veut travailler dans un bureau

/ le magister distingue la perversion

Du talent / ne buvez pas dans mon verre

Si vous pensez que j’ai tort »

 

Qui n’a pas reconnu le mythe en marche

Militaire ? Ses muscles de marbre dépeint

Par la fréquentation des enterrements.

Son regard troué. L’étrange perfection

De sa posture impossible à changer

Sous peine de chute. Ses membres manquants.

Ce que l’imagination conseille à la vérité.

Usinage parfait en son temps. Et même

Utile. Au passage des badauds. Escarcelle

À la ceinture ou sous l’aisselle. Reconnaît

Le Mythe et lève son verre sous la tonnelle.

Papa le leva en son temps. Qui n’a plus d’âge

Ici ? Affiche imitant par procédé dimensionnel.

Bois à la santé des parangons de la prospérité

Municipale. À la ville comme à la campagne.

Se souvient du djébel ou de la jungle, déserts

De l’amour. Jadis il possédait une statue

De héros. Articulée comme un langage.

Cornait comme Roland. Possédait acier

Et courage. Se voyait élu à l’unanimité

Moins ce qu’il faut d’adversité. Pas de roman

Sans poésie et pas de poésie sans possibilité

De trouver le sang ailleurs que dans la chair.

 

Expansion et récession devant la porte /

Tu n’as pas le choix / le charlatan veut disposer

De tes moments de disponibilités / voit

Ce qui est possible et ce qui ne l’est pas /

Un langage simple à la disposition de la volupté

/ avec ce qu’il faut de vulgarité pour te séduire

/ mystique sans Dieu ou saint sans ses églises

/ car il a « fait » la guerre / il en a construit

L’épopée avec ses maîtres en apparition

À l’écran / le cabotin bonimenteur et faux jeton

/ sur la place avec les produits du potager

Et les artisanats décoratifs et utilitaires /

Sait comment et pourquoi / de naissance

Ou par esprit domestique / gravit la montagne

Et ne redescend pas pour recommencer /

Se fiche du rocher comme de son premier

Baiser / dans l’urne jamais couleur de cendre

/ au vent pas plus volatile / taillé dans le marbre

Où on grave / le même outil sur l’établi /

« joue le jeu » et gagne de quoi se loger

Sans hiver ni été / jouisseur d’automne

Malgré les chants contraires et éprouvés

Par la pratique du vers / marteleur de printemps

Dans la chair de la jeunesse / « nous vîmes

Une statue : elle nous faisait signe de nous arrêter »

Elle : « as-tu pensé aux autres ? » / jardins

Piaillant dans leurs arbres annexes / le bras

S’abat en signe de prospérité gagnée sur le tas

/ le verset prend par la main et conduit / conçu

Pour ça / et devant les objets nécessaires

À la compréhension du monde ainsi imposé :

Coupure au niveau du poignet / sans technique

Conçue pour éviter la douleur et encourager

Le calme recherché / « nous ne sortons pas assez »

Quelle chance nous a manqué ?

 

Pourtant dehors rien de nouveau.

Les mêmes visages que dedans.

Le même chien en laisse et son os.

L’enfant jaloux et hypocrite le tient.

« nous aurons tout ce qui te fait envie »

Moins la beauté d’une pensée utile.

Chacun sa proie selon grosseur.

Le chien lorgne la vitrine du boucher.

Le chat voit des coussins partout.

L’enfant n’explore pas : il joue

À jouer / il sait ce qu’il veut /

« si tu ne sors pas tu deviendras

une momie » / pas question

De cendre à cette hauteur /

La couleur est celle du cuir /

L’immobilité imite les statues /

Interprète des crispations /

Au théâtre comme à la cuisine

« les chiens mordent par nécessité »

Devant la vitrine qui sent le pain :

Enfant j’avais envie de toi.

La momie est le signe de l’âge.

Tu n’auras pas la cendre ni le vent.

Des archéologues futurs en toi.

« ne sors pas dans cette tenue ! »

Ni nu ni habillé : satin des sorties

En plein air des places et des rues

Étoilées par principe giratoire /

« tu verras comme c’est beau

/ et comme c’est chouette l’urne »

Petits papiers ne quittant pas le nid.

« qui ne veut pas être heureux

ne le sera jamais » / or : que dit

La Sagesse (celle qu’on aime) ?

Dit : « nous ne sommes pas nés

Pour pleurer » / d’où le rire

Imité des babines de l’animal.

« sortons si tu le veux mais moi

tu sais je me sens bien ici avec

toi et tout ce que nous possédons »

Le tire par la manche jusqu’au

Bureau de vote / sous les mûriers

En rond affine sa pensée avec

Les autres / « qui aimons-nous

Le plus ? » / pas de prospérité

Sans agression / « depuis le temps

qu’on pratique » / voilà comment

On fait et pourquoi on le fait /

« tu es nous et nous sommes avec toi »

« rien qui te fasse envie ? » / choix

En guise de liberté / donner du grain

À moudre / l’arbre de Gertrude

Déraciné un jour de grand vent

/ l’Histoire en marche rien ne l’arrête

/ arbre couché sans ses feuilles /

« en portait fièrement je me souviens »

Comme les rues sont rues si on les prend

Pour ce qu’elles sont ! Et comme

Je suis moi si je ne suis plus toi !

 

Ce que l’homme peut infliger à l’homme /

Demandez-leur ce qu’ils en pensent /

Militants et héritiers dans le même sac

/ permanences des rues et des écoles

Primaires / ce qui se passe dans la tête

C’est matière à justice / sinon ça ne paie

Pas / « qu’est-ce que tu as vu, fiston ? »

J’ai vu non pas ma tombe mais mon cadavre

/ (répondit-il) / « alors tu n’as rien vu

Que je ne sache déjà : dire que j’ai rêvé

(avec elle) d’un enfant (fille ou garçon)

Capable de me montrer ce que je n’ai pas

Vu : et que mon père a frelaté pendant

Que ma mère se taisait » / moisissure

Des parentés : « tout est vieux ici et :

Tu veux me convaincre avec ta high-tech

/ mais c’est la campagne que j’aime :

Mourir avec les animaux domestiques

Et le gibier : tomber nez à nez avec

Le lieu de sa mort : avec arme et outil

/ pas de bagages : ni pour la cavale ni

Pour les vacances / un seul être avec moi

: pour reconnaître la saison à ses pluies

/ et ne rien donner à la patrie / tombeau

Des enculés / « tu aimes quoi donc ? »

Même Baudelaire veut exterminer ///

L’indésirable est au cœur de l’information

En boucle / traité comme des virus mais

Sans possibilité de mutation / femmes

Et enfants devant les hommes / et petit

Dieu (un cheval tout blanc genre pottok)

Avant l’homme : la bite à l’air pour la leçon

D’écriture / quelle peur à la place du dégoût ?

Et quelle philosophie à la place de la peur ?

 

« n’y pense donc point

Matelot qui navigue

Sans les flots

N’y voit pas malice

Ni femme facile

Des escales

On n’y peut rien

Ça c’est gagné

Même la Résistance

Est tombée

Dans leurs mains

Avec Journal et Lettres

Et siège au Parlement

Et à l’Université

Et des rôles à jouer

Pour devenir héros

De pacotille, oh oho

/ n’y pense donc point

Tu te f’ras donc mal

Faut pas chercher

Ce qu’on possède

Déjà oho oho oho

Matelot sans les flots

Toi qui marches dessus

Comme le p’tit Jésus

Avant qu’ça soit en croix

Qu’on aime et qu’on y croie

Viens donc par ici

Au coquillage souffler

La vedette et les sous

Tes petits pieds mouillés

Valent bien un beaupré »

 

Ports de plaisance sentent le vernis et la lessive

/ ports de pêche le poisson et la sueur

/ on ne se promène plus avec un chien

: le vent ou je ne sais quoi de nouveau

Qui n’explique pas la sécheresse ni la pluie

/ ya plus d’alchimie qui tienne, mille tonnerres !

« qu’est-ce qu’on va faire de cet enfant autiste ? »

C’est comme ça (ou à peu près) que la réalité

S’étrique : mais jusqu’où ça va aller, mathurin ?

On ne vieillit pas si c’est ça le chemin : à la baille

Ça se termine : et sans vouloir y habiter / ça serre

Aux entournures : « paraît que c’est dans l’infiniment

Petit qu’il faut chercher » / mais tu cherches quoi

À part les ennuis et une alimentation standard ?

L’ange visite les siècles en expert de l’Histoire

/ peur ou nausée : c’est tout ce que ça t’inspire ?

« se chier dessus ou vomir toutes ses tripes » /

« ya rien d’autre à trouver,

Ô chercheur des fleurettes

Qui peuplent nos esprits

Au moment d’en finir »

/ « paraît qu’on s’en va sans douleur ni regret »

/ des lunes qu’on y pense : exterminer :

« pour vivre enfin

notre existence

et trouver du nouveau

qui le soit vraiment

et non pas en poé

poésie des douleurs

ou des incrustations

de vieille porcelaine

fleurie haute en couleur »

 

Prés et bois en prime

Si tu ne vas pas trop loin

D’ici où tu renais

Chaque fois que tu jouis

 

C’est ici aux vitrines

Que la caresse est digne

De l’écran et des soirs

Ici que ça se passe

 

Et non pas dans ta tête

 

« De l’autisme à l’amour-propre

Il n’y a qu’un pas : extermination.

Si tu n’as pas compris ce mécanisme

Tu mettras toi aussi la main à la pâte. »

 

Après tout belles sont les choses

Simples comme les compliquées

/ suffit de pas se presser au portillon

Avec les autres et : « garer son cul »

À Paris comme ailleurs en province

Ou sur les îles / « ça travaille dedans

Et dehors c’est perdu » / qu’il faut dire

/ « alors reste dedans : demeure ! »

 

Quelle ode ! Quel feu ! Et quel cul !

Yen a pour tous les goûts et les cœurs !

35 heures et encore : pas tous les jours

Que Dieu surveille du coin de son œil

Dans la tombe / « si tu sais où tu vas »

Descend de sa montagne et de son soleil

Et retrouve le soleil mais couché sur la mer

: découvre que l’horizon n’est pas au bout

Du chemin / « une idée comme ça que j’ai,

papa » / « qui te l’enfoncera dans le cul ? »

Qui ne sait pas qui je suis ? / ah ! l’épopée !

 

Mais point d’épisodes au large

Et rien d’autre que le vent

Si ça doit mal tourner /

« je te le dis comme me l’a dit papa »

Des fois j’y pense et souvent pas.

« t’as allumé le couloir ? »

On ne monte plus se coucher

/ on y va : au lit et en rêve

/ lumière d’un autre feu

/ « ya pas plus con que la guerre »

/ au quart que tu vas vivre

Cette vie qui appartient à l’existence

/ comme te l’a dit papa

En coupure constante /

 

« tu serais qui

Si tu n’est pas de moi

Ô épopée des vagues

De vent et de terre ? »

 

Avec les bêtes et le gibier

Au bois comme chez soi

Avec enfant et femme

Et même un président

En forme de monarque

 

« je ne vois pas plus loin

Que le bout de ton nez /

On est fait de ce bois

Dans la famille /

C’est moi qui vois

Et tu ne vas pas

Plus loin que l’arbre »

 

Équinoxes gagnés sur l’attente avec l’été

Des moissons et des chasses / « ça fait rêver »

Mais tu n’as pas besoin de plus : hallucination

Garantie / avec ou sans substance : « trouveront

Le moyen de forcer le cerveau à en fabriquer

Et alors se posera la question du prix à payer

Et du crédit qui va avec » / où va la poésie

Qui charme et qui enseigne ? de quel bois

Est celle-ci : à la pointe de quel couteau ?

 

Fruit du hasard ou de l’imagination, qui

Vit ici ? / portes battant au vent des déserts

De l’amour / « éditeur cherche poète un peu

Au-dessus du chansonnier mais pas trop »

/ car nous avons besoin de nous occuper

L’esprit après le boulot : divertissements et

Abus / « c’est comme ça qu’on se rencontre »

Papa connaissait un autre moyen mais il est mort

Avec / c’est fou ce que ça parle une pierre tombale !

Et la photo sur le bahut : ce sourire de la pose /

« j’ai jamais posé autrement » / une petite Guerre

Pour alimenter les conversations et les silences

Convenus / « comment on fait pour écrire des vers

Sans rimes ni mesure ? » / le Monde qui ne veut pas

Entrer dans une bouteille avec nos rêves

Et nos voiles / qui vend le mieux vend sa peau /

 

Certes des tableaux parisiens et des voyages

/ cet effort pour sortir de soi à la demande /

Mais la force en jeu est centripète : gare

Au gorille ! Il est entré dans la demeure /

 

Qui n’a pas rêvé

De posséder un animal

Aussi humain que possible ?

 

Qui n’a pas caressé le rêve éveillé

Au lieu de se confier à la nuit ?

 

Pourtant le suicide

Appartient à l’enfance.

 

Seconde de plongée

Dans ce futur si proche

Qui n’aura pas d’existence :

Le voilà le roman de ta vie !

 

Entre le cheval et le loup :

Tes arbres et ceux de la forêt.

 

Mais ton chien est truffier ou chasseur.

Et ton fusil n’a jamais tué personne.

Elle est où, ton histoire, matelot

Des champs et des prés ?

 

Navigue sans les flots depuis si longtemps

Qu’il néglige le compas et les conseils /

Mourra comme les autres et ne survivra pas

/ faute de « famille » / ou laissera son nom

Sur l’écorce d’un arbre : mais pour combien

De temps ? / et avec quel autre nom s’il s’agit

De ne pas partir seul ? /

Nous aimons

Tellement

Les enfants !

 

Tribut des indépendances à chaque page /

Une fois le sang versé à même la pensée

/ cruauté sans intention d’infliger la douleur

/ entre le camp et l’atome : pas de nuances.

« nous aimons les enfants autant que vous »

Qui ne les aime pas s’ils sont nos fils ?

Et de quelle fille parlez-vous ? / à la ferme

Nous ne vivons plus / au bois nous n’écoutons

Plus / la mer garde ses secrets mais sans elle

De quel beaupré le corps anime ses chairs ?

« Ne suivez pas l’exemple qui vous est donné

/ suivez le topo / nous aimerions tous les enfants

Si c’était possible : mais ça ne l’est pas : nous

Sommes faits comme ça et pour ça / Dieu

Ne ressemblera jamais à l’homme parce qu’il

Est l’Homme / maintenant cliquez dessus

And wait : pendant que le serveur travaille

Pour vous servir » /

 

« Entre les gosses de riches et la racaille ouvrière

/ mais elle est où ta place ? » dit papa qui a l’œil

Sur le bouchon : la surface de l’eau à l’image

De mon existence : verte et tranquille puis la yole

Descend : à bord la fille qui fera mon malheur /

Dit papa / il disait un tas de choses tirées du « roman

De sa vie » / comme si d’épisode en épisode

Il avait gagné du terrain et construit dessus

Sa maison et le foyer de sa maison et la vue

Imprenable / « qu’est-ce qu’un homme qui

Ne gagne pas sa vie / honnêtement ou autrement ?

/ faut être père pour s’en convaincre » / rivière

Peuplée d’attentes et d’excitations aussi soudaines

Que la mort accidentelle / « un peu de lyrisme

Entre deux verres : et le sommeil réparateur »

Passe une barque avec à son bord

Le scarabée d’or de Jupiter

(je ne comprends pas…)

« je vais vous raconter mon histoire » / verre bleu

/ d’un bleu profond comme on imagine l’espace

Infini plutôt que dans l’absence de toute couleur

/ un arc-en-ciel d’hypothèses aux interstices

Jaloux / « mon histoire n’a rien de lyrique mais

Elle me fait chanter chaque fois que j’oublie

Qu’elle est la mienne ou si je prétends

La posséder comme celle qui vous détruit

À petit feu » / des garces aux cuisses nues

Comme témoins / « qui n’a pas de père ?

Tout le monde en a un ! Même le Nazaréen !

Le Prophète n’a-t-il pas hérité du sien ? »

(je ne comprends pas…)

« nous sortons seulement si quelque chose

Nous invite dehors : par curiosité ou combat »

(je ne comprends toujours pas…)

« ya rien d’autre (là-dedans) pour nous sortir

De force / la soif et la lutte avec l’ange /

Sinon on se garde bien de s’éloigner du feu

Qui a toujours flambé dans le foyer familial »

— Vous comprenez maintenant ?

— On vous a pas sonné, curé !

À moins que vous ne sachiez s’il existe autre chose

Que l’intérieur et l’extérieur… / pas moyen d’y foutre

Autre chose que la queue dans cet interstice !

(je ne comprends pas…)

« c’est dedans ou dehors que ça se passe, merde ! »

Comme si le Paradis n’existait pas / et son Enfer

Qui n’atteint pas le niveau de la tragédie allez

Savoir pour quelle raison / mort de la métaphore

Genre tombeau, vitre ou athlète nu dans le stade

Ou pendant la bataille : s’imagine qu’il a combattu

Avec une femme / contre elle giclant le sang

Et les nerfs à bout : questionne la chambrée ou

La brigade / le visage éclairé par son écran :

Refuge des écrasés / à la place du livre et même

Du spectacle où le personnage s’est enfin soumis

Aux exigences de la scène / « si je gagne ce voyage

: je ne reviens pas » / comme à la guerre avec sa fleur

/ et des milliers de cadavres pour donner raison

À la politique / le poète ne tue que par amour /

Voici le verre bleu de la discorde : au pays des sorcières

Je crois gravissant les rues puis redescendant un verre

À la main : touriste qui ne comprendra jamais pourquoi

Nous avons été si pauvres / c’est que papa travaillait

Dur / gagne du terrain devant le portail et la rue

(la tienne) s’anime / « sais-tu de quoi je parle ? »

Que veux-tu imager ainsi ? Ta pensée ? Ton désir ?

Ce que tu as déjà consommé ? Ta momie ou ta cendre ?

Le cuir possible du cadavre ou ce qui reste du feu

Une fois qu’on n’en parle plus ? « quelle épopée on a

Dans ce cœur endurci ! » / il te reste du temps et

De quoi le dépenser sans compter / quelle poésie

Au cœur de l’action ? / animaux plus qu’imaginaires

Malgré le prix à payer / dans son petit carnet rouge

/ la moindre sollicitation / trace appartenant à l’autre

Qui était venu pour s’entretenir du passé et des

Meilleures choses « qui nous soient arrivées » /

Note le grain de la parole en marge : signe des temps

/ le cri vaut plus cher que le silence têtu des morts

/ ne lit pas trop vite, bougnat, le contenu à la craie

De mon ardoise / « qui est le père de cet enfant ? »

Question posée au Journaliste : « j’aime l’argent

De l’or » / qui sait de quoi l’Humanité mourra ?

/ débauche dans le texte : comme si ses érections

Duraient plus longtemps que sa passion pour

Le théâtre / « une chose après l’autre, mon vieux !

Un truc à lui : pas plus. J’y réfléchis et je te dis… »

Hortense de Word au pilori / sans ponctuation

Ni suspension / Rimbaud à l’affût mais ses fusils

Ne valaient rien : pas un pet ! / Monfreid vole

Son or et le noie / « ça ressemble à quoi un poil ? »

Glabres saisons en quatre comme cheveu sartrien

/ rare mais courtois : ne sait pas ce que c’est

Un ami : empathie mise à mal par le peu de choses

/ « qui saura mieux le faire que toi ? » / si je chante

C’est pour te vaincre / j’ai le bison séminole / matins

Des sources retrouvées : ni magma ni tissu / des rôles

À jouer pour avoir l’air mais pas les paroles / soirs

Après des journées biologiquement reconnaissables

/ « cascade la vertu » / miroirs des sommets atteints

Malgré l’idée de canard / « dans le mille que je l’ai eu

Ce voyage ! » / toute l’industrie au service de la recherche

Du plaisir et de ses petites mains / la queue dans le cul

D’une gamine « qui n’a pas l’âge mais la chanson » /

Qui reviendra pour revoir ? / « papa dit que jamais »

L’entonnoir des perspectives : on finit ensemble /

Coude à coude des agonisants / sans arène ni dieu

/ « alors, tu l’as trouvée ta place dans les limites

Que je t’ai indiquées ? Non, n’est-ce pas ? On demeure

Un point c’est tout / pas autre chose à espérer de lala

De la vie » / bouchon tricolore avec le blanc au ras

De la surface / les truites dans les trous noirs des berges

/ relevant la manche / connaît depuis longtemps ô

Depuis l’enfance : l’indice de réfraction / ne la rate

Jamais / se tortille avec elle dans les herbes folles /

La garde en vie dans son eau / perspective d’un repas

Du dimanche / à la pêche va au lieu de se donner

À Dieu / trousse la vierge sous son porche / ne déflore

Jamais / laisse ça aux autres / il pêche pour pécher /

« mais je suis bien revenu de ces pays de merde ! »

On n’est bien que chez soi : avec les siens et les autres

/ et les objets du voyage : au mur et dans les tiroirs

/ « on s’est battu pour que ça dure : la civilisation

on s’en fout » / « ne mélange pas tout, pépé » /

Note aussi cela dans son carnet à couverture de cuir

/ chacun sa part de momie : pour la cendre, vous attendrez

Encore un peu : temps de réflexion : des jours d’angoisse

/ des nuits au sommeil doublé d’urnes / « vas-y pépé ! »

— C’est toujours dans la poche…

— Tais-toi, curé ! / (tu comprends pas) / des lunes

Et pas de soleil pour éclairer ma lanterne / jouissons

De l’enfance si c’est elle qui tient le monde

Dans sa main / au gué / « pas plus loin qu’ici » /

Trace dans la terre avec son talon comme au stade

/ face à l’immensité qui s’annonce / voulant simplifier

Selon les directives nationales les mieux partagées

/ « tu parleras de poésie quand ce sera le moment

/ attends mon signal » / bouchon de polystyrène

Dans la masse des eaux / habitat aussi / chemise

Arrachée sous les arbres / « tu n’as jamais fait ça ? »

Devant l’hésitation de la fille il hésite lui aussi /

« jamais fait ça moi non plus » / ainsi naissent

Les bâtards : de l’hésitation / à la campagne

Comme à la ville / « ainsi tu es né de la femme »

Trace le projet sur une page : il est jeune encore

/sans lyrisme ni idée de ce que c’est l’épopée

/ « la mouche c’est le grand art » / à la bulle

Et au plomb / familier des rochers et de leurs

Incrustations têtues / « tu ne liras jamais assez »

Tous les sens à l’affût / retient ce qui se dit /

Le reste sera oublié : ou enfoui : par quelle méthode

Ou quelle intrusion s’en nourrir avant d’en finir

Avec le temps ? / allez : chante !

(je ne comprends toujours pas…)

Plus facile d’en finir avec la vie

Que de renoncer à l’existence

« je savais que je pouvais gagner moi aussi »

Voici les instruments de l’alchimie moderne :

S’en empare sans demander le prix mais connaît

Les conditions du crédit / voilà le personnage

En scène / personne ne sait comment commencer

/ « il vient toujours du monde » / dimanche

À l’eau / des dragées dans leurs cornets / messe

Des tapis / l’esprit oublie qu’il existe / « quelque chose

me dit que c’est le jour » / « moi j’ai déjà gagné

mais j’en suis revenu » / « ferme-la, curé ! » /

« avant j’étais seul » / « c’est qu’une gamine »

/ « c’est quand même pas la même odeur… »

La mer et la rivière / l’estuaire des allers-retours

/ « j’en sais rien s’il reviendra » / de la guerre

Ou d’ailleurs / « papa dit que c’est pour toujours »

Il faut savoir où on habite / sinon on ne revient pas

/ (dit papa) / quel était cet ailleurs ? / l’enfance

A perdu le sens de la mesure ce jour-là / ne riez

Pas si je vous mens / une chose après l’autre /

« tu enseignes quoi ? » / mais rien, mes petits…

Quelque chose s’est perdu… ? / possiblement

Mais après ? / « tout ça pour rien ou pour toi »

/ « ne meurs pas avant les papiers, je t’en prie »

Qui ne traîne pas la savate les jours de deuil ?

« quel est le but de votre voyage ? — vous voulez

dire : la destination… ? » / qui n’a pas le prix

A perdu son temps / je veux dire : il n’a rien

Gagné / expert en cornets il les collectionne

Et ô mon Dieu il les montre : vitrine possible

De son bonheur : qui veut essayer ? Je vous

Montre, gamine ? / la tentation de l’Occident

/ répartition équitable des contagions possibles

/ « on en reviendra à cette foutue idée d’exter

d’extermination » / vous verrez : moi je rentre

Avec cette autre idée déjà usée que je n’en sortirai

Plus : j’ai trouvé de la beauté dans ces murs / pas

Vous ? / que vos problèmes soient la source vive

De vos solutions / nous n’aimerons jamais l’autre

Plus que nous-mêmes : erreur d’appréciation

À l’origine de l’école des massacres / ramenez

Toujours de quoi nourrir votre famille / le pissenlit

Vous en sera gré / tôt ou tard / Dent de Lion salue

Hortense de Word avant même de se pencher

Face au public / Dent de Lion connaît la danse /

À deux peuplent le théâtre de toutes les histoires

Dont on peut tirer morale et connaissance /

En attendant Histoire de Recommencer, qu’on

Ne voit pas entrer mais qui sort / avant les autres

Et tout le monde / comme si la rivière de papa

Sortait de son lit pour ne plus revenir / rivière

Voyageuse sans lit / sans estuaire / sans fleuve

Pour la renommer / comme les matins sonta

Sont agréables depuis que je ne vais pluzo

Plus au théâtre ! / Hortense, Dent et Histoire

Sifflent le public qui rougit / par ici la sortie !

Et dans la rue papa veut que je comprenne

Que je ne suis pas ici par hasard : j’ai mon rôle

À jouer : avec la nette impression de ne pas

Servir à grand-chose mais ça n’est qu’une

Impression : je ne saurais jamais à quoi je sers

: « p’t-être qu’y vaut mieux qu’on le sache pas »

Voilà donc d’où elle naît cette peur d’allétro

D’aller trop loin : plus loin que l’arbre de papa

/ « comment que tu l’appelleras ton œuvre ? »

Je l’appelle « De tous mes vœux » : votum des

Dieux / mais du Désir un peu aussi / on n’en

Demeure pas moins homme / « ya de la place

pour tout le monde : surtout à celle du mort »

C’est comme ça qu’on est revenu papa et moi :

De la pêche et d’un tas d’autres choses que si

Je ne les cachais pas dessous vous seriez perdus

Pour le chemin / le chemin n’aime pas perdre

Ses caminantes / avec ou sans croisées il aime

Les pas et ce qu’il y a dedans : pieds des vers

Comme des hommes / ça gazouille dans les arbres

/ ya des fontaines et des jardins / des roses et des

Bleus / des pontons imputrescibles / de quoi manger

Et arroser / des shoots en veux-tu en voilà / la mort

À tous les étages / des canards, des biches, des yeux

Plus grands que la bouche / pour tous les goûts

Au catalogue : si tu trouves pas ton bonheur, c’est

Que t’es malheureux / au diable le Malheur et ses

Ouailles ! Faut s’appeler un chat si on est un chat

Et un homme si c’est à la femme qu’on pense

Le mieux.

 

« il ne se laisse pas lire » / l’homme jamais rencontré

Dans son livre mais qui y demeure / de quel génie

Le hasard ou les données animent sa présence ?

 

« suis-je vieux ou jeune

Maintenant que j’y suis ?

Qu’est-ce qui est entré

À mon insu et par désir ?

 

Je me rencontre tous les jours

À l’orée de la nuit, malade.

Moi aussi, belle invention

Du temps « je me vois me voir »

 

Qu’est-ce qu’une nuit sans toi

Ou la même journée, sinon

L’attente que le clocher

Organise dans ses rouages ?

 

Sortant de chez lui il va

Rejoindre ses semblables.

Partager l’instant et l’or

De la dernière trouvaille.

 

Vieux ou jeune et sans rien

À ajouter à la flaque des heures.

Il rit aussi au passage des enfants.

Ou au dépoussiérage des lieux.

 

Ne se laisse pas lire aussi facile

Que les paresses du songe-creux.

Au toucher ça travaille encore

De l’intérieur, télévision dehors.

 

Les grouillements conservent

Leur faculté d’éveiller les sens.

Voici des yeux que rien ne ferme

Et un regard à reconnaître pour sien. »

 

« rentre à la maison

Il y fait bon vivre et mourir

Rentre au bercail de ton nom

Le feu c’est pour toi

Qu’il éclaire ma cuisine »

 

« j’avais peur que ça nous arrive

/ on ne sait jamais avec les présidents

/ nous avons eu beaucoup d’enfants

Et pas un n’est encore assez vivant

Pour en écrire quelque chose »

 

« Qui vit à l’étage de dessous ? / entendons

Bouteille cogner les murs / ça fait peur

Ces choses / je voulais pas le dire si tôt

Mais le temps presse / on peut se faire

Tuer dans la rue par ces soldats de Dieu

/ le même Dieu sans qui la Création

N’a plus de sens / cognait avec sa bouteille

Les murs et finalement la brisait dans l’évier

/ les turlutes l’ont intubé / un soir de Noël

Après l’turbin / que j’en avais la langue

Prise au piège du témoignage / je voulais

Rien dire mais je l’ai dit / j’habite pas ici »

 

Traîne son témoignage sur lui-même /

Veut encore vider ses couilles / à la Gide

/ c’est pas ce qui manque les petits culs

/ un bretzel à la clé / lisait EAP avec ardeur

/ avec CB comme maître des fourneaux /

Toute la vie avec ce truc dans la tête /

Et assez de fric et de relations pour exister

Encore et encore / franchissant les frontières

Comme tu te jettes par la fenêtre / mais

Revenant toujours et retrouvant les familiales

Résidences qui servent de demeure /

Où ne va-t-on pas chercher la volupté

En ces temps d’incertitude maîtresse ?

« je vais te le dire : là-même où tu n’as

Aucune chance d’exister » /

 

Le rectangle

À la place

Du cercle.

 

« ne reviens pas sans la poubelle ! »

Couvercle comme seule rime /

Comme si le moment était bien

choisi

/ pour penser à recommencer

À partir du moment où ça s’est

joué

« avant j’étais doué…………….

Tiens encore une rime / pour

ces sortes de choses »

comme si ça rimait

à quelque cause /

dans l’escalier muselant la poubelle

« je ne fais que passer : avons mangé

Du melon / elle adore le porto et moi

J’aime les papillons » /

La femme des foules passe : il la suit

/ bande déjà à l’idée : parfum amer

Des récidives / « combien de fois

Que t’as payé, Gaby ? » / fabriquée

Par les dindes de Mésopotamie /

Un mélange de versets et de prose

/ tintinnabulant dans la descente

Genre maelström / croise une vieille

Et la viole mentalement ainsi que

La fillette qui l’accompagne au bras

D’une poubelle du même type /

Bande toujours quand il descend /

Ne va pas plus loin que l’espace

Réservé aux poubelles de l’immeuble

: pour ne pas dire de ses habitants /

Ne voit la rue que de ce point de vue

Sauf quand il s’enfuit au travail /

Ni jeune ni vieux personne ne le lit

/ personne pour tenter l’impossible

/ finira à la poubelle comme les autres

/ mais n’a pas lu beaucoup lui-même

Sauf des BD et des affiches : des « encarts »

/ ne viole que l’entrée / à la sortie

Ne se souvient plus de l’âge : petite

Quéquette qu’il a durcifiée à la main

/ « les temps sont durs pour les Lettres »

 

« où s’arrêter pour y penser

À tête reposée ? / quel port

au bord

De la mer ou au sommet

Des montagnes de ma jeunesse ?

Quel endroit tranquille n’existe

que pour moi ?

Je ne veux pas lutter contre la mort

/ ni contre les animaux

Qui hantent les lieux

Les domestiques comme les autres :

J’ai du langage sous les ongles

Et la langue en sang à force

de la retenir /

bizarre tout de même

que je sois destiné

à la disparition totale /

ne rien donner

et finalement

tout perdre

Arrgh ! c’est

Inadmissible !

J’en ai la page

Ni noire ni blanche

: anti-page quoi !

Et à la télé

On parle de moi / »

 

« prenez un de ces trucs / là / sur le comptoir

Et tirez-vous avant qu’elle descende elle aussi »

Un escargot sur la langue il continue d’explorer

La rue et ses environs, ses annexes possibles

Et ses rôles à jouer dans ses propres coulisses

/ suivant le conseil de son barman il se tire

Et tombe nez à nez avec l’improbable amour

De sa vie : il n’en croit pas ses yeux et recommence

: pour voir si c’est vrai ou faux : ou si ça n’existe pas

/ un poisson évadé du bocal / avec son eau et ses algues

Factices entre les écailles / « j’ai jamais été aussi loin »

Reprenant un escargot et le mâchant avec toute

L’attention que réclame l’apparition de ce qui est

À la fois beauté et évènement à ne pas manquer

Sous aucun prétexte : or, des prétextes, il en a !

Des tas de prétextes : il n’a rien effacé avec la gomme

De sa vie de famille / il a tout gardé : en vue d’un futur

Procès après sa mort : défaite ou destruction il n’a pas

Encore décidé / il y a consacré du temps et de l’argent

/ il a perdu l’un et l’autre : mais pour l’apéro il est

À l’heure / des escargots qui emportent la gueule

À l’heure exacte au rendez-vous ! / « jamais aussi loin »

Pas question de laisser passer la chance sans lui dire

Ce qu’il pense d’elle :

 

Papa est au lit

Avec la voisine

Maman se suicide

Mais c’est par erreur

 

Ce n’est pas de sa faute

Si elle se trompe pas de

Sa faute si le compte

N’y est point

 

Ah si la chance

N’était pas la chance

Mais l’enfant n’est-il pas

La meilleure des gaffes

 

Ici on joue

À ne pas jouer

Comme les autres

 

J’vous ai mis ça en italique

Parce que je sais pas

Si j’en suis l’auteur

Ni si l’auteur

Est encore

Dans le lit

De papa

 

« vous ne saurez jamais pourquoi vous n’avez pas tué »

Veut dire : au lieu de vous laisser mener par le bout du nez

/ me regarde comme si j’étais son papa biologique :

Je suis venu ici

pour guérir de mon mal

pas pour reconnaître

/ « mais ce ne sont que civilités indispensables »

Voici ce qui est à la portée de tout le monde :

Reconnaître que le heurtoir

A son utilité publique /

Et savoir s’en servir

Sans démolir la porte /

Venez sans vos enfants

Et n’oubliez pas de quoi

Arroser mes rosiers /

Je ne vous je ne vous

Décevrai pas ne vous pas

Décrottez et heurtez

Et n’attendez pas

Le signal pour entrer :

Je suis au bout

Du couloir de la m.

 

L’escargot toujours sous la dent /

Ya pas d’luxe et ya plus d’calme !

Par contre c’est pas gratuit sauf

Si vous avez des Lettres / style

Garanti à la sortie : avec ou sans

Foutre et le Jean qui va avec /

Comme le monde est petit !

Un vrai mouchoir à verser

Au dossier de la solitude !

Si vous n’êtes pas du pays

C’est dans la cour

Que ça se passe /

Sous les orangers en fleurs

Avec disciple et contradicteurs

/ toute la gamme de l’émotion

Conçu comme antidote

De l’hypothèse /

Laissez-vous berner

Comme dans une histoire

/ jamais plus seul serez

Ni plus près d’en finir

En beauté

 

Promenons-nous / l’expérience

Démocratique est dure à avaler :

Parti de rien le voilà en poste

/ il a ensemencé le con tranquille

Comme l’eau qui dort avec son lac

/ il se sent comme victorieux, fort

En thème mais pas en version /

Surtout qu’il ne parle pas le patois

De ses aïeux : parle comme un livre

Qu’il n’a pas signé / branlette le soir

Après le film / passe pour arrogant

Alors qu’il s’adonne au mépris des

Formes non nées de la mère patrie.

Dans le lit elle ne veut plus penser

À ça : déni et fictions de la compagne

Acquise sur le terrain des luttes

Intestines / une putain donne sa

Leçon de choses : elle aime la jeunesse

Et l’enseigne / sur la place on s’exerce

À aller plus loin que les limites imposées

Par le carcan des lois / la domesticité

S’emploie à tous les étages du travail

Censé nourrir et préparer à la guerre.

« qui suis-je si je n’arrive à rien ? »

Le suicide comme problème ou solution

Selon ce qui arrive à la raison / des heures

Devant l’écran : politique, commerce,

Information, spectacle et : confession :

« je t’ai dit de descendre la poubelle

Et de la remonter avec son couvercle :

La dernière fois je suis descendue

En pleine nuit pour le remonter : tu

Dormais avec ta dose de neuropeptides

/ je n’étais jamais descendue aussi bas

/ trottoir des nuits démocratiques, luisants

De rosée à une heure où tout le monde

Recherche un succédané aux motivations

De Tirésias / croisé le chat et l’ombre

/ quelle solitude plus complète que

Cette certitude qu’il n’arrivera rien ! »

 

Vu à la télé au lieu de sortir dans la rue

Pour interroger ses devins / aux vitrines

Les reflets du désir qu’il s’agit d’imposer

Sans se faire prendre / « sans Dieu, dit

Le mollah éclairé par un réverbère, sans

Lui nous ne comprenons plus rien /

Or nous sommes faits pour comprendre

Et non pas pour passer notre chemin

Comme s’il n’y avait rien à gagner

À prendre le temps d’une conversation

Avec la lumière et sa nuit » / l’enfant

(que j’étais) explore le catalogue possible

De la librairie qui vaut mieux (et de loin)

Que les alignements mesurés de la bi

Bliothèque / « je suis venu pour arroser

Votre jardin, madame » / profitant

De la rose pour jouir du possible : « livre

Qui ressemble de près à ce que je sais

De ce monde d’héritiers et de malades. »

Ce qu’il disait / l’Amérique installant

Les outils de la pratique démocratique

Au grand dam des chiens tenus en laisse

/ « qui gagne plus que celui qui a perdu ? »

Hypocrites jaloux sur les pas de porte

/ « c’est comme ça qu’on a colonisé

Le temps de nos mortes civilisations

Et l’espace des cimetières abandonnés

Aux dieux et aux esprits » / homme nu

En proie au textile d’une idée universelle

De l’Homme / « et ce n’est pas fini, fiston ! »

Veut dire : « une fille est une fille » / rien

D’autre que cela : porteuse de l’avenir

En attendant de trouver le moyen

De s’en passer / « laisse-la s’amuser

Au Conseil et au Parlement / le Temps

Est un homme » / comment ne pas

Disparaître corps et âme avec Arthur ?

Comment ne pas laisser ce désir

De suite à donner à l’œuvre de fiction ?

Et quelle fiction n’est pas le signe du déni ?

Bédouce et Poubelle ont bon dos ici.

Se retrouvent sur les berges de la Loire.

Oc et Oïl dans un bateau voiles toutes

Au vent / le rêve éveille la conscience /

J’ai vu ça en chinant sous les couverts /

Pocket radio entre deux dictionnaires

De vert vêtus / acanthes garanties pur

Sucre / « hier soir je l’ai obligé à descendre

La poubelle : sinon pfuiitt ! » / caresse l’air

De bas en haut : sa robe secouée par

La brise / le bras flasque et le menton

Double / « j’crois bien qu’t’étais encore

Un morveux à l’époque et elle une pis

Seuse » / quelque part on retrouve la

Route tracée au feutre rouge sur la carte.

« ya pas d’démocratie sans nous et pas

d’patrons sans démocratie » / dans l’urne

Les cendres d’une idée aussi ancienne

Que la première / « il a oublié le couvercle

À cause de cette petite qui lui tape

Dans l’œil depuis qu’il sait ce qu’elle

Veut » / un couvercle qui sert de bouclier

Si la cause est entendue / « le grand jeu

Est un neurone » / qui ne joue pas banco

? / qui n’a pas l’idée d’un guet-apens

Dans la tête ? / « si tu sais où tu vas

Tu s’ras pas surpris d’apprendre que

J’suis pas ton père et que ta mère est

En voyage » / « chaque samedi matin

Nous allons à la foire et nous achetons

Un petit quelque chose / histoire de

Ne pas revenir sans rien / c’est la vie

/ enfin c’est comme ça que je l’ai

Toujours vue / mais j’saurais pas

Vous dire si je tiens ça de papa ou

De maman ou même du Saint-Esprit !

— Pourquoi s’organiser pour mourir ?

— Mais c’est que j’en sais rien moi !

Demandez au passant et particulièrement

À l’étranger qui a cette idée derrière

La tête » / pas de poème sans conversation

À cette hauteur des sorties dans le monde

/ continuez votre chemin jusqu’à la croisée

Et demandez au curé : il a toujours su

Mieux que les autres, té ! » / et en effet

Il savait : c’était écrit partout où l’homme

Honnêtement constitué peut poser son regard

De fils / « nous aurons des jouissances amères

Si nous continuons de rêver sans y être invités

/ « c’était nuit quand je suis descendue »

C’est pas pour dire : mais je me sens bien ici

/ entouré / lu / invité à me taire / guérison

Garantie par le gouvernement et ses sbires

/ « cette idée qui s’est imposée à l’esprit :

Ce qu’elle a fauché dans le pré aux clercs

/ la gentiane longtemps observée avant

De l’arracher à sa terre / l’enfant court

Avec son bouquet ou plonge sa tête

Dans un baquet pour expérimenter

Le risque / avant d’avoir vraiment peur

De la mort / « ce qui arrive est naturel

: on y peut rien : faut se hâter avant :

Ensuite on sait pas : et tu veux que

Je te dise : on saura jamais » / jette

Sa ligne sans espoir d’y arriver avant

Midi : « avant j’y arrivais : j’étais ah ! »

Les jours charrient nos nuits / brocante

Du samedi et le dimanche avant la messe

Éjacule sur la pierre ancestrale avec un cri

De guerre pour seul poème / « qui ne tue pas

Ne vivra pas sa vie » / en colonne les vers !

Et désarticulés avec ça ! Comme pioupious

Aux terrasses lorgnant les toilettes de sortie

Après le dessert / « je veux oublier : comment

On fait ? » / mieux vaut oublier maintenant

En effet : après, ça devient une obsession

/ et ya rien de plus tragique que d’en être

L’auteur / aux terrasses voyant à quel point

L’idée de patrie est une ignominie : voulait

Vivre sa vie et pas celle des autres : pourtant

Il se bat pour eux / il songe à une postérité

Gagnée sur l’improbable / « qu’est-ce que

j’y mets là-dedans ? » / ton va-tout et celui

De ton père et de sa maison / les vitesses

Acquises par jeu puis par devoir envers soi

/ ou rien si tout ceci n’a pas plus d’importance

Qu’un ciboire ou l’épée d’un général /

« un jour, tu seras rien / et alors tu penseras

à moi : ton père » / mais j’y pense, figure-té !

Descendant la poubelle et mes restes,

Mes emballages, mon crédit bancaire /

Ce qui reste de l’attente et de ses contenus

/ oubliant peut-être le couvercle et remontant

Avec l’odeur qui me suit à la trace / moi

Qui n’ai jamais tué personne ni même

En rêve : pas assez de haine, pas assez de cran,

Manque de ferveur, de foi, de technique /

Ne constatant que dans l’écran où en est

Cette sacrée idée de démocratie pêchée

Un jour de houle et d’embruns acides

/ les pieds nus sur le sable dur malgré

Les flux / le visage battu par le vent

Des voiles / blessure au coquillage /

Vision à même le papier qui résiste

À ces intrusions / « personne ne t’a invité »

/ pas même forcé la porte : ouverte comme

Si j’étais attendu / pourtant le festin

Exigeait un carton : n’importe quoi qui

Y ressemble : reconnaissance des lieux

Toujours en vitesse : « il va falloir que

Tu t’y habitues » / d’où le choix de l’impression

/ pas le temps de concevoir l’hypothèse

Qui nourrit son homme : « sais-tu au moins

Écrire comme écrivaient nos classiques ? »

Avec quoi ? / plume ou autre chose de moins

Facile à trouver sur les étals / fragment d’os

Ou calame aux capillarités noires de Chine ?

Voici le tissu des nus / chlamyde ou prétexte ?

« à toi de voir » / pas de service à rendre

En échange d’un peu d’attention : ascenseurs

En panne / « tu vas trop loin : Darien, Williams,

trop loin : pas plus loin que cet arbre : tu vas

trop vite : le temps finira par te manquer »

/ verre brisé du texte sans aucune trace

De contenu : « on te l’avait dit : démocratie,

chiens, Stello / tu ne lis pas assez / pas assez

longtemps / trop vite lus ces palimpsestes /

voici les tapas et la fille qui les prépare /

sers-toi » / « nous n’irons pas au bout

de cette expérience si l’Amérique n’en meurt pas »

Excellent vin à cette altitude de téléphérique

/ beau le temps par illusion en salle / trompettes

Tues des rues commerçantes et résidentielles

/ pas de rues sans commerce ni résidence /

Sinon ce sont des chemins et ils ne mènent

Nulle part / « écris un roman et tais-toi »

Service-service / pantin ou domestique

Selon salaire / flic-salaud contre gilet-pédant

/ « prenons le temps de vivre : la mer, nos

montagnes, ces déserts survolés, forêts

en prime avec qasida, muraille des chines

du samedi, et ce jardin bordé de fleurs,

ce potager d’amour et de patience, cet art

de la composition, bouquet des absentes

à toute heure du jour et de la nuit : nous

sommes heureux au fond » / sur le toit

La pie examine les possibilités de la cheminée

/ s’y introduit et chute dans le conduit

Heureusement sans feu à la clé de ses tisons

/ ici le plancher porte les traces de la flambée

Que l’hiver inspire au corps plus qu’à l’esprit

/ « nous aperçûmes le sommet de l’île

mais pas sa plage ni ses abrupts / l’hypothèse

la plus probable était que personne

ne l’avait découverte avant nous /

le ciel était une trouée dans la masse

nuageuse qui menaçait de s’abattre

sur nous comme le poing d’un dieu

surpris en pleine solitude / mais malgré

cette légitime angoisse, nous mîmes

pied à terre : le sable était noir et grossier

/ le mur qui s’opposait à nous était blanc

et dur, sans prise pour nos mains, perdu

dans la nuée / notre premier mort parla

de ce qu’il voyait : des animaux tranquilles

qui refuseraient de se laisser manger sans

combat : la mort avait élu domicile ailleurs

que dans nos têtes : elle avait son mot

à dire mais nul poète parmi nous ne savait

le dire aussi bien qu’elle : voici notre pays »

 

Mais ah ! comme la vie est quotidienne

Comme dit le Hunier en coulissant /

« je ne peux pas me changer » avoue-t-il

En posant le pied sur le pont, souple

Définition de la poésie dès qu’elle

Ne s’adresse plus au miroir d’eau

Ou de regard / un charlatan passa

Avec sa religion et sa situation sociale

/ sur le quai héla l’équipage encore

Éberlué par les nouvelles connaissances.

« qu’est-ce que c’est beau un paysage,

une marine, un portrait, là, sous la brosse

et le couteau : à peine débarqués, nus

jusqu’à la ceinture, chassant le crabe

du pied et le ciel de la paupière, avec

les femmes mais aussi nues que là

où nous sommes arrivés ensemble /

j’en ai encore la langue, la belle langue

qui me dévore des yeux » / femmes

Finalement englouties avec le désir

De demeurer avec elles et la promesse

D’une mort tranquille comme au paradis

Que seul le langage « le beau » « le pur ? »

Connaît par expérience sur le fil du roman.

« je ne peux pas me changer comme ça ! »

S’étonna-t-il : d’un air de dire :

« j’ai pas connu le bonheur ici

/ il a fallu que je suive les hommes

Pour que ça change / mais moi,

Briseur de miroir, je ne me suis

Pas changé / peut-être cette fille

Qui est devenue femme à force

D’exister / ah ce n’est pas l’envie

Qui manque ! D’un côté comme

De l’autre : dans les sels du soleil

Chaque matin que Dieu ou le Diable

Fait euh de nous / épaule contre

Épaule, nus derrière les carreaux,

Sortant tout juste du même rêve

Sans enfant à la clé : la mer fouette

Ces coques écaillées comme pescado

Alors que le pez retourne d’où il vient.

Comme c’est quotidien ce désir de vivre !

Au spectacle des intermittences /

Saluez au passage l’ouvrier en route

Et le flic que la honte ne détruit pas.

Le doigt sur la vitrine ou l’aile rutilante

Des carrosseries / j’en ai le nez soumis

À d’autres ivresses / pas de rossignol

Mais le pigeon roucoule sous l’effet

De l’impôt / chevaliers sans croisade

Ni autre croix que la croisée aux sémaphores

/ j’en ai l’esprit au psittacisme des pubs

/ j’en rêve moi aussi sachant que rien

Ne me rendra heureux si le voyage

Est exclus du rêve national / clinquant

Des paliers aux bielles cliquetant tant

Bien que mal / vous ne saurez rien de moi

Si vous ne me prenez pas pour quelqu’un

D’autre »

 

Que le début de la fin

Vous claquemure et que

La suite vous entourloupe !

Le poulpe égaré, simple

Pota cependant, cherche

Une issue improbable

Entre les coques calmes

Que la houle encoquillage.

Au bâton agressif répond

Par l’étranglement crispé

Puis il est fracassé en vue

De la fricassée de midi.

De quoi peupler le temps

Sinon d’animaux énigmatiques ?

La mer sent l’échappement

Et l’algue / le sable effrite

Les pensées / retrouvons-nous

Devant un verre et saluons

L’ouvrier et le flic, le toubib

Et le maire, la pute et la souillon.

Usons nos gestes à la surface

Des reflets / que l’idée nous

Vide de notre sang familial

Et patriotique : sur la nappe

Trace le vers qui demeurera

Alors que son pendant se perdra

Dans l’immensité impossible

À définir autrement que par

L’infini, ô maître d’Alvaro /

Que le vers et le verre ne fasse qu’un ! »

 

Croiser n’est pas difficile si on sort

À l’heure prévue par les habitudes.

J’en ai la langue belle et le cul mauvais.

Voulez-vous que mon travail vous serve

Ou qu’il vous tue, voire vous indiffère ?

Descendez dans la rue ou remontez

Vers elle si vous êtes frère des rats

De la Cité / les jambes et les roues

S’activent à cette heure / dessus

Les piafs croient à la chance et

S’égosillent / j’ai vu un enfant saisir

La bite tendue de son voisin de palier.

J’ai vu des filles de son âge caresser

Leurs poils en rêvant de crever l’écran.

On croise si c’est ça qu’on veut faire

De sa vie / au cabaret des campagnes

Vidant le verre et la vésicule sans ardoise

/ ma mauvaise haleine fait reculer

Les ombres et les reflets mais vous :

Vous croisez aussi / avec la même constance

Ou : rébellion retrouvée au cœur même

De la série à la mode / en voici des gosses

Qui ont perdu le sens de la mesure !

Ce monde ne s’améliora pas dans la croissance

Démographique ni économique : pourtant

Le meurtre est toujours aussi mal vu /

Déployez l’arsenal des virus romanesques

Et confidentiels / l’artiste enfin au pied

Du mur : de son mur in progress : politicards

Et pisse-copie à l’œuvre des écrans versus

Le légitime désir de s’en prendre à la cause

De tant d’erreur de casting / la faute à Fifi

/ à ses familles et à leurs travaux / Mérovée

De retour sur la scène ou tout autre figure

Du Désir /

Si je vous dis que c’est facile

Comme d’aller à bicyclette

De Dunkerque à Tamanrasset

/ et jusqu’à l’Oural pétaradant

Dans les cassis et les nids de poule

De cette idée de l’Europe qui pend

Au nez de l’Histoire comme la goutte

À l’orteil de l’amateur des rues.

 

Facile même à écrire et à donner

À la chanson de ces mêmes rues

/ avec ou sans rimes mais pas sans

Mesure / ni sans tempo réfléchi

Avant de s’y mettre pour ne pas

Perdre de vue le bout de la rue

Et ses perspectives de chemin.

 

Vouais vouais j’aime les façades

Même si je n’en vois pas les toits.

J’aime Dieu comme si j’en étais

Le père et la mère / j’aime les fils

Et les filles des cages d’escaliers /

J’aime tout ce qui se touche sans

Exiger le regard / pas une journée

Sans shoot suivi d’une ivresse constante

Jusqu’à la nuit qui l’ensommeille.

 

J’aime la nuit si c’est la nuit.

Le rêve me plaît bien aussi

Comme lexique et analectes.

Tu me plais même si je préfère

La voisine /

j’ai pas dit que je t’aime.

 

Continuant ainsi à mettre le pied avec les autres.

Ne découvre rien mais tente les bifurcations

Que lui inspire son esprit au fil des reconnaissances.

 

Salue le flic, misérable larbin d’une injuste querelle.

Se penche du côté d’une forme cachée mais pas

Dissimulée / flatte la joue d’une voisine de dix ans.

 

Il sait qu’il reviendra avant la nuit : pas question

D’aller plus loin / tout homme qui se respecte

Connaît ses limites / sous la flaque les pas : il pleut.

 

Comme c’est vulgaire le peuple ! Et comme c’est vache

Ses cadres ! Impossible de violer les filles du premier.

Leurs Ferrari trop vite vont ! Leurs jupes sans cuisses

En cuir m’aveuglent ! Je suis momie sans feu ni loi.

 

Comme le jour est vide de tout ce qui se propose

D’en faire une de plus et non pas une de moins !

Je ne sais plus si j’aime les flics ou si c’est l’ouvrier

Que j’encule dans mes rêves / ou une fille à papa

Dont je découpe l’entrejambe pour ne pas être

Trahi par les circonstances / qui suis-je si on ne

Me voit pas aussi clairement que je vous vois vivre ?

 

Bien sûr il y a la simplicité : ses fleurs, ses écumes,

La lenteur de ses fenêtres, le recours au présent

Ou au passé composé, ses soldats de plomb, ses

Joyeusetés théâtrales, les minois, les plis, les nuits

Éclairées, ces lampions retenus puis lâchés, ce que

Papa m’a donné, ma main refermée sur la piécette

Polie, mes pas dans l’escalier, ma trace circonstancielle

Aux murs, le coup de foudre pour la nuit, la mort

Rejouée par le bourgeois du coin et applaudie

Par la racaille salariale de haut en bas, le crachat

Des asphaltes foulés avec leurs confetti voletant

Dans la brise des matins et des soirs, coulissement

Alternatif de l’usine à recommencer ce qui prouve

Que nous sommes créés et non pas issus /

 

Que faut-il constater sans compliquer inutilement ?

Et que mettre en jeu pour trouver de quoi le dire ?

 

À la table d’un premier parasol

Il exige ce qu’il ne peut payer

De sa poche / remet à plus tard

Les palabres consécutives et sort

Son crayon imbibé sans limites.

 

La nappe sera empochée avant

Toute proposition de changer

La joie en monnaie / avec usure

Et initiation aux algorithmes nouveaux.

 

Si je n’ai plus de quoi écrire (dit-il)

Comment voulez-vous exister en moi ?

Je n’ai rien promis. Je suis venu pour

Donner raison au temps. Je n’ai pas

De quoi payer, mais si vous me payez,

Je paye. J’emporte aussi le parasol.

 

Passe le temps à fuir. Sait qu’il fuit,

Même si le feu est au rouge. Retourne

Vers l’enfance par pure perversité,

Mais ne ment pas. D’autres branleurs

Veulent être élus à la place de leur

Duplicité. Mais lui n’a plus la piécette

De papa. Sucé la piécette avec la sucette.

À l’âge des succions qui succède à celui

Des aspirations. Fuit sans se presser.

Prend les tangentes. Connaît le cercle.

Revient. Par fidélité au centre défini

Par le compas social. Veut savoir sachant

Que personne ne sait. Il encule les culs

Et non pas les nombrils. Ne mérite-t-il

Pas la gratuité du verre matinal ? Et le soir,

Ne lui donnerez-vous pas la nuit pour seul sommeil ?

 

Nous n’aurons pas de chance si l’aurore oublie

Le rose de ses doigts. Me voilà à l’heure au

Rendez-vous. L’eau des quais clapote gentiment.

On attend les retours. Des putes redescendent.

Des tapis sortent. Le trottoir n’a pas changé.

Reçoit la poussière et la lumière comme deux sœurs.

J’en époussète mes chevilles de bois. J’en cligne.

 

C’est un de ces matins qui chasse les noirs

Poteaux de l’angoisse. Derrière le mur est nu

Comme une statue. On entend, si on veut

Écouter, les ruissellements des sous-sols.

Je m’absente. Oh, dit-il, ça ne durera pas.

Je me connais. J’en ai vite fini avec la vie

Comme avec les heures. La nuit tombe encore

En fines gouttes. J’en ai le crâne comme

La vitre de mes regards. Derrière le mur

Connaît des mouvements d’une lenteur

Exaspérante. On se demande ce qui va

Arriver et si c’est déjà arrivé. Si c’est

Le cas : léchez le timbre de vos e-mails.

Laissez la trace de votre passage de la vie

À la mort. Consultez les entrées et noyez

Les sorties. Personne ne sort sinon. Voici

La première eau stagnante et le vent sans

Les voiles. Des lamparos forcent la transparence.

L’eau parle, ensable, érode le cordage vieux.

Le matin l’angoisse est un personnage aussi

Ancien que le travail. Quel bouquin accompagne

Cette errance qui propose ses ballades ?

Ou complaintes si on y cherche des poux.

Encore fait-il avoir rencontré quelqu’un.

Mais le vide est le principe régalien des matins.

L’aurore prend son temps. La Lune hésite.

Personne pour saluer. Mais des ombres

Habitent l’ombre. Chocs des bouées contre

Les parapets. Levons la patte par-dessus

L’amas des chaînes. La rouille teint la pierre.

Figures d’une éternité en attendant le déluge.

Rien n’a changé que la langue. Refrains reviennent

Entre les lignes de fuite. Qui construit dans l’abstrait ?

Ces façades à la tyrolienne. Figées dans la lumière

Des trottoirs. Rien ni personne. Comme si j’étais

Mort et que je me croyais vivant. Qui cherche

Le ou la coupable ? Des affiches changent le sens.

Est-ce bien le vent ? Détruis la ponctuation avant

Qu’elle ne te redonne du pep. Glisse au lieu

De marcher. L’hiver ne promet plus la neige

Ni ses sommets. La route serpente et traverse.

La main au taquet il se hisse. Dissolution. Les

Choses perdent leurs liens. Comme l’écume

Après la vague. La question est de savoir

Qu’est-ce que je veux posséder. Autrement

Dit : qu’est-ce que je veux laisser ? La valse

Des ricochets prend fin avant l’autre rive.

Le compte est exact. On ne se trompe jamais.

Un galet de moins sur la plage, pense-t-il,

Pensant mais pas un galet de moins dans l’absolu

qui me hante Des traces mènent quelque part.

Qui n’a pas mesuré la solitude au fil de l’eau

Ou au ressac ? On aime les variations du mythe

Plus que le nom qu’on lui donne. Pourtant le nom

C’est le mien. Personne sans théâtre où se jouer

Du hasard. Traces d’un éphémère figé par

Cristallisation de leur ténacité. Qui n’en soupçonne pas

Les possibilités dramatiques ? Les amas de filets

En vrac et ceux qui attendent le ravaudage. Passe

Son chemin le long de ces gisants. Voit peut-être

Plus loin que la surface bleuie. Soie des rouges

Et des jaunes. Voici un matin qui ne s’achèvera pas

Par volonté nocturne. Et ne me parlez pas

De l’influence du rêve : je n’ai pas rêvé quand j’ai vu.

Quel silence le sommeil qui attend son heure !

Heureusement le soleil n’a pas perdu la trace.

Lotus et silènes comme métaphores et du sable

Dans les oreilles. Quelle dune ne participe pas

À l’horizon ? Sur son âne agite un bâton. Prononce

Un seul nom. Et recommence jusqu’à aujourd’hui.

De message en message. Colporteur des levains.

Ce sont donc ses traces pense-t-il. Qui démentira ?

Le corps étanche sa soif à d’autres sources désormais.

Beaux poèmes des marches. Entre l’orée et les champs.

Imaginant la personæ. Intuitu. Bas-reliefs des cloisons

Et des couloirs. Portes et fenêtres des perpendicularités.

Quel infini à franchir entre le mythe et la métaphore !

La terrasse n’a pas retrouvé ses chaises. Aucune trace

De lutte à la surface mouillée des tables. Pas d’insectes

Dans l’air. Des agitations de lumière tout au plus.

L’ombre semble leur tourner le dos. Mais il suffit

D’une porte ouverte pour l’éclairer. Matin des portes

Qui attendent le moment. Le premier moteur, pétard

Sans feu d’artifice, coq des grillages d’eau et d’écume.

Faut bien se trouver quelque part pensant alors ici

Ou ailleurs Mais rien ne t’appartient à part tes fringues

Et ton argent de poche. Qui ai-je pu oublier si vite ?

De qui me suis-je éloigné ? Je n’ai pas la sensation

D’avoir fui. Je suis allé d’un point à un autre, en rond.

J’ai aimé la connaissance des lieux et le temps qu’il faut

Pour les haïr. Petite toupie dans le creux d’une main.

Miroitante comme des élytres. Le mot me trouve

Où je suis. Mais il ne m’appartient pas. Je fais avec.

Est-ce que faiseur convient à votre dignité d’être

Ce que vous êtes ? M’as-tu-vu et bluffeurs à la pelle.

Croissance narcissique et déclin mémoriel. D’un trait

Figurant le possible sans lui donner la vie.

 

Ni trou dans le volet

/ comme à l’hôtel Miramar

Les nœuds pourrissant

Dans la terre des géraniums /

Ni serrure sans la clé

/ croisant le passant

Au visage masqué

Par son théâtre d’ombres

/ et trouvant la mesure

Sans forcer sur l’effet

De la clope en biais /

Pensant à boire un coup

En compagnie / comme si

Une simple conversation

Pouvait changer le cours

Descendant d’où jamais

L’esprit n’a embrassé

Plus loin que l’horizon.

 

Dommage pour les lendemains.

Avec le matin, tout disparaît

Comme c’est venu / trace si

On veut sur le cahier entrepris

/ qui est moche et philosophe

Pourtant ? Dans le miroir rien

Qui ressemble à ce qu’il renvoie

/ le même anis au bout de la langue

/ la même langue et les autres /

Des animaux dans les rues / femmes

Au travail des aspects les plus triviaux

/ oui tout a disparu sans promesse

De retour / Est-ce le dernier jour ?

 

Voici ce qui nous appartient

Et voici ce qui se vend / prend

Ma main et laisse-toi aller /

Passons devant les mêmes

Vitrines / saluons les mêmes

Personnages sans les nommer

/ seul le fils a un nom : le père

Est mort / et d’un geste connu

De tous il invite la foule à sa table

Sous le parasol éreinté de soleil

/ voici ce qu’il chante ou dit

(selon les uns et surtout les autres)

 

Le rendez-vous

Avec les fées

Ben c’est raté

Pour ce matin

 

(en chœur)

Faut revenir

Mais sans la nuit

Ni le voyage

Ô passager !

 

(solo)

Je sais je sais

Mais la lumière

Fait ce qu’elle veut !

Suis-je la nuit ?

 

(eux)

Hi hi hi hi hi !

 

Alors… ? Poète ou homme d’esprit…

Le passant des interstices qui n’ont

Pas plus de réalité que la ligne ni

Le point ?

 

Je ne sais je ne sais

Mais je sais que je sais

/

 

Organise le concile au bar /

Le comptoir est dehors l’été

Et l’hiver il faut entrer pour

Trouver quelqu’un à qui parler

/ « si je dois exister » mais laisse

Sa parole trouver la suite sans lui.

 

Ne cherchez pas la nuit après le jour

/ elle vous fera courir sans trouver

Le sommeil / « mais de quel sommeil

Parlez-vous, monsieur ? » / je parle

Pour ne rien dire d’autre, c’est connu

/ je parle parce qu’il faut meubler

La chambre où le sommeil attend

Son heure / sinon je ne parlerais

Pas / je ne serais même pas là

À vous parler de ce que je crois

Savoir / de ce qui me pousse à agir

Comme vous me voyez ne rien faire

/ c’est beau, l’absence / surtout si

Personne ne s’est absenté / la place

Est chaude pourtant / qui ? mais qui ?

 

« ce n’est pas que je m’ennuie… »

Exégèse interrompue par la nécessité

De gagner sa croûte et celle de ceux

Qu’on aime / dommage que je n’ai pas

Pensé à te donner des ailes ou la technologie

Palliative du moment / un seul vol

Au-dessus de tout / « c’est demander

Beaucoup au Pouvoir, monsieur ! »

Mais je connais l’Ordre aussi bien que vous !

 

Je ne demanderai plus rien à l’ami.

Je suis passé (ce matin) sans le voir.

Aucune nouvelle de l’absente qui

(dit-il) n’a peut-être jamais existé.

Plus loin on étripe et on écaille.

Le charbon fume déjà : méridienne

En approche / au ras de l’ombre

Le signe du partage des jours

En heures / si ce cahier pouvait voler

Vous le verriez revenir avec les mouettes

/ ou aux aguets en attendant / beaucoup

D’aguets dans cette roche des matins

Sans interstice / des battements d’ailes

Et des coups de bec dans les plumes

Du voisin d’attente / « tu boiras bien

À ma santé ? » / qui n’attend pas

Qu’on lui explique ? / ainsi donc

Mon matin prend fin avec ce verre

Et cette bouchée de poulpe au noir /

Fumée des environs de bouches closes

/ jets parallèles vite dissouts / quel vent

N’amène pas la pluie tôt ou tard ?

 

Pourquoi se mentir alors qu’il est si facile de se taire ?

Mais comment couper dans la langue sans exaspérer

L’attente ? / De Vigny à Pessoa le vin de la physique

La plus probable : et des érections de midi en plein

Soleil agité de vents contraires et d’autres semences

Moins improbables / fleurs renflées qui pètent avec

L’enfant que ça amuse / pas loin d’ici le premier enfant

Donné comme tel / sans indice pour le reconnaître /

Ment aux silènes et aux lotus / ment au chat et aux

Poissons déjà morts / ne connaît pas le sens mais joue

Avec / vibrations des persiennes dans la voix, étale

Son savoir avec le sable et cueille ce qui se laisse

Emporter / comme s’il était déjà au marché, fignolant

Ses questions sur le cuir des vieux / « si tu avais des ailes,

Tu en ferais quoi ? » / imite aussitôt le F-18 des Arabies

Et saute par-dessus le parapet pour courir vers la mer

Qui (je le sais) l’attend / « vous ne voyez pas qu’il vous ment ?

— Je ne suis pas aveugle, mais je sais regarder ailleurs ! »

 

Comment il en vient à évoquer le fleuve

/ courte coulée entre les pays ennemis

Depuis toujours / la baie précède l’estuaire

Et la montagne s’achève de l’autre côté

En cap / mer des premiers voyages plus loin

Que les marées basses / comment ayant lu

Qu’un chat est un chat et une grande idée

Le meilleur de la pensée, il trouve les mots

En recevant 5 sur 5 les signaux de l’enfance

Et de ses détracteurs couverts de gloire

Et de simulacres / « c’est pourtant simple »

Grinçant comme poulie des pignons pendant

Que l’émigré soumet sa famille à ses choix /

 

Jambons des hauts plateaux.

Bijoux des cérémonies traditionnelles.

Coffres des mariées et alcool

Des passages douaniers.

« c’est pourtant simple »

Mais y regardant de plus près

« tout n’est que contraste ici »

Dans le noir et le blanc des opinions

À mettre en jeu un jour de vote.

« qu’est-ce que vous me laissez ? »

Passe une jupette voletant, mouette

Des fientes et des acrobaties.

« leçon de morale pour les filles

et cours d’esthétique pour nos

garçons »

 

« qu’est-ce qu’on fait de la canaille ? »

Les habitants des greniers et des caves.

Les vacanciers du Ricard et de l’adultère.

Ces gosses qu’on arrose et qu’on engraisse.

Les jouets des placards, les séries de l’écran

Et des officines sociales. « c’était simple

et tu as tout compliqué »

 

Les îles du fleuve au baratin de leurs perroquets.

Rives des gardiens et des fuyards / des noyés

Descendus de la montagne par le lit soudain

Contrarié par la marée montante / la Lune

Comme projetée à la truelle

Sur les eaux à cette heure

Infinies / les lampions d’un bal

Au vent s’entrechoquent /

« si simple mais toi » / équinoxe

Des raz-de-marée au casino

En branle / les chiens de mer

Explorent les abords maintenant

Plongés dans le noir et l’écume.

« tu n’aimeras jamais nos filles »

Jamais sauf à les violer en marge

Des fêtes populaires données par

Des fous / « rien ne vaut la rime

et ses chansons » / un sable hérissé

D’aiguilles hypodermiques et borné

Par le mycélium des capotes / Mercier

Du clodo des bunkers / voit passer

Quelqu’un qui prend des notes

Dans son rouge carnet et le hèle.

 

« la guerre / notre guerre / la tienne

si tu cesses de compliquer / la gloire

et nos phylactères dorés / ces noms

dont le tien / il suffit de répéter après

nous »

 

Le fleuve jamais immobile / nourri

De montagnes et de ciels / embarcation

Sommaire des automnes / bonhommes

D’herbe sans visages mais nommés /

« sais-tu de quoi tu parles quand

tu parles de nous ? » / le chat chat

et l’idée noire des isolements au lit

/ nécessairement ces nuits sans eux

/ proximité à la fois menaçante

Et lénitive / dehors le fleuve partage

Ses rives avec la possession du sol

/ vase des lombrics que le poisson

N’a pas trouvé / le poète moralise

Les alentours de sa maison et boit

Sec au pavillon des expositions /

« comment c’est ? » / personne

À part les perroquets d’une île

Que le feuillage dissimule comme

Le vers invite à visiter les fenêtres

De la rue / « quels sont ces vers

qui coulent de source ? ces désirs

simplement exprimés parce que rien

n’est plus simple que ce que nous

désirons »

Peaux des profondeurs

Qu’il n’est pas question

D’explorer plus loin

Que notre propre peau.

 

« sans nom tu ne meurs pas or si tu veux être tu meurs »

 

Des chars d’assaut sont passés par là.

Des péniches ont creusé le sable.

Ici j’ai planté la fleur que tu vois fleurir

Parce que c’est ton enfance que je nourris.

 

J’ai d’autres tours dans mon sac à vin.

Qui ne lève pas le coude à peine arrivé ?

Ces regards et ses joues dans les néons.

La jambe imitant les tours de passe-passe.

 

À la foire comme au lit des étés retrouvés.

Rien ne s’est perdu mais tout disparaîtra.

Le poète ne lutte pas s’il est déjà venu.

Il partage les absorptions et les discours.

 

La beauté n’appartient qu’à la beauté.

Confetti comme l’herbe des prés en tas

Sous le soleil. Rien de bien complexe

À l’heure de se frotter les yeux.

 

Le fleuve créé de toutes pièces et ses vracs de déchets.

Poupées toujours nues et rayons de bicyclette rouillés.

Cloué ces figures de la vieillesse sur le volet retrouvé.

Jamais ferrures n’ont eu plus de sens.

 

« simple comme ce qui est simple : cherche ! »

La peinture s’écaille comme un poisson

Et dessous la fibre n’a pas plus de sens

Que la velpeau d’une momie reconstruite

Avec des moyens numériques ô algorithme !

Simple comme jeune corps à portée de la main.

Le fleuve revient chaque fois que tu oublies.

La montagne impose son cap et sa mer en proie

Aux travaux humains. « nous nous battons même

En rêve » / et le poète voit un chat qui est un chat

Et des mots qui ne sont que langue à compliquer

Le chat / « ceci est le nom que je te donne parce

que je suis censé te le donner » / ne cherche pas

Plus loin si l’horizon n’y est pas / les perroquets

Ne se montrent pas / dans les arbres nichent

Et se reproduisent / perpétuent le langage des signes

/ imagine la couleur et éclaire le sens / le fleuve

Ne se cache pas / il se propose à l’urbanisation

De ses lieux / déjà enfant tu y courais comme si

Ta vie en dépendait / toutes ces choses qui palpitent

Et leurs phanères voyageuses / le croc ouvrant

La vase à marée basse / fin des palpitations

Et des néologismes / « on ne te demande rien d’autre »

Tinter le blanc / étoiler le noir / prends possession

Des lieux et creuses-y ta tombe / de tes propres mains

Retire cette terre que nous rendrons à la terre

Avec ton corps / « le peuple a le droit de rêver »

 

Ne se cache que l’animal

Mais le minerai n’a pas de sens.

Pas plus que l’inaccessible /

Perroquets des îles fluviales

Comme l’or du temps gagné

Par l’exercice du pouvoir.

 

Bon, bon ! Je descends !

L’anse dans une main

Et le jules dans l’autre…

Sifflotant la chanson

En toute discrétion :

Je n’tiens pas à passer

Pour plus chauvin que toi.

 

J’ai la simplicité

Dans le cœur chevillée

Comme rime à peu près

Et au rythme des pieds.

 

Je suis simple et simplet.

Travailleur et marié.

Électeur chevronné.

Et joyeux perroquet.

 

Si ça s’fait

Si ça s’fait

J’ai oublié

De me cacher

 

Mais comm’ça

À vue d’nez

J’vois pas bien

Si j’y suis.

 

Faut m’aider

À exister

Sinon j’vous perds

De vue

Et j’m’en vais

Voir ailleurs !

 

D’ailleurs souvent que j’y vais

Chez le voisin et la voisine.

J’ai des habitudes moi aussi.

***

« ne répondez pas à la question »

***

Le fleuve en moi

Et sa montagne.

***

« ceci est un poisson »

***

Voici la maison et son jardin.

Le portail et les grilles, le puits.

Les soles et leurs herbes folles.

Nous avons habité ici, elle et moi.

Île aux perroquets entre deux rives.

Mangez sur l’herbe entre les arbres.

Licence IV en héritage / des messes

Pour les morts / ô fientes des toitures !

Le fleuve était en moi et tu le savais.

Quel poète descendait de la route

Pour s’abreuver avec le bétail ?

J’en ai connu un mais pas deux comme toi.

Traces des feux de joie sur la pierre en rond.

Qui philosophe la main posée sur l’objet ?

Dehors est le reflet du dedans : et une fois

Dehors, ne pas perdre la clé de cette tragédie.

Sous les pieds le lombric ne pense qu’à baiser.

Le profil d’une barque se donne à son reflet.

Nous aurons deux perroquets sur le perchoir.

Et une cage pour nos mains.

As-tu pensé à revenir de la pêche ?

La montagne te suit comme un chien.

Si tu deviens fou je pars en voyage.

Si je ne pars pas

Tu deviendras fou.

Descends la poubelle.

Tout le monde la descend

Avant de se mettre au lit.

Remonte la poubelle.

Tout le monde remonte

Avec sa poubelle vide.

 

« j’ai connu plus simple »

« je sais pas comment tu fais »

« pas envie d’essayer, non »

Paroles dans les murs.

Limitons-nous à entendre.

Un chat n’est rien d’autre.

Le fleuve le dit, sa république.

Puis le lit devient si étroit

Qu’il est possible de l’emprunter

Jusqu’à atteindre la source

Et quelquefois même la raison.

 

Là, sur le trottoir, tirant sur sa clope

Comme si Cuba existait en lui.

Cuisses des tuiles et salive des cendres.

« faut attendre que ça redevienne simple »

Quelquefois le vent, la pluie, les épaves

Encore témoins, les revenants avec chance

Ou sans, et tout se complique

D’une île dans le lit

Avec ses perroquets

Et ses feuillages persistants.

 

Pourquoi des hypothèses

Alors qu’il ne perçoit que des impressions ?

Pas de traces d’intuition

Au fil de ses cheminements parmi les arbres

Du chemin et des gravures

Au mur clouées comme nouvelles prometteuses

De séries romanesques.

Langueurs des iambes sans bout du vers

Pour inspirer le souffle.

Masque au lieu de coquille et gibbosité

En guise d’apparence nue.

Trottine de la poésie comme d’autres la violent

À force de contresens.

Suit les traces de l’écume aux coquillages fermés

Sous le sable en pointillé

Des crabes toujours distants et au loin se souvient

Que jamais il ne mesura

La force montante des flots de crainte d’y périr.

Comme barque ou poisson mort.

Rien ne remonte à la surface, pas même un noyé

Encore humain et les yeux

Plein du soleil oblique en ces heures hivernales.

Mouette au ventre plein

Perchée sur un rocher en forme de dos au mur.

« Comme si j’étais jaloux

De l’expression ainsi née de la rencontre fortuite. »

Lignes d’étoiles au sel

Décomposé en autant de dires que de façons.

Est-ce que tu versifies

Ou le simple fait de sortir te donne-t-il des ailes ?

Vont en vacances avec

Les autres, aux mêmes heures de l’année, ou chôment.

Dilettantes avec ou sans le sou.

Imagine les martingales des canaux aux ponts d’or,

À Venise ou ailleurs.

[…]

Accroupies des femmes regardent l’eau bleue du lavoir.

Il a fallu remonter avec elles / et subir leur charme fou.

Pelotonné dans la panière ou à cheval sur des épaules.

Panarium ou benna / le linge sent les hommes nus.

« Ne touche pas à cette fille ou je t’arrache les yeux ! »

—

Marge des puits.

Ou marge elle.

Dans le journal

Du jour présent

Distingue le portrait

De la fable politique.

Puis l’interprète nue

De la comédienne en chair.

Remonte l’eau avec elle.

En vacances jouant avec

Ces scènes d’un autre temps.

Rues aux plafonds de fleurs.

Angles des changements de ton.

Aux balcons le regard descend.

« Avec toi je n’irai pas »

Nous ne savons rien de demain.

Et presque tout de ce qui s’est passé

Entre nous : les sollicitations amères

De l’insomnie aux doigts de rose.

 

Puits creusé selon les indications

D’un petit diable en pierre dure

Qu’une niche abrite de la pluie.

 

« Veux-tu que nous y allions ? »

Iambique il marchait droit devant lui, poussière

Dans le dos, arabique et joyeuse.

Explorait l’accord et les résonnances de caisse.

Jamais venu ici, ni pour mourir.

Le diablotin n’avait pas perdu son air malicieux.

En caressait (elle) le chapeau

Penché. « Je ne sais pas où ça mène… Je veux dire :

Comme chemin… » / une île

Aux pentes gravies avec un scarabée d’or en poche.

« Je ne sais plus, Enyo, si c’était

Là ou de l’autre côté, au Nord… »

 

Que se passe-t-il, ô latinus bellona,

Quand le salaud rencontre le pédant ?

Que voit le philosophe dans sa lunette ?

Quelle intuition mathématise sa pensée ?

Où en est l’injection et la veine rocambolesque ?

Tu ferais bien de te poser la question, hilh.

J’ai connu ta mère à l’autre bout du monde,

En Malaisie ou dans les Andes, me souviens

Plus si je voyageais ou si l’État me baladait.

J’ai ramené l’éclat d’un caillou et de son œil.

Et là-dedans je vois que certaines rencontres

Relèvent de l’érection et de sa très-nécessaire

Éjaculation nordique. Ô reviens avec moi là-haut

Ou sur les rivages étoilés / et ne revenons plus !

Voici le roof aux étymologies circulaires / abysses.

 

Fouille du temps dans l’appartement voisin / archéologie

Et fiction à l’œuvre des pratiques / cogne un pétale

Sur le point de tomber / goutte perlée exprès pour lui

/ la rue dessous s’anime comme elle peut / personne

Pour agiter la baguette pourtant enciélée / du moment

Que rien n’arrive d’autre / le ciel gobe les idées une

À une / et la radio-télé-réveil-réseau clignote un pseudo

/ « si tu sais où tu vas… » . . . mais il vérifie sa tenue

De sortie avant d’actionner le pêne / possède clé et voit

Double en son théâtre : le lecteur veut savoir si cet objet

Appartient à la métaphore ou s’il n’est qu’utilitaire : : :

Auquel cas il entre dans la boulangerie avec les autres

/ il en ressort avec de quoi sauter midi / pieds joints

Des pièces jouées selon des lois conseillées par l’expérience

/ au passage se voit en fils de la terre dans une vitrine /

Crise de larme en dedans : « je ne suis pas ce que je veux

Être » / dans sa coquille il retrouve le poète qu’il a toujours

Été : « ce n’est pas l’enfance / je le saurais si c’était ça /

Aux femmes de ce temps la seule idée forgée au miroir ! »

Crissements et crispations des chaussées : le poète simple

Cherche une noisette pour son chocolat : l’autre fume un joint

Hilare ou fou de joie : constatant que rien n’a changé depuis.

 

« moi le diesel ça me prend la tête !

mes murs ô mes murs secoués par l’infra !

en vacances je ne sais plus qui tu es /

dehors les livreurs se croisent et croisent

le fer / je crois, docteur Arto, que je vais devenir

fou si / ce bleu délavé des eaux du lavoir

: une lámina dans son rectangle d’or /

marie-louise sous le verre voit l’extérieur

/ ce martèlement qui sort de terre avec son ver !

il n’y a pas plus de passants que d’oiseaux rares.

se frôlent au fusil de l’injure / punaises gavées

sous le papier : ballet incessant des grattements

/ sur la plinthe ma poussière de mur /

veuillez recevoir mon diagnostic avant l’heure »

 

Pourtant sans cette réalité ya plus d’réalité !

Ya plus qu’du rêve et quelquefois du mythe

/ si jamais on a la chance de tomber dessus

Par hasard donc c’est qu’on tombe et tout

Seul pour se remettre debout et atteindre

Les lieux de plaisirs / ya plus qu’des œuvres d’art

Et des catalogues de commissaires

Triés sur le volet / des caquetages

Que si on écoute ça sent le verbe

Et le haut / « si madame veut manger

c’est par-là que c’est servi avec nappe

et larbins et des verres de toutes les couleurs

avec ou sans vitrier » / ya plus qu’ça

À se mettre dessus / la naphtaline

Des critères d’extase / et la nuit

Les mites dans le placard / la gueule

Enfarinée des compagnies au trot

Des chariots de l’enfer / et j’en passe

Ô mon latinus des vadrouilles corsées

/ « t’aurais pas oublié quèque chose ? »

Les clés ! Et mon pognon ! Mon extrait

De naissance et mes groles ! J’en passe !

 

Ballade ou ode

—

« ça va ça vient »

L’eau des puits

Forés dans le jardin

Des délices acquis

Dans l’action et

Les vacances forcées.

« t’aurais pas oublié quèque chose ? »

Avant j’oubliais rien.

Je sortais pas sans.

Et j’revenais par

La grande porte

De mes immeubles.

J’avais le quartier

Et bientôt la ville.

Je flânais en connaisseur.

J’avais la Seine et l’Hudson

Dans mon corbillon.

Et la rivière Noire

Avec son petit roi.

Mais j’bois plus.

Je mange parce qu’on me force.

Je marche derrière.

J’iambe mon existence.

Ni mort ni militaire.

Pas poète non plus.

« t’aurais pas oublié quèque chose ? »

Que j’me dis à moi-même

Comme si c’était possible

De répondre à nos propres questions.

D’ailleurs j’en ai plus

Des réponses et de quoi

M’en passer / quèque chose…

C’est vite dit ! Mais

Ça me dit « quèque chose » /

J’aime pas qu’on me parle

Si j’ai rien à dire, branleurs !

 

Quelqu’un me ressemble assez

Pour passer pour ce que je suis :

Mais le Monde est soumis

À la loi du point et de la ligne.

Faut que je compose avec.

Et j’en ai plus envie, hilh /

Ce matin j’ai revu la rivière,

Mais cette fois sans amour.

J’ai jeté le pont et le séminaire,

Le rivage et les chevaux de bois.

Je suis rev’nu sans rien à ajouter.

Un’ courte suivie d’un’ longue.

Comme à la parade boiteuse.

Je fête plus mes ans ni mon âge.

Je jette et je reviens chez moi.

« t’aurais pas oublié quèque chose ? »

J’avais pas la clé ni le pognon.

J’savais encore parler

Mais sans clé ni pognon

On sait plus c’qu’on dit.

Alors je me tais et je passe

Mon tour / « quèque chose »

Comme la poisse ou la langue

Fendue de la couleuvre

Qu’il faut avaler pour jouer

Sans se poser de questions

Marginales ou annexes / j’ai

L’ode au cœur et la ballade

Au sifflet / j’en connais des nus !

Même que je sais jouer au 421.

Ballade ou ode / mais j’en sais rien

Moi ! / j’ai plus l’âge ni l’enfant

/ ya plus d’baleines et je m’en fous !

—

 

Je ne voudrais pas te vexer, mais je ne sais plus où j’en suis avec toi. Des fois je me demande si j’ai bien fait de te conseiller de prendre des vacances. Je sais que tu n’es pas seul. Et c’est toujours en compagnie qu’il t’arrive des trucs pas possibles. Qu’est-ce que je vais trouver là-bas une fois que tu seras rentré et que je pourrais à mon tour profiter de ma propriété durement acquise ? Je ne devrais pourtant pas me poser la question. Quant à y séjourner en ta compagnie, je choisis de penser à autre chose. Passe me voir le dimanche d’après ton retour. J’ai des choses à te dire que je ne peux pas écrire, ne me demande pas pourquoi avant de les entendre.

Ton hilh.

 

« La mémoire est donc collective… ? »

Le type déçu par ce qu’il venait d’entendre

De la bouche du prêcheur attablé avec nous.

Pourtant, aucune synthèse n’est possible.

 

Champ des perspectives

Entre la maison et le verre.

À peine une rue puis l’autre

Avec leurs façades moroses

Et les volets conchiés depuis

Les génoises aux ondulations

De rivages malmenés par le ciel.

 

« Reprenez donc un peu de courage.

Pas cher si on pense à ce que ça coûte

À l’ouvrier qui n’en peut plus de penser. »

 

Ici l’Hers ne dort pas.

Le pont vieux ne reçoit

Pas les fesses des retraités.

On ne croise personne

Et l’œil est aux aguets.

 

« J’imagine des choses, docteur Arto, que

Si je vous les disais vous me pendriez pour

Une folle : genre quelle différence y a-t-il

Entre le type qui cède à une impulsion

Et la femme qui n’en peut plus de désirer.

— Mécaniquement, aucune. Mais vous

Oubliez la morale, Alice ! La Morale avec

Son poids de Connaissance sur les épaules ! »

 

« Bonjour, monsieur qui savez tout et rien

À la fois ! » / Je vendrai des plaisirs si j’en

Possédais mais : je suis venue au monde

Entre deux guerres : l’économie finit toujours

Par ruiner ce qui a bien commencé : l’église

Suinte d’échecs / murs consacrés aux recours

Possibles sans mettre la main à la poche sauf

Pour une piécette / « bonjour monsieur qui

donnez » / pas de différence je te dis ! La Chair

Soudain plus profondément acquise au spectacle

Télévisuel de la Nature /

Le shoot recherché

Puis trouvé dans la

Solitude d’une promenade

Matinale quelque part ici

Entre les rues mais pas loin

De l’hôtel

Grimace des reflets

Dans la carcasse qui

Sert d’appui au vertige

Revenant sur ses pas il rencontre

Ce qu’il considère comme son prix

Et s’adonne à de purs harcèlements.

« bonjour monsieur qui savez ce que j’endure ici »

Par contre ne savait point que la mémoire fût

À ce point collective / et se voyant dans le regard

Qu’il oppose à ce qu’il faut bien considérer comme

Une faute et non pas une erreur due à un manque

De maîtrise de ce qui brûle en chacun de nous :

Il dit : « je suis désolé que ça m’arrive maintenant »

Effleurant les taches sur le dos de ses mains / bon

jour alors que la nuit vient de s’achever sur le fil

De ses latitudes / moi ici à me faire du mouron

En chœur / « faut séparer le grain de l’ivraie, mec »

Quelle différence entre les formes que le désir

Affecte au carnaval des venises enfouies ? Je suis

À vous / dans un instant / dès que possible / F-18

Des Arabies qui donnent un lieu à mon cœur si

Toutefois le cœur y est / andalousies des charangas

Au cortex interlope vu d’ici / pétaradait en pleine

Jeunesse sur les quais déserts de son port d’attache.

 

« Je ne savais pas.

J’ai jamais su. Elle

Et moi on est venu

Ici sur les traces

De notre Seigneur.

Quelle différence

Ça fait d’être l’un

Et l’autre ? La terre

N’est-elle pas le Bien

Commun et non pas

Cette mémoire que

Vous poussez comme

Une brouette ? Nous

Sommes ce que nous

Possédons. Elle est

À moi. Et je suis à vous. »

 

« Quelle vie partout ! Quelle vie partout !

Et si peu d’existence à dépenser comme

Héritage / voire pas du tout d’existence

Une fois que le chemin est tracé, devant

Comme derrière, avec ce foutu présent

Qui n’a pas plus d’existence que moi / »

 

En effet y en a plein les documentaires

À la télé comme dans les réseaux / ça

Grouille de vies / et de couleurs / de

Formes / de possibilités / comme si

L’infini était à la portée de nos mains

/ « j’ai dû reconnaître au moins ça et

Et le choix était joué sans moi »

 

Litanie du candidat

Ya pas d’poésie dans les mots.

Ya rien qui ressemble au plaisir

Tel qu’on peut se l’imaginer.

J’vais grapher mon portrait

Sur les murs avec des coquillages

Et le sang de mes victimes.

Croyez-moi quand je vous dis

Que j’ai vécu bien avant vous

Ce que vous vivrez demain

Sans moi /

 

Ya pas d’poésie dans l’objet.

À moins de lui donner un prix.

C’est pas les apparences qu’on

Traverse, mais les vitrines de la rue

Et des appartements /

 

Ya plus rien qui vaille la peine

De foutre en l’air son adolescence.

Tu prends ou tu payes, au choix

Des vendeuses et des matrones.

Tant pis si Dieu ne meurt pas

Avec l’homme qui lui donne

Un sens /

 

Y avait rien / et j’suis venu

Des fois qu’il en reste pour moi.

J’ai rien compris au temps qu’il faut.

J’arrive et tu appartiens à un autre.

Je prends place et c’est occupé.

Avec du monde à la fenêtre

Et des trottoirs grouillant de vies.

On se penchait Alice et moi /

Le nez dans les géraniums et

Le cul à l’air de l’intérieur nu.

Y avait rien /

 

Mais ya jamais rien eu / jamais

Ni nulle part / ni trop tôt ni

Trop tard / à l’heure convenue

Et à l’endroit où les rencontres

Sont encore possibles / mais

Ya rien à dire ni à refaire / rien

À part les voisins et leurs biens

/ j’en ai la chronique en berne

/ et le moral à zéro

 

« Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu

Pour être obligé d’écouter ça, à l’heure

Où le salarié se prépare à voyager vers

Son boulot ? C’est bien la morale qui

Nous empêche d’aller au fond des choses.

Mais elle fait le succès des tirages de pays

En pays et de jardin privé en jardin public.

J’aurais dû penser à toi avant que ça m’arrive.

Mais j’avais rien hérité et j’savais pas quoi

En faire ! »

 

Ah ces bords de mer

Et leurs voiles blanches

Et sponsorisées !

 

Des fois je m’entiche d’un rien

Et j’me fais des illusions quant à

Mon ingéniosité.

 

Ce qu’un voyage

Peut interdire

Désormais : joie

Contenue mais

Transmissible par

Introductions /

 

Un rien et je me sens

Plus vivant que la mort.

Ce qui ne va pas sans soleil

À la clé des champs.

 

Rien ne ressemble plus à un reflet

Que son reflet. Avancez avec les autres

Et frottez. La langue collectivise. Mur

Des en-faces. Enfant en miettes au

Beau milieu. Si je me regarde je tourne

Le dos à tes jeux avec les autres. Vends

Ce que tu possèdes avant de devenir

Aussi pingre que le reste de l’Humanité.

 

Dans les assiettes la mixture pétrolifère.

Qui n’en veut pas ? Alors braconne et tue

Ce qui prétend t’en empêcher. J’ai appris

Ça ici, en vendant. La queue dans un slip

Et le cerveau en conserve. « Je te paye

en petits plaisirs pas solitaires » / mémoire

Dite aléatoire. Et pourtant tu quantifies.

Le voilà, le temps.

 

À d’autres l’Histoire

Et ses Géographies.

Tu finis en cage comme

Les autres : aviné en joie

Et oublié des manuels.

 

La cible c’est sur la scène

Qu’elle agit contre tes rêves.

À d’autres les tragédies

Qui se terminent en comédie.

Je ne suis rien mais je sais tout.

 

Quel régime pour le poète ?

Poète du slip et de la conserve.

Entre le flic et le comédien

Pas de quoi s’enchanter.

Ta substance au cathéter

File comme les étoiles du ciel.

Au restaurant républicain

Les affranchis sont rois.

 

Pauvres illuminations des parcours de santé !

En voici un qui s’étonne d’être fait de mémoire

Mais qui ne se révolte pas à l’idée d’appartenir

À une patrie qui n’est pas la sienne, en admettant

Qu’on puisse en posséder une. Que cherches-tu

À part « l’or du temps » ? L’œil des prismes dans

La lorgnette des publicités et des ways of life.

Tout ceci est un monde. Pas une propriété.

Voici ta place au balcon. Le programme voici.

Qui garde le troupeau ? Jamais nu le citoyen.

On s’habille d’un rien ou on exige de l’étoffe.

Le Monde n’est pas le monde. Il faut être seul

Pour en retrouver la trace. Mais qui a hérité

Ce génie ? Quel silence le clôture ? Qui es-tu ?

 

Ton fils.

Je suis.

 

Matin des observations tranquilles

Du littoral.

La brise sent l’immensité du possible

Benthique.

 

« Où habiteras-tu si tu quittes la maison ? »

 

Bicyclette des mers.

Rencontre des noyés

Pour la bonne cause.

Couronnes d’algues

Fleuries au chalumeau

Des vergers tropiques.

Au taquet la godille !

Ya pas d’frontière plus

Douce à traverser avec

Son nom de famille au

Front. Les coquillages

C’est au fond qu’on les

Arrache à la terre en

Fusion constante. Lave

Des îles. Dans son voilier

À moteur il donne à voir

Par fragments cadastraux.

L’eau finira par reprendre

Sa place. Méthode de calcul

Prévisionnel inconnue des

Arts de la mer. Appareille

Chaque matin, chaussé

D’espadrilles et coiffé

De paille bleue comme

Ses yeux. Qui n’a pas connu

Ulysse caressé par les vagues ?

Descend de son hôtel avec

Son sac à dos et ses carnets

À couvertures de cuir rouge

Comme le vin de ses voyages.

Ne pas aller plus loin que ce

Rivage tranquille ratissé de frais.

Avant les autres retrouver les

Clés perdues la veille avec

Un ou une inconnue. Mouettes

Muettes à cette heure. Becs

Aux chairs. L’œil en proie

Aux visions. Descend mais pas

Plus loin que d’habitude.

Recommence et retrouve.

Recule si le sable porte

D’autres traces de flânerie.

Mais si le cercle se referme

Traverse ce feu et revient

À l’endroit même où il a

Hésité : un plongeon de 10 m.

 

Je suis.

Fils de.

 

Cage de Faraday de l’aphorisme

Et des effets littéraires.

 

Pantins pas même automates

Sur le chemin rencontrés.

 

Digne d’être cité en exergue.

L’allure cléricale des anarchistes de salon.

Observant l’effet de la vaguelette

Sur le lichen des surfaces ensoleillées.

Caresse des projets d’appartements,

Loin de la seule idée de labyrinthe.

 

Je suis.

Seras-tu ?

 

Question posée au miroir

Et non pas à ces cieux ni

Aux pupazzi des vitrines.

 

Le fleuve enfin à l’heure.

Ses troncs blancs polis.

Ses toisons et ses vortex.

Cherchez l’âme là-dedans.

Peut-être une poignée

De nénuphars dénaturés.

 

La terre sous les pieds

Ondule comme un langage.

Le métal perd ses chromes.

L’écorce ses apparences perd.

Chevelure des vents contraires

Dans les amandiers déjà cueillis.

 

Fentes des portes charriées.

Pas un animal en radeau.

Ni un homme à la recherche

De ce qu’il a perdu au change.

Le fleuve brouille le littoral

Mais l’épave demeure

Ce qu’elle a toujours été.

 

Je suis.

Les fils.

 

Ricochets inexplicables.

L’homme pense que « quelqu’un »

Tire les ficelles / et la femme ouvre

Ses cuisses / l’enfant trouve de quoi

Alimenter son désir de chair à l’école.

 

« et si je n’étais… »

La question : mourir.

Mais comment si

La guerre s’éloigne

Avec ses poètes

Et ses muses violées ?

 

Si je n’étais que moi…

Pas même une hypothèse…

Tronc blanc et poli des fleuves

De la fin de l’été…

Toison blanche et soyeuse

Des cadavres charriés…

Été persistant des feuilles…

Désert à la porte…

Gouttes d’or du Sahara

À cueillir au vol avec

Le chant de ses oiseaux

Lointains… si je ne suis

Que cela : fils et rien d’autre…

 

« vous reconnaîtrez le moulin à sa porte »

Suit des yeux la toison ou ce qui y ressemble.

Sur les hauteurs les silhouettes immobiles.

La terre s’effrite dans les racines, pluie fine

Des poussières comme devant le rideau

Un jour de parade / « où est l’Histoire

dont me parlait mon père ? » / Court avant

Les autres / le littoral écume / l’orage

Des montagnes et le clair horizon / « sais-tu

d’où tu viens ? » / la porte du moulin sans

Nom depuis longtemps / rien ne remplacera

Le nom / tu ne sauras jamais pourquoi /

Les pantins des rivages débitent des sutras

/ prières et évidences selon eux / « je suis »

« ouvre tes cuisses et toi obéis ! » / plancton

Nourricier des familles littorales avec fleuve

Une fois par an en cru dévalant le lit avec

Ses rivières et ses habitants / « nous ne

saurons pas » / des touristes ramassent

Le bois blanc et poli de l’été / hiver en vue

Aux cheminées ludiques / « ne jette jamais

ta ligne dans ces eaux : des fois le cadavre

revient hanter nos mémoires » / là-haut,

Le château frémit derrière ses cyprès noirs

/ les mains en visières sont aussi noires /

« c’est le monde, fils » / mais l’existence

Survit-elle à la vie ? / chambre sourde

Désormais : « vous reconnaîtrez la porte :

celle de votre enfance avec les vôtres/ »

 

Ni refrain ni principe.

Le jambon pend toujours

Au plafond / le couteau

De l’ouvrier a perdu

Son manche et la rouille

Perdu le fil / table nue

Sans miettes / le banc

A perdu sa patine / blanc

Perdu le bleu / pantins

Des lois au cadran /

De loin la voie ferrée

A perdu son sens /

Trop de sentences

Aux lèvres chaque jour

Que la nuit crache

Au visage de ces poupées

Vides de mécanique.

 

Au bois nous n’irons plus

Cueillir la rime et sa chanson.

 

Je suis.

Fils. Loi

Du père.

 

Pelletées de ville et de campagne

Sur le fumier des commencements.

Le matin va observer des varechs.

En imagine les personnages et se voit

En romancier dans la vitrine des vagues.

Il ne trouve pas la porte faute de signes.

Ne distingue pas la ruine de ce qu’elle a été.

Franchit des dunes et des parapets, des roches

Empruntées au fleuve des fins d’été, la pluie

Cisèle le sable.

Répand enfin sa semence.

 

Fils je.

 

Écrit pour la télé . . . vision.

Pour le drame bourgeois.

Pour l’édification des os.

Pour une messe en ut majeur.

Avec passion racinienne et

Comique cornélien / cherche

La trace à laisser dans la bouche.

 

Fils tu.

 

Fuit avec la lumière le soir

Et revient avec elle à l’heure

Prévue par les éphémérides

En vigueur / ne peut pas

Ne pas croire

Au moins en son art.

 

Nous seuls.

La journée

Comme loi.

 

La nuit il abandonne la partie

Et laisse son cerveau aux buissons.

Ne joue plus avec les autres.

Dérive comme épave ensoleillée.

Se prend des fois pour Ulysse

Si un rivage tient ses promesses.

Le réveil est aussi une illusion.

 

« tu ne sais pas rêver /

Viens que je te montre /

Là : imagine mon personnage

Ou mon cadavre : habite-le.

Lève ton verre aux patrons ! »

 

Ne voit pas que c’est un signe

Et passe son chemin / la porte

Battue par le vent comme en

Cage / ruines de l’Histoire plus

Loin : avec panneau explicatif

Résistant aux intempéries selon

Le fournisseur agréé par l’État.

 

Arrache ces poils un à un.

Frotte ta chair contre la chair.

Goûte à la volatilité des formes.

Humecte les lèvres proposées.

Le premier chœur est aussi

Le premier épisode : fils de.

 

Aurore d’angoisse

 

le ciel vu à travers le verre cathédrale et ses fils d’acier

le ciel à portée de la main mais le barreau s’oppose

Pagure me soutient embrassant mes hanches

est-ce que je vois ce que je vois ?

animation de nuages peut-être .

pas un visage

une rumeur incessante soumise à ses heures

plus haut l’écaille frémit entre deux fissures

le soleil tournoie entre le rouge et le vert

je n’ai pas vu le personnage de cette attente

rien réveillé dans la cité qui me nourrit

ni le passé ni l’Histoire .

un siècle passe

et je suis hélé par l’attente de loin .

c’est le sexe

qu’on enferme .

punition ou traitement radical

Pagure me repose et le sol se dérobe sous moi

.

il le sait .

le sol en fuite horizontale .

rapide

comme l’Amazone .

décalcomanie des rivages

et des peuples nus .

à même la peinture vieille

et craquelée .

le fusain au sfumato des visages

que la mémoire retient comme autant de barques

à la dérive .

est-il possible que je la perde finalement ?

puis le retour dans le lit saupoudré .

le tournoiement

des idées accrochées à leurs objets de théâtre

.

le signe orchestral secoué comme mouchoir

des adieux .

mescal retrouve le rythme des rails

.

comme à la parade sur un cheval blanc .

cheveux

au vent d’été .

le dernier été sans intervalle d’automne

.

l’hiver interminable .

et cette idée que le printemps

est fidèle au rendez-vous .

on ne me l’enlèvera pas

.

des ans que je n’ai pas souri à un mort .

cercueil

des catalogues entre les draps .

qui suis-je si

vous m’oubliez ? sein brûlé au tison de l’hiver .

ce clignotement orange est-ce le carrefour ?

dans l’angle cette proposition de croisée des chemins

.

je n’ai pas connu la joie .

la transe m’a occupé

l’esprit .

à la guitare ou dans le costume de Polyeucte

.

l’esprit ravagé par les neuf queues .

Dire que

Sous les ponts l’eau ne se lasse pas sauf en été

Quand elle devient aussi paresseuse que les autres

.

miné par les taudis et la trouille .

d’où viens-tu

si tu n’es pas né pour vivre ? sous les statues

le Nil des espérances .

balle dumdum .

sang

des chœurs formés par les coulisses .

la différence

de potentiel au carreau .

verre des nécropoles .

en sautoir .

imitation des cris d’enfants .

nuits

des sardines .

quittez cette chimère, et m'aimez

.

vers trempés au choc des alchimies proposées

par ce siècle postrévolutionnaire .

étoilés à peine

remis entre les mains du siècle suivant .

moyen-âge

des fées tentées par l’arbeit macht frei des dieux

.

cahier d’un retour sur les lieux .

à distance imposée

par sentence et procédure .

tu ne reviendras pas

(dit Pagure) .

rien pour atteindre le verre illuminé

par les complexités du jour ou les feux couvés

de la nuit .

le feu s’inverse .

le public est applaudi

.

un autre .

j’ai failli mourir plus d’une fois .

j’ai

donné la mort à la mort .

bras ouverts du désir

en joie .

retrouvé Molly dans son lit .

écouté

son cœur .

chamade des romans à venir .

quel

enfant en bout de table ?

saisissant le couteau

par la lame .

et l’assiette en miettes .

pas une

goutte de sang sur cette nappe des communions

familiales .

voulez-vous voyager avec moi jusqu’à

Vladivostok ?

des fois le dirigeable n’en fait

qu’à sa tête, vous savez .

.

.

fruit écrasé comme

guêpe au bord de l’assiette .

des sœurs bourdonnent

dans le dos .

guetteuses patientes .

arbeit macht frei

qui dit le contraire ?

toutes à l’assaut des postes

d’avant-garde .

« donnez-leur un but .

et vous

les avez dans la poche .

pour longtemps .

ère

du temps qu’il fait » .

qui va plus vite que le vent ?

.

la feuille (pourvu qu’elle tombe) .

ce matin crevé

comme l’abcès .

Pagure réchauffe le verre entre

ses grosses mains expérimentées .

graphite emprunté

au crayon raccourci .

avec quoi j’écris si je pense ?

travail .

ils et elles arrivent à l’heure des contrats

signés pour la vie .

libres d’aller où ça leur chante .

décollant les affiches des agences ils les emportent

à la « maison » .

derrière le verre cathédrale des jours

et des nuits .

soleils et néons .

réverbérations des murs

et feux de joie des trottoirs .

mais bien plus que moi-même

.

voilà le hic .

ici et pas ailleurs où tu n’habites pas .

travail posté de Pagure .

rotation incessante malgré

les vacances .

ça le déroute quelquefois .

il viendra

mourir ici .

nunc des perspectives réduites par manque

de chance .

d’autres survivent .

qu’est-ce qu’un matin

d’angoisse comparé à ces soirs de douleurs naissantes

?

Cher hilh,

bien reçu ton chant. Je me suis éloigné de notre terre. Sans compagnie. Mais avec un billet et un programme imposé. Pas d’amis de rencontre pour l’instant. Je vais et je viens. L’océan sous mes pieds et le vent dans le nez. Côtes peuplées après la houle. Des îles comme sur le papier. Mêmes couleurs. Les femmes. Leurs filles. Les ustensiles traditionnels. L’objet des étagères. Pas de poèmes. Si toutefois la chanson n’en fait pas office avec la danse pour prétexte. Qui ne nous hait pas ici ? J’ai presque honte de n’être pas né parmi eux. Les murs sentent le combat fratricide. Les rideaux volètent avec les oiseaux. Chats perchés. Et autres chienneries de l’Histoire. Langage approximatif des gestes invitant au repos ou à la fête. Je ne suis nulle part chez moi. Je te souhaite d’avoir trouvé le lieu…

ton [paÿ]

—

« bon dieu il n’y a pas que le sexe ! »

Des pages retournées d’où elles viennent.

Îles comme semées dans l’esprit aux aguets.

On passe devant ces portes sans s’arrêter /

Foxhole dans les écouteurs / « marrons grillés

À toute heure » / le pont Bonaparte sous la pluie

/ plus loin les fenêtres des trains à l’arrêt / rectangles

De lumière jaune comme aux dés / « non, papa,

ya pas que le sexe mais faut bien y passer… »

Giclées bleues des caténaires / acier contre acier

/ la torsion sonore des courbes / la crasse des pas

Qui attache / « devant ces portes personne ne voit

ce qu’il est : en réalité » / chiffonne tes lettres /

La langue noircie par la mine des passants rapides

/ « l’intérieur de ce que nous sommes » / un chat

Plutôt sympathique mais qui n’a pas l’intention

De quitter les lieux : il stoppe net devant le passage

Clouté / considère l’éloignement et frotte sa moustache

/ « pas que le sexe et pourtant j’en ai vu » / les soirs

Quand tout rentre dans l’ordre du sommeil : psy

Sur le paillasson reluquant ses chaussures / « ce que

je veux : c’est ne pas sortir d’ici » / le soir et sa nuit

En couche / les disparitions une à une puis le néant

À la place du silence / « avant j’étais le type que tu vois

là » / une nuit de sommeil : arbeit macht frei, mein hilh !

Pelant le marron / cette crasse goûteuse / la trogne noire

Du Gitan éclairée par la braise / yeux plissés aux volutes /

« t’es déjà venu voir ? » / « c’est pas comme le Jardin

des Plantes / ça ressemble à rien de ce que je connais

de la vie / sans refrain l’ode des enfermés » / le cornet

Servira à allumer le feu « si tu es sage » / « ya rien comme

le tabac pour se préparer à mourir / pas même la télé »

On entend de ces choses…

Avec les bons mots que l’esprit

Inspire au critique autoproclamé.

Qu’est-ce qui s’est vraiment perdu ?

On ne sait pas où on va, on travaille

Pour être plus libre que l’enfermé.

Plus libre ne veut pas dire libre, je sais.

« Si tu écoutais ce qu’on te dit, mein hilh,

mais c’est pas à travers les murs qu’on vit »

Obscures paroles prononcées alors que le mur

A rejoint les rejetons de la mémoire.

Le train s’est ébranlé lourdement

Dans la nuit / le tunnel est une métaphore

Facile mais bien vraie, ma foi !

 

Puis l’orage des printemps.

Renouvellement des pluies.

Le carreau comme limite.

Jamais l’été au bout du fil.

C’est en enfer qu’on finit.

Libres enfin de penser au sexe

Comme si l’Université se branlait

À la place de ces mômes verts.

L’écriture moins l’écrit en Hercule.

Ou le contraire par effet de miroir.

Cette renaissance incessante

Et nue, ces jeux d’eaux sans fontaine.

Braoum et Ouah Ouah en concert.

Gouttes scintillantes des grillages

À poule, au portail les animaux

Domestiques se laissant caresser

Par les larbins désillusionnés.

La pluie arrive par le sud-est,

C’est bon signe, signe de vent,

Mais qui a parlé d’une mer d’huile ?

 

Un silence de vaguelettes et le frou-frou des voiles.

Quel homme mettant pied à terre après le périple

Ne cherche pas des yeux la silhouette humaine ?

Même en arme contre l’îlien à la peau chromée.

Arc-en-ciel des cérémonies que la mort décrète.

Échanges sous la houlette des dieux de la guerre.

Nulle contrainte en religion / le cuir de ses bottes

Retrouve sa souplesse / des algues inconnues

En guise de peuplement / recevait les éclairs

De soleil de son épée / l’archer aux aguets

Dans son dos / la ligne d’arbres frémissait

Au vent / du bois mort pour le premier feu

À terre / une tortue encore vivante aux fers

/ « je suis l’ennemi si je ne suis pas bienvenu »

/ d’autres slogans dans le blog en réseau /

« je suis venu » mais personne ne le croira

/ on ne « vient » pas ici / aucune croisée

En vue / l’interminable encerclement des eaux

Tranquilles sous le vent / pas une trace

D’existence / ni animale ni humaine /

Fragments d’une archéologie à inventer

/ il se penche pour ramasser, observe

Dans la lumière déjà oblique / décide

Malgré lui : le soleil le presse, la nuit

En transe comme le fretin / l’eau ciselée

Par ces rayons jaunes bleuis de vert /

« qui suis-je si mon nom ne figure pas

dans vos tablettes ? » / essaie l’écriture,

Imite le bruit, se laisse harponner par

L’horizon / fuites devant les tentations

Publicitaires et les promesses d’élection

/ l’équipage sur le pont et dans le canot

/ la foison des personnages rencontrés

Par habitude ou par hasard, par calcul

Souvent / de quelle alacrité nourrit-il

Son écran partagé ? / une montagne

Propose ses laves ou ses neiges, son

Animal de foire, ses ex-voto de pluie

Et de soleil / « si je reviens » / sans dieux

À la clé / condamné à l’aléatoire des jeux

De rôles / il examine le nouveau coquillage

Et Pagure le dévisage sans agiter ses mandibules

/ Molly se contorsionne en imaginant la douleur

/ « es-tu… vivant… ? » / l’autre s’évertuait

Dans la pente d’un rocher, fuyant les lieux

Ou simplement tout entier à l’acte qu’il vient

De commettre / le sable glougloute en dessous

/ « si tu n’étais pas un enfant » / à la voltige

Des cirques de passage / quelle vitesse acquise

Dans la chute ? / « torche ta gueule si tu veux pas

Devenir aussi malheureux que moi » / l’ivresse

Gagne du terrain / « je veux ta coquille » / Ulysse

Y perd son latin / « à la fin nous serons les morts

et eux les vivants » / écarte des lianes ou des rideaux

: la profondeur annonce des complexités jalouses

/ les poivrots de la poésie chahutent les tapis

Où tout se joue / « qui perd gagne » / extases

Salutaires pour les uns et déception que les autres

Rejouent sans se soucier de l’endettement / Ulysse

Voit un cheval et imagine la suite / « c’est toujours

Comme ça que ça se passe » / nymphomanies en prime

À l’âge des pommes d’amour / « sur scène je jubile »

/ granite prêt à l’emploi : s’y fracasse l’échine d’un canot

/ « nous sommes venus » / mais invisiblement c’est :

Autre chose qui se prépare / « tu n’en verras pas le bout »

/ île ou pas : le golfe s’achève dans l’inconnu /

Buveurs émérites sans alchimie en tête / ni douleur

Ni paysages des sfumatos / poésie viciée par cette idée

De joie qui appartient à l’ouvrier et à ses commanditaires

/ « rien de plus » / au-delà de ce simple mur un autre mur

Et ainsi à l’infini pour expliquer la mort / on les voit

Se couvrir de fleurs à fruits saisonniers / mais Pagure

N’insiste pas : il sort dans la rue et « se croit en enfer »

/ « je suis venu seul » : histoire de ne pas inquiéter

Le jeune esprit qui habite ce corps de rêve / dissimule

Sa poupée / « la mer était d’huile et la terre nous parut

accueillante mais : nous savons depuis longtemps

que l’Homme est partout alors que Dieu n’est nulle part »

Seul il arpente ce dédale en érosion constante /

La mer a beau tenter

De tranquilliser les esprits

On sait depuis longtemps

Que l’Homme n’est jamais loin.

 

Les noyeurs de poissons ne s’en nourrissent pas.

 

Amusez l’esprit et il vous le rendra.

« nous ne sommes jamais venus ici »

Pourtant Molly sur sa serviette couchée

Donne des leçons à qui ne conçoit pas

L’invitation comme une promesse de joie

En bouteille / ces poètes de la pincette

Introduite par le goulot en vue d’une île

/ « tout ce temps passé à ne rien faire »

En boutique nous les retrouvons avec

D’autres marionnettes du Pouvoir /

La marchande ne vend que son apparence

/ « puisque vous êtes venus » minaude-t-elle

/ « nous sommes là » / comme cette peau

Qui a appartenu à un royal et fier animal

/ « ces chasses ! vous souvenez-vous de ? »

Entre deux verres la tentative d’éjaculation

/ poète de l’Ordre et de la Joie : ennemis

Jurés / « où as-tu déniché cette coquille

vide ? / — Je jouais avec ma bouée en

chambre à air quand soudain » / cette île

Inattendue à cette heure et surtout en cette

Saison : une mer d’huile ou je me trompe…

Un silence d’écume et de parois : des vitres

De méduse et le granite oblique peuplé

D’autres races que la mienne / j’étais

« vous étiez seul / on vous enferme des fois

/ en attente de jugement / ensuite la nature

à traverser comme un livre nouveau / des

choix à jouer / comme s’il était possible

de se tromper de chemin alors que la carte

est claire / l’observation satellitaire garantit

l’universalité des impressions / veuillez attendre

avec les autres : là / où vous êtes / seul malgré

les noms de rue et les affiches des spectacles »

 

« monsieur Pagure n’habite plus là monsieur

— pourtant… la dernière fois que… il habitait

Là… — il reviendra : il l’a promis »

 

La plage est circulaire

Comme la folie.

 

Cher hilh, je ne suis plus citoyen de ce pays. J’ai laissé parler mon cœur. Tu devrais en faire autant. Mais je sais que là où tu es, le cœur ne commande plus : l’esprit réclame sa part de bonheur, ce qui complique la perception du temps. Je suis tombé sur une colonie de pagures qui m’ont invité à partager leurs mœurs. Mais j’ai perdu mon sens de la curiosité. Je ne veux vexer personne ici. Je me saoule en cachette. Sinon j’accepte ces griseries comme femme en Champagne. Je refais le chemin plusieurs fois par jour. La mer est d’huile en ce moment. On entend les frémissements de l’eau, les froissements incessants des branches, le murmure de ces habitants qui ne possèdent pas leur terre. J’ai acheté un parasol que le vent emporte quelquefois. Ton pair.

 

« Un pied après l’autre, monsieur »

Gare à l’oursin jaloux et hypocrite !

Nous regardons à la télé les spectacles

De la souffrance humaine et de ses

Petits enfants qui perdent ainsi leur

Innocence / la joie de posséder

Ne dure pas aussi longtemps que

Que les scénarios du désenchantement.

« ce pied-LÀ et ensuite l’autre, monsieur »

Un chat sautille devant sa proie de laine.

« prenez exemple sur votre voisin de lit »

Nous sauvons les meubles

Mais pas la maison /

Sans la joie d’appartenir

Nous ne possédons pas.

« exercez votre pied

monsieur qui marchez

sur les oursins jaloux

et hypocrites / les nôtres »

Le chat a perdu la tête /

La vitre aime la pluie /

« un rideau sans soleil, monsieur

qui marchez, c’est comme la peau

sans une autre peau, vous comprenez ?

alors pas les deux pieds à la fois, l’un

ici puis l’autre là / suivez le guide vous

aussi, pèlerins des joyeux équipages »

Elle doit aimer la pluie : elle chante avec elle.

Le chat devient hystérique, coquilles vides

Des rivages, ces pas de partitions faussées

Par le métronome des jours, aime la pluie

Et les orages qui disputent le ciel au soleil.

« marchez mais pas là, monsieur »

Les arbres sont des étoiles /

Les montagnes des volcans endormis pour l’instant

/ « vous connaissez la limite comme nous »

Nous naissons avec les fées

Puis nous les emportons avec nous.

« je vous ai dit de marcher là : avec moi

: ensemble : mais quelle langue est la vôtre ? »

Je ne sais plus ce qu’il était question de découvrir.

 

Je ne sais pas si tu as raison de la quitter. Je l’ai oubliée. Ce n’est pas la même chose, tu en conviendras. Et puis je n’ai rien quitté. Je mesure ma situation à l’aulne de ces murs. Ici, l’ermite va nu. Pas besoin d’attendre que d’autres meurent. Pas de cimetières de boîtes vides. Même les livres s’en vont sans laisser de traces. Si j’avais un écran pour refléter le monde à ma manière, je ne dirais rien d’elle. Je ne chercherai pas à retrouver ce temps. Je te conseille de revenir.

Ton hilh.

 

« marchez donc sans vous dandiner ! »

L’ombrelle me disait le contraire /

Funambule des parapets que la vague

Éreinte aux solstices / « venez par ici »

Au-delà des premiers feuillages, d’autres

Raisons de s’obstiner, sans cette idée

D’ivresse à gagner sur le temps en cours.

« voyez comme vous y arrivez maintenant ! »

De l’enfance planctonique à l’ère benthique.

Bouche ouverte de l’enfant langue dehors.

Les dents serrées de l’alchimiste en vogue

Verbale ou printanière / « ça c’est un oursin »

Guibole des phrases sous le ventre lourd

Des titres / « vous recommencez allons ! »

 

Il prévoyait une fin en crucifixion et en ville.

Quelle joie pallie le mal qu’on se fait la nuit ?

« vous n’écoutez pas

ce qu’on vous dit depuis

que le monde est monde »

 

Écouter le coquillage

Avant que l’ermite nu

N’y retrouve sa joie

Et son herméneutique.

 

Le monde n’est pas le monde.

L’homme n’est pas l’homme

Et Dieu vit dans un miroir.

 

Cercueil n’a pas de fleurs

À la place de ses dentelles.

 

La mer est un drap sale

Depuis que la pluie pleut.

 

Le Soleil une éponge bleue

Et la Terre un jaune principe.

Où est le rouge dans tout ça ?

 

codicille

« monsieur marchez où on vous dit !

C’est nous qui savons de longue date.

Cette île appartient à l’Humanité,

Pas à l’homme que vous prétendez être.

Laissez les coquilles à leurs ermites

Et les peuples à leur place / marchez

Sur nos traces : et faites des enfants.

C’est facile avec les éprouvettes.

Voici mon épaule et mes désirs.

Mais gare à l’oursin jaloux et hypocrite ! »

 

N’ont-ils pas égaré les pieds de Jules Verne

Dans le naufrage du Titanic ?

 

Les porteurs d’eau de Char en instance

De lipothymie / Poe et Sade assis sur leurs culs

Respectifs / les pieds d’Olga que la mort invite

À Stockholm / sur la table vieille de cent ans

Et plus : les ingrédients du bonheur en salle

/ saucisse de foie truffée et vin de la vallée

/ un oiseau mort ce matin, descendu de sa

Branche avec sa vie sous une aile et la queue

Plié à l’équerre : effet de la peur causée par

La mire / dehors on rencontre des rivières

Poissonneuses comme le temps / des berges

Molles où le pied tâte / à part l’oiseau meurent

Les choix nationaux : « tout d’même supérieur

c’qu’on arrive à faire avec des 1 et des 0 »

Sans tenir compte de l’infini qui les sépare

Alors que ça compte au cimetière / douleur

Et verbe titillant les aisselles du sujet / mort

En pochette des endormissements / « la voici

donc cette table de merisier » et ses artefacts

/ oiseau plié comme un canon à la culasse

/ saisissant le couteau il tranche le pain qui

A changé de sens dans la Passion et supporte

En riant les coups de savate sur son dos usé

/ la femme tenant un angle pour ne pas

Se retrouver par terre / mais pas d’enfants

Pour poser des questions au sujet du Pouvoir

Ni de l’Ordre toujours symbolisé / le Je plié

Comme serviette à l’heure de retrouver

La compagnie / même la femme a ses amants

« nous avions une servante replète à l’époque »

En ces berges de foire, les toiles d’arbres au vent.

« tout ceci m’appartient si je consens à œuvrer

comme les autres » / replète et pas farouche

/ nous possédons et dépossédons à longueur

De messe / pédants avec sutras aux commissures

Et salauds comme nés des gravures pittoresques

/ « c’est tout ce que tu me proposes : ta bite ? »

Elle préfère toujours le soleil sur sa peau nue /

« on a beau dire mais la plage est le contraire

d’un lieu de rendez-vous » / sollicitez l’intelligence

Et le type se confie comme en compagnie paroissiale

/ « je ne sais plus pourquoi je suis venu » / mort

Des pieds à la tête comme Socrate suite au jugement

Du plus grand nombre : la philosophie morte en couche

Démocratique / dehors : ces routes de campagne

Où coule le sang de la ville : ces itinéraires bouclés

Avant même d’y trouver la mort / sur la table

L’oiseau en proie à la rigidité : voit l’œil atteint

Par un plomb : pas une goutte de sang : le plumage

Dans le courant d’air occasionné par la fenêtre /

Tranche le pain sans se signer et mord dedans /

« avant j’étais heureuse » / une fillette promet

De se marier avec ses enfants / sifflet d’un facteur

Aux écritures en équilibre sur sa corde d’heures

/ « on voit que tu as lu Char » /./ « ce n’était pas

Une servante : c’était ta fille » . et dans ce lointain

De besace les lions se laissent dévorer par les mantes

/ « on voit d’où tu viens : attente des berges et

cadavres des passants / « je suis… je ne suis pas »

Nous nous réveillons parce que c’est l’heure /

 

Oui cadavres passant devant soi à vive allure /

Il dépose son fusil et sa cartouchière près du pain

Et débouche la fidèle bouteille en songeant

À la chair qui l’attend / « quelle idée elle a eu

de mourir alors que c’est pas le moment » /

Cherche encore et trouve un témoignage

Qui l’accable / des cerises roulaient vers

Le triangle tracé avec le sang de l’oiseau /

« je n’ai pas connu le bonheur si c’est ce

que tu veux entendre ! » / la vieille table

et ses miettes constantes : son dessous

de fer forgé et ses traces creuses : « le pire

est encore à venir » / voici le pain de la veille

Et nos bris de verre / de quelle France parler ?

 

Dehors et même plus loin les mêmes noms.

L’horodateur municipal.

Qui n’a pas peur de rater le coche ?

Trottine vers son destin : l’écriture civile.

« avant j’y croyais mais avec le temps je tue

les mouches de mes miroirs »

On ne s’illusionne pas sans injection.

 

Prend la route par tronçons.

Visite des lieux connus de tous.

Reçoit les absolutions avec joie.

Bichonne les détails de ses visions.

« je te croyais pas comme ça »

Pourtant la table est ancestrale.

Elle appartient à une lignée.

Ce merisier porte des traces.

Cet oiseau n’est pas mort ici.

J’ai traversé la forêt obscure.

Pas retrouvé le chemin de jadis.

Je n’étais pas accompagné, nu.

Des feuillages pleuvaient à verse.

Crevés de soleil ils s’éparpillaient

En gouttes d’or.

Comme la toile en cours brouillée

Par la main de quelque ennemie.

« je te pensais plus à même de »

Le trousseau sent la naphtaline.

Les portraits poissent de retouches.

La dorure écaille ses mortaises.

L’or n’est pas l’or du temps :

Vitesse acquise par la recherche.

Point de ralentissement avant le choc.

« je suis entré dans la forêt avec

un animal à mes pieds :

point de femme »

 

Cette société (pas une autre) en proie

À la codification des maux infligés à l’autre.

Tribunal le matin avant le métro ou l’auto.

Arrive sur les lieux de son travail avec

Les stigmates visibles par écran interposé.

Ainsi disparaît toute poésie conçue comme

Dissimulation / « je t’avais dit de revenir

Avant la fermeture des magasins » / et

L’enfant grimace à la place de la douleur.

 

Ce noir merisier des patines.

Reflet dans son œil exercé.

Du travail tu ne reviendras

Pas, papa, oiseau en croix,

Croix de couteau et de fissure.

 

Au carreau la mouche s’y colle.

Et pourtant c’est à l’école que

J’apprends à tuer le temps jadis.

Ici la trace d’une servante aimée

Parce que son fils est un vrai fils.

 

Le matin la forêt ouvre ses portes.

L’armoire ne contient que des nus.

Le carreau humidifie mes joues une

À une et les ronciers ne résistent pas

À mes visions d’enfer à deux, à trois.

 

Sur le chemin les dieux de la Cité

Au rendez-vous des fées se rendent.

Avec moi tu ne seras jamais heureuse

Car je tue pour te nourrir chaque jour.

Laisse-moi la servante et ses tapis de jeu.

 

Ainsi voyant croître les printemps

Au détriment de l’été jamais vécu.

 

Et s’adonnant à la prière

Derrière les fagots, catin.

 

Extase sommaire aux croisées des calvaires.

 

Il faut avoir dormi

Le nez dans la bruyère

Pour retrouver le rêve

Dans un verre de vin.

 

Des lichens dans les yeux

Et l’écume des vagues

Aux rochers de la nuit

Comme au flanc des sirènes.

 

Creuser sous sa maison

Ou connaître les ciels

De ses toitures folles :

L’âge finit en queue.

 

C’est las et même mort

Que dans ces herbes folles

L’esprit sait ce qu’il voit,

Entend et reconnaît.

 

Le matin le chasseur

Trébuche sur le seuil

Et une fois de plus

(peut-être la dernière)

Croise à même la flaque

Son visage et son nom

L’un sur l’autre à Sodome.

 

N’est-il pas plus juste

D’aimer sa femme ?

Qui repasse par là ?

D’un coup d’aile l’oiseau.

Blessé ou pas l’oiseau.

Les pailles du battage.

Les cuisses des servantes.

L’œil morose des maires.

Les insectes des pierres.

Le nez dans la bruyère

Et l’chant de la merlette

En réponse à ses flûtes.

 

Sur la table la nappe

Est pliée en attente.

Huissement de l’Hitchcock

En souvenir des peurs

De finir en prison

Au lieu d’y surveiller.

 

« jamais tu ne me rendras heureuse

maintenant que je sais » / à Damas

L’acier refait le monde / ici c’est toi

Qui le repeuple : sous les arbres étoilés

L’âne reprend son souffle / licol de cuir

Et fesses en feu / deux porteurs d’eau

Alimentent les sources artificielles des

Places publiques : un jour d’élection

Et de citoyens fiers de compter autant

Que Dieu lui-même / dans la région de Weir

Ou sur le tranchant d’une étoile, le cul

Posé ensemble : « jamais heureuse avec

toi » / et la flopée des poétaillons hardis

À l’arrimage des carcasses de l’abattoir

/ « ne pleure pas dans mon épaule, j’ai

le mal de mer, le mal du pays et le mal

des ardents » / on riait comme des fous

À la fête comme au retour / cette table

Nue maintenant : le langage en question

Tente de s’y asseoir : en invité ou en intrus.

Table rase mais en patine perpétuelle.

Il faut la quitter chaque matin pour aller

Avec les autres : ces autres noms de chose.

Rien sans injection au ponton des crues.

Naissances des poils narratifs autour,

Comme herbes des rivages revisités.

« jamais ô non jamais plus ! » et le cul

Aux paillettes du vent d’autan en hiver.

« je ne suis pas celui qui te voit » /

« je n’ai jamais été » / tentation jadis

De graver son prénom déjà en usage

Au rituels / « tu ne seras rien si tu sais »

Voilà comment on écrit des romans où

Les pieds entrent et sortent comme si

Le matin était devenu un juste souhait.

 

Cette vie n’est pas la mienne.

Si jamais vous tombez dessus,

Saluez-la de ma part.

 

Ne prononcez pas mon nom

Devant elle.

 

Ne dites pas : « salut [mon nom] ! »

Ne dites d’ailleurs rien du tout.

Passez comme si je n’existais pas.

 

Je sortirai peut-être un jour

Pour me rencontrer moi aussi.

Je n’en ai pas vraiment envie,

Mais je sais de quoi je suis capable.

 

invasion paronyme d’évasion : au sommet

Ces oiseaux qui naissent et qui meurent sans

Nous / gravissant des chemins de roche et

De broussaille / le ciel sans équation nature :

 

« je suis venu pour prendre des nouvelles »

Dehors les cannes et les bâtons « appelle-

moi comme tu m’appelais » / qu’est-ce donc

Ce poème qui demande à être déchiffré ?

 

« ici est mort ton chien et là le meilleur

de ta Race » / toiture romaine par la tuile

et sans doute aussi par le châtaignier /

Poussant la porte il voit la nuit d’hier.

 

Oiseaux et chats en ritournelle au poète

Arrêté par le manque de sommeil / « hier

ne sera jamais demain » / importance du

Sexe comme pratique de la mesure à donner.

 

Quel humour ces murs ! Et ce faîtage plié

Aux normes de l’arbre nu ! « ne viens plus

si c’est pour critiquer » / au mousse perd

La tête et retrouve la chaleur de son lit.

 

Glaciations aussi

Vents du Nord et

Ubacs des animaux

Perdus au jeu de rôle

 

Crâne saignant au granit

La clôture est l’enjeu

Ces gouttes acquises

Et toute cette jeunesse

 

Vieille jupe aux lueurs

De sa cheminée d’été

Car le temps change

Au gré des constantes

 

Chat des genoux et des épaules

 

« je ne suis pas venu pour tout recommencer.

je ne connais que cette suite en mi bémol majeur.

la poussière des génoises, les fientes d’hirondelles,

les traces de la couleuvre entre les pans et cette

femme que tu n’as pas connue car elle appartenait

alors à une autre race de conquérants / du Nord

au Sud les tertres en réseau / ces noms qui ne sont

pas les miens / rosier des fondations si vieux que

sa floraison envahit l’escalier des greniers / enfant

tu trouvais aujourd’hui tu cherches / l’oubli semble

majeur et la chanson à la mode ou pas / question

de temps / en étranger le temps / l’un à l’autre

épistolaires et approximatifs / comme si le roman

rencontrait sa fin au lieu de la préparer / venu oui

mais pas pour ça : ni revoir ce que poussière et

patine retiennent à la surface : ta surface de pierre »

 

La mort aurait un charme d’antan

Si j’ai bien compris ce que tu dis

Maintenant qu’il est trop tard pour

Aimer comme croissent les printemps.

 

L’Histoire veut des croix vieilles et torses.

La glaise des allées a mangé son gravier.

 

L’or même connaît des oxydations en creux.

 

Qui n’a pas souri en retrouvant la mémoire ?

 

« je t’ai connu fidèle à l’écorce »

Certes les surfaces de ces enjeux

Et les courses à la Lune des rivières.

Ce sont mes pieds qui croisent mes pas.

« quelle étrange sensation te revoir ! »

Même éclat du verre dépoli par la vague

Et le sable associés.

Mêmes repères après l’écume sonore.

Ces bois sans écorces, couchés comme morts,

En croix ou alignés aux limites.

Le chien étonne le coquillage ou le contraire.

Qui habite qui une fois que le testament

Révèle quelques erreurs de versification ?

Ces fers qui retiennent encore, nœuds vivaces

Aux poulies noires de graisse, ces enfants

Dans l’eau qui ne les nourrit plus, ce que

Nous avons contribué à changer sans crier

Gare, les blockhaus de l’orgasme et de la peur.

 

La possibilité de la langue

N’est pas joué aux dés.

 

Assailli, il ploie. Il écrit à son fils

Caché. Il ne sort plus le matin.

Le soleil a changé à ce point.

Il écrit que tout va bien pour lui.

 

Possibilité de dire et surtout

De redire.

 

Plié il geint. Il flotte aussi

Comme odeur dans l’air.

Craint la fenêtre ouverte

Mais ne sort pas du lit.

 

Quelle angoisse, mes vieux !

Je ne sais plus si c’est encore

Possible, et ainsi s’adonne

Aux missels des pauvres.

 

Cette fois les mots ont un sens.

 

Mais qui n’en a pas ?

Qui parmi eux ?

Qui se tait ?

 

Partirait bien à sa recherche.

Mais il se met à pleuvoir.

L’autan est noir ce matin.

La montagne me l’avait dit

Hier, avant que je me couche.

 

Glaise aux herbes rares des perpendicularités.

On y jette des corolles ensoleillées comme qui

Ne regarde pas à la dépense en ces nuits de veille.

Fatigué d’Histoire et de Géographie, de Politique

Aux autels du Savoir, et de tant de Majuscules

Acquises non dans l’action mais par paralysie.

 

Angles sévères aux courbes de corps à portée,

Voilà ce que sont ces tombes et les visites sont

Payantes depuis que l’idée même de Dieu

N’effleure plus l’esprit, crasse des oreilles

Aux enfances de cire, abeilles des ruches folles.

 

Plus loin la terre descend en mottes jaunes

Vers des plages de feu, soleil revenu en étranger

Pour tout le monde ! Y compris les visiteurs

Transparents — un pissenlit dialogue en racinien

Avec le souci venu en véhicule, poussées des vols.

 

Invasion/évasion des courses folles.

Qui n’est pas nu dans ces conditions ?

Entre terre et ciel tout se passe, rien

N’arrive et les messages se perdent

Ou perdent leur sens, leur portée

D’infini, croissance des semblables.

 

Les logis descendent avec la pente.

La ruine ne lutte pas, extase sommaire

Des lieux, « je suis venu pour te voir,

te voir et te parler, te parler et te dire

que je n’ai pas oublié ce que j’étais

venu chercher sans toi » / traces de tuiles.

 

Il monte nu et redescend à l’adret, seul

Et pas mécontent de l’être vraiment, gai

Au mot qui vient avec la langue, connaît

La lumière et ne s’en étonne pas autant

Que toi : je sais pourquoi il est venu, moi.

 

Carcasses des temps encore à venir au

Seuil, il n’y a rien à explorer, sinon en jouir

Et peut-être en témoigner en soignant

L’expression selon les usages les mieux

Partagés, histoire de n’être pas venu pour rien.

 

À portée de la main les choses.

L’Homme les a conservées en jaloux

Et en hypocrite, sans veille du temps.

La pierre connaît le fil et le fil son métal.

Cul-de-sac des aphorismes en beauté.

Qui connaît meilleure expression en vers ?

Le temps impose des épisodes et l’art

Veut des tragédies avec leurs comédies

En entracte, comme tu files ta laine.

Les choses ne sont pas loin de soi.

On en connaît les propriétaires comme

Si on était déjà venu, visiteur impatient.

Feu des cuissons et des regards dans l’ombre.

Le chat que tu caresses est mort depuis

Longtemps, l’évier est encore gras, presque

Humide, le four contient des enfances

Sucrées, la chair sent l’ail et le vinaigre.

 

« je suis faite pour toi » et elle répète

La leçon en espérant ne pas trop crier

Le moment venu, espoir des rues désertes.

 

« ne goûte plus, prends ! »

 

« j’ai appris à rimer en rimant »

On usine mieux à la maison, vieux.

Ça grinche aussi sans résonnance.

Qui n’a pas tenté un refrain, au

Moins le temps de ne plus y penser ?

Ouvrager les meubles et les stucs

De la maison bourgeoise à la peine.

En ouvrier comme en artiste, mort

De fatigue au point d’oublier la douleur.

En chemin le poil des joues repousse.

Et dans le cercueil on devient barbu.

« je vais au bal pour connaître le monde »

Promis de s’en tenir à un verre et pas plus.

Pas tacher le col de la chemise et veiller

À ne pas égarer les boutons dans la lutte.

« j’en ai appris des choses quand j’étais

jeune et maintenant les choses riment

à quelque chose » / patiente l’existence

À usiner la ressemblance, patiente avec

Style si on aime les traversées géographiques.

Dans la rue les poubelles s’enracinent.

Le pavé s’use comme les semelles.

Question de temps sur le tapis des jeux.

Au bal s’en va gaîment la clope au bec.

Connaît les bifurcations et les angles morts.

Retrouve les degrés de sa foi en l’homme.

« quelque part et en un temps qu’hélas

je ne connaîtrai pas car je suis trop jeune »

Mais y court, et vite encore, le fer à la semelle

Et le mors au dents / agile comme l’animal

Qu’il n’est plus / gardien jaloux et hypocrite.

 

Écrit enfin à son fils :

Tu sais (ou tu ne sais pas)

Que tout est permis ici

Et que l’art consiste

À éviter les ennuis.

Je n’ai jamais aimé personne.

Je reviens pour revenir,

Des fois on ne sait jamais

Que j’aie perdu quelque chose

Avant de prendre le large.

Je ne sais pas sous la table

Ou dans les mêmes draps.

Avec ou sans rime, une trace

D’escargot, une goutte de sang,

Le cri d’une blessure, la foi.

J’écris pour ne pas le dire.

Et au lieu de signer il caresse l’écriture,

À peine ce relief et ces creux, non pas

L’écrit mais ce que ça voulait dire

Au moment d’y penser, un jour de pluie

Et d’escale.

 

 

III

Río ou La Bidasoa

 

Río et Blanco dans un décor.

RÍO

(lit)

Petits maîtres tout droit sortis

De l’université et des églises

En rang par deux chez l’éditeur

Se disputant les miettes laissées

Par le combat douteux des larbins

La Ville n’est pas devenue une cité.

 

Croissez, oiseaux des tombes !

« Nous attendons l’employé

Municipal : c’est lui qui a

la clé.

»

Ce matin, ma chérie, j’ai les fleurs.

J’ai le bison séminole et toute la Floride.

Le soleil n’est pas encore debout.

Qui a déposé toute cette rosée ?

Mes espadrilles trempées : « Tu

Ne prends pas assez soin de nous ! »

Sont-ce des dahlias / « je m’en parfume

En lisant l’histoire de ces femmes,

Princesses et courtisanes, amantes

Pour servir de prétexte, ne m’en veux pas ! »

 

L’employé municipal a la clé.

Il arrive dans son auto verte.

Il a déjà un coup dans le nez.

Mais il a la clé, nom de Dieu !

 

Ce matin les fleurs sont mouillées.

Le dallage est sombre, la terre noire,

Il manque une étoile à ce ciel de deuil.

« Je vous ouvre ! »

Parole d’employé.

Il a la clé, ma mie !

C’est l’aube qui le veut !

Bouquets en main,

La lavande du jardin,

Le persil du potager,

« Vous avez vu cet engin ! »

Tonnerre de guerre, tuyère

Rouge traversant le ciel

Encore noir à cette heure.

« Nous allons tous mourir ! »

Vases des nuits de colombe.

Les vieilles fleurs dans la poche.

Les nouvelles caressées comme

Si « elles pouvaient parler » / nous

Sommes au printemps de l’automne.

« Je vous ouvre et je m’en vais. »

Il ouvre et il s’en va. « Revenez

Quand vous voudrez ! » Et au soir,

Nous voilà devant les inscriptions

Séculaires, « nous avons bien travaillé ! »

« Mon Dieu ! Qu’est-ce que ce monde ! »

Froissements des jupes, claquettes des semelles,

« Il va nous arriver quelque chose ! » / MAIS

Rien n’arrive de ce que nous avons souhaité

Ensemble ou dans le secret de nos écrits /

Ellipses et syllepses / fées des siècles passés

/ raison de ne pas rester à la maison

« à attendre que ça recommence »

 

Carthage en feu

Dans ton esprit

/ personnages

Parmi les

Personnages !

 

Ces morts doucement exprimés.

Croix, étoiles et demi-lunes, rien /

Patriotes de la langue plus que de l’écriture.

La fournée de « la main tendue »

Sur le déclin / l’âge n’est pas étranger

À cette dissipation des sources vives.

 

Ce matin je ne sais plus

Si j’habite encore ici

/ avec vous, citoyens

Des sillons, et sans vous

Électeurs des futurs enfants.

 

Ce matin je suis aux Everglades.

Je croise les pélerines amantes

Du bonheur / mais je ne sais plus

Si ma maison est ma maison

Ni si ce que je suis a bien été.

 

Donnez le sein si ça vous chante.

Fumez du gris avec ou sans visions.

Jouez à ne pas jouer pour exister.

Moi, je ne me sens pas d’ici.

Je me mets à parler kinoro.

Je ne peux pas m’en empêcher.

Je salue et même je bavarde,

Mais le cœur n’y est pas, n’y

Est plus / je ne suis plus

un enfant.

Ricky vous salue bien, mes ouailles !

 

Les fleurs tremblent doucement.

La guerre en route vers l’Afrique

Ou l’autan qui lutte contre l’Ouest

d’où vient la pluie.

« Nous venions avec elle

Il n’y a pas si longtemps,

Ô ma voisine en turlututu !

Et les goélettes de mon enfance

Se déposaient avec la neige

Sur tes fleurs toujours vieillissantes.

C’était l’hiver,

Avec ses loups nourris de vent

Ab intestat / « t’as raison mon filou ! »

 

Que chasse le chasseur abstrait ?

Quel est le nom de cette forêt ?

Suis-je né pour la qasida ? Moi

Qui vient de nulle part / avec toi

Et avec la tramontane qui rend fou

Les petits poètes de la Grande Poésie.

 

Tous ensemble avec l’industrie

Guerrière et les vacances promises !

Sur la plage on revoit les films

Qui ont nourri notre adolescence.

« J’ai oublié de quel mot

il s’agissait »

Ailes delta dans la nuit finissante.

Déchirement des airs. Mais bientôt

Nous ne serons plus là pour y penser

Comme nous y pensons aujourd’hui

Car nous n’avons pas d’enfants,

Pas de patrie, pas d’ennemis, rien

Que la musique et cette lenteur

Héritée des meilleurs romans

Que le siècle propose aux poètes

En signe de deuil / « Voici les fleurs

Que j’ai arrachées au talus en venant

Ici pour me souvenir encore de toi »

« J’ai oublié de quel mot il s’agissait »

« Avant j’étais plus proche de la nature »

« Qui a brisé ce vase, nom de Dieu ! »

Voici le vent qui chasse la pluie / le pain

(sur la table) devient dur comme du bois

/ « Veux-tu que nous allions sur la Côte ? »

« Avant, j’étais ouvrier dans le bâtiment »

Lions des cirques sans dompteurs /

« Le malheur est le principe de la reproduction »

Piquant les troupeaux de poètes

Comme à la campagne / la Ville

mon cher

N’est pas la cité dont vous rêviez

En bon architecte de la tranquillité.

 

Ne rêvez plus si vous avez déjà rêvé.

 

« C’est vous qui cuisinez ?

— Ça m’arrive des fois.

— I’ll be back un de ces jours.

— Mais d’autres fois, je suis mort ! »

 

Dehors, la rivière s’en prend aux rives.

« Je ne sais pas si je sortirai ce matin…

— Pour aller où ? » / le vent mouche

L’allumette / « Ça sent le kérosène

Comme en vacances / mais c’est pas

Les vacances » / sur le pont on se penche :

Dans la passe les poissons en lutte.

« D’où sort donc toute cette eau ? »

« Avez-vous la clé ? (et ajoute) au moins ? »

Petite ascension du monticule

Où couvent les petits animaux.

« L’année dernière, à cette époque,

Il neigeait (au moins !) — Mais c’est

La neige (ma chérie) cette blancheur

Qui a pris la place de la poésie jadis

Si volubile ! — Ah bon ! Tu crois… ? »

 

Le campanile maintenant.

La même oraison sonore.

Ne veut rien dire mais ça

Tourmente le cervelas

De la poésie Gallimard.

 

Vous êtes déjà venu ici.

Souvenez-vous de l’enfant.

Déjà le plaisir d’exister.

Les jeux sans innocence.

La poésie des éditeurs.

« La mineur, je crois… »

 

Au campanile les pendus

Et les corbeaux, les chairs

En ciel de lit, les putains

Qui font de la vieillesse

Un spectacle pour le peuple.

 

Ce matin, il ne pleut pas.

Mais l’asphalte est mouillé.

L’employé a la clé / ça grince

« sinon ce n’est pas une grille »

Ça ne grinçait pas autrefois.

L’allée laisse filer des rus

Minces comme des fils d’Ariane.

« Vous êtes déjà venu, non ?

On ne vient pas ici sans au moins

Une raison » / C’était avant

de devenir fou !

 

Je reconnais l’allée, les lentes destructions,

Mais le ciment encore frais n’a pas de langage.

Nuit de plomb en phase avec d’autres fusions.

Voici la portion de mur qui s’écroula

Dans nos jambes / « Qui sont ces morts ? »

« Oui ! Vous avez raison (pas fou) sans la clé

Il n’y a plus d’employé et sans lui, la porte

(vous vouliez dire la grille) ne s’ouvre pas »

Sauf esprit d’escalade / puis la fuite au moment

Où un mort s’est mis à parler / Pas le temps

D’écouter ce que disent les morts

Quand on a l’âge de l’enfance !

 

« Il fait jour ? » Pas vraiment.

Rafale à l’exercice de nuit.

La tuyère en feu dans l’interstice

Du volet / « Toi tu sais peut-être

De quoi est fait le Monde !

— Mais j’y étais, ma chère !

Et je peux vous dire que… »

 

SVP, pas de flatterie.

On ne flatte pas la mort.

Or, j’en suis une. Parmi

Les morts de l’université

Et des communes associées.

 

« Qu’est-ce que vous aimez le mieux ? »

 

Je ne sais pas si j’aime.

Mais si c’est possible

I’ll be back wiz you or wizaout !

La route n’a pas été si longue.

Demandez-le aux corbeaux.

Ce matin nous perdons une étoile,

Dit la radio en sourdine sous l’oreiller.

Suffit pas de s’baisser pour la retrouver !

Il sort.

Reste Blanco.

BLANCO

(lit)

Penseurs à la croix de bois

/ voix de bigophone rejouée

Sur le tapis du vent publicitaire

/ « avant j’étais un champion

Mais j’ai pas eu d’papa » / claires-voies

Des jardins conçus pour l’élevage

Et le vote / les personnalités rongées

Par la pratique du moi d’abord /

« Je me penche à ma fenêtre . . .

Que voulez-vous . . . Je n’ai que ça »

Et voit passer ce qu’il a été naguère.

Des escouades vouées à l’apprentissage

/ sous la zerouata plombée d’un boulon

Arraché à la voie ferrée / ou le fouet

Des détraqués de la crucifixion / fumant

Une cigarette en attendant de l’attraper

/ « Avant j’étais et maintenant je suis »

/ file indienne entre les pins parasols

Noirs de suie / « Après on verra / »

« Qu’est-ce que tu comptes faire sans

Dieu ? — Faut bien expliquer l’infini

Par la courbe / j’ai toujours eu cette

Impression de me relever là-même

Où je ne suis pas tombé ! » Mein hilh !

« Je sais même pas où tu crèches ! »

 

« Dis donc le matin ça gamberge !

On t’entend réfléchir d’ici ! » / Un

Chien pour compagnon / les fusillés

De la Propriété / les fosses où-va-t-on /

« Ramassez votre fusil et courez ! »

Dans le ciel la préparation des orages.

Savourait des fruits exotiques sous

L’arbre de sa ruralité / charbovari éclair

/ « Nous avons une rivière vive » / turbine

Hurlant comme si c’était la fin / « Jadis

Oui jadis et maintenant je mange ton pain »

 

Comme la poésie est poétique si on y met du sien !

« Je ne sais pas si tu voudras de moi, meine Liebe »

Et il répondit : « Nous ne sommes pas en Amérique »

La pluie tomba toute la journée sans la moindre

Éclaircie puis le soleil se coucha enfin et la nuit

Fut conseillère / « On ne guérit pas de l’égoïsme »

/ au loin la Ville n’a toujours pas changé / croco

Des fuites en avant / « partons si c’est ce que

tu veux.

 

Ça me revient (sont couchés l’un sur l’autre) ça

Me turlupine comme un projet de roman / ça

Vient de quelque part mais je ne sais pas d’où

/ des fois je me dis que j’ai perdu mon temps

(ils roulent dans les draps) et d’autres fois ça

Me prend et je ne suis plus moi-même » ÇA

finit par tuer.

 

Quelle chance tu as

Pêcheur de revenir

Avec ton filet et tes

Vents !

 

Qu’est-ce qui t’attend

Que tu n’attendais plus ?

 

Ils vendent tout à crédit.

Ya plus qu’à attendre meine

Liebe / et le matin ressemble

À la nuit plus que le jour à tes rêves.

 

Reviens ! Ils ont accepté

Le report d’échéance /

Reviens avant qu’une mauvaise

Idée de toi et de nous autres

N’empoissonne mon existence !

 

Ces quais

Où je ne mets

Plus les pieds !

 

De peur

De repartir

Avec les autres.

 

Ravaudage

Du langage

En usage.

 

Ces mains

Agiles comme

Des chats !

 

Le cul par terre

Et le dos fatigué

Par tant d’amour.

 

N’insiste pas

Meine Liebe

Je ne suis

Pas fait pour toi.

 

« Voulez-vous un promeneur

Du dimanche ? C’est vite peint

Par-dessus les murs déjà oints.

Et une fille qui montre ses cuisses

En fumant une cigarette, le matin

Avec la pluie qui commence l’automne

Ou finit l’été : comme vous voulez.

C’est vous le client. »

 

« Marre de revivre ce que j’ai déjà vécu ! »

Le drap s’envole avec les tourterelles

Du balcon / « Pour le café descendons ! »

« Nous avons de beaux ciels d’automne,

Vous verrez. » « Nous avons aussi une langue

Et elle a son Histoire ! » « Nous ne savons

Plus peindre » / la peau d’un alligator /

Trempe ses bras dans cette eau et prie

/ « Nous avons des fils et des filles »

Lance la ligne et le crochet scintille

Dans la lumière du matin / « Nous avons

Le temps de notre côté » / faute d’assez

D’espace pour renaître des cendres « Nous

Aimons la vie plus que l’existence, ô meine

Lieben !

« Ça me prend à toute heure

Et je m’enfuis à toutes jambes

Pour ne pas me donner en spectacle »

 

À l’heure du rendez-vous

Compose un haïku

Avant de pousser la porte.

 

« Revenez si ça fait mal »

« De qui êtes-vous le personnage ? »

La fenêtre fermée.

 

Au carreau la pluie.

Le parking dans

Un nuage de cendre.

 

« Heureusement

Que vous êtes

Motorisé ! »

 

Achetez un bison,

Séminole

De préférence.

 

« C’est cousu

À la main

Et c’est pratique »

 

Un amour de tramway !

« Tu as vu

La Seine ? »

 

Un jour tu liras

Dans les journaux

Et le monde se jettera à tes pieds,

Mon amour ! Mes amours ! / Ça

Arrive comme ça : à tout le monde.

 

« Je ne sais pas si c’est l’heure,

Mais j’ai hâte que ça finisse ! »

Pas le temps de prendre le temps.

L’hallucination est de courte durée.

« Nous avons des tas de choses

À mettre sous la dent

De votre imagination »

Poursuivis par une averse circulaire.

« Avant j’étais ce que je ne suis pas »

Vite ! Avant que les flics y mettent

Leur nez et la Justice ses dents !

 

Ne dormez pas

Sur le coussin

Brodé par votre

Aïeule aux yeux

De lynx !

 

Ceci est mon pain.

Et voici ce que je sais

Du vin et de la terre.

 

« Vous énervez pas si ça vous énerve !

Ne revenez pas si ça vous revient

En mémoire !

Ne quittez rien si ça vous quitte !

Nous sommes

Là pour vous aider… »

 

Nous en parlions en tout cas.

 

Devant un café et sous le parasol

Qui sert de parapluie : « Pas l’année

Prochaine — Quand ? — Il n’y a pas

De quand ! » / Pourtant, le ciel revient.

« J’m’en vas causer à ce pêcheur »

« Mais de quoi que vous voulez

Qu’on dise du mal ? » « Tu n’as

Pas vidé ta tasse » / Que se passe-t-il

Dans mon cerveau ? / « Je prends

Le bison et aussi l’eau où s’enfuit

L’alligator vexé » « Nous sommes

Là pour vous » / Dis-moi Vénus /

« Avant je travaillais avec ça et là ! »

Poing sur le tapis sautent les dés.

« Comme c’est bon de ne plus savoir

Où on est ni pourquoi on est revenu »

Vous prendrez bien

Un dernier verre

Pour le voyage

Et pour ce que

vous savez…

Avant je travaillais.

 

Pourquoi ne pas continuer ?

Le chemin vous mène où vous voulez.

Vous ne serez pas dérangé.

Je peux vous demander

Où vous habitez /

Je veux dire :

En temps ordinaire… ?

 

Ils ont beaucoup vécu.

 

Mais ne nous attardons pas.

Nous avons pris l’habitude

De perdre notre temps.

Hou ! J’entends qu’on vient !

On ne me surprendra pas.

Je ne serai pas loin…

(un temps)

Mais qui ça peut-il être ?

(réfléchissant)

Je n’ai pas d’affaire en cours…

Je n’aime personne en particulier…

Nous ne sommes pas en guerre…

Est-ce quelqu’un que je connais… ?

Vite ! Il approche, heu…

(jeu)

« il » ou « elle » /

Car je ne sais pas

Qui ça peut être.

Mais il s’agit de « quelqu’un »

Il y a si longtemps

Que je joue seul !

Il n’est rien arrivé

Depuis longtemps.

Et puis je n’y étais pas !

Cachons-nous derrière

Ce buffet qui appartient

Au décor, avec ses confitures

Et sa vieille poussière.

Entre Río.

RÍO

S’assoit, creuse un trou pour planter un sauvageon.

Il tient un livre d’une main et l’outil de l’autre.

(lisant) Toute société qui ne laisse pas de place aux minorités ni à l’individu est une dictature.

(réfléchissant) J’ai déjà lu ça quelque part…

Place le livre sous ses fesses.

(à Blanco) Je croyais que tu t’appelais Negro.

BLANCO

Marre de ces matins

Qui ne font pas de moi

Un adepte du jour !

 

Certains se ravigotent en respirant cet air.

Pas moi. J’ai peur de travailler. On me dit :

« Tu dois faire ta part de labeur, Blanco. »

Et je dois croire aussi à ce qu’on me dit.

Au diable ceux qui m’ont fait tel que je suis !

 

Est-ce que j’aimerai quelqu’un un jour ?

RÍO

Ça devient philosophique.

BLANCO

qui n’a pas écouté.

Qui ne comprend pas qu’il a perdu ?

Le matin je cours sur la plage encore nue.

Je poursuis des crabes et je les tue.

L’esprit chahuté par l’écume aux pieds.

Je suis ici parce que je veux exister.

Mais le travail m’attend comme un voleur

Guette sa proie derrière la vitrine mouillée

Du café où nous nous connaissons tous.

La marmaille va à l’école pour apprendre

À travailler. On n’apprend pas à vivre.

« Écris-la donc, ta chansonnette, troubaba ! »

Jamais je n’y arriverai !

Je me remplis.

Je ne me vide pas !

Qu’est-ce que le monde

Si ce n’est pas un Monde ?

J’ai les mains en compote !

Ainsi donc : on peut vivre

Sans exister…

RÍO

C’est ce que dit le philosophe.

BLANCO

Et celui-là qui ne s’ennuie pas

Avec son livre sous les fesses !

 

« Ils ont des bombes, mon fils !

Et le tapis qui va avec. « Braoum ! »

Voici les moellons fruits de mon travail.

À toi le ciment ! Et baise bien ! »

 

Les joliesses de la poésie.

L’instant de les reconnaître

Sans avoir besoin de prier.

 

Le jour viendra bien une nuit

Où je deviendrai fou de rage.

Comme c’est joli ce qui est joli !

Entre le matin et l’heure d’y aller.

Cette longue nuit qui commence

Avec le jour / nous avons le soleil

Pour boire ensemble entre les heures.

 

Nous possédons tellement de choses !

Les uns plus que les autres, et les autres

En phase terminale, caressant leurs enfants.

 

Sous la surface, la même eau peuplée

Des animaux qui vivent eux aussi.

La rue déjà occupée par la vitesse.

Les clignotements des regards et des feux.

« Me reconnais-tu ? »

 

Peut-on, est-il permis de :

S’enfermer ?

« Qui produira cette électricité ? »

Personne n’a fait de moi un bonzaï.

Mais j’ai poussé dans le pot familial.

Malgré les voyages au bout de la merde.

« Les saisons, c’est 2 ou 4 »

 

Ivresse causée par la douleur recherchée

Ou la pratique de l’impression à tout bout de champ.

« Dire que j’ai appris à conduire ! Moi ! »

Ce qu’on ne fait pas comme les autres

N’existe pas.

RÍO

Dit le philosophe…

BLANCO

Descendre. Monter. Traverser. Creuser…

RÍO

C’est ce que je fais !

BLANCO

À quoi bon s’échiner sur l’œuvre à faire

Si tout ceci doit disparaître un jour ?

RÍO

Bonne question.

BLANCO

Autant se rendre utile et…

RÍO

Travailler !

BLANCO

Je ne reviendrai plus !

RÍO

Tu veux rire !

Personne ne revient.

BLANCO

Je veux être MOI !

RÍO

Pas la peine de le crier sur les toi !

BLANCO

Je ne sais même pas pourquoi je suis venu ici.

RÍO

Moi, j’y plante un arbre.

BLANCO

Je n’ai rien amené

Pour ne pas m’ennuyer.

Ils vous jettent dans le décor

Sans vous préparer à mourir.

Je suis venu sans rien.

(jetant un œil sur Río.)

On dirait que d’autres reviennent.

(pensif)

Il faudra qu’on m’explique ça.

Río sort.

Pourquoi sort-il ?

(gai)

Mais oui ! Pour « revenir » !

(excessif)

Il a laissé son embryon.

Son livre et son outil.

Mais il est sorti avec ses vêtements.

 

Ce qui explique pourquoi je suis nu.

 

Quelque chose m’empêche de sortir.

J’ai des jambes pour franchir la porte.

Mais il n’y a pas de porte / ce concept

N’existe plus ici / Je n’ai pas assez réfléchi.

(inquiet)

Il faut que je mange quelque chose.

« Mange de la poésie » / me conseille

La sagesse / c’est bon la poésie, amère

Comme le verbe et sucrée comme les noms

Qu’on lui donne / à portée de la main

/ comme si le festin expliquait

Qu’on n’arrive pas à comprendre

Pourquoi il n’y a ni commencement

Ni fin : ou le contraire : je ne sais plus

Ce qu’on m’a enseigné avant de me

Mettre au travail / nous étions pleins

En arrivant au port / « ici commence

La vie » / « ne coupez pas le son

De nos publicités : sous peine d’amende

Délictuelle » / l’amende amande, dit

Le magister en se tenant les côtes

/ mais revenons à la poésie : bonne

Ou mauvaise, ça donne envie de

Recommencer (ou de revenir) /

Souvenez-vous de la première

Éjaculation volontaire. « Ouah ! »

 

. . .

 

Le fleuve dans le canyon étriqué.

Avec la sécheresse des étés

Et les pluies de l’automne

La roche se fragmente.

 

Le cactus donne à voir

Sa structure grise.

L’iguane est bleu.

Le roseau sonore

Sans autre théorie.

À l’ombre,

L’homme prévoyant

Cultive ses papas.

 

Sommes-nous si loin de tout ?

L’olivier scintille dans l’aube.

Il y a longtemps

Que je ne suis

Pas venu ici.

Si longtemps que je ne parle plus votre langue.

Les ravines laissent pousser l’herbe.

Je ne reconnais pas l’oiseau bavard.

 

Qui ou quoi nous jette dans le décor ?

Est-ce que ça vient de l’intérieur ?

Est-ce que tout vient de cet organe ?

Qui sait ce que je ne sais pas, qui

Ne soit pas devin ou membre du clan ?

 

« Vous posez trop de questions.

Et ce ne sont pas les bonnes,

Celles qu’il est nécessaire de poser

Si ce qu’on souhaite c’est travailler. »

 

Voilà comment on jette le doute

Sur la question de notre capacité

À vivre « en même temps que les autres ».

Río revient et reprend sa position.

Je ne veux plus être ce que je ne suis pas.

RÍO

Pfff…

BLANCO

Je veux savoir ce que je suis !

RÍO

Pour qui ? Pour moi ? Pour nous ?

BLANCO

Ah ! si le monde n’était pas si complexe

On pourrait au moins le trouver absurde !

On aurait alors beaucoup de choses à dire.

RÍO

Faites comme si.

BLANCO

Mais je ne fais rien comme les autres

/ à part travailler pour paraître utile

Et mériter de la considération nationale

À défaut d’accéder à l’universalité.

Comme ça arrive aux plus chanceux.

 

Ô ma plage de sable fin

Et d’objets perdus !

Comme tes matins

Sont rêvés !

 

J’aime la méduse morte

Et la mouette traversée

Par l’hameçon rutilant

Sous ce soleil naissant

Une fois de plus.

 

Que l’écume efface

Mes pas ou mon souvenir

Ne figurera pas dans

Le roman de mon enfance.

D’un bout à l’autre revisitant

Le mode de survie.

 

Ne nous éternisons pas

Aussi facilement que

Les probables et les fins.

Blanco sort de derrière le buffet.

BLANCO

Il ne me voit pas.

RÍO

Mais je l’ai entendu.

BLANCO

Heureusement ! parce que je suis nu.

RÍO

Nous sommes faits pour nous entendre.

Voyez les bonnes confitures ! Cerise

Du jardin. Figues. Sureau. Étiquettes

Soigneusement calligraphiées. Ô enfant

Que je suis ! J’en frissonne chaque matin

En enfonçant le drap. Avez-vous été marié ?

Faites-le au moins une fois dans votre vie.

Quelle poésie n’aime pas ça ? Je l’entends

Qui fait grincer les portes du buffet. La clé

Est dans ma poche, mais il ne le sait pas.

Jadis, j’avais une armoire. Pleine de lin

Et de fleurs séchées. Pratique de l’amidon

Dans le texte. Devant la justice, sauvez

Votre peau en prétextant un désir de morale

Parfaitement conforme à ce qu’on attend

De la littérature et de son bourgeois. Voyez Pinard,

Deuxième porte à gauche au premier. Ne vous

Trompez pas. Et repassez dans le couloir feutré

L’argumentaire moraliste conçu par votre con

Seiller. Vous ne reviendrez pas de sitôt, peut-être

Même jamais. Il n’y a qu’une Bovary. Ensuite, on

Se perd dans les détails qui rendent fou mais qui

Réduisent la critique à une leçon de choses. Ainsi

Va la poésie, du cœur à l’ouvrage, et de l’ouvrage

À la pratique commerciale qui accompagne l’ami

Libraire, ô églises des pas de portes ouvertes !

 

« Veuillez décrotter vos godasses avant

De mettre les pieds chez moi ! » Or, l’ami,

Ce sont mes croquenots que je vends, avec

La crasse des rues et des chemins, au bord

Des rivières poissonneuses à souhait et sous

Les arbres qui poussent sur l’horizon comme

Les fruits sur la branche.

D’Iliade en Odyssée,

Le fil à rompre ou à

Tisser avec les autres.

« Rêvez si vous voulez endurer.

J’ai là une solution à tous les maux

Qui limitent la jouissance en vacances.

Dites-moi un nombre, même à un chiffre,

Et je vous ouvre la moindre porte fermée.

Rêvez même en travaillant au Bien commun

Et au Mal réservé aux élus. J’ai un fils

Alors que je voulais une fille. Née du cul.

Si ! Si ! C’est possible ! N’oubliez pas

le Guide.

»

 

Queues dressées des athlètes

Et ventre mou des avocats /

Nous sommes jugés par l’homme.

Pour le dieu, tintin ! Allez faire

Un tour sur l’île et vous serez fixé

Sur la probabilité de ne pas saigner

Avant de mourir.

« Comme j’ai raison

De vous inviter

À partager avec moi

Et mes enfants

Le pain quotidien

Et le vin de saison ! »

Quelle douleur quand c’est fini ! Rêve

Cisaillé aux entournures. Sous prétexte

D’amour. Et d’esthétique recherchée

À force d’y mettre du sien. Comme

La Ville est reposante ! Ces relents

De caoutchouc synthétique. Vomi

Des trajectoires paraboliques de l’être

Au travail de son existence. Avocats

Pour vous sauver. Et juge en prime.

Suant du con sous la soutane répu

Républicaine. Un porteur de croix

Croise mes sentes en fuite, joyeux

Comme l’enfant que je n’ai pas été.

Ne riez pas quand je vous pose

la Question !

Mais votre conversation préfère

La rime et le rythme.

 

Qui ne trahit pas son voisin

En vérifiant si la clôture est

Conforme aux dispositions

Municipales ? Trompettes

Au derrière ! Saluez le maire !

Car en lui vous avez élu

Le représentant de l’État.

Bornes topographiques

Sous le gazon frais des soirs

À odeur de barbecue éteint.

Soumettez à la musique

Tout ce qui vous vient

À l’esprit et vous verrez

À quel point j’ai raison !

 

Aussi vrai que la paille craint le tesson.

 

Je vois, j’entends, je pense

Comme le césar aux frontières.

 

« Exigez la facture

Et payez cash ! »

 

Tombée du ciel

Cette pluie oblique.

Ou de ta bouche.

 

« La boîte de vitesse est d’une douceur

Et d’une précision ! Vous m’en direz

Des nouvelles

Avant Noël ! »

Les tiroirs contiennent d’autres souvenirs.

Blanco ouvre et fouille.

« Vous aimerez le moelleux des sièges.

Du pur plaisir à renouveler chaque matin

Et même chaque soir. Caressez-moi ce cuir !

 

L’immense crasse laissée par l’humanité.

Bus universel en série disponible gratos.

Vous lirez tout ou rien selon degré.

 

Je vous emmène au bout du monde

Pour y crever de joie dans le bonheur

Partagé avec la clientèle. Suivez-moi !

 

Ces cités ! Ces fleuves ! Ces rues

Commerçantes ! Ces discours aux

Animaux ! Ces possibilités infinies !

 

Comment ne pas oser tromper

Son voisin sur la position des bornes ?

Sous le gazon frais, le métal des limites.

 

Vendez-leur de la merde et partez en vacances ! »

 

Promène son miroir et se perd

En chemin, car le chien a perdu

Son légendaire odorat. Pourquoi ?

Alors s’enivre avec son avocat.

Paye les flacons et la sebsi, honnête.

Vaporisant les vieux rêves toujours

Redits. Entre le souci de perfection

Et le besoin de pureté. Le génie

Ne compte pas les jours. Grincement

Du volet au matin. « C’est toi ? »

Non, c’est moi.

 

Pas de profondeur sans ivresse.

BLANCO

(fouillant dans un tiroir) Il a raison.

RÍO

J’ai toujours aimé le spectacle

De l’homme (quel que soit son

Âge) qui farfouille dans les tiroirs.

Le voici plus enfant que l’enfant.

Perquisition ou recherche, peu

Importe ce qui motive son labeur.

Vite ! Un smartphone pour im

Mortaliser ! Sinon qui m’aimera ?

BLANCO

Il a raison.

RÍO

Ce qu’il faut ajouter au dictionnaire

Pour lui donner un sens.

Creuse encore.

Fouille encore l’Histoire et les Mythologies.

Feuillette les journaux, écume les bibliothèques.

Rencontre les contemporains, petits et grands.

Pose la question aux enfants, aux plus que morts.

Chaque matin en ouvrant sa fenêtre voisine.

Descends dans le jardin mouillé par la pluie.

Fends l’air avec son auto, arrive à l’heure.

Découpe les magazines, colle les lettres,

Relis, oublie, demande sa voix au désir.

Et comme en neige sur les poutres à nu,

Se dépose la crasse des jours et les visions

Des nuits et du voyage.

 

« Si nous allions au cimetière ?

Aujourd’hui c’est jour de repos.

Mais il pleut et la plage est loin.

N’ouvrons pas la fenêtre et sortons.

Il n’y a rien de plus beau qu’un cimetière

Sous la pluie, sur le gravier mesurant

Nos pas, étreignant le bouquet dans

Sa transparence plastique, viens ! »

 

Trottinantes voisines au seuil

Sur les marches ruisselantes

Évoquant une fois de plus

Ce que nous avons été pour elles.

 

Quelle hâte ce matin !

BLANCO

Heureusement, ce n’est pas jour de marché !

RÍO

Nous aimons nous revoir,

Quelles que soient les circonstances.

Nous avons voyagé ensemble si longtemps !

« Je vous ai écrit une lettre anonyme

Avec les mots de Flaubert. »

BLANCO

Pas lu, pas pris !

Il sort avec des « choses » dans les mains.

RÍO

Ne jouons plus s’il fait noir.

Laissons le silence approximatif

Former la houle du voyage.

Il sort, oubliant pourquoi il était venu.

VOIX

Au pluriel

« As-tu acheté le journal ? »

Les beaux titres à découper !

Les sens à changer de sens !

Avant j’étais enfant, et vous ?

Je n’ai pas connu mes parents.

Il y a eu cette histoire, à côté :

La voisine morte

à cause d’un couteau.

« Non, mais j’ai acheté le pain. »

Les temps sont durs et la vie molle.

Ce que j’ai vu dans le ciel lors

De mon dernier voyage au bout

Du monde visible : Je vous raconte ?

Qui est-ce ? Le connaissons-nous

de tous temps ? « Pas la bonne

Date ! »

La voisine qui mordait ?

Au lieu de dire

La vérité ?

« Un ou deux sucres ? Je ne me rappelle

Jamais. »

Le temps passé à planifier.

Rythmes et allitérations.

« Encore un qui ne vieillira

Pas ! » Tu veux parler du

Séminole. Et de son bison.

« Où est le théâtre dont

Nous procédons ? »

Changement de rythme. Entre le chœur.

Veut voir ce qui se cache dessous.

(se passe)

CORYPHÉE

La pince à démonter les roues.

Jette sa ligne parmi les éperlans.

L’autre prépare le feu de bois

Flotté, l’algue crissant dans ses mains.

« Il y a longtemps que vous vivez ici ?

Je vous pose la question

Parce que je ne m’y fais pas. »

Les thoniers en partance dans la houle

De la marée montante.

Dans quelle ville finiras-tu tes jours ?

De quelles nuits se nourrira-t-elle,

Si c’est elle ?

« Aucune idée ne me vient à l’esprit

Au moment où je pétris l’appât, et

Vous ? »

L’estuaire refoulant les cadavres

Descendus de la montagne, nus

Jusqu’à la ceinture, celui que le père

* a trouvé dans le gué, existence

Vouée à l’échec, sans femme ni

Enfant, descendant au gré de l’eau,

Dépossédé et finalement mort.

 

(Il la prend par la taille et lui explique

Comment il en est arrivé là : diplômé

Par le gouvernement au prix de sa foi.)

 

« De quelle poésie me parlez-vous ?

Avant de vous rencontrer (par hasard :

découverte de la pureté)

J’étais une fille comme les autres, douce

Comme une fourrure, instruite au fil du

Récit.

On entend toujours les voix, mais indistinctement.

Ou :

— C’est ça, Nera : raconte-moi ton histoire.

 

C’est en escaladant la montagne

Qu’on se rapproche du ciel.

Partant de mon village, le ciel

À portée de l’intelligence.

 

Voilà comment j’explique le muscle.

Parmi les aiguilles encore vertes,

Mes pas en ascension constante.

Le jour viendra, mais il fait nuit.

 

Le cœur aime les rythmes imposés

Par les sinuosités de la roche encore

En fusion : voici le temps d’aimer.

Sur la table de vieux chêne : la promesse.

 

Mais toujours à la même altitude,

La rencontre du visage et du temps.

Facile de désigner l’endroit exact

Où tout ceci doit se terminer un jour.

 

Cours encore et reviens toujours !

La fenêtre entre rideau et volet.

Le seuil marqué par la dureté du granit.

À l’endroit même où tu pleurais.

 

Quelle ode composer en souvenir ?

À la ville je ne suis que de passage.

Mais tu sais qui je suis et tu me veux !

Là-haut, j’irai pour te fuir et t’aimer. »

Après cette émotion, le coryphée se reprend.

Où sont-ils passés ces deux-là ?

Au moment où je la fais venir

Par la seule puissance de ma voix !

Ého !

Répondez si vous existez toujours.

Je ne tiens pas ici-bas à porter

Les fruits de mon imagination !

Ého !

Des lunes que je vous attends.

J’en ai le cœur malade à force

De me rapprocher du ciel.

Ého !

Mais je me donne en spectacle

Peut-être pour rien, pour la gloire.

Supprimez les contenus et vivez !

Écoutant.

Non… Rien… Le fleuve sépare les pays.

Cette sensation de traverser un mur.

D’un côté ce qui est blanc est noir

Et de l’autre ce qui est noir est blanc.

Je serais mieux ailleurs,

chez moi par exemple.

Mais c’est ici que je suis, avec le chœur

Figuré par ces draps pendus à un fil.

Il traverse les draps plusieurs fois, bras en croix.

(criant comme un enfant)

Imitez-moi si vous pouvez !

Mais je ne le veux pas. Je veux

Être « elle » / vous ne comprenez

Pas / comment / pourquoi / et

Je me prends pour l’enfant que

Je n’ai jamais été : papier blanc

Des attentes : imitez l’horizon

Pour ne pas devenir dingues !

Battler Britton vous découragera !

S’immobilise et rejoue.

(voix de fausset)

Imite donc un peu les cris de la plage !

La friture de l’écume et le crabe réduit au silence.

De quelle montagne me parlais-tu ?

Dans quelle langue qui n’était pas la mienne ?

Nera que je me suis mis à adorer

Pour ne pas manquer à la prière.

(guttural)

Revenez, vous deux les deux idiots !

(reprenant)

Hum… peut-être la mer un jour de raz.

La baie qui change de couleur

Et les conversations savantes sur le parapet

Du pont international, mouettes sans boussoles.

(guttural)

Revenez, vous deux les deux idiots !

Caresse les draps.

Vous ne chanterez jamais, pas un mot !

Décor trop sommaire.

Il y dessine des visages enfantins.

Hier, alors que je revenais du temps,

Je les voyais de loin, comme personnages

En attente de mon retour, et j’ai dessiné

Ces visages disant :

Je suis un enfant.

Ne me violez pas.

J’ai la parole nue

Et le verbe accessoire.

Recevez etc. etc.

 

« Achetez mes bibelots, j’ai des enfants à nourrir ! »

Le malheur avant même l’enfer des autres / table

Où figure le bien en vue / dans la chambre à coucher

: les jouets en vrac : les saisons ratées de peu : lettre

Morte : avant soupçon : achetez mes constructions

Érotiques : sur le rebord de la fenêtre, au-dessus

De la rue en manque : des géraniums malades :

« De qui sont-ils ? » / « Comme si je le savais ! »

L’existence fait de vous un pantin articulé mais

Raison d’aller plus loin : « Recevez mes etc. etc. »

« Je ne sais pas qui vous êtes mais je n’ai jamais su

Enfanter sans crier au moins un peu : hypothermie.

» / Voilà ce que je sais etc. etc. / montrait du doigt

La montagne imaginaire au-dessus des toits voisins.

Dit : je fus réveillé par le cri (strident) d’un enfant.

Raison : doigt coincé dans la porte des chiottes.

« Comment t’as fait ? » / En bas, les tarifs tant

Du plaisir sexuel que de la jouissance artificielle

: au feutre doré à l’or fin : cette existence foutue

D’avance : « Vous n’arriverez jamais à rien, surtout

Pas à grimper aussi haut : » Hiérarchie faussée par

La parenté, l’histoire tribale, la tectonique, Dieu

Lui-même : armé d’un glaive trempé dans le soleil

Et damassé dans l’atelier des « grands poètes »

De ce monde : où tu vis : descendue de ton cirque

Où l’hôtel reprend vie : une source en témoigne

Encore aujourd’hui : « …que je vous parle, aussi net

Que le contour des nuages, clair comme l’eau

De nos roches en fusion, facile comme le sifflet

Des transmissions traditionnelles / revoyez

Votre copie : et revenez quand Battler Britton

En aura fini avec sa maquette de Messerschmitt.

»

 

Vous aimez la poésie ?

Ne posez pas la question

À celui qui ne l’aime pas.

 

« Tout ce qu’on voulait, nous (Río et Blanco)

, c’était revenir sur les lieux pour exercer

Notre pouvoir sur ce qui nous reste d’enfance.

Río : Nous sommes faits pour nous entendre.

Mais de voir (de loin) ce linge qui ne nous

Appartient pas (qui ne nous dit rien) / nous

N’approchons pas : derrière la clôture des

novillos nous attendons que le soleil se couche »

Les draps claquant dans le vent des coulisses.

Vous ne serez jamais ce que je suis !

Pour ça, il faudrait vous remettre

Au travail de l’intention et du savoir.

Mais je suis bien seul maintenant

Qu’elle n’est plus là pour me mentir !

Qu’est-ce qu’un personnage de théâtre

Si ce n’est pas un homme ? Une femme ?

Je vous pose la question en amateur.

Est-ce bien ici qu’on vend les ersatz ?

Je peux jouer n’importe quel rôle.

Homme, femme, enfant, vieillard

De l’un et l’autre sexe, chien, dieu

Révélé ou pas, poète, pédant, salaud,

Sage qui couche sur la plage dès

Que la nuit invite au repos, amant

Avec ou sans amante, cabot de service !

 

Comme il est toujours temps

D’avoir le temps !

 

Avant j’offrais des cigares

À chaque naissance qui

Me surprenait au saut du lit.

J’avais la tradition et un dieu

Pour parler aux femmes.

Mais voici qu’avec l’âge

Je pense à autre chose : par

Exemple :

Au temps qui ne passe pas.

À la circularité de la lecture

Qui a atteint la perfection

En même temps que l’écriture.

Ne m’en veuillez pas

Si j’ai oublié les allumettes.

Je viens sans beau-père.

Je suis passé par la fenêtre.

Pas à travers le mur qui nous

Sépare, ô cratère sans fond

Qui ne vaut pas l’anus

De ma voisine : toi encore !

 

Voyez comme ils aiment la Ville.

Voyez comme ils aiment acheter.

Voyez comme personne ne les aime.

Voyez, voyez encore et tirez-vous !

Se met à décrocher les draps.

(riant bêtement)

Avec le pot que j’ai

Et vu que ces draps

Secs ne m’appartiennent pas,

Je parie que quelqu’un

Va exiger de moi des explications

Que je serai bien inspiré

(ô Poésie !)

De retrouver

À l’endroit même

Où je les ai perdues.

(hurlant)

Parlez à ma place si vous voulez !

Je devrais dire : si vous voulez que

Je ne sois pas ce que je suis.

Je n’ai pas fait le mal mais

J’ai construit mon bien dessus.

Je m’en veux un peu

De ne pas vous reconnaître.

Même père, même source

Vaginale : revenez à ma place

Ô mon pain et mon vin !

Entrent Río et Blanco, de chaque côté.

(guttural)

Revenez, vous deux les deux idiots !

Image

Ce que nous sommes quand nous n’existons plus.

« Ce qui demeure » dit le gardien du cimetière.

J’ai laissé la trace de mes pas dans l’herbe rase.

Pétales de cendres / ton nom n’y figure pas

Encore / la série continue / verbe et épithète /

Les souvenirs m’assaillent / je crois me voir /

T’ai-je dit que je ne suis pas venu pour ça ?

RÍO et BLANCO

d’une seule voix

Il recommence…

Écoutons…

Et toi, laisse ton arbre !

CORYPHÉE

en oiseau

Nous ne reviendrons plus.

En tout cas pas ensemble.

Le miroir ne pivotera plus.

Le détail n’aura plus l’importance

De l’interprétation, rien ne suit.

 

Agaves je vous aimais !

Comme une armée dressée

Contre le ciel de la mer.

 

Sommes-nous venus

Chaque fois que c’était possible ?

Trop de hasard tue le hasard.

Mes yeux fermés retrouvent

Les chants du vent

Dans les fourrés

Inhabités.

 

Pendant ce temps,

La société s’organise

Pour ne pas s’autodétruire

/ et je n’y pense pas.

 

Mâles et femelles

Au sommet de la pyramide

Qui ne signifie rien.

 

D’autres rêvent encore

D’une cohérence gagnée

Sur la fièvre du combat.

Nous habitons les villes.

Puis nous voyageons

En marins inquiets.

Imaginer le moteur

Par rapport à la source

D’énergie encore possible.

 

Nous en avons écrit, des chants !

Poussé des héros dans la cage

D’escalier ! Repris les refrains !

Rien n’est aussi vrai

Que ce qui n’est pas mort !

 

L’ennemi est en soi, bavard

Mais sans les mots du journal.

Sa harangue ne parvient pas

Aux oreilles, le spectacle est

Si cher ! Coude à coude avec

Ce qui n’a encore aucun sens.

Il désigne la salle.

Je ne suis pas venu pour ça.

Et je ne reviendrai pas demain.

Douceur des brises d’automne.

La feuille se réveille

De sa nuit d’été.

 

Je perds le temps

Qui m’était donné.

 

Avant, dit l’enfant

Redevenu enfant,

Je descendais

Et la nuit me paraissait

Aussi obscure que ton regard

Derrière le voile des jours.

 

Voilà ce que je suis.

Pas une seconde

De métamorphose

Ou au moins de changement.

Aux autres :

Vous me reconnaissez ?

Il semble que non.

Chantons :

Ils se lèvent, mains dans le dos.

Le vent en profite pour se lever lui aussi.

Moment de confusion car :

La peau ne sait pas s’il vient de la mer

Ou des terres avec leurs montagnes lointaines.

Passent des paysans en fourgons blancs.

Aux vitres les visages des tâcherons.

Des enfants vont à l’école.

Il dit : « Pas de pays sans au moins une école »

On l’écoute et les portes s’ouvrent.

Les rideaux frôlent les seuils déserts à cette heure.

Au mur, la trace des souliers.

Dans la rigole, les peaux d’orange.

« Arrivez-vous de loin ? »

Une chaise oubliée invite au repos

Avant même le travail.

« Avant, j’étais heureux avec toi »

L’odeur des chants marins arrive lui aussi,

Fidèle au rendez-vous.

« Les charmes du quotidien qui consiste

À nourrir les historiques, »

Dit un touriste arrivé là

Par une espèce de hasard

Qui ne dit pas son nom.

« Rien n’est plus beau que cette solidarité ! »

S’écrit le poète élu pour la semaine.

Les oranges des allées sont amères

Mais les orangers sont bien alignés

Dans le sens de la rue

Aux angles morts.

« Voilà comment j’embraye ! » dit le chauffeur.

Et nous nous en souvenons.

En tout cas, nous passions beaucoup de temps

À nous souvenir (le jour même) de ces instants

Que le miroir fixe dans la chambre.

Ainsi naissent tes saisons, ma chérie.

Et je le pensais !

Vous avez noté ?

Ils hochent leurs têtes, mains dans le dos.

Professoral :

Maintenant je vais disparaître pour toujours.

Comprenez par là que je ne reviendrai pas.

J’emporte mon chœur dans la tourmente.

Vous ne me regretterez pas, je suppose…

Voulez-vous que je vous laisse un souvenir ?

Ils attendent.

Vous n’attendez rien de moi…

Derrière, la ville se réveille,

Prête à recommencer,

Soucieuse de progrès

Ou du moins d’améliorations.

Je ne pars pas le cœur allègre !

 

Au chœur :

Rhabillez-vous ! Nous partons.

Je sais, je sais ! Comme ça, au réveil,

C’est dur à avaler, mais j’ai mal rêvé

Cette nuit et je reviens d’un cimetière

Aussi inattendu que ce qui nous attend.

Sortie en fanfare.

Río et Blanco en profitent

Pour se mettre au pas,

Mais ils « demeurent »

Alors que le chœur au complet disparaît

Sans laisser de traces.

Les deux, singeant et tournoyant :

Il ne reviendra pas !

Nous devrions dire :

Ils ne reviendront pas !

Bourriche et coup du sort !

Y a-t-il une sorcière

En triple exemplaire

Pour nous révéler

L’exotisme de la scène ?

 

Avant : nous riions.

Río tape du pied.

Je le redis : avant, nous riions.

Nous le disons en chœur

Dans l’espoir de n’être qu’un !

BLANCO

la main en visière, tournoyant

J’avais cru voir Nera…

Était-ce encore

Une de ces maudites illusions

Que je me fais

Quand je perds le Nord ?

RÍO

ironique

C’est le Sud que tu perds.

La faute à tes reculades.

Je t’avais dit : garde tes pieds

Sur le sable de notre seule mer !

Mais tu n’en fais qu’à ta tête !

Et moi, je te suis !

Non mais quel âne je fais !

Main en visière lui aussi, plus circonspect.

Tu as dit : Nera est passée nous voir ?

Il réfléchit pendant que son arbre réclame de l’eau.

Je croyais qu’elle était morte…

BLANCO

C’est bien de toi, ça !

Croire et se laisser avoir !

Tu ne changeras jamais.

Et je ne te quitterai pas !

Âne que je suis moi aussi !

RÍO

Nous sommes faits l’un pour l’autre.

BLANCO

Que tu dis !

Moi, j’étais fait pour Nera.

RÍO

Mais je l’étais aussi !

BLANCO

triste

Elle n’est plus là.

Il cherche en rond.

J’ai bien cru qu’elle l’était.

RÍO

rageur

Il ne faut pas croire ce qu’on croit.

Regarde ce que le monde est devenu

À cause de ceux qui croient ce qu’ils croient !

Amer et désolé.

Non ! Non !

Moi aussi je crois qu’elle n’est plus là.

Mais je ne peux pas croire qu’elle y était

Quand tu as cru qu’elle passait par ici.

Cherche encore, bouscule son arbre.

Pourtant, j’y crois !

Et voilà que je t’aime, mon bon Blanco !

BLANCO

offusqué

Je t’ai toujours aimé, moi !

Je n’ai jamais douté !

RÍO

Il va pleurer maintenant !

Alors que nous avons d’autres

Sujets de mélancolie.

Pensif.

Crois-tu ce qu’il a dit ?

BLANCO

comme se réveillant

Qui ? Qu’a-t-il dit ? Parle !

RÍO

Moi, tel que je me connais,

Je pense qu’il reviendra.

Avec son chœur et ses nouveautés.

Péremptoire.

Il ne peut pas partir comme ça !

BLANCO

Tu l’as dit !

Je vois de qui tu veux parler.

À peine parti, on le voit

En funambule de l’horizon.

Il ne part jamais plus loin.

C’est déjà arrivé…

RÍO

Je préfèrerai penser à autre chose…

BLANCO

Mais tu ne penses qu’à ça…

Tout disparaît.

Il n’y a plus de théâtre.

Sommes-nous dans la rue avec Apollinaire ?

Au-dessous de zéro.

On dirait qu’il fait nuit.

Le jour est celui des vitrines.

Et l’existence celle des salariés et de leurs retraités.

Pas un mort dans les rues.

Pas un signe de faim ou de malheur.

Des enfants aux anges.

Passage d’un vent de négociations.

Charpie de romans sur les blessures.

« On ne lit plus comme on lisait.

Mais on rime comme des révolvers. »

Ne suivez pas le personnage qui vous ressemble.

Ne reconnaissez pas le chemin.

Les serviteurs au travail de la perfection.

Pour un peu, on se prendrait pour un poète.

« Il y a longtemps que je ne suis pas revenu.

C’est que j’appartenais à quelqu’un.

Laissez-moi vous suivre encore un peu.

Je retourne où vous allez pour la première fois.

Je ne veux pas vous ennuyer. »

Passe son temps à insérer les didascalies nécessaires

À la compréhension de son spectacle.

« Pour une fois que nous avons quelque chose en commun ! »

Masqués, là même où il est nécessaire de se reconnaître

Autrement que par la voix.

« J’ai toujours aimé la lumière artificielle. »

Marche dans ces flaques de couleurs.

Voit l’enfant asexué.

Faut-il vagabonder avant d’en finir ?

En quoi cette expérience est-elle « nécessaire » ?

Le bien commun signale l’apparition des symptômes.

Spécialistes à l’œuvre du temps mesuré en voyages interstellaires.

« Ce n’est pas mon enfant ! »

La crasse s’ajoute à la misère

Comme la rime à la pauvreté.

« Combien de néons vous faudra-t-il ? »

Ceci n’est pas une conversation cueillie derrière le rideau.

L’ivresse comme moyen de fuir

Non pas l’existence

Mais la mort.

Faire son Apollinaire avant de commettre l’irréparable.

« Suivez-moi si vous voulez.

Je n’ai jamais suivi personne.

Peut-être au retour.

Si le temps le veut.

Étrange ce temps-personnage

Qui ne remplacera pas Dieu.

Je vous paye un verre

Avant de continuer ? »

 

Payant il se rassérène.

« Je vous croyais seul…

— J’avais besoin d’une saveur

Sur la langue dont je ne me sers plus.

J’insiste pour vous payer un verre…

— Avant j’étais comédien.

— Et avant de jouer devant les autres… ?

— Demandez aux miens de s’en souvenir.

— Comme c’est beau un théâtre !

Vous revenez souvent sur les lieux… ?

— Je reviens toujours à temps, mais

Je ne sais pas si je suis bien compris.

— L’avez-vous jamais été… ?

— Si ça vous rend heureux de l’imaginer…

— Je ne suis plus un enfant ! J’ai l’âge !

— Et le moment ! »

 

Comme le temps est temps !

Et comme ce qui ne l’est pas le devient !

Aimez-vous la mer qui s’annonce ?

Nous approchons du Finisterre.

« Combien de marins, combien de… »

Nous ne saurons jamais si notre perception des cycles

Appartient plutôt à ce que les autres pensent de nous.

 

Chat sur des coussins que la brise du soir caresse.

Nous sommes toujours au rendez-vous des fées.

Il n’y a pas de temps sans le lieu de nos évasions.

 

Fenêtre toujours en attendant d’en écrire le roman.

Entre le début et la fin, l’étirement du verre en fusion.

Et cette pratique constante de la transparence acquise.

 

Le temps palpite avec le cœur / souvenez-vous de l’or

Des couchants en ce pays de mer et de montagnes /

Vous aimiez retrouver les héros de votre enfance.

 

Nous ne sommes pas faits pour nous ennuyer /

Dehors on travaille pour nous / mais de quel héritage

Nourrirons-nous ces prodigalités ?

 

Vous aimiez le temps parce qu’il passait et non pas

Parce qu’il vous donnait l’occasion de rimer avec lui.

Que vaut l’amour sans surréalisme à la clé des champs ?

 

Nous irons où vous allez

De ce pas tranquille habitué

Aux sommations de l’hiver

Et des huissiers.

 

Dépouilles dans les fossés

Et les talus des saisons passées

À retrouver le sens des voyages

Entrepris dans un esprit de conquête.

 

Il ne nous reste que la fusée

Et ses capsules mirifiques.

Ces paraboles magnétiques

Sont à l’image de nos retours.

 

Tout le reste est politique,

Acteurs et électeurs en verve

De loin ou en gros plan, jésuites

Des limites à ne pas dépasser

Sous peine de ne plus être payé.

 

Río et Blanco rêvant en même temps

D’une Nera au parfum d’écume

Tandis qu’on chante dans leurs dos

Les grandeurs de la Nation en route

Vers son passé et ses trésors perdus.

 

Comme c’est admirable de s’admirer !

Les miroirs sont faits pour ça, n’est-ce pas

Ô vitriers des ouvertures de l’opéra !

Nous aimons tant les feux du Commerce

Et de la Propriété qui promet le calme,

Le luxe et la volupté des pyramidions !

 

Passant devant des vitrines inaccessibles,

Nous avons du crédit avec l’emploi

Si c’est ça, rêver / sans les autres ou

Nous donnant en spectacle pour la cause.

 

« Avez-vous seulement goûté au plaisir

D’acquérir ce qu’il est possible d’acheter ? »

Les automates sont si ressemblants !

« Bonjour, monsieur qui recevez mes biens ! »

 

L’enfant est tenu par la main

De peur de le perdre

Avant qu’il témoigne

De notre propre mort.

« Qui sont ces poètes

Qui perdent leurs temps

Devant les vitrines

De nos librairies ? »

Main déjà moite,

L’autre fend l’air des passants.

La capuche contient une tête de flic.

« Nous l’avons trouvé.e dans les rayons

[ici les caractéristiques desdits rayons]

Mais il ne posait pas de questions…

— Étrange, en effet… »

N’oubliez pas la main,

Ni vos vagins.

 

Automates branleurs à gogo

Sur les trottoirs de nos cités

Et jusqu’au coin les plus reculés

De nos campagnes « hallucinées »

 

Réseaux sans mélange des origines.

Chaque éprouvette est une œuvre

Originale garantissant l’héritage

Des valeurs de la République.

 

Nous donnons un nom évocateur

À chaque possibilité de biographie.

Qui sont ces intermédiaires, juges

Et parlementaires, exécuteurs

Des œuvres au détriment de l’œuvre

Qui grogne en nous ?

 

Ne vous trompez pas d’orifice !

Trois sous la passe automatique !

Vous serez nus sous les réverbères

Et la nuit picotera vos hanches vertes !

 

« Avant j’avais peur

D’être ce que j’étais

Mais grâce à vous

Je n’ai plus peur

D’être ce que je suis »

 

Bien pour le chat

Des coussins sous

La fenêtre jamais

Visitée par la nuit.

 

Entretenez vos dents

Pour garder le sourire.

« Ce que je suis maintenant

Ne sera pas perdu

Si tout le monde a raison »

 

Et payez pour conserver vos biens.

L’Histoire ne vous sauvera pas

De l’anéantissement / dit le chat

Si vous le faites parler dans un

roman.

 

Nous aimons tant en parler !

Avec ou sans chat, sans fenêtre

Ou avec un balcon pour propriété

Privée, à l’hôtel comme dans le train,

Ces conversations avec nous-mêmes.

 

Qui parle seul ne parle pas, dit-on.

On dit aussi qu’il s’ennuie seul.

Mais de quoi parle-t-il ? Question

À poser dans un théâtre.

 

Ce matin les bateaux reviennent

Hanter nos quais / qui vomissent

La glace pilée / au restaurant

L’homme s’essaie à la solitude

De l’inaction / le chat sait bien

Où il va quand il quitte les coussins.

 

« Avant j’étais ce que j’étais

Et maintenant je suis ce que je suis »

Usure des chaussées qui se rejoignent

Sur ces quais aujourd’hui désertés.

Qui n’erre pas là où personne

N’a jamais erré ?

 

« Un papillon ! C’est un papillon !

Ça ne peut pas être autre chose !

Tu as vu le papillon blanc ?

Ça donne envie de l’attraper !

De sautiller, d’aller plus loin,

De revenir en riant comme un fou !

J’ai déjà vu des papillons, tu parles !

Mais aujourd’hui, c’est aujourd’hui !

On ne fait pas mieux en matière

De temps à passer enfin avec soi !

Je te dis que c’est un papillon !

Je ne sais pas toi mais moi j’y vais !

Je veux tenter ma chance ce matin.

J’ai trois sous à dépenser et du temps

Comme si je n’en avais jamais eu ! »

 

Où va se mettre la poésie

Quand elle fuit le poète ?

 

Le canal a l’odeur de l’Histoire

De France / « ce que je peux te

dire » / tant d’années ont passé

/ et avec toi le travail au fil de l’eau

/ « les gens que je rencontre, rives

De mon propre fleuve » / paperasses

De l’existence sociale — nous aimons

Flâner avec les pizzas « bastingage

des lieux » / « aimes-tu me revoir

au même endroit ? » / il se sent

Abandonné comme feuille d’automne

/ « que nous reste-t-il, Walden, une fois

qu’on se sent seul ! » / lâche un regard

Sur les paumés ::: plaies purulentes

Des genoux ::: trouver de quoi oublier

::: masques des enfants ::: la famille

En vadrouille dominicale comme avant

/ « réservez si vous voulez partir » ou

Demeurez à l’endroit même des lectures

::: « tout s’explique » dit-il en avalant

Les glaçons de son whiskey / sur l’écran

: les taudis de l’imagination : le suck

Du syphon capitaliste ::: « nous sommes

Les gardiens de la doxa » / verte comme

Les treillis / une affaire d’ingénieur :::

« revenez quand ça vous chante »

Plus loin les odeurs de la pêche et /

Les filets de l’angoisse / ravaudeurs

Pieds nus / l’orteil au travail / yeux

Déjà demain / « nous sommes issus »

Vous ne saurez jamais d’où vous venez

Voulant dire : d’où vous vient ce style /

D’autres expansions du désir / fusées

Trouant le ciel / perdu au dés un jour

De Grande Déveine : elle te trahira

Tôt ou tard : et tu croiras encore

À ses fictions ::: « je vous en paye un ? »

Grattant le fond de la coquille / larme

D’un blanc / « ces étrangers qui passent »

« nous ne savions plus quoi penser »

« où trouver le plaisir sinon ? » / déjà

Mort avant même de pouvoir signer

/ la Grande Déveine / Spacex en feu

À l’horizon / avec son équipage en feu

Parmi les îles encore secrètes / peuples

Toujours lointains mais pas inaccessibles

/ « souvenez-vous de ce détail » / écluse

Bouillonnante un jour de pluie / visages

Mouillés des hublots / à bicyclette allait

En ville pour acheter nourritures et services

/ « nous aurons des enfants » / passions

Relatives aux communions / « nous

finirons par savoir » / « regardez devant

vous » / « ne perdez pas de vue le concept

d’île » / Shanti de retour / « vous cherchez »

Un chat se prélasse sur des coussins en tas

/ perspective des vacances à l’hôtel :::

Service compris / « je t’ai amenée ici »

Maintenant le Canal résonne de rues

/ « ça pourrait finir comme ça » / mais

Le texte revient hanter la mémoire /

Encore un rehaut ! Une nuance d’ombre !

« je ne vous ai pas invité à me regarder »

Répond : « je ne savais pas que j’existais

pour vous » / et il arrache son masque. (point)

RÍO

Point ! Point ! Point !

Et pourquoi papapa ?

Il a déraciné son sauvageon

Et le porte contre sa poitrine,

Effritant la motte de terre noire

Qui souille ses baskets blanc neige.

BLANCO

En chemise

Celui-là a perdu la tête.

Son discours se fragmente.

Il se laisse faire par son esprit.

J’ai connu ça quand j’étais jeune :

Les bulles remontent à la surface.

Et la surface devient crémeuse

Et jaune comme la pire des journées

Passée à se remettre en tête

Les évènements qui ont plié la nuit.

Je le plains de vivre pareil théâtre !

Mais ce n’est pas un comédien.

Jamais il ne maîtrisera son souffle.

Il se comportera comme un amateur

Devant ses juges / Voyez comme

Sa tête penche du côté où elle va

Tomber : il a naguère pratiqué

La poésie : mais sans lui accorder

La divination : il n’a pas vu venir

La cacophonie qui annonce

La plus terrible des solitudes :

Celle qui suit le Grand Amour…

RÍO

Il a parlé de la Grande Déveine…

BLANCO

Il ne parle plus : il joue

/ mais pas à la manière

De l’acteur qui suit le texte

Pour le donner à comprendre

/ il joue comme un enfant

Que le sable de son terrain

De jeu amortit : mollesse

Des tours de magie imaginés

En un moment de pure folie.

RÍO

Effeuillant

Existerait-il sans toi ni moi ?

BLANCO

Ne nous posons pas la question

Tant que nous ne sommes pas

Sûrs d’agir sur la même scène !

RÍO

Ça porte malheur… heu… dit-on…

BLANCO

Donnons-lui un nom !

RÍO

Paco !

BLANCO

Je ne connais pas de Paco…

RÍO

Alors dis qui tu connais !

Je te dirai qui il est…

BLANCO

Il est entré sans nom.

Pas même invité, alors

Que la fête bat son plein…

RÍO

La fête ? Quelle fête ?

BLANCO

C’est une façon de parler…

RÍO

Énervé

C’est ça ! Parle ! Parle !

Parle même à sa place !

Je t’écoute comme si je n’étais plus moi !

BLANCO

Tu exagères…

Un temps.

Tu exagères toujours.

Comme si je t’avais fait.

RÍO

Mais nous ne sommes pas frères !

BLANCO

Doigt sur les lèvres

Chut ! Il va parler…

Un temps.

Río paralysé.

Non… Il ne parle pas.

RÍO

Il se déplace…

BLANCO

C’est nous qui le déplaçons.

Il n’était pas à sa place.

Nous agissons en maîtres des lieux.

RÍO

Jetant des regards autour

Ce que nous ne sommes pas.

J’ai l’impression d’être tombé du ciel.

Lève les yeux.

BLANCO

Inquiet

Je ne me sens pas chez moi…

J’ai froid… comme si… comme si…

(éructant)

Comme si je n’avais rien à faire ici !

RÍO

Ne sommes-nous pas chez nous

Dès lors qu’il s’agit de jouer ?

C’est ce que j’ai appris à l’école.

Je n’étais pas très bon élève,

Soit, sauf en pantalonnade

Si le texte me ressemblait,

Ce qui arriva rarement car

Je n’étais pas encore amoureux.

BLANCO

Riant

Toi ? Amoureux ? Mais de qui donc ?

De quelle donzelle claudélienne ?

Répliquant aux données espagnoles

Revues et corrigées par les nécessités

Des planches et du rideau et de que

Sais-je encore qui appartient à ce passé

Qu’en effet je partage avec toi, ami.

RÍO

Tu as tort de te moquer des sentiments

Que nous éprouvâmes l’un pour l’autre

En ces temps d’études et d’attente !

BLANCO

Tu veux parler de Nera, I presume.

Nous ne nous battîmes pas sur le pré,

Que je sache !

(colérique)

Nous n’étions pas encore

Nous-mêmes. Mais j’étais moi, que je sache.

RÍO

Inquiet

Nous l’avons perdu de vue…

BLANCO

En effet. Mais qu’y pouvons-nous ?

Ce n’est pas un personnage.

On ne peut pas l’interpréter.

On ne joue pas avec lui.

Il ne suffit pas de lui opposer

Une fille de bonne famille

(ou autre chose) pour lui donner

De quoi appartenir à l’intrigue.

RÍO

Mais il n’y a pas d’intrigue !

C’est tout juste si ce port

Existe ! Si cette Amérique

Était au bout du fil ! Mais elle

Ne décroche pas ! J’ai tant

Aimé l’imaginer ! Européen

Que je suis ! Ni français ni

Espagnol ! Encore moins

Andalou ! Nous ferions bien

De changer de métier…

BLANCO

Parle pour toi ! J’ai mon César !

Le rideau pas une fois ne m’est

Tombé dessus !

RÍO

Quelle vie !

Non mais quelle vie ! Quelle attente

En attendant ! Et Nera qui se fait prier !

BLANCO

Comme d’hab ! Ni l’un ni l’autre.

Dès la première scène :

(jouant)

Wie einst Lili Marleen…

Braoum ! Et ça recommence !

On ne s’aime vraiment pas !

Mais que valent ces personnages

Nés de la Guerre ?

RÍO

Étonné

Elle n’est pas née de la guerre…

(imitant)

Pas que je sache…

Mais je n’étais pas né moi-même !

(riant aux éclats)

Comme c’est beau le théâtre !

Avec ou sans ombre, que c’est beau

La parole de Dieu lui-même !

BLANCO

Avec humour

Qu’est-ce qu’il vient faire là celui-là ?

 

Avoir été aimé et ne plus l’être / l’homme

Arpentait une rue du matin avec le silence

Des premiers rayons / « vous aimez le théâtre ?

Je vous pose la question parce que je l’aime.

J’en reviens comme si j’avais toujours été seul.

Mais si vous ne voulez pas répondre… imitons

le même silence. Nous sommes loin des cafés,

des trottoirs, des retours à Ithaque, du rêve

qui remet en cause la réalité des tractations

quotidiennes. Lorsque la doña s’est effondrée

vous avez poussé un cri. Puis j’ai compris que

vous l’interprétiez avec une seconde d’avance.

Maintenant je peux me laisser distancer. Allez ! »

RÍO

Quelque peu irrité

Le voilà qui recommence !

BLANCO

Il est vrai que nous ne l’avons pas invité.

RÍO

Ni personnage ni interprète !

BLANCO

Pas même apparu !

RÍO

Des mots ! Des mots ! Des mots !

BLANCO

Qu’est-ce que c’est que cette histoire de… théâtre ?

RÍO

Il se laisse emporter par le vent :

 

Je revenais seul, sauf que je venais d’assister

(de mon plein gré) à la représentation d’un jeu

Que je n’avais pas joué parce qu’il y avait longtemps

Que je n’habitais plus avec eux.

BLANCO

Que veut-il dire ?

Que devons-nous comprendre ?

RÍO

Ah ! si nous l’avions invité…

BLANCO

Mais ce n’est pas le cas.

RÍO

Le texte est sacré !

Toute la musique l’est !

Et il revient du théâtre !

Comme si la nuit s’achevait !

Les cafés sont fermés

Comme les maisons.

Les jardins obscurs

Comme le silence

Des rues mouillées.

BLANCO

Ce n’est pas revivre qu’il veut.

Il tente l’impossible.

Moi, j’ai sommeil.

Je reconnais ce chemin…

RÍO

Il nous ressemble tellement !

Ni dieu ni hypothèse.

Mais le rideau est tombé.

J’ai sommeil moi aussi.

(il baille)

Il y avait longtemps

Que je n’avais pas souhaité

Avec autant d’envie

Dormir dans un bon lit,

À Nantucket ou ailleurs.

« La porte sera ouverte »

Pas besoin de clé cette fois.

BLANCO

Encore heureux !

Ils s’arrêtent pour écouter.

Une fontaine s’accroit de leur silence.

L’autre reprend :

 

« J’ai été aimé puisqu’elle le dit.

Froissement d’un journal.

Puis de nouveau le silence.

Ils se regardent, renonçant à quitter les lieux.

 

S’il y avait une fontaine,

Ça se saurait, mais le vent

Ne sait pas d’où il vient…

RÍO et BLANCO

Il recommence !

 

(s’assoit sur la margelle)

C’était un théâtre de choses.

J’avais l’impression de lire un roman.

Il y avait du monde et on me parlait

(continuez !)

Vous ne saurez jamais qui je suis !

Je ne serai jamais ce que j’ai été.

(voyant une vitrine s’éclairer)

Je boirais bien un verre, mais seul…

Est-il possible que je m’en sois sorti ?

Je n’ai vu personne à la sortie.

Pas même une ouvreuse pour me saluer.

« bonne nuit monsieur qui revenez »

(frissonnant)

Le texte devient philosophique.

Et alors c’en est fini de la poésie !

Le type ne s’aventure même plus.

Il sait où il va alors qu’on l’attendait

À l’endroit même de sa solitude.

J’ai perdu mon temps avec l’autre.

Il jette un œil critique sur les deux « autres ».

Un jour peut-être ils vous aimeront…

Je ne dis pas qu’ils comprendront.

Nous sommes venus en vacances.

En famille et en été, budgétisés

En prisme, l’œil sur l’ivresse et

La chair aux jeunes corps que le sable

Mélange à l’écume ::: parlons aux crabes

Du rivage, immisçons notre regard

Dans les interstices de la roche offerte

Avec les particularités locales ::: nus

Ces corps vus de la terrasse, verre

De gouttelettes / « avez-vous été

aimé ? » / « je ne vous connais pas

assez (réfléchissant) mais je me sens

tellement seule, abandonnée, inutile ! »

Les deux autres se taisent obstinément,

L’air de penser : « Il se répète »

Quel théâtre ! J’en vis encore !

(soucieux, doigt dans la joue)

Il y avait du monde. Il y a toujours

Du monde s’il est question

De savoir qui a été aimé

Et qui ne l’est plus. Un monde fou !

Un temps d’hésitation avant la fin,

Puis le « tonnerre » des applaudissements.

« comprenne qui pourra » dit mon voisin

De siège en se levant avant moi / puis

« Vous y étiez ! Ne dites pas le contraire…

— Encore un café d’ouvert à cette heure,

Propose quelqu’un en secouant ses miettes.

— Je ne sais pas si je suis disposée…

— Elle veut parler de la conversation

Qu’elle nous invite à remettre à plus tard.

— Nous avons tous envie de nous coucher.

— J’ai bien vu que vous étiez concerné

Par cette réplique à propos d’avoir été

Aimé ou pas… » / Comment le nier

Maintenant que la nuit menace

De laisser toute la place au jour ?

 

RÍO

Voilà qui est parlé !

BLANCO

Mais c’est toi qui parles, mon vieux !

Jamais tu n’as parlé autant !

RÍO

Parle pour toi !

Ils se taisent, attendant.

Ils n’allument pas leurs cigarettes.

La fontaine demeure muette.

La pluie tombe, glaciale.

 

Un jour quelqu’un lira cela.

 

BLANCO

Que dis-tu ?

RÍO

Moi ? (se ravisant) Rien.

BLANCO

Je croyais…

RÍO

Nous avons tort d’aller au théâtre…

BLANCO

Tu veux dire : quand il pleut.

Quel grésil ! J’en frissonne !

RÍO

Riant

Marre de ton cultisme !

BLANCO

Quel théâtre n’est pas baroque ?

RÍO

Demain à la page des spectacles.

(circonspect)

Bientôt l’heure…

L’employé viendra chercher sa goutte.

BLANCO

Pour moi ce sera un café… bien serré !

RÍO

Chut !

BLANCO

Il recommence ?

Ils se rejoignent pour écouter :

Non… C’est la fontaine.

Ou le premier oiseau tombé du nid.

(soupir)

Qui n’est pas rentré chez soi ?

BLANCO

J’aime la trivialité des dialogues.

On devait aller plus souvent au théâtre.

RÍO

Mais tu dis le contraire de… !

BLANCO

Je dis ce que je pense !

Tu ferais bien de t’y mettre toi aussi !

(docte)

Qui sommes-nous quand nous ne sommes pas au théâtre ?

RÍO

Tragique

Il n’y a qu’à nous regarder…

BLANCO

Main en visière

Personne pour filmer la scène…

(brusquement)

Il revient !

Marre d’être hanté

Alors que j’ai été un enfant !

RÍO

Mais tiens-toi donc !

Nous ne sommes pas seuls !

Nous avons été aimés !

 

Puisque vous le dites… aimés

L’un et l’autre par l’autre qui

N’est plus là pour aimer…

 

BLANCO

Tu as entendu… ?

RÍO

Rien…

(réfléchit)

Tu veux dire : comprendre ?

BLANCO

Je dis ce que je dis !

RÍO

Étirant les pavillons de ses oreilles

Nous ne tenions pas ce genre de conversation…

BLANCO

Nous ne revenions pas du théâtre…

RÍO

Nous n’y allions pas non plus…

BLANCO

Nous attendons le premier employé.

Signe que le rideau ne va pas tarder

À s’ouvrir. Le percolateur chuinte

Déjà. La pluie tombe verticale, signe

Que le vent n’est plus ce qu’il était.

Forêt de signes et non pas de symboles.

Bois joli des hypothèses qui font le matin.

Qui n’a pas été aimé au moins une fois ?

À part lui. N’en frisonnes-tu pas, Río ?

Río se pelotonne contre la muraille.

J’avais oublié de préciser

Qu’il y a une muraille.

Dans leur dos, une muraille.

Et le jour se lève

Avec l’arrivée d’un premier employé.

 

C’est fermé ! Toujours fermé !

Avant l’heure ce n’est pas l’heure !

La voilà, la sagesse populaire !

On se lève tôt par habitude

Mais c’est trop tôt pour le monde !

Parlez-moi de la solitude de l’Homme !

Il n’a pas dormi de la nuit et il se lève.

Il sort pour ne pas demeurer dans sa chambre

Et les rues sont désertes, sans vitrine ni femmes.

Pas de trace d’une veille passée à fêter

Telle ou telle tradition héritée de l’Age de Pierre.

Il pleut sur son parapluie et sur ses épaules.

Il n’évite pas les flaques ni la rigole.

Les rideaux grincent sous le vent ou :

C’est autre chose qui grince / il en a vu

De pire : nuits comme des murs entre les jours

/ Il devrait dire : journée, car l’heure est précise,

Comptée, décomptée, revue et corrigée

Comme le manuscrit provisoire de son contrat

Avec les maîtres des lieux / sa langue claque

Sous les branchages ployés / il n’entend

Que ses semelles et sa voix intérieure, celle :

Qui ne le quitte pas : depuis qu’il n’est plus

Un enfant comme les autres : nom volé

Aux parois, aux portes, aux trous de serrure

/ « j’ai toujours été seul, même en compagnie

De la joie partagée et des résultats d’entreprise »

 

RÍO

Il ne nous voit pas…

BLANCO

Tu veux dire qu’il ne nous entend pas.

RÍO

Que nous arrive-t-il

Si nous ne croyons plus

À ce personnage donné

Comme il vient sur le tapis ?

BLANCO

Chut !

 

Fermé ! Et moi qui attends

Que ça ouvre ! Fermé comme

Pour toujours ! Et pourtant

Ça va recommencer, toujours !

 

Me voir sans la complicité

Des vitrines ni des yeux qui

Passent comme des oiseaux

Qui reviendront tôt ou tard.

 

De quelle saison suis-je le fils ?

Personne ne me l’a dit ! Peur

De faire de moi un être à part…

Peut-être m’ont-ils aimé vraiment.

 

J’aime ce « vraiment » que je mets

Partout où ça ne chante plus.

J’en conçois de vagues angoisses,

Mais je ne suis pas un spécialiste.

 

J’ai dormi sans dormir, rêvé

Sans rêver, sans doute joui

Sans en demander plus, ravi

De me mentir une fois de plus.

 

« Qu’est-ce que vous faites

Dans la vie ? » / si je vous le disais

Vous ne me croiriez pas / je mens

Pour ne pas mentir / c’est vraiment !

 

Ils ferment tout pour avoir le temps

De dormir et je me lève avec la nuit

Sans avoir une idée de ce que le temps

Signifie si je n’en dis rien, « vraiment »

 

C’est « fermé » quand j’arrive et s’il

Ne pleut pas, avec ou sans le vent,

Mer lointaine ou seulement rêvée,

Je ne convoque pas mes personnages.

 

Voilà comment j’explique ma « solitude »

/ mon attente d’un petit verre jetant

Les dés avec les bris de la coquille /

« Quel beau temps il va faire sans vous ! »

 

Ces chaises enchaînées, cette toile qui

Dégouline en silence, ou à peine le bruit

Des écoulements de surface / qui es-tu

Toi qui me suis comme si j’étais « quelqu’un » ?

 

Non ! Non ! Nous ne sommes pas là !

Soumis à l’Histoire propriétaire des lieux

Et des états ! Nous voyageons avec

L’écriture, soumis à sa nécessité !

 

Seulement voilà j’ai soif ! Par habitude

Du matin. Ma main tient déjà le verre !

Mes doigts brisent la coquille

Au contenu bouilli encore chaud.

 

« Je passerai vous voir dans l’après

Midi » / des « choses à faire ensemble »

/ « je suis payé pour ça » / ô flux

Incessants des échanges de procédés !

 

RÍO

Il se tait…

BLANCO

C’est nous qui nous taisons.

N’oublions pas que nous sommes au théâtre,

Soumis aux mêmes lois que le citoyen ordinaire.

La même existence coule dans nos veines.

RÍO

Nous n’en avons pas !

BLANCO

D’existence oui !

RÍO

De veine !

BLANCO

Doigt sur ses lèvres

Chut ! Voilà un moment

Qu’il s’est remis à parler.

Ne parlons plus s’il parle.

Jouons sans parler !

 

(jeu)

Pas un bruit à l’intérieur…

Chaque matin je colle

Mon oreille à ce rideau.

Mais aucun signe de vie !

 

Qualité de l’endormissement

Et non pas quantité de sommeil.

L’instrument de mesure

Est un rideau tombé et cadenassé !

 

Plus tard nous mesurerons

La portée de nos conversations :

« Comprenez que dès que ça devient

poétique, le temps n’est plus le temps »

 

Pour comprendre, je comprends !

J’ai le sens de l’équation inné.

Je travaille et je vis / on peut même

Dire qu’il m’arrive de profiter

 

Du bon temps ! Qui ne s’incline pas

Devant tant de savoir ? Manquez

Un rendez-vous et on vous en veut

Au point de vous réduire au procès.

 

(chantant)

Río et Blanco sont dans un bateau.

Río dit que ce n’est pas Blanco

Et Blanco dit que ce n’est pas Río.

Devinez qui je suis !

 

Il cogne le rideau à poing fermé.

Mais aucun bruit ne résulte

De ce moment d’impatience,

Ce qui est

« Illogique ! » dit Río.

« Insensé ! » dit Blanco.

Beaucoup de bruit pour ça ?

Je n’ai réveillé personne.

 

L’un me conseille de retourner

Chez moi, l’autre me dit que

L’heure approche, et je pense

Qu’entre moi et le travail :

 

RÍO

Il n’y a rien !

Pas même le néant.

Rien du tout !

Je passe d’ici

Au travail

Sans « passer » !

Qui dit mieux ?

BLANCO

Résigné

Personne ne dit le contraire.

Mais peut-être que le sommeil

Explique ça mieux qu’un discours

Ou un élan poétique… Qu’en dis-tu ?

RÍO

Qui parle ?

Bruit de bouteilles dans les cageots.

(corrigeant)

Qui va bientôt parler ?

Les mêmes mots pour dire la même chose.

Depuis l’Age de Pierre. Voyant l’écriture

Avant même de la prononcer comme

Il convient : « Musique ! Maestro ! »

Son de la télé, nettement reconnaissable

À la voix ou au jingle.

 

Ça va ouvrir ! Je dirai bonjour

Dans l’interstice croissant (mais

Dans quel sens ?) du rideau

Et des paupières encore

Ensommeillées, bonjour !

Vous savez bien pourquoi

Je viens. Vous savez ce que

Je « fais » dans la vie. Vous

Connaissez mes habitudes.

Bonjour ! Ça recommence

Et je ne m’en plains pas.

J’en souffre, par habitude.

Je sais où je vais et même

D’où je viens, ce que je suis

Et ce que je possède et aussi

Ce qu’on pense de moi quand

On y pense… « ça fonctionne-ti

aujourd’hui ? » « des nouvelles ? »

Mais qui en demande si ce n’est

Pas le journal ? « je suis pressé

ce matin ! Ne me demandez pas

pourquoi ! » / Je suis le premier.

Mais pas le dernier. J’aime

Cette odeur ! Quelle promesse !

 

RÍO

Qui ne recommence pas ?

Qui ne veut pas savoir ?

Frappe au rideau ! Appelle !

Le matin promet qu’à midi

Il sera presque minuit.

Quel rythme ! Quelle foison !

Il ne manque plus que l’enfance !

BLANCO

Poings serrés

Mais nous l’avons perdue…

Ah ! s’il y avait un dieu…

Quelle prophétie à faire !

Je saurais m’y prendre, moi !

RÍO

Et moi donc !

Avec le petit verre du matin.

Et le sourire de la première femme !

La première page du journal

Et la première éclaircie !

Aimons la vie, Río !

Comme nous n’aimons pas la mort.

Toi et moi plus vivants que jamais !

Ils entrent et saluent le monde déjà entré.

[promenant ses personnages

Au bord du canal où la noyée

Abandonna sa chevelure,

Laisse tomber ses gouttes

Avec le ciel, comme chiens

De compagnie ces noms

Qui appartiennent à tout le monde.

 

Trouve assez d’herbe pour se coucher.

Quelle nuit d’été encore ?

Et de quel songe qui fut ?

Pas même une barque

Alors que d’autres possèdent

De quoi franchir le Sud.

 

Entre l’écluse et le vieux pont,

Ces hôpitaux que déserte la foi.

On n’entend pas le bruit des eaux

Ni la voix des locataires.

 

« Tu aurais pu venir avec ton chien,

mais tu n’as pas de chien

ni le temps d’en écrire le temps »

Sous l’arbre à moitié mort,

Les feuilles de l’année dernière,

Écrites sans le chien d’usage.

 

Bonjour à la petite fille

Qui fut l’amante en poésie.

Salut aux oiseaux des toits

Comme si le ciel était bleu.

Ça traîne la savate en halant.

Et ça vient de la périphérie en saut.

Bonjour aux pieds dans l’eau

Et au fusil de pierre moussue.

 

Que chercher d’autre sinon le bonheur ?

Lazarille trouve de quoi alimenter

Son imagination : rigoles toujours

Et des foisons de suppositions.

Bonjour à la carpe à fleur de l’eau.

 

« Nous ne sommes pas venus pour rien »

Il faut bien s’en remettre au rythme.

Aux annonces répond par le feu.

Tignasse des algues maintenant,

Voilà ce que tu es devenue, noyée !

 

Quel voisinage que cette bourgeoisie

Flottante ! — Qu’est-ce que vous

Regardez ? / À part les filles du passé

Et celles qui fuient l’Histoire… rien.

Je pensais revenir sur mes pas.

 

Songe un instant à traverser, nu.

Puis agite une casquette NY.

Sent la froidure des jeunes hivers.

Le tissu a vieilli avec la peau.

« Je suis chair avant d’y penser »

 

Au théâtre on ne joue plus.

On s’y donne en spectacle.

« Qu’est-ce que j’ai raté ? »

Tentative de dialogue avec

Quelque inconnu en rade.

On ne boit pas le pot sans

Créancier « pourquoi vivre ? »

 

On voit ça dans tous les poèmes.

Ça trinque avant de boire cul sec.

Enfumant les lieux de végétation

Comme si le ciel n’existait pas

Ou qu’il fût simplement oublié.

Roule ta bosse d’atmosphère

Et de profondeurs telluriques !

 

Gerbes à huit heures des travaux

De rénovations ! Cris des scies

Dans l’acier ! Les « ploc » dans

L’eau verte. Ça flotte un instant

Ou ça coule à pic. Du linge au vent

Sur le roof. Bras nus au travail

Du rêve en cours d’extraction.

Pas un enfant sur le pont, pas

Un chien, feu d’étincelles comme

Jaillissant d’un enfer à venir.

 

« Qu’est devenu ton chien errant ? »

Plus loin les feux conditionnent,

Les trottoirs laissent couler leurs flots.

Les rideaux grincent au vilebrequin.

« Devenu… ? Tu veux dire que j’étais… »

 

Surface non réfléchissante des eaux

En cause. Point de miroir pour se voir.

Impossible calcul des profondeurs

À atteindre en cas d’obsession.

Plus loin on sollicite l’écluse

Et tout est à refaire. Connais-toi.

 

« Iras-tu au théâtre ce soir ?

Río et Blanco ne jouent plus.

Mais le spectacle vaut la peine

d’être payé ! Je t’attends au

guichet. Ma robe de soirée etc. »

 

Quel matin n’est pas celui de la nuit

Plutôt que le cheval de volée du train

Train quotidien ? Questionne encore

Des passants. Nulle réponse en vrac.

« On te prendra pour un fou » / nuit

Comme la roche de Thomas, obscure.

 

Balade ses nœuds en marin avisé.

La savate au vent, cheveux noirs

Des suies de l’hiver à force de toits.

« Il n’y a pas de ciel sans un dieu

gagné sur la magie des lieux »

Cut-up des trajets / romances

Des bassins en enfilade / rails

Vers les pays / aux alpes vaincues

Les vents de l’âge en fusion /

« Ne reviens pas si c’est pour

redire » / sans chien devant soi.

 

Au concret des doutes n’oppose rien.

« Río et Blanco me sont venus à l’esprit

alors que je taquinais le goujon

en solitaire » / mais quand il s’approche

Du théâtre (le lieu) : il vomit son vin

Et passe pour un « homme de trop »

 

Quel rossignol ne le sait pas ?

Quelle invention pour plaire

Ignore les tenants et les aboutissants

Du principe matinal ? Il s’extrait

Non pas de la nuit ni du rêve mais

DE L’ATTENTE ::: xoco ona au sel

Des embruns : boit dans les creux

D’un coquillage tenu par des mains

Expertes / mâche la feuille inerte.

 

Ainsi coule la scène. Sans pont

Ni feux. Témoin : le voisin ami

Des amis. Il trottine pour gagner

Du terrain, éviter les écueils

Du roman, mériter une invitation

À désirer le même objet, marcher

Sans boussole et trouver le coin

Aussi agréable que possible. Au

 

Diable les tenants de l’architecture !

« Comme je comprends ! » / ardoise

Grasse de doigts / au canal revoit

Le Sud des égarements narratifs

Et d’un trait rature l’espace ici :

Guéridons aux chaises en rond

Et vides : la viande salée taquinant

Les extases du vin : « je sais qui

j’étais avant de vous connaître ô

imparfaitement je le reconnais ! »

 

« Je vous raconte ça comme ça ! »

Préfère le verre transparent au vitrail.

La lumière vient de ses propres yeux.

Projette les miroirs absentés, excusés

Les miroirs ponctuant les surfaces !

Trinque avant d’en dire plus au môme

Qui se prend pour un homme ou

Une femme : comment savoir qui

On aimera avant de le ou la perdre ?

 

Puis le jour s’installe avec les pays,

Les étrangers, les inconnus et midi

N’est pas plus midi que l’heure fixée

Au fronton des palais où œuvrent

Le larbin bienheureux et la limace

Qui s’en veut : « vous oubliez votre

chien : » Les chaises ont quatre pattes,

Mais elles ne voyagent pas. « Avant

j’étais sensible aux changements :

maintenant, je vis au jour le jour :

j’en ai marre de la solitude !

Ça ne se soigne pas autrement que :

par l’acceptation d’un pieux mensonge :

finissez votre verre et allons-nous-en ! »

coupez.

 

La campagne un matin d’automne, les alouettes

Et les mottes de terre figées par le degré zéro

Du réveil, la langue aux chaleurs du verre avalé

Sur le seuil, regard pas plus loin que la brume :

Sachant que la moindre blessure change la donne.

Les objets accumulés par pur esprit pratique, derrière

Soi, ces accumulations méthodiques sans enfant

À la clé, n’ouvrant la bouche sur les autres que

Pour parler de soi : à deux doigts de la furie, toujours

Amer malgré d’incontestables réussites poétiques /

Enfin seul le fusil à l’épaule au service de l’existence

Encore gagnée depuis hier : dans le viseur les larbins

Du Pouvoir et de l’Ordre qu’il légitime sans pitié

Pour les mauvais payeurs et les malchanceux : guerre

Personnelle aux portes de la mosquée ou de l’asile /

Sabrant le champagne aux nouvelles / loin, en rêve,

De la domesticité et de la production, en silence

Pour ne pas éveiller les soupçons, voire la haine /

Ce matin d’un automne grisollant, branches dénudées

En contrejour, chien patient sur le même seuil, poches

Bourrées de munitions, la langue encore tannée par :

Les habitudes du réveil : « qui se méfie de toi ? »

Les putains au service de la politique et du journalisme

Se maquillent derrière les miroirs : « je suis venu te dire »

L’œil ensommeillé des témoins dans les fenêtres closes.

Nulle angoisse en saison, pas même une douleur en phase

Avec l’alchimie en jeu, à l’intérieur le feu est à la joie :

« le courage des flics » / « l’abnégation des rond-de-cuir »

« saisissez l’idole quand elle est encore chaude » « pâleur

de la boulangère » « les gosses sont tout ce qui nous reste »

Entre la masse sociale et le désir de différence maintenant

Clairement associé à la mort : « veut faire des joliesses

surréalistes sans surréalisme » / ou pas encore levé

Le soleil signe d’unité : la boue cristalline et les traces

Du gibier : « je vous emmerde tous ! » mais sans rire

Devant l’écran ensanglanté de flic / joyeux sans excès

/ patient comme l’hiver qui attend son heure de feuillage

/ des joliesses, des trouvailles, des paillettes de grammaire

Et de jambes en l’air / juste de quoi nourrir ce vieux corps

À la dérive : debout sur le seuil venteux : les volets secoués

Grinçant claquant : « tu ne tueras point » / ici (pense-t-il)

Je suis moi-même : j’habite les lieux de mon invention : je

Suis prêt à défendre ma solitude : quitte à tuer un enfant :

Avec ou sans Matzneff / chaque minute assiste à sa perte

:::

Nous n’irons pas plus loin

Que cet arbre rencontré

Au hasard de la promenade.

Nous avons connu les limites.

 

Maintenant le souffle est cadencé,

Sans préciosité de circonstance.

« n’oublie pas de prendre de quoi

Éclairer cette obscurité matinale »

 

S’approcher des paludes du temps

Et retrouver ce qu’il était avant

Que tout nous soit supprimé :

Voici l’heure des superficialités.

 

« as-tu cherché à entrer dans

l’Histoire ? » ou simplement

T’es-tu évertué à ne pas mourir

Sans savoir son fin mot ?

 

Le chemin est celui du retour.

Chaque matin revient l’après-midi.

À l’intérieur le feu est aussi vivace

Qu’hier, la nuit a veillé tard cette nuit.

 

Heureusement tu n’as pas enfanté

La poésie pour les enfants, ni les contes

Illustrés, ni l’éducation nationale !

Quel bonheur presque d’y penser !

 

Il te vient à l’esprit que tu sais chanter

Sans soumission à Pythagore, le fusil

À l’épaule, oyant les froissements de poils

Et de plumes dans la complexité

 

Topographique, plan en tête, chassant

La pluie de la veille comme une mauvaise

Idée du Monde, les dieux au rendez-vous

De la transparence et du récit en cours.

 

« nous ne sommes plus ce que nous avons été »

Martèle l’écran têtu : mages de l’information

Au service de l’ordre : « sans ordre pas de pouvoir

et sans pouvoir pas de séparation »

Ordre magique

Donné par des fous

Que le Désir emporte

Avec l’idée d’océan.

 

« quelque chose au fond de nous »

(désignant la poitrine

Ou le ventre à défaut

Du regard) « là, ici »

 

« depuis quand la poésie… ? »

Suivant le chien qui sait

Où il va / le même canal

Mais à l’ombre des platanes.

 

Disposant ses personnages

Sans se soucier de leur langue,

Effraie les ailes d’un oiseau

Qui n’a pas connu la cage.

 

« depuis quand je ne sais pas »

Personne sur le rivage clos.

Pas un clapotement de coque.

Ni de chevelure parmi les joncs.

 

« ce ne sont pas mes lieux,

les vôtres » dit-il sans y penser.

Immobilité des ombres projetées

Dans l’assistance prémonitoire.

 

« il fut un temps sans poésie »

Qui n’a pas connu le bonheur

À midi ? quand la table est mise

Et que les autres enfants existent ?

 

Bruissement de feuilles et d’insectes

Dans les parages de cette enfance

Qui métaphorisait les papillons

Jetés à poignées dans la journée

 

Au travail : chien distrait par la fleur ?

Autant que possible les anecdotes

Réduites à leur sens : « arrêtez-vous ! »

Et le jouet s’enfuit sur la rivière.

 

Bête destination des couleurs en jeu.

« je ne savais pas que la poésie… »

« épouse l’air faute d’azur » Nous

Ne revenons pas sans y penser un peu.]

RÍO

Gesticulant au milieu de la scène,

hystérique et oiseau.

Mais qui c’est çui-là ?

Mais qui c’est çui-là ?

Mais qui c’est çui-là ?

Mais qui c’est çui-là ?

BLANCO

Interrompant

Tu vas te rendre fou !

RÍO

Tu l’as déjà dit !

BLANCO

Rajustant la chemise de Río

C’est le « Monde… »

RÍO

Dubitatif

Qu’est-ce que tu en sais… ?

BLANCO

Presque en colère

Pourquoi l’avoir laissé entrer ?

RÍO

Nera arrive à 14h par le Sud-Express

Elle a voyagé de nuit. En couchette.

M’a réveillé sur le coup de 3h.

BLANCO

La sonnerie de ton smart est insupportable !

Surtout à cette heure ! Moi aussi je voyageais !

Je n’ai pas vécu le matin qu’il a mis en poésie…

RÍO

Ah parce que pour toi c’est de la poésie… ?

Le « Monde » pénètre par effraction dans

« notre monde » et tu t’agenouilles comme

Au théâtre… ! (rieur) As-tu appris quelque chose

« au moins » ?

BLANCO

Rien sur Nera…

Il s’avance.

La foule recule.

On voit bien qu’il a perdu de vue

Celui qu’il appelle « le forastero. »

J’ai peur de ce que la peur

Peut inspirer à mon enfance.

RÍO

Angoissé, se touchant le cœur

Elle est toujours là…

Après tant de festin et de désir,

Toutes ces années passées à le dire,

C’est « là » que je la retrouve, mais

En pièces…

BLANCO

En pièce… ?

RÍO

Amer, mais ne s’adressant pas à Blanco

Je fais entrer qui je veux.

Je suis peut-être seul avec

Heu… disons… ces « passants »

BLANCO

Révolté par cette réflexion « absurde »

Parce que je n’existe pas peut-être… ?

RÍO

Renonçant

Si, si. Tu existes. Tout le monde existe.

Je ne suis pas comme ça… (réfléchissant)

Il paraît qu’on le devient au dernier instant.

BLANCO

Quoi ? Seul ?

RÍO

(pas envie d’ergoter)

Ce n’est pas ça la solitude !

BLANCO

Pédant

Comment appelles-tu ça… ?

RÍO

Pas de mes vœux en tout cas !

Il rit en cherchant son arbre des yeux.

Rien sans cette société inévitable

Et sans cette idée de la mort que nous avons

Il désigne un point sur sa poitrine.

« là » / à deux doigts de l’enfance, incalculable.

(se reprenant)

Nous aurions tort de ne pas les écouter…

BLANCO

Tu veux dire : de ne pas les laisser parler.

Hum…

Pas moyen de les inviter à trinquer au bastingage !

Je ne suis pas radin, mais ma bouteille est sommaire.

RÍO

Je ne trouve pas « ça » très poétique…

BLANCO

Ça ne l’est pas ! C’est lui le poète ! Il le sait.

Le cherchant

Mais ne le trouvant pas.

C’est comme jouer aux dés !

Lances-en un en l’air, il retombera

À l’endroit même prévu…

RÍO

Par qui ?

BLANCO

Haussant les épaules

Qu’est-ce que j’en sais. Moi ?

Je n’étais pas né quand c’est arrivé.

Mais on m’en a parlé, j’avais 15 ans

Quand on a cessé de me nourrir

Au sein / j’en ai conçu…

RÍO

Joyeux

Oh ! Je sais ! Moi-même

(mais dans une autre enfance…)

BLANCO

En es-tu si sûr… ?

RÍO

Pas vexé

Maintenant que tu le dis…

Va coucher son trouble contre le mur.

Il accepte une grappe de raisin

Et en croque les grains un à un

Pendant que Blanco en cherche d’autres

Sous les pieds.

(mâchonnant)

Tu ne trouveras rien.

BLANCO

Irrité

Tu ne sais même pas ce que je cherche !

RÍO

Une fille…

BLANCO

Nous attendrons le Sud-Express de 14 h précise.

RÍO

Il n’y a jamais eu de Sud-Express à cette heure-là.

Crache peaux et pépins.

BLANCO

Tu en doutes ? Maintenant que tout est joué

Tu te mets à douter de ce que je t’ai annoncé ?

RÍO

Nous n’étions que deux à ce moment-là…

L’argument fait mouche.

Blanco trésaille puis faiblit

Et cherche l’appui d’une épaule.

Tout le « Monde » recule dans le noir.

Je ne dis pas ça pour te faire mal…

BLANCO

Je n’ai pas mal ! Je sais me tenir

Quand il le faut ! Tu le sais bien :

« Tout existe même ce qui n’est pas

Encore arrivé…

RÍO

…à l’heure ! »

En attendant, j’ai peur d’avoir peur.

Je ne redeviens pas enfant, pas encore.

(inquiet, voix faible)

Et si je n’avais jamais aimé personne… ?

BLANCO

On en est tous là, allez ! Pose la question

À l’enfant...

RÍO

Mais c’est à lui que je la pose !

BLANCO

La page n’était même pas transparente…

Tu sais… comme la feuille morte depuis

L’année dernière… cette fragilité

De la structure nue… la poussière sans

Les cendres… au fil des balladas revues

Et corrigées une fois de plus… l’enfant

Ne pense qu’à jeter sa ligne dans le ru.

Est-ce pour « passer le temps » ou :

Pour revenir avec de quoi alimenter

Sa légende ? Maintenant les branches

Raturent le ciel devenu gris ou blanc.

« Que va-t-on faire de toutes ces feuilles,

Papa… ? » Il n’y a que des têtards

Dans cette eau morne… Demain,

Troque la canne pour un bocal /

Invente-toi une raison et reviens

Dans ton lit pour y rêver d’amour.

RÍO

Avalant le dernier grain

À force d’attendre…

Si rien ne vient…

(cherche)

C’est l’idée d’un refrain…

Mais un refrain sans rimes…

N’est-ce pas… ? Sans le jeu

Qui rythme mieux que le verbe

… T’ai-je interrompu, mon bon

Blanco… ?

BLANCO

J’ai vu pire…

[…]

Ah non ! Il recommence !

Le train arrive.

Personne !

RÍO

Fallait s’attendre à…

BLANCO

Nous ne le dirons jamais assez.

RÍO

Personne !

BLANCO

Toi aussi !

RÍO

Qui attendons-nous ?

BLANCO

Il va repartir… Dieu sait où.

RÍO

Hausse les épaules

Jetons un œil… Personne…

BLANCO

Qu’est-ce que je disais… ?

(sur la pointe des pieds)

Les ennemis de la pensée… ministres, députés,

Juges et avocats, curés, imams, rabbins, bah !

RÍO

Tu oublies le populo.

BLANCO

Je n’oublie rien, hélas !

Toute ma jeunesse partie

En fumée / temps perdu

À jamais / nous ne revenons

Plus / mais nous attendons

/ personne ne descend /

Le quai et nous / toi et moi

/ et je ne sais quoi de triste

/ comme si la mauvaise herbe

Avait envahi le vieux jardin

Où nous avons connu la joie

De posséder le lendemain /

Imagine l’attente maintenant

/ les bruits du voyage / les feux

De route / l’agitation rouge /

« sais-tu ce que nous possédons ? »

Entre ce que nous sommes

Et ce que les autres pensent

De nous ::: cette possession

Sans visage / nommons-là !

Mais où trouver la première

Rencontre ? / ces jambes nues

Dans les herbes folles / n’oubliez

Pas la masse qu’il faut fendre

Pour oublier la forêt natale /

Réalité réduite à l’actualité

/ d’écran en écran au lieu

De port en port / rien à voir

Ni à cirer / un peu de lyrisme

Au coin des lèvres ::: une île

Qui ne revient pas / cette eau

Qui sert de frontière / à l’heure

Le train de midi / mais personne

Ne descend / ni l’inconnu ni toi

/ « nous aurons des conversations »

Mais à propos de quoi ? / le quai

Ne se visite pas comme un château

Appartenant aux meilleurs moments

De l’Histoire / « t’as lu le livre ? /

Je ne sais même plus qui tu es !

RÍO

Ah bravo !

On entend des bruits de moteur,

Des glissements, des heurts, des cris,

Des enfants qui ne veulent pas ou plus,

Des chants passés de mode, des canons.

(consultant sa montre)

Au moins il est à l’heure.

Toujours ça de gagné…

BLANCO

Furieux, menaçant

Mais gagné sur quoi, nom de Dieu !

RÍO

Encore lui !

BLANCO

Cherchant autour de lui

Qui ça « lui » ?

Tu vois quelqu’un, toi ?

Il n’y a personne parce que

Personne n’est descendu !

Qui descend si ce n’est pas

Son point de chute ? Personne !

Mais tu le sais déjà ! Personne

C’est personne ! Personne d’autre !

Ni toi, ni moi !

(tragique)

Nous sommes seuls…

RÍO

Amusé

Le train est bondé !

Plus de place libre !

On ne monte pas !

On ne descend pas !

On repart et « rien n’a

Eu lieu que le lieu ! »

(blasé)

Comme si on ne le savait pas…

BLANCO

Ils arrivent… Je les sens…

RÍO

Humant

Tu les entends.

Il n’y a rien à sentir ici.

BLANCO

Anosmie.

RÍO

Agueusie.

BLANCO

Et tout ce qui s’ensuit !

On connaît la chanson.

Donne deux coups de sifflet !

Comme : « Ti-rez ! » / trois

Et tout recommence « re-cu-lez »

RÍO

Ils arrivent, les uns et les autres !

Il fallait que ça arrive / ils prennent

La place et on ne sait plus qui on est,

Ni ce qu’on possède ni même ô malheur

Ce qu’ils pensent de nous / et quand

Je dis malheur je ne dis pas autre chose !

BLANCO

Siffle donc ! Agite le blanc !

Qu’on en finisse avec ce numéro !

RÍO

Mais je ne suis pas chef de gare !

BLANCO

Alors partons ! Quittons ces lieux

Avant de se faire écraser par leurs

Décors / lève les yeux dans les tringles,

Río ! Et vois ce que je vois mieux que toi !

RÍO

Comme si nous étions si différents l’un

De l’autre !

(dépité)

Tu veux toujours

En savoir plus que moi.

BLANCO

J’en sais plus que toi.

RÍO

Je ne le savais pas.

BLANCO

Donne l’ordre de tirer !

Puitt ! Puitt ! et c’est fini !

On n’en parle plus jusqu’à

La prochaine / nous reviendrons

Avec le soleil / train de midi

Toujours à l’heure / plus de champs

Pour surveiller la méridienne /

Plus de poésie à engranger /

Ses jambes nues dans le blé en herbe

/ Puitt ! Puitt ! « tu as lu le livre

que je t’ai donné pour que tu le lises ? »

Il faut en finir avec la chanson /

Et achever ce qu’on a commencé

À penser

RÍO

pensif

Je vois…

BLANCO

Tu ne vois rien.

RÍO

Je vois ce que je vois !

BLANCO

Tu n’as jamais rien vu.

RÍO

Déterminé

Un jour je prendrai le train

Au lieu de l’attendre, inutilement,

inutilement.

BLANCO

Triomphant

Qu’est-ce que je te disais ?

RÍO

Tu ne disais rien !

Tu attendais comme moi.

Ne me prends pas pour

Ce que je ne suis pas /

Ne t’imagine pas que je possède

Ce qui t’appartient et fiche-moi la paix

Au lieu au lieu de faire de moi une idée

Que je n’ai pas !

BLANCO

Ses jambes nues dans le sainfoin…

RÍO

C’était du blé et il était en herbe…

Ce qui nous fait remonter à….

(réfléchit)

Je ne me souviens pas…

Tu as oublié la mémoire

Dans ton eudémonologie.

BLANCO

Je n’ai rien oublié…

Elle avait promis de venir

Pour ne pas rater le Carnaval.

Le train est à l’heure, pas elle !

RÍO

Tu aurais pu en choisir une de fidèle !

Mais tu n’as pas le sens de la mémoire.

Tu oublies jusqu’à ce que tu es, tu meurs

Un peu plus chaque jour / voici le quai

De ta disparition définitive / ni fuite

Ni voyage / le temps d’un éclair

À la mesure du temps.

BLANCO

Nostalgique

Nous avons connu de bons moments…

RÍO

Toi et moi… ?

BLANCO

Non ! Elle et moi… là-bas…

RÍO

Mais tu n’y es jamais allé !

BLANCO

Irrité et pédagogue

Parce que le train vient d’où elle est !

Et il repart où elle ne sera jamais !

RÍO

À moins qu’elle n’en descende pas…

(ironique)

Elle ne voyage jamais seule…

BLANCO

Elle était seule dans le pré.

RÍO

C’était un champ de blé… en herbe.

Les bruits se rapprochent.

Il y a un ténor parmi eux.

Nous allons avoir droit à une aria…

BLANCO

Elle est mezzo soprano.

RÍO

Tendant l’oreille

Elle avait dit « avec le train »…

BLANCO

Elle a changé d’avis, voilà tout.

Maintenant, je veux dire aujourd’hui,

Elle vient avec eux…

RÍO

Mais tu ne sais même pas qui ils sont !

BLANCO

Elle le sait, elle.

Je vois déjà ses jambes

Dans les herbes du quai…

RÍO

… où il ne pousse rien !

BLANCO

C’est ici qu’ils joueront.

Je n’y avais pas pensé.

L’idée est bonne, je crois.

Le train servira de fond,

Immobile et frémissant.

Le quai sera parallèle

Aux feux de la rampe.

Tu serviras de souffleur.

Moi, je descends dans la fosse.

On m’attend : mille instruments !

(cherchant)

Ma baguette ! Où est ma baguette ?

RÍO

Celle en ébène à pommeau d’ivoire

Ou la baguette de coudrier de ton père ?

(il rit aux éclats)

BLANCO

Moque-toi ! Moque-toi tant que tu veux !

Moi je descends dans la fosse, il est temps !

Avec ou sans baguette !

RÍO

Hilare

Et sans queue de pie !

BLANCO

Dis-lui que je l’aime !

RÍO

Mais je l’aime moi aussi !

BLANCO

Fais donc frémir le train si ça te chante !

Il disparaît dans la fosse en disant « plouf ! »

Río se frotte les côtes parce qu’il a froid.

On entend aussi le vent, les arbres, les ailes

Des oiseaux, des moulins, les pies voleuses.

RÍO

Quel onaniste celui-là !

Moi je dis que c’était le blé

Et sa première apparition

À ras de terre / les jambes

Oui il y avait ses jambes

Mais surtout sa voix car

Elle parlait pour ne rien dire.

(il rit en frissonnant de plus belle)

Il fait froid ! On ne fait pas de feu

Sur les quais de gare / jamais vu ça

Même au cinéma / le vendeur du buffet

Ne pousse pas sa cariole tintinnabulante

Et aucune odeur de café ne titille mon nez

/ j’ai souvent été seul sur le quai, à attendre

Qu’il se passe quelque chose d’inattendu /

Mais là, j’attends, j’attends qu’ils arrivent,

Je sais qu’ils arrivent et je sais aussi comment

Ça se passe une fois qu’ils sont là, misère !

(crispé)

Moi aussi je l’aime ! Toujours aimée autant

Qu’il m’en souvienne / d’ailleurs je ne me souviens

Que de ça / j’ai oublié les bombes atomiques

Et la faim dans le monde / oublié la morale

De Kropotkine et les spéculations de Hawking

/ même la plage s’est absentée / les méduses

Mortes dans les galets / les épaves, les plumes,

Les nœuds de marine, la vase de la baie, la mort

Du voisin, les conséquences de l’immigration

Sur mon comportement, l’Histoire racontée

Aux enfants et à leurs jouets / j’y étais !

Et j’y suis encore ! La fosse n’est pas pour moi !

Ni rythme ni eau de source / peut-être encore

Le rossignol / l’ombre d’une fontaine peut-être

/ les traces, oui, et les petits matins brumeux

Avant la nuit ::: je sais ce qui se passe une fois

Qu’ils sont là ::: shakespeariens avec ou sans

Royaume / prenant toute la place, et le temps,

Et l’écriture de la voix et les noms qu’elle porte

::: je sais avant toute chose à venir et à faire /

Il y a des instruments parmi eux.

Et des objets roulant sur cerclage d’acier.

Des enfants qui veulent « tout savoir et rien payer ».

« nous sommes ce que la terre

voudra que nous soyons un jour »

Qui n’a pas peur de l’enfance ?

À moins de la désirer par plaisir.

Mais on ne les voit pas encore.

Río porte sa main en visière,

Essoufflé comme s’il venait de courir

Après eux, maintenant immobile au bord du quai,

Contre la paroi grise du train aux fenêtres closes.

Pas un visage là derrière, pas une promesse,

Regrette-t-il en aspirant l’air glacé de l’hiver.

On dirait qu’il va geler sur place.

Il essaie de lire la conversation avec une momie,

Mais ses doigts sont paralysés, blancs et douloureux,

Et son souffle ne vient pas de l’intérieur,

Il le sait comme il l’a toujours su.

Par terre, en bordure du quai,

On voit les traces de la cariole

Du marchand ambulant

Qui n’est pas venu

Parce qu’il savait

Que personne ne descendrait du train.

Il aurait dit (s’il avait été là) :

« Ce n’est pas le jour.

Je veux dire : c’est le jour. »

Río n’a pas de cigarette ce jour-là.

Il n’a rien à manger et il s’ennuie.

Il dit : « Il faut à tout prix

Inventer un nouveau théâtre.

Les ennemis de la pensée

Sont en train de bouffer l’espace

Et ce qu’il contient.

Vive Kropotkine

Mais n’oublions pas que le populo

Est aussi un ennemi de la pensée. »

UNE VOIX

Quelque part

Fasciste !

RÍO

Ce qu’on attend n’arrive pas

Et ce qui arrive n’attend pas !

Il gratte la surface du train.

Quel est le décor qui résiste à l’ongle de l’enfermé ?

Il attend une réponse, puis :

Mon expérience du théâtre

Me dit que le comédien

Qui joue l’enfermement

Prend soin de son décor.

Il attend une réfutation, puis :

Ce quatrain mérite mieux que le silence.

Mais bientôt on ne s’entendra plus.

Autant en profiter pour se contredire.

Il attend un geste, puis :

Nous ne sommes

Jamais aussi seuls

Que sur la scène…

Il attend la musique, mais :

Nous n’avons rien perdu

De notre sens du spectacle.

Ce qui doit arriver arrive

Comme le cheveu dans la soupe.

Il attend, attend :

Elle me manque.

Je ne l’ai pas inventée.

Je l’ai trouvée.

Tout le monde trouve.

Ou ne trouve pas.

N’est pas inventeur qui veut.

Coups de tampons dans les coulisses côté cour.

Le train se déplace sensiblement vers sa destination.

Pas un cri, pas une réclamation,

Dedans tout le monde se tait,

Sans visages à la fenêtre,

Sans tirer la chasse,

Rien pour dire quelque chose

Qui pourrait constituer

Un début de conversation.

Río allume une cigarette imaginaire

Et rejette une fumée qui n’existe

Que dans sa pensée.

Il n’a rien pour s’élever à la hauteur des fenêtres.

Le quai est dépourvu d’objets.

Jamais je n’ai vu un quai aussi vide,

Aussi désert, aussi conçu pour la solitude !

Et pourtant « je confesse que j’ai vécu »

/ mais qui n’a pas quelque chose à dire

Si le temps le permet ?

Dehors comme dedans.

En surface comme en

Profondeur ? Personne.

Personne à l’horizon.

Personne n’est venu

Dans l’intention de descendre,

Des fois qu’il y aurait

Quelque chose à dire

Ou à redire (on ne sait jamais)

 

(affolé)

Qu’est-ce qui s’en est allé ?

La fosse est muette muette

Est la fosse il s’appelait Blanco

Et il est parti jouer de la musique

Avec les autres de son espèce

Je suis le seul héros de la tragédie

Qui se joue sans se jouer en vrai

Devant un parterre de nationalistes

Que la Municipalité et l’Université

Vomissent dans la rue qui croise

D’autres rues aux vitrines pensées

Pour redonner du baume au cœur.

Qu’est-ce qui s’en est allé ?

Le train frémit encore.

Grincement des aciers.

Souffles pneumatiques.

Des mains collées aux vitres.

Le quai tremble de toutes ses feuilles.

Quel onanisme ! Ça me tue !

(il fouille dans ses poches)

Rien à fumer ! Ni à croquer !

L’enfance n’est pas la seule

À s’en aller / il y a autre chose

::: quelque chose qui me fuit

/ et ce n’est pas non plus

Ce que je sais de toi / c’est

Autre chose ::: que je ne

Connais pas / comme j’ai

Connu ce que je sais de moi

Imagine le personnage : ses tissus, le noir

De ses yeux, la blancheur des mains, le jet

De sang ou de vin à l’oblique de l’ombre :::

Rien à voir avec l’angoisse ! C’est une douleur

Physique / purement physique ! La douleur

Que seul le corps peut reconnaître comme sienne !

Le train avance péniblement vers le jardin.

Il paraît d’ores et déjà interminable.

On s’attend à ce qu’il ne cesse pas

De se mouvoir dans ce sens, la cour

Régurgitant ses wagons de vitres bleues.

Étincelles des caténaires et des sabots.

Elles retombent sur le quai où Río sautille

Pour les éviter ::: bun grad sans musique

::: rien que la torsion d’acier sur les rails,

Tampons frottés l’un contre l’autre, « où

suis-je ? » fait-il comme s’il revenait de loin.

Tiens ! Un mégot. Il est encore vif. Quel bonheur quand je n’avais pas d’allumettes ! On ne sait jamais où on met les pieds. J’ai les bonnes chaussures. Un deux / un deux trois quatre ! Je progresse. Ard ! Quel bruit ce train et cette foule qui arrive ! On ne s’entend plus… heu… penser… versifier… oui… versifions avant d’en penser quelque chose… les choses nous fuient… il ne restera plus rien… on aura beau laisser quelque chose, rien n’aura lieu… d’ailleurs je suis ce visiteur… ô pyramides ! ma cavurne ! l’épaisseur de mon manuscrit ! les choses qui changent de main… celles qui finissent leur existence dans la poubelle… tout le monde y pense, disant : « si j’avais su, j’aurais appris à écrire avant d’écrire » / (jette le mégot) Un autre ! ou la trace d’un sandwich dans les plis d’un papier ! et pourquoi pas : le coin déchiré d’une photographie.

Sifflet.

Vapeurs et fumées.

Confusion totale.

Un soulier de satin traverse la scène

À la manière d’un domestique

(genre jardinier)

Qui revient des nouvelles de la « plaza »

En agitant le journal en papier

Au-dessus de sa tête folle.

Il est aussitôt suivi par des enfants en haillons.

Un joueur d’orgue ne joue pas, immobile et sinistre.

On peut ainsi multiplier les spots

Sans se soucier du sens à donner

À ce brouillard artificiel.

Río a disparu mais l’arbre pousse vite.

Une voix off :

Pourquoi un théâtre se donne-t-il un nom ?

Avant, j’étais un enfant comme les autres.

Je jouais avec les autres enfants, à la balle

Et à saute-mouton, avec la maîtresse ou sans,

Rêvant de retourner à la plage avec l’été

Dans la poche / et maintenant qui suis-je

Si je ne suis pas ce que je devrais être ?

Les questions qu’on se pose ! Passé le temps

D’aimer / de songer à revenir avec les autres

/ à la porte d’un théâtre qui n’en est pas un.

Il (ou elle) considère le fog.

Non, ce n’est pas un théâtre : quelqu’un me l’a dit.

Tu viens ici parce que tu viens et non pas, jardinier,

Parce que tu vas / on dit que ce n’est rien de vieillir.

 

Si au moins je savais

Ce qui se passe ici, mais

Je suis dans l’ignorance,

À fleur de ce silence, là.

On écoute pendant un long moment.

On peut fumer dans les couloirs,

Bavarder avec les femmes,

Dire n’importe quoi

Pourvu que ça veuille dire quelque chose

Dont l’importance n’est pas remise en cause

À la fin quand on finit par sortir d’ici.

Je n’ai pas peur de venir.

D’ailleurs je suis venu seul.

Accompagné, j’eusse conçu

Quelque petite angoisse, là !

 

Si au moins je savais

Ce que venir veut dire !

Mais j’ai disparu avec tout.

Il ne reste plus que ma voix.

 

Écoutez ce que je dis, ici.

Ou ne l’écoutez pas et faites

Comme si je n’existais pas.

Des fois ça marche, je vous le dis !

Il mesure l’épaisseur à vue de nez,

N’ayant pas d’autres moyens sous la main.

Il a son nez et ses narines,

Et les poils qui vont avec.

Il sent la présence de Río.

Il s’écrie :

Ah ! si tu n’existais pas comme j’existe !

Si tu étais accompagné au lieu d’exister !

Mais je te vois même à travers les murs.

Certes, je ne t’ai pas inventé / pourquoi

Inventer quand on peut simplement vivre

Sa vie ? acheter une bibliothèque au marché

Du quartier où on finit d’exister avec les autres ?

J’ai toujours voulu m’acheter le meuble des livres.

Je possède le mur et l’angle qui va avec.

Une fenêtre avec des enfants qui jouent.

Une rue avec des femmes et des bagages

Sur les trottoirs, en attente de voyager

Parce que le temps c’est aussi ça, partir !

On le sent à la fois angoissé et en colère.

Il gratte le sol ou autre chose,

Sa peau peut-être nue.

On ne sait pas ce qu’il faut s’attendre à voir

Et à entendre (on ne sent rien

À part les autres et le goût qu’on a dans la bouche

Nous appartient)

. Mais n’anticipons pas

(il veut dire : on a le temps

Soit : on n’est pas au théâtre,

La vie n’est pas aussi belle que les coulisses

: il ne dit rien d’autre)

Enfants imaginés :

Río et Blanco

Sont dans un bateau.

Blanco tombe à l’eau.

Qui reste-t-il ?

Río !

Río le fleuve

Qui ne découle pas

De la rivière.

 

Savants enfants

Qui reconstruisent

Ce que Dieu

A détruit

En six jours.

Le septième

Il mourut.

 

Mort d’un passant

Qui va d’un point

À un autre sans

Savoir qui est qui.

 

Enfants imaginaires :

(différence entre

Imaginés et imaginaires)

Jouons encore un peu

Avant de mourir d’enfance !

À la balle et à saute-mouton !

À tout ce qui existe pour jouer.

Jouons comme si la vie

N’était que de la vie !

Un jour nous irons

Passer le temps.

Il sera bien assez tôt !

 

RÍO : Disparaissez, chenapans !

 

BLANCO : Où suis-je devenu ?

 

VOIX OFF

Dire qu’un jour nous aurons la patience !

Moi qui en ai tant manqué, tant désiré !

Je ne sais plus où j’en suis avec le temps.

Je traverse en ligne droite et je regarde

Le paysage qui défile à la fenêtre rapide.

Ça sent le panard du Portugais qui émigre

À Champigny / toute une nation traversée

En même temps que l’enfance qui promet

Ce qu’elle ne possède pas, écoutons le temps :

Cahots de jointures aux éclisses élastiques.

Que de voyages en train et dans les airs !

« Sais-tu au moins ce que tu veux ? » /

Río : (minauderie)

Je le savais ou je suis fou

Et si je le suis je n’ai jamais

Été un enfant et toi Blanco ?

Blanco :

Moi ? Heu ? Tu veux

Dire : celui qui est

Tombé dans la fosse

D’orchestre avec

Sa baguette dans

La main Argggh !

Moi : Qui va plus vite que moi ?

Que sépare ce fleuve imaginaire

Qui existe pourtant sur la carte ?

À qui sont ces animaux qui errent

Sur les bancs de sable avec les oiseaux

De l’île ? — nous étions rapides

Et lents à la fois, jeunes et vieux,

Présents et futurs, déjà passés !

« Cela te fait-il du bien ? Si c’est

Le cas, sers-toi des deux mains ! »

Nous avons le temps pour voyager.

Les billets sont hors de prix mais

On a la possibilité de voler

De ses propres ailes.

« Ne minimisez pas la difficulté.

Pour voler on ne tire pas vers le haut ;

On pousse par en bas et comment

Obtient-on cette poussée ? (un temps)

Río ! Tu le savais avant. Et maintenant

Tu ne le sais plus ? Que t’est-il arrivé ?

RÍO : papa… Oh ! je ne sais plus /

(il réfléchit intensément puis)

Le profil de l’aile ou quelque chose

D’approchant / je ne suis plus

Un enfant ! / alors que le fleuve

Ne découlait toujours pas de ses rivières.

 

RÍO

Vous m’avez encore interrompu !

On ne sait plus si le train est à l’heure.

Ce brouillard ! Et ce temps qui impose

Ses attentes comme dans un miroir !

Un coup de vent est nécessaire !

Qu’il vienne des coulisses, nom de Dieu !

On entend les machines

Mais le brouillard ne se lève pas.

Quelqu’un appelle le chef de gare

Qui ne vient pas.

Le sycophante : « Chef ! Chef ! Yen a un qui… »

Des portails de fer coulissent et s’entrechoquent.

Les pas martèlent les flaques.

Les moteurs se lancent.

Un pied est écrasé et tout recommence

Au grand dam de Río qui ne réapparaît pas.

Aïe ! Idiot ! Des escarpins tout neufs !

Mes économies du mois ! Mon enfant

Mal nourri ! Ma cuisine en désordre !

Et l’absence de l’être aimé pour le plaisir !

Vous ne savez pas ce que c’est !

Vous ne désirez pas ce que je désire !

Voix off :

Je ne les laisserai pas parler à ma place !

(grogne puis)

Ils sont en goguette et je suis en poésie.

Avec Carlos ou Ezra, Ernest ou William.

J’aime les fleuves qui ne découlent de rien.

Et qui ne se jettent nulle part, comme moi.

J’aime ce qui me ressemble et s’assemble

Avec moi / entre dunes et parapets / casino

Vite détruit puis lentement reconstruit /

Que d’enfants dans les parages ! Quel

Sujet ! Quelle scénographie ! Revenant

De campagne avec les gris-gris en guise

De souvenirs-preuves / imprégnés

De sang mêlé d’eau salée / laines

Des coqs : « Je sais que vous aimez ça !

Alors continuez et que le plaisir vous joue

Des tours ! Vous verrez comme j’ai raison.

Vous le verrez bien assez tôt, allez ! »

Voix savante :

Au théâtre ça n’irait pas.

Mais dans un livre pourquoi pas ?

Nous aimons nager au gré du vent.

Ou nous n’aimons pas qu’on nous guette.

Nous n’avons pas le choix à la fin.

Et quand ça commence c’est trop tard !

Au théâtre les gens sont pressés

Et le livre peut leur paraître long.

Je vous conseille la fenêtre et l’art

De n’y montrer que le côté pile.

RÍO

Aller ! Traverser ! Parcourir !

Vagabonder en attendant

Que ça vienne comme ça vient

Toujours ! Qui est mort et qui

Ne l’est pas ? Qui revient

Sans souvenir à partager ?

Et qui retourne pour retrouver

Ce qui se perd toujours ?

Ne me parlez pas de fenêtre !

Ni d’azur ni de chair triste !

Je suis ce que je désire, vin !

Je n’ai jamais été un enfant.

Alors que vous n’en sortez pas

De cette enfance d’émigré !

Il tente de chasser l’épais brouillard,

Mais en vain / la pluie menace.

Le train siffle. Friction d’acier.

« Les plus beaux avions ! »

Personne ne traverse ni n’apparaît.

Pas même le chien du jardinier.

« Qu’est-ce que vous attendez pour continuer ? »

RÍO

Attendre / continuer ::: attendre ET

Continuer ou ::: attendre OU continuer.

Accouplez tant que vous voulez, les amis !

Mais surtout ne faites pas d’enfants !

Ou alors ne leur donnez pas votre nom !

À l’œuvre on ne sillonne pas les fossés !

Quelle attente ! Quel possible progrès !

Jamais déçu ! Toujours en quête ! Désir !

Mouvement du train

Qui se laisse tirer, refouler.

Des vitres se baissent.

Chocs des butoirs.

« Vous n’êtes jamais venu ici ? »

Chef de gare :

Arrêt technique ! Arrêt technique !

Personne ne descend ! J’ai dit personne !

RÍO

Si elle est dans le train comme promis,

Elle ne descendra pas et je serai venu

Pour rien : Blanco a eu raison de se jeter

Dans la fosse : j’espère qu’il n’est pas tombé

Dans un pavillon ! (rageur) Ah ! Être venu

Pour rien ! Vous entendez ? Pour rien !

Vient-on pour rien quand on vient ?

Jamais vu ça ! On vient et quelque chose

Arrive / C’est dans l’ordre des choses !

Heureusement qu’il y a des choses et

Un ordre pour les comprendre !

(crispation interne, douloureuse)

Ne viendra pas alors qu’elle est venue.

Arrêt technique, brouillard ou autre chose !

À quoi ça sert d’attendre alors que rien

N’arrive ? « Continuez ! C’est tout droit ! »

Mais ce n’est pas ce qui arrive.

Cliquetis des canettes

Et odeur de jambon d’York.

Voix de fillette qui réclame son dû

Parce qu’elle a su être sage.

Les pieds joints du Portugais

Sur la banquette qu’il occupe seul,

La tête dans sa main,

L’autre main sur la hanche.

Aiguillages de temps en temps.

« On les retrouve à Champigny, allez ! »

Moi je ne retrouve rien !

Ni le chemin ni la trace.

Je me suis noyé dans le fleuve

Avant même son estuaire.

 

Quel horizon de Désir !

Quel Festin j’ai vécu

À la place de l’enfance !

Dévalant les dunes d’or.

 

Thuyas et coquillages,

Culs de bouteilles polis.

Épaves et ailes d’oiseaux.

Le Cap souriait à la vie.

 

Río réussit à déchirer le brouillard-papier,

Ce qui provoque un bruit de déchirure-tissu

Qui se répand comme de l’eau

En suivant les moindres détails du relief

Dont il est ici question,

Qu’on le veuille ou non.

Le sycophante : Chef ! Chef ! Il déchire !

Le chef de gare : M’en fous ! Je n’écris plus

Depuis longtemps, depuis que je ne sais plus

Si Dieu existe ou si c’est autre chose

Qui explique ma soif d’angoisse.

Le sycophante : Ça ne l’empêche pas de déchirer…

Je dis ça comme je dirais autre chose…

Je ne sais même plus pourquoi je suis à quai…

Le chef de gare : Ce n’est pas l’heure !

D’ailleurs il n’y a pas d’heure

En cas d’arrêt technique imprévu

Par la feuille de route (que je consulte

En ce moment) / Déchirez si ça vous chante !

Et Río déchire,

Sans rage ni application,

Presque sans y penser,

Guettant la surface cotonneuse,

Des fois qu’il ne soit pas le seul

À s’en sortir.

Il a extrait la moitié de son corps fatigué,

Vieilli, sans projet, sans amis, sans rien

À inspirer aux autres

Par le simple fait de donner à lire

Ce qui lui passe par la tête-de-pioche.

RÍO

Je ne suis jamais seul quand je veux être seul

Et quand je suis seul je ne le veux pas, merde !

 

Quel était le nom du personnage-enfant

Qui jouait à ma place sous le regard inquiet

De ma nourrice (?) : tétons comme les prunelles

Et le ventre plié à l’endroit du nombril, sourire

Qui n’a jamais eu de sens, je crois : en Dieu et

À ses Saints, au néant qui retourne au néant

Le temps d’une Histoire qui a perdu son sens

Depuis longtemps, ô Pise !

Patrick de la Rubanière écrit son Égoïsmes

(mamelles : Hypocrisies et Jalousies, avec un encart

Me concernant ::: le temps c’est l’expansion, dit-il,

Mais je n’y crois pas comme je crois en Dieu

(ni puissant ni misérable)) / ses saints sont les miens :

Papa, maman, frérot et frangines, l’enfant des autres,

Avec au coin de la rue l’affidé à la place du dealer,

Les aromes purpurins des seuils, le choc des semelles,

L’horaire qui se respecte comme l’honneur, la trouille

Des moins chanceux, les bris divers des naufrages

Sentimentaux, les signes avant-coureurs de l’âge

En proie à ses vérités acquises / « dis-le à papa »

En haut, au-delà des toitures et des monts, vois

Comme la Terre s’épanche en rêve prémonitoire,

Vois comme c’est facile d’en devenir le troubadour

Ou au moins le montreur d’ours, vois comme la vie

Appartient à ce qui n’est peut-être pas : « c’est l’heure »

Incroyable comme il arrive à déchirer

Sans saigner des mains !

Vous trouvez ça normal, vous, Chef ?

Si j’étais à votre place,

Je me poserais la question

De la validité de sa nationalité.

Non, non et non ! La Terre (terre)

N’appartient pas à tout le monde !

Moi aussi je veux sortir du brouillard,

Comme en 40 !

Mais est-ce que j’en sors ?

Est-ce que seulement je tente d’en sortir ?

Ce n’est pas que je sois bien ici

(malgré votre présence nécessaire)

Mais je ne déchire pas ce qui est écrit,

Du moins pas tant que Dieu existe,

Sachant qu’il finira par ne plus exister,

Ce qui me chagrine autant que vous, croyez-moi !

Le chef de gare : Fermez-la !

RÍO

(interrompant la déchirure)

Au théâtre les innocents

N’ont pas les mains pleines.

Je le sais parce que je suis

Aussi innocent que si je n’avais

Jamais vu le jour, cette nuit-là.

Le jour où Grenade fut prise,

Et sa veille / un fait exprès je

Crois / moi l’enfant du Projet

Familial en remplacement

Du mort-né / destiné au baptême

Comme le veut la République.

Mains sales à exhiber en public,

Traversant la conscience des autres

Personnages, annexés comme territoires

Conquis ::: je sais trop bien ce qu’on

Me reproche ::: patati et patata !

Sont dans un bateau et… (se reprend)

Continuons de déchirer / je vais peut-être

Faire ça toute ma vie / et me marier /

Et me cloner sans la science / Nera

Toujours à l’heure mais le quai

Est interdit à la descente / et mon ami

Blanco (qui me ressemble) joue avec

Sa baguette dans la fosse d’orchestre.

Les musiciens accordent leurs instruments

Et trouvent le La

Sans perdre le Nord.

(rustique)

Ça promet ! Je te jure ! Ah bah !

Tous les théâtres sont construits

Selon les mêmes principes bibliques.

Moïse entre et sort sans en dire plus.

La baguette heurte le pupitre

Selon le temp en vigueur.

Derniers ajustements.

Une chanterelle s’attarde.

On attend qu’elle se trouve juste.

On a l’impression que l’Univers

A toujours existé

Alors que c’est faux :

On démontre le contraire tous les jours.

Tac ! Tac ! Tac ! C’est l’heure !

Río tend l’oreille, cligne des yeux,

Exprime sa soif mais ne boit pas.

On se croirait à l’aurore

D’un Grand Jour.

Le chef de gare : « Un déchirement pour commencer… »

Genre slip dont on ne veut plus. (il rit)

Rendez-vous à la préfecture !

RÍO

(reprenant le déchirement)

Tsoin ! Ah ! Moïse ! Sans lui… ah !

Je n’ose y penser ! Confucius

À toute heure du jour et de la nuit.

Mais quel bordel depuis qu’il est mort !

Ça saigne en boucherie et les maladies

Mentales se répandent avec les fleuves.

Des fois je pense que ce n’est plus la peine…

Sans Nera qui vient les jours d’arrêt technique.

Et sans Blanco qui se prend pour sa baguette.

Le tour du monde en dix ouvrages à faire !

Mais qui peut le moins peut le plus, dit-on.

Moi je ne dis rien, je déchire sans lire,

Je n’écoute plus personne, pas même

Mon médecin référent, ni le flic d’à-côté,

Ni la concierge en mal d’amour, personne

Ne m’entend répondre à la critique.

(il redouble d’efforts)

Je ne sais même pas s’il est possible

De sortir de là : si j’ai un fils ? Maintenant

Que vous me posez la question / le jour

De son départ pour les Îles, j’ai pleuré.

« Quand nous reverrons-nous ? »

Mais l’odeur du kérosène m’a entêté

Et je n’ai pas vu la porte se refermer

Sur ce qui désormais n’avait jamais

Eu lieu : ça vous en bouche un coin !

Il y a tellement de chemin sous l’eau !

L’anémone et la coquille en trompe-l’œil.

Les jambes nues de la nageuse qui passe

Sans vous voir / ce besoin de respirer !

Pas le temps d’attendre ! Proximité

D’une plage, été comme hiver, voiles

Dehors des sédentaires qui prennent

Le soleil sur les roofs / bergamote

Des peaux / un gosse exhibe les écailles

De sa découverte / miracle à toute heure

/ un saint se signale par sa nudité

Transitoire / qui peut encore respirer

Dans ces conditions extrêmes ?

(chevaleresque)

Je suis Río, fleuve d’Amour et de Bien.

(rieur)

Elle jette l’enfant par la fenêtre et tente

D’oublier que c’est le sien / métaphore

en remplacement du poète véritable

/ « analysez logiquement / ne pas

Se laisser emporter par les eaux

De l’égout linguistique » / femme sortant

De chez elle comme le poète arabe

Après les complexités du Poème en cours

/ s’arrête devant une fenêtre : y coud

L’autre femme qui sait ce que l’homme peut

Et ne peut pas : copla en quatre vers bien

Sonnés : le rideau se laisse secouer

Par la brise des siècles de sagesse populaire.

La jambe de Río apparaît,

Nue jusqu’aux genoux :

« Maman ! Maman !

Je suis tombé de vélo

À cause de Blanco ! »

On voit nettement la cicatrice.

RÍO

Hein ?

BLANCO

Hein !

RÍO

De quoi s’étonne-t-il ? Il est tombé dans la fosse. Personne ne l’a poussé. Il y est allé tout seul ! Sans moi. Han !

(il peine à sortir du brouillard)

Recuerdos de la Alhambra. Tarrega en fusion

Mineur/majeur. Toi et moi chez Washington.

Cette lumière d’ombre ! Les bois noirs et

Ouvragés dans le sens du repos. L’Islam

Est passé par là. Le sens des générations

En exergue : « Je suis ce que tu ne seras pas. »

Et ainsi d’invention en taxinomie. Contes

D’une lenteur presque désespérante. Passages

Des yeux sur les yeux croisés. Ce silence d’or !

Dessous, la matière est encore en fusion.

Nous descendons les escaliers parfaitement

Entretenus dans la patine. Quelle conversation

Nous anime. Nous revenons de Tolède la Juive

Où le café infuse en attendant que le soleil

Se lève. Les bravos de la vallée comme des croches

Sur le pentagramme formé par le fleuve. Puis la

Brusque bifurcation vers la mer, la vitesse acquise,

Les amis retrouvés (un instant perdus eux aussi

Dans leurs pensées) / les chaleurs de l’asphalte

— la croissance de l’instinct au contact de l’idée

/ « qui croire maintenant que nous croyons ? »

Quel quatuor « au sampan de tes yeux » ?

« Je vous en prie ! Ne jouez pas avec moi. Je suis

Destinée à ne pas durer autant que vos exigences

De secret. » / l’escalier comme un roc définitif.

Le jour de dehors retrouvé. Les graviers divers.

Les senteurs aquatiques aux pierres renouvelées.

« Voici donc ce que nous sommes venus chercher. »

Pendant que l’homme se bat pour l’Homme, résolu

À gagner du terrain, talweg en feu à la place

De la foi qui est comme l’eau de la pensée

/ où elle nage avec les embarcations de l’Histoire.

« J’vous ai apporté des bonbons, » plaisante

Un Parigot en cavale. Quel vers appliquer autrement

Si la mémoire veut demeurer fidèle au souvenir ?

Ides rectangulaires des reflets comme encyclopédie.

« Nous aimons ce qui se laisse aimer, pas vrai, mon

Amour ! » / « d’où revenons-nous nous-mêmes ? »

Les mains explorent les mains. « Sont-ce tes yeux

Que je baise si follement ? » / « oui, oui, recuerdos

De la Alhambra. Du mineur au majeur insufflant

Le bonheur en taille de pierres assemblées ici,

À l’endroit même où la croyance explore les fonds

Des bassins / réservoirs des pluies séculaires / .

. / main mouillée pour jouer (ce qui provoque

Une vive réaction de la gardienne des lieux)

Recueille ensuite ces gouttes dans les draps

Bleuis par la pratique de la propreté blanche

/ « je sais de quoi je parle » / quelle philosophie

Obéit ? — « nous cherchons au lieu de vagabonder,

Mais quelle nation autorise le rêve nu des nuits

À vivre éveillé ? — lenteur (encore !) des lieux

Contés / excessive attente en conséquence mais

Uniquement en conséquence / « nous aimons tant

Aimer ! » ::: nous ne sommes plus revenus, même

En y croyant ::: pas de poussière sur les meubles

Noirs d’ombre et de suie / « qui invente quoi ? »

« j’ai l’impression de revivre un roman lu après

la découverte de l’enfance » / quel livre est (sera)

Puissamment écrit sur cette joroba ? De quel

Personnage hideux par définition naîtra le nouveau

Romantisme de remplacement ? Trop d’argent

Sous la terre / et pas assez de mort(s) / des os

Ne peut naître l’écriture / ni des peaux-pemmicans

Appendus aux fenêtres sur cour / « pourtant

je vous aimais — comme on aime se réveiller

seul — nouveau pour le soleil et si vieux dès

que la nuit revient ! » ::: Voyons si j’ai raison

D’y penser ::: balayée la métaphore avec le son

/ puis redescend vers la mer qui sert de niveau

Æ / comme si une civilisation s’y retrouvait

Chaque fois que l’esprit manque d’imagination

/ « je sais que je vous ennuie avec mes propos

relatifs » / — ennuyer n’est pas à propos, mein

Hilh ! Nous exerçons des forces pour nous soustraire

À la gravité / sinon pourquoi voler ? / les rouges

Anglais verticaux : l’ocre d’or des tempêtes :::

« tes cheveux au vent des moulins » / nous aimons

Noyer le poisson avant de le pêcher / contes

Nouveaux et lents qui s’interpénètrent aussi

Lentement que récemment / qui peut dire

Si nous avons existé maintenant que plus rien

N’a subsisté ::: devrais-je dire : « résisté » ?

La pierre du désert en témoigne : l’eau est

Au commencement : puis l’idée du fleuve

Naît : et l’écriture se substitue à la vague.

Voici l’écume d’une poignée de terre acquise

Suite à l’effort de reptation / du point x

Au point ∞ / « je ne peux rien faire de mieux »

Entre rien à l’origine et rien après / cette vie

Qui n’est pas la mienne ::: ni acquise ni désirée

::: faute de mieux à faire si aucun métier

N’est utile dans ce sens / ni la pratique

De la dévotion ::: galet inutilement observé

Sous l’angle du soleil / à la plage l’été ou

Sous la pluie normande / qui sait où nous

Sommes quand nous nous trouvons ?

« mais je croyais, mein [paÿ], que tu savais,

toi ! Je n’ai vécu enfant que pour le croire !

Qu’est-ce que ce père idéal et stylisé

Que j’hérite maintenant que je suis père

moi-même ? » / « n’oublie pas que tu joues !

Tous les enfants jouent au lieu de ne pas jouer !

Je l’ai su avant toi ::: voilà ce que tu ne peux

pas changer ! » /

pourtant le touriste est idéal.

Propre chemise et espadrilles

Pas encore empoussiérées.

Suivons sa trace de pluie fine.

 

Mollets d’acier trempé aux

Meilleures sources crois-moi.

Feuillète avec une attention

De guêpe au travail des heures.

 

Au passage recueille l’eau

Des pentes, sous les fruits

Mûrs de l’extase, quel stuc

Après ses pas ! L’enfant à nu.

 

Connaît l’écriture poétique

Mieux que celle de la lenteur.

Et d’ailleurs frappe à la porte

Avant d’entrer dans cette ombre.

 

C’est par imitation que tu le suis.

Qui porte le monde

Dans l’autre monde ?

Le seuil est arrosé à tout instant.

 

On ne sait jamais qui y glisse.

Genou blessé d’une estropiée

Venue ici pour espérer.

« Vous êtes venu pourquoi, vous ? »

 

Pas seul, en compagnie, mais pas

Question de fusion.

Le temps interdit

Les attentes de cette espèce.

 

« Avant j’étais dans le tourisme,

Moi aussi »

Heureux

De vous l’entendre dire.

 

Observez les visages et leurs mains.

Cela ne suffit-il pas

À comprendre le sens

Que chacun veut donner

À cette incursion dans la lenteur ?

 

« Je viens avec vous,

Si vous le permettez…

J’aime prendre le bras

De celui qui sait

Où nous allons »

 

Et moi donc !

Belle insoumise

Du jeu politique

Ailleurs en vigueur.

 

« C’est ici qu’il écrivit

Ce que je vous donne à lire

En attendant de me séparer

De ce qui me retient ailleurs »

 

Beau balcon de nuages gris.

La terre en mottes noires

Fuit ses limites de terre.

Aucun signe d’hiver ici.

 

« La prochaine fois nous irons

Plus loin, dans le désert et sous

Le ciel blanc comme l’acier

Lorquien des jardins grenadins. »

 

Admire qui peut. De stuc et de terre

Ce cœur arraché à l’enfant

Qui finit par mourir de sa foi.

Tremolos sous les linteaux

Où se penche la rose rose.

 

« D’un coup d’aile je te fuis ! »

Menace mise à exécution

Un matin d’un automne

Orange comme son arbre.

 

« Il n’est plus nécessaire d’attendre. »

Des voix en apposition aux ajours.

Les pas du poète qui descend dans la rue

Pour retrouver les rythmes familiers.

Jouets des cordes tendues entre les murs.

Le vent croît dans l’embrun, carènes fines

Comme des corsages / « veux-tu de moi ? »

 

Intérieurement :

Qui ne nourrit pas sa haine

En secret ? Qui en détient la clé ?

Les lieux s’amoncellent devant.

Je suis déjà passé par là, je crois.

 

Puis, au croisement :

Je ne suis pas venu hier car

Je n’avais pas de rêve à donner.

Ce matin je rêve encore, alors

Je ne fais que passer / pase

 

« Vous verrez les choses de plus près.

Vous apprendrez à vous en approcher.

Vous mesurerez toutes les distances.

Et vous en concevrez de la joie.

Mais : Vous n’écoutez pas ! »

 

Oui, oui, il faut se souvenir des lieux.

Le plan tracé d’avance dans les brochures

Touristiques / les effets de focale

Sur les dimensions réelles / la température

De chaque couleur / l’exigence du trait

Une fois admise sa projection cavalière

/ « au diable le music-hall et ses effets

Sur l’envers des rideaux / je suis à vous ! »

 

Palette

Complète

À l’entrée

Pour le prix

D’une orange.

 

« Ce que Dieu ne donne pas.

Ce qu’il prend et ne rend pas.

Tout ceci en coin de rue.

Pas une vitrine à offrir. »

 

Jouets et beignets des fils

Joignant les murs torrides.

Qui gagne perd le Nord !

Qui veut le Sud émigre.

 

Jolis et beaux quelquefois

Les quatrains que la bouche

Laisse filer comme la mouette

Qui s’est crue un instant

Prisonnière des murs.

 

« Rappelez-moi quand vous voulez,

Ami de longue date, appelez dès

Demain si ça vous chante et si

Je demeure comme vous dites ! »

 

(l’effort est vain, il ânonne,

Perd ce qui lui reste de force,

Enrage puis abandonne

Toute idée de résurrection

En orange)

 

L’un

J’ai toqué pourtant…

L’autre

Je n’étais pas là.

J’y serai demain

Si Dieu le veut.

L’un

Ah la la ! Les femmes !

On assiste (muet)

À une parodie de comédie à l’espagnole,

Des gens courent en tous sens,

On annonce mille nouvelles

Qui se croisent

Sans prendre de sens,

Les couleurs se mélangent,

Petit à petit la scène se grise,

Tourbillons du pinceau,

On ne sait plus d’où vient la lumière,

Le brouillard a laissé la place à une mauvaise peinture,

À un barbouillage que la méconnaissance des mélanges

A grisé au point de ressembler à la boue des chemins

Après la pluie.

Río se distingue à peine de ce chahut.

On ne sait pas vraiment s’il est celui-ci ou celui-là.

On entend les aciers du train,

Les conversations souterraines,

Les appels, les conseils, les discours aux enfants.

RÍO

Que voulez-vous ?

Le Monde n’est plus

Ce qu’il était avant

Que l’Homme errant

N’en devienne le Mythe

Fondateur : Internet

Zig-zague entre les bornes.

On me voit penché

Contre un écran et :

J’achète ce qui me plaît.

Vous saurez ce qui me plaît.

Tôt ou tard, vous le saurez.

Vous en concevrez de l’envie

Ou vous en rirez avec moi :

Qui sait ce qui se passera

Après / pourquoi changer

L’ancien avec le démodé ?

Nous ne savons rien de plus.

Un pas devant l’autre et

Le tour est joué ! Qui veut

Vivre ne verra pas / Mort !

BLANCO

Du fond de la fosse

Oh ! Assez ! Assez ! Assez de bourgeoiseries !

La seule vérité croît avec la Guerre.

Escrimons et fusillons ! L’Homme n’est pas errant.

Tout le travail consiste à concilier Morale

Et Connaissance.

Tout le reste n’est qu’un jeu, de mots, de lieux,

De tons, de modes, de genres, etc., etc. /

Nous n’avons vécu que pour nous plaire.

Trois ! Quatre ! Et sans dynamique à la clé !

La musique s’extrait du barbouillage,

Synthétique et sommaire.

Les gris perdent leur forme humaine.

Les trémolos se laissent entendre,

Mais le sentiment n’y est plus.

RÍO

Voilà de quoi dissoudre un Rembrandt.

Quel sentiment, quelle idée

Ne confine pas à l’intolérance ?

Sans une vision exacte des premiers temps,

Nous sommes foutus d’avance.

Il manque un signe entre les commas.

Fier de cet idéogramme,

Il saute dans la boue

Et éclabousse coulisses et public.

Sa joie est manifeste.

Je ne possède plus rien

Qui vaille la peine

De nourrir un refrain.

 

Je m’habille de gris.

Le noir me va si bien !

Moi qui naquis du blanc…

 

Fini les cascades de rouge

Des bougainvilliers de l’ocre !

Nous revenons à la maison.

 

Croisant ceux qui arrivent

De loin, sous la pluie d’étamines.

L’Histoire en veut encore.

 

Des quatre doigts plus le pouce

Forgeant les grilles de l’amour,

Ou de ce qui paraît en être.

 

Quel temps se perd en heures ?

L’eau des ombres dégouline

Comme un discours aux âges.

 

Qui croit le plus en l’autre ?

Mais qui ne dit pas ce que demain

Sera si aujourd’hui tout meurt ?

 

Descendant la pente verte,

La mémoire revisitée en joies

Aussi diverses que convenues.

 

La terre descend jusqu’à la mer,

Comme on s’attend à la trouver

Aussi facile qu’un voyage.

 

Quel soupir à l’angle de la nuit

Qui annonce ses rêves et son aurore ?

Quelle oblique de palais à palais !

 

Vous verrez comme on s’horizontalise

Une fois le repos acquis en fin de journée.

Vous verrez combien j’ai raison.

 

Mais (dit Río) je ne vois rien ici.

Je ne vois rien à la fenêtre, ni toi

Ni ce que nous avons été ensemble.

 

Quelle lutte m’attend contre l’Errance ?

Contre l’Homme lui-même, contre moi,

Contre tout ce qui ne sera plus jamais ?

 

Oui, oui, descendons vers notre mer.

Elle sut si bien nous assembler.

Nous avons tant aimé nous y baigner !

 

Trop d’ambition tue l’ambition,

Comme l’amour finit par tuer

Ce qui n’a pas trouvé le la.

Des femmes de ménage

Entreprennent de nettoyer la scène.

On ne s’agite plus.

On travaille avec conscience.

La musique rythme les gestes.

On devient joyeux et les paroles

Commencent à naître dans l’action.

D’abord apparaît, petit à petit,

Le nom de la station de chemin de fer.

Ai-je vécu ici ?

Suis-je cet enfant ?

Errant de l’estuaire.

 

Deux enfances pourtant.

L’une ne cherchant pas

L’autre, rencontre fortuite.

 

Vient du jardin fleuri

De pâquerettes nouvelles,

Pendant qu’on enterre.

 

Sur la plage du solstice,

Une méduse n’attend plus :

La vague revient en force.

 

À San José le restaurant

Est ouvert, et la nuit feuillète

Les branches des oliviers ;

 

Derrière le moulin on se cache.

La figue de Barbarie promet

Et tient sa promesse de vieille

 

Amante ; « Qui sommes-nous ?

Nous qui ne sommes ni toi,

Ni moi ? Quel est le nom

 

Que la nuit nous conseille

De porter jusqu’à la fin

De ce temps provisoire ? »

Le nettoyage du gris avance.

Tout le monde a l’air satisfait.

On distingue la figure de Río.

Il ne cherche plus.

Il n’attend plus.

Il s’est immobilisé

Et attend les instructions du metteur en scène.

Au-dessus de lui, le panneau s’éclaire

Et la lumière mange le nom

Sans que personne ne s’en inquiète.

Des seaux d’eau éclaboussent le panneau,

Jetés joyeusement sans intention

De lire ce qui y est écrit.

Río reçoit des gerbes tièdes, savonneuses,

Et suit des yeux les rigoles sur son corps,

L’eau s’égouttant au bout de ses orteils suspendus.

Il dit :

« Il faut pousser par en-dessous

Et non point soulever par-dessus.

Voilà comment je vous explique

Ma position dans le décor.

Pour le profil de l’aile, vous

Reviendrez un autre jour. »

Les vitres du train resplendissent.

On voit nettement les visages

De ceux qui ne peuvent pas descendre

Sur le quai

Car c’est un arrêt « technique ».

Les mains laissent des traces

Que personne n’efface.

Les cheveux se collent.

La fumée s’enroule, serpentine.

« Quel beau train surréaliste

À la place de l’avion apollinarien ! »

On voit bien comment Río se balance,

Sans corde au cou ni turbine aux pieds.

« D’ailleurs je peux vous expliquer

La douleur d’Immalie. »

LES VOYAGEURS QUI NE SONT PAS DESCENDUS

SERONT RÉCOMPENSÉS COMME IL SE DOIT.

LA COMPAGNIE S’ENGAGE À RENOUVELER

AUTANT DE FOIS QUE NÉCESSAIRE

LE BUT DE LEUR VOYAGE.

VIVE LA FRANCE ET L’IRLANDE RÉUNIES

— NOUVEAU ROYAUME DES CIEUX EN EXPANSION !

RÍO

Je regrette tout ce que j’ai dit,

Fait ou pas fait, donné ou repris.

Un train peut en cacher un autre.

Trop tard pour l’écolier en cavale !

EUX (avec ELLES)

Chacun son travail ici-bas !

Les uns à la soupe et les autres

Au chaudron ! Que les enfants

N’apprennent rien d’autre !

Et que les vieux se taisent

Malgré leur envie de tout dire !

Vous vouliez voir un train :

Et bien vous le verrez comme

Jamais vous n’en avez vu un !

Bien parallèle aux feux de la rampe !

Et bien posé sur ses rails d’acier.

Bien plein et bien en partance !

Voilà ce qui se joue dans ce crâne

Aussi peu fait pour la mort

Que la fleur qui renaît

Même après le pas pesant

De celui qui ne revient pas

(certes, certes) mais qui peut

Retourner d’où il vient.

Le chef de gare :

« J’ai dit : TI-REZ ! »

Et en même temps

(ce qui est « très difficile »)

Il souffle deux fois dans son sifflet

En agitant son drapeau-signal

Mais le carré reste au rouge.

Il trépigne d’impatience.

On entend :

(ça vient de derrière le train

Qui est rappelons-le

Parallèle aux feux de la rampe

Et toutes les vitres sont illuminées

Avec des gens à l’intérieur,

Calmes mais pas sans mouvements)

Con la barba de los Moros

Nuestro humbral barrendamos !

RÍO

Ça recommence ! Toujours

La même Histoire ! Les uns

Se réjouissent des actions

Guerrières et les autres

Disent qu’ils ne sont pas

En guerre parce qu’ils ne

L’ont pas déclarée. On se

Demande dans quel Monde

On vit / D’ailleurs on n’a rien

Demandé : mais le Désir est

Tel qu’on s’assemble autour

De la Table ronde ou carrée.

Il attend l’effet provoqué par ce chant…

Rien… On se croirait à Paterson

Ou à Pise… Dès qu’on ouvre la

Bouche, la Poésie reprend son

Droit de chanter et de chanter

Ce qu’elle veut / Écoutez-les :

(il singe)

Con la barba de los Moros

Nuestro humbral barrendamos !

On se croirait en terre étrangère.

Et pourtant c’est chez nous que nous sommes.

Qu’est-ce qui se passerait si nous la quittions,

Cette Terre

Qui par définition appartient à tout le monde

Et surtout à ceux qui la possèdent ? Pauvre de moi !

Le Droit de Posséder ce qui appartient

Non pas aux autres mais à tout le monde !

Je me sens une âme de prophète, de devin !

Il reste encore du gris

Un peu partout,

Mais l’ensemble est naturel,

Chaque détail apparaît

Comme on est en droit

De s’y attendre.

Le train, lui, malgré

Les efforts du chef de gare

(secondé par le sycophante)

Ne bouge pas et les femmes

De ménage disparaissent (lentement)

Les unes après les autres.

Barbe des Maures et fesses des Juifs !

(s’écrie Río en allumant une cigarette)

Nous sommes l’Égalité native parmi

Les hommes qui n’en veulent pas

Parce qu’ils pratiquent la différence

Dans leur intérêt / Un peu de musique

/ flamenca, rock, milonga, tamtam /

Mais on n’entend que l’acier des cordes

Et des freins, des rotations et des

Frottements, l’acier qui naît de la fusion

/ et rien de nouveau pour changer la

Condition humaine en conséquence !

Con la barba de los Moros

Nuestro humbral barrendamos !

Comme il nous plaît, l’après-midi

Après le travail et pendant que le repas

Mijote, de sortir sur le seuil, battu

Par le rideau que le vent agite

De tous ses plis : comme il nous plaît

De nous dire que malgré tout, malgré

L’Inégalité, nous sommes bien chez

Nous !

Bonjour voisin qui me ressemble

Mais la perspective est faussée

Et on voit bien la différence

De revenu et d’héritage / Nous !

L’eau, la semence, la chair enfin !

Priiiit ! Priiiit ! Siffle autre chose

Qu’un bon verre de notre vin !

Le train s’est arrêté pour toujours,

Devant la maison le train qui attend

Que les conditions techniques soient

Réunies / comme à Paterson ou à

Pise ::: pendant que l’orchestre

Accorde ses instruments (divers)

Et que son chef mesure la portée

Réelle du manque de dynamique

Claire et clairement notée au bas

De la ligne dont il connaît la fin.

Braoum de caisse et de cymbales !

BLANCO

Du fond de la fosse

Voyons si j’y arrive…

Mais il n’y arrive pas.

RÍO

Luttant avec les traces de gris

Nous devrions partir

Avant qu’il ne soit trop

Tard / j’emmènerai Nera

Avec moi avant qu’elle

Se suicide / loin de tout !

BLANCO

Festif

Avant que ! Avant que !

Moi aussi je serai heureux !

Pas de raison de ne pas faire

Comme les autres ! Heureux

Et fier de l’être ! Loin d’ici

Et pourtant à portée, en un

Pays qui n’existe pas encore

Parce que le Monde est en

Expansion…

RÍO

Que tu dis !

BLANCO

Tapotant de pupitre avec sa baguette

Dire est un bien grand mot…

Disons que je suis ce que je suis

Et que ce que je ne suis pas est.

RÍO

Philosophie ! Pour moi, la pensée

Est au-dessus de tout ce qui peut

S’imaginer de possible en… pensée.

BLANCO

Aux musiciens

Essayons un point d’orgue

Après le da capo / (écoutant

Le résultat) / je m’attendais

À mieux / j’espère toujours

Trop de mon attente, bah !

Con la barba de los Moros

Nuestro humbral barrendamos !

RÍO

Priiit ! Priiit ! Rien à faire !

Le chef de gare hausse les épaules,

Faisant tournoyer son sifflet

Au bout de sa ficelle

Sous le regard du sycophante

Qui ne sait plus à quel saint se vouer

Et qui tord ses doigts dans sa bouche.

Quel horrible spectacle !

(sentencieux)

Qu’est-ce qu’on attend de cette existence ?

À quoi faut-il croire si c’est exister qu’on veut ?

Je n’ai pas de Maure sous la main pour balayer

Et il ne possède pas de seuil ni même de rue

Où promener ce qu’il sait depuis longtemps

De la poésie et de sa place dans le monde.

 

Mon fils, je n’ai pas de fils mais je te crée

Parce que je connais la beauté des oliviers

Sous le soleil d’Andalousie / je connais

La fille de dix ans qui touille la mie à l’ombre

D’un mur ancien : sa vue sur le monde

M’est étrangère : une fois que l’être

Est créé il remplace le rêve / je connais

L’influence des vents sur la terre été

Comme hiver : connais la possession.

 

Voyons ce qu’un chien

Qu’on n’a jamais vu

Dans les parages peut

Trouver sur nos seuils.

 

Comme l’intérieur est voisin de l’extérieur !

Nous n’avons plus de fontaines

Ni de fruits à portée de la main.

On s’est mis à la fenêtre pour l’écouter,

Mais personne ne sort,

Pas même les enfants qu’on tiraille

Comme on peut.

Blanco recommande la blanca.

Dans la fosse,

On recherche un joueur de cet instrument.

Chercher n’est rien si on travaille

Pour l’industrie, le commerce ou

L’administration et si on a des en       (respecter la coupure)

fants / Quelle solitude tout de même !

Sans Dieu c’est difficile / c’est même

Quelquefois impossible : ah le sang

Parle pour nous ! Comme si nous

Servions à quelque chose que l’Art

Imite à notre place / « je suis venu

En étranger et je repars en ennemi »

/ je connais bien la poignée de terre

Arrachée à main nue au lit du fleuve.

Des oiseaux chantaient sur la rive,

Dans les roseaux chantaient, plus

Vivants que moi-même / ruines

Muettes des ombres / sans habitant

Ni traces de lutte / la même pierre

Qui ne fut pas lancée pour jouer

Avec les autres / connais-tu la vie

Comme elle se joue de toi ? — ici

On ne meurt pas mais on disparaît.

On tapote les vitres embuées,

À peine impatient.

On entend les pas précipités

Du joueur de blanca,

Mais Blanco exprime son insatisfaction.

Il attendait quelqu’un d’autre…

Lave le gris pendant qu’il est encore temps !

Laisse la rigole emporter ce peu de poésie.

La rue est le véritable lieu du langage.

Dedans, c’est noir de fumée qu’il faut dire.

Une fenêtre n’est qu’une fenêtre, un système !

Con la barba… (il chantonne la la la) de los….

Qui sait ce que personne ne sait ? Je connais

L’écume et l’embrun : soit. Je te connais

Comme si tu m’appartenais : soit. Je reviens

Ou pas : soit : coulée de bougainvilliers

À l’angle sur la rue : soit. Bouche voilée

Qui parle : soit. Le seuil de notre maison :

Dieu ! À l’intérieur l’eau mouille le patio.

La fille de dix ans revient des cotos : soit.

Tu voulais exister et tu es : quel malheur

As-tu causé dans l’esprit de ces gens ?

Le train est agité,

Comme si des enfants couraient

Dans les couloirs,

Bousculant les voyageurs

Qui collent leurs oreilles aux vitres embuées.

Le sycophante, au bord du quai, dans le dos

De son chef, prévient que « l’heure ce n’est plus l’heure »

Et que les temps vont changer :

« Qui n’a pas droit à un jardin

Et pourtant qui le possède ?

Surtout, qu’on ne me reproche rien ! »

BLANCO

Voix lointaine

Passent leur temps à exciter la jalousie

Et l’égoïsme : « vous n’êtes pas égaux

par définition » / je n’ai rien demandé

Qu’une blanca et son joueur : un désir

De couleur locale : mais le joueur est

Blond comme les blés de Velez : soit !

(crispation douloureuse :

Ça fait mal même si on est insensible

À la douleur de l’autre)

Qu’est-ce que j’attends ?

Elle ne descendra pas

Parce que c’est interdit.

Et ainsi toute la vie : Dul (respecter la coupure)

cinea / qui croit que croire

Ne rend pas fou ? / Gor (ceci n’est pas une coupure)

Ur chez les cons : soit.

Mais je n’en dis pas plus :

Satisfaction j’écris ton nom.

Je l’écris avec le sang des hom (coupure indéfinissable)

mes / et pour ne vexer person (idem)

ne j’ajoute celui de la femme.

J’écris ton nom en pénitence.

Et je reviens avec Río sur les

Lieux de notre enfance vieille

Seulement d’avoir vieilli : soit.

N’allons pas plus loin que la poussière.

La porte git dans la broussaille : tu te

Souviens ? Les amandes n’étaient pas

Mûres. Le bleu des murs et ses ocres.

« vous êtes venus en étrangers »

Qui aime qui si ce n’est par épouvante ?

Río (je me souviens) croyait reconnaître

La pierre, mais la gravure n’était pas son

Nom : ni le mien. Un nom comme les au (même jeu)

tres : sans poésie à la clé. Homme de bien

Ou femme fidèle ? Enfant pas sûr de lui

Ni de ses rêves ? Río reconnaissait que

Le monde est si petit qu’on s’y croit

« revenu » / le voici assouvi, maître

De ses émotions, capable de chanter

À la place des oiseaux y compris le

Rossignol / « comme c’est grand

maintenant que je le vois de mes

yeux ! » Et je répondis : « Ainsi

soit-il ! » / fini les vacances, ami Río !

RÍO

Quelle folie s’empare de nous

Quand nous envisageons, ô naïfs,

De dramatiser le court chemin

Qui va de la pensée à la croyance ?

Quel cinéma prend la place de l’écrit ?

Quels personnages mi-humains mi-dieux

Traversent le champ de la cour au jardin ?

Ce matin (on voit le matin) je me sens plus

Homme d’esprit que poète / je veux dire :

Les choses prennent un sens que sans doute

Elles n’ont jamais eu / et je me perds en fossé

Et broussailles même de lilas ou de caroube :

Animal ventral par nécessité de progression.

Qui n’a pas vu la mort de près dans le mort

Lui-même ? À la télé ou dans sa propre mai (re)

Son ? Ce matin, j’ai le dos tourné à la réalité,

Le film croit avec le temps et le temps pense

Au lieu de croire ::: nous ne serons jamais

Ce que nous sommes : voilà un point d’acquis

Avant la crémation /

BLANCO

Je n’aime pas cette

Tristesse ::: elle n’inspire pas ma baguette /

J’aime ce qui m’inspire et d’ailleurs : je n’aime

Que ça ::: voilà en quoi consiste notre différence

::: c’est à elle de choisir !

RÍO

Wie einst… ? Voici un

Matin comme les autres ::: mais sans elle :::

Qui a vu le film ? Qui a payé sa place ? Qui,

Avant les autres, est sorti ::: dans la noche

oscura ? Ne retournant même pas chez lui

/ vitrines noires et portes closes : tout est

Prêt ! — y compris les effets de substance

Sur la douleur / moi ::: le fleuve qui refuse

De se jeter dans la mer ::: moi le promeneur

Des sables ::: l’écumeur de voyages ::: le fils

Sans père ni frère ::: voué à ceci : j’écrivais

Parce que je n’étais pas encore poète / temps

D’un encore / dit : enfance ::: je ne veux plus

De ce théâtre ! Plus de ces ombres jouées

Avec les dimensions ::: ce matin je veux

Sortir : de moi-même et des autres ::: acte

Sinon phénomène / avec ou sans elle :::

Coupant l’air / brassant haleines et cris

/ je sais que des fois nous sommes faits

L’un pour l’autre ::: d’autres fois nous

Prenons de ce pain parce qu’il est sur

La table ::: et que personne n’y voit

D’inconvénient ::: jambons des plafonds

Andalous / le père se lève un peu, couteau

En l’air, considérant sa filiation au passage,

Le vin ayant troublé cette eau dormante.

Derrière nous la porte est ouverte, poussières

Des mines et des champs, pratique amère

Des chemins qui nous reviennent, voisins

Errant des rues de terre et de mauvaises

Herbes / « sais-tu qui est qui ? » / le sang

Parle pour nous : « des poètes ? jamais ! »

Pas qu’on sache ::: mais qui sait si la blanca

Est l’instrument des seuils ou autre chose

De moins visible à l’œil nu ? Une invention

À la gitane : « je sais ce que vous voulez dire

et je le dis autrement » — matins sans nuit

Comme souvenir ::: ce que vous avez rêvé

Est la nuit même / marre de ce théâtre gris

Et moite comme un portail d’usine ! Moi :

Je suis ce que je pense être / et tu n’es pas

Ce que tu as été pour moi ::: rôles à jouer

Avec les dés pipés de l’aventure sociale /

« qui n’écrit pas ? » / qui n’est pas l’écriture

? / l’auteur de ses propres jours sachant doser

Hypocrisie et jalousie ::: existe ::: alba serena

::: au lieu de mettre en scène relisez ! jouez

Faux ::: veux-je dire ::: les matins sont cristallins

/ on arrive au bout de la nuit et commence

La nuit suivante / « avant j’étais un enfant »

Des machinistes s’activent

Sans souci d’esthétique… heu… théâtrale.

Cela fait un bruit d’enfer !

On repeint même le train !

On réécrit les noms et les mots des panneaux.

Les effets de volume sont sans épaisseur

Sitôt qu’on les voit de profil.

Río veut s’arracher les cheveux

« mais ça fait trop mal ! »

(Río reprend)

Carton-pâte ! Nous n’avons pas les moyens

De satisfaire la demande ! Nous agissons

En fonction de notre connaissance de la

Douleur et du verbe qui va avec : alchimie

Des entrées et sorties / billets papillonnant

Dans la rue qui nous donne son nom : voix

D’enfants qui veulent en savoir plus / « qui

Est qui ? » / « l’erreur est de dramatiser

ce qui n’a rien à voir avec le spectacle »

« as-tu mangé tout le paquet ? » / dire

Plutôt : « en as-tu fini avec le contenu ? »

BLANCO

Exubérant mais toujours dans la fosse

Oui ! Oui ! C’était comme ça !

Exactement comme ça ! Facile

Mais rare ! Main dans la main

Pour être conduits sans détour !

Tu te souviens parfaitement, Río !

Presque aussi bien que moi ! Et

Pourtant tu n’es pas à la recherche

D’une blanca — ô désespérément !

Au seuil de ma mort qui déjà chante,

De l’enfant au vieillard, chante et

Danse, barbes et fesses, et nous

Venant de si loin que les pyramides

Nous enchantent — ô désespérément !

Toute cette foison-fusion et Gor Ur !

TOUS

À l’intérieur comme à l’extérieur

Gor Ur !

Il y a de plus en plus de monde sur la scène

Et quelqu’un propose « conséquemment »

De la multiplier « car le besoin

De dire ensemble

Est plus fort que l’onanisme » /

Le sycophante prend la parole en ces termes :

Ce n’est pas parce que la température ambiante

Est supportable et que même par endroit et

Quelquefois on se les gèle que notre Monde

N’est plus en fusion et qu’on n’a plus de souci

À se faire quant à l’avenir de notre conservation

En bocal ::: car ::: à l’extérieur du bocal l’Urine

Est un principe salvateur ::: pas d’existence et

Encore moins de vie sans Urine ::: il faut compter

Sur elle et même la prier de continuer d’exister

Si on veut vivre aussi longtemps que c’est math

Ématiquement possible depuis que le premier

Nombre a roulé sur le tapis tout à fait par ô

Hasard ::: (il tourne la page) Gna gna gna heu

(toune plusieurs pages et s’arrête de tourner

aussi soudainement qu’il a commencé à le

faire) Ah ! Voilà : notre Dieu ne s’appelle

pas mais si on le nomme il vient en autant

d’endroits qu’il y a de lieux de prière ::: c’est

Pratique ::: car si (ici, dit-il, des considérations

D’ordre métaphysique) ce n’était pas le cas

On serait bien emmerdé ::: je tiens à prévenir

Les autorités ! (il fuit et grimpe au rideau)

LE CHEF DE GARE

Impatient et claquant du drapeau

Marre qu’on me prenne pour ce que je ne suis pas !

J’écris : « Mon cher fils, j’espère qu’il fait bon au Mali.

Ici, c’est la grisaille tous les jours et les femmes sont…

Enfin… Tu sais ce que c’est maintenant que tu as l’âge.

Nous ne connaissons personne qui ait perdu un fils.

Ça nous ferait du bien de fréquenter ces personnes

Qui existent, comme tu sais. Mais l’État demeure

Princier dans ce territoire qui se veut plus pays

Que les vrais pays. Nous sommes si seuls sans toi !

Nous regardons la télé mais tu n’y es pas, hélas !

Sinon les trains passent dans les villes et les champs,

Comme des rats. Il y a toujours quelqu’un qui

Cherche quelqu’un, heureusement parce que sinon

Le métier de cheminot serait bien ennuyeux !

Nera t’envoie ses baisers pour que tu en fasses

Ce que tu voudras. Tu sais comme elle est patiente !

Si j’étais à ta place, je l’épouserais avant qu’elle

Se suicide. (saluant du drapeau une vitre du train)

Comme cet arrêt est strictement technique, mon fils,

Je n’ai pas l’occasion de l’embrasser sur les joues

Comme tu le ferais toi-même sur sa bouche si

Tu n’étais pas si loin d’ici. Point à la ligne. Signez.

(en aparté)

J’espère que j’ai trouvé les mots… (cherchant

le sycophante) Ça y est ! Je suis seul ! ÇA, ÇA

Devait arriver un jour ou l’autre ! Un dimanche !

Comme si Dieu existait entre urine et fusion !

(il dingue, clac ! clac !)

TOUS

À l’intérieur comme à l’extérieur

Gor Ur !

Río mains dans les poches,

Comme s’il se baladait

Dans Paris.

Il a un air dans la tête

Et il la secoue en rythme.

« Il y avait longtemps

que ÇA ne m’était pas

arrivé » / il s’arrête

Devant une porte fermée,

Levant la tête comme

Pour interroger quelqu’un,

Mais il ne dit rien et voit

Qu’on ne le voit pas.

ÇA le rend triste.

Merde ! Pas un enfant ! Pas même

Une femme-enfant ! Pas de quoi

Satisfaire une curiosité que je peux,

Sans honte ni remords, qualifier de

Légitime tant je me sens tributaire

Du temps qu’il a fallu pour en arriver

LÀ /

LE CHEF DE GARE

Et comment !

LE SYCOPHANTE

Et comment ?

Sifflement du train.

L’air bouge, comme à Venise

Sous l’influence des cheminées.

Le Westinghouse décomprime plusieurs fois.

Les attelages se détendent puis se rapprochent.

On entend les caténaires comme sous la pluie.

Quelle poésie le chemin de fer !

Soudain le sycophante se réveille d’un sommeil

Vieux comme la guerre :

« Alerte rouge ! Alerte rouge !

Quelqu’un (je dis bien « quelqu’un »)

Est descendu du train alors que

LE CHEF DE GARE

…un arrêt technique est en cours !

RÍO

Hilare

Vous exigiez un théâtre populaire

Si vivant que la Mort n’y reconnaît

Plus ses petits / et bien voilà il arrive

Au moment où on ne s’y attend plus.

Nous passions vous et moi dans la rue.

Il était nuit ou elle allait tomber / mort

Tranquille du jour après le gagne-pain.

Votre bras était nu et vos cheveux au

Vent, car il ventait ce soir et nous étions

Pressés de rentrer / soudain : illumination

Comme si on venait de réinventer la

Poésie /

« On entre ? » / pourquoi pas pénétrer

Dans cette ombre ? On y communie

De pain et de vin comme ailleurs /

Et au passage nous saisissons d’autres

Mains ::: nous avons l’habitude d’être

Seuls quand l’heure n’est plus l’heure.

Tout le monde est d’accord là-dessus.

Mais quel désespoir installe les substances

À la place de la pensée ? / nous entrons

Entre les autres / nous trouvons notre

Place / nous nous excusons un peu avant

De nous asseoir / quel lieu ! quelle vie !

« Et ça ne coûte pas cher ! » ô voisine

Qui connaît le texte par cœur ! Pas cher

Et souvent / « je les adore » / nous adorons

Avec une telle facilité ! / tu as dit :

« théâtre ? »

Autour de nous : la communion en cours

De formation stellaire ::: « jamais venus

Avant… ? » / « initiez le nouveau venu

car il savait avant de venir » / chaque

Chose à sa place ::: plus complexe qu’un

Livre qu’on ouvre et referme / « on entre

et on sort ::: mais c’est plus ::: complexe

/ — sans doute parce que nous sommes

plusieurs et non pas deux — ou seul des

fois ::: le désespoir aux mors ::: vieux

cheval sans jeunesse ni enfance / qui

vient ? » / peut-être un auteur en va

Drouille / qui sait ce que nous réserve

La mort ? / interminable glissade sous

La pluie des avenues / trottoirs des pas

Et des attentes / « jouons maintenant !

la mémoire du texte n’attend pas ! »

— vous le vouliez tellement, ce théâtre !

Nous sommes tombés dessus, ensemble.

Entre la chambre et la chambre, carré

Limité par ses affiches racoleuses /

Métier de perroquet / le décor descend

Du ciel avec les sacristies de la douleur

/ qui a la chance de rencontrer son

Semblable ?

Entrez et sortez au lieu d’aller et venir !

Entre rien et beaucoup / cette similitude

Que tout le monde n’a pas la chance

De trouver en chemin ::: « je te reconnais »

Chroniques préparatoires du roman

À venir / faute de poésie tu sors pour

Ne pas rentrer / au bras nu plié comme

L’équerre d’une branche qui a porté

Ses fruits en un temps plus dur encore

/ tu voulais un spectacle et même

Le renouveler autant de fois que la vie

Dure / un soir de promenade digestive

/ incapables de martyriser le corps /

Au contraire fuyant les jeux de rôles

/ de quels dés le poète se sert pour

Compter les jours et soustraire ses

Nuits ? / « comme la poésie serait

belle si je ne l’étais pas avant elle ! »

— Nous entrons dans la crypte ou

Adyton — fragment d’un sanctuaire

Revu et corrigé par le Ministère /

« avant, j’étais… oh ! tu sais très bien

ce que j’étais ! » / je l’étais moi aussi

/ donnez aux enfants les moyens du

Suicide / dites-leur : c’est possible /

Un jour (tu verras) la vie deviendra

Insupportable et tu t’en prendras

À elle plutôt qu’à toi / et vice et versa

/ avec ou sans enfants à la clé : mal

Engagés dans la serrure du temps /

« qui est derrière la porte ? » / signe

D’un lieu / où se signer / singes faux

Des portails monumentaux / le soir,

À la tombée du jour, les avenues

Ruissèlent de bonheur / la vitesse

Acquise est un paramètre à saisir

Quand il est encore temps / glissades

Entre les feux / courbures perspectives

Des ponts / « j’écrirai un poème sur

ce qui arrive au théâtre à cause du texte »

/ je sais que tu l’écriras : vitrines closes

Avec illuminations en découverte noire

/ instruments et rejets au bas des murs

/ des flics veillent / des témoins gisent

/ de l’orteil aux cheveux l’exploration

Constante de la douleur changée en or

Par le miracle des crépuscules / « un jour

tu sauras ::: mais il ne sera plus temps /

disant ah merde si j’avais su » / l’œil

Aux aguets / la chair tremblante / sang

Pour sang / territoires avant rideau /

« comme la poésie devient difficile

quand on ne l’écrit plus ! » / tu étais

Là ::: pourrais-tu dire en entrant dans

La chambre du mort / « quelle famille

de suicidaires ! » / en quelle époque

Distincte de l’enseignement de l’Histoire ?

Ainsi les petites tragédies bukowskiennes

/ en trois vers trois secondes / une de trop

/ « si c’est là que tu veux entrer, entrons ! »

Boniche pour commencer ::: ou jardinier

« ça tourne rond ou ça ne tourne pas /

rien entre Racine et Bukowski / rien passé

ni à venir / vous pouvez sortir d’ici si

ça vous chante ::: ou attendre que ça arrive

/ le texte n’est pas un théâtre ::: le théâtre

n’est pas un texte / le vers se tortille en prose

/ (sérieux et sec) je vous aurai prévenus ! »

(un temps que le sycophante met à profit

pour se plaindre)

Assez de théorie ! Passons à l’acte !

En effet (dit le chef de gare) quelqu’un

Vient d’enfreindre la consigne pourtant

Clairement exprimée par ma propre

Voix ! Il faut toujours que ça m’arrive !

Et ça n’arrive qu’à vous (dit le sycophante

un peu chatouillé par d’autres occupations)

ajoutant si je ne me trompe pas…

Quelqu’un, c’est vrai, quelqu’un que je connais

(continue Río)

De longue date ::: remontons à l’enfance près

De la mer, avec le pied des montagnes au cul.

La terre s’arrête là, constata plus d’une fois

L’ami qui voulait toujours aller plus loin, pieds

S’enfonçant dans le sable et la marée montante.

« mais nous sommes au théâtre, Río ! tu ne peux

pas fuir par la porte ::: la seule issue est dans

le texte ! » / comme si je ne le savais pas / mais

Ton bras est nu : sur l’accoudoir nu comme un vers

Que la prose revisite en étrangère au pays : quel

Toxique me dispensera d’y penser et d’agir

En conséquence ? / qui, malchanceux, n’a pas

Rencontré son semblable (à un poil près) ?

Un soir de lune et de soleil / un de ces soirs

Sans inspiration / tenant ferme le bras nu

Qui ne s’oppose pas ::: entrée des artistes

::: un cupidon salue bien bas / jambes aigres

D’une hélène / « vous poussez la mauvaise

porte ::: tirez plutôt celle-ci » / et en effet :

Nous entrons / nous prenons place / orientés

Dans le sens du spectacle / « sinon à quoi bon ? »

Comme la vie est légère quand elle ne pèse

Plus rien ! / — « un jour, je dis bien : un jour

(or, il est nuit à cette heure divertissante)

tu me remercieras… » / « suçons ensemble

la pastille prémonitoire » / « tu le reconnais

? » / « ? » / « hier… chez Blanco… Nera… tu

l’aimes bien ::: ne dis pas le contraire ! » /

Or ::: je le disais / mais ce n’est pas le sujet

De ce spectacle Oh ! vivant ! Oh ! qu’il vive

Tant que nous sommes de ce monde /

Oh ! comme j’aimerais être et exister

Ailleurs ! / d’ailleurs j’y vais si tu n’y vois

Pas d’inconvénient / « moi ? inconvénient ?

moi si seule ? moi abandonnée ? théâtrale

dis-tu / personnage plus que l’énigme qui tue

son passant / Oh ! tu me connais si mal ! »

(ici, le sycophante actionne l’aiguillage)

Quelqu’un descend (ânonne-t-il)

Alors que la consigne est claire

(n’est-ce pas, chef ?) et le Temps

(avec une majuscule) prend la place

De l’action et de ce qu’elle prépare

Pour y mettre fin (à elle-même) /

(s’adressant au chef de gare)

Qui descend, d’après vous… ?

LE CHEF DE GARE

Distrait

Je devais le savoir… ? Je ne sais pas ce que je sais.

Sinon à quoi servirait les consignes ?

LE SYCOPHANTE

La consigne dit : « Personne ne descend du train…

LE CHEF DE GARE

Joyeux

…car ceci est un arrêt technique ! »

Je connais la leçon plus que par cœur

(en bon comédien que je suis)

LE SYCOPHANTE

Mais la consigne ne dit pas pourquoi

On s’arrête sans descendre sur le quai

Pour prendre l’air ou autre chose…

LE CHEF DE GARE

Ce n’est pas le travail d’une consigne

De dire pourquoi elle est ce qu’elle est !

LE SYCOPHANTE

Et pourtant, elle est bien ce qu’elle est

Et pas autre chose…

LE CHEF DE GARE

Circonspect

Vous visez quelqu’un en particulier… ?

LE SYCOPHANTE

Hou ! Le voilà qui arrive !

Et en effet,

Tandis que la brume revient installer ses approximations humides,

Quelqu’un s’approche,

Sur le quai déambule sans cesser de s’approcher,

Noir de moins en moins,

Sans lenteur ni le contraire,

Sans tranquillité ni autre chose,

Quelqu’un qu’on connaît ou pas :

Il est trop tôt pour le savoir

Avec certitude.

Río recule.

Le chef de gare et le sycophante campent sur leur position.

BLANCO

De la fosse

Le moment serait bien choisi

(et Dieu sait si choisir est exister)

Pour composer, à la baguette,

Une ouverture comme à l’Opéra,

Histoire de signifier que rien

N’est encore arrivé, rien de bon,

Rien de dur à cuire sans l’athanor

Cher aux poètes municipaux, tous

Militants. Je propose une musique

(si on peut appeler ça musique)

Aussi proche que possible du cœur

Même de la terre (car n’oublions

pas que nous avons les pieds

dessus et que rien ne dit que

le ciel en est un) avec ses fusions,

Ses magnétismes, ses voyages

Au centre et ses peuples encore

Possibles / une musique sans

Mesure ni limite de souffrance,

Une façon de s’infliger le plaisir

Au lieu de le donner, une musique

À soi, comme si on était seul

Au monde, sans passé ni futur,

Une seconde infinitésimale, nette

Comme le tranchant d’un couteau

Que la Gitane impose à l’amant

D’un soir, soir d’été dans la sierra

Qui se voit dans la mer à la Lune.

Il soupire.

RÍO

Exaspéré

Mais qu’est-ce que tu racontes, pauvre accessoire !

Ceci est un théâtre, pas un livre ouvert à la fenêtre.

Cela n’est pas un ciel tout d’azur composé à la va-vite.

Nous n’avons le temps que de l’action, pas de savoir

Ce qui se passe et ce qui n’arrive pas de toute façon.

Pendant ce temps (perdu) on attend un personnage.

On l’attend parce qu’on a besoin de lui ! Sans lui

Pas de tragédie à imposer au couteau de la Kalé.

LE SYCOPHANTE

Intervenant

Et il nous faut aussi un lieu !

Sans lieu (je veux dire sans lui)

Le personnage en question

N’habite pas / je connais

La question / moi aussi j’ai

Écrit quand j’étais jeune /

Et je savais d’emblée que

Sans lui ni sa maison à Tanger

Ou ailleurs : aucune histoire

N’entre dans l’écrit pour ô

Pour l’habiter / c’était avant

Que je devienne un salaud…

LE CHEF DE GARE

Pas convaincu

Parlez pour vous !

(citant)

« Un arrêt technique est… »

(regrettant amèrement)

Mais personne n’écoute…

RÍO

Sûr de lui

N’écoutez pas le temps qui passe.

Mais voyez comme il passe, seul

Sous les ponts ou dans un verre.

 

Ne serrez pas vos dents fragiles

Ni ne sortez la langue pour la pendre.

Tout est chanson si on y pense.

 

N’en voulez pas aux suicidés ni

Aux morts des champs, parlez

Plutôt d’oiseaux sur les branches.

 

Évoquez le matin si c’est le soir.

Et s’il fait nuit (déjà) pensez à elle,

Les fleurs de la rosée seront fidèles

Au rendez-vous, croyez-moi sur parole.

(il s’interrompt ou a fini,

et précise que)

Je ne sais pas ce qui m’a pris,

De la Gitane ou de l’amant !

Ça m’est venu comme ça vient

Quand on ne s’y attend plus.

 

Ma fenêtre n’entend pas les avions.

Mes murs ne tremblent pas de peur.

Mes coussins me reçoivent aussi nu

Qu’au premier jour de cette existence

Que je n’ai désirée à aucun moment

De mon être, avec ou sans exemple.

 

Qui inviter si personne n’entre ?

Qui racoler au niveau de la rue ?

Que marchander en signe de soi ?

Les dealers sont de bonnes gens,

Mais le ras des murs extérieurs

Est à l’intérieur de nos tombeaux.

(il soupire comme entre Grenade et Motril)

La vitesse est acquise ou la modernité

N’est qu’un attrape-couillon, Blanco !

(se soumettant, échine ployée)

Va pour un concert de fusions !

Notre Gor Ur veille au grain.

Sa hune traverse l’immensité

Verticale /

Que la loi soit le seul principe !

Accords divers des instruments dans la fosse.

Une soprano exerce son influence sur le mode.

Puis se plaint de l’humidité.

Alterne ainsi vocalises et plaintes.

Blanco heurte son pupitre

De sa baguette « magique » /

Il dit

Que personne ne prend plus le temps

De danser dans la rue pour danser

Dans la rue comme si le temps

N’avait rien à voir avec les mathématiques.

LE CHEF DE GARE

Agitant son drapeau

Ça devient compliqué, c’te histoire !

Je ne vois ni Gitane ni amant…

Ça ressemble pourtant à un théâtre…

Ou alors c’est un music-hall…

On ne sait pas d’où on vient,

À part de chez soi,

Mais pour ce qui est d’aller

On y va !

LE CHŒUR

Con la barba de los Moros…

Zim boum boum général !

Le silence s’impose.

La baguette tapote la paume.

Blanco songe à un cul.

Il le tapote d’abord,

Puis la fesse se contracte

Sous l’effet de la douleur.

Il entend le cri (de plaisir)

Et en pousse un autre

D’une voix de stentor.

La soprano apparaît enfin,

Dodue sur un nuage peint.

LE SYCOPHANTE

Hypocrite et jaloux

Moi aussi j’ai chanté

Quand la chanson

Était à la mode.

(il se souvient)

Papa et maman dans le jardin

De Federico García Lorca,

Près de Grenade avec des roses

Dans le ciel

(car j’étais couché dans l’allée

Que le poète arpenta si souvent)

« Nous aimons tant nos fruits ! »

Et que penser de nos couleurs ?

Des hommes en armes surgissent

(peut-être aussi des femmes)

Et le sang se met à remplacer l’eau.

(prenant les autres à témoin)

Imaginez l’enfant que j’étais

Avant de devenir ce que je suis.

« Nos fruits ! Nos fleurs ! Nos balcons !

Nos allées d’ombre et de lumière

Comme dans l’arène.

Et maintenant il faut mourir !

Abandonner femme et enfant.

Ne plus rien espérer de l’écriture.

N’être jamais revenu sur le seuil.

Comme le ciel est ciel !

Et comme la terre est mer !

Je savais que sans poésie

La vie n’est que le manche du couteau. »

Papa dixit.

LE CHEF DE GARE

Admiratif

Je ne vous connaissais pas sous cet angle.

LE SYCOPHANTE

Maintenant vous me connaissez mieux…

Est-ce que cela vous fait du bien… ?

LE CHEF DE GARE

Malheureux

Ma foi je n’en sais rien…

Quand je ne suis plus chef de gare,

Je suis un cheminot comme les autres.

Mais je n’habite pas aussi loin que vous.

LE SYCOPHANTE

Souffrant vraiment

Mon chef-d’œuvre mort-né !

À l’État civil cette notation :

« N’a jamais eu lieu, personnage

Inventé par la mort elle-même. »

Il me restait, comme à tout le monde,

Le temps et l’écriture, par ouï-dire.

Mais qu’en faire nom de Dieu !

Vous êtes-vous à ce moment-là

Posé la question du chef-d’œuvre ?

Je suppose que non…

LE CHEF DE GARE

Interloqué

C’est une question… ?

LE SYCOPHANTE

Je n’en pose jamais,

Mais j’y réponds souvent…

LA SOPRANO

Soudain !

Quel poète parle de moi ?

Quelle voix imite la mienne ?

Est-ce que je peux commencer ?

Elle s’avance vers la fosse sans y tomber.

Le public fait « oooh ! » car il y a cru,

À la grande satisfaction du metteur en scène.

On voit nettement le « personnage » qui est descendu

Sans permission expresse

De la part de la seule autorité

LE CHEF DE GARE

Solennel

Moi !

compétente en matière de décor ferroviaire.

« Comme le monde est petit

Vu d’ici ! »

Passage du mode mineur au majeur.

Le cœur retrouve de sa vigueur.

Applaudissements, discrets toutefois.

Puis place au silence qui précède

Les grandes interprétations.

RÍO

Angoissé

Ils veulent du spectacle et

Ils ont de la poésie avec

L’attente qu’elle suppose.

Elle aime se suspendre

Aux lèvres cependant.

« Chuuuuut ! »

(singeant)

« Qu’il se taise à la fin !

On n’est pas venu pour ça !

On a payé ! On en a mal !

Mais ne sommes-nous pas

Ce que nous sommes ensemble ?

Tellement différents de l’autre !

Si proche de l’idée de Dieu !

Qu’il se taise à la fin !

Nous n’en pouvons plus ! »

Mais qui peut en ces temps

De bonheur à la clé ?

Rêvez de posséder

Et vous perdez un proche.

LE PUBLIC

D’une seule voix

C’est nous qui décidons !

L’Armée n’a pas de sens

Si on n’peut plus chanter

En goguette ou ailleurs.

 

Puis nous avons le temps.

Et Dieu entre avec nous

Dans le temple associé

Au meilleur de nous-mêmes.

 

Voilà qui est bien fait,

Bien pensé, bien à nous !

Nos enfants seront fiers,

Mêm’ quand nous seront morts !

 

Héritez la maison,

Prenez meubles et joies !

Nous somm’ venus pour rien

Mais ça valait le coup !

Un cri horrible !

Blanco brandit sa baguette,

Mais rien n’y fait,

Le cri continue de pousser.

Tout le monde est figé

Dans l’attente (sans doute).

Alors on voit arriver, titubant,

La soprano, bouche grande ouverte,

Bras en V, échevelée et terrible !

Elle atteint le niveau de la scène

Où se trouvent le chef de gare et le sycophante.

Río s’approche bien un peu, mais pas trop.

Elle halète entre deux poussées vocaliques.

Et ânonne enfin,

Brandissant la feuille de papier

Sur laquelle elle pose ses yeux horrifiés :

Jamais je ne pourrais chanter ça !

C’est au-dessus de mes forces !

RÍO

Veut-elle dire « au-dessus de mon intelligence » ?

LE CHEF DE GARE

Outré

Mais enfin, madame… !

Vous êtes payée pour ça…

LE SYCOPHANTE

Vous ne pourrez plus dire le contraire…

LA SOPRANO

Quel horrible personnage !

LE SYCOPHANTE

Horrible, certes, mais beau…

LE CHEF DE GARE

Étonné, au sycophante

Vous connaissez le texte… ?

(haussant les épaules)

Je ne m’étonne plus de rien

Venant de vous…

(à la soprano)

Comment se fait-il que…

LA SOPRANO

Hautaine

J’ai dépensé tout l’argent.

LE CHEF DE GARE

C’est bien ennuyeux…

Autant pour moi que pour vous…

(après réflexion)

Et pourquoi donc ne pouvez-vous pas chanter

Ce que contient ce feuillet arraché à l’automne ?

LE SYCOPHANTE

Surpris

Comment savez-vous que…

LA SOPRANO

Je ne peux pas chanter ceci

(elle secoue la feuille au son d’un tambourin)

Parce que c’est… de la prose !

TOUS

DE LA PROSE ?

LA SOPRANO

Contente d’elle-même

Comme je vous le dit. La différence…

TOUS

Agacés

On sait ! On sait !

LA SOPRANO

Mais ce que vous ne savez pas,

C’est que la prose ne se chante pas.

RÍO

Savant

Elle se dit.

LA SOPRANO

Avec humour

Or, ça ne me dit rien.

LE CHEF DE GARE

Perplexe

En concluez-vous qu’on vous a payée pour… rien ?

LE SYCOPHANTE

C’est ce que je conclurais

Si j’étais à sa place…

LA SOPRANO

Digne

Mais vous n’y êtes pas !

Aussi, trouvez quelqu’un pour… dire.

LE CHEF DE GARE

Les conditions de l’arrêt technique

Ne permettent pas de… trouver…

(il se gratte le crâne sous sa casquette)

LE SYCOPHANTE

Nous n’avons même pas de souffleur.

LA SOPRANO

Hautaine

Qu’est-ce que j’y peux, moi ?

Je ne trouve pas, je chante.

(elle fait mine de sortir

mais Río la retient par la manche,

ce qu’elle accepte avec plaisir)

Avant j’étais une enfant

Et un jour je serai vieille…

RÍO

Si vous êtes venue ne pas chanter

Pour dire ça…

LA SOPRANO

Heureuse de pouvoir enfin s’expliquer

devant tout le monde

Avant je ne disais rien

Et ensuite je me tairai…

LE CHEF DE GARE

Trépignant

Je n’ai pas été formé pour ça !

(menaçant)

Quand on est payé pour chanter, on chante !

LE SYCOPHANTE

Et quand on n’est pas payé pour dire, on se tait !

RÍO

Découragé

J’avais pourtant écrit en vers…

LE SYCOPHANTE

Amer

Vous n’avez pas eu de chance…

LA SOPRANO

Caressant la main de Río qui la tient

Je peux rendre d’autres services…

Mais ce n’est pas l’heure…

LE CHEF DE GARE

Consultant son oignon

En voilà du temps perdu !

LE SYCOPHANTE

La prose perd le temps

Qu’il faut pour la dire.

LE CHEF DE GARE

Impatient

Cessez de vous prendre pour Sancho

Et de me traiter de don… (à la soprano)

Mais où donc allez-vous avec l’argent

De la Compagnie ?

LA SOPRANO

Parlant de Río

C’est monsieur qui y va !

Mais je ne sais pas où…

Posez-lui la question.

LE CHEF DE GARE

S’interposant

Où allez-vous, monsieur… ?

RÍO

Hilare

Mais c’est elle qui…

LE CHEF DE GARE

Péremptoire

Vous n’irez nulle par avec mon argent !

LA SOPRANO

Rieuse

Vous voulez dire « celui de la Compagnie… »

LE SYCOPHANTE

Se joignant au rire

…qu’il s’agit maintenant de fausser…

LE CHEF DE GARE

Outré

Vous voulez dire que… de dire…

Cela… cela sonnerait faux… ?

LA SOPRANO

Je ne me tuerai pas à vous le… chanter !

Tout le monde rit,

Sauf le chef de gare.

Il tourne le dos à la salle,

Mais on entend sa voix

Comme venue d’ailleurs :

Je ne sais pas comment Verdi s’y prenait

Pour ne pas trahir son librettiste…

Mais je ne connais pas la musique,

Ce qui explique bien des choses.

(à la soprano, qu’il supplie à genoux

tandis que Río l’entraîne côté jardin)

Je ne vous demande pas de rembourser.

Ce n’est pas à moi de le faire (hésitant)

Enfin… je crois… (lui arrachant le feuillet

des mains qui semblent se transformer

en oiseaux, ce qui ravit Río) / Voyons

ce que ça…

LE SYCOPHANTE

Triomphant

…dit !

LA SOPRANO

Caressée

Il ne manquerait plus que ça ne dise rien !

RÍO

Ou pas grand-chose de nouveau…

LE SYCOPHANTE

…comme cela arrive avec la prose…

LA SOPRANO

…quand on n’a personne pour la…

LE CHEF DE GARE

Déprimé

…dire !

Jeux de lumières.

Comme on voudra.

Le vieux poste de radio est remplacé par un écran de poche.

Río dit qu’il a mal, mais il ne sait « pas où » ?

Il va de l’un à l’autre,

Comme s’il venait d’entrer pour la première fois

Dans une institution qui sait où il a mal.

On lui lance un journal.

Il se rappelle :

C’était « il y a pas si longtemps que ça » /

Il dit « on était jeune /

— qui ça « on » ?

— blanco et moi /

— qui d’autre en effet… ?

— lisez !

Il lit

/ ou fait semblant :

« redeviens normal, papa ! » répétait-il sans se lasser et papa se laissait faire. les mains de blanco passaient sur la peau flasque du vieux qui était allongé sur le ventre à même le volet arraché à ses gonds ancestraux. « je sais pas, vous (disait le vieux) mais moi ça me fait de l’effet. je crois que je vais changer.

t’as jamais changé. t’es toujours resté le même. maman…

elle est plus là pour me contredire ! laisse tomber !

et blanco continuait de passer ses mains sur la peau qui frémissait comme si cette histoire de fluide magnétique (ou autre chose) devenait aussi vraie que celle de l’existence de dieu racontée par des fous. j’en avais la chair tétanisée. j’étais assis dans le canapé avec des coussins dessous et une clope au bec, muet depuis qu’on ne me posait plus de questions. moi aussi je croyais que le vieux pouvait changer parce qu’il croyait que son fils était doué d’un pouvoir qui relevait de quelque puissance maléfique héritée de melmoth. mais pour l’instant le vieux ne ressentait rien qui ressemblât à un changement. ça devait se passer à l’intérieur de lui-même. ça commençait par une douleur et ensuite on se sentait mieux. blanco (avant de devenir musicien) avait expérimenté son truc sur moi. ça m’avait changé au point que j’y croyais plus. la douleur que j’avais ressentie était imaginaire. j’en étais devenu presque fou. j’étais sorti de là comme si j’y avais cru / à un moment donné. mais quel moment ?

ça va dit le vieux je ressens quelque chose que j’ai jamais ressenti…

c’est signe que ça vient dit blanco (qui l’avait déjà dit) / demande à río.

río n’est pas l’exemple à suivre grince le vieux.

il m’aimait pas à cause de ce que je savais. et aussi à cause de ce que j’avais dit. aux uns et aux autres dit comme ça pour être de la conversation. des fois on se sent si seul qu’on se met à parler / ou à écrire / ou à caresser un chien (un animal) en attendant que ça passe.

(ça va jusque-là monsieur l’éditeur ?)

bref on passait le temps à le perdre comme la plupart des gens qui n’ont pas de métier à opposer à l’ennui. et le vieux n’avait pas changé depuis quarante ans. il se souvenait d’avoir changé une fois mais ça n’avait pas été dans le bon sens / justement celui qu’il avait demandé à blanco de changer en s’activant sur lui avec ses mains héritées de la vieille qui était morte depuis aussi longtemps qu’on en avait envie.

et là ? dit blanco en tortillant ses mains d’une drôle de façon (si tu les tords comme ça dans une église on te prend pour un saint) / normalement tu devrais commencer à ressentir quelque chose…

genre quoi… ? j’ai pas tellement envie de souffrir parce que j’ai déjà mal et que ça me fait rien…

des fois ça vient de si loin qu’on se laisse surprendre et on se met à crier.

j’ai jamais crié / sauf après ta mère !

tu crieras si c’est comme ça que ça doit commencer !

ils s’engueulaient comme d’habitude. je fumais près de la fenêtre et le vent annonçait la pluie. c’est toujours comme ça à cette époque de l’année : on attend la pluie et elle vient. le jardin a l’air d’aimer ça et on se sent presque aussi joyeux que ses herbes folles. je ne sais plus quelle heure il pouvait être. on n’avait pas mangé avant de commencer. le changement du vieux s’était imposé comme la chose la plus urgente à mettre en œuvre. en bas la porte était fermée à clé / des fois que ça nous laisse le temps d’aller voir ailleurs si le don de blanco était une réalité ou un truc qu’on s’était mis dans la tête parce que sinon on se sentait aussi seul qu’on l’était. mais le vieux (pour l’instant) ne ressentait rien genre douleur qui arrive de loin (c’était comme ça que blanco en avait parlé) /

bref (dit le vieux) même si ça marche (ton truc) ça les empêchera de me demander comment j’explique ce qui est arrivé / des choses qu’on peut plus changer / mais est-ce que j’en ai envie ?

t’en auras envie lorsque ça viendra (ajoutant) de loin.

je veux bien le croire (continue le vieux) mais ça changera quoi si c’est ça qu’ils veulent.

ce qui est fait est fait décrète blanco et il multiplie les passes et moi je regarde l’espace entre ses mains et la peau inerte et je vois pas comment c’est possible sans au moins un signe. dehors il pleut. mais sans vent maintenant. comme si le vent laissait la place à cette eau tombée du ciel par principe. qu’est-ce que j’attendais ? le vin commençait à me donner des idées que je n’avais pas avant qu’on commence (si je puis dire qu’on a commencé ensemble le vieux blanco et moi) /

ferme la fenêtre ! ça me refroidit !

je ferme la fenêtre. je me supprime la pluie tranquille. elle se met à battre les carreaux. les arbres sont immobiles. la lumière n’a pas de sens. temps d’orage. ça va venir. j’aurais alors peut-être perdu conscience.

ouais c’est ça ! dit le vieux. on perd conscience et ça recommence alors qu’on avait l’intention de changer. tu parles si j’ai essayé ! plus d’une fois ! mais c’est la première fois que…

il frissonna soudain. quelque chose arrivait. il croisa le regard savant et inquiet de blanco qui maintenait le rythme. ma fumée les rejoignait mais ça les gênait pas. ils étaient concentrés autant l’un que l’autre. ne disant rien parce que ça arrivait. de si loin qu’il n’y avait plus de mot pour en dire quelque chose de sensé. c’est ça le vrai silence. celui qui se tait. avec une bonne raison pour la fermer. mais moi j’avais envie de parler. comme au comptoir avec les potes. les soirs d’été comme en hiver après le boulot. des conversations qui me revenaient comme si elles étaient d’hier alors que le temps avait passé pour les changer en scène à faire. le vent secoua brièvement les carreaux. pas un insecte pour fuir. l’eau dégoulinait en traces rapides. ça me filait le mouron. pourquoi j’étais venu ? en quoi ça me concernait que le vieux change ou pas ? je crois pas que blanco m’eût invité à assister à cette séance où le fils est censé changer le père. je savais tout des raisons qui s’imposaient à l’esprit de l’un et de l’autre. mais en quoi j’étais concerné ? j’ai pourtant jamais su que bavarder avec les autres. le nez dans un verre pour y trouver les mots. ya jamais eu de mots dans un verre / même plein !

ça y est ! dit le vieux. je ressens quelque chose.

ça ressemble à quoi dit tranquillement blanco qui perdait pas le nord.

ça picote… (le vieux sombre d’un coup dans l’inquiétude) ça doit picoter… heu… d’après toi… ?

ça dépend des gens, explique blanco. río, lui, ça le picotait pas (j’en tremble) mais ça l’a pas empêché de changer. regarde ce qu’il est devenu…

le vieux ne me regardait pas. je fumais dans leur direction, presque méchamment. le vieux dit :

ça lui faisait quoi si ça le picotait pas ?

faut lui demander.

mais le vieux ne me parlait plus depuis longtemps. j’avais été le premier au courant. il m’en voulait d’en avoir parlé aux autres avant de le consulter. après tout, ça me regardait pas, ce qu’il faisait ou ce qu’il ne faisait pas. il avait dit aux flics qu’il finirait par me tuer. et quand il est sorti de taule il est pas passé à l’acte. les flics se fichaient de ce qui pouvait m’arriver maintenant qu’il avait payé sa dette. mais je dois avouer que pensant longtemps j’ai pensé à me mettre à l’abri, voire à quitter les lieux. je sais pourquoi je suis resté. c’est l’essentiel.

on peut changer en bien ou en mal, dit le vieux qui frissonnait. faut avoir vécu les deux pour en parler. je suis un sacré témoin. ils vont me questionner pour en savoir plus.

ils savent rien dis-je en soufflant ma fumée sur sa nuque embroussaillée.

que tu dis ! (colère du vieux / mais vite calmée par un nouveau frisson)

vous feriez bien de parler d’autre chose si vous voulez que j’y arrive !

moi : j’ai rien demandé… je suis venu parce que tu…

qui ne le savait pas ? il y avait du monde chez popol. ça circulait. j’aurais donné cher pour transcrire ce flux. conscient que j’étais que la page ne peut pas contenir cette marée constante. et puis j’en étais le personnage. j’avais un nom. un métier. une utilité. et même une femme. il ne me restait plus qu’à lui faire un enfant. c’était en discussion. le vieux interrompit ma réflexion :

ça fait au moins trois minutes que je ressens plus rien.

je me suis déconcentré à cause de río qui…

une averse maintenant. le jardin disparaît derrière les gouttes écrasées. plus d’arbres nus. plus de feuillages non plus. le martellement de la pluie sur le toit. ça m’a toujours donné envie de m’endormir pour toujours. ne jamais revenir. en tout cas pas au même endroit. celui qu’on a toujours connu. mais faut sortir, même sous la pluie, et malgré le vent et l’orage, pour tomber sur autre chose. ça ne se rencontre pas au bout de l’allée. même la rue est peu propice aux trouvailles qui changent l’existence en vécu. pas besoin de passes magnétiques pour ça. ni de flic pour en savoir plus sur ce qu’on sait déjà. j’allumai une autre cigarette. la nuque du vieux frémit. il était tout à moi, je le savais. il ne tourna pas la tête une seule fois vers moi, histoire de mesurer l’importance que je prenais dans sa vie, celle qui devait recommencer sous les mains de blanco.

si j’avais su… commença-t-il.

blanco eut une contraction au niveau du regard. mais ses mains ne paraissaient pas en être affectées. elles suivaient la procédure avec une minutie d’araignée au travail du plafond.

si j’avais… dit le vieux puis :

si…

puis plus rien. comme s’il me laissait la parole. je croyais que la pluie deviendrait assourdissante. j’attendais qu’elle le devînt. j’avais cette patience. depuis l’enfance, je suis patient. jamais un signe de hâte en regard de l’attente. comme si je savais que ce qui doit arriver arrive de toute façon. le vieux était d’accord avec moi sur ce sujet. il avait agi parce que « c’était écrit ». par qui et pourquoi ? il n’en savait pas plus que moi sur cette question. mais maintenant, une fois de plus, à vingt ans de distance, on allait lui reposer la question. et dans les mêmes conditions. la même loi qui s’en prend à celui qui ne respecte pas le corps d’autrui. on n’a vraiment pas le droit d’en faire ce qui nous chante. et ça chante si bien si on y pense. et puis vous savez ce que c’est une averse : ça s’interrompt sans explication. le soleil perce le ciel et ses rayons viennent jouer avec les gouttes descendantes. le vieux s’impatiente :

ça va bientôt finir ? avec ta mère : ça durait jamais plus que ce que je pouvais supporter sans la remettre à sa place.

vous n’oseriez pas agir de la sorte avec votre fils, dis-je.

si j’oserais ? j’ai tout osé dans ma vie. et j’ai gagné si souvent que ça m’a encouragé à recommencer. ah ! bon dieu ! recommencer !

vous n’oseriez pas !

ferme-la, río ! grogne blanco.

toujours pas d’étincelles sous ses mains. la vitre est froide. sans insecte. l’été, ils sortaient de dessous les meneaux. les voici en chasse ! quel plaisir d’écraser les plus lents, les moins propres à vaincre mon imagination !

je la fermerai si je veux !

le genre de réplique qui installe le silence. on n’entend plus que les craquements de la couchette où le vieux donne des signes d’abandon. il en veut plus, de ces « simagrées ». il ferait mieux de fuir avant que les flics s’amènent. ils viendront. c’est décidé comme ça. le temps pour eux de se souvenir de cette barraque où il a connu les dangers de l’enfance.

bon dieu ce qu’on était pauvre ! et à peine français…

je revois ça moi aussi. à trente ans de distance, la même histoire. le même personnage qui sort pour jouer et qui revient au nid pour avoir peur de sortir. la solitude. c’est gagné d’avance. la question de savoir qui a joué à notre place (à la place de l’enfant qu’on redevient de temps en temps) ne se pose pas. du moins pas en termes aussi clairs. toit et feuillages des ciels. non : c’est pas au bout de l’allée que ça se trouve. l’angoisse rencontre un corps et ça recommence.

blanco, découragé :

quelque chose se passe qui m’empêche…

le vieux : c’est río. pourquoi est-il là ? il est toujours là ! j’en ai supprimé pour moins que ça. le tour du monde que j’ai fait ! et en moins de temps qu’il faut pour écrire un roman destiné à l’éducation républicaine !

tu délires. c’est toi le problème. pas río.

tu l’as toujours pensé, fiston. et ça a tout foutu en l’air entre toi et moi. j’aurais pas dû revenir de là-bas…

les voyages. on en parlait pas plus tard qu’hier. (c’est moi qui parle, une fois de plus)

avec qui que t’en parlais, foireux de bavard !

le vieux montre son poing sans se retourner :

si je le tenais…

ce que tu tiens, c’est un billet pour les assises.

il mourra derrière les barreaux (c’est moi qui…)

je mourais pas sans toi, río !

le vieux se met à rire. ça le secoue. les mains de blanco s’immobilisent. je vois les étincelles. ou ce qui y ressemble. nouveau récit.

des fois je me demande… commence le vieux.

tu te demandes quoi… ?

si je suis vraiment parti… et pourquoi je suis revenu. là-bas, on me demandait rien. quel que soit leur âge… j’en ai fait, des promesses de mariage !

tu as toujours su mentir. autant que je me souvienne…

tu étais un enfant. et je n’étais pas là pour jouer.

je jouais seul.

la tragédie de blanco : l’onanisme. j’en ai ri. mais jamais devant lui. je n’en parle jamais, même devant un verre offert. on me tire pas les vers du nez aussi facilement.

regarde voir s’ils arrivent au lieu de dire n’importe quoi !

la pluie avait cessé. le vent caressait les feuillages et les haies. le portail était resté ouvert. on ne l’entendait pas grincer. la rue était masquée par les laurières. on voyait des toitures, des éclats de fenêtres, on entendait des voix, si lointaines qu’elles semblaient habiter un autre monde.

tu crois vraiment à ce que tu dis ?

à quel sujet… ?

l’autre monde… si près d’ici. mais pas facile à distinguer d’ici même.

je sais qu’il n’y en a plus pour longtemps. c’est tout ce que je sais. pour le reste…

j’ai déjà vécu ça, dit le vieux. mais là-bas, on me foutait la paix. pas une question, rien ! je rembarquais et ça recommençait plus loin. on s’habitue à ce rythme. on en oublie qu’on a un foyer quelque part. j’ai pris la plume quelquefois. c’est dans le sang des voyageurs, le blog.

une date (quelconque) — vu la baleine bleue à l’endroit même où c’était écrit dans le roman. émerveillement de tout l’équipage. les photos circulent à travers le monde. en moins de temps qu’il en faut pour le dire. et même le penser. nous avons subi la même transformation que le vaisseau : le moteur est en nous maintenant ; le vent et les courants n’ont plus d’importance.

le vieux se marre :

vouais ! c’est moi qui ai écrit ça. et j’étais pas aussi jeune que vous l’êtes maintenant que je suis vieux. continue, fiston, je sens que ça vient.

je sais pas, papa… j’ai perdu le fil. j’ai plus la… passion.

tu la retrouveras quand ils viendront me chercher. ça s’est déjà passé comme ça. souviens-toi.

j’étais un gosse ! et puis maman était là. (amer) elle me manque tellement !

tu ferais bien de penser à autre chose. le moment est mal choisi… à une heure de mon arrestation.

une heure ? (c’est moi qui…) comme si vous pouviez le savoir…

ça s’est déjà passé comme ça. ça va recommencer.

furieux, mais sans se retourner vers moi :

ça n’aurait pas dû recommencer !

ne t’agite pas, papa ! ça sert à rien. j’ai perdu le contact avec ta chair. c’est inutile de continuer. río ? sers-moi un verre. j’en ai besoin.

j’en ai besoin moi aussi (dit le vieux).

et on recommence. on est bien parti quand les flics arrivent. ils entrent par le portail qui est resté ouvert. ils gravissent les marches. ils ont progressé sans les précautions d’usage, armes à la main. la porte d’entrée couine. les pas sur le lino du corridor.

vous êtes là ?

derrière la porte, oui. tous les trois immobiles et l’un contre l’autre. mon oreille est collée à la porte. blanco regarde ses mains. le vieux se frotte les yeux.

qu’est-ce qu’ils savent ? dis-je à voix basse.

tu le sais bien, ce qu’ils savent, collabo !

peut-être qu’ils ne savent rien, suppute blanco en regardant ses mains.

ils en savent assez pour entrer dans la maison sans y être invités !

je n’ai pas tout dit… (c’est moi qui révèle)

le vieux me regarde comme si je venais de lui donner de l’espoir, mais il dit :

qu’est-ce que t’entends pas là… ?

c’est moi qu’ils viennent chercher.

le vieux n’en croit pas ses oreilles. il enfile sa chemise et la boutonne. blanco n’a pas l’air surpris par ma révélation. il croit peut-être que je suis en train de piéger son papa. c’est sur lui qu’ils sauteront dès qu’ils auront défoncé la porte. il ne voit pas d’autre issue à l’impasse qui nous interdit de penser autre chose que ce qui nous vient à l’esprit automatiquement.

tu crois… ? dit le vieux.

il serre sa ceinture, rentre les pans blancs de sa chemise, sort un mouchoir de sa poche pour s’essuyer les lèvres. qu’est-ce qu’il peut baver sans ses dents ! elles trônent sur la table de chevet. blanco avait prétendu qu’elles pouvaient interférer. un râtelier complet avec des traces d’or. « j’en ai mordu quelques-unes avec ça ! et exactement où tu penses. quelle mémoire ! »

 

Le monde à travers le verre / le disque brun

Qui danse sous les yeux de quelque témoin

Qu’on n’a pas invité / « Qui veut entrer ? »

La question a pourtant été posée / claire

Comme l’eau des fontaines et odorante

Comme les roses de ses environs / là-bas

On recommence « parce qu’on est fait

pour ça » / « si je n’étais pas venu vous

dire ce que j’en pense » / voici le temps

D’une halte entre les îles / « nous n’irons

pas plus loin » / « faites ce qu’on vous dit

/ et ne changez rien à ce qui est depuis

toujours » / malgré les vomissures noires

Et les pas qui ne laissent pas de traces /

« voulez-vous mon bras ou autre chose ? »

À Paris on éditait la prose de la poésie et

Ailleurs exactement le contraire : « esprit

provincial, va ! » / que faire si on y arrive ?

Qui ne possède pas le chat de sa pipe ?

Le vent se lève et chasse les nuages.

Le soleil éclaire les feuillages et les trottoirs.

Le quai devient glissant et des enfants s’amusent.

« Je ne sais pas si vous avez connu la ville

Du temps de sa splendeur… »

Les voix s’enchaînent.

Pendant le temps (infini) de ces conversations,

Le quai (et donc les voies ferrées) pivote

Et se met en perspective,

Révélant l’autre quai où

Quelqu’un (un homme ?) attend,

Bagage au pied et le dos tourné

Vers cette figuration de l’infini.

Porterait-il un chapeau

Qu’on ne changerait pas d’époque.

Chacun veut donner son avis.

Les sujets ne manquent pas.

Ils défilent en masse chiffrée.

On reconnaît des visages

Appartenant aux spectacles.

« Ce n’est pas la première fois.

Mais j’étais enfant en ce temps-là

Et j’aimais les ponts et les trolleys-bus.

Nous arrivions à bord de ce même train.

Je veux dire : le même horaire

Conditionnait les heures à passer ici

En attendant de revenir chez nous.

Avez-vous vous-même voyagé dans ces

 

Conditions

— Je ne sais pas pourquoi je suis venu.

 

Nous savions lire dans le marc de café.

Nous ouvrions les livres à la bonne page,

Celle qui démontre que l’autre a tort.

Que de procès pour alimenter le Temps !

La question de la beauté ne se pose pas.

Ni celle du péché, encore moins de sa

 

Rémission

 

Rien n’est mois durable que la douleur.

D’autres gravent les dalles sous nos pieds.

Que de rencontres sous les portiques !

Qui est qui ? Qui me ressemble ? Qui

es-tu ?

les idées à la place des signes

il rêvait de construire une tour

parfaitement verticale

au beau milieu de la fontaine

mais qu’est-ce que c’est beau

une fontaine !

Qui veut entreprendre pour exister

à l’endroit même

où rien n’existe ?

nous attendons : la tête pleine

d’idées gravées dans les dalles

entre la porte monumentale

et la crypte des souvenirs, roman

achevé-inachevable / qui veut

tenter sa chance à son tour ?

à Pise ou ailleurs en Amérique/

ces tours de passe-passe en jeu

comme dans un cirque qui revient

au même endroit au même moment

crucial pour l’enfance.

Dans le marc de café nos pas lents

Comme le cours de l’Histoire qui

Vient de se répéter avec la même

Voix / et un livre sous le bras pour

Pallier l’ennui qui s’annonce avec

L’orage : dernier mont qui s’achève

En cap et la mer concluant l’océan

Entre deux pays si différents !

Aux interstices le ciment de nos amours !

Les anecdotes et les evidences / séries

Dans la série des malheurs que le vent

Éparpillera finalement ou plutôt non :

Ce n’est pas une fin qui nous attend :

C’est l’oubli que toute cette solitude

Annonçait cigarette après cigarette

Sous le porche des gares / voici l’enfant

Qui aima l’enfant :

Un jour nous serons sûrs de ce que nous disons

Et alors tout ce qui ressemble à de la poésie

Sera de la poésie ou ne sera pas.

Gravé dans les dalles rouges de l’allée.

Les sentences avec les principes, seuls

Avec un bouquet de fleurs traditionnelles

Contre soi, amené là par on ne sait quelle

Idée qui s’était annoncée avec le vent

Au goût d’embrun / la pourriture bleue

D’une méduse / le ventre arraché d’une

Mouette / les écailles distinctes (clairement)

Des traces de coquillages / au fond de

Porcelaine distinguée les fantômes de

La prosodie abandonnée au profit de

La clarté ou soi-disant lisibilité du texte

En cours de formation / voyez (dit-il)

Comme je sais lire dans vos restes /

Moi qui ne sais rien de la société

En dehors des pratiques publicitaires

/ dans l’allée aux dalles tracées depuis

Longtemps cheminant en attendant

Que le roman s’achève par interruption :

La série n’aura pas lieu !

Mais qui aime que le jour n’annonce pas

Des joies que personne ne peut tempérer ?

Nous savons vivre dans les meubles de

Nos catalogues / livres ouverts/fermés

Par les doigts des fées ô berceaux de

Nos civilisations dans les vitrines des

Rues ! — Qu’est-ce qu’un livre sinon

La seule manière de le refermer sans joie ?

Le revoici en glissade sur le parquet

Du théâtre que la rue angulaire par

Définition rejoue une fois de plus :

Qui veut des couleurs ? Qui veut

Revivre la scène ? Qui veut ce que

Tout le monde veut ? Qui prétend

Inventer au lieu de recommencer ?

Dans le marc de café, assis l’un en

Face de l’autre, avec dans le dos

Les passants inutiles, l’étendue

Bleue de la mer et le triangle d’or

Des sables peuplés de cristallines

Facettes / ô anime des surfaces !

Que les mots redeviennent des mots !

Qu’on se retrouve par divination !

Alors que le fleuve (singulièrement

Étriqué par son estuaire) emporte des

Cadavres d’émigrés / pauvres corps qui

N’ont pas connu l’âme mais : qui ont

Manqué le train des futurs embarquements

Pour Cythère : ô prose mirifique des allées

Pavées de citations et de noms de famille !

Dans quelles conditions ces retrouvailles ?

Une fois la mort passée par là, sommaire

Mais sans énigme, parfaitement identique

Aux conditions du texte : passage des cafés

Sous prétexte d’orage : une après-midi

D’été : le vent porteur de bonnes et de

Mauvaises nouvelles : comme d’habitude

Les premières gouttes : hésitantes mais

Prévenantes : trouant la poussière des

Surfaces ici en jeu : qui sommes-nous

Si nous ne continuons pas ce que nous

Avons commencé ?

Au café tintant

La porcelaine précieuse et recherchée,

Chapeaux fleuris et plis de lumières,

Conversation pour redire ce que nous

Savons depuis longtemps, un peu de

Poésie aux entournures, voyant la marée

Recommencer ce qui ne s’est pas achevé.

Comme la nostalgie n’a plus d’importance !

Des noms de famille en creux de burin !

Des ors délavés par les orages têtus !

Les feuilles arrachées aux printemps !

Et finalement cette solitude qui laisse

Des traces de coups portés dans la pierre.

 

Je reviendrais après l’automne.

Je ne conçois pas d’autre hiver.

Quel rêve de printemps menacera

Ma folie ? Je n’en sais rien, Río !

 

Qui aime l’été se perd en route.

Le galet ne parle pas notre langue.

Mais qui parle à notre place, l’été ?

Je ne sais rien de ma folie, Río !

 

Nous ne lisons pas, sauf pour trouver

L’inspiration / nous n’écrivons pas

Si écrire c’est manquer de temps.

Vois comme je perds mes feuilles,

Dit l’arbre qui ne perd rien à attendre.

 

Après l’automne traversé comme

Une métaphore facile à retrouver

Au fil des lectures, chaque jour est

Un personnage perdu pour toujours,

À même les planches,

En pleine lumière.

 

Río, je ne t’ai pas rencontré ici.

Tu me suivais depuis longtemps.

Je ne me suis pas retourné à temps

Pour renouer avec la conversation

Des enfances hypothétiques.

 

Quelle promesse que le passé !

Mais le présent n’a pas le temps.

Les heures ont trop de futurs

En elles.

 

Métamorphose du train de l’enfance

En bateau qui ne ressemble à rien

Tant la mer est un lointain présage.

 

Oui, oui, nous savons lire dans la porcelaine bleue

Que le soleil fait miroiter dans nos rêves.

Nous avons assez de vocabulaire pour imaginer

Les futurs voyages de l’humanité.

Gloire à qui veut entendre ces cris d’amour !

N’imitez pas l’interprète qui revient.

Oui, oui, oui ! Toujours en phase prémonitoire !

Au café à Paris ou dans sa Venise.

Les traces qui laissent penser que cette comédie

Ne se joue pas que pour des fous.

Nous avons tout l’hiver pour y penser, ensemble.

À l’hôtel les moineaux jettent un œil

Indiscrets à travers le carreau déjà mouillé.

Ou bien ne comprennent-ils pas

Cette invisibilité de façade.

Petits pas dans les grands.

 

Oui, nourris de passages entre et sur les noms.

Avec l’écho dû aux caractéristiques de cette

Architecture venue de loin pour nous visiter

Encore et encore ! Au ciel la reproduction

(à une échelle qui reste à déterminer) du

Bateau (ne dites pas navire) qui emporta

Nos rêves bien au-delà ce que qui (hélas)

Se laissait encore rêver / à cette époque

De livre refermé pour toujours à la page

Des réminiscences / catimini (on ne se

Lassera pas de le répéter) / ni joie ni jeu

/ loin de toute prévision / hiver après hiver

/ dans le regard des plus anciens / cette

Folie qui ne dit pas son nom / au seuil

Agissant sur les potentiomètres / verre

Pas loin de soi / Quel soleil ces degrés !

Comme si la femme n’était que l’accessoire

Et le désir une récompense héritée des dieux.

Oui, penchés sur les grimoires de cuir, vieux

Et sans doute fatigués, mais voués à l’éternité

Que l’infini laisse encore supposer / vous êtes

Nos hôtes et nous écoutons vos chansons /

Aussi vieilles soient-elles.

Plus loin jouent les enfants,

Comme si nous n’avions pas

Vieilli / pas plus loin que la

Fontaine qui abreuve encore.

Pendant que la page éternise

Un moment de sa copie dans

L’étrange dureté de la pierre.

Les barreaux sont rouillés, la chaux écaillée,

La porte sans porte, rose toujours du seuil,

On y reconnaît la craie qui laissa sa trace

Pour imiter ce qui se chantait, comme je

T’aimais ! Sans rideau la fenêtre est l’absente.

Bris des conversations habituelles plus que

Saisies de traditions qui n’ont rien perdu

De leur sens, certes, mais qui datent ce jour

Avant la nuit qui tombera cette fois pour

Toujours. Nous aimions les tombes et les

Allées. L’eau du barrage ponctuait le silence.

Qui est-ce ? Si lointain et pourtant si proche

De nous ? Ne réduisant pas la distance mais

Lui donnant son nom. « Comme si c’était

À moi qu’il parlait. » Nous le vîmes (dit le

Blog en question) plonger du haut de la

Tour de guet puis s’envoler vers la mer

Comme s’il y habitait ou qu’il était hanté

Par elle. Plus haut encore les restaurants

Sentent bon la truite et le jambon. Gloire

À ceux qui ne sont pas revenus pour être

Ce que nous sommes nous-mêmes devenus !

 

J’voudrais pas vous embêter avec ça,

Mais cette chose m’appartient de droit.

Ne lui donnez pas mon nom si ce que

Vous voulez n’a rien à voir avec ce que

Je suis.

 

Cette tragédie d’acte en acte ressemble

À un voyage en mer en compagnie des

Plus riches d’entre nous (qui sommes

Pauvres ou peu s’en faut) / Poeta, dime

Si me equivoco / couteau des parturitions

Sur l’horizon ainsi peint un jour d’orage

En un autre pays / j’voudrais pas, voyez-

Vous, vous ennuyer avec ce que je

Possède, mais si mon nom efface

Celui de cette terre, alors prenez-

Le et ne revenez pas avant l’été

/ disait-il : nous ne comprenions

Pas. Les poètes, voyez-vous, sont

Différents de nous : le verbe y

Pousse comme l’herbe entre les

Pierres de nos adrets : Égypte des

Phénomènes touristiques : peau

Arrachée à son cri / je vous disais :

C’est à moi, mais prenez-le, comme

Si vous finirez par le posséder :

Je vous le dis : je n’ai pas vécu !

 

Étrangeté des poèmes d’eau.

Vous finirez par m’aimer comme

Je vous aime / comme je regrette

De n’avoir pas suivi le chemin

Tracé par mon père ! / comme

Je suis fatigué de m’entendre !

 

L’eau descend avec ses fleurs.

La pierre rénovée des chemins

Tracés pour ne pas se perdre.

Les cassures des angles morts.

Les usinages retrouvés par hasard.

Comme je suis fatigué, mes amours !

 

Où finit l’eau je m’achève en terre.

Je suis déjà venu ici, mais par la voix

De je ne sais plus quel poète mort

De ciel et de terre / sans saison

À la clé : sinon le cœur ne bat plus.

Des racines deviennent épithètes.

Et je reviens sur ce que j’ai dit.

 

L’eau ne s’arrête pas en chemin.

Poursuivre la feuille morte ou

La lettre perdue ne sert à rien.

Les traces ne figurent plus au

Programme : nous sommes morts

Tous les deux / à Grenade morts

Sans éternité ni mots pour le dire.

 

Le soleil laisse tomber ses faux

Présages dans le fond de la tasse.

Qui est-il, si proche et si lointain ?

Si jeune et si vieux ? Qui peut-il

Être maintenant que l’eau suit

Nos propres traces ? L’eau des

Murs et des arbres / citerne

Profonde des sièges meurtriers

Comme la poésie les aime !

Sais-tu

Au moins

Où tu te

Trouves ?

 

Vous embêter ? Oh non, pas moi !

Je n’ai plus le cœur à l’ouvrage

De nos chants ! Je donne mais

Je ne reprends pas. Je suis ce

Que vous voulez que je sois !

 

Ainsi poursuivant les scorpions blancs.

Dans un sens ou dans l’autre, poursuite

De ce bonheur d’exister sans langage

Sous la langue, assassiné par le soleil,

Sans mythe en guise de clé, ni amour

Pour en écrire l’amnésie séquentielle.

 

Tenez ! Je vous le donne. C’est de bon

Cœur ! Prenez-le et continuez de rêver

Que vous n’êtes pas venus pour le prendre.

Ici, les rues sont des coups de crayons.

Et les chants des rideaux au vent des seuils.

Qui passe ne fait que ça ! Yeux pris au piège

Du marc. Ainsi naît l’angoisse qui ne quitte

Pas sa matrice. Prenez et ne me demandez

Pas pourquoi. Nos pays sont ennemis !

 

Oui, oui, bien sûr : on écoute même si la langue

Nous est étrangère : on reconnaît les accords.

Masques festifs sous les orangers de la mosquée.

La terre est la même pour tout le monde.

L’eau est l’eau et le soleil le soleil. Pas moyen

De changer la pluie en roman de gare !

Comme la poésie est poésie quand ça y est !

 

Nous lisons aussi bien que les autres / ressacs

Des marées hautes à fleur de rocher / lamparo

Des nuits denses comme le sens à donner aux

Choses qui n’ont pas lieu / ce qui est donné prend

Un sens : et nous entrons pour accepter de boire

L’eau du puits / comme l’enfant est enfant si

C’est l’heure ! Chanson des rois et des reines.

Qui invente ne ment pas. Conditions et rémission.

Martèle dans la pierre des chemins, jours et nuits.

Ne sait plus s’il a chanté ou si le silence l’a emporté.

 

J’voudrais pas vous embêter.

Mes amis, c’est une tragédie.

Je ne sais rien d’autre de la vie.

Et pourtant j’en ai bu, des verres !

J’ai suivi le chemin de mes pères.

Quelle mère ne s’en souvient plus,

Morte qu’elle est, et pour toujours !

Redevient enfant qui ne veut pas

Mourir de cette façon, tragiquement.

Mais je ne suis pas celui qui meurt.

J’ai toujours eu l’âme d’un valet

Et je l’ai gardée comme mon bien.

Voilà ce que je vous donne ce soir.

Prenez et sortez ! La rue est pleine

De gens parce que c’est la nuit,

Sinon ce ne sont pas des gens !

J’ai le pop-corn facile ce soir.

Les mots me viennent à l’esprit

Comme l’eau des toits, tributaires

De vos pluies, et elles sont versatiles

Hors saison. Vous embêter, non !

Je n’ai pas la gloire en nœud.

Je regarde mourir les coulisses

Et renaître le souffleur mort

D’hier et même d’avant-hier.

Pour moi pas de pluie sur le crâne,

Sans pébroque ni suroît, ni

Prestige (cela va de soi), ni

Voiles toutes dehors / je suis

Ce que vous voulez que je sois.

Mettons que je ne m’appelle pas.

 

Comme c’est difficile quand c’est facile !

(dit-elle un peu naïvement) Et plus c’est

Facile, moins j’y crois ! (rit-elle enfin)

 

Quelle tragédie je suis en train d’écrire !

Et ce n’est même pas la mienne ! (dit-il)

Si encore nous respirions le même air…

Mais nous ne parlons pas la même langue.

(oui, oui, c’est la même langue mais nous

N’en pratiquons pas les mêmes signes)

Gloire à ceux qui n’écrivent rien pour écrire !

Nous irons à Venise saluer le petit lion marrant.

Ou nous n’irons nulle part histoire d’y aller.

Nous aurons des conversations éclairées

À propos de l’eau, de la terre et des migrations

Qui compliquent les vécus.

C’est déjà arrivé à mon père.

Dire que je ne sais rien de ma

Mère et tout (peut-être) de toi !

Qui sait écrire sait ne pas écrire.

Rêvez d’être le premier

À la hune du seul encore

En vue de la dernière île.

Comme c’est difficile quand c’est facile !

Et comme les baleines sont bleues !

Les mots me manquent pour te dire à quel point

[il écrivait des lettres et les postait après l’apéritif]

Comme c’est facile d’être difficile !

Prenez ! Prenez tout ! Sans compter.

Sans revenir. Sans aimer mon pays.

Prenez ce que je donne, le marc, le

Café, la porcelaine bleue de Chine,

Le guéridon sous le soleil, son ombre

Portée, la vitesse des gens pressés

De rentrer avant la pluie, le théâtre

Où je vis de ne jamais en mourir !

Voyez comme il est facile de recommencer.

Un jour vous reviendrez

Avec ce que vous possédez.

 

Vous voyez. Et ce que vous voyez est ce qui arrivera si c’est écrit. Je ne vends rien, mais si vous aimez savoir ce que personne ne sait encore, un don, même symbolique, sera le bienvenu, car l’avenir n’est qu’un fragment du Temps. Lors de ma conférence (je vous ai distinguée parmi les autres), vous avez compris que je suis revenu d’un long voyage et que le Diable n’y est pour rien. Que diriez-vous d’une rencontre avant l’été ? Nous pourrions élaborer ensemble quelque projet d’envergure. J’ai ma petite idée sur le sujet. Et vous, ma chère… ?

 

Río ! Río ! Río !

Je ne suis pas venue pour ça !

J’ai pris sur mon temps.

Et tu sais qu’il ne m’appartient pas.

J’ai des obligations.

Ne me force pas à attendre.

RÍO

Tu dois de l’argent à la Compagnie.

Demande au chef de gare ce qu’il en pense.

Il se met à sauter à la corde.

C’est bien beau, la beauté et consort,

Mais j’ai envie de m’amuser avec toi.

Ne me demande pas de payer la Compagnie

À ta place : je n’ai pas un rond, et pas l’intention

D’en gagner si on peut appeler ça gagner !

L’homme s’approche.

Il porte une valise dans la main droite

Et son imperméable bleu sur son avant-bras gauche.

RÍO

Insolent

Ce n’est pas vous que je suis venu chercher…

L’HOMME

Qui pour l’instant n’a pas de nom

Ce qui ne l’a pas empêché de descendre du train

« en plein arrêt technique »

Je ne vous ai rien demandé…

Mais si vous insistez…

RÍO

Reculant

Mais je n’ai pas insisté !

L’HOMME

Jetant un regard circulaire

À qui parliez-vous ?

Il n’y a personne d’autre

Que vous et moi ici…

Río jette le même regard, mais avec angoisse.

Vous voyez ? Vous et moi.

Et bien sûr, ma valise.

Mais ce n’est pas une personne…

Bien qu’elle contienne tout ce que je sais…

(constatant le recul de Río avec un amusement non dissimulé)

Vous ne voulez pas savoir ce que je sais… ?

RÍO

De qui ? De quoi ?

Où sont-ils donc passés ?

Vous le savez… heu… peut-être…

L’HOMME

Mais je vois que j’ai interrompu vos jeux… solitaires.

RÍO

Pas si solitaires que ça !

L’HOMME

Pourtant…

RÍO

Lorgnant la valise

En tout cas vous n’en savez rien !

(méprisant)

Vous avez l’air d’un voyageur… de commerce !

Il n’y aura jamais d’argent entre vous et moi !

Je vous préviens au cas où vous vous imagineriez…

L’HOMME

Oh, vous savez, mon imagination…

Mais je n’ai pas imaginé votre attente.

Je suis sûr au moins de ça…

RÍO

Monsieur est sûr de ce qu’il ne sait pas !

En voilà un philosophe ! (craintif) Cette valise…

L’homme la soulève un peu, sans l’ouvrir.

L’HOMME

Tout ce que je possède y entre sans forcer.

Vous voulez voir de quoi il s’agit… ?

(regard circulaire)

Nous sommes seuls… Nous pouvons…

RÍO

Je vous ai déjà dit qu’il était trop tard.

L’HOMME

Mais je croyais être pile à l’heure…

Cet express n’est jamais en retard…

Ce n’est pas la première fois que…

RÍO

Hilare

Vous l’avez dans l’os !

Ceci est un arrêt technique.

Ce n’est pas la bonne heure !

Demandez au chef de gare.

L’HOMME

Vous oubliez que nous sommes seuls…

RÍO

Terriblement inquiet

Nous étions si nombreux tout à l’heure…

L’HOMME

Ironique

Mais était-ce la bonne heure… ?

RÍO

Je sais faire la différence

Entre la bonne heure

Et la mauvaise, rassurez-vous !

L’HOMME

Et bien dans ce cas, serrons-nous la main.

L’homme tend sa main,

Celle qui porte l’imperméable bleu,

Cette épaule s’abaisse un peu,

Ce qui hausse l’autre épaule

Dont le bras tient la valise.

Río observe ce manège avec une attention « soutenue »,

Sans cesser de regarder autour de lui,

Plus que perplexe…

Il ne tend pas sa main.

 

Peu importe (dit l’homme)

Puisque vous ne me connaissez pas

Comme je vous connais…

RÍO

Bondissant

Vous me connaissez ! (dites-vous)

Et je ne vous connais point (dis-je)

. Ce qui (continuai-je) importe peu,

En effet. Je n’ai pas de main dans

Ces situations…

L’HOMME

De quelle situation… ?

Río hausse les épaules, trépignant sans exagération.

Vous voulez dire : dans l’attente de quelqu’un…

Río secoue la tête de bas en haut comme un guignol.

L’homme finit sa phrase (enfin !)

…qui n’est pas moi (il réfléchit longuement)

…même si je n’ai pas encore de nom…

…dans votre tête…

RÍO

Bredouillant

Papa… ?

L’HOMME

Bien sûr que non !

RÍO

Impératif

Vous n’êtes pas ma maman !

Il tape du pied,

Ce qui déplace sa tête sur une épaule

(celle-ci au choix du spectateur)

Et fait pencher celle de l’homme sur sa poitrine cravatée.

Río, se risquant :

Blanco… ?

L’HOMME

Dédaigneux

N’exagérons pas !

(un temps)

Si je vous dis que je suis ce que je ne suis pas….

RÍO

S’exclame

Iago !

L’homme rit et donne sa valise au porteur qui passe,

Mais que Río ne voit pas passer,

Ce qui a pour conséquence :

Il voit la valise s’éloigner toute seule !

La quittant soudainement des yeux,

Il se met à surveiller l’imperméable bleu.

L’homme dit :

Nous ne sommes pas au théâtre, mon cher Río.

Revenez parmi nous.

RÍO

Sans angoisse

Il en a été question, pourtant…

(un temps)

Mais à cette… époque… il y avait un train,

Une gare, son chef, le sycophante…

L’HOMME

Professoral

Le nécessaire sycophante (avec de l’écho dans la voix)

Sans lequel il n’y a plus d’Histoire / qui tienne !

RÍO

Mais il y en a une !

Je suis même venu ici pour la raconter…

L’HOMME

Joyeux

Ah ! Vous voyez !

RÍO

Se grattant le menton

Comment fait-elle pour… ?

L’HOMME

Courez-lui après tant qu’il est encore temps !

RÍO

Schizophrène

Je n’ai jamais couru après une…

L’HOMME

Pesant

Dites le MOT ! Ça vous fera du bien.

RÍO

Grinçant

Arrrgh ! Le dire, ce serait :::

L’HOMME

Encourageant

Val… Val…

RÍO

À genoux

Mais bon sang de merde de Dieu ! QUI

Êtes-vous ?

L’HOMME

Didactique

Avant, j’étais…

RÍO

Interrompant par coup porté sur le nez

Certainement pas une valise qui…

Son poing semble rebondir sur le nez de l’homme

Et par un effet boomerang

Écrase le sien

Qui se met à saigner.

Il voit le sang :

Vous m’avez fait mal, espèce de… !

L’HOMME

Riant

Le Mal est toujours un rebond.

Vous devriez le savoir, depuis le temps !

RÍO

Saignant comme un porc

…qu’on égorge vivant ! (criant comme un porc qu’on…)

Vous aussi vous ne savez rien !

La valise…

Il se bouche la bouche à deux mains,

Ce qui n’arrête pas le saignement du nez.

L’HOMME

Triomphant

Val… Val… VALISE !

Le mot valise par excellence !

Il contient tout ce que je sais…

(il laisse le temps attendre puis)

De vous, Río !

(qui tente vainement de boucher son nez,

mais il lui manque une main)

Je vous avais prévenu, Río :

(sentencieux)

Ça sera dur, très dur !

Et personne ne sait

(il montre le public)

À quel point ça l’est !

Il jette l’imperméable sur l’échine courbe de Río

Qui cache son visage et son sang

Dans ce qui lui reste de mains.

Puis, toujours plus solennel :

En cas de pluie !

Et il se met à courir après sa valise

Qui l’attend derrière le chariot du porteur

(qui n’existe pas)

RÍO

Voix étouffée

Je deviens fou !

(un temps ponctué de reniflements)

C’est la deuxième fois que je le deviens.

Et entretemps, je ne l’étais pas.

Blanco peut en témoigner.

L’HOMME

Disparaissant dans un tunnel

Nous ne sommes plus ce que nous avons été.

Je me souviens de cette ritournelle :

Nous ne sommes plus

Ce que nous avons été.

L’odeur des vieux sous la tonnelle (pour la rime)

Et le soleil dans les verres, joie

Des seins, comme si le temps

Avait quelque chose à dire

Avant même de s’esquiver

Entre le cercueil et les bouquets.

Comme il fait noir ici, après !

Un âne refusait d’aller plus loin,

L’échine sous les olives, pieds

Nus mon père ne voulait plus

Croire en Dieu ni à ses saints (pour la rime)

Et le chemin n’en finissait pas,

Entre l’adret en feu et la place

Où les cendres d’une vieille

Imposait encore le retour

De sa saison particulière.

Comme l’enfant est inachevé !

Et il le restera pour que la mort

Ne perde pas son sens.

Quel songe nous avons vécu,

Entre le seuil et le premier arbre !

Racine même de cette poésie

Qui retrouva le chemin mais

À l’envers, sans jamais retrouver

Ce qui s’est perdu à force d’aimer.

Les pieds nus de mon père sous l’âne.

Il ne chante plus maintenant, ni

À la gloire du soleil ni à celle

De Dieu ! Olives noires répandues

Sur l’asphalte nouveau, coulée

Chaude de science et de maladie.

De la fontaine sourdent des sirènes.

Ta robe sent la menthe sauvage.

Qui sait qui vient de mourir ?

Est-il venu le temps de le savoir ?

On pousse les enfants dans les rideaux.

J’ai tellement vécu cette itération !

Nourri mon âne plus d’une fois

Pour l’empoisonner une bonne fois !

La route étroite monte et descend,

Caprice des retours.

Ils m’appelleront Fleuve comme

Comme on désigne la mer.

Río écoute, saignant sans cesse :

Comme c’est obscur ce qui revient !

Et comme c’est clair le soir venu,

Le premier soir après bien des années.

Sous la tonnelle

La ritournelle.

L’odeur féroce des olives écrasées.

Le jet de sang avant la mort.

L’endroit exact, le même talus d’ocre,

L’asphodèle et le canthueso, les verts

Sans fin jusqu’à la mer, les noms,

Les possibles, les douleurs cachées,

Même la haine n’y peut rien.

Pourquoi ne pas chanter au lieu

De poétiser ?

Au piano mal accordé, tes mains.

Au pentastyle les bécarres.

La fenêtre parle cet idiome ancien.

Écoute avant de quitter la rue.

De t’envoler vers d’autres paysages.

De changer de théâtre.

Quel âne rue devant la porte ?

La pierre en témoigne encore.

Le dé ne compte pas jusqu’à cinq.

Haleine qui porte chance.

Avec l’odeur de ta menthe bonne.

En vitesse les fuites nocturnes.

Trop vite la fin du rêve en vérité.

Sifflet de locomotive avalée par tunnel.

Seul, Río arrache une guitare à l’espace.

Elle commence par crier au viol,

Puis elle lui avoue qu’elle ne veut pas mourir.

BLANCA

Sous forme d’une belle femme

Comme tu me joues, Río !

J’ai l’impression de mourir.

Je ne dis pas que tu me tues,

Mais ce moment est d’injustice.

Je t’ai vu naître un jour d’hiver,

Au capricorne d’un samedi.

La nuit achevait de mentir

Et le temps n’était pas au beau.

Tu ne peux pas te souvenir,

Car la nature est ainsi faite

Que l’enfance ne voit le jour

Qu’à la mesure du cerveau.

Mais la langue te nourrissait,

Déjà elle savait que toi

Tu n’irais pas au Paradis,

Mais dans l’enfer d’un autre jeu

Avec l’idée d’un autre dieu.

Moi je jouais seule sous l’arbre

Qui porte saisons et cercueils

Depuis si longtemps maintenant

Que plus personne ne se souvient,

Se souvient que l’homme n’est pas

Né d’un instant qui reste nul

Tant que la mort ne l’a pas dit.

Ô roseau des jardins secrets !

Calame dur des papyrus !

Personne pour en témoigner.

L’heure était aux croissances pures.

Mes accords fuyaient le silence,

Mais on n’entendit pas mon cri.

Tu composais dans leur machine,

Tu animais les choses mortes,

Tu te mettais à les aimer

Et tu savais les posséder

Pendant qu’ils gardaient leurs troupeaux.

Que le poète ne naisse plus

À l’endroit même où il écrit

Ah ce jour n’est pas pour demain !

Une dominante et c’est mort

D’avoir poussé le dernier cri.

Pas de berceau plus infrangible.

Et la mémoire n’en sait rien !

À l’Oriental les neiges vaines !

La terre n’a pas ce souci.

Pas même la roche en sa mer.

Que tes doigtés le reconnaissent !

Faits l’un pour l’autre ô pourquoi pas ?

Que le quatrain de nos coplas

Enferme la rue dans sa crasse !

Mais que la voix de cet enfant,

Ô cire de nos goutte-à-goutte,

Trouve le jeu de la main droite

Avant que la peur n’y pourvoie,

Mère de tous les rendez-vous

Avec les limites du temps !

Tu finis toujours par jouer

Pour amuser la galerie.

Et moi blanche jusqu’à l’aubier

Je meurs pour ne pas t’ennuyer.

Mais que ce jour n’arrive pas

Au moment de la nuit obscure !

Que l’aurore soit le point d’orgue

Et le rideau sa déchirure.

Je te le dis : « Encore toi ! »

Toi et toujours la même instance,

Entre le lieu et l’écriture !

Ce qui se joue n’a pas de sens,

Mais que c’est beau finalement !

Beau si je ne veux pas mourir

Et que je meurs avant la fin.

On n’entend plus rien

Que les bruits de l’orchestre et des balcons.

« Échos comme des papillons

Un jour d’été en plein soleil. »

Río se recroqueville, devient enfant,

Devient la fille de sa mère,

Fils de son père et mort d’avance.

Blanca se donne à son luthier :

LE LUTHIER

Quelque part

Tiens ? Qu’est-ce que je fous ici ?

J’ai hérité la maison de mon père,

Mais je ne me souviens pas de lui…

Je suis ce qu’il n’a pas été, sans doute.

Je ne vois pas d’autre explication.

Car comment expliquer cette fille

Qui sera mienne d’une façon ou d’une autre ?

Mon intérieur sent le copal, l’aspic, le vin.

Je ne suis que l’ouvrier de l’arbre.

Blanche chair aux fibres toujours naissantes.

La pulpe de mes doigts connaît le chemin.

J’ai acquis toutes les arabesques de la Tradition.

Et j’épouse la fille de ma rue.

Que d’enfants en perspective !

Depuis l’Égypte jusqu’à la France.

Depuis le premier jour jusqu’au dernier.

Mon tablier de cuir ne sort pas d’ici !

Mes cafés ne fument pas dehors !

Je vois passer aèdes et rhapsodes,

Depuis des lunes la même chanson,

Et si je ne crois pas ce que les autres croient

Je meurs d’angoisse à même le plancher !

Qui n’est pas le luthier de leurs instruments ?

Qui n’ouvre pas le livre qui contient tout

Si on veut bien y croire ?

Río sort du luthier,

Déchirant cette peau jusqu’au visage

Qui est celui de sa famille.

Il prend la guitare et joue.

Il n’est pas lui-même une fois de plus.

Fleuve parce que ma voix est un estuaire, dit-il.

C’est du moins ce que me disent les plus vieux,

Les seuls témoins du premier cri

Poussé entre les murs de la maison

De mon père.

Je me souviens parce qu’ils savent.

Et ils meurent les uns après les autres,

Comme si le silence s’expliquait ainsi.

Fleuve ou rivière, méandre ou estuaire,

Avec ou sans les éloignements marins

Par définition, me voici comme si je venais

De naître une fois de plus, las de l’ancien

Comme du nouveau, revisitant la Tradition

À fleur d’une guitare qui ne sait pas jouer !

L’endroit s’est vidé comme une bouteille !

Et je n’ai plus rien à boire, ô wasserfall !

Divers accords joués dans la Tradition.

Qui es-tu ? Blanco… ?

BLANCA

Minaudant

Tu exagères toujours !

RÍO

Nera… ? Je croyais que tu avais raté le train

Ou que tu n’en descendais pas…

BLANCA

Impatiente

…parce que

« Ceci est un arrêt technique… » / tu parles !

Tu ne veux pas savoir en quoi consiste cette technique ?

Parce que moi, je sais !

Mais il est peut-être trop tôt pour savoir ce qui est…

Et être ce qui se sait… malgré les secrets de famille

Qui eux : savent tout !

(lasse)

Laisse-moi jouer seule…

Avec le vent, c’est possible.

Ces tours d’argile m’inspirent

Toujours autant, filles conçues

Pour que le Paradis existe.

Ne me joue plus, n’invente

Rien que tu pourrais regretter

Avec la pluie des septembres.

Il est dit que la mort m’emporte

Avant que tu ne sois toi-même.

Laisse-moi jouer avec le temps.

Jouer avec ces lieux compliqués

D’Histoire et de Géographie.

Que la blancheur de mon cyprès

N’ait d’égal que le noir de tes nuits !

Comme nous sommes pauvres,

À l’orée de nos tristes forêts !

Laisse-moi jouer seule…

Avec la mer encore, ses reflets

De ciel sur la coque, la joie

Du plongeon, les mêmes fonds

D’un jour sur l’autre, plage enfin

Nue caressée par l’écume cristalline

De coquillage et de silex, ô Río !

Fleuve, tu n’existais déjà plus.

La mer ne te contient pas,

Tu n’y disparais pas,

On ne te retrouve pas sur le sable

Aux marées, nous ne savons plus

(disent-ils) si tu as été ou

Si tu seras encore / ¡Que lástima !

Río se redresse lentement.

La guitare est couchée non loin de lui.

Un rideau descend, transparent et léger.

Dans le fond, une porte naît.

Il dit : « Voilà ce que je voulais dire ! »

Sans conviction toutefois, lent et fragile.

Soit !

J’inventerai les témoins

Si rien n’est encore écrit.

Je mettrai à jour cette famille.

Et si je n’en viens pas,

Ô bâtard de la Tradition,

Je deviendrai l’Arabe

De ce qui se dira demain.

Soit !

Que revienne la vihuela !

Ô mains ! Ô archets !

Fille conquise au balcon.

Croisée des matins de rosée.

Ce qui se chante a toujours

Du corps, l’âme revient

À l’appel, et le jour se fait

Exactement comme il s’est

Défait, cyprès de nos jardins.

Soit !

Que l’autel saigne, que la table

De nos communions se couvre,

Que nos verres tintent, portraits

En sus, jambes dehors, bonheurs !

Sans montagnes, pas d’eau !

Ce qui manque finit par exister.

Quelle muraille n’a pas été conçue

Pour le plaisir de l’œil ?

Soit !

Les pieds sont pour la tombe

Et les mains pour s’en servir.

Río répète plusieurs fois ce distique.

Il en rit sans retenue.

La guitare (blanca) en résonne.

Il rit maintenant pour entendre cette résonnance.

Il demeure immobile.

Seul son visage est animé.

Tout y passe, très vite,

Et il se met à trouver le temps long,

Comme en témoignent ses pieds

En prévision du toro.

Blanca ! Nera ! Que sais-je encore

De ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas ?

Et pourquoi pas Blanco ? (il appelle) Blanco !

(il attend une réponse) Si je suis seul,

Qu’on me le dise !

Blanco ! Ou Blanca ! Nera ! Vous mes feux !

Guitare ! Île ! Personnage aimé jadis !

(angoissé)

Ça ne peut pas se terminer comme ça !

Pas si vite ! Pas sans rien ! Et là même

Où je ne suis pas l’auteur de mes jours !

(forte)

Que le temps vienne si je demeure !

(riant un peu)

Ou que je demeure si le temps ne vient pas…

(riant encore)

Pourquoi jeter un enfant aux chiens ?

Que me demande-t-elle depuis quelques jours

Que j’ai vu passer comme la vache les trains ?

(se souvenant)

Arrêt sur le seuil / soleil à sa place

Personne dans la rue / je devrais dire :

« ma rue » / personne pour contredire

Ce qu’elle a dit : mais qui si quelqu’un ?

Je ne connais pas le monde à ce point.

C’était hier ou peu s’en faut / après-midi

De feu / jaunes des sols et ocres des pentes

/ j’avais besoin d’un personnage et au lieu

De ça : me voici en compagnie d’une femme !

Et que contient la femme à part ceci :

L’enfant-fleuve qu’on ne retrouve pas

Une fois perdu : car tel est le roman /

Le père court après le fils (et non l’inverse)

Et à la fin le royaume est un royaume

Et l’arbre un vieux cyprès que le pauvre

Scie au couteau pour en jouer / poésie

Des chemins / son et lumière du feu

/ « bonjour aux hirondelles » / bancs déserts

/ vent tourné une fois de plus / Marre !

Río prend la guitare et en joue.

Elle se plaint encore, il n’y peut rien.

…mon cher, mon très cher frère (de sang et d’ailleurs) voici venu le temps de l’héritage avec ce que cela suppose de notaire et de voisinage sur rue le portail est maintenant fermé naguère encore on le franchissait sans appeler et la vigne descendait de la toiture anarchique frondaison des printemps obscurs où nous a enfermés la tradition familiale / je me souviens que tu hésitais entre poésie et roman : sujet de toutes les conversations l’après-midi en attendant le repas qui mijotait dans la cuisine au rideau de vent et de poussière / cueille l’orange une fille voisine ou intimement liée à ces souvenirs d’un autre temps où le temps se mesurait en mémoire partagée d’un commun accord : de sang et cet ailleurs que tu as oublié : dont tu as oublié les détails : ne retenant pour ta page blanche que l’action fil d’Ariane en vue d’une conclusion qui ne soit pas la mort : la tienne si je n’ai rien oublié moi-même de cette attente-fringale douleur casanière travaux des pentes où croît le « serpent blanc » qui visita plus d’une fois la chambre au plafond ouvert (en été) / nous avons oublié (toi et moi) les pluies des ravins des sentiers des rues des murs bleuis par cette soudaine transparence : ou plutôt tu m’expliquas (j’étais le plus jeune des deux) que cette distance n’est pas celle que mesurent les yeux / « il faut que j’écrive ce roman ! » mais la poésie des lieux emportait avec elle les anecdotes et le sang qui n’a jamais coulé : qui s’est figé dans les veines toujours : qui hérite une fois liquéfié pour un temps que nous appelons (toutes civilisations confondues) existence / nomme-la une bonne fois pour toutes et : qu’on en finisse avec cette fraternité qui n’a plus de sens — ton [ici le nom]

Et posant la plume sur la surface maintenant souillée

Il regarde le carreau sec et poussiéreux / « nous ne

sommes plus ce que nous avons été » déclare-t-il en

Retrempant sa plume dans l’alphabet arabesque /

L’encre matérialise les effets de la douleur sur l’esprit

::: avant que tout soit dit / nous aimons tant l’accord

Qui aime l’accord qui aime l’accord : cherchant la

Mélodie que personne n’oubliera : car c’est ainsi

Que finit cette existence : en chanson / et il voit

Le jardin désert, l’arbre sec, la roche qui descend,

Le sentier qui s’amorce dans l’ombre : qu’est-ce

Que cette ombre en ce pays sans mur ? voici l’air

Et la voix : empruntés à la Tradition : venus de loin

Par mer : visages aujourd’hui reconnaissables :

Capitales des côtes, des voyages en arrêt, de la

« patrie » reconnaissable à ses accents ; le facteur

Salue et s’éloigne : « je ne savais pas qu’on pouvait

recevoir du courrier dans cet endroit improbable »

« vous savez au moins qui vous écrit… parce que moi

… » et : il s’éloigne en promettant de revenir si

Jamais l’autre écrit et poste : comme cela arrive

Tôt ou tard : mais ne perdons pas de temps et :

Reprenons le récit où nous l’avons laissé nous

Surprendre en pleine « crise de vers » / ton

[ici le nom du frère et une rature]

 

Comme le Monde est frais

Dit-elle au matin / pourquoi

Ne pas mourir avant midi ?

L’aube ne m’a pas inspirée

Comme elle t’a dicté la page

Qui m’a encore oubliée sur

Le feu / lait moussu de l’aube

Dans la table de résonnance

: je suis comme j’étais enfin !

 

(ne s’agissait pas d’en écrire le roman

comme on revient devant ses juges

finalement : la place était mouillée

et la pierre recommençait sa tragédie !

« je voudrais tellement que tu comprennes

Ce qui se passe ici ! » / Blanca/Blanco

En habits de fêtes vénitiennes : soie

des nuits : pendant qu’au théâtre on

se soucie de mise en scène : notations

dans les marges / « le chant profond a

un sens comme les aiguilles du temps »

/ Nera était montée dans le train comme

prévu dans sa lettre (la dernière) dit-il

au juge qui n’en crut pas un mot : pas

un mot : sans mot il n’y a plus de nerf)

 

vous vouliez de la poésie et bien

en voilà de la toute crue sans pain

ni eau mais avec la poussière des

vitres rassemblées en une seule

fenêtre un seul jardin sans herbe

ni clôture pour donner un sens

à ce qui n’en a pas oiseau-lettre

sur la branche évoque une saine

fontaine qui n’a pas vu le jour

depuis des nuits disant reviens

avant que l’aube ne te trahisse

 

« Qu’est-ce que j’attends de toi ? »

Question posée à toute chose

Toute présence / toute patience

 

Sait (en bon tisseur) que rien n’est vrai

(tisse cependant) / que le plaisir occulte

La vérité ; que chaque matin est une scène

Encore nue : il arrive nu lui aussi et aussi sec

Se met au travail de la vue et de l’ouïe /

Question de vibration et de longueur d’onde

: d’amplitude et de fréquence : (tisse le vent)

(le vent tisse) / et

retrouvant la guitare il en saisit le manche

Comme celui d’un outil

Et se met à jouer marmonnant des paroles

Empruntées à diverses traditions

Sans se soucier de l’effet produit

Sur l’esprit qui cherche à comprendre

De quoi il retourne :

Je suis né (chante-t-il) parce que je suis là.

Non-là je ne serais pas ce que je donne à penser.

Je vous propose de prendre la parole à ma place

Et de dire tout ce que vous savez de moi (tisseur)

Et ainsi toute chose retournée dans sa tombe.

Il ne me reste plus qu’à inventer la rime si

Ça n’a pas déjà été fait : mais qui d’autre que moi ?

Je vais vers ma solitude errante puis fixée

Pour toujours : et je vous invite à me suivre.

VOIX DE FEMME

Il la joue

Oui, oui. Je me souviens de toi. La rue

Était peuplée de tes masques. De là-haut

(dernier étage) je jouissais de toi. Sans

Témoin à la clé. Éclat de soleil des haies

Bordant l’aire de jeu. Feuilles-miroirs

D’antan. Il ne pleuvait pas. Pas encore.

Mais le vent (tissant) revenait comme

En rendez-vous. J’aime évoquer ces

Jours. L’un, puis l’autre, et enfin le

Dernier. Comme je joue bien depuis

Que je connais le texte ! Comme je suis

Vraie ! Sans doute le cadre l’est-il

Autant que moi. Nous ne sommes

Pas amoureux. Pas encore la pluie.

Vint à temps pour grossir les rus.

Dernier étage et le toit en génoise

Trouée par les oiseaux du désert ou

Des îles. Qui sait ce que nous savons

Depuis que le rythme est trouvé ?

Tu as inventé la rime avant moi.

VOIX D’HOMME

Qu’il grossit à l’envi

Oui, oui ! Et même plus ! Toi et moi

De chaque côté de l’endroit où se joue

Le texte : pluies des rideaux en vrac.

Mon frère m’écrit (non tisseur) :

nous avons tellement aimé venise l’industrie des fusions que : nous y sommes retournés : nera et moi : et aux tables de coquillages pensé à ce qui arrive quand on ne cherche plus et qu’il arrive qu’on y croie : mon cœur ne bat plus depuis : je me sentais seul malgré l’heure exacte des rendez-vous : qui ne pense pas à toi dès que la nuit revient : le même rêve depuis l’enfance : la guerre entre les hommes est animale : ici la profondeur des canaux ne se mesure pas à l’aune des on-dit : pas question des choses que tu rencontres loin de nous : nous savons ce que nous allons trouver : et nous renouons avec les plaisirs de l’an passé : nous avons nos habitudes maintenant : tu ne peux pas savoir : ce que c’est : de retrouver : le guéridon sous les couverts : nos regards entrecroisés : encore et encore : toute chose réduite à l’impatience figée comme buisson des rives mortes pour toujours : ici on revient et là : tu n’y es plus : nos corps veulent la fusion : elle prend corps : le temps de ne plus y penser : que l’élégiaque nous emporte : 6/5 : essaie donc de t’y contraindre : avec ou sans rime : quelle surface menaçante : la houle créée par les carènes : une poussière métallique sur la langue : nous avons parlé de toi à la propriétaire : des fois que tu te mettes sur nos traces : nous en laissons peut-être dans ce sens : qui sait ce que nous sommes si nous sommes deux : poursuivis par cette espèce de roman que tu écris pour ne pas exister en même temps que nous : souvenirs : cette vue de la vitrine où elle se reflète involontairement : elle n’a pas apprécié cette indiscrétion : je t’écris sans lui dire autre chose que : elle t’aime :

Chose des marais ou des lits dénaturés par la sécheresse.

« nous sommes peu de choses » reconnaît le piéton.

Qui n’aime-t-elle pas ? / Nous avons connu de meilleurs

Moments (tissant) / la joie au sens vieux : vieux par miroir

Interposé : chose des sinuosités à sec : cassure nette

Des tiges en marge de cette reconnaissance du terrain :

« nous serons propriétaires ou nous ne serons pas » /

Toujours plus haut et plus sec : le dernier arbre, mort

Lui aussi : comme toute parole prononcée pour le dire

: personne à part des serpents, des scorpions, des :

Mythes mêlés à l’ancienne boue : à seaux la boue

Sèche des murs : l’oiseau n’est qu’une mouette,

Curieuse ou distraite : sans cri ni compagnie : seule

Dans ce ciel blanc-fusion ; nous n’irons pas plus loin

Que le dernier pèlerin : connu de tous : ni Venise ni

Paris : des lunes sans soleil : ou le contraire : ce qui

Avance est un pion : la mesure est au dé : l’amour

N’est que le temps masqué : pour tromper l’ennui

: « par ici ! » « non, par là ! » « tu me suis ? » « toi ! »

Comme si nous n’y étions pas :

prit le train à l’heure (m’écrit mon frère) menotte avec mouchoir derrière la vitre déjà embuée j’avais la larme à l’œil et le cœur une fois de plus en vadrouille où tu sais retour à la maison tu connais ces rues ces angles les verticalités de l’automne oui c’était l’automne et le train était à l’heure car on l’attendait sur la scène d’un théâtre conçu pour elle par ton enfance et ta croissance ce qui ne fait pas de toi un adulte crois-moi j’ai beaucoup réfléchi à la question mais la distance qui nous sépare et qu’elle va franchir contient tout le roman que tu veux écrire sans trahir la poésie moi je ne comprends plus rien :

Río enfonce la guitare dans le tronc d’un arbre

Et allume une cigarette que quelqu’un lui offre.

Il fume sans se soucier de cet intrus qu’on ne voit pas,

Qu’il est seul à voir

(ici le metteur en scène signale la difficulté de la chose)

Et on entend le train qui siffle en entrant dans le tunnel.

On ne voit pas le tunnel.

VOIX DE FEMME

Ce qu’il m’a ennuyée avec sa connaissance des lieux !

A-t-on idée de voyager pour connaître !

Il y a tellement d’autres choses à faire !

Tellement de gens à rencontrer !

Mais non ! Il entre dans le monument après

M’avoir bassinée sur son aspect extérieur

(on en fait le tour au pas de course)

Et tout se met à tourner dans ma tête

Jusqu’à vomir ce que je sais maintenant

Mais que je ne comprends pas !

RÍO

Voix d’homme

Toute chose connue, de près ou de loin

/ au marais / au lit déserté / au sommet /

Dernier animal un serpent blanc / tisse

La poussière et fuit / là-haut pas plus

De ciel que sur la plage / mais la vue

Est digne des choses / la roche encore

Brûlante / nulle trace d’humidité / mot

Non trouvé / ne sais plus si je suis seul

Ou si quelqu’un me manque / roseau

En guise de bâton de marche / patience

Du couteau à ras de terre / en pointe

En prévision des serpents qui peuplent

Ces monts / toujours plus haute la fin

/ comment ne pas s’en inspirer ? /

Si quelqu’un me suit / ou si je suis

Venu parce que je savais / cette

Existence pour être un homme parmi

Les animaux / leur donner la parole

/ fabuliste des gîtes / plus d’herbe

Dans l’herbe / en arrêt il a peur :

Le pied sur la roche dure et sèche :

Comment et pourquoi redescendre :

C’est ici qu’on cesse de penser : mort

Avant la mort : que le lieu m’empoussière

! dit-il en frappant cette haute surface /

Río attend, consultant sa montre, fumant

Des cigarettes, adressant des signes aux habitants des coulisses.

Quand je saurais qui est qui (dit-il)

Alors je saurais pourquoi je suis venu

Me reproduire sur cette scène.

Roulement de tambour

Imitant la marche du train.

UN PEINTRE

Négligent

Voici les trois principes (grands ou pas) qui

Expliquent mon comportement (de peintre)

Dans ce lieu qui n’est pas (ne sera jamais)

Ma maison (d’enfance, de mort, de famille)

:::

— L’arbre qui a poussé de travers ne se redresse pas.

— Avec un âne, on ne fait pas un cheval de course.

— On ne mélange pas les torchons avec les serviettes.

///

Je ne sais pas ce que vous en pensez… je vois bien

que je vous ai blessée / je n’ai pas l’habitude (pour

parler gidien) de critiquer la critique : je vous invite

à prendre mon pinceau dont la brosse est chargée

de ce que vous inspirez à mon cerveau malade (de

vous, de ce que vous paraissez, de ce que je veux

de vous) / N’hésitez pas à le tremper vous-même

dans la couleur (ô mélange) qu’il vous plaira de

donner à mon apparence ///

Ô femme (ou homme)

Que je désire de haut en bas !

RÍO

Outré

Non mais dites donc !

Le peintre, curieux, apparaît dans une fente.

On voit son œil briller.

Puis il disparaît.

On entend alors la poursuite de Groucho,

Les cris, les bris de verre, les portes qui claquent.

Río jette sa cigarette et l’écrase.

Son pied pivote avec conscience.

Voici ce qui lui vient à l’esprit :

Le Monde se froisse comme une feuille

Quand on y pense.

Et justement voilà que j’y pense, ô journal

Que je n’écris plus !

Qui n’a pas l’enfance à l’esprit, opiniâtre,

Entre les colonnes ?

L’enfance qui finit par tuer. Je vois ça

Tous les jours

Ces temps-ci.

L’existence n’aura plus de sens un de

Ces jours.

Alors il faudra bien revenir sur ses

Pas.

Et envisager le pire. Enfin ! Le pire !

Il arrive comme le train que j’attends

Depuis que je t’attends.

Je n’ai plus rien à faire, plus rien à croire.

Je m’invente l’acte qui suit.

L’enfant n’invente rien avant l’acte, dis-je.

Je le reconnais comme si nous avions vécu

Ensemble.

Le voici en mots / et même en phrases / en

Vers.

Pourquoi revenir selon l’horaire prescrit ?

Je ne te savais pas malade à ce point.

Pourtant j’ai regardé dans la fente, ô

Mirage ! Le désert écoutait les avions.

Le scarabée cherchait à le rester, pierre.

J’ignore tout du fer dans cette forêt.

Le quai est apparu après les arbres.

Sans rivière, je ne suis plus le fleuve.

Ou sans mer, je suis ce que je ne suis pas.

Vos barques ne sont pas de mon invention.

L’écume court maintenant sur le sable.

La vague (dit-on) vient mourir ici, à tes

Pieds.

Mais n’est-ce pas toujours la même vague ?

Comme si je la recommençais avec ou sans

Toi.

Je viens d’une région sans feuilles mortes.

Et j’ai couru dans les stades.

Comme la ville est proche ! Avec ses tombeaux

Et ses ex-voto. La trace d’or comme le désir :

Dans la pierre : femme ou homme, que m’importe ?

Ni l’un ni l’autre si c’est ce que tu veux.

Sans Dieu mais avec beaucoup de maîtres !

Grincez, portes des châteaux !

Le quai prolonge les jardins, les panneaux

S’assemblent, les voix me reconnaissent :

Quelle mort me dira le contraire ?

(donnant un coup de pied au décor,

ce qui fait reculer les habitants des coulisses)

Comme si la douleur n’avait plus de sens !

(ironique)

Dans l’eau nagent les poissons ! Et dans le ciel

Les avions reconnaissent les complexités

Désertiques ! Quel pays sans oiseaux ! Quel jour

Sans ses feuilles ! Je ne sais plus ce que j’attends :

Quelqu’un ou ce qui l’annonce.

Entre l’intrigue et le fait accompli, les noms

Donnés pour ne pas les nommer !

Quelle famille ne s’en remet pas à la chronique ?

Le nom se perd, on ne naît pas avec un nom.

(consultant sa montre : oignon)

Bien sûr l’heure c’est l’heure : j’en conviens.

Je ne suis plus un enfant : tu ne joues plus

À la poupée : tu voyages en train : vers moi :

Dépliant les horaires : derrière la vitre mouillée :

Les innombrables paysages que le possible

Appelle de ses vœux.

Ce que j’aime n’a plus d’importance : désert

Traversé pour reconnaître les lieux : nuit

D’étoiles et de comètes : d’une main moite

Lisse les aspérités ou tente de s’y appliquer :

Disant : ce n’est pas comme ça que je veux

Mourir !

Quel gras mot ! J’en perds les étymologies !

On le voit chanter sous les fenêtres, de loin

Comme si sa voix n’avait jamais eu d’importance.

Blanca ! Ô doigtés nécessaires ! Jambes des jupes !

Sans feu nous n’allons pas au cimetière : maîtres

De l’argent, pensez à ce que je fus avant

De vous (re)connaître !

Ça siffle dans le tunnel

L’acier en frémit comme chair.

Voyez la primevère :

Elle change de couleur.

Réapparition du peintre :

La fente s’élargit

Sous l’effet de son pinceau.

Que l’intrigue m’intrigue !

Et que la fin m’explique !

Le Maure n’est pas mort.

(je ne sais plus comment)

Sidi Yahia aux trois visages.

Fruits de l’arbre vénéré.

Nous avons nous aussi

Emprunté le fleuve des haleurs.

Mais pour quel voyage ?

Pour quelle invention ?

Quel désert sous les neiges ?

Pas de fils à donner au Monde.

Pas de malheur à recommencer.

Nos jambes nues se croisent

Dans l’infini ou la profondeur

De cette eau qui vient de moi.

Que l’acte n’en soit pas un !

Que la triste figure en impose !

Qui veut sauver l’autre se sauve.

Belle fuite des lignes sans blanc.

Quel désert connaît la perspective ?

Voici le Nord de mon pays !

Le vin, les chevaux, la laine

Noire de suie, les aiguillages

Sans fin, jusqu’à la mer la fin.

Qui survit à sa douleur d’être

Ce qu’il n’est pas ? Voici la terre

Du scarabée : en rond les années !

Haler comme trouver : et encore :

Qui dit présent est déjà mort.

Río caresse la blanca.

Que la feuille s’enfeuille

Comme je m’endeuille !

Je ne sais plus qui tu es, qui tu aimes,

Ni qui te désire plus que moi-même.

Les choses se refusent au roman / les lieux

Perdent leurs dits / les jours cherchent la nuit

: et la trouvent !

Que la feuille aille à la baille comme jadis !

Dunes rasées de frais / l’estuaire des mouettes

Dans un sens et/ou dans l’autre / je savais que

Je savais / qui ne sait pas ce que l’enfant trouve

Sous son lit ?

Un son comme derrière le moucharabieh.

Le texte se peuple. Ce sont les feuilles

Qui reviennent. La mémoire alimentée

Par les différences de potentiel. Images

Extraites des musées. Savate des paresseux

Sur les vernis. La lumière est celle des fenêtres.

Qui aime ce que personne n’aime ? Croise

L’impossible, le salue, le regarde s’éloigner,

A faim soudain, comme devant la mer,

Feuilles des algues maintenant. Peur ?

Non. Pas même curieux. Ni prêt à

Recommencer. Rien sur la langue. Mort

Pour de bon. La rose et le rossignol.

Une voix : « Sors de ce théâtre ! »

Oui, oui ! J’ai sursauté. Un peu surpris par l’interruption. Je ne m’attendais pas à un pareil conseil. De la part de qui ? Hé !

Río recule par rapport aux coulisses.

La fosse lui interdit d’aller plus loin.

Il cherche l’équilibre, manivelles des bras.

Hé !

Mais personne ne répond.

Río retrouve le calme en se pinçant.

Il se pince plusieurs fois,

Comme s’il faisait nuit.

Hé !

Rien.

Pas là.

Ni jamais

Ni peut-être.

Simple ou

Double.

Allez savoir !

(allumant une cigarette)

Je ne suis pas si vieux.

Je l’ai été à votre mort.

Mais je ne le suis plus.

Pas jeune non plus.

Ni l’un ni l’autre.

Qui n’est pas

N’est pas là.

J’en ris !

J’ai eu peur.

Ou pas.

Le temps

N’est plus

Ce qu’il était.

La mémoire

Est désertée.

Feuilles brisées

Comme l’herbe

Des canicules.

On y met le feu !

Tout ceci dans un roulement de tambours.

La procession s’annonce par des pétards.

Puis apparaissent, accourant, les enfants.

Ils se chamaillent pour un bout de trottoir.

Les uns ont les poches pleines de bonbons.

Les autres exhibent leurs pelotes de cire chaude.

Des femmes arrivent en criant, secouant des bras chargés de voiles.

Nombrils nus.

Río s’enfonce dans cette nouvelle foule.

Son effort est applaudi, mais il ne réussit pas

À traverser les corps entremêlés.

Une lueur envahit l’horizon de la scène.

Ça sent la vapeur d’eau et son métal.

On rit dans les coulisses.

On y joue comme des enfants.

« Le train arrive ! » dit le chef de gare sans se presser.

« Il est à l’heure, » et le sycophante s’en étonne :

Ce n’est plus un arrêt technique ?

Je n’y comprends plus rien.

(il relit la dépêche)

L’INCIDENT A EU LIEU A HAUTEUR DU PASSAGE 124.

LE CORPS A ÉTÉ PROJETÉ SUR LE TOIT.

L’EXPRESS EST A L’HEURE.

PAS D’ARRÊT TECHNIQUE.

LE CHEF DE GARE

Vous voyez que j’ai raison.

LE SYCOPHANTE

Mais tout à l’heure… vous aviez tort…

LE CHEF DE GARE

Vous n‘aviez pas raison !

(impatient)

Profitons de la fête !

Ce n’est pas tous les jours.

Il y a du vin et des roscos !

Et pourquoi pas des femmes !

LE SYCOPHANTE

Des femmes ? Brrr…

Il y a un monde fou sur la scène.

Des statues émergent, fleuries et larmoyantes.

Les tambours rythment les rondes.

Des chaînes frappent les murs blancs.

L’asphalte noircit les pieds nus, chauffe la corde des semelles.

Le sycophante arrache des chemises.

On entend gémir le sifflet de la locomotive,

Mais on ne voit plus le train ni le tunnel.

Río ressemble aux autres, nu jusqu’à la ceinture.

Des seins se collent à lui.

Une affiche publicitaire est emportée par le vent

Qui vient de se lever avec l’annonce du crépuscule du soir.

« Qui veut jouer ! » dit la télé.

« J’ai déjà joué ! » s’écrit Río.

« Jouons encore ! » propose la voix des ondes.

« Sors d’ici ! » conseille la valise qui s’est ouverte sous le choc des hanches.

L’homme qui la tenait veut la soustraire au piétinement,

Mais les enfants en répandent les effets, foulards,

Chemises, feuilles sans reliure, cheveux d’antan noués aux médailles,

Fils des marionnettes, ressorts des carnets, photographies en vrac…

« Tout ce que je possède ! » et ajoute : « Ce qui me sera arraché ! »

Río gueule mais sa voix se mélange au chahut.

« Sors d’ici ! Ne reste pas ! Ce n’est pas ta maison ! Rien ne t’est donné ! »

Mais personne ne dit comment on s’en sort.

Tout le monde est d’accord.

« Sors d’ici ! Ce théâtre n’est pas un jeu. L’écriture est universelle. Ta langue n’en sait rien. Retourne dans ton village, là-haut où personne ne s’attend à te revoir. La maison de ton père est encore debout. Il suffit de pousser la porte et d’entrer. Il n’y a personne dedans, ni dehors. La rue est devenue étrangère, mais la source est la même. Bois de cette eau et oublie que tu as voyagé avec… elle. Elle t’a dérouté, avoue-le. Dis-le à cette poussière qui n’a pas changé, poussière du désert tombée du ciel avec la pluie. Le scarabée a encore un sens. Sur le seuil les scorpions attendent le soleil. La trame des tissus redevient herbe des sentiers derrière le troupeau en attente lui aussi. Tu seras seul enfin, sujet des noirs et des blancs raturés de ciel et de sang. Je te le dis : sors d’ici ! Tu vas disparaître dans les noms. Les rues ne te reconnaîtront pas. Les façades ne renverront pas ton image de verre dépoli. Les conversations meurent avec toi aux terrasses. Sors d’ici ! Quitte à tuer le temps, sors d’ici ! Cesse de te comporter en personnage, ce que tu n’es pas. Arrête de prévoir le prochain accident narratif. Ne te mets pas en position de dénouement. Sors la tête haute et les pieds sous toi ! Prends le chemin qui se donne à la vue, entre la mer qui moutonne et la terre qui verdit. Une poignée de sable ou de coquillages dans les yeux, marche sous les frondaisons en feu. Le lit est taillé dans la roche pure de la tradition. Remonte jusqu’à la pente des animaux agiles et muets. Reconnais les lieux et nomme-les. L’écriture est universelle. L’écriture est universelle ! Seule ta langue est un don. Elle te reconnaîtra, mais ne reste pas parmi eux, avec elle à ton bras, yeux clignotant de passés. Que la fille de ta fille passe son chemin de bourrique chargée de bras à l’ouvrage des choses qui s’acquièrent.

(ici le sycophante étreint un enfant puis le lâche comme si c’était un oiseau)

Qui veut que son enfant peigne le plafond des églises ?

Qui rêve au lieu de travailler « pour que la vie continue » ?

La langue patine son territoire jusqu’à la trame, au soleil

Comme sous la lune, désigne et légifère, mais qui veut

Que son propre enfant soit l’auteur du linteau à venir ?

La maison ne se conçoit pas sans ses murs ni son toit.

Que ce qui a commencé continue ! Et que l’interrupteur

Cesse d’appartenir à la famille qui a nourri son enfance !

Voilà ce qu’ils colportent, assommants de chansons et

De pas comptés, à l’apprentissage destinant leurs proies

Faciles, enfants des éjaculations et de la soumission.

Qui veut autre chose qu’un rôle à jouer contre argent

Et reconnaissance ? Mais c’est joué d’avance, l’enfant

De l’enfant sera un enfant ou ne sera pas, que la langue

Le veuille ou non ! Qui rêve de coucher ailleurs que chez soi ?

Ne la laisse pas emprunter à ta place ! Elle possède ce que

Tu ne connais pas. Tôt ou tard pratiquera le simulacre.

Ne te laisse pas conduire sur la place ! Tourne le dos

Au kiosque ! Ne partage pas la bière ni le commentaire !

Sors d’ici avant qu’il ne soit plus possible d’en parler !

(déchirant les enveloppes des lettres anonymes)

Conseil d’ami. J’entre par devant. Et je sors

Par la porte. Ils savent tout ! De l’enfance,

De ce qui reste une fois passée, de la terre

Empruntée à la banque, de l’attente en soi,

Du désir de nommer les choses, d’apprendre

À les écrire en religion, au seuil des morts.

(sournois)

Conseil d’ami, l’ami. Même si je suis obscur

Comme le calligraphe rendu fou par le signe.

Sors et ne reviens pas. Ne te retourne pas.

Ne vois pas la rue ni les rails. La montagne

N’est jamais loin. De là-haut (souviens-toi)

La mer est un fleuve et le fleuve la pluie

Des berges où croît l’enfance des saints.

Que d’histoire ! Que de coplas ! Joues

Ridées des femmes dans l’ombre nue

Des cuisines. En sortant ne ris pas de

Toi-même. Ne traverse aucun miroir

Métaphorique. Ne bois pas un coup

À l’invite. Mais ne cours pas au quai.

Prends le temps de rejouer pour jouer.

Conseil d’ami, je te le dis ! Elle finira en

Enfer avec les autres, ceux qui veulent

De toi et t’en veulent. Ses parfums

Te suivront pendant longtemps, car

Tu l’aimas. Mais que l’enfant revienne

D’où il commence à mourir ! Maison

De pierre et de vents. Entre les maisons

Ces deux fenêtres et cette porte, rideau

De perles, caquètent les poules voisines.

(fait des passes sur la foule mais ne l’abolit pas)

Un jour tu me remercieras, Río.

Tu penseras à moi, le mouchard

En question, irascible et têtu,

Malgré l’Histoire et ses langues.

Tu boiras le vin en souvenir de moi.

Tu nourriras d’autres projets, vieux

Jusqu’à l’os, passible de solitude,

Éreinté par les faits mais disponible,

Ami des hauteurs animales, sec

Comme le lit où poussent les roseaux.

Cherche le chant de l’oiseau en rut.

Toujours plus haut et malade de sang.

Tes genoux atrocement mis à l’épreuve

De la pente. Là-haut retrouver le sens

De la chute. Merci au cafard le temps

De s’en souvenir ! Comme en prière

Les vieux jours ! Extrait depuis longtemps,

Heureusement ! Point de tirades

À cette hauteur ! Conservateur

À tout prix. Langue morte d’avoir

Vécu. Et de son vivant elle tuait !

Au diable les sémiologues ! Enfer

Reconnu à temps, n’est-ce pas ?

Heureusement que j’étais là, ami

Et ennemi à la fois, la nuit comme

Le jour, en rêve et pourtant réel.

Suis mon conseil et va voir ailleurs

Si j’y suis ! Mais qui ne veut pas

Conseiller de s’en tenir au travail

Qui entretient l’Histoire et les histoires ?

Au plafond des monuments, linteaux

Des têtes mortes, ces traces de soi

Envisagées dès l’enfance, ou pas plus

Tard que l’adolescence qui inspira

L’éphébophile, mécène des lois

Futures. Qui veut que son enfant

Se donne aux signes des temps ?

(caresse un doux visage)

À la poubelle leurs mélodrames !

Aux chiottes leurs tragi-comédies !

Piètine la chanson et la rime atroce !

Rien ne sera universel au music-hall.

Conseil d’ami : retourne d’où tu viens.

Laisse-la à la mort ou dans sa cuisine.

Abandonne la pratique des verres

Et des conversations imitées de la télé.

La transparence est au soleil, là-haut.

Iguanes et tarentules des buissons

Sans feuilles. L’ocre n’est pas un rêve

De couleur. Creuse dans les fentes

Pour le savoir. L’eau pourvoira.

Avec le plâtre des joints et la chaux

Des surfaces. Ceci appartient à qui

Veut le prendre au lieu de laisser

La parole et le droit aux ânes de bat !

Tue si c’est nécessaire, mais tue

Sur scène ! Avant de prendre le vent.      

Qui veut et qui ne veut pas ? Ami

Je suis, argus en sus. Et je te conseille

De foutre le camp avant qu’il ne soit

Trop tard ! Oublie la val, la valise !

La trace de tes pas ne s’est pas

Effacée depuis : reconnais que j’ai

Raison, rien qu’à l’odeur des pierres

Qui savent tout de ce que tu as été.

Plus d’eau pour les ricochets, ici.

À peine la poussière de l’universel.

Que l’écriture soit la seule ! Que

Ta langue s’en souvienne toujours !

Le calligraphe fou devient illisible

Tôt ou tard, certes : mais c’est ici

Que la maison a un sens ou n’en a

Pas. Oublie la val, la valise ! L’ami

Te conseille de sortir d’ici en tueur

De temps et de planètes. Ces autres

Ciels n’ont jamais existé que dans

La conscience collective : prends

L’argent et va-t’en ! Ne reste pas

Pour jouer ou pour jouir. Telle est

Ma chanson, Río. Sans ce refrain

Je n’en suis plus l’auteur. Sors d’ici

Sans mémoire. Retrouve l’endroit

Et prépare-toi à mourir de joie !

La foule se fige,

Comme si cette sentence était attendue.

Río revient devant, bras croisés.

Il dit :

Il n’y a rien dans cette valise !

L’autre m’a raconté des histoires !

Il arrive avec sa valise et me ment

Car il ne veut pas que je peigne

Le plafond de son église.

LE SYCOPHANTE

On connaît la chanson…

RÍO

Sortir d’ici ! Laisser tomber !

Marcher sans savoir où

On met les pieds ! Pauvre

De sens comme d’argent !

Alors que l’enfance n’en est

Plus une. Et qu’on aime encore.

Quelle attente est moins « atroce » ?

(soupir comme le Maure)

Je suis bien ici. Avec eux et sans eux.

La même langue pour seul univers.

Parlant une fois par jour de ce qui

Appartient au jour et quant à la nuit

Elle arrive bien assez tôt !

(dansant avec les autres)

Ce qui a vécu a vécu et ce qui

S’est oublié ne nourrit plus

L’imagination.

(satisfait)

Que pense le chef de gare de ce couplet… ?

LE CHEF DE GARE

Oh, moi, vous savez…

LE SYCOPHANTE

Ironique

Tant qu’il y aura des trains…

LE CHEF DE GARE

Mélancolique

Moquez-vous tant que vous voulez…

Vous verrez bien un jour…

Tout le monde finit par voir… (je souligne)

LE SYCOPHANTE

Presque épouvanté

Mais il ne peut pas rester là !

Il faut qu’il sorte d’ici ! Sous peine…

LE CHEF DE GARE

Chut ! Il écoute…

LE SYCOPHANTE

S’il pouvait entendre ce que j’ai à lui dire…

Moi qui sais… (un temps) Je sais pour l’incident

Du passage à niveau… le corps projeté sur le toit…

Ce qui explique cet arrêt technique…

LE CHEF DE GARE

La dernière dépêche ne le dit pas…

LE SYCOPHANTE

Elle ne dit plus ce qu’elle a dit…

RÍO

S’avançant

On parle de moi… ?

LE CHEF DE GARE

Pas du tout ! Nous ne parlons pas. Nous sommes.

RÍO

J’attendais… Elle est dans le train,

Mais à cause de l’arrêt technique

Elle ne peut pas descendre sur le quai.

LE CHEF DE GARE

Un arrêt technique ? Quel arrêt technique… ?

LE SYCOPHANTE

Il n’invente rien…

LE CHEF DE GARE

Vous avez un billet… ?

RÍO

Non… puisque j’attends…

LE SYCOPHANTE

…ce qui n’arrivera pas.

RÍO

Vous dites… ?

LE SYCOPHANTE

Rien. Je pensais tout haut. À autre chose.

LE CHEF DE GARE

Il pense beaucoup en ce moment.

Et quelquefois ça lui échappe… heu…

Par la bouche… Enfin… je crois…

RÍO

Aucune langue n’est universelle.

Mais la tentation chinoise a de l’avenir.

Je travaille sur le sujet en ce moment.

LE SYCOPHANTE

À qui appartient cette valise… ouverte… ?

L’HOMME

Qui arrive en courant malgré la foule

À moi ! Elle est à moi !

Empêchez-les de me voler !

(ralentissement)

Oh… Ça n’a pas beaucoup de valeur…

Mais c’est tout ce que possède Río.

RÍO

Satisfait et se frottant les mains

Voyons de quoi il s’agit…

LE SYCOPHANTE

Ami ! Conseil ! Sortez d’ici !

RÍO

Pas avant d’avoir jeté un œil sur ce… contenu !

 

Il plonge sa main droite dedans.

(dit le sycophante quelque peu effrayé par cet aveuglement)

Elle ressort aussitôt, empoignant une clé.

Tout le monde recule devant cet éclat métallique.

RÍO

Épouvanté, mais sans reculer

La clé d’Athol !

LE CHEF DE GARE

Innocent

Qu’est-ce qu’elle vient faire là… ?

LE SYCOPHANTE

Où va la poésie ? Il y a loin

Entre l’ancien et le nouveau,

Mais je ne vois pas la différence

De potentiel. L’attraction n’est

Pas universelle. C’est en Enfer

Qu’il faut chercher le Paradis.

Mais qui dit clé dit serrure !

Et qui dit serrure dit…

LE CHEF DE GARE

Allègre

Serrurier !

RÍO

Contemplant la clé

Moi j’aurais dit porte mais je ne suis pas poète.

LE SYCOPHANTE

Mettons porte mais qui dit porte dit… ?

LE CHEF DE GARE

Moins enthousiaste

On entre ou on sort ! Va et vient des interrupteurs

Qui annule toute idée de série. Et à force à force

On éjacule sur le paillasson. Je connais ça depuis

Que je suis ce que je suis devenu. Des enfants à

La clé…

RÍO

Jouant avec la clé, dans l’air

Le moment est mal choisi pour en rire !

(grande inquiétude avant la douleur inévitable)

Qui sait ce que la poésie doit au théâtre… ?

Qui sait ce que le théâtre doit à l’idée de clé ?

(impatient)

Voyons le reste. Elle n’a pas emporté que la clé.

Elle y a enfermé le nécessaire. Peut-être un mot

Destiné à m’éclairer. (il éparpille les effets sans

se soucier de ce qu’ils représentent) Rien pour moi !

LE CHEF DE GARE

Perplexe

À part cette clé… (on voit l’Homme s’agiter

en marge de cette scène / le chef de gare

lui fait signe de s’approcher ou de retourner

d’où il vient) Nous autres hommes… (il fait

la liaison) et elles décident de voyager sans

Nous : celui-ci croit encore (il désigne Río)

Qu’elle ne partait pas sans lui : mais les faits

Lui donnent tort : la valise est restée sur le

Quai… n’est-ce pas, monsieur… ? (l’Homme

revient après avoir tenté de retourner d’où

il venait) Ne me contredisez pas maintenant

Que la clé est entre nos mains… la police

Exigera d’entrer en possession de cet objet

Qu’elle n’a pas oublié d’emporter avec elle.

RÍO

Exhibant la valise vide

Nous n’en saurons pas plus, police ou pas !

L’HOMME

Sentencieux

Sortez d’ici, Río ! Le théâtre n’est pas fait pour vous !

LE SYCOPHANTE

Ajoutant

Pas plus que la poésie…

LE CHEF DE GARE

C’est dans le journal… On en parle… dans le journal !

À défaut d’en écrire quelque chose. Chinois ou arabe.

Andalou ou lettres mortes. Partout des nouvelles en

Vrac. Ou organisées selon la théorie à la mode. Sortons

D’ici ! Vous, moi, eux ! Sortons de ce qui n’est même

Plus un labyrinthe : nous errons dans les rayonnages !

Qui veut quoi et qu’est-ce qui ne veut plus de moi ?

Laissons nos métiers à la jeunesse. Retournons en

Enfance. La petite fille dans le regard du vieux singe

Et le petit garçon dans les rêves de Tarzan. Si j’écris

C’est pour ne pas écrire.

LE SYCOPHANTE

Militant

Bien dit !

RÍO

Triste

Pour une fois… Mais sans poésie et sans théâtre

Pour la dire : refaire la valise et partir avec alors

Qu’on n’avait pas prévu de voyager sans elle…

LE CHEF DE GARE

Les passages à niveaux en savent long sur le sujet…

(brusque)

Attention à la poussière, mon vieux ! Vous embarquez

Celle du quai. Secouez ce linge avant de le remettre

À sa place… enfin… à la place qu’elle lui a donnée

Avant de…

RÍO

Rageur, à l’Homme

C’est par où, la sortie… ?

L’HOMME

D’un côté comme de l’autre…

LE CHEF DE GARE

Étonné

Ça n’a pas de sens… On en sort ou pas, voilà

Tout : et quand je dis tout je ne dis pas tout.

LE SYCOPHANTE

Cela va de soi ! Sinon le sens revient au galop !

Nous avons tous vécu ça dans notre jeunesse.

Il ne s’agit pas de recommencer ! La douleur

De savoir vous coupe la chique. Et de ne rien

Savoir, ou imparfaitement, ça vous rend dingue !

Dommage pour la poésie ! Et tant pis pour la

Représentation. On ira se coucher avant la fin.

Et une fois ensommeillé on pensera à autre chose.

Une nuit sans conclusion, ça vous dit, ami Río ?

RÍO

Je veux sortir d’ici ! Je ne veux pas savoir.

Ni d’où je viens, ni comment je vais ailleurs.

Être moi n’a pas de sens. J’écris pour écrire.

En attendant de ne plus écrire, vous comprenez ?

LE SYCOPHANTE

Désolé, mains pendantes

Non, nous ne comprenons pas. Et on s’en moque.

Niagara. L’eau monte. Vortex des forces en présence.

Dans la fosse, Blanco s’échine à la baguette.

On a l’impression d’un film à grand spectacle.

On voit Río quitter les lieux, valise à la main.

L’homme hésite à le suivre, mais le sycophante

Le pousse dans le dos, encouragé par le chef de gare

Qui dit :

Nous n’étions pas ici. Nous ne désirions pas y être.

Chacun son métier. (au sycophante) Ne vendiez-vous

Pas des cigares avant de pratiquer la délation ?

Il vous arrivait d’en fumer. Dans l’antichambre

Vous fumiez les invendus. Personne pour le dire.

Mais à qui le dire ? Je l’aurais dit si j’avais su.

Pauvres de nous. Nous ne savons même pas jouer.

(il singe un tragédien connu de tous) Nous n’avons

Pas la clé : celle qui revient. (considérant Río qui

s’éloigne de plus en plus vite) Quelle chance il a !

De posséder ce qu’elle lui laisse. Nous voilà seuls !

Nous qui ne l’avons jamais été. Même aux pires

Heures du théâtre national. Seuls et amoureux

L’un de l’autre. Le chef de gare et le sycophante.

Quel beau titre pour une soirée qui ne l’annonçait

Pas ! (il tire le sycophante par la manche, hilare)

Ne soyons pas seuls en un pareil moment ! L’amour

Est bien. C’est la haine qui est mal. Dites-moi tout !

Scène déserte. Plus rien. Le chef de gare fait le tour. Le sycophante le suit, agité de spasmes. On entend les avions, mais on ne voit pas le ciel. La mise en scène n’a pas prévu le ciel. Il faut le deviner, l’explorer sans le voir. « Vous nous direz à quel moment il faut applaudir, n’est-ce pas ? » Le chef de gare fait signe que oui : cette didascalie est prévue, elle. Le sycophante proclame sa confiance dans le texte. « N’applaudissez pas maintenant ! Ma proclamation ne fait pas partie du spectacle. Je la publierai à part et à compte d’auteur. Bientôt en librairie ou chez le marchand de valises. Marchand pour marchand, n’est-ce pas… ? »

LE CHEF DE GARE

Heureux

Qu’est-ce que j’étais avant… ? Vous

Me posez la question, je le sens.

Non… pas gardien de troupeau.

Pas comédien ni le contraire.

(soupir profond)

J’étais ce que j’étais. Mais sans

Métier. Fils de la maison. Jeune

Après avoir été vieux. Affamé

Mais sans perspective de vol.

Je pouvais jouer tous les rôles.

Quelle polyphonie impossible !

On ne naît pas pour naître.

Je me prenais pour l’arbre.

Soumis aux saisons comme

L’arbre qui ne meurt pas ici

Mais ailleurs. J’avais le sens

De mon côté, comme le joueur

De foot. Sans outils pour être

Et tout pour devenir. Héritier

Sans héritage. Cadavre sans

Mort. Père sans fils ni fille.

Amoureux sans amour, las

De l’ancien comme du nouveau.

La ville me connaît. La terre

Me donne le fleuve. Qui sont

Ces gens ? Vitrines des reflets

Et non pas de leurs contenus.

Ouvrez la porte avec ou sans

Clé. À un moment donné,

Peut-être à la fin, l’objet

N’explique pas son apparition.

Ou alors il faut croire qu’on

N’a jamais été enfant. Aimez

Moi comme vous voulez. Ou

Ne vous retournez pas sur

Mon passage. Je fuis ou j’arrive.

Qu’est-ce que c’est beau d’être

Jeune et vieux à la fois ! Ni l’un

Ni l’autre. Sans transparence

De voyage. Iceberg des plans

À traverser d’un continent à

L’autre. Sans îles pour repos.

Sans vent en poupe. Poète

Raté. Mais pas sans charme,

Avouez-le. Sans moi (ici le sycophante dit mais pourquoi moi ?)

Comme la page serait belle

Si je la tuais ! Je n’ai jamais

Tué le temps à ce point !

Non, je ne vous envie pas !

(le carré se met au rouge)

Nous avons un train à prendre.

Rideau.

 

Le rideau s’entrouvre et Río passe devant, hésitant toutefois.

Il entreprend la descente par l’escalier.

Il est à mi-chemin quand Blanco apparaît dans le rideau, disant :

Je suppose qu’on ne te reverra plus…

(un temps)

Je m’étais habitué à toi, depuis le temps !

Ça va me faire drôle de continuer sans toi.

Je ne sais même pas ce que je vais continuer.

Comme si ça n’avait jamais commencé, vois-tu ?

Je me sens dépossédé, pauvre même, sans rien.

Hé ! Ne cours pas si vite : je ne te suis pas !

Je ne suis pas fait pour quitter les lieux.

Je ne sais même pas ce que je rencontrerais

Si je sortais de ce théâtre où je ne joue plus

Depuis que je sais jouer : envoie-moi une carte

Postale à ton arrivée : en admettant que tu saches

Où tu vas : pas sans un détour par le passage

À niveau : toute trace effacée : les feuillages

Sont mouillés à cette époque : puis l’hiver

Appelle un printemps sans nouveauté en

Attendant que l’été bousille ces rêveries !

Mais tu sais déjà tout ça : pour l’avoir vécu

Plus d’une fois : tel est ton personnage : fleuve

Sans estuaire : à marée basse les roches noires.

(se souvenant) Ah ! Tu oublies le sauvageon

Arraché à la forêt de la qasida. Ce peu de terre

Enracinée dans la chair sépulcrale : tu chanteras

Si la musique t’inspire : aux tours des moucharabiehs

Les pétales envolés comme autant de lettres.

Que la terre est ancienne si on y revient !

Ne m’oublie pas, Río. N’oublie rien de cette eau.

Tu nourris l’anguille musclée ainsi que la sèche

Trompée / des couteaux s’ouvrent sous la vase

/ nous sommes de retour et pourtant c’est la mort

Qui arrive avant nous : comme autant de pétales

Emportés par le vent ou les possibles ruines d’or

Fin : je ne te retiens pas : j’ai mon job ici : peur

De tomber plus bas : en coulisse les fruits amers !

Parlons pour ne pas agir contre ce que le soleil

Éclaire de sa lente extinction. Parlons d’écrire

Sans faire d’histoires : terre vieillie de trouvailles !

Heureusement que tu n’es pas un personnage !

Traverse l’orchestre en son milieu vaguement

Oblique : les battants immobiles frémissent :

Qui empoigne la poignée pour te laisser passer ?

Tu ne verras pas ces yeux comme tu n’as jamais

Vu les miens : ni ceux qui se souviennent de toi.

Dehors, c’est la nuit : et la nuit, ici, c’est le jour

Ou sa promesse : selon le spleen en vigueur /

Je vois ça d’ici : ta lenteur de récit en attente

De chute : les animaux te suivent à la trace :

Tu rencontres le fleuve pour la première fois,

Toi : fleuve sans terre : quel village se nourrit

De ton œuvre ? (un cri) Attends, Río ! Je n’ai

Pas fini : ne t’en vas pas avec mon ébauche !

Mais Río descend encore quelques marches.

Il a la tête baissée.

Comme il n’y a pas de rampe, il oscille.

On entend son murmure, mais rien de plus.

En haut de l’allée centrale, la porte cliquète.

« Ce n’est pas la bonne clé, je le sais bien…

Je pars pour ne pas en dire plus. »

Il atteint le plancher.

Blanco continue :

BLANCA

Les sentiers de jadis sont devenus des routes

D’asphalte et de panneaux ; mais l’âne suit

Son âne sous le ciel blanc ; une rose tache

Le vert entre les murs ; nous étions heureux ;

La vieille poésie cheminait en poussière d’or ;

Les enfants suivent ; ni silence ni voix, l’amour ;

Je ne te retiens pas ; je ne reviens pas non plus ;

Planches disjointes pour l’œil ; dalles aux joints

De sable ; le seuil se creuse encore chaque jour ;

Mais je ne connais plus ces nuits ; trilles têtus ;

Quel chemin de la mélancolie à la tristesse !

Monte puis descend ; souffle aux angles morts ;

Rature de la pointe de son bâton ; une figue

Éclabousse ; l’or des surfaces conquises par

La copla ; qui revoit qui en ce moment ? Je

Suis ce que le refrain veut de moi ; n’oublie

Pas ; l’Arabie plus que tout autre sainteté ;

N’oublie pas que tu es venu ; personne ne

T’attendait ; fleuve des lits, histoire des nus ;

Aux rayons se partitionne ; tu ne sais plus

Qui est qui ; mais il n’y a plus de personnages ;

Cousins et cousines du vieil horizon couchant ;

Ni pleur ni même douleur ; comme si l’esprit

Possédait les lieux ; rien n’est joué d’avance ici

Bas ; rien ne se joue à deux ; de l’impression

Nulle trace savante ; quelque chose entre

Plaisir et douleur : sans nom par l’entremise

D’une poésie acquise et non pas retrouvée ;

N’écoute que les possibilités de mes formes ;

Le jardin recueille les tons ; coule cette semence

À la tangente des escaliers ; si j’écrivais, Río,

Au lieu de jouer, la mer ferait de toi un nouvel

Ulysse ; nous attendons l’automne et ses pluies

Torrentielles ; la terre une fois encore ravinée

Jusqu’à l’os de la vieillesse ; racines visibles

Enfin ; puis ta main lisse la terre des châteaux ;

N’oublions pas ce qui se perd autrement ;

Ta vague déferle contre le parapet ; sel des

Os ; nous avons aimé une fois ; éternité.

Et c’est signé :

Blanca.

Classiques accords comme la pluie, dit Río

En réponse / il remonte l’allée avec l’ouvreuse

/ il la tient par la taille / « ne soyez pas triste »

« si le public était là, mon pauvre ! »

Blanco chante ce que Blanca joue sans lui.

« vous oubliez la conduite »

« je ne sais pas ce que j’oublie »

« rien ne pousse ici ! on se sent seul ! »

Après l’horizontalité, l’écriture essaie la verticale

Des planchers.

« je ne sais pas si je pars…

si ça se fait : je sors. »

Il la tient toujours par la taille

Et elle se laisse conduire, agitant sa lampe.

« par ici »

La clé inexplicable autrement / dans la main.

N’ouvre qu’une porte lointaine, oubliée.

Elle pousse avec le pied la porte du présent.

Il ferme les yeux comme si la lumière…

« mais il n’y a pas de lumière »

« on ne sort pas à n’importe quelle heure »

Voix autour de soi : en représentation.

« je ne sais plus ! »

Et se jetant sur ses genoux, il enfouit sa tête entre les cuisses.

C’est ainsi qu’il étouffe son cri.

« qu’est-ce que je fais maintenant ? »

Elle agite sa lampe.

Les fresques s’animent.

Les statues de plâtre.

Les mains courantes.

Le velours des seins.

« je sais que je vais mourir avant de savoir vivre »

« je ne me suis jamais senti aussi seul »

« et moi donc ! »

Dès que l’image s’anime, elle appauvrit le sens,

Dit quelqu’un au passage.

Et Río dit en réponse :

Combien de fois ai-je pensé avoir atteint

Le bout du chemin, à l’endroit où plus rien

Ne dit son nom ? Une fois l’an, en hiver ?

Ou autant de fois que je suis sorti de chez moi ?

Rien ne ressemble moins

à l’intérieur que l’extérieur !

J’aurais dû choisir un autre métier ! Mais

Je n’ai pas choisi : il faut être dedans pour

Regarder dehors, plate tautologie de l’être

Qui n’a pas encore trouvé les moyens d’existence.

Penché comme à la fenêtre, ne voit pas

Que la vitesse est relative : s’imagine

Qu’il est déjà venu : avec d’autres temps.

Un métier d’homme. Des outils d’encyclopédie.

L’odeur de l’atelier. La sueur des autres. Vivre !

Au lieu de hanter les lieux. Entre au théâtre et

N’en sort plus : « tu joueras ou tu seras joué ! »

Pas d’autre choix après l’éducation en croix /

Et une fois dehors, l’intérieur est bourgeois :

Tiède comme l’eau des fontaines andalouses ;

Lent comme ce qui ne se raconte pas ; exsangue

Mais de chair ; avec un enfant en guise de clé !

 

Jette les pierres par-dessus son épaule,

À l’aveugle : devant le temps ouvre ses

Cuisses / qui installe les crépuscules si

Ce n’est Dieu lui-même ? Mais Dieu n’a

Pas de nom : l’homme en a un / femme

En puissance : prisonnier de son sang.

 

Pierres empruntées ou volées aux chemins.

Au passage des seuils et des propositions

Commerciales ; j’ai appris votre langue

Pour ne pas vous perdre : comme si l’or

D’un scarabée avait de l’importance !

 

Ces arrachements laissent des traces !

En filigrane une véritable histoire d’homme.

Si l’homme est la femme et l’enfant

L’homme lui-même : j’aime la poésie

De vos clôtures / nous autres herbes

Des prés et des sous-bois : animaux

Pris au piège du cercle infini, infini !

 

Que l’aphoristique l’emporte sur la voix !

Si ça vous chante et si c’est là que vous habitez.

Je passe mon chemin sans m’oublier.

Jusqu’où ? À quel endroit qui ne soit pas

Une chambre d’hôpital ou la place du mort ?

De quelle chandelle me parlez-vous ?

BLANCA

Gémissante

Nous n’étions pas loin de connaître le bonheur.

Encore une trace infime et le fleuve se jetait à l’eau !

RÍO

Seulement voilà je n’étais pas fait pour me jeter !

BLANCO

Tu le reconnais enfin ! Il a fallu attendre ce moment

Heu… tragique : pour que tu admettes la… chose !

Mais je n’en dis pas plus : de peur d’en dire trop.

RÍO

Qui était-elle alors que je ne savais pas qui j’étais… ?

BLANCO

Récitant

Le voilà plongé dans son lit de verdure !

Ô cresson justiciable !

Eau potable des maisons possédées par actes notariés.

Nous étions amis autrefois.

Et nous le sommes restés longtemps.

Mais les rêves nous ont séparés.

J’étais ce que je suis

Et il n’était pas là.

Voilà toute l’histoire.

Nous n’avons pas fait la guerre,

Pas pensé une seconde à notre pays

Et à ses filles de terre et d’os.

On perd son domicile dans ces conditions.

Le gendarme se méfie de vous.

On vous empêche de voter comme les autres.

Les vitrines deviennent des théâtres chinois.

Les portes redeviennent cochères.

Les jardins se peuplent de chats morts.

Qui hulule n’a pas de hibou en tête.

(se reprenant)

Le voir presque mort,

À une porte près !

Si c’est pas triste !

Après tant d’années communes !

Moi la fille et le garçon !

Le joueur et la jouée !

Et lui sur le devant de la scène, appris par cœur

Par on ne sait quel lauréat ?

Qu’est-ce qui tient encore debout après ça ?

Nous étions trois si je suis double.

C’était son bonheur, cette trinité.

Sa voix en dépendait.

Sa voix de fleuve tout juste en partance.

Moi comme jardin d’Alhambra

Et elle comme chant profond.

Quel comédien mieux servi ?

Et il s’en va maintenant !

Il est à la porte.

Le tapis est éclairé.

La rue s’annonce par ses affiches.

Son dos immense est perclus de douleurs.

Inscrivez la douleur comme graffiti !

Les bons textes s’écrivent sur les murs,

À la campagne comme à la ville !

Bientôt l’oxygène de Mars sera respirable et utile.

Nous ne savons pas où nous allons mais nous aimons notre passé.

Il y a toujours une fille pour le dire.

 

QUI ?

Toujours la même question :

Qu’est-ce que je fous ici ?

Il en fait une chanson puis : la mésange

À tête noire avale goulument une abeille

Au seuil de la ruche (au trou de vol)

À moins que le philante apivore /

Le trottoir est herbu ici, remarque-t-il

À voix haute alors qu’il est seul : mystique

Des soleils répandus aux pieds des murs.

Quelle thébaïde pour une déréliction !

Rouge coquelicot et avoine des champs.

Qui m’a déposé ici au milieu de tout ?

Je n’aime pas la terre ni la pluie.

Inventez tant que vous voudrez : des cultes

À foison si vous savez ce qu’est une foison.

Ni feu ni eau pourtant : l’herbe est jaune

Ici : nous sommes revenus pour exister

Encore : trop vieux ou pas assez jeunes /

Donnez un nom à chaque rehaut : accumulation

De gouttes en surface : qu’est-ce que je fous ici ?

Je me fous d’être ici / je ne suis pas venu : j’aime

Mieux dormir / ce monde ou un autre : kif-kif.

Chacun veut sa part de territoire, ici ou ailleurs,

Venu de loin ou vu de près : quelle saison s’en lasse ?

Les mots finissent par avoir un sens : quai de gare

Perdu au fin fond du pays, à la racine des montagnes

Qui donnent le la aux instruments spirituels : déposé

Comme un sac des messageries de la solitude.

Pour voir l’herbe déjà sèche, ses insectes pressés

: sans doute d’en finir : je n’ai pas désiré ce voyage

/ mais j’ai aimé l’enfance : aimé le voisinage, la mer,

Les ciels d’orage / qui m’aime si je n’aime personne ?

Voyez les traces des activités économiques qui

Expliquent qu’ici tout n’est pas vraiment mort :

J’ai aperçu (ou deviné) des yeux par l’ombre

Clairs et profonds : ou je les ai imaginés : ainsi

Commence le roman qui : tôt ou tard : deviendra

Poème : avec ou sans poésie : déposé comme feuille

À l’automne d’un voyage en tous points semblable

Aux émigrations mises en page par la pratique

Du rythme / ne me dites pas que j’ai sauté

Du train en marche : profitant d’un ralentissement

Consécutif à un suicide : saisissant cette occasion

De mettre un terme à ce déplacement insensé

D’un point à un autre de la possibilité de vivre.

Voilà toute l’histoire : anabas gueule ouverte

Dans le buisson : quel insecte se laissera séduire

Par cette langue « émergée » ? / l’anachorète

N’a pas vu Dieu ni entendu sa voix : la promenade

Est semée de gouttes sucrées : « ils finissent tous

en chambre » : avec ce désir de n’être pas le fils

Ni la fille : ce vœu qui n’est plus un désir : cette

Intention finalement : voyage horizontal par dé

Par définition / « ce poisson est l’ancêtre de l’hom /

Et de la fem / de l’enf / de ce qui est écrit au civil

Comme dans les annales du crime : ballast chauffé

À blanc : rails des laminages : le quai est un art »

Qu’est-ce que je fous ici ?

Cite des noms de choses appartenant à la nature

Ou du moins à ce qu’on imagine (communément)

Relever de ce socle d’enracinement : trouve des

Mots chez les autres : revisite les lieux : le mal

Est partout et le bien se fait rare, dit ma voix

Au silence du quai : herbes rôties des étés sans

Noces : tiges cassantes aux interstices des murs

Croissant devant : je ne sais pas pourquoi j’ai

Laissé tomber : ce ralentissement m’a inspiré,

Je crois : ce n’est qu’une histoire ou un fragment

Clinique des faits : venu de quelques-uns et allant

À la fin de soi : sans suite à donner à leur Histoire

/ ni pauvre ni vieux, ni malade ni exaspéré :

Ne trouvant pas le seuil de ces murs bâtis

En d’autres temps : je suis qui vous voulez

Que je sois !

Et je le suis ! Quel soleil m’ignore à ce point ?

Pas de valise, à peine vêtu, rien dans les poches

Et surtout pas le nécessaire : personne pour

Me dire : que je suis allé trop loin « que c’est

pas ici » / que je finirais bien par rencontrer

Quelqu’un / à sa table buvant son vin / pas

Noire l’angoisse / pas rouge la douleur / le temps

Exige de quoi payer : l’idée était d’entrer (ô la la !)

Dans la peau d’un autre qui ne fût pas moi / voilà

Toute l’histoire : celle de Río le fleuve sans amont

Ni aval : aucune étrave en travers des érosions /

Algues agitées de passages / sous les frondaisons

Trouvait le repos : et dormait comme s’il n’avait

Jamais aimé : les strophes s’annonçaient en masse

/ « un jour je saurai tout de vous » / qui est qui

À cette hauteur ? / lieux désertés ou ignorés :

Pourtant le quai témoigne d’une activité humaine :

Sans traces de pas (effacées par les vents) ni objets

Perdus ou jetés / déambule un instant (une seconde

Pas plus) les yeux examinant le sol dur et épars :

Des routes proposent leurs destinées, sans panneaux

Ni signes de vie : ici commence mon récit, après

L’histoire et avant le roman : poésie d’un lieu

Issu d’un ralentissement que rien n’explique

Ni ne conte : pensant ils reviendront bien un jour

Ou l’espérant malgré la colère : rien, pas un mot

Écrit, pas une sonorité retenue par cœur, rien

À plat : peut-être un théâtre, architecture en

Phase prémonitoire : « jouera tous les papeles »

À ce stade du pourrissement de soi en miroir :

L’éparpillement des os (la chair est oubliée depuis

Longtemps) / au cénotaphe des mains usées

Par le travail nourricier : jeté la clé au loin

Plutôt qu’à l’intérieur : sans souci de parabole

/ et les années installent rideau et rampe,

Coulisses et tringles, trappes et balcons /

Répétant qu’est-ce que je suis venu foutre

Ici : en ce lieu de non-voyage : presque nu

Et sans lendemain : créant la source et son eau

Pour aller plus vite que le vent de l’Histoire /

Assise dans ses voiles la beauté sur la margelle

Blanche de chaux : n’oubliant ni la rose ni les

Chants d’oiseaux reconnus à leurs positions

Sur la branche : personne pour dire le contraire

Ajoute-t-il au texte : revenant par superposition

Pas de transparences ici continue-t-il de penser

/ au frôlement des plis eux transparents : « ça

s’rait-il pas plus simple de le dire en chanson ? »

ou ailleurs : si tant est que la manière est situable

« je vois ça d’ici » / peut-être ami d’enfance… qui

Sait ce que nous savons au fond de nous ? / Qui

Descend le premier ? Qui en a parlé avant les autres ?

Voici les saisons et les sciences du comportement :

« nous avons aussi emporté les mots qui vont avec »

Comme bagages à surveiller aux ports : clés et chaînes

Du sens : on ne perd pas ce qu’on tient / passagers

Entre infini et profondeur : au bastingage vomissant

Des textes : écumes des houles : de temps en temps

Apparaissait une figure mythologique : genre demi

Dieu ou garce circonspecte : « nous partons tous

les ans » / chaque année le même itinéraire conçu

Par les spécialistes des déplacements de surface :

Amours clandestines : ancillaires si possible : nièce

Volage et pas assez âgée pour figurer sur la toile.

Ce qu’un simple appareil textuel peut suggérer

À l’esprit : pourvu qu’il se prête au jeu : gagne

Quelquefois : offre alors le gite et le couvert :

Loups et vents : le feu couvait « que voulez-vous ! »

Voici le fer rongé par l’attente « comme je vous

l’avais promis » oui oui des ponts glissants de sel

Et d’écailles : des histoires en veux-tu en voilà !

Entre et sort : sinon réplique : ou passe son tour

: « c’est dingue comme la critique peut vous

blesser même si vous avez raison ! » / poitrines

Exténuées offertes en sacrifice non pas aux dieux

Mais à ses saints : monarques des vitrines joyeuses

: le monde dans la main et la main sur la rampe

Fraîchement vernissée : têtes hautes des satisfaits

Et paluches noires des mal nés : « je revoyais tout

ça sur le quai alors que personne ne pouvait

témoigner de mon improbable solitude » / mort

Pour rien : « qu’est-ce qui ne s’oublie pas si le pays

n’en est plus un ? » / des fois on s’alimente de sucre

Et d’autres fois de sa fermentation : de l’enfance

De l’art à son enterrement : « il doit bien y avoir

un cimetière dans ce trou perdu » / mais perdu

Comment ? À quel endroit de la logique imposée

Par la sagesse ? Nous aimons les fleurs et les gouttes

De rosée. Qui se perd en chemin dans les châteaux ?

Quelle guide aux genoux rouges n’en rie pas une

Fois rentrée chez elle ? Pourquoi moi et pas une

Autre ? / arpentant le quai désert et inutile :

Je revoyais (littéralement) ces tours en pays

Étranger : pourquoi sommes-nous allés si loin ?

Oui oui le poème doit se mordre la queue ou

Passer son chemin ! Je n’ai pas l’âge de ma fille.

Nous aimons les lieux d’ombre et de soleil caché.

Voyons si c’est par là comme en mer les observations

De la hune : si nous n’étions pas deux cette lune

Là-haut foulée par l’homme : quelle écriture

Pour ce voyage ? Les journaux ressemblent

À nos romans : ou l’inverse : genoux rouges

Et mollets douloureux : mais la douleur

Ne se voit pas à leur niveau : seul le visage

Est signifiant dans ces circonstances un peu

Comment vous dirais-je ? / rien de tel au verso

De nos cartes postales : quelle que soit la saison

/ les objets composant le jardin s’assemblent

Toujours de la même façon : ce qui change :

C’est la saison : encore que les années, ma mie…

Sur le quai seul et sans argent pour le dire :

L’excuse du ralentissement : « ne descendez

sous aucun prétexte ! » / mais descendu il

Ne trouve pas même la force de se souvenir

: il observe les herbes calcinées de cet été

Particulier : la pierre concassée : les mottes

Dures : ici et là des habitants furtifs : insectes

Pour la plupart : rien à boire ni à manger : rien

À voir en marge de l’attente : pas un arbre

Pour s’interposer entre le ciel et soi : la mort

A un visage : « si vous me le demandez : je

propose le mien » / Quel désert au fond !

Entre les civilisations : ne servant pas même

De transition : le seul souci c’est l’eau et avec

L’eau l’insolation / histoire d’une évaporation

En style sibyllin : aimez-vous cette dispersion

Des moyens hérités d’une longue tradition ?

Qu’est-ce que je fous… un bon petit métier

Ou à défaut quelque chose à faire, utile ou pas

/ sans oublier la reproduction de l’espèce et

De ses choix civilisateurs / on apprend vite si

On veut : et je sais que vous voulez ! Arrrghg !

Quelle misère si on y pense ! Se trimbaler d’ici

À la rue et de la rue au pot : à fleur du style et

De sa nouveauté : je vends pour ne pas travailler

Comme les autres « rentre en possession du bien

que la vie te donne de droit » / des lunes sous

le soleil : Qu’est-ce que je fous ici ?

Rien pour écrire, pour dessiner, pour composer

Les graphies de l’émerveillement, rien sur terre

Mais : là-haut ? Ou dessous en grattant un peu ?

Se dit ça ne durera pas arrive le moment quelqu’un

Pose la question : qu’est-ce que vous foutez ici ?

Décline alors quel nom ? / exhibe quels papiers ?

/ quel visage ressemblant ? / dit vous ne me con

Connaissez pas / voyez cette abeille dans le bec

S’agitant parce qu’elle sait ce qui l’attend — lui :

(ou elle) On voit ça tous les jours si nous chante !

Ne perdons pas de temps en babioles ! Suivez

Moi ! je connais le chemin : je suis d’ici.

Pense il y avait longtemps que je n’avais ouï

Le d’ici des origines de mon enfance / joie

Constante puis cassure nette du récit enjambé

Par temps de soleil et de mer : je sais où je vis

Mais je ne sais pas où je suis / « quelle question ! »

Ce type sentait la bière et le tabac : « pas la

première ni la dernière : on a l’habitude : suivez

moi ! » / comme si j’avais besoin de ce théâtre !

Jambe de bois ou d’ivoire : ce qui t’appartient

Parce que tu vis et que d’autres sont déjà morts.

Des mots dans le dictionnaire de la nature :

Tout y passe : et l’hiver le vent amène ses loups

/ cogne la cognée et enjambe la jambe : enfance

Interrompue non par suicide mais sans la mort

Qui lui donnait un sens : jusqu’à ce que la langue

S’interpose entre le Bien et le Mal : que l’autre

Légifère par procuration : que toute sépulture

Ait son dieu : toute union sa fornication et :

Descendant de son palais suivant le sens de l’eau :

Plus bas il vit que le train sortait du tunnel et :

Qu’au passage à niveau elle l’attendait : plus

Loin : le quai écrasé de chaleur : des heures

d’attente : Qu’est-ce que je fous ici ?

Oui oui ce personnage venait à moi sans intention

De changer une virgule :

 

LE SYCOPHANTE

Alors comme ça dans la rue il raconte

À qui veut l’entendre

Ce que ce prince vint lui annoncer :

« il sera toujours trop tard »

Río prend le temps d’une vitrine,

Sans envie, sans jalousie, pas hypocrite pour un sou :

Le prince est dans son dos,

Dit se nommer « Gor Ur » et avoir hérité du Bien comme du Mal,

Autrement dit d’une équation égale à rien.

RÍO

Pas déçu

Tant pis ! On parlera d’autre chose.

Vous êtes invité au cocktail ? Je le suis.

C’est ainsi que je monte et que je descends.

C’est ma vie ! Je n’en possède pas d’autre.

En tout cas je ne fais rien pour que ça change.

Je ne crois ni en Dieu ni en l’homme : je pense.

Quelque part entre la mer et le pays, ma voix

Entretient ses instruments, jalouse d’elle-même.

Je n’habite pas un réseau conçu pour habiter

Avec les autres :

Jadis j’étais fleuve et mer

Je ne suis pas devenu.

Père non plus.

Pas pu rester enfant.

Les os ont leur volonté.

Seul le sang n’a pas d’âge.

J’aime suivre les phrases

Qui marchent devant

Pour qu’on les suive.

Jamais poème ne m’en a voulu.

Ils trottinent derrière moi.

Je me souviens des moins faciles.

Mon spectacle ne vaut pas plus cher.

Fleuve j’étais dedans mon lit.

Habité et grossi par le temps.

La surface est égale à la profondeur.

Mais ce jadis me turlupine.

Il a toujours été trop loin,

Et ma main de cascade jamais

N’y a trempé ses doigts.

Rien devant qui ressemble

À une promesse : rien de vrai.

Mes rives sont des rives

Et mes joncaux des sabbats.

J’en ai perdu la langue.

Mais pas muet pour autant !

En portier ou en vigile,

Je suis digne de mon rôle.

Je connais ce que je connais

Par cœur et à l’estomac.

On peut me faire confiance :

Je coule de source.

Mais ce jadis aux airs d’enfant,

Ni mort ni revenant,

Joue avec ma patience

Et déjoue mon impatience.

Ma voix s’en trouve mal.

Ce qui est bien pour les uns

Et pas assez pour les autres.

Mes villes sont des villes

Et mes ports des éphémères

Aux ailes de poussière.

Naguère n’a pas de sens

Comme tout ce qui n’existe pas.

Peut-être a la couleur du temps.

Peut-être fleuve ou peut-être pas.

Enfant ou personnage à jouer

Comme on abat une carte

En plein cœur.

LE SYCOPHANTE

Jolie chanson ! Avec un peu de musique

Et de la voix, et peut-être quelque assonance

… Vous hésitez, Río… Quelle légende vous accoquine ?

RÍO

Amusé

Ne secouez pas l’enfant pour le déposséder !

GOR UR

Désignant le carton d’invitation

J’imite bien les signatures, mais celle-ci est la mienne.

Vous en doutez ? (un temps) Je ne puis le prouver…

RÍO

Je ne vous demande rien !

LE SYCOPHANTE

Ce serait ma signature…

RÍO

Peu importe qui m’invite aux réjouissances en vigueur !

Il n’est pas mauvais, en sortant du théâtre…

LE SYCOPHANTE

Mais vous

N’en sortez pas ! Vous fuyez ! Vous avez presque disparu !

RÍO

Toujours amusé

N’exagérons rien ! Tout au plus je vais

Où le vent me pousse : cela ne s’appelle

Pas : fuir / et bien sûr je suis sorti : voilà

Qui explique ma disparition interrompue

Par…

GOR UR

Présentant un autre carton

Gor Ur. Je possède…

RÍO

Hilare

Ah ! Ah ! Il possède !

Facile à dire à quelqu’un

Qui ne possède rien !

LE SYCOPHANTE

Rien ! Mais alors ce qui s’appelle rien !

RÍO

N’en rajoutez pas ! Rien et rien c’est rien.

Et encore rien c’est toujours rien. Ainsi

Jusqu’à ce que mort s’ensuive ! Gor Ur !

GOR UR

S’avançant comme un domestique

À votre service… heu… si je puis dire…

RÍO

Vous descendez du train vous aussi… ?

GOR UR

Non… de mon palais… et de ma lignée,

Cela va sans dire…

RÍO

Pourquoi m’avez-vous invité, je dirais :

Cueilli au saut du théâtre où j’ai perdu le sommeil !

(Gor Ur hésite)

Il y a bien une raison… Mon talent de… comédien… ?

GOR UR

Se ressaisissant

Entre autres… J’ai pris conseil… Je ne vous connaissais pas…

RÍO

Conseil, dites-vous ? Auprès de qui, de quoi, comment et : pourquoi ?

GOR UR

Ma foi… Je ne crois pas me tromper…

RÍO

Mais on a pu vous tromper…

GOR UR

Souverain

Les morts ne mentent pas… que je sache…

RÍO

Mais ils ne parlent pas non plus… que je sache !

LE SYCOPHANTE

Nous avons eu une morte aujourd’hui…

Au passage à niveau…

Un arrêt technique s’en est suivi…

RÍO

Grimaçant

Écrabouillée sous le train ! Pouah !

GOR UR

Très théâtral en effet.

RÍO

Singeant

Sgrouiiitch ! Ni chair ni os ! De la bouillie !

Le train a ralenti (je m’en allais) et je suis descendu

Sur le quai : cette lenteur m’avait inspiré.

La chaleur aussi sans doute : pas de vent.

Une mésange. Personne. Plus de train.

La plaine plantée d’agaves. Un moulin

En ruine. Des figuiers de Barbarie sans

Figues. Pas de traces sur le chemin. Nu

Presque j’étais. Sans argent. Prêt à tout.

Je suis le fleuve que poursuit l’enfance.

LE SYCOPHANTE

Relatif

Elle ne vous poursuit pas !

Tout au plus se signale-t-elle

Par ses cris… d’enfant.

RÍO

Irrité

Sans cesse revenant sur le métier et jamais

Satisfait par le produit de ce travail têtu.

Je sais de quoi je parle quand j’en parle !

Tandis que vous…

LE SYCOPHANTE

Satisfait, à Gor Ur

Je me suis renseigné, figurez-vous.

GOR UR

Il y aura du monde. On jouera

À se raconter des histoires.

La vôtre trouvera son audience.

Nous sommes beaux joueurs,

Tous autant que nous sommes.

RÍO

Mais qui êtes-vous ?

Je sais ce que je suis,

Et même ce que je vaux,

Mais rien sur votre compte

Et sur celui de vos… amis.

Parmi lesquels une morte

Qui… vous a parlé de moi !

GOR UR

Impatient

Vous verrez bien.

(consulte son oignon)

La nuit nous laisse le temps. Montez avec moi. Nous prendrons le funiculaire. Maldoror l’emprunta. Je ne saurais vous dire dans quelles circonstances… Mais il y a laissé sa trace melmothienne. Elle me la donna à observer, alors que jamais je ne l’avais remarquée, malgré de multiples emprunts. Ah ! sans ce funiculaire, que de courses folles ! Essoufflement avant d’atteindre la porte. Ces deux niveaux de la ville en ont épuisé plus d’un avant la construction de cette rampe mécanisée. Je fus l’un des promoteurs, en tant que conseiller municipal. Mais l’entreprise ne me rapporte rien. On se souviendra de moi le moment venu. Une niche est prévue à cet effet, à la hauteur du guichet d’en bas. Ne me demandez pas pourquoi en bas et pas en haut. Je n’ai pas participé à cette décision, ni posé la question. Je sais seulement que ma représentation aura à peu près l’âge que j’ai aujourd’hui. Ledit âge mûr. Qui ne dit rien de l’enfance mais passe sous silence ce qui l’efface définitivement. Laissez-moi vous montrer. Levez les yeux, pas plus haut que les acanthes : c’est la niche, ma niche. Je l’occuperai ad vitam aeternam. Bien sûr, comme vous le faites remarquer (vous n’êtes pas le premier) il faudra lever les yeux. Mais que voulez-vous : c’était ça ou rien. Alors entre rien et quelque chose, mieux vaut s’en tenir à ce qui est et oublier ce qui ne l’est pas. Je vous le dis comme je le pense. Et ce n’est pas une critique. C’est par ici…

Prenons un billet. J’ai ma carte d’abonné. Entre nous soit dit, je ne paye rien. Cela doit bien se savoir, mais personne n’y voit d’inconvénient. J’imagine…

Il faut attendre. On entend les grincements de l’acier. Dessous, l’herbe pousse. Et ça monte ! La gravité se souvient de nous. On peut fumer si ça n’importune personne, mais il se trouve toujours quelqu’un de fragilisé par l’air du temps. Vous verrez comme j’ai raison. Je montre mon étui avec ostentation et quelqu’un me fait signe que non. Il ne me reste plus qu’à le rempocher. C’est discret et sans dispute. Je n’aime pas ce genre de discussion. Bien que cette renonciation me prive du plaisir de fumer en montant… ou en descendant. Je me contente de mesurer la friction des câbles et des rouages. Je pense à ma niche. Un budget, tout de même. Voté à l’unanimité. J’avoue que j’ai eu peur d’une réticence. Mais aucun signe de contestation sur les visages de mes colistiers. Même l’opposition s’est ralliée à cette idée de niche. Il n’y aura pas d’autre trace de moi dans cette ville. Vous écrivez… ?

RÍO

Surpris par la question

Pas au point de posséder une niche…

GOR UR

Oh ! mais je ne suis pas encore dedans ! J’ai bien le temps de… vous savez.

RÍO

Je ne sais pas tout.

GOR UR

Mais vous attendez. Comme tout le monde. Il n’y a pas grand-chose à faire d’autre… en attendant. Autant profiter de cet espace pour en écrire quelque chose. Inutile d’en sortir pour aller taper le carton ! Ou se perdre dans les lacets d’une conférence.

RÍO

Que dire des spectacles… ?

GOR UR

Par ici… Comme je vous le disais, je n’ai pas de niche ici… en haut. Nous ne mettrons pas longtemps. J’habite les beaux quartiers. On y côtoie les meilleurs hôtels. Avec une facilité ! Je ne vous dis pas. (marchant) Ainsi, vous écrivez… Ne dites pas le contraire. J’ai connu des comédiens. Des comédiennes surtout, mais je ne veux pas vous ennuyer. (un temps) Qu’est-ce que vous écrivez, vous… ?

RÍO

Je ne suis plus un enfant.

GOR UR

Vous écrivez je ne suis plus un enfant !

RÍO

J’essaie de l’être, mais je ne peux rien écrire d’autre.

GOR UR

Perplexe

Du diable si j’y ai jamais pensé !

RÍO

Gamin

Mais je n’y pense pas. Ça me vient comme ça.

GOR UR

Prosaïquement… ?

RÍO

Si vous voulez dire : sans poésie, c’est comme ça que ça me vient. Je n’y peux rien. C’est comme monter dans le funiculaire : je monte ou je descends.

GOR UR

Il n’y a pas d’arrêt intermédiaire, en effet… C’est une idée à creuser. J’en parlerais au Conseil. Mais il s’agit de savoir en quels termes. (frappant sa cuisse) Vous ne les connaissez pas.

RÍO

Non, en effet. Moi pas connaître eux. Eux pas connaître moi. Eux peut-être connaissent mes personnages. Si eux venir au théâtre…

GOR UR

Eux venir.

RÍO

Alors eux savoir.

GOR UR

Nous arrivons. Il y a déjà du monde. Vous êtes attendu. Pour la rémunération…

RÍO

À pile ou face !

 

La poésie voulait une scène.

Mille poètes comme troupeau.

En quelle saison se passer du monde ?

Pas de science sans hypothèse.

 

Je vous dis ça comme ça.

N’importe quelle courbure,

D’échine ou de plan de travail.

Plus moyen de s’en passer.

 

Deux mille poètes extraits

Des meilleures universités

Et des travaux des champs

Et des villes : pendant ce temps

 

L’envers du monde s’organise.

Ce que la science éclaire

A perdu de son éclat : murs

Des religions comme tombe.

 

Qui désire se mesurer au temps ?

Sur son cheval un justicier.

Je me nomme moi-même.

Mon nom ne vous dira rien.

 

Voyons si l’extase vous convient mieux.

Un tapis de feuilles encore vivantes.

Et pas de vent pour les emporter.

Des oiseaux explorent le creux des arbres.

Voyez à quel point nous avons perdu la partie !

 

Pour répondre à votre demande…

Prisonniers des succédanés, chaussés

De la boue des chemins imaginaires

Où progresse l’idée de bonheur

Constitutionnel.

Aimez-vous les uns… que la modernité est une question

De temps à négocier avec la nécessité de « bosser » /

Grimaces des goules en prime /

Voyez à quel point…

 

Trois mille du même acabit, bavards en possession

Des réseaux : les baratins suintant aux murs des

Laboratoires : je reconnais que c’est ma f…

L’anabas entrevu un jour de pluie

Près de la maison envisagée comme

Atelier : ma très grande f…

Par ici la sortie… Nous vous contacterons…

« Le jour venu nous avons abandonné nos biens »

 

Extase je vous dis !

Au bas mot la joie.

Par ici nous avons vécu en…

Quatre mille d’entre eux :

Électeurs et acteurs / notre courrier

du… une mésange au trou de vol

/ « des fois je ne sais plus ce que

je f… » / en vacances les possibles

Excursions plus loin que ce qu’il

Convient d’admettre : ils étaient

Des milliers, tous plus bavards les uns que les autres.

Moi, devant ma porte, je fumais une cigarette puis :

Une autre — passible de temps perdu à retrouver.

Nous avons en réserve de quoi vous…

Voyez

Comme poésie rime avec poésie — et fermez

La ! — ceci est le seuil de ma maison : je vis seul

La nuit comme le jour : avec des voisins style je

ne sais pas cuisiner — ils ne savent pas baiser non

plus — un âne est un âne : ne sortez pas sans votre

âne : il vous le rendra : et laissez-les s’entretuer

ou au moins se nuire : par l’intermédiaire des idées

qu’ils se font de la société et de la manière de s’y

comporter :

Le recours au vocabulaire des lieux

Est inévitable : vous avez droit à…

Qui veut mes belles pommes ?

Une jambe faite pour enjamber,

Une tête pour téter, et une langue

Pour dire quelque chose des fois

Qu’on me le demanderait : sait

On ce qui nous attend à la sortie ?

Pas plus bête de p… « ça marche tout seul des engins !

Autrement dit : pas besoin de s’en faire : le soir à la

Veillée : et devant sa télé : la bouche pleine de poésie

Peu importe le style de v… « nous avons pensé à v… »

Passait par là pour enrichir son vocabulaire car

Les mots ont non seulement un sens mais aussi

Une poésie en soi — « je veux bien sortir sans m… »

Des milliers… sans qu’on puisse les compter… morts

D’encre… Si vous le souhaitez nous p… il faudrait

Trouver le moyen de considérer le tout en transparence

 

Qui aime ce que personne n’aime ?

Rien dans les vitrines ni dans les conversations.

« je passais par là alors je me suis dis q… »

Ce que nous aimons se lit sur notre visage, croyez-moi.

Ce que nous voyons dès qu’on ouvre la porte : cher

Loyer des sommeils / qui mérite qu’on le c… signe

Si vite tracé qu’on en a perdu la clé… ce Paradis

est en usage depuis si longtemps q… des milliers

— vomissant au bastingage — « mais qui lit

ce que j’écris si ça n’amuse personne ? »

 

Voici ce que je sais de ce jardin

— celui qui vous plut tant —

J’en ai cueilli les mots pour

Vous plaire encore une fois.

 

Nous descendions la pente douce,

Au rythme de l’eau qui s’écoulait.

Je me souviens de cette terre

Comme si je l’avais reçue en héritage.

 

Que les fruits sont savoureux en été !

Étrangers parmi les étrangers —

Nous descendions comme sur le quai

À Brindisi où meurt une dernière fois

Ce que la poésie a révélé à l’esprit.

 

Je sors et qu’est-ce que je vois si c’est pas…

Ce que nous voyons quand il n’y a plus rien à voir.

Et ce que la vérité finit par imposer un jour ou l’autre.

Un flux incessant en attendant de vérifier par l’expérience

La loi du reflux :

Friches de métal embuissonné.

Le feu prend par inadvertance.

Nous pensons que vous avez t…

Et pendant des années le pauvre type vend sa force de travail.

Ainsi perd ce qu’il ne gagnera pas.

Le bonheur est une question de const…

Petite mort des recroquevillés devant leur pizza.

L’écran n’est pas un miroir… si vous avez pensé

En traverser la minceur : que le diable vous emp…

« j’ai forniqué avec une gosse de neuf ans »

 

Si vous avez le temps… l’amitié et ses repas dominicaux.

Si je vous raconte ça… le bonheur de participer à vos…

Qui dit quoi… les deux-roues de l’angoisse ou

de la paresse : j’hésite…

Sans l’ivresse des profondeurs, vous savez… non

Je ne sais pas : pas pris le temps de reconnaître

Les lieux : nous avions hâte de déchiffrer les murs.

Et pendant ce temps un mince filet d’eau nourrissait

Les fleurs au pied des murs.

 

Nous suggérons une p… avec la vitesse acquise

Et tous ces flics dans les marges… Nous pensons

Que pour votre bien il serait n… un théâtre planté

Dans le décor de vos errances parmi les nouveaux

Venus : la haine vient d’en bas : dites-nous ce que

vous p…

Pas plus haut que son chat

Le jour où il est tombé amoureux

D’une messagère en vogue dans

Les milieux éclairés : en conçut

De l’amertume, de quoi voyager

Bien au-delà de ce que la raison

Inspire en temps ordinaires.

Et ils ne l’étaient pas, ô soleil !

 

Qui sera le prochain p… qui dit pile dit face.

LE SYCOPHANTE

Bravo !

J’y étais. Le conteur (car nous jouions) venait d’abuser de notre patience. Je m’explique : nous n’étions pas là pour nous livrer pieds et poings liés à ce lyrisme teinté d’épique qu’il nous a servi sans se soucier une seconde de ce que nous pouvions en penser. Il ne jouait pas le jeu. Nous aimons les histoires. Pas ce qu’elles inspirent à celui qui se sent pousser des ailes dès qu’il s’agit pour lui de se donner en spectacle. Certes, certains ont applaudi. Les uns par politesse, ou lassitude, les autres, pourquoi pas, parce qu’ils appréciaient le style ou je ne sais quelle vertu dont ils ne cachaient pas (ou plus) être les partisans inconditionnels. L’hôte allait de l’un à l’autre pour se faire une idée de l’effet produit sur notre assemblée ainsi divisée à l’occasion d’une sorte de test dont il allait être question sur nos réseaux respectifs. Il a fallu attendre, patiemment, que cette agitation cesse de nous inciter à la révolte. Bien sûr, nous n’étions pas chez nous et il nous revenait de nous en tenir aux convenances, ce qui ne serait plus le cas une fois lâchés dans les maquis du cyberespace. D’ailleurs les plats arrivaient, entre les mains expertes d’un personnel trié sur le volet. Nous étions, en quelque sorte, invités à partager ce qui nous était offert dans la seule intention de noyer le poisson. Nous n’avions aucune raison de manifester notre opposition, d’autant que la qualité des mets et des boissons qui les accompagnaient ne se prêtait absolument pas à la critique. Nous acceptâmes même de féliciter l’impétrant, en termes plus ou moins sibyllins, je ne le cache pas. Il dut capter quelque chose de notre désapprobation et s’attendait sans doute à ce que la situation finisse par s’envenimer. Cependant, il ne se passa rien d’autre. La soirée s’acheva sur les habituelles promesses de rendez-vous imminents. Notre histrion disparut comme il était venu : par enchantement.

Un témoin.

Une salle attenante au patio où se tient la cocktail-party, dans le style andalou. L’endroit est sombre, mais agréable, comme si on était venu y chercher la fraîcheur qu’un soir d’autan a rendu désirable. Le maître des lieux s’est approché d’une lourde table couverte d’un épais tapis dont les arabesques se devinent sous les lueurs de plafonniers au triste métal. Río a pris place sur une chaise au dossier si vertical qu’il ne se sent pas à son aise dans cette position, mais Gor Ur lui a flatté l’échine pour l’encourager à se laisser faire comme il convient à un invité auquel on tient à rendre un hommage sans limites. Une carafe est penchée sur un verre. Río fait signe que le verre est assez plein à son goût. La carafe se verticalise et il se passe un temps avant qu’elle ne rejoigne d’autres objets de verre sur un plateau dont les reliefs scintillent délicatement. Enfin, après avoir fait le tour de la table, comme s’il voulait en faire apprécier le périmètre, l’hôte bouscule une chaise semblable et, l’ayant fait pivoter sur un de ses pieds, l’immobilise sans s’y asseoir toutefois. Il s’appuie sur le dossier, un verre à la main, dans la position de celui qui propose un brindis. Río accepte cette mort. Dehors, c’est-à-dire derrière le moucharabieh noir et or, les conversations se mêlent au choc des couverts.

GOR UR

Je ne sais pas si vous me prenez au sérieux…

RÍO

En tout cas, c’est une idée à creuser. Mais comme je vous le disais, je ne suis plus du spectacle. (soupir) Je ne sais même pas de quoi j’ai envie maintenant que je ne suis plus du métier. J’aurais peut-être dû y penser avant…

GOR UR

Je ne crois pas que ce fut une décision précipitée, un coup de tête. Maintenant que je vous connais… Mais il était question de ce que j’entreprend moi-même et non pas de ce que vous allez mettre en jeu, je suppose, dès demain.

RÍO

Mañana veremos…

GOR UR

Aussi pouvons-nous dès maintenant nous entretenir de ce que vous appelez ma « petite idée ».

RÍO

Je n’ai pas dit qu’elle était petite ! Je ne me permettrais pas. Loin de moi cette… Enfin : quelle que soit sa taille, elle mérite d’être, comme je le disais, creusée.

GOR UR

Ah mais cé qué, mon cher, je ne vois pas comment nous pourrions la creuser ! En effet : elle est déjà jetée sur le tapis ! Son évolution, prévisible ou pas, est en cours !

RÍO

Vous voulez dire… (jeu) Oh non ! Je ne vous crois pas en mesure de… (inquiet cependant) Vous voulez dire que…

GOR UR

La boisson que je vous propose, qui se réclame justement de l’Amontillado, contient l’antidote qui, je vous rassure, n’en gâchera pas l’excellence.

RÍO

Vous badinez… !

GOR UR

Que non ! Je ne vous raconte pas d’histoire.

RÍO

Vous seriez bien le seul ce soir à vous en priver ! (rieur) Mais vous m’avez élu pour seul auditeur, si j’ai bien compris…

GOR UR

Vous n’avez rien compris, je le crains… (solennel) J’ai bel et bien empoisonné les mets et les boissons qui, comme d’habitude, constituent la conclusion de nos soirées narratives. (sentencieux) Tout le monde va mourir ce soir ! (consulte son oignon) Avant une heure…

RÍO

Mais cé qué ! J’ai moi-même touché aux bouchées ! Oh ! Avec parcimonie, vous savez, car je ne suis pas friand de gourmandises. (épouvanté) Mais j’en ai mangé ! (changement de ton) Je persiste à dire que c’est une bonne idée (et non pas petite) et que je suis tout disposé à la creuser avec vous, en admettant (frisson) que vous m’ayez invité dans cette… heu… perspective.

GOR UR

Buvez ! Moi j’ai déjà bu. (amusé) Je me suis empiffré ce soir ! J’ai donné l’exemple. Personne n’a songé à… ne pas m’imiter. Au contraire, ils se sont tous jetés sur les nappes sans se soucier du voisin. Et tout le monde avait oublié, dans le feu de l’action, que je n’avais pas encore raconté mon histoire. Elle est tant attendue chaque semaine ! Ils n’en avaient cure ! Les voilà ne songeant qu’à réduire le festin à néant ! Par ingurgitation ! Je crois même qu’ils vous ont oublié. (ravi) Dans moins d’une heure, si j’ai bien calculé, nous assisterons vous et moi, en exclusivité, à cette mort en masse. Quel spectacle ! Et vous n’y tenez aucun rôle. À part celui de complice, mais c’est dans la coulisse que nous sommes, ce qui nous élève au rang d’auteurs. Convenez avec moi qu’en ces tragiques circonstances, il vaut mieux être auteur qu’acteur. Sans compter que lesdits acteurs (de leur mort qu’ils joueront avec cœur et perfection, je n’en doute pas) assisteront en même temps à leur propre spectacle. D’une pierre deux coups. Et vous et moi en sommes le ricochet ! (attentionné) Je vous sens indécis…

RÍO

Comme je le disais, l’histoire est bonne, bien préparée, et tout et tout. Mais nous ignorons comment elle va évoluer, même si l’issue dudit empoisonnement est jouée d’avance. (perplexe) Je me demande ce qu’ils vont en penser. (didactique) Je ne vois pas comment vous allez leur faire avaler ça. Ils ne comprendront pas.. heu… l’intérêt. Oh la la ! Je ne suis pas metteur en scène ! Je ne suis qu’un pauvre comédien qui n’a d’ailleurs pas réussi dans la tragédie.

GOR UR

Riant

Vous ne vous en inquièterez plus dans moins d’une heure ! En attendant…

RÍO

Oui, oui. Attendons. Car, je l’avoue, aucune idée ne me vient à l’esprit… Ce qui me prive du statut d’auteur.

GOR UR

Momentanément ! Momentanément ! Ça ne durera pas. Vous verrez. Reprenez un peu de notre Amontillado. Deux précautions valent mieux qu’une.

RÍO

Rit jaune

Vous n’êtes pas très sûr de votre coup… je crains. Vous allez me saouler !

GOR UR

Au contraire. Gardons l’esprit clair. Et n’abusons pas de notre boisson salvatrice. (réfléchissant un moment) Trop d’antidote peut tourner au vinaigre ! (sans rire) Ou produire l’effet inverse. On a vu ça dans les meilleurs romans. Mais pas de souci : j’ai bien étudié la leçon : un troisième verre ne nous fera pas de mal. Au propre comme au figuré.

RÍO

La tête me tourne…

GOR UR

Vous ne vous posez pas la question de savoir pourquoi je ne sauve que vous… ?

Interloqué, Río se lève, titube, se dirige vers le moucharabieh, colle son regard sur les lattes, sent l’autan lui réchauffer le regard, voit les autres en pleine débauche de nourritures bêtement terrestres. Il ne trouve pas les mots, Ou le souffle lui manque. Il dit :

Vous avez beau dire, mon cher hôte, vous ne possédez que l’acte premier de votre comédie. En admettant qu’il arrive ce que vous avez prévu comme acte deux (la mort en masse de nos amis), ne suis-je pas alors le nécessaire auteur de l’acte trois, le dernier selon l’éthique aristotélicienne ?

GOR UR

Ubuesque

C’est là, stupide animal, où je veux en arriver !