Patrick Cintas
Seriatim
précédé de « Avant-fiction »
poèmes
© Patrick Cintas
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Table
I
Un probable tombeau à quelque pas de là.
L’enfance contemplait la toile d’araignée
À l’équerre du toit où peut-être une fée
Promettait au futur au moins un Walhalla.
Pas un épanchement malgré le postulat.
Des croisillons à l’ombre et le sombre nymphée
Qui abolit le temps et agite l’idée.
La pluie révèle en bas-reliefs les insulas.
Et la boue de tes pieds, tavelée de nablas,
Éparpille alentour les émaux et camées
D’une ancienne rengaine à jamais envolée.
L’animal qui te suit feule et le coutelas
Menace les voisins loin de nos aulas
Où rutile saignant l’argent de tes trophées.
II
On enterrait encore à l’aube d’un printemps
Qui éloignait de toi toute trace de rêve.
C’était après la nuit comme le jour achève
D’une seule fraction tes travaux de titan.
À ce point de rencontre au moins un habitant
D’une voix de luciole évoque la vie brève
Et l’immobilité comme la parascève
De ceux qui ont connu plus que l’Homme le Temps.
Suis tes pas sans personne à l’ombre qui t’attend.
La statue représente Hélène qu’on enlève,
Roman interminable, incessantes relèves,
Car la Bête à tes pieds n’en finit pas pourtant.
Grilles rouillées d’Histoire et de ses contretemps,
Faut-il l’ouvrir enfin pour que la Bête crève ?
III
Ainsi âgé tu entrais en ton cimetière.
Si tu vivais encore et si le temps n’était
Qu’un essor excessif de tes jambes l’été ?
Ainsi âgé l’hiver n’était plus nécessaire.
Hélène, quelle Hélène ? Et combien d’adversaires
En cette forteresse au héros hébété ?
Pauvre de métaphore et riche à satiété,
Pour demain le voyage avec ses commissaires.
Mais la tombe a les pieds dans la terre adultère,
Si toutefois l’analogie par arrêté
Se prête aux jeux que connaît la propriété.
À l’aurore on en voit de plus célibataire.
Ce qui manque à tes yeux c’était le caractère
Improbable des lieux que l’attente a fêtés.
IV
Loup félin dans les pas aux herbes prometteuses,
Son ombre est dans le marbre aux factices cadeaux.
Tes bras laissent couler les ors de ton fardeau
Dans quelque vase étreint par une arche porteuse.
Quel palais mieux que lui s’ouvre à toutes les gueuses ?
Sinistre fer forgé qui figure un jet d’eau
Qu’enlace la tribu de tes despérados.
Aucun ne vient ici sans intentions douteuses.
Moustache s’amusait de sa louve boiteuse.
Des petits se laissaient balloter sur son dos,
Hybride fourbi de rime et de libido.
D’autres te conduisaient sur la sente boueuse.
Fusion des fers rouillés dans la giclée noueuse,
Ta pensée, animal, cherche un eldorado.
V
Dans le dernier élan le hasard se complique
De chiffres balancés du cornet au tapis.
Vertige sans retour ni clause de répit.
Même le temps n’est plus un rite anachronique.
Tu as déjà vu ça dans la fiction comique.
Doublures qu’on agite aux ordres des tempi
Tels qu’on écrit toujours à tort et à l’envi.
Hélène accompagnait tes pas dans la musique.
Mais tu ne verras pas comment ça se chronique
Maintenant que cornet, dés et catimini
Ne s’entrechoquent plus derrière le crépi
De ton rectangle enfin refermé sans mimique.
Car quelle œuvre est promise aux vaines politiques ?
Qui en conçoit la fin et pourtant s’assoupit ?
VI
L’endroit s’environnait d’une vieille clôture.
Feuillages d’abandon, de paresse ou d’oubli.
Même l’eau d’un ruisseau semble quitter son lit.
On voit un peu le ciel mais c’est sans aventure.
L’esprit s’est arrêté et songe à y conclure
La pensée qui ignore où ceci se finit.
C’est la première fois depuis longtemps ici
Qu’une pareille idée étonne sa césure.
Après tout le nuage est-il la découpure
Ou le mélange enfin de tout ce qui s’est dit ?
Ce qu’on voit à travers les feuilles en sursis,
Est-ce tout ce qu’on sait de cette démesure ?
Vite passons la grille avant que la morsure
Nous éveille et nous livre au véritable cri !
VII
Certes les cieux étaient de plomb, et sans nuages.
Ce drap tiré d’un bout à l’autre du vallon
N’invitait pas à se jeter dans le giron
De l’hôte de la nuit et de ces noirs parages.
De la fenêtre on les voyait tourner les pages
Mieux que le vent qui s’en prenait aux papillons
Plutôt qu’à ces romans de gare et de chansons.
À l’intérieur, on se livrait à des usages
Qui les eussent réduits à leurs enfantillages.
Car y a-t-il d’autres chemins que nos jalons ?
Certes le ciel était fuligineux, mettons.
Mais la jeunesse connaissait d’autres voyages !
À cet âge, voyons ! mais nous n’avons pas d’âge !
À peine si nous nous livrons aux roupillons !
VIII
Ô probable tombeau qui eût été palais
Si la mort avait eu un sens, une exigence,
Un effet sur le temps expliquant les absences
Et les disparitions dans le ciel constellé !
Vaine géométrie aux angles bricolés !
Voisinage étranger entre les apparences.
Il erre sans errer et l’errance est errance.
Sous le pilier un compagnon s’est affalé…
Revient de loin sans horizon et ruisselait
D’une autre pluie, d’une autre nuit aux gouttes denses.
Parlant pour ne rien dire et le cœur en partance…
Comme au ponton naguère avec les feux follets.
Le bord de son chapeau est un poème allé
Au vent dur et têtu de ton adolescence.
IX
En un point d’orage et de vent, mais si tranquille,
Celui qui marche droit devant, ce promeneur,
A bien plutôt l’aspect d’un lointain visiteur
Qui n’arrive que par hasard, ancien fossile,
À la faveur d’un vent contraire et érectile.
Son Hélène est couchée en un lieu plus trembleur.
Il l’a couchée lui-même à juste profondeur.
Maintenant il rejoint un tout autre concile.
Seul malgré tant de temps et de foi inutile,
Il secoue son carcan de débauche et d’ailleurs,
Laisse tomber de vieux bouquins de chroniqueur,
Brise sa plume et ses couleurs, froid et docile,
Et sans un mot attend, ô conteur immobile,
Que la mort l’initie au sens de la douleur :
X
« Il ne restera rien, tôt ou tard, maintenant
Ou dans quelque seconde avant que s’éternise
Le Temps ou son Histoire ou la lente Méprise
Du cœur et de l’esprit dans les mauvais moments
De l’attente, ô châteaux… Ne vais-je pas rêvant
Alors que le sommeil ici n’est plus de mise ?
Ce qui est beau est beau, avec ou sans chemise.
Peut-être même sans l’œuvre d’un adjuvant.
De mon père lui-même il ne reste un diwan.
Alors qui de vous deux, Hélène ou Artémise,
Me conduit par la main dans ce lieu sans surprise :
Le jardin et sa rose au soleil rutilant ?
Si l’homme que j’étais ne va plus écrivant,
Où donc est mon futur tandis que j’agonise ?
XI
Les soucis et les ors de mes contemporains,
Du moins les plus distants de ma triste demeure,
Dedans n’agitent rien qui vaille que j’en meure.
Il est vrai que jamais je n’y ai mis la main.
Mes personnages sont à l’animal humain
Ce que le comédien peut être à la bonne heure.
La rime qui s’entend ne vaut pas l’intérieure
Et celle qui se voit n’est pas de mon prochain.
Ô qu’ils viennent à moi s’ils sont mes riverains
Sinon à l’aviron sur les mers extérieures
Qu’ils nourrissent mes nerfs que leur travail écœure !
Ce n’est pas avec eux que je vais aussi loin…
Ce n’est pas seul non plus… car en sus de leur pain,
Il me faut de l’amour… pas mince la gageure ! »
XII
Quel animal ici peut comprendre ce rire ?
Assis devant l’exergue aux ors déjà anciens,
Il secoue son habit de pauvre comédien.
Il ne sait plus dès lors ce qu’il faudrait écrire.
Interrogeant le poil que l’animal étire
En même temps qu’il sort ses griffes de païen,
Le visiteur allume une pipe, son bien
Ultime s’il en croit l’heure qu’il vient d’élire.
Il est temps de vider ce corps de son délire…
Seconde d’agonie ou lente mort de chien.
L’autre feule et s’endort du sommeil que les siens
Appellent dans les bois par instinct de vampire.
« Tous les loups sont crevés… Maintenant l’Homme expire.
C’est l’heure, chat errant, si personne ne vient…
XIII
Quelle arme cependant opposer à la vie… ?
Le choix n’est pas facile et la chance n’y peut
Rien. La corde ou le couteau, le poison, le feu…
Cela n’est pas écrit… malgré la Comédie.
Ce n’est pas un spectacle et la mort y convie
Pourtant… Mais personne ne vient, ô malheureux !
Ils ne le savent pas ! Voyager pour si peu ?
Pense aux volumes qui n’ont pas donné envie…
Non plus n’a produit la leçon d’anatomie
Attendue par l’orchestre aux entractes douteux.
Il fallait disséquer et grimacer à deux
Mais tu n’as pas daigné flatter l’hypocrisie
Ni donner de l’ouvrage aux basses anomies
Qui nourrissent fictions et poésie des gueux. »
XIV
Voici que l’animal au lieu de dormir rêve.
Hélas rien n’est moins pur que cet être vivant…
Ses convulsions signant du coucher au levant
Les palimpsestes nus de sa morose sève.
Il faut qu’à l’aube un doux ami en parachève
Les volubiles contenus et que le vent,
Analogue et facile, ou peut-être savant,
Mette fin aux visions de cette double trêve.
« Ceci n’est pas de moi ! » s’écrie-t-il sur la grève
D’un tombeau fort des arts de son pâle occident.
La pluie mouille fourrure et ivoire des dents.
« Ce que je sais n’est pas de moi ! » La Bête en crève,
Mi-câline, mi-féline, nuit trop brève…
Alors on croit rêver jusqu’au coucher ardent ! »
XV
Mais ceci n’est-il pas qu’une charogne immonde ?
Ou quelque cache-nez emprunté pour l’effet
À l’amante ou mieux dit à certain boutiquier
Dont la vitrine est morte et la plume seconde… ?
Voici le rire enfin de l’homme à la Faconde !
Il noircit ce qui est déjà noir, ce qui est
De nuit, d’angoisse et de noir mélange dédié
À l’autre qui n’existe encore comme Monde !
Ah quelle solitude est autant vagabonde ?
Sur sa dalle il se sent moins qu’en trop étranger.
Il est venu pour ne pas dormir, décidé
À arrêter le temps de cette nuit profonde…
La peau git à ses pieds et respire dans l’onde
Que le temps presse avec son électricité.
XVI
« Mourir seul loin de tout et de tous c’est dommage !
Rire de soi sans l’Autre et guetter le Moment,
C’est presque douloureux, comme un mauvais roman
Mis dans les mains du pauvre qui n’en a pas l’âge…
Qui suis-je si j’étais ce que veut ce passage
De la vie à la mort ? Qu’on me dise comment
Posséder tous les sens de ce juste fragment ?
Qui m’appartient en Droit ? Qui m’a en héritage ?
Que de questions à l’instant même où le voyage
N’en est peut-être pas ni le commencement ?
Encor si j’avais peur… mais pas un tremblement
Au niveau de la main que mon esprit partage
Avec cette autre main qui écrivit des pages
Et des pages de bien agréables tourments. »
XVII
Un homme passe ici ou c’est un personnage…
L’homme parle à cet homme et l’un entend des voix
Très nettement, alors que l’autre est aux abois.
La pelisse s’agite et le vent de passage
Chasse des migrations que la nuit avantage.
La pluie cessant l’heure s’avance mais sans choix.
Ainsi chaque acteur est auteur de son emploi.
Quel Théâtre ! dit l’Homme. Un peu de bavardage
Ne fera pas de mal à mon esprit sauvage…
Car il se croit farouche et même un peu adroit,
En tout cas assez fort en thème et dur en loi
Comme en témoigne ferme son dernier ouvrage.
L’un offre sa parole et l’autre son bagage.
Mais personne jamais n’en saura le pourquoi.
XVIII
« Je ne mourrai jamais si le rire l’emporte ! »
Disait cet homme en proie aux tourments infernaux
Dont il était l’auteur et même le Jeannot
Car souvent l’équivoque frappait à sa porte.
Il travaillait tout nu et souvent sans escorte.
Il s’ensuivait des nuits et des jours de travaux
Dont les effets pervers au niveau du cerveau
Fabriquaient des réseaux comme le vent emporte.
Certes le style était, comme on dit, de la sorte,
Et des diables fourchus occupaient les créneaux
De la muraille cérébrale sans pavot…
« Je ne mourrai jamais car ma chandelle est morte !
Tu seras toujours là, ô mon unique aorte,
Pour redonner un sens à mes hâves journaux. »
XIX
L’Animal retrouva ses esprits et son maître
Profita de l’Instant pour griller son tabac.
La première tirade enfuma le débat
Comme cela se passe entre les Gens de Lettres
Et l’Homme dut souffler pour les faire apparaître.
Un feu plus flamboyant eût donné du Sabbat
Un spectacle tout droit sorti du long combat
Que se livraient en son esprit les noirs ancêtres
Qui des siècles durant durent se compromettre
Dans la Langue et l’exploit, voire le célibat.
Il s’amusa pourtant et ne les laissa pas
Compliquer des travaux qu’il voulait voir renaître
Une dernière fois avant de ne plus être
Lui-même que son ombre et l’ombre de ses pas.
XX
« Qui m’a conduit ici ? C’est le goût de la Mort
Ou quelque angoisse amie évoquée pour combattre
Ce que l’Éthique enterre au seuil de ce théâtre.
Le comédien ricane en secouant son Corps.
Qui donc es-tu si tu n’es pas de mon rapport
À la Réalité, ma saison opiniâtre
Qu’on n’enterre jamais sans l’avis du psychiatre ?
Je suis déjà venu ici comme dehors…
Vain livre ouvert où rien ne joue sinon le Sort…
Un poulailler d’astres éteints sans idolâtre…
Et alentour l’haleine amère de cet âtre
Que feint l’enfer avec ses mois pantocrators ?
Quel figurant muet bande tous les ressorts
Du poème topique au dérisoire emplâtre ?
XXI
Peau de moi-même qui pourrit ou animal…
Qui le dira ou se taira ou rien n’existe… ?
Après tout pourquoi pas ? La vie n’est pas si triste
Même sur les gradins du fronton national.
Tu auras applaudi, en aède oriental,
Sans voyages ni biens, casanier maniériste
Mais pas indifférent aux effets humoristes,
La ballade aux saisons du Monde occidental.
Ce cuir disparaîtra dans l’expérimental.
Il ne faudra pas plus d’une seconde artiste
Pour en détruire tout, sans documentaliste
À l’appui du propos par trop artisanal.
Sans os, sans chair, sans sang on est sans sol filial.
Il eût fallu creuser des puits antagonistes
Aux antipodes clairs des plans anatomistes…
Comment savoir si c’est par science ou par l’anal
Que l’un survit toujours et que l’autre, animal,
S’efface comme nue au soleil des copistes ?
Le Commerce et l’État suppriment le touriste.
C’est la règle ici-bas sinon c’est anormal.
On ne sort de chez soi qu’en habit de vassal.
Dedans on se couronne ou on joue l’alchimiste.
La fenêtre est de ciel ou de façades tristes.
Ainsi je suis sorti, mais le noir est fatal…
Me voici sur le seuil de mon séjour tombal,
Ni lame ni canon et pas d’accessoiriste
Pour que la mise en scène ait un air réaliste…
J’ai besoin d’une main qui m’aime et qui m’assiste ! »
XXIII
« Comme ça tombe bien ! » dit en passant par là
Le nécessaire acteur qui le dialogue installe.
Il en faut un sinon la mort est si brutale
Que l’agonie en temps ne se mesure pas.
L’heure presse au cadran qui anime le glas
Et le poignet attend la geste capitale
Que promet l’animal à son maître dédale.
La pierre sous ses pieds n’a rien d’un matelas.
Le passant d’un coup d’œil expert en blablabla
Trouve de quoi s’asseoir au chœur de l’absidiale.
À l’envers à l’endroit la caresse dorsale
S’applique à bien la faire et espère au-delà.
« Je suis prêt, dit enfin l’impatient candidat…
— Moi aussi ! Et comment ! Je suis d’humeur fatale ! »
XXIV
Même le singe rit si la chose l’amuse.
L’Homme en face de l’homme essuie le verre épais
Qui masque son œil gris et lui pince le nez.
« Vous voilà décidé à mourir sans les Muses…
Commence-t-il enfin, ce qui peu me méduse.
On arrive toujours avant l’heure des faits.
L’ouvrage que voici est loin d’être parfait.
Mourir vous servira au moins de piètre excuse. »
L’homme qui est assis face à l’hypoténuse
De ce rectangle froid et nu comme un galet
Ravale sa salive et se met à râler
Comme un qui se méfie du style dont on use.
À convier l’Inconnu avec l’âme contuse
On risque d’en finir avant d’avoir creusé.
XXV
Or la tombe était loin d’avoir la profondeur
Requise en cas de mort sans personne en surface
Pour pelleter hutin une terre coriace
Et y dresser le bloc dans toute sa splendeur.
Certes l’exergue était façonné dans l’ardeur
Qui, vaine inspiration, arrache la grimace
Au suicidaire épris soudain de son audace.
Mais couchée dans la terre encore avec laideur,
La dernière trouvaille avait de quoi, horreur !
Inquiéter cet esprit finissant si fugace.
Il se tordit les mains pour supplier sa race,
Mais personne ici-bas ne s’en fit procureur.
Le doute était dans l’œil du tombeau acquéreur.
L’Homme qui n’était pas l’homme reprit sa place.
XXVI
« Pas facile, la Mort, surtout quand on s’égare
Sur le chemin étroit qui conduit au tombeau.
On est venu ici pour trouver du nouveau
Et l’annonce est gravée en des termes barbares
Pour ne pas dire que le texte en est bizarre.
Ici ne manquent pas les inquiets mémoriaux
Mais la nuit est si noire et l’or si rococo
Que la lecture en est pour le moins accessoire.
Froide topographie où s’étagent carrare,
Bouquets et porcelaine et regards de photos !
La mémoire y fictionne avec divers héros
Entre lesquels les tiens se pressent dare dare
Pour exister avant que l’oubli les sépare
Et que la solitude efface leurs folios.
XXVII
Ah ! Referme bouquins, clapet et ouvertures !
En chemin prends le temps de mesurer le pied
Et dis-toi que je ne suis pas ton équipier.
On m’en voit rarement adopter la posture.
Le collet n’est pas mis où la trace aventure.
Trop peut-être ou depuis l’instant s’est raréfié.
Le temps est comme l’air conçu pour respirer.
La besogne est à peine en phase d’écriture.
Redresse ton échine et freine ton allure !
Tu ne vois pas la nuit, le jour est ton allié.
Hélène n’est plus là, mais tu tiens au collier
Artémise qui jouit d’en être la doublure.
Faute de profondeur, signe la ciselure
Et prends à bras-le-corps ce con ensoleillé !
XXVIII
Je me mets à ta place et arcboute des pieds
Entre ses jambes nues que le poil dénature.
Tu ne peux pas savoir le plaisir que procure
Cette interprétation de comique troupier.
Nous voilà pour tes yeux dans le blanc du drapier.
Dans la tapisserie l’acanthe et la luxure
Mélangent leurs couleurs ô mâle bigarrure
Dont le pinceau artiste exalte le métier.
Le fidèle miroir nous étreints tout entiers,
Profession que la belle appelle pour conclure
Ce que le peigne attend de ses deux chevelures :
La blonde à la fenêtre et la noire en chantier.
L’artifice dérange un peu la vérité
Mais pourquoi se soucier des défauts de peinture ?
XXIX
Attends l’aube et retiens ce couteau à poignet
Ou à cœur je ne sais en quoi sa triste lame
Se change pour de bon une fois que la femme
Donne un sens à la mort dont tu veux témoigner.
Laisse filer le temps à l’estoc de l’acier
Seulement exercé dans le noir amalgame
Des forces de la nuit que le verbe réclame.
À l’heure du soleil tu seras préfacier.
Et je jouerai ta voix avant que vous vinssiez
Vous recoucher à poil dans cet épithalame.
Ainsi Hélène morte achève le programme
Que par pure fiction tu inventas vicié.
Le charme d’Artémise apparaîtra scié
Comme qui en sommeil se nourrit d’anagrammes.
XXX
En attendant je baise et je me fortifie.
Le rideau est levé sur l’émouvant trophée
Qu’Artémise propose à la salle bluffée.
L’anus est l’incipit de cette biographie.
Ici faut applaudir à la philosophie,
À la science et à l’art, au rendez-vous des fées
De ce siècle in progress dont la langue est nymphée
Pour que l’objet se vende et que l’or fructifie.
Quel spectacle est donné de l’Homme et de sa Vie !
L’écran n’en est plus le reflet ! Mort tarifée !
La croisière en raffole et par une aulofée
L’Ordre revient en force, ardente et assouvie.
Je n’ai rien d’autre sous la main… Hors cette envie
Sans laquelle son Homme est aliène à Morphée.
XXXI
Quelqu’un est mort, ou se marie, je ne sais plus,
Dit le tableau au mur de ta pauvre cuisine,
La même qui te sert de cambuse et d’usine.
Une barque l’attend, amarrée au talus.
Le hameau est désert, ni âme ni salut,
Pas même un animal, ni douceur angevine,
On ne distingue pas le soleil de la bruine.
L’autre rive révèle une croix sans intrus.
Rue tranquille ou repos que croise l’inconnu
Dont le regard explore en deux plans la vitrine :
Les rehauts d’un présent que le couteau affine,
L’instant que la chaloupe inspire à cet élu
Dans la brume d’un jus que le glacis poilu
Éteint comme la vie égare ses gésines.
XXXII
J’étais entré chez toi sans y être invité.
Personne sur le seuil et l’ombre dès l’entrée.
À tâtons j’atteignis la chambre fenestrée.
Le tableau ambigu recevait ces clartés.
Ainsi cette surface était comme trouée.
Je crus te trouver mort de balles traversé,
Mais l’effet obtenu n’était que du volet
Tavelé par les plombs d’un voisin coryphée.
L’ennemi possédait les vers de l’épopée.
Ta musique sans doute l’avait inspiré.
De peur d’être de trop d’un pas j’ai reculé.
Je ne voyais, ne touchais rien ni mélopée.
Par accident Hélène est morte assassinée
De la main d’un conteur sans air et sans ballet.
XXXIII
Quand la fenêtre était ouverte un narrateur
De la sienne contait les exploits de la belle.
Tantôt elle cédait ou jouait la cruelle
Dont l’abandon distant rendait fou le voyeur.
Tu observais la scène avec des jeux d’auteur.
Amoureuse elle était le dangereux modèle
Que le roman en cours offrait aux citadelles,
Aux champs et la mort guettée dans les hauteurs.
Jamais on ne te vit fouiller les profondeurs
De ce que se jouait la rue accidentelle.
À deux fenêtres près le conteur voulait d’elle
Mais ne franchissait pas l’intervalle rôdeur.
C’est toi qui refermais et le possible acteur
Écoutant tes mélos machinait la querelle.
XXXIV
On trouvera tout ça bien trop métaphorique…
La poésie et le roman ont des huis-clos
Que la Cité en son ouvrage et ses enclos
N’écoute ni ne voit par décret démotique.
D’ordinaire l’esprit, pédant ou amnésique
Selon que le principe est au temps ou à l’eau,
Prend soin de sa durée en rigoureux salaud.
L’Éternité se gagne au fil de la francisque.
Pourtant dans son réduit l’auteur de sa musique
Joue avec le volet sans manquer de culot.
La rue qui le sépare à la fois des complots
Et de la bagatelle au massacre anomique
Incite au discordant et à l’anachronique
Au moins pour emmerder bourgeois et populo.
XXXV
Car le texte s’écrit non pas dans le journal,
Ni à propos de lui ni certes dans l’annale
Que multiplie pour la leçon l’imaginale
Dont le fourmillement est un effet anal,
Mais au-dessus de lui, comme un voile fœtal.
La ribambelle au nez levé vers la zonale
Excitation de ses rayons pousse la balle
Dans les filets bien ravaudés du national.
Le texte s’il n’est pas médium nous la fout mal.
Un texte à trous ou rhétorique cannibale,
Peu importe son art pourvu qu’il nous trimballe
D’un bout du monde à l’autre et dans l’homme banal,
Par transparence et tourment expérimental,
Avec la langue ou sans mais par humeur vocale.
XXXVI
Ici peu de schizos, beaucoup de paranos
Et surtout, mon rhapsode, énormément de cons.
Le poète est issu de l’autre parangon.
La rue s’emplit de jacasseurs et de jeannots.
L’extravaguant enseigne aux perroquets anaux
Et l’anus en son trou pratique l’élection.
Tant de cendre promet un État de l’action
Mais la morale est sauve et Dieu est son agneau.
Nous ne saurons jamais si l’urne et les journaux
À la fin nourriront l’aède en sa saison…
Qui saura du dernier le mot et la raison ?
En traversant la rue selon l’air du panneau
La chance peut sourire au joueur chemineau,
Mais sa doublure joue l’air de la trahison.
XXXVII
La mort est un jouet qui n’amuse personne.
L’ellébore et son fou trouvent le chemin long.
On en distingue à peine et distance et jalons.
L’œil en route a perdu les pas d’une piétonne.
Et tu ne suis plus rien, et la nuit t’abandonne,
Crocodile, acuité, dures disparitions…
Au fossé tu réponds que c’est par volition.
Voici le temps et l’or que ton esprit façonne !
Pourtant la suivais-tu, cette aimable amazone
Dont le galop tambourinait dans ton giron…
Mais tu as beau dresser la queue, Aliboron,
Te voici pris dans les réseaux de l’Interzone.
Désormais ta douleur guide ta cicérone :
Plus rien pour distinguer la Mort de sa rançon.
XXXVIII
Je n’ai rien désiré que poésie aimable,
Chanson que l’échanson ressert sur leurs autels
Sans fatiguer les sens de leur dieu immortel.
Passage ici ou là comme on se met à table.
Volupté du feignant qui joue avec le diable
Pour amuser en marge et recevoir lequel
Possède molle couche et droits sur les mortels.
Un sourire par-ci, une extase passable,
Et tout ce que l’attente a d’à peine croyable
Comme le temps qui passe et pourtant éternel.
Mais certes sans écrits ni le socle charnel,
La paresse devient sujette à chantefable
Où la prose et le vers par loi désagréable
En disent la Chronique et les navrants bordels.
XXXIX
Un théâtre sans double est une mort sans fin.
Or il faut qu’aujourd’hui le spectacle s’arrête.
Les vitrines te sont autant d’ombre indiscrète.
Sous le reflet un autre interprète et te feint.
On descend dans la rue avec au bec un joint.
Rire n’est pas donné surtout que l’oubliette
Exige une ascension après des jours de diète
Et de rythme douteux du point de vue des soins
Qu’on se donne en esthète et en homme de bien.
Qui ne connaît au moins quelques douleurs en tête
Et mille autres passions issues des airs de fête ?
Je me vois et pourtant ce front n’est pas le mien…
On en voit de plus haut dans les livres anciens…
J’en connais au moins un qui sert de pense-bête.
XL
Sur le chemin la nuit compte les précédentes…
Ainsi multipliant la douleur et l’ennui.
Chiffre ce que hasard et désir ont construit
Sur les ruines du temps au rythme des attentes.
Avant d’atteindre l’or de la gravure lente
Qui ne raconte rien mais dit tout de tes nuits,
Avise la colonne et mesure le fruit
Des années à gober qu’ainsi la joie augmente
Et que par conséquent voisine est la détente,
Tout proche le bonheur d’avoir son aujourd’hui,
L’heure d’y retrouver en midi et minuit
Aubade et sérénade et conjointes amantes.
Le catalogue est l’art de donner aux absentes
Qui ne reviendront pas le sens perdu depuis.
XLI
Proche le ciel de jour et la nuit il étend,
Vertical et couché, son expansion d’étoiles.
Pas de lune ce soir, la terre ne dévoile
Industrie ni conquête et tout parle de temps.
La solitude apprend, sans doute à tes dépens,
À égaler l’attente en sa matière astrale.
Il ne manque à ta voix qu’une ode nationale
Et le tour est joué pour encor plus longtemps.
Mais ne ris pas, ami, de ces rythmes d’argent.
Sans l’amitié des uns ni de l’autre cabale,
Tes filles de papier même à l’horizontale
Ne feront le sommeil de nos stables régents.
L’entreprise recourt aux arts décourageants
Que l’échine connaît mieux que tes cieux tantales.
XLII
Ah ! ces fruits et boissons que mes yeux imaginent !
Je ne connais la nuit que par le petit bout.
À minuit et plus tard je m’isole debout,
Le couteau à la main, l’esprit dans mes usines.
Tantale souffrit moins de son adrénaline !
Entrer dans le tableau hélas ce n’est pas tout !
Il faut avoir vécu pour en savoir le coût
Et j’ai vécu en trop dans l’humaine origine.
Il est temps de partir avec mes orphelines.
Tant pis si mes essais ne valent pas un clou !
Plus l’ouvrage me fuit et mieux j’en tords le cou.
Mais avec qui en ce tombeau je m’accoquine ?
Si ce couvercle s’ouvre ah j’aurais bonne mine !
Ce qu’un sonnet accepte est moins grand que le Tout…
XLIII
Et si je te revois ô soleil qui se cache
Pour me donner la nuit et rêver mes écrits,
Égaille ma persienne et ses pauvres débris.
Un géranium pourrit dans l’or que tu recraches.
Chaque matin je suis troué mais sans panache.
Je n’en veux pas à tes ardeurs de vieux fusil
Que le bourreau qui est en moi larbin saisit
Pour obéir aux saintes lois que tu m’attaches.
Pas de fusion avant que froid tu me relâches.
Et je reviens au jour comme j’y ai souscrit.
Mais que sont ces travaux si ce n’est pas mon cri
Qui fourgonne mauvais comme je me rabâche ?
Ami, n’écoute plus… Je voulais que tu saches
Que le volet ouvert n’est en rien un défi.
XLIV
Certes la vie n’est pas un cadeau familial.
Quand j’ouvre la fenêtre et vois l’autre façade
Que j’habite à cette heure au clairon d’une aubade,
Je ne me souviens pas d’avoir de l’idéal
Et des enterrements pour domaine filial.
Je reçus autre chose en guise de salade
À croquer dans la langue en usage nomade :
La matière fécale à l’anus animal.
Mais ce n’est pas sur le trottoir territorial
Que ma mémoire chienne en conchie les balades…
Je descends l’escalier en temps de sérénade,
Igitur désœuvré au principe initial.
Voici la nuit et son sommeil inaugural…
Fente à l’écart exquis et facile escapade.
XLV
Certes c’est un roman et ses actes transpirent
À fleur de cette peau qui fut mienne chanson.
Le temps en est compté et la rime façon
« Ah ce que j’ai souffert et comme ça m’inspire ! »
Quelquefois il suffit d’en dire le martyre
Et d’image en image exceller en saisons.
D’autres plus délicats se font une raison,
Dans la poule tuent l’œuf et eux-mêmes expirent
Sans laisser à penser, peut-être sous l’empire
D’un défaut de langage ou de trop de pression ;
La morale s’en mêle, on limite l’action
Et sa philosophie au meilleur comme au pire.
Évitons de flatter narcisses et vampires
Et revenons, comme l’on dit, à nos moutons.
XLVI
Certaine nuit tranquille au détour d’une angoisse
Qui me fit dire « Allons, pour cette fois c’est bon »
J’arpentais sans me voir, morose vagabond,
Un chemin parallèle à ma dingue paroisse.
On ne sait jamais bien ce qui peut, dans la poisse,
Arriver au guignard qui pousse sa chanson
Devant lui comme on va au marché sans fictions
Ni maximes ni freins ni billet pour la place.
Mais faute d’avoir faim, moins encore d’espace,
Le personnage et sa doublure allaient le long
Du fossé partagé accordant leurs violons
Pour le moment venu soigner la carapace.
Ce gros insecte là, que personne n’embrasse,
Six pattes et non quatre, inquiète le vallon.
XLVII
Par principe la nuit on ne trouve personne
Dans la boue du chemin qu’on emprunte au détour
Du rêve qui patient nous attend au retour
De cette distraction. Ce n’est pas qu’on buissonne,
Mais le dormeur errant que l’esprit abandonne
Se laisse aller tout droit sans sa belle de jour,
Sifflé sur le trottoir et en peine d’amour.
À moins qu’une autre angoisse enfin le subordonne
Au tintouin de sa ville et de ce qu’environnent
Ses opiniâtretés de laborieux séjours,
Les sommaires arrêts, véloces carrefours
Et procès des oiseaux que l’attendu jargonne.
Sous l’arbre la pluie tombe en eau qui s’additionne
À celle que les pieds font gicler alentour.
XLVIII
Demeure le dément dans la forge du temps.
Il voit ce qu’une horloge au fronton de l’église
Annonce sans appel tandis qu’on tranquillise
Son corps qui n’en peut plus de gigoter autant.
Scène saisie au fil d’un fâcheux contretemps :
Le pied entre deux rails et le nez dans la mouise,
Je mesurais enfin la douleur entreprise
Au moment d’y aller : au travail qui m’attend.
Personne quant à moi n’eut l’idée entretemps
De me tirer de là tant elle était soumise
Au spectacle donné par le sinoque en crise
Et la maréchaussée en proie aux habitants
Qui tenant par la main cartables et enfants
Exigeaient du rideau qu’il cachât la méprise.
XLIX
Le poète n’est plus de nos jours aussi rare.
On l’a multiplié au nom de l’unité.
Il connaît le confort du travail limité
Et la reconnaissance avec force fanfare.
Le chanteur accouplé au micro se prépare
Aux possibles retours des marchés crédités.
Et les gouvernements, aussitôt alertés,
Ameutent les médias que plus rien ne sépare.
Les tocards du boulot, larbins sudoripares,
Ne voient rien d’anormal dans cette mixité.
Pour l’employé lambda, quelle exemplarité !
Personne pour jeter un pavé dans la mare…
Celui à qui jamais le poète compare
Sa poésie n’est plus poète en société !
L
Ma foi si je ne suis plus poète en langage
Et que ce temps m’invite à hanter Musidor
Avec le Président féru de disques d’or,
Autant songer fissa à me mettre en ménage.
Igitur aussi bien a fait un beau voyage
Et le voilà chez lui itachien et consorts,
La truelle à la main et sans autres ressorts
Qu’un matelas au poil qui connaît le dressage.
Tâtant du fouet ardent qui voue à l’usinage,
Promis au paradis que la publicité endort,
Il attend de toucher sa part de messidor.
Il n’a plus faim mais vit, conscient du cocuage.
Le temps n’est plus le sien et quoi qu’il envisage
Il ne va pas plus loin que l’écran du dehors.
LI
Je serai cette ordure enfermée dans l’étroit
Sac-poubelle que l’autre, inspiré par Bobonne,
Descend en maudissant ses deux seins d’amazone.
Sa muse fait dodo en attendant l’emploi
(Pourquoi ne pas rêver si on en a le droit ?)
Qu’il destine à la France et plus loin si on sonne
À sa porte. Il songe en me portant à son trône
Pour l’instant aussi creux que ses miteux exploits.
C’est mon frère pourtant, ce rhapsode patois.
Nous avons en commun français et épigones.
La même excitation pour les mêmes personnes
Nous fait dresser le poil dans les mêmes endroits.
Mais il est le présent et je suis autrefois.
On ne vit plus longtemps en dehors de la Zone.
LII
Ici j’ai pu d’un cri renverser la vapeur.
Peut-être mais j’attends toujours qu’on me conseille.
Sans Hélène à mes pieds parfois je m’ensommeille
Au crédit d’une ardoise accrochée sur mon cœur.
Car je suis revenu de cette nuit sans chœur
Où seul en coryphée étoilé de bouteilles
J’ai vu noir dans le fond d’une pure merveille.
Auprès de moi gisait, incohérent censeur,
L’animal qui tenait des propos précurseurs.
L’eau froide du canal d’une giclée m’éveille
Et me voici dans l’œil de la louve qui veille
Le corps abandonné à sa triste stupeur.
Je ne reviendrai pas exprimer ma douleur
Devant ce conjungo que plus rien n’ensoleille.
LIII
Mais je n’avais pas fait dix pas pour en sortir
Que l’animal hybride ô ma louve féline
Poussa un hurlement qui secoua les ruines
De ces siècles de mort et de futurs désirs.
Ces croix, ces blocs, la nuit, peut-être le plaisir
De retrouver le sens d’anciennes cocaïnes…
La bête au nom d’Hélène ameutait ses voisines.
Ou peut-être un gardien feulait-il par loisir.
Le double recula pressentant le nadir.
« Mais ce que je fais là, monsieur sans origine
Et sans doute sans nom si j’en juge à la mine
Que vous opposez à mes judicieux soupirs,
En aucun cas cela ne m’oblige à mourir
Dans un chemin peuplé de sinistres vitrines ! »
LIV
À l’encan des tombeaux la misère du monde
Où j’ai voulu aimer pour ne rien partager.
Sont-ce feuilles d’automne ou fruits du potager
Ces tapis sous mes pieds qui arpentent l’immonde
Séquelle de l’esprit le temps d’une seconde
Et de ce qu’elle accroît de gloire et de congé ?
En aucun de ces lieux tu ne fus étranger
Au point d’en perdre haleine et ta drôle faconde.
Le seul tombeau s’éloigne et sa bête la fonde
Maintenant que le marbre obtus s’est arrogé
Le droit d’en dire tout sans pourtant l’ouvrager
Comme tu travaillas dans la couche profonde
À retrouver le sens de tant de vagabondes
Enfances du roman où tu t’es engagé.
LV
D’emblée je vis le soir et tous ses personnages.
Ils attendent la nuit pour oublier le jour.
Aucun n’a tué l’autre au moins pour que l’amour
Donne raison à l’un et à l’autre ses gages.
Je vis de l’horizon la ligne qui l’engage
Et ses fuites devant l’optique d’un séjour
Romanesque et géant, possible des retours
Et impossible envoi que connaît le voyage
Quand il est entrepris sans souci d’avantages.
L’hermétique saison de quelque troubadour
Rend probable le plan et l’espace alentour
Annonce sans donner autre chose que l’âge.
Je vis ce que je vis, portant tous mes bagages
Sur ce dos dont papa vantait le saint concours.
LVI
Il faut bien évoquer l’époque des contraintes
Et l’enfant qui s’épuise en vaine sédition.
Le monde m’appartient et j’en suis la raison,
Pense-t-il sans le dire et pendant qu’on l’éreinte.
Le jouet qu’on insère entre ses deux mains jointes
N’est pas le personnage entrevu dans l’action
Dont le rêve et l’effet imposent la fiction.
Il en connaît trop le roman et la complainte.
On le voit quelquefois se soumettre à la feinte
Et sucer le bonbon de la domination,
Langue dehors et tout promis à l’illusion
D’un métier citoyen et pompier dans l’enceinte.
Ici rien ne ressemble aux joies du labyrinthe
Que le sommeil promet comme récréation.
LVII
Comment ne pas songer à cet âge au suicide ?
À qui appartient donc cette vie de métiers,
D’élections et de sperme et de fous émeutiers
Qu’on taxe de terreur, voire de génocide ?
Dans le livre et l’écran, si l’enfant est lucide,
Les possibilités vont toujours par moitié.
On n’y partage rien sans que cette amitié
Explique la passion et ses noirs homicides.
La série en devient tonneau des Danaïdes.
Et l’enfant y revient chaque fois moins entier
Jusqu’à ce que le Temps, ami du cafetier,
Au fond du verre ainsi cultive le liquide.
Rien n’est aussi parfait que cet appel du vide.
Une seconde avant vous l’expérimentiez.
LVIII
Hélène eut-elle aussi une enfance stoïque ?
L’animal qui la suit revient-il de si loin ?
Et de ma survivance est-elle contrepoint ?
Mais nous n’eûmes pas tant de plaisirs héroïques…
Pas au point de gagner quelque bien authentique
Qui nous eût garanti infini et fusion.
À la fin nous étions dans l’approximation.
Rien ne ressemble moins à l’enfance achronique
Que cet épuisement du sujet empirique.
Voyons si c’est la rose ou l’acclimatation
Qui inspire l’étreinte et le peu d’attention
Rencontrée dans l’extase aussitôt chaotique.
L’animal étirait sa carcasse bachique
Au bout du lit en vrac où nous nous confessions.
LIX
Avec le soleil point l’ardeur d’un autre feu
Et sur la pointe de ton sein le doigt s’emploie
À retrouver l’ancien rituel de la joie
Que l’enfant inventait pour parfaire le jeu.
L’esprit s’envoie en l’air chaque fois qu’il le peut.
C’est la leçon trouvée avant d’être la proie
Des lois de l’existence et de la vie en voie
D’achever ses hasards en coups de dés fiévreux.
Avec le soleil chute une idée des adieux
Et la nuit le carreau à l’envers se poudroie.
Passage du miroir dans ce que nous renvoie
La question de savoir de qui sont ces aveux.
Avec ou sans soleil nous sommes ici deux,
L’un et l’autre sans voix dans le drap qui nous noie.
LX
Je t’apporte l’enfant que je n’ai pas nommé.
Sur tes lèvres son nom n’a pas plus d’existence.
C’est un cadeau du ciel, il en a l’apparence.
Sans le ciel nous n’eussions pas aimé nous aimer.
Il est vrai que sur terre on a beaucoup trimé,
Toi et moi nous avons subi les influences
De ce qui a toujours fondé les évidences.
Au moins ne sommes-nous pas plus qu’eux affamés.
Voici ce que je dis être enfant du camé
Qui monta dans le ciel plus haut dans sa démence !
Voici ce que j’écris en ta maudite absence :
Cet enfant est le tien autant qu’il m’a semé.
Je suis fils de mon fils ou de ma fille, aîné
D’avoir été et de renaître aux circonstances.
LXI
Ici la poésie inspire le fragment,
La sensation d’avoir trouvé un inventaire
Et d’en tenir avec sa voix l’argumentaire.
Ainsi l’écrit façonne un puissant document.
C’est du moins ce qu’en dit le docte pépiement
De l’oiseau-lyre en fleur sur sa branche guerrière.
De la plume et du bec il installe grossière
La stricte position de ses beaux arguments.
Il pointe et il estoque avec linéaments
Le ventre de la vie et ses lueurs dernières.
Vous aurez de la chance et même un ossuaire
Si vous y résistez sans perdre le roman.
Au fragment je préfère un périlleux moment
Où l’esprit ne sait plus avec qui il s’affaire.
LXII
La poésie parfois ressemble à ces croquis
Que les WC publics, faciles galeries
Où l’artiste sommaire emploie ses âneries,
Proposent sans critique à l’usager conquis.
C’est que la linguistique et ses divers acquis
Enseignent que le verbe et ses afféteries
Ne se conjuguent plus dans les allégories
Que le monde aujourd’hui conseille à ses marquis.
Le sens n’a plus de sens mais il a ses maquis
Où l’on va décuplant les aristocraties.
La poésie des murs se perd en arguties.
Avec ça elle est loin de tordre le kiki
Tant à l’antiquité qu’aux chansons riquiquis.
La paroi est le temps de nos péripéties.
LXIII
Draps conçus comme mer qui lointaine somnole.
L’esprit prend la fiction pour la réalité.
Aucun breuvage noir ni chien sollicité
Et pourtant le voyage imagine une yole
Dont le carré de vent annonce l’hyperbole.
Il y a loin entre Igitur et le croisé
Qui git incognito sous l’arc trop pavoisé.
L’honneur et le respect le pousse de traviole
Dans la friche d’Arès cinglant de la guibole.
Mais ici dans les draps le sommeil est Cité
Et la mer bat des flancs de roc bien imité
Sans qu’il y soit question d’en perdre la boussole.
Nul rempart cependant : l’irréelle acropole
Est accessible à tous dans la diversité.
LXIV
Qu’il est heureux, Dormeur, à l’ombre du noyer
Qui cache dans son ombre une idée de la mort.
Parmi d’autres l’Idée peut-être sans rapport
Avec l’homme endormi au lieu de s’employer
À des travaux plus sains pour la communauté.
On reproche au dormeur d’exister sans remords
Et de recommencer dedans comme dehors.
Mais quand sous le noyer il dort sans s’agiter
L’Éveillé en passant ne peut pas s’empêcher
De penser que paresse et noyer en renfort
Tôt ou tard sans appel au musard donnent tort
Et le voilà bien mort de s’y être couché.
Car il n’en faut pas plus pour nous l’effaroucher
Notre bon travailleur qui a d’autres ressorts.
LXV
Rien n’est moins coquillard que le voleur en prime.
Il emprunte sans rendre au bourgeois et à ses
Domestiques zélés qui en ont vite assez
De produire en justice un statut de victime
Qui ne vaut pas, foi de gagnant, que l’on s’escrime
Au point d’en perdre haleine une fois enterré.
Car le voleur ne vole rien par intérêt :
Il prend ce qui lui plaît ou plaît à l’éponyme
Sans intention de nuire au système antonyme
Qui fait force de loi en matière d’arrêts.
Il vote pour le droit comme coupe-jarret
Et non comme salaud mis à l’abri du crime,
Et le vice est versa, par la foule anonyme
Qui s’accroche au travail comme aux plus hautes cimes.
LXVI
Écrivain je ne suis, moins encore poète.
On me voit au palais mais je n’y mets les pieds
Que pour être jugé dans le but d’y expier
Ce que j’en dis pourtant sans quitter la sellette.
On me dit que j’ai tort de moquer nos athlètes
Qui de mérite ont plus que je peux espérer.
Mais je n’espère rien et vous m’exaspérez.
Jamais je n’ai conçu le sport comme une fête
De l’intellect, ni de l’esprit ni des conquêtes
Que l’homme en proie à ses désirs peut inspirer
À des lecteurs soucieux de ne pas se laisser
Séduire et même plus par l’index en goguette
Qu’un président s’applique à frotter de la crête
Pour mieux battre de l’aile et finir en beauté.
LXVII
Ce tombeau ce n’est rien qu’une fiction probable,
Plutôt vraie que de toc, mais le roman revit
Les traces qu’on laissa et ce qui s’ensuivit.
Il ne se passa rien d’aussi abominable…
Si Hélène mourut ce fut pour une fable.
Heureusement l’esprit à ce point assouvi
Connaît d’autres récits au réel asservi :
Sorte de passe-temps dont l’expert est capable.
Si Hélène exista, j’en suis seul responsable.
Et j’ai trouvé sa tombe au détour d’un parvis
Dont la croix ombragea ce que j’en écrivis :
Mais le marbre n’a pas la mer comme le sable.
Je prie pour que le vent, utile et agréable,
Emporte la poussière et ce que j’y écris.
LXVIII
Quelle tourmente dans mon cœur et ma raison !
J’écris que j’imagine et je personnifie
Au fil de ces récits que rien n’authentifie
Comme pourtant déjà on en vit la saison…
L’œuvre se joue sans moi, même sans ma maison.
J’ai beau user du vers et je le versifie,
Hélène ne meurt pas, l’animal se méfie.
Je n’entre même pas dans la combinaison !
Qui de moi ou des deux rêva de floraison
À la place du temps que la mort édifie ?
Je ne suis pas venu pour qu’on me glorifie !
Je jouais un enfant qui vole la Toison
Et me voyant enfant c’est par comparaison
Que j’ai tenté l’enfer où elle fructifie !
LXIX
Passant de jour dans le parage où j’imagine
Qu’en creusant sous le marbre et dans le sol patient
Je trouverais de quoi nourrir mon inconscient,
Je dis à l’animal qui avec moi chemine :
« Je ne suis pas celui qui dans ces lieux jardine.
Souvent on me confond avec ce déficient
Qui ne travaille ici que par faible quotient.
L’outil sur mon épaule est ma seule machine.
Point de technologie hors le fer que j’affine.
Je ne possède rien mais c’est à bon escient
Que je vis à l’écart du trouble négociant
Et des envieux lisant mieux dans les magazines.
Si je suis ouvrier il faut que j’examine
Ce que cache ce rite et en m’y associant ! »
LXX
Nous eûmes des saisons, outre l’âge pressant,
Pour nous remettre à l’œuvre et soigner l’édifice.
Jamais pourtant de nous donner en sacrifice
Nous n’eûmes l’impression même en adolescent.
Nous vécûmes d’ennui et de plaisir passant
De l’un à l’autre avec de joyeux artifices.
Le jour comblait l’attente et la nuit ses complices.
Vous ne saurez jamais, l’angoisse s’y fixant
Comme la seule étoile au rite turgescent,
Si quelquefois en vers et dès le frontispice
Nous eûmes de l’amour au fond de la matrice
Qui inspira toujours nos élans de pur sang.
De saison en saison, l’âge se connaissant,
Nous revînmes souvent chez cette inspiratrice.
LXXI
Ainsi la promenade avec la bête immonde,
Si je me souviens bien, en ces temps de fusion
Et d’éclairages noirs, ainsi cette intrusion
Ne menait nulle part, qu’elle fut brune ou blonde…
Certes le bloc se tait et la nuit est profonde.
Vêtu de cette peau pour donner l’illusion
Que la bête est vivante et brûle d’allusions
À la jeunesse et à ses joies qu’on dévergonde.
Quelle fête sous terre et possible faconde
Du promeneur qui prend ainsi sa décision !
L’animal se rebelle et rompt la cohésion
Qu’une grille de fer imposait à la ronde.
Elle vient en maîtresse interdire le Monde
Aux idées qu’elle-même inspira aux saisons.
LXXII
Lisez, auteurs divers, à haute voix lisez
La bouche en cul de poule et dans le microphone !
Lisez ce que d’écrits le vide vous siphonne.
Vous auriez tort de ne point capitaliser…
Il y a du monde au portillon, pas épuisé
Car le monde est grouillant d’idées plus ou moins bonnes.
À l’approximation les écrans vous abonnent.
Profitez de ce temps comme vous en usez.
Ça « parle » ici et là et c’est rediffusé
Avec toujours la même idée et l’amazone
De A à Z apprend à cibler l’interzone
Où chanteurs et pédants, l’un dans l’autre baisés,
En musique et en murs, jamais désabusés,
Coulent le bronze des nations et de leurs zones.
LXXIII
Mais où est le roman si le vers nous le narre ?
La question est posée aux actes trépignant
D’impatience devant tant de sages plaignants.
Un lecteur énervé nous dit qu’il en a « marre ».
Aujourd’hui faut choisir entre le plouc ignare
Et le savant issu des cercles enseignants.
Entre ces deux pantins, qui vont s’accompagnant,
Si d’un doigt exercé que rien ne désempare
On s’applique à racler l’interstice et les rares
Occasions de se taire offerte à qui pourtant
Connaît art et métier, quelle perte de temps !
Ici-bas plus qu’ailleurs, sans projet de bagarres,
Vous êtes l’un ou l’autre ou vous êtes barbare :
La librairie témoigne assez de cet encan.
LXXIV
Il trotte et fait des pets, le poète à la Lune !
Entre les mots il met du sens et du soleil :
Soleil pour éclairer l’heure de son réveil
Et Lune pour s’allier les Grands de la commune.
Voyez comme il va bien non sans quelque rancune
À l’égard de ses pairs se trottant au Conseil !
Les rimes et les vers pataugent sans sommeil
Mais c’est modestement qu’il donne à la tribune
Les conseils et les lois que lui dicte Fortune,
La muse qui s’amuse à susciter l’Éveil
Et ses pages de sens, de Lune et de soleil.
Le voici récitant de sa voix si commune
Les quatrains, les tercets que sans cesse la brune
Et le jour copulant offrent à son orteil.
LXXV
Il trotte et pète en chœur, le poète à dada !
Le voici militant pour la cause commune.
Et il arrache au vol d’une grogne opportune
Le sens de son destin qu’il fourre en son barda.
Il est plouc de service ou enseigne en soldat,
Aliboron fidèle en toutes infortunes.
Sa gorge de travers les avale une à une
Et sa marche reprend toujours au même endroit.
Approchant de ces murs où se décident lois,
Mœurs, travaux et devoirs, chevalier de la Lune
Je fis la réflexion : à chacun sa chacune…
Mais on me fit savoir que selon le bon droit
Je n’étais pas auteur mais sorte de piédroit
Qui tient la porte ouverte à leurs tristes lacunes.
LXXVI
Il écrit comme un pied mais de son seul gros doigt.
Le petit ne lui sert qu’à apposer virgules
Et autres points d’arrêts qu’ordonne sa férule.
Il ignore tout l’art et ne sait ce qu’il doit.
Il enseigne ou il sert mais sous le même Droit.
On le voit au palais où sa morgue circule
Comme un devoir du soir ou en conciliabule.
La Justice n’est pas le meilleur des endroits…
Il me salue bien bas, si bas que je le crois
Au moins le temps de lire une de ses pilules
Que je n’avale pas mais qui me véhicule
Jusqu’au pied de la tour où s’élève sa croix.
Son pied alors s’extrait de son soulier étroit
Et d’un sonnet moderne il croit que je l’encule.
LXXVII
Ô comme je n’ai pas aimé ses bavardages !
Voici le temps précieux qu’il soustrait impatient
De voir tomber ma tête avec mon inconscient
Dans le charnier natal de mes vagabondages.
Il multiplie le pain comme les caquetages.
Il change vin en eau toujours à bon escient
Et sa langue se fond tout en différenciant
Le moyen du mauvais et la nuit du voyage.
Je vieillis sans me voir aussi bien qu’à cet âge.
Je suis désespéré et peut-être insouciant.
Me voici à genoux, ignare et remerciant
L’existence passée à courir l’avantage.
Le temps finalement impose ses chantages
Et il est trop tard pour tuer le négociant.
LXXVIII
Heureux mais sans voyage en seule perspective…
Dans la rue descendant ce n’est pas en enfer
Que mon ombre s’avance avec son revolver.
Je croîs comme je peux au fil des tentatives.
Sous mes pieds comme toi je sais qu’on me cultive.
Voici l’herbe et la mort et dessous c’est l’envers
Du décor attendu par papa en travers
De maman qui ressemble à ces ombres furtives.
Heureux d’en être là et seule expectative !
L’horizon du voyage avec la nuit ressert
Le même ennui, la même angoisse et ce désert
Peuplé du seul voyage et de ses seuls convives.
La bouteille ou la balle ! exulte la captive.
Quelle joie ce voyage en un tombeau ouvert !
LXXIX
Je me suis inventé un voyage possible…
Avec mon revolver et deux ou trois flacons
Pour compagnons chargés à ma place, mettons,
D’alimenter le fleuve en bonheur admissible.
Écoutez leurs chansons au sens très accessible !
On reconnaît la proie à son nez rubicond.
La barque nous attend et voilà sans façons
Nous y mettons le pied ô loi irréversible !
Pas un flic alentour, un panneau illisible
Et la grille est ouverte au bord du Rubicon.
Si le gardien arrive en son seul caleçon,
L’escampette dira si j’en étais la cible.
Comptez ô mes garçons la syllabe indicible !
Car c’est au bout du vers que j’aime le soupçon.
LXXX
Au diable pauvreté, pauvres et songe-creux !
Je ne vous aime pas, votre amour me fatigue !
Je veux être si seul, sans séries ni intrigues,
Que toute l’écriture a le désir foireux.
Vos famines dehors n’ont rien de miséreux.
Vous jouez à jouer avant qu’on vous endigue.
Moi je suis déjà mort, je suis votre cézigue,
Et mes jeux sont amers, cruels et douloureux.
Lisez, ne lisez pas, soyez fiers ou heureux
Selon que par la queue ou le nerf on prodigue
Les ors de la Nation ou du sexe les gigues
Que la tripette inspire ici aux plus nombreux.
Mais je ne vous hais pas car je suis malheureux :
Sans amour et sans haine on est bon pour la bigue.
LXXXI
Qu’on croie à la bouteille ou au feu de la balle,
La machine à écrire attend l’heure du temps
Car l’attente est ici, visiteur haletant,
Sur le seuil ombragé de lune radicale.
Avec qui cette orfraie en passant se trimballe ?
Flacon inachevé toujours s’impatientant
Ou plomb avant fusion dans la poche pourtant ?
Le gardien à l’œil nu observe l’ithyphalle.
En amputant la croix de ses bras à la balle
L’homme qui vient ici profaner en titan
La mort qui le priva de Dieu et de Satan
Remodèle le pieu en parfait cannibale
À l’image de sa machine théâtrale :
Le pal est dans l’anus de ce vieux Léviathan.
LXXXII
Le combat désormais était inévitable.
Le gardien ajusta son trop grand caleçon.
Il prenait ce soir-là sa première leçon
De poésie et de nouvelle véritable.
Car l’autre était armé d’un lumineux portable,
Un œil qui voit la nuit non sans satisfactions.
Le réseau alerté éveilla les factions.
Dans le dos agissait pourtant le connétable.
Mais l’odeur du flacon et sa taille louable
À ce maître des lieux qui aimait les garçons
Inspirèrent sans plus une aimable chanson
Dont il était l’auteur à ses heures chômables.
Et l’autre pris de court fissa se mit à table
Oubliant les réseaux et leurs contrefaçons :
LXXXIII
« Je suis, je ne suis pas, je possède ou je n’ai
Rien d’autre sous la main que cette alternative :
Le moraliste en vogue ou ma fille adoptive.
Si je ne me tue pas avant le déjeuner
L’après-midi verra mon menton couronné
D’herbe et de ce plancher que la vache captive
Nourrit sans le savoir de beauté convulsive.
Que pensez-vous de moi ô filles de l’Aîné ?
Celle-ci me connaît sans jamais se donner.
Si la morale est sauve et s’il faut que j’écrive
Ce que ce pur breuvage inspire à ma dérive
Que personne n’en souffre et que je sois damné !
Il faut que je sois seul et le seul concerné :
Cette fille a de l’Art la geste plumitive. »
LXXXIV
À ces mots le gardien, ne sentant plus sa joie,
Ôte son pyjama et exhibe tout droit
Ce que sa femme veut se mettre dans l’étroit
Conduit dont nul enfant ne fut jamais la proie.
« La nuit m’en soit témoin, voilà ce que j’envoie
Comme message clair au coq et à la croix !
Poète je ne suis, qu’il fasse chaud ou froid !
Mais pour aller au fond, j’en connais bien la voie.
Tout le monde connaît le secret que j’emploie,
Ni drogue ni outil, c’est mauvais pour la voix !
Forte est la tentation de creuser dans l’endroit
Surtout si c’est la nuit, sinon je me fourvoie.
Bien jeunes sont ces corps sous l’herbe qui verdoie
Ah ! Vous êtes mon frère ou je ne suis plus moi !
LXXXV
J’amène une truelle et le burin d’office,
Le marteau nécessaire et la lampe-tempête.
Le ciment est tout frais, ça va être sa fête !
Justement ce matin c’était moi de service…
À cet âge la fille ignore les sévices…
Une fois qu’on est mort on a perdu la tête !
Cela dit pour en rire en pensant à perpète…
On ne sait même pas à qui on doit ces vices.
La question qui m’ennuie attendra le supplice
Si jamais ça m’arrive et que sur la sellette
J’en vois de toutes les couleurs, et sans braguette !
Ah ! Pire que la poésie, c’est la justice !
Voyons ce que promet l’ombre de ces coulisses…
Mon petit doigt me dit qu’il faut qu’on s’y arrête ! »
LXXXVI
Ainsi de chaque personnage : il s’interpose
Entre mon inertie et sa propre fiction.
Procédé narratif, palliatif de l’action…
Il faut bien que la rose appelle une autre rose.
Mais je voulais l’ouvrir cette maudite chose !
Desceller le couvercle et changer l’inaction
En poème obsédant comme une explication
Inspirée par la nuit qui plombe et qui s’impose.
Le jour, je ne bois pas, l’existence s’oppose
À tout essai d’aller plus loin que l’attention.
Je ne dis rien du feu chargé de destruction.
Mais un matin ma mort affectera leur prose.
Ne comptez pas sur moi pour qu’enfin la cirrhose
Change le personnage en fils de la Nation.
LXXXVII
Pourquoi pas un gardien et en lui cette idée
Que l’existence cache et même s’en défend
Un secret bien gardé comme en connaît l’enfant ?
C’est au bout de sa queue élégante et bridée
Que l’anus de ce monde entretient ses orphées,
Premiers en la matière et pères de leur chant.
Travaux qu’on entretient du lever au couchant
Pour que la nuit s’amène au rendez-vous des fées.
Il faut alors que le gardien en sa nuitée
Revisite les lieux, dehors comme dedans,
Et dans la chair en deuil rejoue en confident
Éternel et joyeux son rôle de protée.
À chacun son vicieux avec sa galatée :
Dans l’interstice étroit le secret est prudent.
LXXXVIII
Je bannis la fumée et la pilule en soi,
Vos grottes, vos trottoirs et le flic en cavale,
Vos cercueils, votre foi, les joueurs de baballe,
Les enfants en réseaux et le bonheur chez soi.
Je n’ai pas un voyage en tête et quant à moi
Rien pour tuer dans l’œuf mes mœurs artisanales.
Je joue avec le feu mais sans le feu ô mâle !
On ne me verra pas ciseler dans l’émoi.
À mon âge c’est sûr le suicide est un roi
Et sa reine est bien lente à perdre les pédales.
En parlant d’elle soit : ses façons commerciales
Justifient les prégnants tarifs du désarroi.
Une chauve-souris se perd dans le beffroi…
Je n’irai pas mourir en vieille souche anale.
LXXXIX
Soulever le pétard à la hauteur des yeux,
Pas celui de la reine à l’imposant office…
Le calibre a raison de tous les sacrifices.
Ce trou géométrique est loin d’être soyeux !
La crosse est une offense aux douceurs de mes deux.
Je t’ai tenue souvent avec un verre en lice.
Le miroir a perdu ses joyeuses malices
Et tu n’apparais plus en poète hasardeux.
Le curseur s’en approche, exige des aveux,
Un pénultième ouvrage avant l’ultime esquisse.
Et la mort en sursis se cherche des complices.
Je ne me suis jamais senti aussi nerveux…
Trou de balle, c’est dit ! À poil et sans prie-Dieu.
Jamais je n’ai été si prêt de tes délices.
XC
Voilà, le verre est vide et je ne suis pas mort.
La mort lente est au bout de la nuit sans voyage.
Alors comment conclure immobile et sans âge ?
: Le soleil en fusion lâche une goutte d’or.
Je ne serais jamais assez seul, pauvre corps !
Il ne faut pas compter sur leurs apprentissages.
L’honneur et le respect construisent leurs messages
Et tous leurs monuments nourrissent l’athanor.
Je n’en suis pas la proie ô soleil qui s’endort
Sur mes lauriers d’été, d’hiver et de villages
Traversés pour en vivre et oublier l’outrage
Commis sur ma jeunesse : une autre goutte d’or
Achève le sommeil et ouvre au croquemort :
: Voici le verre plein comme au premier langage.
XCI
À quel âge pourtant convient-il de partir ?
La question s’est posée en maintes occasions…
Jeune ou vieux le désir conseille l’évasion,
Mais certainement pas en inconstant martyr.
Les ouvrages du temps sur le corps au sortir
D’une vie de travail et autres affections,
Sans parler de l’esprit et de ses convulsions
Fort éloignées de la beauté, sans élixir
Conduisent à l’asile et aux petits plaisirs
De ce compagnonnage ami des rétentions
Et autres déplaisirs qui limitent l’action.
Ah ! si la guerre était un intègre loisir !
On ne condamne plus l’assassin à ces tirs.
Encore moins le vieux qui pose la question.
XCII
Se laisser prendre au piège et louer le chasseur…
Comment ne pas l’attendre à la fenêtre ouverte
Sur le plus froid hiver que la mémoire experte
Reconnaît au premier coup d’œil du promeneur.
Quelle rencontre enfin après tant de sueur !
Le coup de feu traverse une plage déserte
Où se couche la vague en pure, pure perte.
Spectacle de moi-même avec sang et lueur !
Ce cadavre est le tien dans le sable voleur,
Visité par la vague aux coquilles offertes.
Maintenant le chasseur se promène et concerte
D’autres projets de mort, d’une tout autre ampleur !
Ô lointain personnage inventé par erreur
Un jour de rétention quand l’esprit en disserte.
XCIII
Non ! Je ne me vois pas attendre ainsi la mort !
Sans combat contre l’autre ameuté pour la forme
C’est la bigue ou la balle, à moins que je m’endorme
Pour ne plus revenir en bien sous tous rapports.
Quel cadavre nouveau éprouve du remords ?
Quel ancien praticien de l’art et de l’informe
Connaît des jours meilleurs dans la nouvelle norme ?
Tout est vieux ici-bas car le Monde s’endort.
Or le sommeil est roi plus que la mort dehors !
C’est ici, en dedans, que le temps se transforme.
Une bête gisait dans l’ombre cruciforme.
Vous ne verrez jamais ni l’ombre de mon corps.
Pas cette mort, ma sœur, et le temps moins encor :
Maintenant ou jamais le désir est énaurme.
XCIV
Pour moi le connard type est éliminateur.
Pas de connard sans l’exercice de la coupe.
Poètes guillotins abonnés à la soupe,
Larbins des hiérarchies : des administrateurs !
Qu’ils châtient le langage ou pratiquent menteurs
Le synonyme argot ou le verbe du groupe,
Ces besogneux du style et du moral des troupes
Font de la poésie un fourgon à chanteurs.
C’est avec ce train-là qu’on en devient auteur.
Rien d’autre sous le front et ça sent l’entourloupe.
Qui a raison et qui a tort, à la découpe !
Pets-de-loup, rats-du-cul, argousins et facteurs !
Il n’y en a pas pour tous les goûts des profiteurs !
Et légion sont ceux qui voient voler des soucoupes
Avec dedans la tête étonnée d’un artiste
Qui n’était pas venu pour qu’on donne raison
À ses essais de voir si poussant sa chanson
Il s’était élevé au rang de concertiste.
Des fois ça fait du bien de tenter les touristes.
On ne les choisit pas dans l’arrière-saison.
Il faut que de l’été on boive les boissons.
Une fois que c’est fait, l’auteur se met en piste :
Et voilà que faucheur comme pas deux hors-piste
Un universitaire ou un con sans leçon
Vous travaille la chique et demande rançon
Sinon vous n’êtes plus poète ni styliste !
Ces bourreaux du travail et du chien aliéniste
Vous privent vite fait de l’ère du soupçon.
XCVI
Car sans cette colère et cette joie d’émettre
Sur la toile des jeux qui, oui, finiront mal,
Qui serai-je demain dans ce lieu fantomal
Où je n’ai plus le sens que j’ai pris à mes maîtres ?
Certes j’en ai donné même avant qu’on pénètre
De mon intimité le caractère anal.
La jeunesse a des trous de mémoire au final,
Mais le reproche-t-on à celui qui veut naître ?
Si je me vois si vieux, ne pas me reconnaître
En personnage né pour finir au pénal
Est une aberration acquise au tribunal
De l’écriture et de ses styles sans ancêtres.
Oui je me penche avec envie à la fenêtre :
Et le passant en fait les frais, comme au journal.
XCVII
Voyons si je suis vieux, assez pour à la fois
Reconnaître les lieux et y jouer un rôle
Que Protée en trois coups charge sur mes épaules.
Voyons ce que ça donne et si je le conçois.
Mais la télévision en document sournois
(Je ne dis pas narquois car j’en perds la boussole)
En document pervers mais de fidèle école
Me rentre dans la peau et l’acteur que je vois,
Que j’entends, qui est moi, ne trouve pas sa voix.
Oh ! Quelle angoisse alors ! Plus rien ne sera drôle !
Me souffle la compagne élue par la console.
Qui suis-je donc si vieux, immobile ou pantois ?
En quelle compagnie on me tient autrefois ?
Un papillon de nuit servira de bestiole.
XCVIII
Étrange sensation que procure le fait :
Si je ne mets pas fin à ma propre existence
Alors je me soumets à cette obéissance.
Pas moyen d’échapper ni même de bluffer…
La bigue au nœud coulant ou le feu en effet…
Ou quelque autre moyen dont il s’agit, méfiance !
De vérifier, têtu, l’histoire et l’efficience.
Voilà de quoi, mon vieux, ton esprit échauffer.
Oublions l’hôpital et ses autodafés.
Son roman est possible avec ses circonstances
Documentées ou mieux, avec un peu de chance,
Imaginées comme on accepte d’étouffer.
Encore un peu, Monsieur : j’ai peur d’être imparfait
Au point d’avoir encor besoin des apparences.
XCIX
C’est cette lâcheté qui me pousse à écrire,
À vous imaginer tels que vous n’êtes pas.
L’ordure du récit a de sérieux appas.
Laboratoire ou non, j’ai du mal à sourire…
Pourtant dès le matin, après de purs délires
Qui ne m’inspirent pas d’autres mea culpa,
La chronique interpelle un vieillard aux repas
Médicaux et à l’heure indiquée pour le pire.
Demain sera demain, et quoi que je désire
Le personnage existe et ne me dément pas.
Qu’on t’appelle la mort, camarde ou bien trépas,
Jamais tu ne sauras la vieillesse séduire.
Ou bien le vieux se donne à toi comme au martyre
De n’avoir pas plus tôt mis fin à ses tracas.
C
Dès la première page et sans autre anecdote
On voit le vieux crever entre deux compagnons.
Qui bronche ? mais personne, on a trop peur des gnons.
Le vieux s’est affaissé et la vieille radote.
Du coup je m’intéresse à cette vieille idiote.
Peut-être Hélène sait et connaît la chanson
Qui ménage le fil que ce vieux canasson
Qu’on monte quelquefois en suçant la capote
Enfile dans l’aiguille à rapiécer sans faute
Un passé dont le vieux, bandant avec raison,
Avait imaginé l’amour et la maison.
Ainsi le vieux toujours tricote et détricote.
Moi aussi je m’emploie à courir l’échalotte :
En écoutant venir la prochaine saison.
CI
Je me vois dans la peau d’un de ces personnages
Inspirés plus ou moins de la réalité.
J’entre par effraction mais je suis alité,
Tête dans le coussin et l’entrejambe en nage.
La fenêtre est ouverte et reçoit les ramages.
On est à la campagne, avec docilité,
Puant la rue obscure et la félicité
Des trottoirs en vitrine et du plaisir en cage.
Homme ou femme on verra : c’est l’enfant qui partage.
L’histoire vient ensuite et son analité
(Avec un n ou deux) est la spécialité
(Ça tombe bien, pas vrai ? Voilà son avantage.)
De la maison en route, ah quel maigre potage
Qui promet discipline et immobilité !
Mais l’immobilité n’est pas l’œuvre conçue
En un temps moins propice à l’erreur capitale…
Te voilà casanier, te desséchant la dalle
À force d’y penser ; la voie est sans issue.
Seul ou pas c’est la chambre et la femme aperçue
Entre rideaux et murs, silencieuse et totale,
Qui prend son importance entre ces intervalles
De joie et de panique, adorable sangsue
Qui prend au personnage avec sa foi reçue
Et son prochain voyage, ô médiocre vestale,
Ce qui reste de chant et de sang cannibale.
Ô voyons si la rose est amère et déçue.
Elle peut l’être enfin, personnage et tissue
De fils subtilisés à la fable initiale.
CIII
Les rites du poète engagé dans l’envoi
Qui clôt son infini et l’empêche de vivre
Comme pourtant il a vécu avec son livre,
Le seul possible alors en ce sinistre endroit.
Il s’adonne à l’ennui et à ses désarrois,
Jouant l’après-midi et le soir il s’enivre,
Redisant cet envoi qui jamais ne délivre
Les démons invités à calciner sa voix.
Enfin la nuit l’assomme et il rêve de toi,
Toi qui jamais là-bas et pour mieux le poursuivre
Ne promit l’aventure à moins d’un bateau ivre,
Impossible saison en ton château sans toit.
Au matin il est seul, seul avec son patois
De poète achevé et qui doit lui survivre.
CIV
Qui as-tu convaincu ô poète fini ?
Pas même la concierge aux yeux de braise ardente,
Ni le noir paysan à la langue apparente.
Te voilà seul au monde et pas même banni…
Libre comme le vent qui te poussa ici,
Entre la terre et l’eau, coquille à l’habitante
Aussi rêvée que morte, ou fille fainéante.
Maintenant, fils de rien, tu as d’autres soucis.
Le temps va s’achever comme finit l’ennui.
Le soleil en déclin vivace dans l’attente
Brime tes yeux lassés de poésie latente.
Puis la lune peut-être éclairera la nuit.
Je ne te promets pas une fin aujourd’hui :
Salue ton personnage et la chance retente.
CV
Qui sont ces animaux qui semblent apprécier
L’enfermement ici avec moi pour spectacle ?
La fenêtre est pourtant ouverte sans obstacle…
Qu’attendent-ils de moi pour ainsi s’associer ?
Mais à qui en parler sans l’ambiance vicier ?
Je ne voudrais pas qu’on m’initie au miracle :
D’autres chats à fouetter m’attendent au pinacle
De cette chambre en rond qui a ses devanciers.
On s’approche de moi, j’entends les chats miauler
Sans toutefois chez eux provoquer la débâcle.
Moi-même je n’ai pas la couleur de l’oracle.
Personne ne viendra au moins pour m’épauler.
J’aurais dû m’informer avant de me piauler :
Les anciens habitants hantent cet habitacle.
CVI
La poésie est… n’est pas… et on se bouscule
Au portillon du Vrai en revue entrouvert.
Musidor tient le seuil, le crâne découvert
Pour ne pas saluer celui qui vierge encule.
Son chapeau à la main il pousse un monticule
De vers rimés ou pas, l’un étant le revers
De l’autre qui se voit dans le tain à l’envers.
Le paillasson durcit son poil au ridicule
Des prix qu’on se chamaille avec de minuscules
Façons de discourir, mais avec foi d’expert.
Le visiteur souvent dans le dédale perd
Ou son sens de l’humour ou bien ses pellicules.
Car secouant le chef pour ne pas qu’on spécule
À sa place il sort et remet son vieil imper.
CVII
Tout bien pesé, et question poids je m’y connais,
Ces animaux têtus qui hantent mon espace
Ne sont peut-être pas les princes de la place…
À les chasser voilà j’y vais de mon sonnet.
On récolte, dit-on, tout ce qu’on a semé.
Je ne vois pas pourtant pourquoi dans mon palace
Tant de haine sursoit aux emplois de ma race…
Impossible avec eux d’ouvrir les guillemets.
Car j’ai beau leur parler ils demeurent muets.
Ignorant les raisons de pareille disgrâce,
Je m’épuise au dialogue et même je m’efface,
Je souffle la réplique et de me remuer
Ainsi sur le plancher, quitte à me voir muer,
Je rampe sur le ventre et au rideau m’enlace.
CVIII
Soyons tout, soyons rien… Je veux bien me damner,
En enfer méditer avec d’autres moi-même…
Apprécier la douleur pour ses vertus suprêmes.
Et entrer dans la peau du soldat qu’on connaît…
À tout acte sensé oui me voilà fin prêt.
Après tout, pourquoi pas ? On en devient énième.
Chacun s’emploie à inventer les stratagèmes
Qui font que l’on vit bien de semblables apprêts.
J’ai le choix de la bête et ne craint pas l’après
Pas plus que le passé qui connut mon baptême
Et maints décrets de foi en l’Homme et ses problèmes.
Mais promettre la soif à un injuste arrêt,
C’est demander à sec au Diable d’abjurer
Et à ses animaux d’accepter l’anathème !
CIX
La page blanche prouve à l’auteur qui l’endure
Que l’écrivain en lui n’a pas trouvé duende.
À force de chercher, sans projeter les dés
Sur le tapis de l’existence, il fait figure
De tâcheron qui se répète et dénature
L’enjeu de sa jeunesse et de ses procédés.
Voilà pourquoi l’enfant ne s’est pas suicidé
Et comment l’homme ainsi continue l’aventure.
Chacun de ces moments de doute le structure.
Si le blanc s’interpose et que l’homme obsédé
Par la complexité facile du godet
Ne trouve pas le mot qui ouvre à la biture
Les portes de l’écrit, alors c’est l’écriture
Qui juge son auteur indigne de bander.
CX
S’il ne se passe rien, la poésie s’en passe.
À moins que rien ne soit la poésie du temps.
Promenant mes vertus et mes défauts patents
Le long du cimetière où quelques-uns trépassent
Mais en si petit nombre et si étroit espace
Que personne n’a peur d’y trouver son faisan,
Je songeai à Hélène au nom si courtisan
Qu’il m’arrive souvent d’en changer les impasses,
Égarant ainsi fait les ressorts de sa race.
Je ne croisai personne à part quelque passant
Dont je ne saurais dire, en pur adolescent,
Si ce rôle incombait à ma froide grimace.
Nulle charogne ici m’imposa sa carcasse :
Sur son nom je lâchai une goutte de sang.
CXI
Vous ai-je dit qu’elle a été assassinée ?
Je connais l’assassin ; il croupit en prison.
Longtemps j’ai cru savoir, mais pour quelle raison ?
Qu’il y était heureux, près de sa cheminée.
Boit-il autant que moi ? Dans la coupe avinée
Le miroir réfléchit nos semblables visions
Inspirées par le temps et la télévision
Et ce que nous savons de cette dulcinée.
Faut-il en traverser, comme Alice entraînée
À un tel exercice à force de poison,
Les fissures du tain qui servent de cloisons
Pour ne pas resservir de fenêtres fermées ?
Qui es-tu, prisonnier de ma farce rimée ?
Et qui est cette enfant qu’ensemble nous baisons ?
CXII
Si tu n’as pas dans ta maison la madeleine
Et dans tes draps cette poupée au doux chiffon,
Ainsi que la fumée au sinistre plafond,
Tu ne sais rien de la douce et fameuse Hélène.
Le temps jouait avec le temps, et cette haleine,
Qui enfume au présent ton imparfait salon,
Retrouvait le chemin, jalon après jalon,
Et s’animaient ces carafons de porcelaine.
Que de jouets avec Hélène ! Ô que revienne
En une fraction de ce temps, cette chanson
Qui plus que toute autre exhorta, saine boisson,
Le noir maître des lieux à rappeler sa chienne !
Pas de rideau tombé pour cette comédienne :
Ce n’est qu’une poupée et voici sa leçon.
CXIII
Au premier acte un personnage à l’air commun
En chaise longue et sans parole est immobile ;
Un bon quart d’heure et le rideau tombe facile…
Le spectateur n’a rien appris, pas un emprunt.
Au second acte un autre arrive, inopportun
Ou pas, et saisissant l’autre par son textile
L’emporte sous le bras, passager ustensile.
Au troisième il revient et observe quelqu’un,
Quelqu’un qu’il s’agit bien soit de mettre au parfum
Soit de détruire ainsi car il est inutile.
Rideau. Au quatrième, un autre se profile.
Il est seul sur la scène et en quatre défunts
Partage son égo comme tout un chacun
Au cinquième se voit octroyer domicile.
CXIV
Tu connais bien la solitude et les ennuis
Qui finissent toujours par arriver en masse
Si la chance a tourné avant qu’on te ramasse.
Tu ne connais rien d’autre à part le noir des nuits.
Ce que tu ne sais pas en prison te conduit
Au pays du soleil et des libres espaces
Où le corps et l’esprit forment la carapace
Pour une fois ensemble et enfin aujourd’hui.
La lumière t’aveugle et la chaleur construit
Les murs de ta jouissance et de toute la place
Que prennent maintenant ton rêve et ton audace.
Te voilà dans le monde aimable et introduit.
Mais tout ceci n’est que fiction, le seul produit
Qu’une vitre crasseuse en sa toile bavasse.
CXV
Hier au téléphone il entendait des voix.
Aujourd’hui il a bu tant et si bien qu’il rêve.
Mais il est impatient et voudrait que s’achève
Au plus vite le jour et que la nuit le soit !
Mais le sommeil est rare à la hauteur de soi…
Hélène qui se tait, Hélène qu’on enlève,
Hélène dans le lit mais pour pas qu’il en crève…
Il a beau la multiplier, elle déçoit.
L’écran du téléphone à des airs d’autrefois.
Cette modernité sans doute ne relève
Que d’un désir commun à tous ceux qu’on prélève…
Habile politique et commerces adroits.
Demain, il le promet, jouissant de tous ses droits,
Il mettra fin au jour, il en connaît le glaive.
CXVI
Il mettra fin au jour où commence la nuit.
Mieux vaut ne pas reprendre où commence l’aurore.
La mort en est violente et la douleur encore !
Voir le jour commencer n’inspire pas l’ennui.
Dehors un enfant joue à retrouver le bruit
Dont le trottoir résonne à cette heure sonore.
De ma fenêtre avec envie je collabore.
Mais j’ai tant oublié et tant souffert depuis !
Je ris de cet idiot qu’Hélène a éconduit.
L’enfant ne comprend pas, la rose veut éclore
Mais le jour elle dort et rien ne s’améliore,
Ni loyer, ni enfant, rien n’est jamais gratuit.
Ce soir à la veillée et bien avant minuit,
Il sera si tranquille, heureuse métaphore.
CXVII
Cet autre qui s’ennuie à certaine distance…
Ici le jour est clair : invite, appel, défi…
Je m’accroche à un rêve, universel profit.
Je veux être avec tous et je suis en instance.
Sommeil comme le cou de qui n’a pas la chance
D’œuvrer avec les dieux et les maîtres d’ici.
La nuit qu’on me conseille est une attente aussi !
Je sais pourtant ceci : je n’ai pas l’existence !
Qui es-tu ? Je le sais. Que veux-tu ? L’apparence
Des murs me le redit : ils se sont épaissis
Au témoignage du voisin, qui est assis
Sur le même balcon qui sait nos conférences.
L’un fixe rendez-vous, l’autre les transparences.
Mais qui condamne l’autre à être raccourci ?
CXVIII
Piéger l’autre en son nid et rêver de voyages…
Promesse de l’écran pour pas cher la vision.
Un essai est offert avec des précisions
Sur les taux de succès couramment en usage.
Mais rien sur les tombeaux ni sur l’étroit passage
De la vie à la mort, rien sur les illusions
Que notre promeneur fort de sa décision
Cultive dans le bloc sous forme de messages.
Il ne fuit pas mais va, prêt à tous les partages,
Où le mène son pas, nu et sans provisions.
L’aventure est ailleurs qu’à la télévision
Et l’homme qui le sait est à son avantage.
Certes l’œuvre mérite un ou deux ajustages :
Mais à choisir son heure autant sans évasion.
CXIX
Ah ! Quelle hésitation et quelle douleur lâche
Saisit l’opportuniste au moment de choisir
Entre la vérité qui borne le plaisir
Et la justesse qui facilite la tâche !
Me trouvant en attente, amer et sans panache,
Je refermai la porte avant d’approfondir
Ce qu’elle me voulait enseigner du nadir
Où je divaguais comme un vulgaire potache.
Quelques verres bien pleins derrière la moustache
Et je trouvai l’endroit propre à me rendormir.
Des rêves on en fait, parfois même à frémir,
Mais celui que je fis, si toutefois ne cache
Mon incompréhension, ne m’enseigna macache !
Voilà comment la nuit on se met à vomir.
CXX
Celui qui sait ne sait pas tout de ce qu’il sait.
Il en ignore au moins toutes les conséquences.
On a beau se méfier des courtes apparences
Ce sont elles qui font que l’on se méconnaît.
Et longue est leur histoire au chevet de l’essai
Que l’un tente d’écrire et que l’autre devance.
Si nous n’étions pas deux au moment de l’instance
Mais nous sommes la paire et le temps est pressé.
Dans la marge ou l’étroit interstice creusé
Pas de place pour l’un si l’autre est en avance.
Cet infini écart explique bien la chance
Mais sans l’offrir à l’un plus qu’à l’autre abusé.
J’en causais à Hélène un soir comme exposé :
Elle me rit au nez et reprit sa romance.
CXXI
« Le roman est dessous. Gratte un peu, ma mignonne.
Force ton ongle. Entre les lignes tout se lit.
Tout se donne, même le temps sous le vernis
Des choses dites et non dites. Je bouffonne.
Le lyrisme n’a pas sa place. Je marmonne.
Partageons les secrets maintenant que le lit
De terre t’environne. Ah ! j’en ai le tournis !
Mauvais pour la césure et la rime. Je donne
Au burin tout le sens que le marteau entonne.
Dessous tu entretiens la preuve du conflit…
Mais le roman s’en passe. O finis infinis !
Le récit prend racine et ta race bourgeonne.
Ton ongle avec la mort revient en amazone.
Le chapitre suivant explique le délit.
Aussi restons-en là. Au I inachevé.
Peut-être le dernier. Le moment à confesse.
Devant tant de témoins ! Bien après la caresse.
Je ramenais, des lourds travaux de mon chevet,
Le texte et l’or d’un temps passé à retrouver.
Entretemps tu t’éteins, peut-être par faiblesse.
Je ne saurais jamais de qui tu fus maîtresse.
De moi ou de la mort. Mais faut-il éprouver
Ce seul ressentiment pour enfin approuver
Le choix du lieu et de la nuit ? Et je m’empresse
D’ajouter : Je suis le visiteur. Toi l’hôtesse.
Je n’irai pas plus loin. Le voyage est larvé.
Nous n’avons pas la chance et le vol réservé
N’a pas de sens non plus. Quelle était la promesse ? »
CXXIII
Disant cela le malheureux revient chez lui.
Il est plus de minuit et dans le ciel sans lune
La nuée s’épaissit. Les effets de la brune
Sont encore dans l’œil du passant. Plus l’ennui.
Paranos et connards traînent la patte ici.
Mais notre homme est discret et rien ne l’importune.
Il traverse le temps, mais sans chercher fortune.
On ne reconnaît pas ce passant imprécis.
Il veut tuer quelqu’un mais il est indécis.
Cette fois l’accident, par de grosses lacunes,
Ne convaincra personne et la raison commune
Mettra fin à la fièvre et aux thèses du psi.
Mais le seuil est lointain malgré le raccourci.
Il se perd, arpentant les allées une à une.
CXXIV
Mais qui rencontre-t-on quand c’est la solitude
Qui malmène nos pas dans ces tristes jardins ?
Un éclairage en biais force les citadins
À reconnaître l’ombre avec exactitude.
Mais notre personnage est dans l’incertitude.
Il ne sait où aller, morose baladin
De ce monde ambigu où le joyeux gandin
Du commerce télévisuel se dénude
Pour paraître conforme et doué d’aptitudes
En rapport avec l’art de donner en radin
Et de recevoir tout avec ordre et dédain.
Il revenait du cimetière et l’habitude
Des lieux le replaça, non sans sollicitude,
Devant le vieux comptoir des fidèles mondains.
CXXV
C’est la peur de la mort ou le désir d’encore
Revivre les saisons et leurs plaisirs inouïs
Qui rejoue le même homme au visage réjoui,
Satisfait même de sa pensée indolore.
Respirant le bonheur il attend que l’aurore
Jette le soleil noir dans les draps de son lit
Ou du lit de passage à l’heure de l’oubli.
En attendant il est bien seul. Il élabore
Des plans confus mais prometteurs et en déplore
Plutôt l’aspect rébarbatif. À la merci
D’un coup de feu que l’autre expose et éclaircit,
Il s’accroche à ce zinc et furieux en explore
Et le moindre voyage et le prix que minore
Un troquet averti mais au cœur endurci.
CXXVI
Entre le vieux camé et le jeune poète
Pierrot (appelons-le ainsi pour le clouer
Lui aussi au poteau) Pierrot est le jouet
D’une hallucination à l’angoisse incomplète.
Les brandons de la joie illuminent sa tête.
La douleur est bavarde et l’inconscient troué
D’instants si solennels que le voilà noué.
Une pute aux yeux clairs explore sa braguette.
Mais le plaisir ailleurs inspire la branlette.
La fille en animale a beau la secouer
Les mots imposent leur roman inavoué
Tandis que les mondains renouvellent la fête.
N’en pouvant plus la pute avouant sa défaite
Vante la turgescence et revient échouer
Dans le noir amalgame et les récits de crise.
Pierrot n’en pouvant plus frappe le songe-creux
Et sur le crâne aigu du vieux camé chancreux
Vomit toute sa haine et du poing pulvérise
Ce qui reste du verre et de sa male emprise.
S’il sort d’ici sans le mot juste en amoureux
Il est bon pour revoir le jour nu et fiévreux
Et tout recommencer, avare et sans surprise.
Il sait pertinemment et jusqu’à la traîtrise
Qu’il faut tuer quelqu’un, heureux ou malheureux,
Avant de se tuer, loin de ces culs-terreux.
Mais avant tout il faut prévenir la méprise :
Il éjacule enfin, imposant sa maîtrise
D’un jeu devenu dès lors plus que dangereux.
CXXVIII
Dans ces moments jaloux faut-il précéder l’acte
Par un discours construit et pourquoi pas si clair
Qu’après l’acte l’émule ébloui par l’éclair
Ne se fait pas si rare et justifie l’entr’acte ?
Terroriste dans l’âme et soucieux que le pacte
Ne souffre de défauts inhérents au transfert,
L’homme, si c’est ainsi qu’il se nomme en enfer,
Sent qu’il faut expliquer et le voilà qui jacte.
Il veut faire des vers, mais en autodidacte,
Cherche rime, raison, amour, même concert,
Comme on cherche querelle à l’ami trop disert
Qui menace l’effet et l’éditeur contracte.
Quelqu’un remplit son verre avant qu’il se rétracte :
Un clin d’œil à la pute et elle le ressert…
CXXIX
Igitur le mondain, Musidor le poète
Jettent la pièce en l’air saturé de renvois.
Et Pierrot l’amateur de croix et de pavois,
Caressant à rebours le manteau de sa bête,
Trace d’un doigt précis les mots de la goguette
Qu’il est venu ici honorer de sa voix.
La cendre du comptoir reçoit un art grivois
Où le mot mort n’est pas sujet à escampette.
Personne en ce bordel à part ses exégètes
N’entend malice, aigreur, ni douleur toutefois.
Le plus gros de la meute entonne enfin l’envoi
Et le concert s’achève en communes branlettes.
Dehors tout est tranquille et la nuit incomplète
Distribue aux passants ses primitifs emplois.
CXXX
La bête est seule maintenant que tout roupille.
Elle n’attend plus rien ni d’Igitur le nain
Ni de Pierrot en proie au souci léonin.
Musidor ouvre l’œil chaque fois qu’une fille
Alerte le passant que la tumeur titille.
Rien dedans, rien dehors, pas même le venin
De la critique en deuil ni de l’ordre canin
Qui croît dans la nation et la joie des familles.
La bête veut rentrer dans sa chaude coquille.
Elle en griffe la nacre et les jours saturnins
Qui empoisonnent lentement son féminin.
Voilà comment de rue en rue on se bousille.
La piqûre à l’octave en voit un qui sourcille :
Il faut rentrer chez soi et attendre demain.
CXXXI
Philosophie de merde et spectacle enfantin :
Artémise en nuisette attend ce soir que l’Homme
Rentre l’esprit ailleurs que dans son noir Royaume :
Homme et Royaume ici désigne le pantin,
Le pantin qui lui sert de triste cabotin
À l’heure du plaisir et de son clair fantôme :
Aussitôt la voilà qui redevient la môme
Rencontrée au hasard, l’une ou l’autre catin
Portant le même nom plus ou moins clandestin.
Elle prévoit le shoot juste après qu’il la nomme,
Ne décevant plus l’autre à cause de l’idiome
En usage depuis qu’il paye le festin.
Mais le sens à donner ce soir est incertain :
Hélène est revenue en reine ou c’est tout comme.
CXXXII
Le paillasson frémit et un rai de lumière
Apparaît sous la porte ; elle se jette hors
Du lit et elle appelle en mesurant l’effort
Que lui coûte son cri : la tête la première !
La Bête qui attend franchit cette frontière
Mais sans aller plus loin que le reste du corps :
Elle a souvent vécu cette possible mort :
Et encore elle attend, prostrée sur son derrière,
Un signe d’impatience, un effet sans manière,
Élan du désespoir, inutile ressort
Au moment d’accepter les récits que le sort
Impose à son sommeil de fausse aventurière.
La Bête suit le bord d’un tapis et peu fière
Se couche sous le lit, ouvre un œil et s’endort.
CXXXIII
« J’aime ce chat rugueux comme un autre poème.
Il reconnaît mes nuits passées sous la Cité.
Sa griffe me polit sans agressivité
Et sa langue est la mienne, illisible et extrême.
J’attends de le comprendre et attendant il m’aime.
Quelque chose me dit que cette mixité
Témoigne assez de l’art que par complexité
Un homme fait payer à mon petit système.
Son oreille poilue et son museau bohême
Ne me racontent rien des voyages cités.
Peu importe que l’homme et le chat excités
Aient voyagé ou non ou par quel stratagème
Je me réveille enfin heureuse et en vous-même :
Vous m’aimez vous aussi dans la simplicité
Du jour que les travaux annoncent dans vos pages.
Je sais de votre Hélène au moins le noir roman.
Je le relis toujours me demandant comment
Le chat devenu Bête illustre vos tapages.
Quand par le cimetière en sinistre équipage
Vous répandez les bruits de vos chiens occitans
Et que se lève noir le nuageux autan,
À ma France je songe et à son vrai langage.
Alors ce chat si doux en parole et en âge
Secoue sa vieille peau en étranger au temps
Que poursuivent les mots de la Cité d’antan :
Vous revenez au jour en joyeux personnages !
Et le minuit se change en midi nécrophage :
Ah ! comme c’est obscur ce changement gitan !
Ne me néglige pas, ô voyageur avide
De substance et de gloire ! Ici est mon repos
D’accessoire passé et d’ignare cabot.
Homme ou femme je suis la loi liberticide.
La Bête qui se change en chat plus que stupide,
Citoyen de la langue et de ses vains propos,
Ce chat que je caresse et dont je sens la peau
Muer comme serpent que sa croissance bride,
Ce félin donnera un enfant si perfide
À ce Monde fini où ton ancien tombeau
Remet au goût du jour ce tortueux nabot
Qui jamais ne servit de rime à ton égide,
Si perfide et si vrai que ton faux homicide,
Inventé pour limer tes expédients verbaux,
Ne laissera au monde et à ses habitants
Que sa peau pourrissante et sa gueule muette.
Celui qui croît la nuit ne peut être poète :
La langue est nationale et appartient au Temps.
Tu me voulais obscure et misérable actant,
Mais je suis ta catin, risible mais prophète.
Hélène n’a pour nom que la rime seulette.
Son tombeau de papier ignore le printemps.
Voyons si je suis claire, échappant au Gitan
Qui se voulait plus saoul que son anachorète…
Enfin le jour paraît et le chat sans sa bête
Lape le lait, griffe la peau et va l’antan
Car ce jour est le même et la nuit arpentant
Tes décors de théâtre annonce une autre fête. »
CXXXVII
L’amigo Igitur, comme pas un mondain,
Observa l’escalier qui montait dans l’étage.
Enfourchant un balai propice au remontage,
Il exerça son pied, non sans quelque dédain,
Sur la première marche, en parfait baladin.
Les mots lui venaient purs et même d’avantage.
Il en trouva la rime après chaque comptage
Au rythme qu’imposait la rose du jardin.
Qu’elle vécût en garce auprès d’un muscadin
Méritait promptement et sans autre enculage
Qu’on s’y intéressât au moins par fignolage.
L’ami la canne en l’air et le museau badin
Entonna dans la cage un chant moudjahidin
Qui sens dessus dessous mit tout le voisinage.
CXXXVIII
Musidor arriva sur ladite entrefaite.
Un intellectuel relevant de la gent
Qui de mémoire en droit normalise l’agent
Au point qu’on ne va plus à l’école en poète
Lui barra le chemin, un trottoir à branlette
Dont la porte cochère abrite un contingent
De muses sans sommeil et de rêveurs régents.
L’ami envisagea la poudre d’escampette
Mais ses jambes dessous, redoutant la défaite,
Se raidirent sur place et le flic outrageant
Sa chevelure folle emboucha l’indigent,
Lui conseillant l’aveu pour toute chansonnette.
Il remit sa cuillère ainsi que l’allumette
En espérant peut-être un oracle indulgent.
CXXXIX
Pierrot, le pied prudent et l’œil sur l’autre rive,
Espéra l’explosion afin de filer doux
Sous le pont en éveil où allait le bagou
Des témoins du ramdam, meute approximative.
Il s’y joignit pourtant avant qu’on le poursuive.
On ne sait jamais bien ce qui couve dessous,
Mais c’est ainsi que l’homme enfin reste debout
Avec ceux de sa race ou de l’aire adoptive.
Il avala le sel de façon préventive
Et dégueula dans ce qui pouvait être un trou.
Aucune raison de le prendre pour un fou.
L’arythmie, imprévisible jeu, s’y cultive.
Il résista pourtant à l’attaque fictive :
Il était avec eux, fier et au garde-à-vous.
CXL
Igitur réclamait au policier en nage
Son aristocratique universalité
Que l’huissier retenait de son autorité,
Soupçonnant toutefois l’effet du surmenage.
Musidor maintenu par le même attelage
Se référait plutôt à l’actualité,
Non sans conclure aussi à la moralité
Que sa muse inspirait à propos du carnage
Qui n’avait pas eu lieu… Et dans cet équipage
Ces braves compagnons de la fatalité
Qui écrase son homme et son absurdité
Furent conduits au poste et sitôt mis en cage.
Pierrot n’expliqua rien de ce vain cabotage
Aux nouveaux compagnons de sa précarité.
CXLI
Pour être dessaoulé, il était dessoulé !
La foule encore en masse agitait ses enseignes.
Un malheureux boîtait et voulait qu’on le saigne,
Mais pas de fille en vue alors que le poulet
Cernait le moindre effet d’insoumission dans les
Regards de la critique annoncée comme on règne
Sur la publicité et les vœux qu’on renseigne.
Dessoulé mais heureux d’avoir laissé filer
Les arguments salés d’un impropre pamphlet,
Il décida d’attendre avant qu’on le restreigne.
La rue finirait bien par laisser ses araignes
Et retrouver céans grisettes et valets.
Certes la Loi permet qu’on daube ses palais,
Mais de là à jouer à se donner des beignes…
CXLII
Igitur rechanta sur ordre de son juge
Ce qu’il avait chanté par pur amusement,
Mais la menace était d’un genre musulman
Qui inspire à ses pairs un meurtrier grabuge
Dont il est interdit, surtout par subterfuge,
De rire sans pleurer ou de pleurnicher sans
Avoir donné au moins une goutte de sang.
Son chant est ambigu et il cherche refuge
Derrière le refrain que le juge méjuge
Car au second degré le sens est indécent
Comme au premier il est fatal à l’innocent.
Du coup le magistrat, un peu comme on adjuge,
Frappe sur le comptoir : « L’Enfer qu’on ignifuge
Donne soif aussi bien à Dieu qu’à son passant ! »
CXLIII
On vit même Artémise en nuisette aérienne
Descendre dans le feu et prendre un saint plaisir
À donner le spectacle, attisant le désir,
De sa propre existence entre les mains vauriennes
D’un qui sous le couvert de poésie ancienne
Se vautre dans la tombe à sinistre loisir,
Ne craignant nullement, le poussif, d’y moisir
Pour le reste du temps qui pourrit son haleine.
Même le juge en croit ses yeux fous de l’aubaine.
Levant un verre vide il a peine à saisir
Le sens de ce théâtre et on le voit gésir
Sur la croix que simule en joyeuse chrétienne
L’épouse du poète amoureux fou d’Hélène :
« Entre Igitur et Musidor, lequel choisir ?
Mugit-il saisissant à deux mains les nichons
Comme s’il s’agissait de l’avenir de France.
Il croit s’en abreuver comme à quelque Jouvence
Et sent la poésie flatter son bourrichon.
Il en bande, Zoïle, et comme il est cochon
De nature et de droit il n’a pas l’expérience
Du désespoir malin qui anime l’enfance
Quand devenue majeure elle meurt patachon.
Les deux compères sont ravis et un bouchon
Atteint les glands d’un lustre et retombe par chance
Sur l’anus excité qui pète en apparence
Mais en réalité exige le cruchon :
Tout entier il pénètre ainsi que ratichon
Dans le cul de l’enfant et en toute conscience.
CXLV
« Ah ! Trop saine justice en ce pays si vrai
Que le faux est un mot de trop dans son lexique !
On n’est jamais mieux dit qu’en cette République !
Le maldisant poète en est tout désœuvré.
Ensemble franchissons ces classiques degrés.
Que l’unité l’emporte et qu’enfin en musique
Le cœur du panthéon national et mythique
S’ouvre comme la rose en pétales dorés.
Saine et définitive elle admet le progrès.
Elle ne vieillit pas, donne tort au critique
Et à l’amant déçu qui en sonnet abdique.
Tu ne fomenteras d’inutiles regrets.
Saine joie d’avoir faim au milieu du congrès
Après avoir mangé la moitié de la bique ! »
CXLVI
Disant cela le magistrat ouvre les cuisses
Et donne à voir l’enfant qui dort dessous le crin
En attendant que la nation et son crincrin
Le réveille et l’adopte et même l’étourdisse.
Il est fier de son œuvre et aime la justice.
« L’héroïsme est entré dans un alexandrin
Le jour où la victoire a gravé au burin,
À la balle, au couteau, et à tous les sévices
Qu’on inflige au vaincu même après l’armistice,
Ce que jamais on ne verra dans le pétrin ! »
Le discours ne ment pas selon les deux flandrins
Tout grandis par-dessous sans subir de supplice.
Tranquilles ne sont pas ni surtout aruspices :
L’enfant ne promet rien dans l’écrin utérin.
CXLVII
Moi, Pierrot, saint d’esprit et de corps, prend au mot
Les inventions et l’art rencontrés sur la route
Comme je revenais, assailli par le doute,
Du procès au tombeau sans autres animaux
Que le chat et le chien, l’un mondain et grimaud,
L’autre passant ici en pleine banqueroute
De la langue commune et de ce qu’on ajoute
Pour paraître en papa d’un horrible marmot.
Je déclare sans haine et malgré tous les maux
Que ces travaux d’enfer, raison de ma déroute,
Instillent dès minuit, que je ne vous écoute
Plus. Amis sans amitié, allez voir chez Plumeau
Si l’habit de poète est encore en promo !
Moi, du bertsulari je préfère la joute…
CXLVIII
Mais quelle course folle à travers le printemps !
La pluie revient en force après la gelée noire
Qui immobilisa avec son écritoire
Cet oiseau de passage arraché à l’étang !
L’électuaire nou-veau est un orviétan.
Printemps à la césure, ô l’année illusoire !
N’attends-tu pas l’été et sa folle mémoire
Qui nourrira l’hiver de passion et de temps ?
Courir me fait du bien car mon sang est gitan.
De la simple chanson au chant inspiratoire
Je me sens fait pour ça : Une chanson à boire.
Que mon sperme ici-bas cultive l’occitan !
L’orage nous anime ô graine de titan !
La boue de nos chansons est une belle histoire.
CXLIX
L’une est morte pourtant et l’autre me contraint
À revivre en quidam ce que mon simple père
A vécu avant moi pour envoyer ma mère
Dans le septième ciel à quoi elle s’astreint
Encore. Épouses sans la nuit, à coups de rein,
Quel reflet de miroir excite la chimère ?
On n’a pas même droit à un peu d’éphémère.
Et dès minuit l’esprit revient sur le terrain.
Si je n’écrivais pas, bite sur le lutrin,
Et si je n’avais pas l’inspiration en terre,
La nuit, cette salope au conseil adultère,
Me surprendrait au lit en sage pèlerin.
Et la pute éloquente au voyage forain
Me donnerait l’enfant, son âme et sa matière.
CL
Trois femmes en un seul homme en proie à son temps.
D’aubade en sérénade, à faciles lampées,
Il avance ses nuits comme autant d’épopées
À revivre avec elle et sous terre pourtant.
Il annonce un récit au détour inquiétant
D’un visage ou d’un cul, maudissant la flopée.
Sur les trottoirs nourris de sa pharmacopée,
Il choisit ou retient le désir et prétend
Retrouver la fusion de son métal chantant.
À quand la quatrième, adorable poupée,
Ô bouche qui s’avance et donne la lippée
À ses contemporains amateurs d’orviétan ?
Ce sera la dernière, il en aura autant
Que durera sa rose et sa folle équipée.
CLI
« Avec votre français, que de pain sur la planche !
On imagine mal d’autres siècles sujets.
Le verbe en prend un coup ; combien de ses objets
Perdus dans les récits font la loi le dimanche ?
L’oiseau qui fait son nid sur une telle branche
Risque de répéter, avec ou sans budget,
Le refrain sans la strophe et le même trajet ;
À cette allure on court la sérénade blanche
Quand le noir de la nuit personne ne déhanche.
Or on veut gambiller et même s’outrager
À défaut de quelqu’un pour nous les ouvrager.
Triste soir qui promet une existence en tranche !
Avant de se coucher la caresse du manche
Ne palliera donc point la solitude franche. »
CLII
Ce mec avait l’air con de qui rime en cadence
Sur des alexandrins peu faits pour avancer
Ensemble et d’un seul pas dans l’erreur du fossé.
Il était sur la route et vu son apparence
De rhapsode vieillot reconstruit dans l’errance
Après avoir œuvré dans l’hymne et le placet,
On était bien en droit de croire et de penser
Que sa maudite langue ouvrageait dans l’outrance.
Aèdes nous étions et francs de l’existence.
Aussi d’un seul tenant, décidés à rosser
Ce prétendu poilu d’un immortel passé,
Nous lançâmes dans l’air de ce voyage en France
Le boomerang têtu de notre indépendance,
Joyeux comme des fous qu’on vient de dénoncer.
CLIII
Le sycophante avait la peau dure des cons.
Plusieurs fois écrasé et pissant de la glotte,
Il n’avoua jamais et de pose en parlote
Trouva du temps assez pour rimer du flacon.
Trinquâmes nous aussi car la soif a du bon.
Au moins le désespoir une fois pris en faute
Est sujet à caution et fleure l’anecdote.
D’aucuns pensaient déjà en tirer la leçon
Sous forme de roman ou tout autre façon
Qui n’eût rien de fayot ni mal contre notre hôte.
Pour l’esprit la chanson, pour le cul la capote !
Mais le cafard avait l’œil vif et des soupçons…
On se voit enchaîné comme Ubu au balcon,
Pas meilleur que la merde et moins bon qui popote.
CLIV
Dégueulant pour chanter et pétant dans les marges
Me voilà, les amis, sans masque ni plastron.
Tout proche de la mort, transi et sans un rond,
Je vais revivre encore et loger chez les barges.
Pas facile la mort au bout de la décharge !
Le roseau qu’on disait ne pense ni ne rompt.
Quant à la poésie et son piètre ronron
Homme qui s’y dédie à la fin ne s’en charge.
Les chemins ont un bout, ceci à la décharge
De ce qui fut premier et sonore clairon.
Et c’est par là qu’ensuite à dos d’aliboron
On en est arrivé à ignorer la charge.
L’homme que vous voyez n’a su prendre le large :
Comme cycle mortel il a tourné en rond.
CLV
En voilà un chef-d’œuvre avec au bout la clé
Qui n’ouvre pas la porte et se donne à la foule !
Je suis entré ici comme un qui se dessoule
Et qui sait bien qu’alors il faut bien la boucler.
Comme mes compagnons je me sens encerclé.
J’aime ce périmètre où le pigeon roucoule
Même en hiver quand c’est le vent qui tourneboule.
Sans issue je rechante et le chant est bâclé.
Mais peu importe la chanson si l’oiselet
Quitte le nid pour retrouver un autre moule,
Celui du trou et de sa terre qui s’écroule.
Ce vieil enfant connaît déjà ses osselets.
Marteau, enclume et étrier sont appelés
À taire le silence : il a perdu la boule.
CLVI
Les fous sont en prison et par voie de justice
Les damnés de la terre avouent à l’hôpital
Avoir commis l’ennui mineur ou capital
Sur leur propre personne avec ou sans complice.
Voir le ciel sans jamais éprouver ses prémices.
Ici la mort survient hors de l’empan natal,
Territoire infini et expérimental.
L’homme est le prisonnier de ses propres délices.
Ne pas le voir pourtant par effet d’artifice
De jour comme de nuit, ce sommeil est fatal !
On ne vit pas longtemps dans le chaos mental
Qui s’ensuit au matin : ou c’est un exercice
Et le rêve devient avec l’enfant : malice
Ou pire : dérision. Voici le fou total.
CLVII
Pas d’entrée en chanson ni rien de convivial.
Le compagnon devant ne se retourne guère.
Si j’étais le dernier, je n’étais pas son frère.
Me suivait-on ? Je n’avais pas le sens filial.
Ces masques sont forgés dans l’orbe familial,
Mais le trait est commun à l’assemblée entière :
Est-ce bien le regard hérité de la mère ?
Ou les chaudes tensions du sein patrimonial ?
Peu importe le nom ; le langage est trivial
Comme à l’usine ou à l’école, ou à la guerre.
On n’écoute pas, on lit : on sait même se taire ;
Le claquement de doigts se veut dictatorial.
Je ne serai plus ce que je suis, c’est crucial !
Il est même question d’en faire l’inventaire…
CLVIII
Voici l’homme qui s’empare de l’homme, et ça :
Celui qui ne travaillera jamais pour l’homme.
« Entre l’idée et l’acte » il n’a pas de royaume :
On ne le comprend pas ; espèce de poussah
Par lui-même conçu, il n’est ni fou ni roi.
Pas même serviteur, ni facétieux fantôme.
On ne sait pas non plus si lui-même se nomme.
Ni s’il aime quelqu’un, que ce soit toi ou moi.
Il ne possède rien, ne cherche pas d’emploi,
Mais connaît la façon, l’épouse et le symptôme
Par quoi on reconnaît si l’art est autonome,
Ce qui est bien utile en ces temps de pavois.
Bien sûr il n’est pas libre et souvent on le voit
Tituber dans la rue où l’homme le renomme.
CLIX
J’ai rêvé de cet homme étant adolescent.
Je voyais bien son ombre et ses murs à l’épreuve
De la nuit et des jours et de leur roman-fleuve.
C’est dans ces moments noirs que la mort a du sens.
Mais la curiosité stimule le suspens.
Ou tout autre raison est une belle épreuve,
Au soleil ou ailleurs, sachant que tous les fleuves
Finissent dans la mer avec leurs contresens.
L’homme devient un homme et l’enfant un absent.
Il faut bien qu’à la fin cet homme s’en émeuve
Et par la mort enfin, quitte à créer la veuve,
Il enterre sa hache et à l’oubli consent.
Il faut être tout près de cet endroit croissant
Pour mieux le désirer et refaire peau neuve.
CLX
Le mal et la douleur ont tant fait les beaux jours
De l’homme en proie à ses désirs de pacotille
Qu’il ne se trouve plus esprit qui en babille
Sans se sentir au moins en retard d’un séjour.
La chanson si jolie a fini en discours.
On en discute encore au sein de la famille
Si quelque géniteur en dispense les billes :
Au triangle ou au trou on s’amuse toujours.
Non, la douleur subit notre altier désamour…
Certes la joie n’est pas plus heureuse à ses filles,
Pas plus que le plaisir elle nous entortille
Et ses tubes sont bons seulement au balourd.
Le temps décidément n’est pas propre au concours :
Mais s’il faut s’abstenir voyons qui nous habille.
CLXI
En voici un beau rêve ! Avec la coterie
Au complet et fidèle à ses engagements.
Ô noble rendez-vous des fées que le roman
Une à une avantage au gré des literies.
Les noms se sont noyés dans cette féérie.
Nous ne savons plus trop ni pourquoi ni comment
Mais nous revoilà prêts aux recommencements,
Ni plus ni moins joyeux en cette infirmerie.
Certes le temps n’est plus aux vieilles vacheries…
Le mot suffit au mot et le temps au moment,
Par effet de réseau, voire même autrement
Tant le plaisir est l’art ou la pédanterie
(Mais que choisir entre l’une ou l’autre ânerie ?)
De renvoyer l’attente en ses appartements.
CLXII
Mais la chair n’est pas plus triste que sa chanson.
Et on ne lit jamais tous les livres que l’art,
La science et la pensée inspirent au hasard
Ou à la muse en soi qui dort à sa façon.
J’ai regardé le ciel circulaire et maçon…
Qu’y vois-je que ne voit aujourd’hui la plupart ?
Moi aussi je façonne avec le canular
Mais mon livre a des airs d’hidalgo canasson.
Ou bien la marionnette a son aliboron…
Et ce n’est pas le moindre excessif avatar.
Si encore la nuit tournait au cauchemar…
Le matin me voici debout sur le perron,
Saluant le passant toujours dans l’édredon :
Je le suis à l’usine avec son saint patron.
CLXIII
— On ne traverse pas les murs sans s’y cogner.
— Marcher sur l’eau sans joie appelle la noyade.
— Aussi la main au feu guérit de la bravade.
— Payer plus que débit c’est encore y gagner.
Nous n’étions pas, anars, sur le point d’épargner
Le flic ni le curé, pas plus que le malade,
Tout type de sujet à larbine peuplade
Que par cœur et par art nous voulions dédaigner.
Le proverbe a son charme et pour les aligner
Sur le zinc ancestral, postés en embuscade
Et prêts à tout tenter, hardis à la ballade,
Nous voilà compagnons sans nous en éloigner.
— Toxique est la substance et de s’en imprégner
L’homme atteint le sommet et la dégringolade.
CLXIV
Échapper à la mort par la gloire posthume
Sans avoir joui ici de la reconnaissance
Ne le console pas, ce mort sans ordonnance
Que par patriotisme ou conscience on exhume.
J’en parlais à son fils qui portait le costume
Un peu grand pour son âge et vu les circonstances.
Nous foulâmes ensemble un terreau que la France
Nourrit depuis longtemps de trop classiques plumes.
La larme qui tomba non sans noire amertume
Et que dans mon mouchoir je cueillis en silence
M’inonda le soir même avec quelle impatience !
J’en conçus une angoisse à l’éprouvant volume.
Comment y retrouver le sommeil qui consume
Le meilleur de la mort et de l’adolescence ?
CLXV
Et pourtant en sortant du cimetière ombreux,
Nous reçûmes les ors d’un soleil tout en liesse.
L’un se réjouit et court, retenu de justesse
Par celui qui s’en tient au rite douloureux.
Je suivais ce duo, joyeux ou malheureux…
On ne me vit jamais verser dans l’allégresse
Ou au contraire en proie à la noire tristesse
Qui accompagne l’art de vivre en amoureux.
Je traverse le temps en voyageur fiévreux.
La chaleur de mon front une seule maîtresse
En éprouva la hargne et la belle vitesse :
En mourut-elle en moi comme revit l’anxieux ?
Sortant du cimetière, ô soleil mes aveux
De ta lumière encore appréciaient la paresse.
CLXVI
Bouffon si vous voulez, mais des enterrements
Où votre suite en pute vierge et névralgique
Borne votre existence, essai anthologique
Que la Grille découvre au visiteur navrant.
Mille ans et plus de rythmes vains et de roman
Tracent l’allée en fleurs et le côté tragique
Des blocs couchés ou droits selon quelle logique
Qui inspire mes vœux et mes meilleurs moments.
Me voici en voisin du très fier monument
Où mon nom est gravé dans les feux de la brique.
Ensemble nous avons rêvé de l’Amérique
Mais je suis resté là pour que l’achèvement
Ne tombe dans l’oubli ou dans l’isolement —
Je réveille les morts de l’illusion comique.
CLXVII
L’Histoire est rattrapée, en soucieuse atalante,
Par le roman sans fin de nos publicités.
L’écran forme l’esprit et ses complicités.
Ce n’est plus un secret mais l’illusion enchante.
Pourtant la terre ouverte et le feu qu’on invente
Menacent le désir et l’œuvre des cités.
L’angoisse est aujourd’hui, dans les complexités
De l’histoire perso, le principe qui hante
Et qui pourrit la vie : ô femme qui déchante,
Homme qui se méprise et enfants excités
Au point que la berlue emploie les cécités
Qu’on peut imaginer comme le sycophante
Remet entre les mains de l’ardeur gouvernante
Les pommes du voyage et leurs atrocités.
CLXVIII
Comme Crytile en son voyage en Hypocrinde,
Me voici sur le quai prêt à prendre, inflexible,
Le large et son projet peut-être inaccessible.
Il se peut que je sois de la farce la dinde…
Je n’ai jamais, c’est vrai, voyagé vers ces indes
Dont parlait mon aïeul du côté du visible.
Et de l’autre côté, rivage imprévisible,
Je ne m’aventurais qu’aux hasards de nos brindes.
Aussi me rejoins-tu avant que la mer scinde
Notre amour « taciturne » et le prenne pour cible.
Je n’oublierai jamais ce baiser indicible
Ni l’éjaculation dans ta main qui me blinde
Contre d’autres amours… Vois comme elle se guinde
Et me retient ici dans le champ du possible.
CLXIX
Qui est ce casanier rejeton du voyage
Qui jamais n’a eu lieu ou seulement ici ?
On dirait que son vers s’est, disons, adouci…
Ce matin on le vit observer un nuage.
Il est vrai que le temps a changé les parages.
Parlant de toi à l’autre on voit comment aussi
Sa voix s’est étouffée et le sens obscurci.
Dans leur cuir craquelé attendent les bagages.
Dans la gravure au mur figé l’appareillage
Sur le quai abandonne un semblable récit.
Ce qui reste est morose, immobile et précis :
Nous ne changerons pas de sitôt, ma sauvage.
Heureusement j’ai la fenêtre et cet herbage
Où paissent savamment nos tranquilles soucis.
CLXX
La vache ruminant derrière la clôture
Me prend pour un taureau et vomit le récit
De trente années passées à soigner le sursis
Sans se perdre de vue comme veut la nature
Du droit et de ses mœurs. Certes dans l’imposture
Maintes fois j’ai refait le chemin raccourci
Par l’attente et la hâte, toujours plus indécis
Mais fidèle et patient comme veut la nature
De l’homme que je suis. Certes sous la toiture
De la maison commune et de son appentis
Nous avons trop vécu et pas assez senti
Les effets du printemps comme veut la nature.
Voici toujours l’été et cette autre aventure
Qui m’offre la jeunesse et le viol consenti.
CLXXI
J’ai la campagne belle et le vin prometteur.
Si je suis seul je chante et si pour moi tu danses
Je me laisse griser par d’autres apparences.
Dans le pré le bétail rassemble ses acteurs.
Je sors si ça me chante et je suis spectateur
Du troupeau qui me joue et rumine mes transes.
Mais tu ne comprends pas et dansant tu avances
Le long de la clôture dont je suis l’humble auteur.
Tourne en rond, ma catin, attachée au tuteur
Qui soutient mon vertige et empêche l’errance,
Ce voyage pas loin qui me ramène en France.
Et couvre de baisers ce pauvre agriculteur.
Ah ! Quelle turgescence et sans admirateurs
Pour recevoir ce sperme et pallier ton absence !
CLXXII
La campagne est un trou et le trou t’appartient.
Soucieuse nudité que le lit argumente.
Et il n’en faut pas plus pour que je m’alimente
Du moindre mot osé si elle me retient.
Le matin ne promet rien si je me contiens.
Quelle pratique enfin ici me documente ?
Sur ta peau un lézard effrayé se lamente
Et croit avoir atteint des triomphes anciens.
Une vache m’écoute, adorable maintien
De la compagne nue et posant à l’amante.
L’exercice du sang chaque matin augmente
Le désir d’inventer encore l’entretien.
Quel taureau s’en plaindrait, simple d’esprit faustien
Visitant à l’envi les trous d’une démente ?
CLXXIII
Quelle folle en cavale est venue me hanter ?
Ô moule de moi-même à quel soir me destine
Cette enfant qui se veut aimante et clandestine ?
Et l’automne a rompu les plaisirs de l’été.
Me voici emmuré dans ma propriété
En compagnie d’une étrangère qui coltine
D’autres noires passions et pourtant je m’obstine
À garder porte close et à m’y prétexter.
Quel hiver satisfait cette curiosité ?
Le printemps d’ordinaire avance sa tétine
Et l’été me retrouve en commère enfantine…
Mais cette fois je joue avec l’éternité.
Ce n’est pas de l’amour et j’en suis entêté !
Je n’ai pas vu venir cette lutte intestine.
CLXXIV
Que veux-tu de l’enfance et de ses livres vains ?
Dans la bibliothèque est assise la fée
Qui change le poème en atroce trophée.
Tu ne deviendras pas ce futur écrivain.
Le paillasson reçoit les giclées de ton vin
Car ta main tremble encore et ton âme bluffée
Par tant de temps passé avec le coryphée
Aux alentours en deuil personne ne convainc.
Fallait-il en ces temps consulter le devin
Plutôt que ce pasteur émule de Morphée ?
Dormir et en rêver avec une assoiffée
N’a guère profité à ton esprit bovin.
En l’absence de père et de festin divin,
Une étrange compagne à ta vie est greffée.
CLXXV
Titubant à l’orée avec ton chien fidèle,
Tu rencontres la mort en personne et souvent.
En fait chaque matin énervé par le vent
Qui change la saison en douleur éternelle,
Tu visites le gouffre avec ton chien, sans elle.
Tu l’as abandonnée à son sommeil navrant,
Nue comme sa pensée au moment fulgurant
Qu’elle n’a pas offert et qui clôt la querelle.
Inventant la glissade ou la chute irréelle,
Tu parles à ton chien comme si cet enfant
Devenu ta douleur se marre triomphant.
Nous n’irons plus au bois tenter la bagatelle.
Puis elle est sur le seuil et tu la trouves belle :
Encore un jour en bouche avec son oliphant.
CLXXVI
« Sois poète et tais-toi ! » disait-elle en riant.
La bouteille en témoigne ainsi que la chambrette
Au tapis maculé où la rose nuisette
Offre encore ses plis au cadavre criant.
La mise en scène assoiffe un visiteur client.
La voici qui se donne et devient indiscrète
Au point d’en écarter l’une et l’autre gambette,
Laissant la langue à son poète suppliant.
La fulgurance est telle et l’artiste impatient
Que le voyeur en transe en parfait interprète
Renouvelle en suivant sa docile requête.
Poète je le suis et même négociant.
Je ne vois pas en ce roman d’inconvénient
À jouer pour la forme au discret proxénète.
CLXXVII
Si la nuit le conseille et si le temps s’y prête,
Allons voir si la rose affole la raison
Et si la mémorable et verte pendaison
Inspire à tes versets la finale requête.
Pas de mort sans plaisir héros de la gazette !
À la Une du temps ils vous en parleront
Comme fruit de l’amour et de son biberon.
La gravure est ancienne et l’histoire incomplète.
Une angoisse cueillie encore à l’aveuglette !
Sortir par la fenêtre et lever le soupçon
Que le voisin partage avec son paillasson,
Voilà ce qu’il convient de soumettre à l’athlète
Du jeûne et de l’attente, amateur de fleurette
Dont les glabres pubis outragent la boisson.
CLXXVIII
Folie du terroriste ou du vieux psychopathe,
La grotte est habitée en tout temps et ici
Par ce noir personnage aux contours imprécis.
Pendant ce temps le chien hargneux donne la patte.
L’ivresse te cabosse et laisse ses stigmates
En maintes pages lues et caressées aussi.
Comment veux-tu que l’art te paraisse concis ?
Au contraire le flot abîme tes « frégates ».
Ainsi l’homme de bien dénonce les picrates
Et ses publicités par l’écran que voici
Construisent le roman de l’homme à sa merci.
Mais tu n’es pas en lutte et l’écume des hâtes
Sur le même rivage étend ses automates,
Filles et fils anciens d’un semblable récit.
CLXXIX
Quel homme qui n’a pas tué l’homme ou la femme
Et pourquoi pas l’enfant conçu ou non par lui
Ne finit pas en homme et triomphe d’ennui ?
Traversant tes vieux prés selon l’ancien programme,
Tes herbes à l’effet d’un antique dictame
Ont levé le rideau de l’éternelle nuit
Qui hante nos chansons hier comme aujourd’hui.
La tragédie n’est pas propice au calligramme.
Je tue toutes les nuits et le jour je rétame
Dans la lumière ou sous la pluie, et je m’enfuis
Aussi loin que je peux, déçu ou éconduit,
Le couteau à la main, le tenant par la lame,
Prêt à le projeter au cœur de l’amalgame
Dont je ne suis au fond que l’étrange produit.
CLXXX
Je connais ces déserts aux portes des cités
Où tu vends la promesse à l’homme solitaire.
Mais je ne suis pas seul et j’ai les pieds sur terre.
De plus je suis l’auteur de tes complexités.
Je cherche les récits et l’authenticité
De la chair et des os que le vieux cimetière
S’emploie à conserver, sans prix ni commentaire,
Mais avec le repos pour toute activité.
Que partager sinon cette immobilité ?
Et je ne parle pas du silence à abstraire
Tant le poème nu n’a rien d’alimentaire…
Je perds mon temps ici comme ailleurs l’acuité,
Ce pouvoir que la mort seule m’a invité
À seringuer en toi, ce dont tu n’es pas fière.
CLXXXI
Voici que sur le tard, alors que l’existence
Refermait sur mon nez ses portes de métal
Et que le temps dehors, impatient et brutal,
Remettait les fusions à certaine distance
De mon pauvre intérieur, l’annonce d’une enfance
M’arrêta au chevet de ton lit vertical.
Quelle promesse encore et dans quel hôpital ?
La vie auprès de toi me laisse sans défense.
Je touchais cette chair mienne par négligence.
Les yeux interrogeaient mon regard trop frontal
Et la bouche formait un semblable mental,
Du moins dans mon esprit surpris par l’exigence.
Je crois que pas un mot, ô troublante indigence,
Ne célébra l’évènement congénital.
CLXXXII
Rien n’est plus éprouvant que d’avoir à veiller,
Malgré soi et contre elle, un enfant homoncule
Doué de la parole, alors qu’en funambule
On achève de vivre avec son oreiller
Sur le fil du sommeil et sans se chatouiller.
L’automne refermé effraie le noctambule
Que l’hiver accapare en triste somnambule.
Le voilà de nouveau soucieux de s’arsouiller
Dans l’espoir de dormir sans se déshabiller,
De la rue à son lit, avalant la pilule
Et retrouvant l’emploi du rêve sans scrupule.
Mais dans la nuit nouvelle un enfant veut crier
À tel point qu’en urgence il faut en bousiller
Le langage in progress sans autre préambule.
CLXXXIII
Qu’espérais-tu ce soir avant la nuit tombée
Alors que cet enfant encore réveillé
Bavait son aliment sur ton sale oreiller ?
Dans un éclair je vis l’ombre du macchabée :
Assassin en visite et à la dérobée
À peine recruté par le noir conseiller
Qui me dicte des vers que je sais employer
Pour que tu vois en moi ton meilleur sigisbée.
Ici cette semence est toujours prohibée
Et la morale est sauve et payé le loyer
Ainsi que l’attention de tout le poulailler.
Et du chant marseillais tu es tout absorbée.
Du moins je l’imagine, ô mère Bethsabée…
En attendant le roi, je cours m’encanailler !
CLXXXIV
Elles font des enfants pour nourrir la patrie,
Espérant, je le crois, toujours leur épargner
Le combat homicide et sachant s’indigner
Sans perdre la vertu qui a son égérie.
Devant le monument, offrant leur symétrie
Au regard du soldat qui passe pour régner
Sur l’esprit national, et voulant témoigner
De la douleur du sein privé de sa furie,
Plus fermes que jamais, bravant l’intempérie,
Elles ouvrent au vent leurs genoux résignés
Pour recevoir du loup les futurs alignés
Au travail, à la guerre et même en psychiatrie.
Passant occasionnel et mentor hors-série,
Saluez mon drapeau si jamais vous oignez.
CLXXXV
« Le moment est choisi pour trouver du travail
Et donner à ces gens l’aliment qui éduque
Et l’art qui les nourrit, mais sans que je m’ensuque !
Maints poètes tout bas connaissent l’attirail
Qui fait que l’ouvrier peut parapher un bail
Sans avoir à payer l’instrument qui l’énuque.
J’ai l’expérience aussi et pas la moins caduque !
On ne me prendra pas fignolant le détail…
Je ne suis pas non plus le bœuf de ce bétail !
Il n’est pas né celui dont je serai l’eunuque.
Si le travail m’agrée et si l’art du trouduque
Ne m’éloigne pas trop de mon noble bercail,
Je veux être payé sous l’œil qui le reluque
Et redresser le poil en bombant le poitrail ! »
CLXXXVI
Je tenais ce discours à des amis crevés
D’avoir longtemps trimé pour que la poésie
Continue de nourrir le sens de l’hérésie
Sans que l’homme au travail en mange les pavés.
Je montrai la photo et les travaux rêvés
Par la marâtre en proie à cette frénésie
Qui n’était pas le seul fruit de ma fantaisie.
Ces travaux cependant me semblaient achevés
« … Alors que mon bouquin, comme vous le savez,
Connaît depuis longtemps cette paralysie
Qui ressemble à la mort ou en est le sosie.
Aux sources du malheur nous voilà abreuvés.
La nuit connaît sa fin, auteurs qui écrivez
Sans avoir les moyens de votre anesthésie. »
CLXXXVII
L’esprit préfère alors se jeter sous un train,
Mais le corps a des fins en somme plus subtiles.
Le printemps enhardit la fonction érectile.
On surprend le poète aimant avec entrain.
Et la rime n’a plus de secret qui astreint
Son homme à la cheville et le sens au tactile.
L’enfant est bienvenu si l’hiver n’est hostile
Au retour en fanfare et en alexandrin.
L’été devient attente et le pied plus marin
Dans l’écume du bord avec ou sans textile
Si le soleil au rendez-vous de tous les styles
Inonde la fenêtre, à toute heure utérin.
Chaque année est un songe entier et souverain :
En ce sens le sommeil n’est pas si inutile.
CLXXXVIII
La voie ferrée de loin en loin portait la trace
De la mort épousée ou du triste accident.
Les cheveux, les tissus et les fragments de dent
Jonchaient le noir métal et le gravier tenace.
Le printemps rhabillait forêts et populace.
L’animal secouait son pelage prudent
Et le vol des oiseaux me parut confident.
Je n’avais pas la tête à briser la surface
De ces miroirs tentants à la raison tenace.
La vitre reflétait des os et hasardant
D’autres regards dans les rougeurs de l’occident,
Je me vis me voyant, tranquille et perspicace,
Attendant que la nuit m’enfourne avec ma race
Et ses œuvres, son plan et ses pauvres perdants.
CLXXXIX
Que dire à cet enfant pour lui donner la foi ?
N’en faut-il pas assez pour tenter l’aventure ?
Ou quelle lâcheté au fond nous dénature ?
Nous ne sommes pas faits pour donner de la voix !
Ah ! Quel concert studieux ! Quel opéra sournois
Et pauvre en personnage anime la biture !
Le palais à la fin défie l’Architecture.
Quel tombeau recouvert de graffitis en croix !
Mais singer le bonheur ou la douleur parfois
Donne à l’humaine forme un esprit, immature
Peut-être, et quelquefois de la littérature…
Mon enfant, le sais-tu ? ton père encore y croit.
Que croiras-tu toi-même, ô futur sans-emploi,
Quand le moment sera venu de la censure ?
CXC
Tu apprendras peut-être à écraser ton frère
Par le nombre inquiétant des pages du bouquin
Que les ans, la patience, ô le pauvre péquin !
Ont rassemblées ici à même la poussière.
Mais ne le plains-tu pas trop vite au lieu de taire
Ton orgueil ivoirin, ô maudit Arlequin… ?
Il ne te lira pas, trop sensible au sequin
Et franc à la besogne exigée sur sa terre.
Ton enfant est le sien, soldat ou prolétaire,
Et ta femme a l’œil sur la maison du coquin.
La vie fera de toi un con ou un requin.
Il y a de la place, ici, pour l’adultère.
Ô mon fils, ô ma fille, ô trop profond cratère !
Je ne rentrerai pas, ce soir, ô mannequin !
CXCI
« Pantin ! Et non bouffon ! Ah ! Sinistre fantoche !
Ta demeure en est pleine à peu de choses près.
De quoi ? Mais de marmots et sans le faire exprès !
Et te voilà camé par le vin de l’embauche…
Sur la route en auto reposant ta bidoche
Comme ton père fit entre quatre cyprès
Tu repenses comment tu as signé le prêt…
Emprunter à celui qui possède la pioche
C’est en tenir le manche et produire du mioche.
Voilà à quoi ça sert de baiser à peu près !
C’est bon sur le moment mais sans compter qu’après
La morale et l’honneur te fendent la caboche !
Le travail et le sexe à quoi l’homme s’accroche
C’est la faute à la femme et pas à nos excès ! »
CXCII
Ceci dit à deux poings martelant le comptoir.
Ce type avait raison mais par noble principe
Je lui ai donné tort et j’ai cassé sa pipe
Par hasard ou malchance en ce sacré foutoir !
On est resté tout coi comme après l’abattoir
Des grandes guerres qui font qu’on y participe
Sans poser la question du sang et de la tripe.
Mais à qui la poser sans médaille en sautoir ?
Déjà on s’assemblait sur l’infâme trottoir
Et par le téléphone on surveillait le type
Qui hésitait encore entre un joyeux œdipe
Et un adoubement dans sa cité dortoir.
Le poète des fois finit au dépotoir,
Ce qui n’empêche pas d’en fêter l’archétype.
CXCIII
Je suis rentré chez moi pour le dire à ma femme.
Et j’ai montré le sang que j’avais sur les mains.
Ça promettait vraiment de tristes lendemains
Et elle le disait en toisant l’amalgame.
J’avais usé du bord du comptoir, pas de lame !
Ceux qui me commentaient avaient l’air inhumain,
Mais c’était l’impression que j’avais et non point
Ce qu’il fallait en dire en proie au mélodrame
Qui se jouait dehors et pas comme on acclame
Le héros ou sauveur qui tombe mort à point.
La haine de l’humain qui dresse ses deux poings
Aux Assises finit en mauvaise réclame
Pour la peine de mort et son effet infâme
Sur l’esprit des enfants que pourtant je rejoins.
CXCIV
Comme l’hiver est proche et ses moissons faucheuses
De bonnes intentions, de fuites en avant… !
Reste que le printemps sera dorénavant
Le seul rêve possible, ô voisines prêteuses !
Plus question de chercher les ors de la joueuse
Dans quelque feuilleton qui passe pour roman.
Le poème s’impose et ses joies du moment
Pour ponctuer le mal qu’on se fait, ô jouisseuse !
Les dés, toujours les dés ! Vers cette bételgeuse
Qui brillera longtemps après l’atermoiement
Accordé au chanceux qui n’est plus un enfant…
La moisson de l’été n’a pas été juteuse.
À ma place chantez et « soyez amoureuses ! »
Dans le lit ou ailleurs, qui le veut s’en défend.
CXCV
Qui n’a pas tué l’homme, ou rêvé de le faire,
N’a pas vécu assez pour sa trace laisser
Dans la chair de la femme évoquée pour aimer.
Voilà qui me complique, avant même d’abstraire,
Le travail entrepris à l’âge où l’adultère
N’est plus une hypothèse… Une fois accepté
La loi du jugement que leur humanité
Impose sans appel au noyé du cratère,
Privé de ce nectar, muet mais sans colère,
Il rejoint le troupeau amer des emmurés
Et s’exprime avec art en couplets censurés
Par le silence même et par la circulaire
Géométrie des lieux où cette jugulaire
Sous la pulpe du doigt bat les jours mesurés.
CXCVI
Lame de porcelaine au fil trop émoussé,
J’ai brisé ton assiette et dormi avec toi
Tant d’années sous le drap, insoumis mais matois
Comme il convient de l’être en cet endroit pensé
Pour son homme écraser sous le poids du passé.
J’en ai fait le roman, incapable à la fois
D’en dire le poème émergeant quelquefois
Ni de plaindre le sort du triste trépassé.
Mais qu’est ce que j’attends pour enfin me lasser
De cette attente morne au pied d’une autre croix ?
Je visite ma chair au nom de quel effroi
Si la vie et la mort ne font qu’un, insensé !
Voyons si le sommeil ne m’aurait pas blessé…
Je connais bien ce personnage au sang si froid…
O le pauvre amoureux des pays chimériques!
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer?
CXCVII
C’est ici, mon épouse, entre ces quatre murs
Que se joue, ô mon sang, la suite d’une enfance
Dont je me souviens mal, à part quelque apparence
Aux contours vaguement attachés aux impurs
Bibelots ou jouets que le grenier futur
Expose encore aujourd’hui non sans cohérence.
Plus haut ne monte pas l’infirme qui s’avance
Plus bas dans les brouillards du boulevard obscur
Où se rejoue encore et encore le dur
Aveu de l’homme en proie aux nuits de l’existence.
Certes je ne suis pas aussi noir que tu penses…
Je vois la trame à travers toi ô linceul sur
Le passé compliqué de ta cuisse au fémur
Destiné à la casse avec obéissance.
CXCVIII
Tu ne reverras plus le monde tel qu’il est.
Tes anges porteront la nouvelle à ton frère
Chaque fois que l’année, en sûre batelière,
Conclura ton futur tel qu’il s’en est allé.
Par quel magique écrit, sans rien accumuler,
Peux-tu encore aimer comme on aime se plaire ?
Ici l’usure a un effet trop circulaire
Pour que l’angle adopté puisse la simuler.
Et tu fermes les yeux pour ne pas en parler.
Ton nom déshérité n’est plus dans l’annuaire.
Un être te ressemble et tu veux en parfaire
Au moins le personnage à défaut de sa clé.
Le monde est devenu étrange ou dépeuplé
Selon la volonté de cet autre adversaire.
CXCIX
Trouver la métaphore ou la correspondance
À l’intérieur de cet hexaèdre conçu
Pour l’attente, et agir plus souvent à l’insu
Qu’à l’instar ; te priver de toute confidence
Que l’interprétation menace d’évidence ;
Écrire dans le mur troué, non pas dessus ;
Y trouver les récits têtus et tous issus
Des sagaces piliers de cette résidence
Un peu particulière (avoue que c’est tendance)
Et ne rien composer en dehors des tissus
Que les jours et les nuits, par jugement reçus,
Ordonnent au soleil en sa coïncidence
Avec le temps ; nourrir ; mais par quelle imprudence
Cet hôte devient-il charnu et fort ossu ?
CC
« Il n’y a pas de fin parce que c’est fermé ! »
Me gueula dans l’oreille un complice à perpète.
Par cet alexandrin il s’imposait poète,
Mais poète sans vers qui ne fût pas formé
Selon le cercle en cours à nos pas imprimé.
La rime se faisait aussi rare que bête.
Observant les procès de notre cigarette
Nous vîmes à quel point le silence est rythmé
À la mesure de l’angoisse ; « Ô mon seul aimé,
Si tu savais combien, jusqu’à ce qu’on m’arrête,
J’ai trouvé de récits, cherchant à l’aveuglette
Dans l’automne et l’hiver ce que le printemps met
À l’encan de l’été ! » Heureux ces guillemets
Qui donnent la parole à mes strictes branlettes.
CCI
Faut-il comme Charlot refuser du vulgaire
Le jugement inculte et chercher un ailleurs
Que le bourgeois occupe avec ses employeurs ?
Si la question se pose, alors c’est en grégaire
Qu’on s’attelle à la tâche, inquiétant caudataire
Qui nourrit de son art ses propres fossoyeurs.
Comment ne pas songer à tuer les bailleurs
En connivence avec d’autres commanditaires ?
La trahison s’impose à ce célibataire…
S’il ne tue pas il meurt comme les rimailleurs,
Privé de sa substance et sujet des railleurs
Qui conseillent plutôt l’attente grabataire.
Le suicide n’est pas déclaration de guerre,
Mais c’est un singulier retour aux envoyeurs.
CCII
Pourtant il ne tue pas et demeure ici même.
Il affine son art au fil de leurs couteaux.
Il détourne les yeux des infâmes poteaux
Que son cadavre emploie à d’autres anathèmes.
Le voici inventant les précieux théorèmes
Que l’Université applaudit aussitôt.
Sur ses murs il suspend ces tristes ex-voto.
Ah ! comme l’existence est chouette quand on s’aime !
Voici la cohérence et son frère Poème !
C’est une religion avec ses aristos
Ou je n’ai rien compris aux péchés capitaux !
Pourtant il ne tue pas et reçoit le Baptême…
Et le voilà tranquille un soir de chrysanthème :
Les ors du crépuscule éclairent l’écriteau.
CCIII
Ah ! s’il faut en finir en joyeux mirliton,
Que le nom disparaisse au profit de la fête !
Que les accouplements de ce triste poète
Avec les joies du temps nourrisse le maton !
Dans la publicité des écrans avortons !
Laissons faire en chantant la majorité bête !
Au pied des monuments que la joie nous arrête :
Soyons les amoureux gigolos et gitons !
… Tout cela est bien beau, mais quid de ce bâton
Qui de taille ou d’estoc explique la courbette ?
Se faire ainsi fêter sans tambour ni trompette
Finit par fatiguer le jovial marmiton…
La cuisine a du bon, comme dit le dicton,
Mais trop n’est-ce pas trop et ça vaut-il tripette ?
CCIV
Le conseil du poète a bien de l’expérience !
Si on n’en revient pas, de ce possible champ,
Comment ça se termine et pourquoi s’affichant
Avec l’honneur des uns et des autres la science ?
Une fois mort, ma foi, ce n’est pas la conscience
Qui conseille l’effort mais quelque pieux marchand
Aux genoux saturés de ses propres plain-chants.
On n’en mesure pas la moniale efficience.
Plus haut l’échine ploie et dit son impatience.
L’autel en république épure les couchants
Au profit du réveil qui toise les méchants
Pour faire de l’exemple une sainte omniscience.
Les mains en porte-voix et frisant l’inconscience,
Le poète connaît la pointe et le tranchant.
CCV
Mais en guise d’épée, entre ces murs épais,
Le taulard de la rime et de ses libertés
Fusionne avec les mots et leurs noires clartés.
Tapoter le crépi d’un doigt qui veut palper
Cet intérieur caché et même se tromper
Au moment d’en finir avec les amitiés
Que le désir inflige à ses déshérités,
Voilà comment l’esprit au moment de flipper
Cherche à donner un sens au coup de dés pipés.
… De ce voyage en mer vous étiez les soutiers.
Jamais le nez au vent et crevant de guetter
Le moindre changement de ces divers aspects
De la Réalité. Comment, ami, trouver la paix
Dans ce concert de vols et de propriété ?
CCVI
« Trouver la paix ? Mais quoi ? Et pourquoi pas, compère,
Le luxe d’un hôtel où couchent les putains ?
J’en connais de plus sains et même cabotins
À l’heure d’en finir avec la joie précaire !
Je te parle de calme et je te désespère ?
Regarde-moi vieillir comme tous les matins
Que notre dieu commun embrase puis éteint.
Je n’ai plus d’âge, mec ! Je suis le reliquaire
Et tu es pèlerin. La prison est impaire
Mais pour jouer à deux, à part le baratin,
Je ne vois pas comment si l’autre a du festin
Une idée en rapport avec cette moukère
Qui te hante, frangin ! Me voici à l’équerre
De ta géométrie anale, ma catin !
CCVII
Quel voyage, mon vieux ! Ah ! Quelle allégorie
Que cette mer en barque avec son horizon,
Benthique profondeur où l’on perd la raison
Sans espoir de retour hormis une avarie.
Voilà le sens caché de notre asymétrie !
Le bien commun supporte la comparaison
Avec le mieux écrit au sein de la maison !
D’enfant nous n’aurons point, tant pis pour la patrie !
Mais quel plaisir enfin, quelle belle industrie
Que ce pur simulacre et en toutes saisons !
Jamais on n’assista à pareilles liaisons
Parmi ces renégats que Justice expatrie.
Inaugurons ici la fantasmagorie
Sans croire pour autant à une guérison… »
CCVIII
La mort ! La mort ! Sans dieu, c’est bien le seul sujet !
Enfermé, en voyage ou ailleurs dans la ville
Ou par ces chemins que le promeneur tranquille
Arpente pour rentrer ou même sans objet,
Il avance et ne peut s’arrêter pour changer
Ne serait-ce qu’un point, une folle broutille
Que l’expansion recèle et peut-être éparpille.
Il s’accroche à son heure, esquive le danger,
Épouse sa pareille et croit s’y mélanger
Alors qu’il en repeuple, ô fatal ustensile,
L’idée même creusée en sa biblique argile.
S’agit-il en ceci de ne pas déranger
L’ordre depuis longtemps propre à interroger
Seulement pour survivre en son noir domicile ?
CCIX
L’homme jugé par l’homme, ici dans la muraille.
Il envoie sa fumée à son piètre plafond
Où elle se dissipe ou plutôt se confond
Avec d’autres essais que son esprit travaille
Pour ne pas s’ennuyer, inutile semaille
Qu’aucun été prochain, déserté du bouffon
Qui sommeille depuis, ne brûlera au fond.
Léonard y veillait au sein de la bataille.
Il alimente ainsi la probable pagaille
Qui préside à son sens et ivre se morfond
De ne plus disposer au moins d’un carafon
Où le soleil se plaît en myriades d’écailles
Toutes plus disposées à jeter à la baille
Une ancre moins sommaire et d’intenses typhons.
CCX
Océans des plafonds, le dos dans la paillasse,
Vous emportez la nuit au large de mon port
D’attache… Ô sommeil réveillé en plein effort
Pour renaître à la vie et y trouver sa place !
Paralysie des reins au milieu des sargasses
Que l’étrave s’invente en route de l’export…
Tu souriais dans les embruns sans passeport.
L’horizon se peuplait d’improbables barcasses.
Quel style et quel savoir ! Quelle savante audace
Jamais au bout de cette nuit, l’œil au sabord
Que le mur te propose. Une fente d’abord
Sans perspective puis prometteuse d’espace
Et le récit commence avec un nom tenace,
Un nom de personnage évadé de ton corps.
CCXI
Je le vis ! Comme si je ne te voyais plus.
Lui libre de sortir et d’entrer à toute heure
De ces jours et ces nuits dans la triste demeure
Que l’homme me destine, oubli de soi inclus.
Je m’attendais toujours à retrouver le flux
Du texte commencé dans la vie antérieure
À ce merdier censé, avant que je m’écœure,
Me rapprocher de l’homme et de son cœur occlus.
Mais il ne parlait pas des styles superflus
Que la prison conseille au minus qui en meure.
Sa voix d’acteur fameux se voulait supérieure :
L’éternité devient le rêve du reclus.
Et le voilà à l’œuvre, ô graphes résolus,
Du générique et d’un titre en forme de leurre.
CCXII
Sans la passion l’histoire ainsi conçue au fond
D’un trou demeurerait à jamais incomplète.
Le personnage naît et meurt comme poète
Et ce qu’il a vécu réjouira le bouffon
Qui lève la toile et applaudit comme font
Ceux qui n’ont pas compris que s’achève la fête ;
Il referme la porte après que son esthète
Le remercie d’avoir ménagé le chiffon
Qui lui sert de mouchoir et de fin colophon.
La douleur s’est donnée en attraction concrète
À ceux que la question du grand voyage inquiète.
L’auteur n’a pas conclu mais nous philosophons
Avec les moyens de la foi et des profonds
Récits que conserve l’instinct… à l’aveuglette.
CCXIII
« On a beau faire, Orphée, on est toujours l’idiot
De la famille ; et les feux de la rampe éclairent
Plutôt l’orchestre que l’acteur ; alimentaires
Sont les grincements de ces trop nombreux folios.
Et s’ils ne le sont pas, ouvrages de bestiaux,
La prose y gagne au moins un devis forfaitaire.
On multiplie un rôle pour ne pas se taire
Et les vers bancals deviennent plus commerciaux
Que la chanson enfant avec ses matériaux
Depuis longtemps faits pour amuser le parterre.
On est bien bête de donner l’excédentaire
Aux moins innocents qui se fichent des rabiots.
Pas étonnant alors que les immémoriaux
Nourrissent par-dessous les fleurs du cimetière. »
CCXIV
Traverser la fenêtre aux carreaux endormis
Suppose que la vitre est assez transparente
Pour éviter le bris que pourtant on fomente,
Mais sans aller jusqu’à décevoir les amis.
Depuis longtemps ici nous nous sommes soumis
À l’aspect immédiat des choses qu’on commente
Avec les mêmes mots et une sage entente.
Vous verrez que demain même nos ennemis
Colleront sur la vitre un nez, comme promis,
Exercé aux effets de l’action permanente.
C’est que le personnage est fier qu’on le fréquente
Avec pour le spectacle un valable permis.
Espérons, ô ajour, que nous n’avons omis
Rien qui nous en éloigne et nous prive d’attente.
CCXV
Croire et ne plus y croire et sombrer dans l’obscure
Attente du poème et de son inquiétant
Personnage étranger aux séquelles du temps.
Comment ne pas songer à boucler l’aventure ?
Le mot effleure encore et soumet la censure
Au silence têtu, impayable habitant
Du même vase clos ; poète débutant
Toujours, dans la peau de sa propre créature.
Que faire de demain, ici, si rien ne dure
Autant que la douleur qui ne dure pourtant
Pas plus longtemps que ça : le piètre récitant
Qu’on n’entend plus le dire et qui s’y dénature ?
Non, ce n’est pas le doute et sa morte écriture :
L’imperfection du vide est un beau contretemps.
CCXVI
Ce que l’un doit à l’autre : approche des travaux
Que l’ensemble réclame à hauts cris de psychose.
Sortons un peu là-bas, peut-être virtuose
Du luxe qui consiste en séjours estivaux.
Loin des hivers là-bas, dans des hôtels nouveaux
Aux touristes camés que la science propose
Sous couvert de sagesse et de facile prose.
Un été que la mer, agitée de rivaux
Aux nageoires d’acier, rive dans les cerveaux,
Surfaces de papier dont quelque dieu dispose
Pour en alimenter le risque de surdose.
Malade je geignais sous les yeux des prévôts.
Ô plage interminable où comme des caveaux
Les coquillages morts figuraient cette glose.
CCXVII
Chez les autres pourtant habiter en ermite,
N’en sortant que la nuit quand le logis est clos
Ou quand l’hôte est mouton de ses divers boulots.
La rue est un hiver infernal et sans suite.
Quel frère ou quelle sœur cette cité abrite
À l’abri des bourgeois et de leur populo ?
Rien à faire j’agis dans un crade solo
Dont le vague refrain n’inspire que la fuite.
Là-bas c’était l’été, rêveur et sodomite
Arpentant les chemins qui mènent au pueblo
Où l’attente produit des vers plutôt « philo ».
Rien n’est plus beau que l’heure atroce et sans limite.
Le retour au logis est une œuvre fortuite :
Ce parasite en soi s’y conduit en salaud.
CCXVIII
Revoir l’enfant tombé du lit que par tutelle
On s’est enorgueilli de fréquenter la nuit,
Voilà comment l’été s’achève dans l’ennui,
Terrible sentiment après la bagatelle.
De qui tiens-tu ce front que la beauté constelle ?
De qui donc cette hâte et tout ce qui s’ensuit ?
Je crois me reconnaître et elle me poursuit
Au creux même des lits où mon humeur pantelle.
Mais quel sens te donner ? Rencontre accidentelle ?
Ou bien tu me cherchais comme je te construis…
Hanté, je reconnais toujours les mêmes fruits
D’un amour « taciturne » où la femme est mortelle :
Me voici parmi eux, constante clientèle
Dont mon poème a l’art de parfaire les bruits.
CCXIX
Retrouver son enfant après un « long voyage »,
Après le tour de force et les rats du cachot
Où pauvres et rupins nourrissent le facho
Qui agit à leur place avec arme et bagage
Sous les arcs de triomphe et les lieux du dressage
National, et revoir son enfance mélo
Servie au pet-de-loup solennel ou salaud,
Autant s’en retourner et encore : à la nage !
Qu’avez-vous fait de moi, parangons du chômage ?
Sur la plage où le chien reconnaît non troppo
Ce que je fus alors, l’enfant joue du pipeau
Pour faire dinguer la fillette au patronage.
Je ne suis plus moi-même ou bien je n’ai plus l’âge
De tout recommencer, eunuque du troupeau.
CCXX
Loin des tombeaux et des tripots, fils de moi-même,
Me voilà de retour : la plage est dépeuplée.
Pas de traces de pas, cicatrice ni plaie.
À la fin on est seul et c’est ici qu’on s’aime.
Qu’ai-je fait de ce moi dont je connais l’extrême
Bien ? Fils de qui je fus, encore une goulée
De ce vin assassin qui retrouve d’emblée
Le vertige et la gloire et l’art de la bohème.
Tu ne « ululeras » plus avec ton poème.
Le soleil descendu sur la mer contemplée
Du point de vue obscur de ton fier mausolée
T’interdit le sommeil, ultime stratagème
Du sort commun à tous. Quel est donc ce système
Dont tu empruntes nu la misérable allée… ?
CCXXI
Qu’y a-t-il de commun entre nous deux, terrien ?
À part la mort toujours et la nation en guerre,
Qui triomphe de toi, de ta geste vulgaire
Et de ton héros mort en piteux galérien ?
— Mais qui se terre sinon moi, pâle historien
Aux probables fictions ? Qui plus que moi grégaire
Et enclin à fausser par la pratique impaire
Le sens hypothétique et mineur de ce rien
Qui nous sépare ? Et ce comma épicurien
Fait de toi une femme et de moi l’adversaire
De toute idée d’enfant qui ne soit pas larvaire.
Nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre, vaurien !
Ma chrysalide attend dans le lit vénérien
Où ton utilité est purement vulvaire.
CCXXII
Ma chérie, il faut inventer de nouveaux mythes.
Déconnecter l’esprit des réflexes anciens
Qui conditionnent l’art et ses jeux physiciens.
Que plus rien ne ressemble à ces jouets tacites !
Certes le personnage est la séquelle écrite
Du récit rejoué chaque fois que « ça vient ! »
D’avance nous savons de quoi il se souvient.
Nous sommes prisonniers toujours du même rite.
Alors rien de nouveau à part quelque mérite
Tenant à la chanson ou au rhétoricien.
Ainsi le temps ravit même le béotien.
Chacun y va de sa mesure favorite.
À deux, à trois, à quatre, on est bien hypocrite
D’agir en solo mais toujours avec les siens.
CCXXIII
Laisser à la nation ou même au monde entier
L’héritage conçu au cours d’une existence
Passée à croire aux dieux censés être de France,
Voilà de quoi penser avant que vous votiez !
Que ce legs en fiction, en poème, en métier
Se donne à qui en veut en son adolescence
Et plus tard en pensant à la mort qui s’avance
Selon la loi et l’art instaurant l’héritier,
Voilà de quoi douter du savant goguettier
Qu’on impose à la science et à ce qu’on en pense !
Certes la société est un principe intense,
Limite avec la mort du pénible sentier
Que nous empruntons à Dieu sait qui ! Le quartier
Est plutôt malfamé, royaume d’une enfance.
CCXXIV
Celui qui veut trouver du sens n’est pas chasseur.
Cette proie en vadrouille est un enjeu facile.
On la trouvera même quelquefois utile.
Qui sait ce qui ravit cette éternelle sœur
Que je suis… ? Regardez-le chercher, connaisseur
De soi-même et de l’autre, opiniâtre et tranquille.
Sans cette solitude il devient infantile
Et le poème perd en sens et en douceur,
Cette douceur de transe infime et sans noirceur
Qui ne tuera personne en ce noir domicile
Que la nuit habite elle aussi. Cet imbécile
Croit. Il n’a jamais rien vu du fatal farceur
Que je suis. Il tire dans le tas, en penseur,
Alors que je suis l’être et la mort de tout style.
CCXXV
Enfin seul, dira-t-il, dans un lit enfermé,
Celui d’une rivière ou celui de son hôte.
Je ne me souviens plus s’il parle ou s’il chuchote.
C’était je crois la veille où il fut inhumé.
J’étais seul moi aussi, le nez dans quelque met
Qu’une femme en chemise, excessive et idiote,
Proposait à la mort — la dernière anecdote.
Je n’étais pas, je crois, un aussi fin gourmet.
Mais je n’écoutais plus. Et elle se soumet
À la froide exigence, allons, d’une capote.
C’est la veille du jour où le témoin papote
Avec d’autres curieux de savoir qui on met
Dans ce trou. Retournons, si le temps le permet,
Dormir sous le noyer où la rive clapote.
CCXXVI
Dormir sous le noyer ! C’est la mort assurée !
Qui n’a pas un cousin mort dans l’après-midi
Sous ce noyer fictif où las il s’étendit,
Avant d’autres travaux, « dans les bras de Morphée ».
Mais la Mort elle aussi a sa bizarre idée
Du sommeil des cousins lointains « comme l’on dit ».
Voilà c’est un moment esthète et refroidi
Avec le vent d’automne et l’onde ennuagée
Qui annonce l’hiver. Coule, rivière aimée,
Sous l’ombre du noyer. Le ciel s’est alourdi
De haschich et de pluie. Et toi, cousin, hardi !
Cours vite chez ta femme acheter la poignée
De terre. Ah ! comme elle a vécu, vieil hyménée !
— À la fenêtre te voyant mourir, pardi !
CCXXVII
Comme l’attente est longue ! ou ce n’est pas l’attente,
En tous cas pas l’attente admise dès l’entrée
En matière ; longtemps depuis qu’elle est vautrée
Dans ce lit, narcissique et toujours mécontente.
Naguère on pouvait croire à une belle entente
Et savourer déjà les fruits à la vesprée
Tandis que s’annonçait une belle journée ;
Nous sommes en automne et le soir s’impatiente.
Rien n’est plus ennuyeux que cette sénescente
Perspective ; et la nuit prépare sa fournée.
Quels cristaux ! Et dehors, le diable est en apnée.
Il craint la solitude et qu’on le désoriente
Au point qu’il s’en égare et se voit en atlante
Du petit dieu admis à payer la tournée.
CCXXVIII
Sans profession de foi, à l’usine ou chez soi,
Ou dans les lieux dédiés aux dévotes pratiques,
Il dort sans le sommeil ni le rêve esthétiques.
Hallucinant plutôt, on voit qu’il se déçoit.
Il n’y a pas de lieu où coucher ce faux roi
Ni personne avec qui, rendez-vous féériques,
Partager le royaume et ses passions lyriques.
Il n’est pas loin d’aller prier les bras en croix.
D’ailleurs c’est comme ça qu’à la fin il se voit.
Il n’en dit pas un mot et reprend ses chroniques
Comme si rien n’était, par vertus alcooliques,
Aussi facile à dire ; au matin un envoi
En point d’orgue refait, derrière le convoi,
Le chemin à l’envers, inspirant des répliques.
CCXXIX
Ce n’est pas elle, ni l’amour, qu’il faut tuer
Comme l’un tue le temps et l’autre la voisine.
Ton poème jamais au cœur du magazine
Ne lui dira ce que tu veux « perpétuer ».
Mais quel sexe pourtant ici substituer
Au sien ? Hercule entre les bras de Mélusine
N’avait d’autre projet que sa propre cuisine !
Toi, tu t’en prends au Temps et tu veux le tuer !
Toi, tu prends la voisine et fais mieux que tuer
L’amour. Mais toi, l’ami, sans passion ni usine
Autre que ton bouquin, ton bouquin sans voisine
Ni ennui à tuer, tu veux « perpétuer… »
Or elle est elle-même et tu ne peux tuer
La lecture sans toi au fil du magazine.
CCXXX
Le bruit des mots jamais, même en prenant le temps,
N'effleurera l'esprit qui chuchote avec elle.
Jamais tu ne diras, de refonte en séquelle,
Ce qu’elle veut entendre et que tu sous-entends.
Quel silence le jour ! Et la nuit supputant
L’encan des rendez-vous, les pieds dans la « marelle »
Du roman ; tout ça pour éviter la querelle
Qui amoche l’enfant, ce possible habitant
Des lieux ; dehors, la nuit te conseille l’instant,
La fraction, la limite, et tu la trouves belle.
Or tu l’as inventée au fond d’une poubelle,
La poésie en vers au mètre si constant !
Auprès de la fenêtre elle file pourtant…
Parque qui ne sait rien de toi ni même d’elle.
CCXXXI
Tu n’as pas ta place aux réunions, interprète
Sans religion ; toi qui survis en palotin,
Nourri de temps perdu et du soir au matin,
En attendant le jour, soumis à la concrète
Influence du Nu. Les voilà à la fête
Et pour longtemps encore. Et pour le baratin
Qui vend la peau à l’ours, voici le cabotin
Qui jouera à ta place une farce imparfaite
Mais qui parle ! Or, tu ne parles pas, tête à tête
Quelquefois volcanique en marge du festin.
Ta peau ne vaut pas cher, tu n’as pas de destin
Dans les plénums standards. Rien pourtant ne t’arrête…
Au cimetière sous la croix — famille bête !
Du trou creusé en rond tu es le clandestin.
CCXXXII
Il y a poète et poète : artiste ou non.
Dans la ville où tu vis ta campagne impossible,
Sur les trottoirs navrants ton dos leur sert de cible,
Ô éternel blessé d’un mal qui a son nom.
Mais le poème n’est jamais une question
De nom ; heureusement pour toi, c’est illisible
Et beau ; la mort en chemin c’est intraduisible !
Le spectacle est donné jusqu’à l’indigestion.
Tu n’aboliras pas les autres suggestions.
Derrière le carreau de la vitrine horrible
Qui donc se chargera de les passer au crible ?
Tu ne connais pas ces coupables histrions…
En attendant, foin de tous les « septentrions » !
Nous n’allons nulle part et tu es putrescible.
CCXXXIII
(À Paris comme ailleurs, foin de consommateurs
Sur la place publique où le cerveau s’engage
À donner de la voix à défaut de suffrage ;
D’un côté et de l’autre, abondance d’auteurs
Secouant leurs panneaux sous le nez taxateur
Du larbin de l’État haut placé dans l’image
De l’Écran ; Enyo ! On a touché au langage !
Le poète n’a pas le métier du buteur…
La cacozélie ne trouve plus d’éditeur.
Et l’alexandrin, au rythme impair et sauvage,
S’emploie à parfaire un art du décervelage
Comme on n’en a pas connu depuis que l’acteur
Ne joue plus mais sert, et c’est bancal, amateur
Et cruel ; ne sors pas, ce n’est plus de ton âge.)
CCXXXIV
« Une fois dans la mouise, ô gentil travailleur
Du vers et du poème et d’un volume même,
Que reste-t-il en sus ? Le vulgaire qui sème
Ne récolte-t-il pas en joyeux laboureur ?
À l’œuvre des années, et pas même un acteur
De cette comédie qu’on appelle système !
À l’arrivée tu n’es pas même le deuxième.
Pas même décroché le prix consolateur.
Tu mérites pourtant le titre de docteur…
On devrait te trouver quelque part dans la crème
Du dessus du panier… cette merde est extrême !
Gratouille la guitare au trottoir collecteur
Des papiers cul de la nation ; sans cet auteur,
On n’est pas moins heureux dans l’aimable achélème. »
CCXXXV
Mon nouveau compagnon, rhétoricien dans l’âme,
Habite le trottoir en mécène appliqué.
Certes ce coin tranquille est joliment fliqué.
On s’y tient avec art, dégrisé et sans femme.
Nous avons nous aussi de l’inconnu la flamme.
Sans couronne adossée au mur revendiqué,
Le monument attend que quelque syndiqué
Nous propose la lutte et sa rouge oriflamme.
Nous ne connaissons pas rois ni princes ni dames.
La nation en leader nous a mis au piquet,
Le nez dans la rigole et l’esprit confisqué
Par les seules visions de notre psychodrame
Embouteillé. Le pinard nous sert de dictame,
Au moins dans les moments où il faut s’astiquer.
CCXXXVI
Tu t’éloignes de moi, je ne te rejoins pas.
Mon Hélène le temps a passé, tu me manques
Mais je suis sur la route avec des saltimbanques
Et je ne m’ennuie pas même après les repas
Quand tout ce monde dort et que seul ici-bas
Je compose ce chant comme on joue à la blanque.
Mes compagnons, prudents, me prennent pour un branque :
Mais ne le sais-tu pas, après tous ces ébats
Dont le moindre est un jeu autrement dit : combat
Perdu d’avance mais, voici la bonne planque :
J’y vois de quoi guigner le sabot de la banque,
Résigné à donner un sens au célibat.
Certes nous n’avons pas ce genre de débat ;
J’exerce ma mémoire au futur qui la flanque.
CCXXXVII
Nous ne fuyons pas mais, arpentant leurs espaces
Pour jouer leur théâtre et en vivre joyeux,
Le temps nous est compté, trop rude et ennuyeux
Chaque jour à la nuit qui tombe sur nos traces.
Tu n’en verras pas un, rêveur, qui se délasse
Seul ou pas dans le lit, maudissant ses aïeux
Pour au moins se donner, faute de justes lieux,
Du cœur à l’œuvre en cours au prix d’une grimace
Qu’on prend pour du talent ; moi-même sur la place
J’applaudis la réplique, en suis aussi curieux
Que la claque qui veut maintenant des aveux :
Qui suis-je et pourquoi moi dans ce rôle fugace ?
Nous allons sans conquête, au hasard de la passe :
Nous avons des enfants, contents d’être avec eux.
CCXXXVIII
Le temps n’est plus favorable aux aïeux, Hélène.
Longtemps tu précédas mes pas sur les chemins
Au sortir des châteaux et autres lendemains.
Mais nous n’avons plus l’Art et puis la coupe est pleine.
Qui boira de ce vin sans souffrances crâniennes ?
À en perdre l’ivresse et son cœur trop humain ?
Entre deux âges tu es toujours le gamin
Qui cherche dans le Temps tes belles tragédiennes.
Sans passé ni futur ni langage à la peine,
La seconde est une horloge : impair tournemain
Qui te vaudra toujours un labeur de Romain.
Sur la scène tu as l’air d’un vieux capitaine.
Il est vrai que l’enfance est presqu’aussi lointaine
Que celle des aïeux eux-mêmes benjamins.
CCXXXIX
Barcasse ou feux de la rampe au rideau tombé,
Tu as les pieds sur terre et l’esprit aux abois.
Chien des coulisses tu connais ce que tu bois.
Le sang par le tapis en est tout absorbé !
Cadavre sans énigme au public exhibé.
Aucune enquête en cours. Le journal est sans voix.
L’inconnu t’as crevé le cœur comme autrefois
Un jouet s’est perdu au sein de l’alphabet.
Comme le capitaine aime à sombrer flambé
Dans quelque casino surplombant le détroit
De ses rêves, tu reviens sur les lieux, sang froid
Mais du mort seul ; c’est un public sans quolibet :
Car tu ne seras pas maudit, même au gibet
Fantasmagorique, ô pauvre humain de surcroît !
CCXL
Hélène et Artémise, Igitur, Musidor,
J’ai joué à la femme et à l’homme, poète.
Il m’est même arrivé de me rendre à la fête
Donnée en d’autres lieux où le silence est d’or.
Personnage à l’égo qui sommeille ou s’endort
Selon que le récit se joue ou se feuillète,
J’ai voulu, inconstant, me croire l’interprète
Le mieux placé au paradis du mirador
Commun. Ah ! pourquoi donc jouer au matador
Alors que cette foule adore ses emplettes
Et les palais de la cité dont les vedettes
Ainsi font, font et font, menaçant le stentor
D’ablation. L’acteur n’est pas poète, ô butor ;
Il a l’air du taureau mais pas la chansonnette.
CCXLI
Quel spectacle ! Quels feux je donnais au vulgaire !
Et quel Triomphe aussi au cœur de la Cité !
On me vit rarement hors la Félicité
Que mes blancs compagnons chantaient comme à la guerre.
Certes ici ou là quelque pauvre adversaire
Avançait dans le champ où par proximité
J’entendais ma victoire et sa caducité :
Mieux que Sarah enfin je fis le nécessaire.
Mais dans la grotte balsamique où je m’affaire
L’apparence est maîtresse en domesticité ;
Ce costume de scène au phallus excité
Dit d’un auteur le texte et pour le satisfaire
J’ai vendu ma couronne au règne mammifère
Et dénaturé l’art ancien d’expliciter.
CCXLII
On ne me verra pas pratiquer l’alchimie.
Verbe, douleur, ennui, extases du proscrit
Parasite des cieux et fourrier de l’Écrit ;
Personne ne m’a vu devant l’Académie
Mais j’y passe pourtant, vecteur d’une endémie
Comme d’autres oiseaux errants et incompris.
Le paillasson est dur aux pieds des sans-abris
Et le froid de l’hiver inspire l’anomie.
Chanson ni plus ni moins, sourde polysémie
Des seuils censés nous mettre en ordre et à l’abri ;
Caressant chaudement les poils de mon labri,
J’interroge le temps de mon Alcoolémie.
Aboie ! dit la leçon de mon anatomie.
Jamais depuis longtemps je n’avais autant ri !
CCXLIII
Mon chien est andalou et ma route incertaine.
Sans canne je ne suis qu’un homme parmi eux.
La nourriture manque et pourtant mes aïeux
Inventèrent le prix de la terre lointaine.
Mais sans terre et sans yeux, même sans capitaine,
Sans les rêves dorés d’un projet ambitieux,
La route est une route et le temps sans adieux.
Personne autant que moi ne boit à la fontaine
Que fait couler l’ouvrage, oblation et patène,
Quand toutefois il est du goût des gens sérieux,
Sentencieux, oublieux, laborieux, silencieux,
Le sommeil agité par leur croquemitaine.
Moi, je n’ai peur de rien et ma voix est hautaine ;
Je couche avec mon chien et visite les lieux.
CCXLIV
À vingt ans c’eût été un malheur un peu rude…
Je n’imagine pas un pareil compromis
À l’âge où le poète est encore insoumis,
Quand son esprit mesquin croît dans la solitude.
Il faut avoir vécu sans notable aptitude
Pour comprendre à quel point parmi des abrutis
Il est dur de construire ensemble les bâtis
De la maison commune ; atroce l’inquiétude
Qui soutient l’existence et pire l’habitude
Qui vieillit avec soi sans le moindre répit.
On dirait que cet homme enfin s’est assoupi ;
Il connaît la chanson et même l’attitude
Qui convient au sommeil ; une autre servitude,
Sans grandeur ni futur, en conçoit l’incipit.
CCXLV
Est-ce fini ? Déjà… Ah ! Comme le temps passe
Plus vite que la mort ! Demain n’a pas le sens
Qu’il avait autrefois. Jamais un seul suspens !
Et tu écris encore, Toi ! Grand bien te fasse !
Personne ne le sait… ou si peu que l’espace
Est à peine vivant, trop saturé d’encens.
Ô toi qui en reviens comme d’un guet-apens,
Ne te retourne pas et dans la carapace
De l’urne ou du cercueil fuis cette populace !
Ici les morts en croix n’ont pas plus de non-sens
Que tes vivants jugés toujours à leurs dépens.
Le Juste ne l’est pas, même par contumace.
Vide donc le flacon du dernier face à face
À même cette terre ouverte à contresens.
CCXLVI
[…]
Depuis quelque temps, on assiste en France à un « combat » entre deux factions qui se réclament l’une et l’autre de l’apolitique.
Mises ensemble, ces deux phalanges semblent former une nette majorité.
La réflexion politique n’est pas, en ce moment, la mieux inspirée ni la plus nécessaire.
D’un côté, les partisans d’une société construite à l’image de l’entreprise exercent leur arrogance avec une insolence de morveux de la classe et de l’autre, on oublie trop vite qu’on a été conçu pour consommer et que par conséquent la revendication tient au pouvoir d’achat pour cette seule raison.
Le chômage et la pauvreté, qui toujours s’ensuivent, nourrissent la classe moyenne du manque d’argent et de considération simplement humaine.
Mais lesdits « gilets » ne s’en tiennent pas à exiger la satisfaction de leur désir de « mieux vivre » de leur travail. Ils veulent aussi peser sur l’organisation de la société et réclament qu’on en modifie la constitution.
Ainsi, une opposition se dresse devant eux, qui n’est pas seulement le fait des « marcheurs », mais aussi de toute la coterie conservatrice qui a d’autres chats à fouetter.
On a alors vite fait de parler de révolution, sans savoir ce que c’est exactement.
Marcheurs et gilets se hérissent en même temps selon ce principe ancien et éprouvé.
Or, ni l’une ni l’autre de ces chapelles n’est révolutionnaire, par le seul fait qu’il n’y a pas de révolution sans exercice de la politique, d’autant qu’en cas de révolution, la violence s’impose.
Or, ni l’un ni l’autre de ces clans n’élève la violence à la hauteur de ses pensées.
On préfère débattre, dehors ou en salle selon l’idiosyncrasie de chacun.
Les marcheurs font les questions et les réponses et les gilets s’éparpillent en autant d’avis.
Présenté comme l’élite de la nation, alors même que l’enseignement dispensé au sein de l’ENA, de l’avis de ses élèves et de ses professeurs, relève du cours préparatoire avant même tout programme plus élémentaire, les politiciens et autres chiens de garde s’appliquent à élaborer leur discours après les faits et autres évènements, ce qui, en termes philosophiques, en fait une secte de salauds, qualificatif qu’il convient d’appliquer à tout le corps exécutif lequel, en cette monarchie élective qui s’affuble du titre de république, constitue le seul pouvoir en place en dépit de l’article 16 de la Déclaration des Droits etc. qui stipule, à tort ou à raison, que toute constitution qui ne prévoit pas la séparation des pouvoirs n’est pas ou ne peut être démocratique.
Ainsi, la justice est réduite à une administration soumise au pouvoir exécutif et par conséquent tout magistrat est un pédant, c’est-à-dire quelqu’un qui s’en tient à « l’application de la loi » sans réel souci d’une jurisprudence, celle-ci constituant le seul outil véritable de l’exercice judiciaire et législatif. Un fonctionnaire pur et dur, statut qui entre en conflit avec l’esprit des lois.
Alors qu’en est-il du troupeau parlementaire ? Il est la seule image ou devrait être la seule image fidèle du peuple qui l’élit à date fixe. Est-ce ici que la philosophie, enfin ! applique ses pansements ?
Faut-il considérer que la philosophie, dans la connaissance et l’action et par delà toute velléité morale ou esthétique, émane nécessairement de cette masse à la fois électrice et représentée d’une manière ou d’une autre ?
Autrement dit, le peuple, dont il faut bien exclure fonctionnaires et ministres pour les raisons évoquées ci-dessus, échappe-t-il à l’état de salaud et de pédant ? Est-il au moins en proie à la qualité de philosophe… ?
Et cette difficulté alimentée par la Constitution même trouverait-elle un apaisement sensible si cette grammaire citoyenne était changée, voire même révolutionnée ?
La pratique philosophique, conditionnée par celle du doute et donc de la solution provisoire en attendant mieux, est-elle à ce point possible dans ces conditions plus que contraignantes ?
Si on en juge par l’état de la plus grande démocratie du monde, où certes la liberté n’est pas un vain mot, mais à quel prix ! on ne peut pas dire que le peuple a ce talent particulier qui consiste à placer platoniquement le philosophe au pouvoir… disons en lieu et place du salaud présidentiel, ministériel et fonctionnaire… et d’ériger l’élection des juges en premier principe de justice.
Il semble bien que la philosophie n’ait pas sa place dans le troupeau des élites et du commun des mortels réunis considéré comme seul corps électoral.
Je m’amusais récemment, à l’occasion du spectacle médiatique en cours, à me dire que si jamais je n’ai opté pour une carte d’électeur qui eût froissé mon honneur de poète, j’ai cependant accepté avec joie et concupiscence la carte de lecteur que la communauté des communes, sans y chercher malice, m’a délivré afin que je puisse réellement accéder à l’énorme et labyrinthique Bibliopôle qui motive encore mon désir de survivre à l’imbécillité environnante.
Anything is good material for poetry. Anything.
« Qu’est-ce que je fous ici ? »
Je ne suis pas difficile à déchiffrer…
Le chien semblait séduit par toute cette poésie.
Un chien… et passant
Par le rond-point
Il me vint cette idée
Complexe mais pas absurde
Que j’étais entré dans un poème
— Aussi l’idée connexe
Était
Est sera toujours
D’en sortir
« On n’est pas écrivain parce qu’on écrit des livres.
On n’est pas écrivain parce qu’on enseigne la littérature.
On est écrivain seulement si on peut écrire aujourd’hui
Ce soir
Dans la minute. »
Qu’est-ce qu’ils foutent ?
Encore eux !
Tenez-vous tranquille signifie :
Tenez-vous en à l’ordre.
Qu’est-ce qu’un poème ?
Ce n’est pas de la poésie.
Surtout pas ça !
Tournant encore autour.
Canettes et gilets.
Une grosse dondon se donnait en spectacle.
Il faut de tout pour faire un monde.
Mais quel monde est en formation ici ?
Visages connus. Airs déjà sifflés sous ma fenêtre.
Mise en place du poème sur ces tréteaux populaires
Pas conçus pour ça.
Sans morts pas de changement !
Non pas l’art et la mort
(comme je le crus longtemps)
Mais nous et la mort.
La mort et nous toi moi eux
« Qu’est-ce que c’est que l’attente ?
— Pas d’attente sans espoir »
Fut la réponse du berger
(je relisais Villon : la merla)
Concevoir le discours
Comme on construit une religieuse
Il y a un infini
Entre le poème
Et ce qu’il signifie.
« Ne lisez plus entre les lignes.
Caressez les mots et arrachez la page.
Mais j’avais beau attendre
Il ne se passait rien »
Depuis quelque temps…
La veille où Grenade fut…
Avec qui suis-je si je ne suis pas seul ?
Mieux vaut être seul qu’accompagné
S’il s’agit d’attendre.
Un flic est un raté social
Pas un héros
Anything. En passant.
Qui êtes-vous ?
Pourquoi vous ?
Le moteur ronronnait en attendant.
Qu’est-ce que je fous ici ? Construisant
Ce qui sera forcément interrompu
Car on n’attend rien de moi
On n’est pas écrivain…
Moi non plus !
Crucifiez celui qui n’éprouve
Aucun désir de possession
En entrant dans une boutique !
Troquez la liberté !
Elle se vend cher sur le marché aux poissons.
Passant caminando
Tout ça d’un trait :
Comme on rature.
Énormément de cons, ça oui !
Il ne pleut pas sur la guerre.
Il ne neige pas sur les révolutions.
Enterrez-les ! Mariez-les ! Et sous le Signe !
Là ! Maintenant ! En ordre !
« Tout le monde veut le pouvoir… dit l’un.
— Mais le pouvoir sur quoi… ? » questionne l’autre.
On est foutu si on n’achète rien !
Acheter c’est un plus.
Mieux que l’acte qui consiste
À échanger une poignée de fric
Contre un peu de dignité sociale.
Acheter c’est un plus.
Tu te sens mieux après.
Et tu ne demandes qu’à recommencer.
Pas d’autre alternative.
Tout se vend !
Rengaine du poilu mort d’avance.
La peau de l’ours. Tout se vend
À condition de louer le trottoir.
… Et ainsi toute conversation
Tenue sous les palettes tendues de toile.
« Moi j’ai pas de bagnole alors je m’en fous…
— Tu t’en foutrais pas si tu savais !
— Si je savais je serais pas ici…
— On peut pas tout savoir »
Dit enfin un vieillard chenu
À la barbe fleurie.
Je veux bien vendre un poème ou deux…
Histoire de manger autre chose que mon capital.
Dans la mêlée on ne sait plus
Pourquoi on est venu se faire insulter
Par un putain de président !
De toute façon il y a de quoi bouffer
(femmes au fourneau)
Et même de quoi boire !
Qu’est-ce que je fous ici ?
Ce n’est pas ma place mais j’y suis.
J’habite sur cette terre
Qui est à tout le monde
Et surtout au migrant !
Un chien dans le fossé
Reniflant des restes de poésie
Le voilà charmé et prêt à tout
Pour en faire autant !
Un seul chien pour donner un sens
À ces circularités passagères.
Pas difficile de me déchiffrer.
J’ai un bison séminole à la place du cœur.
Je n’habite pas où je demeure.
Tout ça sur un coup de tête
Donné dans la conversation.
I’m against it ! Anything !
Anarchisme sentimental.
Comme si ça pouvait exister !
Petits bourgeois du travail.
Les uns contre les autres
Car il vaut mieux obéir
Que de chômer. Anything.
Alors comme ça ça vous amuse !
Élection piège à cons et tutti quanti !
Bibliopôle à l’horizon XXII
On ne pensera plus rien de moi…
Mais j’en ai déjà marre
Qu’on me prenne pour ce que je ne suis pas !
Flâneur des deux rives… glanant
Dans les journaux où Marie Roget
Fait la Une — Anything but…
A cool of books
will sometimes lead the mind to libraries
of a hot afternoon, if books can be found
cool to the sense to lead the mind away.
« Je veux y aller ! Maintenant
Je suis avec vous ! Ni pédant ni salaud !
Ah ! Quelle foutaise la philosophie !
— Et la poésie donc ! »
Jiggs devant la vitrine
« C’est fou ce qu’on peut désirer
Quand on se laisse aller ! »
En ordre jusque devant la porte
Et ensuite dites ce que vous voulez
Il y aura toujours quelqu’un
Pour vous la faire fermer !
La porte ? Ma gueule ? Qui
Êtes-vous le cul en rond
Comme les gamins d’Arthur ?
Vous n’avez pas tout réussi…
Laissez les pauvres se démerder sans vous !
Et vous dites que c’est de la poésie, ça ?
Tout ce qui ne chante pas n’en est pas !
Allons enfants de la patrie !
Notre drapeau est bleu blanc rouge !
Bleu comme le ciel d’été !
Blanc comme la neige en hiver !
Rouge comme le sang versé !
Poésie du triomphe et de la charogne…
Qu’est-ce que j’y fous… ? J’en sais rien.
La curiosité… le désir d’en avoir moi aussi…
On ne sait jamais… les miettes d’un repas
Partagé de force avec l’État…
Anything but all ! Anybody else but you !
Ne jamais plaisanter avec un type
Qui veut tout changer sans violence…
J’y fous ce que j’y fous… Je suis ce que…
Bison séminole… trottant vers le lieu
De son supplice rituel et bon à manger.
Péter la vitrine où se regarde le monde
Peut-il être considéré comme un crime ?
On ne le saura jamais sans jurisprudence.
Flâneur. Anything. J’y fous ce que…
Même le chien me comprend.
Pourquoi pas vous ? Destructeurs
Dit le Code du marketing.
Vos enfants vous ressemblent :
Égoïstes, soit : jaloux et hypocrites.
Le mépris n’est pas loin,
Tapi dans les poches que
Le flic visite comme s’il y était chez lui.
Rencontre de bonnets blancs,
Chacun estimant que la société
Peut se passer d’idéal politique
Et de mort violente. Anything !
Moi, j’ai la chanson et le poème…
Je chante et je dis tout.
Avec tout et sans rien.
Mais qu’est-ce que vous foutez !
Vieillards d’angoisse et filles perdues.
Paumés du travail et hypocrites de l’entreprise !
Ma guitare est sommaire… dit Bobby.
Et ainsi sur le chemin
Caminante no hay camino
Mon chien connaît-il l’ennui
Ou seulement l’angoisse… ?
Vos enfants le caressent-ils
Pour tenter d’en posséder le sens ?
Achetez au meilleur prix
Le moment de détente.
Et enseignez comment faire
À ceux qui le savent déjà.
Quelle ode ! Quelle attente !
Les collections de poésie
Ne sont même plus écrites
Par des poètes ! Anything.
Ramassis de bonnes intentions hypocrites
Et de pédanteries plus ou moins salopes.
Mais a-t-on le choix dès qu’on met
Le nez dehors pour trouver
Quelqu’un d’autre que soi ?
Mon chien dans le fossé sous les palettes
À l’abri du mauvais temps
Et des coups de pied.
L’os dans la gueule
Et l’œil encore en Enfer.
La pauvrette disparaîtra
Dans le néant des poésies amères
Creusée à même le plancher des vaches.
Vous n’aurez pas l’arcane et le bas d’laine !
Pas tant que le système des coïncidences
Qui soutient le monde et ses créatures
Ne figurera pas en lieu et place
De vos grands hommes à reconnaître
Sous peine de passer pour un aguafiesta.
Passant comme celui-ci
À proximité des lieux
Où la révolte qualifiée de sédition
Avoue être prête à se contenter
D’un séjour au Paradis
Avant même de le mériter
Ou de s’en passer si c’est l’heure.
Chien aux trousses mais charmé
« d’entendre de si justes propos »
Besognant comme pas un sur le dos
D’un canasson de fête foraine
Et se passant même d’un abreuvoir
À sentences toutes plus insensées
Que la plus sinistre des chansons à boire !
Qui suis-je si je ne suis rien pour vous ?
Si vous ne pensez rien de moi…
Si vous ne me cherchez pas
À l’endroit même où je me trouve ?
Aujourd’hui
Ce soir
Dans la minute
Il n’y a pas d’autre chemin
Caminante pas d’autre raison…
Vous êtes utiles et je ne le suis pas.
Même si la poésie devrait servir à quelque chose.
Il y a travail et travail
Et le poète qui n’amuse pas
Ne trouve pas de quoi survivre.
Il faut servir la messe.
Apporter des fleurs, des vierges à épouser
Avant qu’elles ne le soient plus.
Flatter le dos des vieilles
Et épousseter leurs vieillards.
Le viol de l’enfance n’est plus à la mode.
Quelle ode ! Quelle canzone !
Les copies d’écrans
Ne remplaceront jamais
Les coupures de journaux.
Mais qui sait qui vivra heureux
Parmi ces enfants de la conservation de l’espèce
Désignée pour faire le bonheur des autres
Candidats à l’éternité… ?
Mare nostrum qui n’a plus de secrets
Pour les voyageurs venus d’ailleurs…
Ode, ode à celui qui comme Ulysse
N’a traversé que sa propre ville
Jusqu’au cœur de sa femme !
Je sais que la poésie n’est pas partout
Que tout la rend possible.
Est-ce là la pierre de touche ?
Passant devant les points névralgiques
Qui secouent vertement le pouvoir,
Je sais que tout cela peut servir la poésie
Mais que ce n’en est pas, heureusement !
Ah ! si nous étions transparents !
Mais la totale opacité de notre propos
Rend le chien dubitatif,
À l’orée de l’Enfer déjà partagé
En parts inégales, liberticides
Et policièrement haineuses.
Quelle ode (quelle distance)
Entre l’idéal triomphal
Et le rêve piétiné !
C’est écrit sur tous ces visages.
Rides de la crispation constante.
Qui détient les clés du bonheur
Ou à défaut de la joie ?
Une joie passagère mais réelle !
Le produit de consommation
Considéré comme une relique
De ce qui s’est perdu en chemin.
Depuis quelque temps…
Je mâchai cette nouvelle nourriture terrestre.
Je cheminai aussi, avec mon chien.
Je collectionnais les os des martyrs de la Nation.
Je trouvais un refrain
Et je le perdais aussitôt.
Item, je donne ma charrue
Aux mains qui me façonnent.
Et mes ouvriers de papier,
Personnages sonores,
Je les donne à entendre
Sous ma voix. Any else
But you. Ramasse le fric
Et tire-toi au Paradis
Avec leur billet de retour.
Donner aux uns pour qu’ils redonnent
Et prendre aux autres le nécessaire
Produit de cette imagination.
C’est aussi vieux que le Monde.
Plus vieux métier. Il suffit d’ouvrir l’œil
En passant sur le chemin de ronde.
J’appelle mon chien par mon nom.
Il ne chevauche rien et me suit.
Il ne retournera pas en Enfer.
Nous avons d’autres chats à fouetter.
Bien sûr il y a les paysages, les ciels,
Leurs arcs après les pluies, le vent
Qui chante dans les arbres
Ou les fait chanter selon qu’on écoute
Ou qu’on en écrit l’ancienneté rurale.
Il y a toutes les raisons de ressentir
À quel point le bonheur est possible
Si on accepte de le mesurer ensemble.
Le Monde et les mots qu’il faut
Pour en sortir vivant au lieu
De mourir devant une vitrine.
Quelle ode ! Interminable saison
De floraisons et d’animaux imaginaires.
Rends-moi ma femme ! Celle que j’aime
Et qui m’aime ! Oh ! quel qu’en soit
Le prix ! Je donnerai tout ce que je possède
En échange de cette possibilité
De ne plus dialoguer avec le citoyen
Consommateur et électeur !
Quelle ode ce moment d’écriture !
Ah ! si je pouvais avoir tout lu !
Au moins pour gagner le cœur
Du voyageur qui quitte son pays
Pour toujours. Anything. Sinon
Le temps lui-même n’a plus de sens.
« Qu’est-ce que je fous ici ?
En compagnie de ces débiteurs patentés.
Agitant le concept de vie sociale.
Avec des claquements de drapeau
Caressant la joue du soldat inconnu
Soudain dressé sur ses os et joyeux ! »
Je ne suis pas ce que vous croyez !
Je me mets à table par habitude,
Par fatigue, sans faim ni soif.
Je ne vous reconnais même pas.
J’ai toujours vécu au pied des arcs.
J’ai le croquis facile et même vrai.
Ah ! si j’avais voulu devenir chanteur !
Si quelqu’un s’était occupé de moi…
Mais j’ai suivi mon chien
Après l’avoir débauché
(comme vous savez)
Et les choses ont suivi le cours
D’une Histoire qui se fait sans moi.
Quelle illusion si j’avais voulu !
Et à quel prix mes aïeux !
Vous n’aurez pas l’arcane et le bas d’laine !
Agitez le vin dans le verre pour voir !
Seuls les monuments ont des érections
D’onanistes. Moi je courais la femme
Dans les poils odorants des vitrines
Ô galeries ! Pôles des convergences.
Je suis tellement facile à déchiffrer !
Décorum des passions partagées.
Catafalque de Victor Hugo jouxtant
Le corbillard des pauvres, mais pauvres !
Ne meurt pas qui veut. Élevez l’honneur
À la hauteur de la sincérité si vous pouvez !
La majorité sacralisée au nom de quoi ?
Religion, sépulture et épousailles, en rond.
Sans ça nous ne sommes plus nous-mêmes.
Mais qui sommes-nous si nous cessons de l’être ?
Vulgaires acheteurs de bricoles
Qu’un désir de branleurs met en vitrine
À l’heure des rites annuels du commerce.
Je passais par là avec mon chien.
Je suis le charmeur de mon chien.
J’ai perdu la clé du bonheur
Mais je vis de poésie et d’eau fraîche.
J’emmerde le citoyen qui se sent
Responsable (peu ou prou)
Des lendemains promis à sa descendance.
Se fiche-t-il de celle des autres, ses frères ?
Vous n’avez pas le bison séminole.
Ce que vous possédez n’a pas de prix.
C’est en meute que vous agissez.
Une dose d’idéologie politique
Ne vous ferait pas de mal…
Quand ce n’est pas la religion
Qui pourrit l’existence
Que vous attribuez aux autres,
C’est la propriété que vous leur contestez.
Gens de peu de malheur ! Soyez
Au lieu d’exister même sans chien
Pour recevoir les charmes de la parole.
L’homme de trop vous salue toujours
Du haut de son pont jeté
Entre le vrai et le faux.
Chemineau que le poète hèle encore.
Le chien a de plus en plus l’air
D’une créature mythologique.
La disparition se signale toujours.
Et au hasard de l’Histoire
Comme Jiggs devant la vitrine
Voyant qu’on le regarde
Se retourne peut-être menaçant
L’homme prononce quelques mots
Anything qui servent de poésie
À ce moment purement électoral.
(Un autre moment transporte le corps
D’une victime de quelque accident
Qui va changer le cours de son existence)
« Errant qui n’erres plus, dit-il
Sans quitter des yeux l’objet de son désir
À ce moment encore insatisfait
Selon les critères de l’offre et de la demande,
Joins-toi à nous car nous sommes dans le vrai. »
Paroles qui tombent dans l’oreille d’un sourd.
En effet, il suffit de s’arrêter un instant,
Juste le temps de parfaire l’idée qu’on se fait,
Pour être aussitôt traité de sédentaire.
Le chien n’a pas l’air d’un bison séminole.
Il l’eût que ça n’eût rien changé à l’instant.
Puis l’instant devient moment
Et le moment fricote avec le temps
Pendant ce temps, « hypocrite lecteur ».
Le corbeau ne sait pas d’autre mot.
Impossible de changer le corbeau
Ni le mot ni le récit parallèle.
Je suis pourtant facile à déchiffrer.
Si vous me cherchez… passant devant
(heureusement à pied ou en vélo)
Et franchissant le fossé qui ouvre la voie
Des champs avec le chien toujours aussi
Charmé d’entendre de si justes propos.
Ne qualifiez pas d’absurde
Ce qui est en réalité plus complexe.
À quel point je suis différent de vous.
Étranger à vos réquisitions sommaires.
Je n’ai jamais éprouvé le plaisir
De toucher la cible à cette distance.
J’aurais fait un mauvais flic, papa.
Mon cerveau ne contient pas dans un casque.
J’ai réussi à ne pas devenir con, papy.
Pas au point d’aller pisser ou me branler
Sur la tombe du pauvre type
Que personne ne connaît aussi bien que moi.
Vois comme la poésie est une ballade
À défaut d’être le voyage promis.
Sans image ni son, sans ce décorum
Qui enchante mais ne charme pas
(n’est-ce pas ô mon chien d’enfer ?)
L’idée n’en est pas une ni ses sœurs.
Bien sûr il y a le paysage, les ciels
Et les vents qui sentent la voilure.
La broussaille prend un sens
Et l’ombre ne s’y définit pas.
Quelle que soit la beauté de l’instant
Et du lieu qu’il propose à l’esprit,
L’arc se fond au noir ou au blanc
Selon les circonstances de l’instinct.
Un jour prochain ô vagabond
Tu seras moins facile à déchiffrer
Et tu le sais. D’ailleurs si tu ne le savais pas,
Tu ne sortirais pas dans le mauvais temps.
Toi qui aimes le feu de ta cheminée…
Ce que tu fais ici, parmi eux, importe peu
Au regard que tu portes sur ta propre attente.
Tu n’attends rien mais on attend
Ou du moins es-tu en mesure de le croire,
De croire à cette possibilité d’erreur
Qui ne serait pas une erreur d’appréciation
Mais de curiosité, si j’en crois mon expérience.
Un jour prochain je saurai qui tu es
Si tu n’es plus l’objet de ma curiosité.
Oui ce fut par curiosité
Et non plus par désir
Que le passé a disparu.
Cette mémoire n’existe plus.
Pas plus que ce que je désire.
Ah ! c’est beaucoup moins facile
Que tes prétentions possessives !
Nous sommes faits
Pour ne pas nous comprendre.
Je le sais, mais tu ne le sais pas.
Tu n’es que le spectacle de mon risque.
Et je ne suis pas loin de te haïr.
Mais je ne chuterai pas aussi bas !
S’il m’arrive de me prendre les pieds
Sur le seuil de ta maison rêvée,
Ce n’est pas pour frapper à ta porte
Ni essayer ma clé dans ta serrure…
Je passais et je me suis arrêté
Plus par myopie que par curiosité.
Je ne te hais pas à ce point !
… si jamais je t’ai haï, ce dont je doute.
Bien sûr le paysage, les ciels, les arcs,
Le système des couleurs et des formes,
Ce vent qui arrive de Nantucket
Ou de n’importe quelle autre aventure
Hors du commun… toutes ces beautés
Que rien ne cache, ces pages d’horizon.
Je ne t’invite pas à partager mes points de fuite.
Je suis le vent et je ne donne rien
Qui ne soit pas purement parodique.
Tu n’auras pas l’arcane et le bas de ma laine.
Rien sur mes hivers d’angoisse
Ni rien de mes étés.
J’emporterai le printemps avec moi
Et tu ne sauras rien de mon terrible automne.
J’ai perdu à jamais mon double et la raison.
Il n’y a pas de place autour de ma maison,
Rien de si théâtral pour que tu t’en étonnes.
Fantôme de vent… ou lémure du vent.
Qui n’a pas sa fenêtre pour se passer de la rime ?
À cet instant je souhaiterai mourir
Sans douleur ni passion,
À peine dans l’angoisse.
Voyons s’il ferait froid dehors.
Il n’y a rien de plus poétique que l’absence.
« Surtout que celle-là est définitive. »
Finirez-vous par vous entendre ?
Quelle importance si je ne vous écoute pas ?
Et si je vous entends, où est la poésie ?
Mauvaise question car elle n’est pas localisable.
Elle est ce qu’elle est ou ce que je ne veux pas.
« Ce qui revient au même. »
Encore un article dans le journal,
Histoire de revenir sur les lieux
Sans la télévision ni surtout
Ses commentaires contradictoires.
Je ne supporte pas qu’on se contredise !
Mais c’est toujours anything alors…
Il doit y avoir un peu de vrai là-dessous.
Journal quand tu me tiens !
Arrachez n’importe quelle écaille.
Elle est la poésie même,
Mais à quelles conditions
Qui échappent au désir
De se contenter
De la gamme de prix
Qui définit le gogo socialement ?
Tu es la définition de ta définition.
À la hauteur des yeux de tes enfants
Le sucre qui les tuera un jour ou l’autre.
Les moyens de transport
Tuent plus que les guerres.
Nous n’avons pas encore inventé
L’analyse qui ne soit pas logique.
Zappeurs de livres, visitez l’Enfer.
Pourquoi ici, pourquoi en France ?
Hasard des migrations familiales
(« La terre est à tout le monde »)
Avec la part nécessaire de la souche.
La poésie est une impasse
Aux lointaines fenêtres.
Ô que la douleur t’achève
À même le fossé
De tes déambulations.
Impasse bordée de putes
Et de tous autres commerces.
La nuit ressemble au jour
Et le jour à d’autres nuits
Plus lointaines encore.
« Est-ce que tout ceci aurait un sens ?
¡ No me digas ! Un sens alors
Que je n’en ai pas moi-même ? »
Tourné sans pouvoir se retourner.
De l’écran bavard et sommaire
Au vent que les livres appellent
De leurs vœux. Anything.
Anything. Personne n’y croit.
Le plumitif aime la langue
Plus que la poésie.
D’ailleurs elle ne la lui inspire pas.
La langue n’inspire pas la poésie.
Rien n’est moins poétique
Qu’un monument aux morts.
Avançant toujours dans le même sens
(du journal au poème
Ou du poème au roman)
Il ne rencontre personne
Et s’il en croise
Il se félicite d’être à pied
Et d’être aussi capable de désigner
Le champ qui s’offre au regard
(comme chacun peut le constater)
Traversant le champ
Qu’il n’emprunte que pour
Ne pas avoir à expliquer
Pourquoi il ne roule pas,
Il recommence à aimer la poésie
Et se fie au clocher d’une église
Pour retrouver son chemin,
Le sien, pas celui de ces morts
Que la vie n’a pas encore quittés.
« Voulez-vous rencontrer l’être
Qui convient à votre propre existence… ?
— … ?
— Appelez-le de vos vœux ! »
Bien sûr il y a le vent
Par-dessus les champs
Qu’on vient de labourer.
La motte de terre peut-être gelée
Et le ruisseau qui bégaie dans les racines.
Les pieds humides et douloureux.
Les mains dans les poches.
Quelle myopie cette ode !
Faut voir ça pour y croire !
La première rue sent le mortier de ses murs.
Je suis souvent passé par là.
En fuite toujours,
Fuyant le badaud des vitrines
Et la race des plieurs de joncs.
Où habites-tu maintenant ?
Le chien n’a rien pu faire…
Ce qui est perdu
Ne se retrouvera jamais.
Passons notre chemin.
Derrière la vitre nue,
Un écran distille les discours.
Tel quel, la poésie n’en fait rien.
La pratique du cut-up, peut-être…
« Sans la rime je suis perdu !
Je ne chante plus ! Je ne trouve plus !
Tout mais quoi dans le Grand Tout ? »
Le chien suit son homme.
Il n’y a pas d’homme sans un chien
Sur sa trace, humant Dieu sait quoi.
Ou il n’en sait rien et il n’existe plus,
Ô mort que le voyage éternise !
Depuis quelque temps…
En quoi consiste l’honneur
Si on est poète ? Anything.
Fierté de l’un et considération des autres.
Mais quelle morale s’en charge ?
Quelle est donc cette morale
Qui autorise la fierté du sujet
Et vante les mérites
De la pratique de la considération ?
… good material for poetry… ?
Tu écrirais quoi à propos du soldat inconnu ?
Blague à part…
Le material n’est pas un os.
Le material est fait de mots.
Sans les mots, pas de poésie.
Quelle tautologie ! Quelle ode !
Comment expliquer ça à un gogo
Qui rêve de vacances
Dans un paradis hôtelier ?
Et pourquoi donc lui expliquer ?
Est-ce qu’on t’a expliqué ?
Te souviens-tu de cette enfance ?
Tu ferais bien d’y repenser.
Ses mots. Ses pensées.
Les mots des choses et des faits.
Les mots en usage à l’époque
Et les mots qui te viennent à l’esprit maintenant ?
Les mots qui changent le dictionnaire.
Dans quelle ville ? Quelle campagne ?
Comment sous la Lune ?
Pourquoi avec le Soleil ?
Et ces poissons qui remontaient l’embouchure
Du fleuve Bidasoa ?
Ta seule république inventée par Pío.
Ses flics, ses prêtres, ses mouches.
Au cœur d’un anarchisme bien en phase
Avec la réalité de l’homme déjà mort.
Ah ! comme je les sens bien
Ces Analectics Songs !
Et comme elles s’éloignent de moi
Ou me tuent à petit feu !
J’ai besoin de cette poésie
Comme le gogo envie ses plages
Et ses lits bordés par des putes !
Constitution de la société
Parmi les sociétés
Qui constituent le monde
Et le construisent peut-être
(Qui sait ?)
…
Reconnaissance de la mort
Comme limite de la pensée :
Ne pas aller plus loin
(Ce ne serait pas une aventure :
Bien sûr le vent sent la voilure)
Et après… ? Après les jours et les nuits…
Les autres ont le pouvoir
De penser de toi
Ce qu’ils veulent en penser.
Tu es et tu possèdes.
Tu ne seras rien d’autre à leurs yeux,
Surtout s’ils ne te comprennent pas.
Travaux d’approche de leurs cabanes
Tendues de toile bleue comme le ciel
Dans le journal où tu te changes
En citoyen ordinaire : venu d’ailleurs.
Quelle politique pour servir de terre à labourer ?
Je comprends la dispute
Entre l’amateur de football
Et le féru de rugby
Entre le client de l’hôtel
Et le convive de pierre
Etc.
Mais ici ? L’un voulant mieux vivre de son travail
(au détriment du pauvre sans travail
qu’il entraîne dans son sillage)
et toi sur la crête des mots
material / anything
Qui veut vaincre l’autre ?
C’est la question.
Quelle violence exercer
Sur cet amateur de profits ?
Quelle révolution poétique
Opposer à son libéralisme
Larvé ou identitaire ?
Non mais tu te rends compte
De la démesure en perspective ?
Étranger tu es et étranger tu resteras.
Non pas par indifférence ou égoïsme,
Mais parce que la poésie t’éloigne de ces apparences.
Poésie langage intermédiaire
Entre ces mêmes apparences
Et ce qui appartient au rêve,
Aux antipodes de la réalité.
Quelle ode cette ode
Qui n’en est pas une !
Que de rimes dans ce poème
Qui se passe de rimes !
Anything ! Cualquier cosa !
N’importe quoi et non pas tout
Ô traducteur en forme de dieu…
Ça ça et ça encore ! Ici et là !
Aujourd’hui ce soir dans la minute !
Rien n’aura lieu sans cette possibilité
De machine à écrire à l’intérieur.
Et dehors le ciel bleu ou gris
Ciel des paradis voyageurs
Ou des orages sur la maison
Où tout ceci a pris naissance
Moi aussi je hais vos métiers.
Comment ne pas haïr ce qui tue
La poésie dans l’œuf ? Je sais trop
Ce que vaut l’instinct mécanique
Étant moi-même plus ingénieux
Qu’aventurier. Hidalgo dingue
Sans cette terre qui signifie quelque chose,
Sans vous je ne suis rien qu’un vagabond.
Et sans moi vous n’avez plus aucun sens.
Nourrissez-moi de vos travaux d’usine !
Mes papiers valent bien vos dictats.
Ce que je fous ici je le sais mieux que vous.
Un chien ne vaut pas qu’on perde au jeu.
Quelle misère sans la haine ni le sang !
Quel poète aujourd’hui peut construire
Le discours de ses égarements
Sans y laisser la peau de son seul poème ?
Un chien sans pipeau au cul pour épater la foule.
Vous n’aurez pas le chiasme et la gaussienne !
Façon bébé à sa maman républicaine.
Vous n’aurez rien à vous mettre sous la dent
Si vous n’avez pas la passion de la morsure
Ô chiens d’enfer à la place de l’ami Pierrot !
Écrivez pour empêcher les autres d’écrire.
Un parano m’accusa de l’en empêcher…
Faut-il rire ou en pleurer ? Faut-il y croire ?
C’est l’enfant qui ruine l’existence de l’homme.
Bien sûr la vie à la campagne
Le charme des usines
Au large des routes
L’alignement des vitrines
Les plages d’or et leurs sirènes
Et l’espace tellement infini
Histoire de ne pas en revenir
Il faudrait arrêter
Non pas le temps
Mais l’instant
Chronique du bien
À tous les étages
De la vie en commun
Ne pas perdre le temps
En chemin
Poussons la chansonnette mais pas ensemble.
Vous n’aurez pas le temps ni la manière.
Dehors il ne fait pas si froid que ça.
Jamais vu une vitrine geler à ce point.
Un paillasson commercial sans les pieds.
Laissez venir à moi les petits sans leurs jouets.
Aux extrêmes de l’échiquier représentatif
De l’humaine conception du divin
La haine de la poésie est un fait.
Mais moi j’ai mon bison séminole.
Je ne crains pas Buffalo Bill. Anything.
Peut-être en passant mais à pied
Ou à la rigueur en bicyclette.
Je n’ai jamais tué personne.
Mon chien le sait. Nous retournerons
Ensemble sur nos pas pour vérifier
L’authenticité de l’anecdote. Anything.
Le même monde et la nécessité
De nourrir et de tenir à distance
Le nombre croissant des créatures
Qui peuvent servir à quelque chose.
Fusées des langues dans la géométrie.
Si quelque chose veut dire quelque chose
Alors pourquoi pas tuer son prochain
Par pur désir ? Au carrefour menaçant
D’écraser sous les roues la militante
Aux cheveux gris reflets de bleu.
L’os n’a pas d’autres significations.
Patine des cuivres et transparence
Approximative des vitres interposées.
Description / instruction / ce naguère
Que nous évoquions en critiquant
Arguments à l’appui de nos dires
Le goût des voyages organisés
Ou en tout cas entrepris en terres
Connues pour leur innocuité.
La toile bleu soulevée par la tramontane.
La flamme d’un réchaud qui s’éteint
Et Pierrot qui rejoue l’allumage
Rituel de celle qui sous l’Arc
N’a jamais éclairé la nuit parisienne.
La flaque bleue du dos d’un gendarme.
Une paumée de la séparation s’en prend
Aux nasillements du président en marche.
Autant d’images qui perdront leur sens
Le moment venu de les oublier en vrac.
Haine des métiers même de ceux
Qui nourrissent la pratique de la page
Et de ses agglutinats. « N’importe quoi
Fera l’affaire, man ! » Ou comment
Inspirer la haine aux peuples qui
Ne trouvent pas le duende.
Après bien des idéogrammes.
Signes minimaux des écrans
Où l’agitation et les bavardages
Du candidat à l’Histoire nationale
Perdent leur sens et leurs poisons.
L’enfer n’est pas à la mode des saisons.
Quelle page en échange d’une Constitution ?
La voluminis ne se vend plus aussi bien
Que naguère. Et l’homme qui parlait ainsi
A laissé sur place une impression de haine
Sans qu’on sache pourtant de quoi il parlait
Exactement (vécu sur un rond-point sous la
Bâche bleue des palettes et le fumet espagnol
D’une omelette) Ceci ou cela sans choix
Ni préférence. Le poème traversera la rue
À ses risques et périls. Le parlement
A toujours l’air d’une église. Cet homme
Venu de nulle part. Le liber n’étonnera
Plus personne. Fusées des langues
Alors que la tramontane rougissait les visages
Crispés par les contenus tweetés. Anything.
A fashionable grocery list. Ou autre chose.
Vous choisirez ou pas. Selon saint Frusquin.
Saint Glinglin ou sainte Nitouche. Au choix.
Ou au hasard. La route étant tracée depuis
Longtemps, vous ne risquez pas de vous perdre :
Ça parle aux sens. Et vous n’en manquez pas
Ô yourself ! Pas de voyage sans retour ici.
Vous emportez qui vous voulez : femme,
Homme, enfant, chien d’enfer ou de paradis
Le billet s’extrait de la machine à l’imprimer.
Quelle ode ! Quelle poésie ô troubadour !
Et toi trouvère en Île-de-France ? Marie
Roget dans les copies d’écran de l’époque.
Ce diable d’homme a tout changé. Ici !
Je n’en demande pas tant, cholera !
Arman infligeant de justes corrections
Aux erreurs de passage. « Quel est
L’antonyme de anything dans votre putain
De langue ! » Ce n’est pas rien… La question
Reste posée. Tribunal des traductions en cours.
La clarté ? Je dis ça comme ça… Le marin
À la pipe toujours chaude. Un coutelas
Bien aiguisé. Pour ne pas tuer son hôte ?
Quel aède ! Ou rhapsode peut-être…
S’il n’y a pas de chemin où va-t-on… ?
Et si c’est un chemin même question.
Item, mes chausses au maire de mon village.
Avec chaussettes et chaudement, tout.
L’odeur des pieds colle de Chine /
Pourquoi Rimbaud raisonne-t-il l’été ?
J’ai rencontré (sur la route) le frais cresson
Tignasse des pauvres sous le béret.
Camerone en marge « Mais enfin !
Que voulez-vous dire ? » Par là
Ou autrement. Les choses qu’on ne
Possèdera pas. Cette tranquillité
De luxe. Les corps qui n’attendent plus
Au moins pendant ce temps. Il me dit
« Ma tête me tourne… » Le « me »
Typique de ces constructions locales
À même le Verbe tant cité ici. Anything.
Anything veut dire je t’aime / pas toujours
Je veux dire pas tout le temps / toi
Ou un(e) autre — à même cette terre
Qui appartient à tout le monde / volée
Par les « patriotes » dont le seul tombeau
Est celui d’un inconnu qui n’aimait pas la guerre
(Ne dites pas le contraire j’ai ouvert
Cette tombe dans la nuit parisienne
Et on a eu une discussion « franche »
Comme deux hommes politiques Duprey
Se livrant à ce qui ne peut plus être considéré
Comme folie / passagère ou autrement /
L’esprit a besoin des marges schizophréniques.
Sans l’outil paranoïaque il n’est plus rien.
Mais la connerie, Barbara ? As-tu songé
(avec moi) femme qu’on prend pour un homme
À l’impact de la connerie sur l’état des sciences
Et de la philosophie ? Sans la mathématique
Mais avec art / Destruction de tout le passé
Par intoxication collective. Dehors le ciel est gris
Aujourd’hui « Bois de chauffage pour les pauvres »
Vous n’aurez rien de ce que je laisse aux autres.
Dit le clodo qui a vécu le combat comme une guerre.
Poison dans l’air du temps. L’idée même d’humanisme
Est morte sur le seuil avant d’entrer en jeu. « Dieu
Le sait. » Moi je ne sais rien que tu ne sais pas toi-même.
Voyez un peu le moraliste / ses caractères tracés
Dans une idée de la langue qui ne sera jamais
Celle de tout le monde. Visiter les poubelles
Est encore une occupation digne d’un poète.
L’arrogant fait la moue / trobar / morgar /
Et le rossignol s’envoie en l’air dans ses branches.
Doigts légers d’une fille « qui n’a pas l’âge
Selon nos critères modernes » Pourtant la caresse
Retrouve le même langage / « je vous emmerde ! »
Mon chien ne suit plus. Ce que j’ai perdu non plus.
Je n’ai même plus le goût de la crasse. Chose.
Cosa cualquiera. Ramasseur de comètes après
Les festins. Vous n’aurez rien de moi. Rientout.
On ne passe pas d’une langue à l’autre sans
En payer le prix. Mais avez-vous payé ? JE.
Rientout. On en « ramasse à la pelle » ici.
Quel riche pays ! Celui qu’on fuit. Investir
Oui mais ailleurs. Ou les piscines inspirent
Les joies de la noyade. Mais l’esprit colonial
N’est plus ce qu’il était, n’est-ce pas, Tutur ?
Crapaud des rives. Une femme-pont enjambe
Cette eau que tu ne saurais boire même si
L’occasion t’en était donnée. Pourquoi
Cet attachement à l’accord du participe passé
Avec avoir ? Être… bon. Mais avoir… ?
Vous n’aurez pas ce qui nous appartient !
On l’a assez cher payé. Des générations.
Des morts. Une colonne à Paris. Que de noms
Gravés dans la mémoire ! Sans visages, sans rien.
Conneries de politiciens et de crasseux du tympan.
Mes graffiti. Je n’aime pas les murs. Perpendiculaires
Des trottoirs empruntés pour sortir de là !
Une fenêtre plus ouverte que les autres.
Ses pots de fleurs et de plantes grasses.
Le rideau crocheté. Et ce visage qui
N’en est plus un / rapiécé / qui se veut
Aimable ou importuné / selon la fenêtre
Que le trottoir propose à l’esprit en quête
De quelque chose qui ne soit pas propriété.
Dire que dans ce pays on est patron de soi-même,
De sa propre image et de ce que les autres en font…
Vous n’aurez pas mon bison séminole, Rientout !
J’ai beaucoup voyagé pour le trouver enfin.
Contrée caressée par les eaux. Des voilures de vent.
Promesse d’un bon moment à passer avec la marine.
J’ai jeté ma ligne dans ces vagues jaunes comme vos gilets.
Éjaculation tonitruante. Ça, je le donne aux enfants
Que je n’ai pas été faute de connaissance de la douleur.
Crissement des bois contre le parapet.
Ta jambe effleurant les jambes au marché.
Nu sous le blanc de l’uniforme tropical.
Cheveux crépus de la vérité. Cueillie.
Jetez vos notes et ne coupez pas. Ne pliez pas.
Ne hiérarchisez pas. Laissez le vent agir.
Rossignol des chants d’été. Piaillements.
N’écoutez pas les présidents surtout s’ils sont élus.
Que le hasard nous guide et lui seul !
La nuit c’est fait (par qui ?) pour dormir.
« On a deux oreilles pour ça ! » Au matin
Frais et titillant l’esprit la queue en l’air
Ou pissant le sang Voici l’être et l’avoir !
Ne laissez pas le haïku troubler le contenu de votre verre !
« Il faudrait vivre sans autres contraintes… »
Laissez les autres vous alimenter du nécessaire.
Le conseil était tombé dans l’oreille d’un sourd.
Je n’avais pas « l’âge ». Je n’aime pas l’humanité
À ce point ! Le migrant n’a pas d’autre projet
Que de se sédentariser. La terre est à lui
Plus qu’au patriote qui n’invoque que la force
Constitutive de son contrat social. Comment
Être (devenir) juste dans ces conditions ? JE.
Personne ne ment aussi bien qu’un élu /
Élu par ceux qui mentent aussi bien que lui.
Le clavier universel sur les genoux et l’écran
En face de soi / le dos bien calé dans le coussin /
Qu’est-ce que c’est que ces promenades dans la campagne ?
Pendant que maman et la frangine se cassent le dos
À retourner herbe et terre pour nourrir la famille.
Un faune tout nu traverse le musée des révoltes.
Là, maintenant, sans dictionnaire et sans ministère !
Arcbouté dans le fauteuil ancien. Toute la boue
D’une existence qui s’achève sans reconnaissance
Officielle. Commerce foutu d’avance. Tu n’amuses
Personne. Tu vieillis comme les armoires. La laine
Te tient chaud à défaut de bois. Dehors bien sûr
Le ciel le bleu le gris les merles géométriques Que
Veux-tu dire par là ? J’aimerais tellement te comprendre /
Te répondre / t’aimer comme je m’aime / les clochers
Des églises voisines comme astrolabe / pérou
Des vieux. L’or n’a pas peuplé ton imagination.
Quelle est cette ville que je ne connais pas ?
On s’y comporte comme dans toutes les villes.
Où est le rythme de leurs pas ? Caminante !
J’aimerais tant savoir de quoi tu parles…
Clochers de saint Glinglin ou de saint Frusquin.
Les saints et les seins. Assomptions et ascensions.
Tout ce qui monte redescendra un jour. Gravité.
Les visages devant la mort. Portrait de l’humain.
Et les champs couverts de verglas en mottes.
Alouettes des miroirs. Au passage tu salues
Et on te reconnaît. Café des guéridons et des chaises.
Mais qu’est-ce que c’est que cette réalité de cinéma ?
Item la lessive que je n’ai jamais faite / son eau
Blanche comme le lait qui coule des lavoirs.
Il n’y a pas d’autre écriture. Je le sais
Depuis si longtemps que je n’ai pas d’autre enfant
À nourrir de mon travail. J’aime ce qui s’approche
De rien et ne crois pas qu’il existe un tout.
Quelle douce anarchie que celle de la paresse !
Loin des ministères et des conseils d’administration.
Peut-être à fleur des vitrines mais sans jalousie.
Un beau corps refleurit ces déserts. Le sais-tu ?
Allées et venues comme odyssée villageoise. Ceci.
Rencontres diverses de bavards qui ne croient pas
Un mot de ce qu’ils se racontent sous le patronage
Des gouvernements. Engeance type à insérer
Au cœur du Poème. Euréka ! Les culs
Qu’on ne sodomisera pas. « Et j’en passe ! »
Jiggs devant la vitrine. L’accessoire. Aux pieds.
« Peut-être ne les chaussera-t-il jamais. Je dis
Ça comme ça… » L’écart (grand) entre l’expression
Et ce que ce type pense : juste. Encore une manière
De se sérialiser. Ne pas suivre. Crier de joie chaque fois
Qu’un flic tombe le nez par terre. Je donne mon sang
Au député de ma circonscription. Relique en tube.
À usage interne. « Il n’en soufflera mot. » Sortant
Dans cette rue que je connais bien : ces passants
Que je connais trop. Au passage un ou deux.
Pas plus. Écrasés comme punaises sur la page.
« Je n’en connais même pas le champ… » La
Marseillaise vomie dans la rigole où s’époumone
Un poivrot libertaire. Grand-écart du héros
Fonctionnarisé. À la fenêtre ce visage rapiécé.
Moi dans x années = je suis déjà mort / ici
« Nous connaîtrons enfin une poésie
Sans musique et sans peinture
Nous aurons la besace et l’animal sauf
Ce bison séminole ramené avec d’autres
Bagages.
Sans musique et sans peinture
Le cigare au bec et le paradiso au cul »
Vous reviendrez de la guerre sans trophées.
Les uns marcheront devant et les autres
Derrière comme des chiens d’enfer / ici
Ne pas poursuivre les idées dans le champ
Du possible. Anything conçu comme ceci
Ou cela : impossible choix rendu impossible
Par la seule hésitation : les nerfs à bout.
Pas de poésie dans le poème. Déblais
Même si le ciel vaut le coup d’être vécu.
Laissez aller votre regard-cerveau sur la page.
Le champ annoté jusqu’à l’illisible. Crasse
Des tympans. Usure des choses au contact
Des foules endimanchées. Ces signes
Dans les ciels des cartes postales. Voyage
Interrompu par une mauvaise nouvelle.
L’être humain n’existe que par comparaison.
« Qu’est-ce que je fous ici ? » répétait-il.
Pourquoi cette machine à écrire / ici ?
Les doigts de fées de la main de Fatima.
Le jeu de poker des cartes postales /
Moi ? Difficile à déchiffrer ? Vous rigolez !
Je me fond dans la foule et dans ses idées.
Je ne suis personne en particulier et
J’emmerde celui ou celle qui accepte
D’être élu / mon chien commençait
À donner des signes de colère / ici
Avec cette poésie de la chose familière.
J’ai toujours connu ça : l’habitude / ici
J’ai mis en vente mon bison séminole.
L’Oklahoma est ma terre. J’en vends aussi.
Je récupère les pots bonne maman
Avec couvercle svp et sans étiquette
Ni traces de colle / je déteste ces traces
Si difficiles à enlever / veuillez patienter
Pendant la criée ô mes frères / patienter…
Ah ! les joliesses de ces vers nouveaux !
On en reprend chaque fois. On y trouve
Déjà cet anything qui parle tant aux poètes
En mal d’inspiration ou d’écriture / choix
Toujours à la mode / la pensée en coulures
Denses sous les couvercles de l’automne.
La risette des élus à l’enfant qui bégaie.
« Je ne fais que passer. Poussez-vous ! »
Nous aurons des vers jusque dans les trous !
Graphomanies des absences. Toute la cité
En feu. Commerces vitrés et affiches numériques.
Quelle ballade ! Quelle féerie aux carrefours !
L’enfant écrasé par erreur ou par malchance
Ne crie plus. Tant mieux ! On en avait marre
De l’entendre. Oh ! comme il a changé, Bob !
Merveilleux de ces attentes pourtant ordinaires.
La trace d’enfant s’efface avec le temps.
On n’y revient jamais même en pépère.
Des lunes qu’on ne s’était plus adressé la parole.
Et pourtant on se connaît bien. Banalité
Ou anything. Je n’ai pas encore choisi.
« Vous n’aurez jamais le temps de les sodomiser tous… »
Le temps, non. Mais le rêve ? Songez au rêve,
Mes belles amoureuses. Trompeuses enfants
De la conservation de l’espèce. Maintenant
Que nous en savons un peu plus sur l’Évolution.
Ce que l’Histoire fait subir à la Connaissance.
Une île au beau milieu de la rivière. Oiseaux
Des monuments. Les noms qui s’étagent
Selon les dates clés de cette autre évolution.
Un bison séminole se foutait de la gueule
De la statue au grand dam des sectateurs
Velus. Vercingétorix humilié par le Romain.
Puis salement assassiné dans son oubliette.
Je ne serais jamais là au bon moment.
Je vis devant ma télé. Je zappe. Je m’instruis.
J’ai mon idée. Et c’est la vôtre. Battre / ici
L’autre agitait un drapeau orange-noir-vert.
Il est passé à la télé. Ça aurait pu être moi.
Elle a voulu mourir d’angoisse dans un puits
Assez étroit pour rendre difficile voire impossible
Le sauvetage de sa sale peau de sycophante.
Ne parlez jamais en présence de vos partisans.
Dites autre chose. Et faites-vous élire. Le bison
Séminole arrivait en camionnette. Le lieu saint
Du sacrifice était fin prêt. Vous n’aurez pas, disais-je,
Les territoires de mes racines. Et le puits, ignoble,
S’est refermé alors que le pompier-médecin
Venait d’empoigner sa douce main d’argile.
Je remonte toujours sans cette main, Christ
Et Vierge à la fois. D’en haut, le trou n’est pas
Un trou : ce n’est rien qu’un champ à ruminants.
Ô nuage des rêveurs d’oubliette ! La nuit est noire
Autant dire sans étoiles et les draps sont si anciens
Qu’il est inutile de songer à les nouer / farce
Rejouée devant un public de rebelles salariés.
Entre la chansonnette poussée comme dans un berceau
Et ces photographies du souterrain évolutif et noir
La main ne passe pas ni le cœur pas même une idée
La bibliothèque universelle sera biotique
Ou ne sera pas / j’en sais quelque chose !
Laissez-les venir / ma semence aime les culs
CHANSON POUR BILITIS
Entre le moule définitif
Et la coulée en fusion
Il ne se passe rien
Que l’attente de l’ouvrier
Je suis cette machine / écrivant
Pour suivre le fil et non pas
Déroulant la bobine
Au hasard du festin
Ou de l’odyssée / selon
Ah ! qu’est-ce que j’ai aimé
Croquer vos os charmants
Sans briser la vitre / toutefois
Du reliquaire familial
Rien n’est plus facile
Que l’amour sans l’amour
Que la haine sans la haine
Que le poème sans poésie
Je reviendrai vous hanter
Dans la chambre vous aimer
Le soir après l’heure
Du couvre-feu
(blanca)
Le chien semblait (était) séduit par toute cette poésie.
Ces esprits convaincus. Où est la sincérité
Du débat télévisé ? « Je vais faire un tour
Avec les copains : signifiant : tu m’emmerdes ! »
En plan la gamine encore pas bien épousée.
Le mioche au nez gluant comme la bouffe
Qu’il ingurgite « entre latrines et… » / ici
Item trois bocaux contenant les déchets
De trois opérations subies à l’hôpital.
Carabas en fera ce qu’il voudra en faire.
Je ne serais plus là (par sainte définition)
Pour le critiquer. Il sait ce que j’en pense.
Item mon paletot des jours de tristesse.
Les boutons (de la corne véritable)
Iront à mon épouse qui en fera
Ce qu’elle voudra. Mais que pourrait-elle
En faire sinon tenter d’en négocier le prix
Avec Carabas qui est mauvais en affaires ?
Item le langage contenu dans une des poches.
Il ira au passant qui le premier foutra le feu
Au reste de mes biens. Par décret d’en haut.
Pas autrement. Sinon je redescends, Christ ou Vierge,
Et je règle son compte à ce beau couple.
Je possède tellement depuis que je suis !
Qu’on me permette d’en rêver au lieu
D’aller travailler au service de la société.
Quelle belle matinée ! La dernière… ici.
Après Charybde ou Scylla (je ne sais plus)
J’ai fait un somme sur le trottoir / ici
Seul dans mon paletot avec dans la poche
Un langage bien à moi / incompréhensible
S’il ne m’appartient plus / que cela soit clair !
Quel moment ! Quel beau cauchemar en ode !
Et je n’en suis pas mort. La terre est dure
À la nudité. Mais je n’étais pas nu car
Je dormais tout habillé / ou / je dormais
(je ne sais plus) (je fais tellement de choses)
(je les fais en même temps) (et je m’y perds)
(voulez-vous me suivre ?) l’été c’est l’automne
Et l’automne c’est le printemps / j’enjambe
Toujours l’hiver à la fin de la strophe /
Chaque fois que ça veut dire quelque chose
Je prends la poudre d’escampette. Au large
Moussaillon ! Sus à la baleine ! Je me nomme !
Ces discours de pot-au-feu n’entrent pas
Dans ma poche. L’aventure a sa science
Et ses observations. Le travail n’a rien à voir
Avec la poésie. La poésie n’est pas le fruit
D’un travail. Pourquoi dire ce qui n’est pas dit ?
Je fous ici ce que j’y fous. Travaillez pour moi.
Nourrissez-moi. Entretenez ma saine activité.
Baignez-moi dans vos baignoires. Montrez-moi
Vos cuisses ô phénomérides ! Crevez déjà morts
Dans vos démocraties, vos corporations, vos lois !
Et laissez-moi vivre dans les marges de la société
Qui est tout ce que je sais de l’humanité.
N’est-ce pas, mon chien ? Dire ô dire
Qu’elle n’est plus là ou qu’elle n’est
Nulle part ! Toi et moi sur le chemin,
Caminantes, surtout moi, car tu n’es
Que ce que je ne suis pas : charmé
D’entendre de si justes propos.
XXe / la Rhétorique et la Pléiade
En collections éditoriales
À la place de la Poésie
Savantes émulations / et sincères !
Pound et Williams retrouvés !
La Tradition revient / la modernité
S’éloigne / s’éloigne / s’éloigne
Ô princes qui fréquentez les princes !
Que de poésie dans le Poème !
Oh que le Poème manque de Poète !
Didakticos de droite et de gauche.
Période de gelée blanche
Ô rayonnement nocturne
De la Connaissance / Moralistes
De la Forme / Sur le Noël, morte saison,
Que les loups se vivent du vent,
Et qu’on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison
Qui dit mieux dit TSE / pauvre poésie
Des municipalités et des facultés !
Que vienne la seule démocratie !
N’en déplaise à l’ami Baudelaire
Qui s’inventa une terrible histoire
Pour retrouver le sens de la poésie
Sans en venir aux mains universitaires
Ni aux pieds des parasites électoraux.
Et ainsi de suite / sachant que toutes ces collections
N’appartiennent qu’au Dépôt / que l’historien
En nourrira les marges de sa propre invention
/ Si Dieu le veut / ou tout autre pirate
Du Mérite et de l’Honneur / on ne fabrique pas
La poésie avec les moyens de la poésie /
Voilà ce que je sais / et tous ces livres
Que j’ai lus pour ne pas les lire /
Toute cette « profondeur » littorale
De coquillages vides et d’algues mortes /
J’observais d’autres nageurs / plongeurs
Benthiques / artistes sûrs / loin des châteaux
Des princes de l’édition vassaux des clubs
Sur le rocher assis tu contempleras
Le rivage touristique et national
Tandis que les attroupements
Tourneront les pages de sable
Et d’écume / si nous parlions d’amour ?
Rien n’est plus beau qu’un défaut de versification
Maintenant je sais où est la beauté
Non pas dans la désobéissance
Mais dans l’erreur inévitable /
Quelle différence d’avec
L’imposture post-moderne !
Quelle ode ! Quel aède ! Quel cul
Dont personne ne possèdera la merde
Au bout de sa queue ni de son index !
Je l’ai toujours su / cabane dans l’arbre
Que détruisit l’entreprise chargée
De la construction du nouvel ensemble
Immobilier à vocation touristique
Ligne droite des points qu’on aligne
Pour ne pas s’attirer des ennuis
Et quand je dis ennui je dis douleur
Sans alchimie ni personnage emprunté
À la chronique la mieux partagée /
Bon sens ne saurait mentir / déclin
De tout ce qui n’est pas inventé /
Chaque matin je mets le nez dehors
Pour « trouver du nouveau » mais
Tu as toujours le nez au milieu de la tronche !
L’existence est le seul poème
/ dommage qu’on ne connaisse pas
Le moyen d’en traduire la quotidienneté
Sans être forcé d’en faire le roman /
Si je t’aimais comme tu mens
Je serais ton seul assassin
Voyez comme la plage noircit
De loin ce n’est plus le rivage
Qui s’impose au regard
Mais à force de ciel
L’invention de la seule comète
Chacun peut se croire
Poète de sa propre poésie /
Ô la belle définition de la démocratie !
Mais si j’en crois le vent
Il ne s’agit pas de gouverner
Mais de ne pas se laisser faire
Soulignement d’une manière ou d’une autre.
À l’écrit comme à l’oral. Ce vent qui nourrit
Malgré les trompettes de la saison.
Ce qui reste se reforme sans cesse.
L’intermédiaire est élu. Trahisons en vue.
Vous apprendrez à vous fier à anything.
Mais avec talent. Sinon vos besognes
Éditoriales et ministérielles finiront
Dans les myosotis. Avec votre nom.
Italiques ou modulations particulières de la voix.
Reconnaissance de ces terrains inaccessibles
Autrement. Drone survolant les limites sans
En franchir les dents de scie. Revenir avec
Toutes sortes de métaphores historiques
Et même nouvelles. Des charretées de tropes.
Vous m’en direz des nouvelles ! Bien sûr le ciel
Les ciels d’autres ciels et cette couleur qui est ciel
Celle de la profondeur. Des plongeurs heureux
De remonter avec des coquillages comestibles.
Ce ne sont pas les charmes de l’ivresse. L’ivresse
Est aussi utile que l’art et même lui ressemble.
Chaque matin l’hiver comme l’été se souvenant
De l’endroit où on a enterré son angoisse.
Seule une mort inopinée t’en délivrera.
Rôdant autour de ce lieu nécessairement construit
À un moment ou à un autre de l’existence.
Je hais vos revendications de parasites du pouvoir.
En attendant tu ne creuses pas la question.
Cette terre a de la patine maintenant.
Donne-lui la versification de sa langue.
Ou retrouve-toi dans un autre pays
Ô voyageur qui ne voyage pas si loin !
Hébétement garanti dès l’entrée en matière.
Des vieux assis. Ils ne meurent pas de faim.
Pas même eu besoin de déterrer une angoisse
Qu’ils n’ont pas enfouie sous terre faute de sens.
L’égoïsme des jaloux et des hypocrites.
Avec pour seuls prétextes des enfants et la patrie.
Chacun se croit magistrat, mais seuls les élus
(fonctionnaires et édiles) le sont aux yeux de tous.
Ce regard finalement porté sur les autres.
Moi, ici, et tant que j’y suis,
Je ne suis pas difficile à déchiffrer
Je porte ma solution en exergue.
Comme qui s’en irait nu acheter
La nourriture de sa journée
Avec les sous de sa descendance.
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Vous voulez dire « tuer » ?
Je n’ai jamais tué personne
Pas même blessé (cœur à part)
Mais je veux bien essayer
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Mon voisin a des dents d’or
J’ai moi-même de vieux souvenirs
À revendre avec leurs cadres
Au fond du puits j’irai baigner !
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Misez plutôt sur la poésie
Que tout être sachant dire
Peut donner à qui le cherche
Ô le joli quatrain pacifiste !
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Quel bon moment que le moment !
Tout le monde n’a pas le moment
J’ai hérité la belle impatience
Du dormeur qui se réveille enfin
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Ma voisine a des grâces d’aurore
Je gratte le papier tous les matins
Fenêtre ouverte et le balcon
En forme de coquillage vide
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Le carré de gazon et ses chiens
Je reluque l’or de mon voisin
Quand il ouvrira la bouche pour
Me renseigner sur son passé
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Que voulez-vous que je vous dise… ?
Ces voyages avec le retour des bancs
De thon au large de Dakar / je suis
« ravi d’entendre de si justes propos »
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
Le vent et le soleil sur ces éclats
D’une écorce qui est toute ma vie :
Jamais je n’ai autant chanté !
Je ne suis rien si je suis tout.
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
« Ce qui reste d’un métier quand
On a renoncé à l’exercer pour vivre.
Pas même un camarade mort
D’avoir avalé cette saloperie ! »
« Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile »
L’animal tantôt furieux tantôt si proche.
Jamais indifférent au moment de revivre
Les pires moments de cette courte existence.
Restes que les chats reniflent sans y toucher.
« Dites donc… Vous n’êtes pas facile à déchiffrer…
J’en ai lu assez pour en penser quelque chose
Mais pour ce qui est du sens, j’y reviens pas ! »
Ils voulaient foutre Beckett à la poubelle.
Au feu ! précisa l’un d’eux. Tête d’abruti.
Il porte sur lui la « tragédie » de l’imbécillité.
Colosse qui se donne en spectacle bras en croix.
Le sang est factice. Du sirop ou de la confiture.
Une vierge (prétendue telle) secoue sa chevelure
Baignée de soleil et de larmes gouttes de verre
De pacotille. Un gosse exhibe sa boule de cire
Plus grosse que celle des autres gosses. Christ.
Zapping à tous les étages. Mort dans l’ascenseur.
Le bout du cercueil se met à râcler la paroi de béton.
« Quand vous aurez le temps, pensez à ramener
Les fleurs… » Les fleurs… J’y pensais en revenant.
Le même bouquet déposé sur son paillasson
Un an plus tôt. Qu’est-ce qu’on s’est aimé(s) !
Quel mal y-a-t-il à tuer un flic ?
Vivement qu’on robotise la profession !
On numérisera la nôtre qui consiste à…
L’eau du canal. Cette opacité verte.
Dessous, le cadavre est immobile. Impossible
De dire qui c’est. S’il est venu de loin. S’il est
Plutôt d’ici. J’ai pensé à Marie Roget. Journaux.
C’est là-dedans qu’on se retrouvera à la fin.
Ayant élucidé le mystère de notre passage.
Une péniche attendait le signal. L’écluse
Bouillonnant. En attendant. Revenez
Sur vos pas si vous n’attendez pas. Conseil.
L’interruption est le principe même de l’action.
Si vous n’interrompez pas le cours du texte,
(C’est un conseil) le poème prend vie et alors
Oui et alors vous ne saurez rien de la mort.
Interrompez avant d’être interrompu. Loi
Anti sérielle. « Vous êtes sur le point
De devenir un auteur de romans policiers. »
Beau moment que l’intention.
Je suis difficile à déchiffrer.
Naguère mon chien était un chien.
Je ne la nommerai pas, elle !
Une bonne histoire qui a valeur de fable.
Une autre qui servira la Chronique du Bien.
Alternance des choix.
Ce chien ne vous servira à rien
Si vous n’aimez pas la chasse.
Méfiez-vous de votre voisin.
Il y a de l’or dans sa bouche.
Sa langue caressant cet or
Chaque fois qu’il me parle
De son passé. / Ne pas dire Elle mais /
Tête noire d’une mésange dans les branches d’un prunier.
Quelle ode au rossignol qui chante à votre place !
« Manque un doigt à votre main… » dit-il, l’or
Scintillant et sa langue si proche de ce que j’en sais.
Sa femme est un homme et l’homme sa femme.
Il ouvre un livre (à moi) à la bonne page : Mentez
Si vous voulez, mais ne le dites pas avant de mourir !
Rire de la femme. Aux éclats. Mon slip retient
Une érection. « En effet, dis-je, je fus ouvrier et… »
Laissez l’esprit dans les ornières et sautez le ruisseau.
Difficile à déchiffrer : comédie de l’interprétation.
Entre l’impression et le désir (composition) : festin.
Avant le voyage. « Préparez-vous à mourir. »
Par justice. Justice de citoyen et non de philosophe.
« Puis-je… avant… ? » Vous ne saurez jamais
Ce qu’il a vu avant de… Même source au suicide.
Vous en saurez plus sur la maladie. Ses implications.
« Ce que nous avons en commun, c’est la prière… »
Tuez-les par injection de plaisir. Conscience plus tranquille.
Mais le ruisseau de l’aveugle donne contre un mur.
Le petit Lazare éjaculant son rire de pervers littéraire.
« Ne partez pas sans un lazarillo. Vous vous perdriez ! »
Poésie de ce qui vient à l’esprit. N’importe quoi plus
N’importe quoi. Addition mais pas multiplication.
N’importe quoi n’égalant pas n’importe quoi.
Ou alors par hasard. Et alors ce hasard… Quel plaisir !
« Toute cette profondeur… » Nous touchions
A la fin du Voyage. Auteurs de ce voyage.
Ils mirent pied à terre. Terrasse des cafés
Bondées. Bérets de coton des filles légères.
Phénomérides. Combien de temps avons-nous
Passé ensemble ? Quels couples ? Quel
Solitaire ? Un seul à la proue. Lisant
L’illisible pas encore déchiffré. Trop
Contemporain. Sautez le ruisseau
Des vers incompréhensibles. L’ensemble
Ne vous charme-t-il pas ? Cette cohérence !
Les pas qui nous précèdent.
Je suis si facile à dé à déchiffrer.
Le même sang coule dans nos veines.
Il est à vous, ce chien… ?
Ce chien et le fils de ce chien et la fille
Disparue dans le néant de l’instant.
Vous n’aurez pas l’palace et la manière.
Vous dites : facile ?
Qu’est-ce qui est facile
Si ce n’est pas beau
Que vous vouliez dire ?
Je voulais dire : cette eau du canal
Verte opacité
Et le visage dessous
Avec ses poissons
Et sa poussière d’algue.
Où nous mènent nos promenades
Si nous épousons l’air ?
Mon voisin et sa dent d’or.
Sa langue nationale.
Sa femme qui est un homme.
Ce qu’il considère
Comme sa propriété.
Le couteau pour trancher.
Là-bas, la rivière invitait.
Pique-nique des erreurs.
Les petits animaux.
Nous sommes étrangers
À la Création.
Revisitez nos cimetières
Avec cette idée dans la tête.
Petit à petit l’oiseau…
Ne prenez pas cet air !
Nous aimons nous aussi
Les caramels moux.
Mous… pas moux.
Chaque mot plus précieux
Que celui qu’il suit
Pour former le lit
Des conversations.
« Je suis un type sérieux ! »
Pas moi. Je me connais.
J’ai tout essayé. Même le pire
En matière de prosodie et de versification.
Sans un roman à la clé, vous quittez le chemin
Pour traverser les champs. Clochers des églises
Comme seuls repères.
Les pieds dans les mottes de terre gelée.
Une alouette qui attend.
Le café scintille le soir à cette distance.
On m’y attend. Les dés.
Ton sourire au pied de l’escalier.
Tu voudrais que je sois ton poète.
Mais je ne veux pas d’enfants.
Je suis la conclusion de ce sang.
Je l’ai toujours su.
Je ne raconte pas d’histoires.
Est-ce l’écriture ou la langue ?
Tu veux souligner. Je souligne.
Une versification à la portée de tous.
Pas de chichis universitaires.
Chacun sur sa page creusant
La tombe de son personnage.
Quelques objets d’art pour la frime.
Mais la poésie est ailleurs.
Ou elle n’est pas dans le poème.
Qu’est-ce que le contraire de l’objet ?
Je veux dire : dans ta langue… ?
Mon bison séminole avançait au ras de l’eau
Que le vent froissait comme feuille de papier
Dans la main de celui qui n’a pas écrit ça.
Les gens ne vous veulent pas du mal.
Ils souhaitent seulement survivre
Le plus longtemps possible
Sans ennuis. Ils connaissent
Cette alchimie. Depuis le temps !
Ces vocations et ces fonctions…
Qu’avez-vous compris de mon explication ?
Éclats de page.
Gouttes d’une rosée rayonnante.
Le flux interrompu.
Maintes fois interrompu.
Les interventions familières.
La dent d’or du voisin.
Les attroupements autour
D’une idée vague mais prégnante.
La page ne se structurera pas.
« On n’a jamais vu ça ! »
Brandons du blanc non écrit.
Le feu invisible. J’aime.
Sans anecdote (rhétoriquement simple)
Ni sentiment (moralement pur ou parfait)
Le conneau n’entrave pas. Est-il humain
De ne pas reconnaître sa propre indigence ?
Quel débat ! Quelle ode ! Quelle situation !
Entre la mort et l’autre, mon ode situationnelle.
Qu’on la chante ou pas ? Et que ça me chante ou non ?
Choisissez bien votre animal sacrificiel.
Port de cornes recommandé par la tradition.
Sabots exigés. Et dans la bouche de mon voisin,
La dent d’or de la langue qui s’y frotte. Anything :
Je ne le dirai jamais assez : ne venez pas nu.
Habillez-vous comme si vous alliez combattre.
Ne tuez pas avant. Attendez le moment. Priez.
Vous ne savez pas à quel point c’est difficile.
Vous n’en déchiffrerez pas les arcanes.
Munissez-vous d’un portevoix. Évitez de crier
Pour ne rien dire. La douleur est conseillée.
Si vous ne savez rien des raisons de votre ennui,
Écrivez pour empêcher les autres d’écrire.
Balançoire des dessous.
Grisaille d’un temps à venir.
En excellentes conditions,
Le combattant enfourcha le bison.
L’autre était à pied,
Muni d’un bouclier
Derrière lequel il cachait
Son arme. Ismaël applaudit.
Les salles de spectacle sont les bordels nouveaux.
On paie à l’entrée et à la sortie.
N’applaudissez pas sans mains.
Et si vous êtes doués pour les travaux manuels,
Comportez-vous comme si vous étiez aimés.
« Le conseil tomba dans l’oreille d’un sourd. »
Je n’ai jamais autant aimé
Qu’en compagnie d’une femme.
Le chien n’est pas un animal comme les autres.
Aboyez avec lui. L’honneur et le mérite vous reviendront.
Et si l’objet de votre amour a disparu comme ça
(geste des doigts) ne revenez pas sur les lieux
De sa disparition avec le même chien. Sourd.
Si tout ceci avait un sens,
Vous seriez mort depuis longtemps.
Heureusement c’est dénué
Que j’avance ces hypothèses.
Comme la ville est proche
Quand on est à la campagne !
Je soupçonne vos jupons
Ô jolie brin de fille en fleurs !
J’arrive en carrosse Citroën.
Juste derrière l’autocar au cul
Farci de ma publicité.
Quel sens de la poésie il a !
Cette chanson est un trophée.
La dentelle de vos jupons
M’a donné le bison.
Je rentre en bicyclette.
Charmantes fenêtres de liseron en bouton.
Les matins ne sont pas tristes mais on pleure
Sur les trottoirs de l’école. Menacez le temps !
Il vous donnera la pluie et d’autres gouttes
Dont vous ne saurez jamais rien, écoliers !
1º) Étant donné le tour du propriétaire
Effectué au XXe siècle pour connaître
De la surface littéraire possible
2º) Étant donné le nombre d’œuvres
Modernes et post-modernes
Jetées sur le tapis de l’édition
3º) Étant donné que tout est fait
Et que refaire ne fera pas connaître
Plus et mieux : sauf plaisir du particulier
4º) Étant donné le retour aux classiques
Dans tous les genres que l’on connaît
: savantes et populaires compositions
5º) Étant donné que cette pratique
Confine à la médiocrité des œuvres
Considérées comme « objet d’art »
6º) Étant donné que sans l’invention
D’un genre nouveau : inconnu
Jusqu’alors : le piétinement
Constituera l’exercice commun
Piétinement : pieds, foule, stagnation.
Bruit : je n’ouvre plus ma fenêtre.
L’écran occupe toute la place : mur
Tapissé de nouvelles qui n’en sont pas.
Journal versus poésie : toujours : mur
Vu de l’intérieur : dehors : pourrissement
Des couches apposées en un autre temps :
Nous n’étions pas plus heureux. Anything.
Ces morceaux de la réalité quotidienne.
Apparences recommencées par habitude.
Habitude dans la continuité de la contrainte.
Chercher la peur : sa rhéologie : son herméneutique.
Il y a longtemps entre l’ennui et le piétinement.
Nous avons perdu quelque chose
Faute d’avoir trouvé autre chose.
Moi au moins j’ai mon bison séminole !
Il n’y a pas plus d’enfer
Que de beurre en broche :
Je suis facile à déchiffrer.
Si facile que je tombe
Amoureux fou de la moindre
Sollicitation sexuelle.
Toute considération morale est un plan.
La manque d’épaisseur est évident.
Il faut chercher ailleurs.
Mais on ne cherchera pas ensemble :
Parce que c’est impossible.
Ensemble : on jouit l’un de l’autre.
On ne s’aventure pas.
Sauf en cas de viol.
Mais c’est interdit par la loi.
L’alcool remplace la drogue
(Bukowski)
Or la drogue est
(pour l’instant :
en l’état actuel de nos connaissances)
La seule solution des hypothèses.
Faute de mieux
Mieux : sans risque
L’ersatz genre corrida
Ou même combat à mort.
Encore mieux : sport à sensation.
Manèges des foires.
Voyage sans billet.
Exhibitionnisme masqué.
Etc. Liste établie
Au cours de la composition
D’une poésie de rhétoriqueur.
Faute : non : erreur de mieux.
Constellation du Taureau.
« Qu’est-ce que je fous ici ? »
La seule question qui peut encore
Servir d’incipit au poète sans poésie
(pléonasme)
Redondance dans un programme.
Il ne s’agit plus de tourner en rond
Mais d’aller droit dans le mur.
Le jour ou l’autre, roman.
Vous n’aurez pas ce qui vous revient.
Mais par quelle loi tombée du ciel ?
Ah… oui, ce ciel goûté comme un ice-cream.
Langue dehors de l’enfance qui persiste.
« Je ne veux pas travailler ! Je veux…
VIVRE
» ces petites choses sans poésie
Forment-elles le poème ? Try it !
Et après ? Et après le plaisir solitaire…
Ces corps doué de la parole
Et quelquefois même de génie…
Le vent secoue les volets ce soir.
Paresse au moment de sortir
Pour les fermer une bonne fois pour toutes.
Le mégot suit les traces de sa fumée.
Jamais vu ça ici. Nous possédons tous
Les mêmes choses. Le prix seul
Dépend de la qualité. Tous au même stade
De l’évolution d’un travail
Qui ne vaut pas la peine
Qu’on se donne à le gagner.
Le mieux serait de disparaître
Uniquement parce qu’il est impossible
D’anéantir le reste du monde.
Reste du monde : toi y compris.
N’ouvrez plus le dictionnaire.
N’entrez plus dans les musées.
Ne lisez que vous-mêmes.
Et suicidez-vous à la fin.
La fin : mal définie
Ou pas (encore) définie
Selon ce que chacun
Sait de l’autre.
Alors : vous savez : vos attroupements…
Ces plages noires vues du rocher
Où je participe mais sans plonger
Aux ébats des plongeurs fous
Qui éclaboussent mon œuvre.
Œuvre : (décidément !) nontravail.
Pourquoi ne suis-je pas devenu voleur ?
Le vin moins risqué que la drogue.
(Bukowski)
Mais quoi à la place du voleur… ?
Ce poète sans poésie /
Sans rhétorique ni ribambelle.
Bien sûr il y a Villon et Ronsard…
Et ces ciels de fenêtres aux volets
Battus par le vent. Ces orages
En forme de récits aux personnages
Ni vrais ni mal conçus. Ne pas travailler
Mais ne pas risquer sa peau chez les autres.
Ça ne tient pas debout.
Raison pour laquelle je vis couché.
En l’an soixantième de mon aage,
Je ne me sens pas coupable
De ne pas avoir au moins détroussé
Le bourgeois ni ses pauvres larbins.
Pas même tué un. Quel plaisir
Rimbaud éprouva-t-il
D’avoir tué un ouvrier rebelle ?
Aucun je suppose. Pas le temps !
Fuir. Et profiter de l’avantage de la race
Et des principes du colonialisme.
Heureusement que je ne me soucie
Pas de morale, ô mec ! Ni de beauté
D’ailleurs. Pas très savant non plus.
Et immobile dans cette espèce d’action
Qu’est l’écriture en chambre close.
Pas le moment de tout remettre en question
Et pourtant… Exploration de l’intérieur
Habité pour ne pas sortir trop souvent.
Mon bison. Séminole. Le sacrifice.
La croix menace et signifie.
Le croissant impose ses lunes,
Beau langage. Mais Dieu
N’est que le personnage
De nos personnages.
Je préfère Faustroll et Gor Ur.
Je voyage avec eux
D’île en île
Et d’inconnue en inconnue.
J’crois bien que je ne trouverai rien ici.
Chercher ailleurs ?
Mais je ne cherche pas.
Pourquoi s’éloigner
À la fois de mon enfance
Et du lendemain ?
Pourrissement dès que cesse le piétinement.
Pharmacopée désignée pour reculer l’échéance.
La médecine sociale impose ses limites, hélas !
Les enfants ont besoin de place.
D’autant que le peuplement prend des proportions
Jamais atteintes ou pas possibles depuis longtemps.
Laissez-les venir à moi. Je suis cloué dans mon fauteuil.
J’ai mes gardiens et mes pleureuses. Venez.
Approchez de mes travaux. Je ne mords pas.
Mon chien non plus ne mord pas depuis…
Ne touchez pas à mes médicaments !
Où es-tu si tu n’as pas disparu ?
En quelle contrée de ce nonenfer ?
Tu disparaitras toujours, n’est-ce pas ?
Mais ce n’est pas à toi de répondre.
D’ailleurs, je ne me souviens pas
De t’avoir jamais entendu parler…
Nompoésie. Heureux de t’avoir connue.
N’allez pas croire, ô gilets,
Que ce nonenfer suppose
Un nomparadis. Le paradis
Existe. Mais faut y aller…
Et je connais le chemin.
Tout le monde le connaît.
Juste avant de mourir :
(tué dans un combat
ou pendu au bout d’une corde)
Vive ce moment de Connaissance !
Ce sera la dernière action :
(et peut-être la seule
si la chance est unique)
Mais avant, le roman
S’interpose et joue
À notre place le personnage.
Imposture ? Tu parles !
Foutaise pure et simple.
Plaisir du solitaire appliqué
À l’autre qui en sait trop.
L’armoire à confiture ou le frigo.
Langage des chiens à peuple.
Sortant il s’élance à la mer
Ou à la nature qui le reçoit
Avec des printemps d’été
À l’aube de futurs voyages.
Jupons de la grand-mère
Accrochés à la place des œuvres.
Dieu n’est pas loin, aux aguets,
Avec ses écritures de facteur
Et sa pléiade de commis.
Voulait écrire un roman
Et s’est épanché entre
Ses pages obstinément
Blanches et mortes feuilles.
Heureusement ô bison
Je n’ai pas eu à vivre
Ces instances du cœur !
Ramenez la peau tannée
De vos animaux au logis
Qui préfigure le tombeau,
Panthéon des peintres
En mur et en enseigne.
Refaites-moi le coup et je vous imite !
De quoi ai-je vécu
Sinon de cette imitation ?
Je n’ai pas trouvé la femme
Pour porter mes enfants.
Mais j’ai mon bison américain,
Marais parcourus des frissons
Que l’hélice prend au vent.
Voulez-vous m’inviter ce soir
À partager le repas de vos rêves ?
Ce que vous appelez sommeil
N’est que la nuit nécessaire.
Trouver Dieu dans ce lit
Revient à accepter l’idée
De viol. Dans la cuisine
Sur la table entre les chaises,
Vos intentions alimentaires
N’ont rien de turgescent.
Pas plus que vos figures
Dont la moindre est une grimace.
Vous n’avez pas de bison.
Pas la main sur cette croupe
Qui vit Buffalo Bill bondissant
Comme le Basque sur ses parois.
« Un molinete belmontenio, por fa’ »
…for the poet there are no ideas but in things.
« …la négation même de l’esprit de révolution nationale. »
Ah ! l’envie que j’ai eu d’écrire un poème
Après ça ! Collégien avant 68 / Breton encore
Vivant. Le corset en exemple / Hemingway
Au passage. Pas d’autre écriture. Tu verras.
« C’est-y qu’vous peinturer avec des idées
? » Je me suis mis à regarder les choses
Pour en comprendre la place dans la
Proposition. Introduite par / un système
De poulie élevait les tuiles à la hauteur
Des funambules. Chant nationaliste
Tandis que l’enbata menaçait le château
De Charles Quint sur le flanc du Jaïzquibel.
L’anthologie dans la poche. Et 50.000.
« T’as envie de ressembler à Mirabeau,
Toi ? » Mireille descendant l’escalier entre
Les arbres. « On t’a mis des choses dans
La tête ! » Analectic Songs. Le poème
Depuis si longtemps en chantier. C’est
Autobiographique, ça. Et ça n’a rien à
Voir avec la coulée dont j’essaie vainement
D’arrêter les effets sur mon existence
Actuelle. Aveuglé par sa propre graphomanie
Il continue jour après jour et ne voit rien la nuit.
Chaque coulée aspirant les autres
Par intermittences comme s’il n’y
Avait pas d’autres poèmes « à faire »
Des choses, sans doute, mais avec
Une petite idée de comment les
Faire entrer dans la maison.
Ces petits bourgeois me donnent la nausée.
Jamais eu l’occasion de serrer la main
À quelqu’un d’aussi veinard qu’un héritier.
Le sirventès comme la langue, dans
La bouche. Ne saura jamais fermer
Sa gueule au bon moment. « Je vous
Envoie de quoi payer votre loyer. »
Jamais eu l’occasion de fuir. D’ici.
Trouvé de quoi me nourrir ici.
Des rencontres ici ou là. Travaux
Des champs. Relisant Vingtras
Une fois l’an. Et les Travailleurs
De la mer. Archipels. Combat
Les pieds ancrés sur un rocher.
Mais une nausée sans philo.
Bonjour à la dame qui se propose.
Au monsieur qui paie le loyer.
À toutes espèces de bonnes
Gens. Bonjour et au revoir car
Demain n’est pas un autre jour.
À peine arrivé le bison voit une bisonne.
« Possédez-vous cette fenêtre mon bon
Monsieur qui s’y penche sans prudence ? »
Voyagez sur le fil tendu
Entre la peur
Et la foi.
Aurons-nous le temps
De nous connaître
Sans briser nos chaînes ?
Quel plaisir le viol !
Puis rentrer chez soi
Et aimer ses enfants.
Dans le frigo
Poétique
Et familier
(Familièrement poétique)
La tranche
De femme
Ou d’homme
Au méridien
En sauce.
Contrarier.
Toujours contrarier.
Mais dans le dos.
Voix déguisée.
Bisonne empaillée.
Oh ! que ça ne dise pas grand-chose.
Et que le sous-entendu soit peu
De chose mais tout !
Chérie !
À six heures il sort en grève.
Au passage le perroquet.
« Je savais ce que je voulais faire
Mais maintenant je sais plus !
Que le ciel me vienne en aide !
Je ne veux pas vouloir mourir ! »
Mira, mira Maruxina mira…
Comment ne pas rêver ?
mira como vengo yo
« Qu’est-ce qui me retient, merde ! »
On a tous eu ce père.
Et quel père est-on devenu ?
Les bourgeois deviennent officiers.
Les autres suivent devant.
Belle bisonne en peau de couille
Héritée de Joaquin Murieta.
¡ Que brote la sangre !
Nous aurons des enfants saint-cyriens.
Et même un académicien.
Et tant pis si ce n’est pas le tien !
Je serai pas venue pour rien…
Tra la la
« Qu’est-ce que tu veux me raconter,
Mon petit ? je sais déjà tout. Veux-tu
Que je te dise ? Ça m’a servi à rien,
Nom de Dieu et merde à sa vierge
Républicaine ! » Tra la la itou
Les zaps quotidiens.
Au moins une heure
Par demi-journée.
Héritage familial.
Vertus théologales :
Dieu objet : charité, espérance, foi :
Je t’en mets trois tartines bien beurrées
Avant la messe, ma pute !
Ou trois piliers.
Comme tu veux, ma moitié.
Nous aurons des temples
« Comme des chairs d’enfant »
Nous aussi…
Déchiffrer ce type qui n’en vaut pas la peine.
Mais de quelle peine parlez-vous donc, jean-foutre ?
Bien sûr il y a le ciel, ses bleus, ses gris, le blanc
D’un soleil digne de Lorca. Le rose de la rose, blanc
Lui aussi dans cette lumière andalouse. Un type
Pris au piège de sa ville ou en proie à ses démons :
Lequel ? N’hésitez pas à revenir pour y goûter
Encore. Chair d’enfant et morte saison : poème
Sans prosodie (donc sans langue) ni versification
(donc ne chante pas) Chaque heure un violeur
Exprime son ennui ou son désespoir. La ville
Cache ses mains. Coulant comme un fromage
Hors de ses limites. Polluant fleuves et champs.
Qui serons-nous quand nous ne serons plus des hommes ?
Je dis ça comme ça : sans pratique de la vertu :
Surtout si elle construit le personnage suprême.
Le blanc de la blanche. N’éclaircissez rien d’autre.
Les lavoirs ont disparu. L’eau y nourrit des fleurs
Et des poissons rouges. Vieillards nostalgiques
Encore. Il en reste. Lorgnant le mollet des filles
Qui sortent du lycée en jupette. J’aurais l’œil
Moins informé si ça m’arrive un jour. Comment
Se libérer de la ville sans se perdre dans la campagne ?
Comme le poème est beau sans poésie !
Mais qu’est-ce qui leur a pris de mettre
De la poésie dans le poème ?
Je ne sais pas si je suis démocrate…
Mais cette expérience est si passionnante !
Voir même le plus bête d’entre nous
Glisser son choix dans la fente
Avec le sentiment d’appartenir à la communauté
Par ce lien si simple, si facile et rapide avec ça !
Sans forcer sur les reins ! Et même jouissif…
La première fois que ça nous arrive d’être aussi têtus.
Et on pense si sincèrement à notre descendance !
On a bien l’intention de ne rien laisser au hasard.
Dire que je ne serai pas là pour amuser les enfants !
Je ne dis pas que c’est dur
D’en avoir pour encore si peu.
J’en ai tellement marre…
Ça me soulagera même
Si je dois souffrir…
(Propos recueillis par le scribe)
Belle soirée sous la Lune en compagnie
D’un être caressant et consentant (c’est
Rare de nos jours) / Envie de revivre ça
Autant de fois que c’est encore possible.
Je me contredis beaucoup ces temps-ci.
À l’approche de cette disparition en nu.
Mon chien vient de crever / mauvais jour
J’ai oublié un tas de choses que je ne
Pourrais pas écrire de toute façon /
À quoi bon s’en inquiéter ? Rien n’est
Moins sûr que demain. Plus de temps
D’arrêt. Ça file dans le mauvais sens.
J’ai un bison. Je ne sais pas
Si vous le saviez déjà… oui
Ou non. C’est comme ça
Qu’on meurt. Oublié par
Ceux dont la mémoire est
D’or. Ça ne me fait même
Pas chialer. Mon cœur s’est
Endurci dans l’eau de trempe
Ou par l’écrouissage au vers.
…for the poet there are no ideas but in things.
Ouvrant les choses comme des boîtes de conserve.
L’oiseau qui semblait observer la surface d’une feuille
D’albizia en réalité se… Mon voisin ouvre la bouche
Et sa langue maintenant c’est évident n’est pas celle
Que je croyais nôtre / « demain est un jour tranquille »
In things. La chose naturelle comme celle que l’industrie
Expose dans les vitrines de nos appartements cossus.
Ainsi vont les idées. Il suffit de se baisser ou de s’élever
Pour changer les choses par rapport à la ligne d’horizon
Ainsi mise en œuvre / je pensais que cette langue était
Celle de nos lois / jamais observé autre chose que l’oiseau
/ « ces fils de pute » / le crapahut des choses rencontrées
Au hasard ou non sur le chemin ou en appartement.
Comme la vie est belle quand tout est moche ! In things.
Ailleurs le salaud et le pédant vous changent la vie
En enfer / que je croyais nôtre / mais la pluie s’est
Mise à tomber en plein repas sous les arbres nus
De l’hiver / jamais hiver plus doux que celui qui
Précéda cette noble guerre / le fascisme. Un œil
Pour larmoyer et l’autre pour / ah ! ce que demain
Est tranquille alors que tout s’achève en tragédie.
« Nous ne savons plus la poésie, » dit-
Il se souvenant qu’il avait commencé
À en écrire à l’époque où des généraux
Voulurent changer la république / aimer
Son prochain comme on aime partir.
Assis sur une murette ensoleillée,
Il comprit qu’il n’avait jamais aimé
Quelque chose de beau en poésie.
En dehors des poèmes déjà connus
Rien de beau en poésie pas même
L’effort contenu dans sa bouche.
Ne venez pas pleurer dans mon mouchoir
Si ça ne vous chante pas. J’en ai connu
De plus / dites-le ! Ou taisez-vous à jamais !
Un chapelet de pierres chaudes
Sous les racines de l’arbre fruitier
Que le voleur a laissé nu et seul.
Plus loin les tombes se laissaient visiter.
Visages venus de loin pour chercher.
Lui était étranger et il n’aimait personne.
Anything / but in things. Quel mois
Est plus cruel si le printemps n’est pas
La solution de l’hiver ? C’est toujours l’été
Que je reviens en voleur de bouquets.
Une fois le gardien m’a poursuivi et
Je l’ai distancé avant de ne plus revenir.
Comme les choses sont belles
Si la majorité les trouve moches !
On ne change pas.
Mais on change.
De la fenêtre je me jette dans la rue
Sans quitter mes pots de fleurs du regard.
Exploit qui me vaut le titre de joueur.
Mais quid de la chance ? Pas un mot.
J’ai bien observé vos petites danseuses.
Que de couettes envolées !
Ouvrez-moi n’importe où.
Je suis facile à déchiffrer.
Comme un lazarillo allemand
Acheté avant le voyage.
Avez-vous bien dormi
Dans la couchette voisine ?
Pourtant le sens du train…
Et toutes ces sortes de banalités.
Non. On ne change pas.
La fortune nous sourit-elle ?
Nous changeons quelque chose
Qui n’a pas vraiment changé
Mais un acte est un acte
Comme un contrat est un contrat.
Imprimé dans le pays d’origine.
On a ce genre de choses dans les bagages.
On ne cherche pas longtemps pour retrouver
Cette promesse de chemin.
Dire que j’ai quitté ce rond-point
Pour écrire ça !
Me laissant guider par le clocher
Perdu dans le brouillard que l’hiver
Dispense aux promeneurs têtus.
Un café ? Oui je veux bien mais pas serré.
Je joue aux cartes aussi oui le tapis les dés
La buée sur la vitre et les passages tristes.
Je ne sais pas à quel moment je vous ai le plus haïs.
Retraites mi or mi flanc.
L’un ne voulait plus payer d’impôts
Sous prétexte que les pauvres
Seraient moins pauvres
S’ils en payaient comme tout le monde.
« Vos vers sont difficiles à déchiffrer. »
Qu’est-ce qui court dans vos cheveux ?
Nous avons oublié nos pensées de l’époque.
Lève la patte et va voir ailleurs, des fois…
Faulkner pensait que le romancier
Est un poète raté.
(Je sais pas où j’ai lu ça)
Je ne suis pas loin de le contredire
Mais est-ce bien contradiction que cela :
Le poète est un romancier raté.
(Seul W.C. Williams…
Mais Baudelaire ? Rimbaud ?
Même Verlaine… ?)
Le type dans sa ville.
Avec ses journaux. Marie Roget.
Il y a toujours un mystère sinon…
Sur le chemin des églises
Jusqu’à ce que Mohammed…
La Lune contre le mauvais temps.
Le change n’est pas favorable
En ces temps de disette morale.
Ce type n’aimait pas son existence.
Mais il aimait celle des autres.
C’est comme ça qu’on devient poète
Et donc romancier de bonne source.
On le voyait déambuler dans les rues.
Les places n’avaient pas de secrets pour lui.
Il entrait dans l’église comme dans un café.
Qui ne l’a pas salué au passage ?
Comme ces gens sont proches de la poésie !
Et pourtant si éloignés du poème…
C’était là une de ses pensées les moins
Difficiles à déchiffrer. Il y en avait d’autres
Que personne ne s’avisait d’approcher
Comme s’il s’agissait de poésie.
N’ouvrez pas le bocal des dents
Sans la langue prête à tous
Les sacrifices / Ne mentez pas
Aux enfants qui ne savent pas
Encore mentir sans se faire
Attraper / logorrhée des fâcheux.
Comme le bavardage est à la mode !
Regardez la belle putain qui se dénude :
Que de commentaires à son propos !
Et ça chante jusqu’à produire de l’effet
Même sur les esprits les moins enclins
À considérer les choses de l’amour
Comme le meilleur moyen de rencontrer
Dieu et ses fils / en assemblée constituante.
Mais c’est pas gratuit et on y réfléchit
À deux fois avant de / quelle épouse le sait ?
Sur le terrain des manifestations autorisées
Le flic se comporte en collaborateur zélé.
Mais si c’est interdit de se trouver là
Que pense-t-il des enfants abandonnés
Dont la Nation ne veut à aucun prix ?
Et la question revient comme Médor :
Qu’est-ce que je fous ici si je suis déjà venu
Hier et tous les jours qui ne sont plus ?
Si vous n’avez pas la langue fondue
Dans le même or que vos dents,
Ne vous adressez pas à la Nation :
Personne ne votera pour vous.
Je suis seul et ce n’est pas une ville.
Les murs forment un rectangle parfait.
Qu’est-ce que la perfection sans le carré
Et le cercle qui le contient tout entier
Ou y habite en tranquille tangente ?
Je suis seul et la ville n’est pas la mienne.
Je n’habite ici que faute de posséder
Ma propre maison sinon / cet ailleurs
Dont je ne connais pas le nom /
Vous aimez les chansons
Mais ne savez chanter.
Donnez-leur la leçon
De votre surdité.
Petit quatrain qui se perdra
Dans la vague mourante
Des vacances à l’étranger.
S’agit-il de tuer le temps ou de le retrouver ?
Chérie.
Chien témoin de la disparition.
Est mort ce matin d’une crise cardiaque.
Enterré aussitôt dans le jardin.
Revenu en chambre pour écrire.
À midi repas sommaire sans appétit.
Dessiné une ombre sur le mur.
Figure ce que je sais d’elle.
Pas de mot pour le dire.
Même emprunté à Poe.
Cette solitude finira
Par tuer le bonhomme
Qui veut témoigner
Avant que la nuit
Tombe sur tout ça.
Des années pour suivre le fil
De cette lente observation.
Rien de beau mais c’est vrai.
Quelquefois le personnage
Revient frapper à la porte.
Un détail qu’il a oublié…
À l’intérieur on se met à l’aise
Devant un verre et la fenêtre
Reçoit les pluies de l’industrie
Et des déplacements à l’équerre
De cette surface revisitée.
Des années et quand je dis
Des années c’est des années !
Comme j’ai attendu votre visite !
Vous avez enfin frappé à la porte.
Le gars a déguerpi sans demander
Son reste / et on a pris un verre
Et on s’est souvenu / et la bouche
A retrouvé le fil de toutes ces années.
Je n’en demandais pas plus.
C’est promis : plus de poésie.
Je veux dire (que ce soit bien clair)
Plus de poésie (adverbe négatif
Et non plus comparatif comme
Vous en baviez au temps
De notre jeunesse commune)
Et c’est bientôt fini : on s’arrête
Pour revoir le train passer
Dans la même gare rénovée
Depuis peu : vous revenez.
Votre blanc manteau secoué
Devant la porte encore ouverte,
Les poussières prennent le chemin
Du retour à la case départ.
On ne recommencera plus.
On s’arrête et on attend.
Et en attendant on s’aime.
Quel plaisir tout de même !
Et quelle forme l’attente !
Ni fumée ni géométrie.
Elle vous ressemble au fond.
Prenons un autre verre.
Voulez-vous que nous descendions ?
J’ai creusé ce trou pour vous.
En pensant que vous ne m’aviez pas oublié.
Creusé sous la maison héritée.
Quel bourgeois s’en soucie ?
C’est là que je relis les poètes.
Les seuls romans que je relis.
Trou dans la terre de mes fondations.
À la rencontre des diagonales
De ce rectangle conçu pour vous.
Je n’ai jamais autant ri
De ne pas savoir pleurer !
L’humour naît pourtant de la tristesse,
Du deuil, des voyages interrompus.
Descendons cet escalier
Et ne remontons plus jamais.
Dans ou à la surface des choses.
Je ne me souviens plus
De ce que vous pensiez être
Le meilleur pour moi et mon cœur.
Dans la bibliothèque ou dans la cuisine
Lisons. Lisons ensemble ce que nous avons lu
Avant d’écrire. Le frigo en est plein.
À travers le carreau regardons
Ce que la télé nous cache.
Nous n’irons pas menacer
Les ors de la république.
Nous mourrons ensemble incognito.
Ce droit qui n’est pas le nôtre :
Droit d’être et de le paraître.
Reprenez le verre et parlez
La langue dedans et le cœur
Ouvert à tous les cœurs.
Ah ! comme la romance est inutile !
Toutes ces rimes qui se perdent
Dans la cacophonie des moteurs !
Ici la voix n’est plus la voix.
Ne comptez pas les marches !
Comme elle est lente cette descente !
Et comme elle serait longue sans vous !
Le cœur est une façon de parler.
Ce n’est que cela, rien de plus.
Sous terre l’esprit est à l’étroit.
Mais deux en un c’est bien joué !
Marches qui montent vers la ville, descendez !
Je ne vous ai pas tout dit : devant le portail
Un poète flashe l’affiche et s’en retourne
D’où il vient sans doute / nous échappons
Ainsi à toute rencontre dont l’un serait
La dupe de l’autre / il faut parler aussi
(puisque le débat est ouvert à tous)
Des ciels qui descendent eux aussi
De leur piédestal / ne ménagez pas vos efforts
Ô voyageurs de l’espace et entrez dans
Notre atmosphère sans craindre le feu /
Voilà comment tout s’arrête :
Dans l’attente / on aurait pu
Mourir en guerre / mais c’est
Loin le désert / on ne meurt
Plus de cette façon si on
Est poète sans poésie et
Quelquefois même sans poème.
Agissez sur les dispositions de la page.
Il est encore temps de soigner
La présentation / utilisez le logiciel
Que votre disque dur entretient
Comme le mac / le plan est le seul
Endroit accueillant / votre château
Vos mers, vos sirènes, vos durs rochers
Où vous laissez l’empreinte de votre
Sueur / là-bas on s’attroupe autour
D’un message commun à tous les hommes.
« J’ai bien pensé vous rendre visite
Mais les voyages ne sont plus possibles
À cause de vous / de votre exigence / »
Il n’est pas si mauvais de mourir seul.
Qu’est-ce qui disparaîtra après nous ?
Et pourquoi ? Quelles traces avons-nous
Laissées ? Un enfant gambade dans l’eau
D’un bassin où ma voilure démontre
De quelle habileté je me suis rendu
Maître / « N’insistez pas ! Je ne viendrai
Pas ! » J’ai tellement de choses à vous
Dire / Vous ne saurez que la langue.
La pratique de la démocratie suppose
Une baisse de la qualité du poème
(dans un premier temps qui est le vôtre)
Mais il faut s’attendre ensuite
À une remontée puis à un dépassement.
Voilà ce que nous allons vivre.
Je veux bien vous croire
Je n’ai jamais voulu rien d’autre
Et je suis sincère quand je le dis
La moindre copie dans le journal
Me donne une de ces envies
D’en retrouver le poème !
Intéressons-nous aux objets purement imaginaires.
Les voici s’adonnant à la cueillette.
Petits faux paysans en manches retroussées.
L’un fume, l’autre pas.
Et c’est pourtant le même personnage.
« La campagne est accueillante à souhait.
Les panneaux de signalisation sont beaux.
Si vous n’avez pas le ciel de votre côté
Appelez-le de vos vœux.
On ne manque pas de bonnes âmes par ici.
Mais ne jouez pas aux ricochets sur la rivière.
Sa surface est un miroir
Où se regarde le ciel.
Vous reviendrez si ça vous plaît.
Vous en trouverez toujours les moyens.
Et si vous êtes déçus,
Allez voir ailleurs
Et ne revenez pas !
Mais n’envisageons pas le pire,
Car le meilleur est à la portée de votre bourse.
Les enfants adorent ça.
Et les vieillards aussi.
Les chiens les chats
Tous les animaux domestiques
Aiment retrouver le sens
Qui nous a été donné
Et que nous avons perdu. »
La propriété nous tue.
Ah ! s’il y en avait pour tout le monde…
Et si l’homme n’était pas un animal…
— dit-il en déchargeant les palettes
Tandis que la toile bleue subit les envolées
De la tramontane qui ne faiblit pas.
Certes il avait l’air bien sympathique.
Et je l’étais aussi.
Il y avait même des femmes
Prêtes à se donner pour un loyer.
Mon chien léchait des bottes
Qui avaient appartenu à un mort.
L’odeur des os le rend fou.
Il lècherait n’importe quoi
Ayant appartenu à un mort.
Qui n’a pas eu sa part de gâteau ?
On ne meurt pas si facilement de faim ici.
Pas facile de distinguer le névrosé du psychotique.
En tout cas les perversions agissent sur l’esprit.
Rien n’est clair / rien n’est là où il devrait se trouver /
Même infime l’interstice nous affecte.
L’autre est un miroir qui se multiplie /
Plus on y réfléchit / surface ou intérieur /
Nous n’avons pas accès à l’extérieur du système.
Et le miroir se brise comme un poème
Qui s’est approché de lui-même.
Que de cris retenus !
Que de douleurs étouffées !
Que d’erreurs pardonnées…
L’homme joue devant l’homme
Et l’animal n’applaudit pas.
Nous ne saurons rien
Car nous mourrons avant.
Quelle fenêtre nous le dira ?
Nous avons beau visiter les cimetières,
L’inachevé nous étreint.
Personnage s’extrayant du marbre.
Drame inachevé ou en cours.
Comment en savoir plus ?
Virgile retournant à Brindisi pour en finir.
À Brindisi ou ailleurs. Mare nostrum ou
N’importe quelle étendue d’eau ou d’autre chose.
La jarcha se terminait par une éjaculation.
Maruxina… le trou dans la cave de sa propre maison.
Hésitant entre son érudition et ce qu’il savait
De sa propre ville / territoires aux limites
Circulaires par définition / comme cette folie
Qui s’empara de mon voisin / celui qui
Parlait la même langue que moi / nous
N’étions même pas amis / sa femme dans le lit
Vous n’aurez rien si vous n’héritez pas :
Voilà la seule question / balaie toute question
Relative à l’être / vous entrez dans la propriété
Parce que le lien est familial / ou alors achetez !
Perversion des codes relatifs au comportement.
Ne jamais tourner le dos au flic ni au magistrat.
Je reviens en étranger sur ma terre natale.
Écrasement sous des tonnes de prétextes.
Je ne veux plus jouer avec mon voisin encore
Enfant / sa femme au lit avec / on tue pour
Moins que ça, mec ! Mais je n’ai jamais tué
Personne : alors comment pourrais-je savoir
Maintenant que le roman est lu : comment
Il eût pris la chose ? Vous savez bien que je ne mens pas.
Cet extérieur n’en est pas un : je touche la surface,
Je descends dans le trou, je visite les lieux d’une
Profondeur limitée par la nature du sol qui soutient
Les piliers de ma maison / mais même le nez à la fenêtre
Je ne vais pas plus loin que le rivage : un rocher
Me retient / je sais où je suis / pas difficile à
Déchiffrer. Je baise sans me soucier du mal.
Plongeurs plus ou moins fous à proximité.
Nus et turgescents. La race qui est la mienne.
Me déchiffrer ne vous coûtera aucun effort.
Et vous pouvez m’ouvrir n’importe où : livre :
Charybde et Scylla / municipalité et université :
Évitez / lyre, flûte et chant / dit-on / demeurer
Le seul capitaine / ne suivez pas la leçon (dit-il)
De ces rhétoriqueurs : ils vont conduiront en Enfer
« Mais l’Enfer… enfin… monsieur ! » / il y a
Sirènes et sirènes vous devriez le savoir bouchez
Plutôt le trou de votre cul : pédé et prof : ouais
Le mot solution vient du mot dissolution / vous
Devriez le savoir / suivre le chemin jusqu’à Ithaque
Où vous attend la belle épouse, le chien (autre chien
Mythologique) et même un fiston qui a l’expérience
De la sodomie passive / videz les lieux et recommencez !
Entre le populaire (apparences)
Et le savant (rêve)
La réalité / aux antipodes
De la poésie / je n’ai rien
Trouvé sous cette pierre
Qu’un cadavre que la ville
A rejeté comme la mer
Bannit les coquilles vides.
Multipliant les promenades en rond / ici
Selon la corde aux neufs nœuds / figures
Nouvelles certes mais figures /sous prétexte
De modernité toute la « vieillerie poétique »
Revient comme le père un temps dépossédé
Du royaume de ses aïeux. Je ne suis pas ce fils !
Toujours le proclamer « haut et fort » / plume
Ou nageoire : il écrivait avec et plus tard les siècles
En parlaient encore. / Avellaneda toujours caché
Peut-être dans le trou que j’ai creusé sous ma maison
: trou et non pas tunnel : car : je ne vais nulle part.
Cet effort qui consiste à retrouver la cohérence
Alors que le poème s’en passe. Ou comment
On fiche en l’air le travail de 50 ans d’existence.
Remplacer la rhétorique par autre chose
Comme la science du son s’oppose ou
Prétend s’opposer à la résonnance naturelle.
Laissez le La suivre son chemin.
Prenez le même sens et écrivez
Pour empêcher les autres d’écrire :
Le parano prend le slogan au pied
De la Lettre / parano ou seulement
Con / les schizos sont si rares
Que je n’en connais pas un seul !
Bien souvent les charmes de la nature
Campagnarde- masures habitées
Par des ratés du voyage : rien n’est
Plus beau qu’un arbre parce qu’il
Porte sur ses épaules le mystère
Des saisons / dessous l’herbe pousse
Sans cri ni explications tirées par
Les cheveux. Charmes. Arbre autant
Qu’alchimie / s’amusant avec le dico
Pour se donner des airs de troubadour.
N’être que le sage intermédiaire
Qui convoque apparence et rêve
Au concert de la réalité. Poème
Sans poésie. Il n’est plus temps
Maintenant. Demain n’existera
Jamais que dans ta foi en toi-
Même. Cousez, cousettes du signe !
Coupez, pliez, cousez autant que
Ça vous chante et si ça ne vous chante
Pas : revenez dans la pierraille des chemins
Pour danser sans musique et regarder
Sans peinture / Ici, on écrit et ça va.
Le même principe s’applique
À tout ouvrage entrepris
Avec ou sans raison d’ailleurs.
Il faudrait (pour être juste)
Retrouver sa fanfarlo et
S’en tenir à cette tentative
De faire le tour du propriétaire.
Mais tout le monde n’a pas
Son sartre… et puis il y a
L’angoisse souterraine et
Toujours vivace. Qu’on ait
Un boulot ou qu’on s’en passe.
Ni morale ni esthétique.
Mais comment violer
La Loi sans passer pour
Un fou ou un criminel ?
D’ailleurs : folie et crime ne sont-ils pas des boulots ?
Crasse des trottoirs les soirs de perdition
(terme évidemment religieux) / Instances
Du texte revisitées au moins une fois
Par jour : le soir approche toujours
Sur le fil de ces travaux / ne dénaturez
Pas l’écriture par la pratique de la
Cohérence / à la fin méfiez-vous
De la nature humaine de vos travaux.
Sans la beauté le texte est nu :
Prêt à l’emploi / si tant est
Que le lecteur n’est pas lui-même
Un praticien de l’ombre jetée
Sur les ensoleillements humains.
Signe :
« Je me jette à la baille une ou deux fois par an.
Je signe comme je signe et je ne connais pas
Ladite angoisse de la page blanche : qui suis-je ? »
Tisser ou coudre selon le vent.
Près de la fenêtre offrant
Le profil aux passants et
Voisins / « Cette proximité
Ne vous dérange-t-elle pas ? »
Vivre avec les autres n’est pas mon fort.
Mais ne nourrissent-ils pas mes travaux
(ici, ce mot est un singulier qui n’a pas de
Pluriel car : je ne travaille pas) ? Se pose
Alors la question de l’amour / pas autrement
Ni en dehors du temps ainsi jeté
Par cette même fenêtre sans autre
Horizon que leurs regards de portail
Enchaîné à la rue. Ces choses qui
Leur appartiennent / Ce qu’ils en font
Quand je ne suis pas là pour m’en
Inquiéter… L’amour n’a pas plus de sens
Que la haine / Mais on fait avec…
T’as cette idée et tu forges le métal
Selon ce qu’elle impose à ta conduite :
Ne rien violer sous peine d’en payer
Le prix / ce sont des juges et non pas
D’honnêtes et sincères personnes.
Et tu es là / pas ailleurs / vieillissant
Et pas le moins du monde aigri / joies
Quotidiennes des plaisirs qu’il faut
Limiter pour ne pas passer pour
Disons : un démon. Ce qui crée
(malgré toi) une espèce d’enfer
/ ne pas appeler ça un enfer
Reviendrait à se taire / mort certaine
Du lexique en cours de fabrication
Sur l’établi de tes jouissances /
Cet effort américain qui consiste
À tordre les bras de la modernité
Pour la remettre sur le chemin
De la sagesse / or il n’y a de moderne
Que l’automatisme pur / rien d’autre !
Mais mais mais : tu aimes les charmes
Du passé / tu reconnais ta faiblesse /
Tu argumentes / et tu perds le fil
Qui t’a conduit jusqu’ici / tu « mérites
L’enfer » / heureusement pour toi
Cet enfer n’est qu’une façon de dire
/ et tu t’en tires par une pirouette
Exécutée sur la place publique
Devant un parterre de larbins
En tous genres (c’est le cas de le dire)
Misère de l’existence conçue (par qui ?)
Comme un segment du temps /
La chanson a du charme au creux de ton épaule.
Ces nuits valent bien toutes les nuits
Que le couple a passé depuis que l’Histoire
S’est installée dans tous les esprits
Pour enseigner des tas de choses utiles
Et même quelquefois agréables
/comme ta chair encore tiède / car
Tu n’es pas tout à fait morte.
Au fond, nous ne savons plus
Très bien ce que nous voulons.
…ce n’est plus la faute
À Voltaire ni à Rousseau.
Les Illustres ne se vendent
Plus au marché de la Joie.
Pourquoi (au fond)
Ne pas travailler
En vue d’un week-end ?
Travailler ensemble
Pour que la joie
Ne soit pas seulement
Un rêve à partager
Avec d’improbables
Sirènes ? Comment
C’est si facile ? Avec
Toi ou sans eux.
52 fois par an
Et même plus
Si les congés
Sont payés… ?
Pourquoi, mon fils,
N’adhères-tu pas
À ce courant de pensée
Qui vaut bien toutes
Les idéologies
À la mode ?
Surtout que,
Mon fils, ma créature,
Tu te trompes de sens…
Ce frisson qui menace la tranquillité
Acquise dans l’action qui fait le Poème.
Suffit que tu me parles de toi et de
Tes soumissions. Comment ne pas
Entendre tes « trop justes propos » ?
Les rues sont si connues de tous ici.
Ces noms le sont moins, je crois.
Personæ d’un théâtre dont l’auteur
Est né de la croissance urbaine.
On ne traverse pas les murs si
Ce ne sont pas des vitrines et
Je n’ai pas la mienne à l’étalage.
Où vais-je encore à mon âge ?
Faut que j’y songe / un révolver
Ou quelque chose dans le genre /
Un cenote creusé par moi et non pas
Par quelque phénomène géologique.
Une conception nouvelle de la disparition.
Sans chien pour être charmé ni objet
D’un amour pas très catholique.
Les origines n’ont plus le sens / vu
D’ici / que mes vieux écrits leur donnent
Du moins quand je les relis ô saisons !
Et demain est un jour tranquille et
Ensoleillé par la prolifération humaine
Qui pollue et qui charme à la fois ô
Politique provisoire du bonheur avec
Ou sans compagnie pour recueillir
Les mots du festin et du désir qui
S’ensuit / Faut que j’y pense merde !
Item, mes boîtes de conserves vieilles
De plus de soixante ans — à celui ou
Celle qui aime la rouille des surfaces
Nostalgiques — les étiquettes déchirées
Aux endroits qui renseignent sur
La valeur énergétique du contenu.
Item, mes habitations à l’autre bout
De ce monde hérité de papa, masures
Et appartements donnant sur le front
De mer, les amies de passage et l’enfant
Recueilli sur le quai avant le « grand départ »
/ toutes sortes d’adieux avec ses bastingages.
Jamais plus grand livre que ce recueil
Qui fut lu une nuit d’akelarre dans les dunes
Que la Lune éclairait comme si désormais
L’ombre avait plus d’importance que la lumière
À nos yeux / cet apprentissage du livre conçu
Comme un « sujet d’art » / dit-elle en maniant
Le désir / « nous aurions encore le temps si
Tu consentais à te taire » / et plus loin sur
La plage d’hiver les barricades du pouvoir
D’achat dressées par les fils et les filles
De ceux qui ont cru aux succès de leurs
Vœux / spectacle des filles nues se jetant
Dans l’écume maintenant blanche de lumière.
À l’autre bout de cette existence à rebours,
Les clés du langage données par la ville
Un jour de pluie et de vent / les ponts
Traversés par des piétons pressés d’en finir
Avec la grève / et le coup de fusil qui sonna
La fin des festivités / un guardia civil auréolé
Montait en même temps vers le ciel étoilé.
Jamais je ne m’étais senti aussi heureux
Qu’avec toi / nous reviendrons l’année
Prochaine : et le livre sera enfin publié.
J’aime l’omelette aux anchois
Derrière la porte aux petits carreaux
Portant la trace de nos mains d’enfants.
Club des parodies les plus folles.
Un bigophone joue l’air de Micaela.
Joues parfaitement rouge bordeaux
Du ténor qui ne veut pas danser avec elle.
Les uns entraient par la fenêtre.
Les autres « étaient déjà là. »
« Il faut maintenant dépasser
Ce stade, » conseillait le Roi.
Et la Reine m’appartenait.
Depuis longtemps je suis
Le jouet de cette monarchie
Du Verbe. Je me souviens
Seulement d’avoir été très seul.
Comment pourriez-vous me comprendre ?
Nos chemins se sont séparés à l’âge
Où le citoyen n’est pas encore un électeur.
Les uns ressemblaient à leurs pères.
Les autres ne voulaient pas être reconnus.
Prenez la reine par la taille
(qu’elle a souple comme la
Chienne qu’elle est) et tournez
Sans vous soucier des inquiétudes
Du Roi qui n’est pas votre seigneur,
Du moins pas tant qu’il prétendra
L’avoir baisée avant vous, poètes !
N’importe quoi pour vous asseoir, poser
L’énorme cul que la poésie vous a collé
Dans le dos / et n’attendez pas les bavards
Qui veulent changer la conversation en
Filet de pêcheur / coussins de soie au chou
/ les usines crachaient leurs employés
Dans les rues de la ville et les commerçants
Grimpaient aux murs par les tuyaux de descente
De gouttières ô chats errants du désir réduit
À l’envie / des filles jouaient à se diaboliser.
Un pas en avant, deux sur le côté
Droit, un en arrière et on reprend
La figure à son début / deux fois
/ puis la copulation est enseignée
Dans les meilleurs stades du Royaume
Ô république des triboulets crucifiés !
Vous ne ferez plus rien par hasard, ô poètes !
Cousez, coupez, pliez, anything, à l’encan !
Plongez la tête la première dans la complexité
Toujours évolutive : chronique si vous voulez.
Ce sera toujours mieux que de vous laisser aller
À fabuler dans l’absurde de papy / grandissez
Dans le choix / imposez-vous par calcul / visez
La signifiance / donnez un sens à votre vie !
(et n’oubliez pas l’guide, que ça vous plaise ou non !)
Quelques beautés inavouables dans les marges
De la spontanéité. Les pans d’usine aussi bien
Que les horizons des chemins tracés dans la
Verdure et les champs. Toujours des animaux
Au volant. La comédie de l’homme en larmes
Depuis saint Pierre. Ces hommes qui ne donnent
Pas des enfants à la patrie qui les a vu naître
Ou qui leur a ouvert les portes. Creusez votre
Trou. Des territoires infinis à votre disposition.
Un enfant par borne. Vous arrivez enfin au bout
Du monde où il n’y a plus de saisons. Plus rien
Ne pousse que vos enfants. L’un d’eux est beau.
Vous ne pouvez pas le nier. Vendez-le à l’État.
Enrichissez votre lopin avec cette substance
Mirifique. Étonnant voyageur. Dans les fours
Vos cadavres se consument lentement, au
Rythme que leur impose la justice des hommes.
Je ne sais pas si j’ai été aussi clair que je le veux…
Quelle beauté les soirs d’été ! Sur la terrasse
À Málaga. Croquant les buñelos de la Passion.
Leurs guirlandes au-dessus des têtes folles.
Les chants venus du fin fond de l’Arabie,
Langue connue de tous. Au bar Fatima on
M’expliquait que tuer est une fonction
Aussi belle que l’affine. Identités remarquables
Des visages. Nous ne tuons que par plaisir /
Alors pourquoi tuer l’homme qui ne se mange pas ?
Ma tête s’est enrichie de toutes les grimaces du monde.
Jetez la chèvre et battez l’âne.
L’après-midi avec la mort pour seule compagne
Dans le confessionnal de sable et de soleil.
L’ombre vous parlera enfin. Un verre à la main
Et la parole avec le dieu qui est le vôtre.
Nous en avons tous un.
Derniers vers de Laforgue avant la mort
Programmée de l’intérieur de son corps
Par l’algorithme de la maladie chronique et évolutive.
Cet in progress plus ou moins longtemps
Et dans les limites du possible ou en tout cas
Du Connu. Les fontaines sont vivantes.
Masques mortuaires de l’illusion comique.
Leur phosphorescence de luciole.
La langue s’y agite plus qu’elle ne parle.
Ne réclamez votre dû qu’au personnage qui l’incarne.
Et ainsi pendant si longtemps
Que les horloges ne savent plus
Qui les a inventées.
Le club des parodies avec sa claque joyeuse
Et hypocrite. Que voyez-vous dans le trou
De la serrure ? Les jambes fines d’une fille
Qui n’a plus l’âge de se donner à l’homme.
Masques de plâtre ou de papier mâché.
Théâtre sans rideau autre que la nuit.
Qui a inventé le temps ô ma pucelle ?
Je ne le dirais pas au temps si je le savais.
Beauté d’un seul vers de Villon à l’appui.
Rare les artistes dans ce domaine.
Baudelaire encore. En costume de Poe
Ou dans le sien : drôle d’histoire
Inventée pour troubler le bourgeois
Qui préfère Fanny. Du moins hors du lit.
À qui appartiennent ces mécanismes
De la précision et de la logique ?
Je ne le dirais pas aux hommes
Si je le savais. Libre à moi
D’en inventer le personnage
(je réfléchis tout haut)
Et les acontecimientos nécessaires
À la compréhension de la chose publique.
Lits et parfums qui en disent long
Sur les goûts d’une époque
En matière de plaisir.
« Ce que tu peux être difficile à déchiffrer ! »
Pourquoi pas un enfant s’il ne porte pas mon nom ?
À quel point ce nom n’est pas le mien…
Rentré tard en fin d’après-midi,
Fatigué par la distance parcourue
Et par cette agitation tournoyante
Qui nous a accompagnés en route.
En route vers quoi ? L’estomac
Encore pétaradant sous le soleil
Et les rares frondaisons de l’été.
Aliz composait des vers en chemin.
Chemin de quoi, vraiment ?
Au croisement des paysans
Ces regards d’un autre temps
Que nous n’envisageons même pas.
Qu’ont à faire nos visages
Dans cette petite histoire
De la famille au repos et
Qui ne veut pas s’ennuyer
D’elle-même ? Nous revenons
Avec les trouvailles des enfants.
Rien ne m’amusera plus jamais
Si je dois continuer de les aimer.
Comme la poésie est belle
Quand le poème n’est plus là
Pour se passer d’elle !
Nous avons oublié un chapeau
Sur une chaise inoccupée.
Ah ! que le vent l’emporte
Plutôt qu’un de ces gilets !
Et qu’il en coiffe un angelot
De porcelaine chez ma sœur !
« Je n’ai pas été heureuse avec toi. »
Quelle cruauté quand elle s’y met,
La garce ! Nous avons des étés
Reproductibles, il faut dire…
Qu’est-ce que je suis
Si je ne suis pas
Ce que j’ai voulu devenir ?
Naïveté des questions posées
Lors des examens de conscience.
Nous avons aussi des plages de sable si fin
Que nous en mesurons l’âge et l’érosion,
Dit-elle pour meubler une conversation
Qui n’avait plus rien à voir avec notre amour.
Nous possédons des tas de choses agréables.
Et nous redoutons les effets de l’enfer mitoyen
Sur cette espèce de bonheur dont nous connaissons
Le prix, bien sûr. Ouvrir l’encyclopédie des choses
Et en chercher la poésie à défaut d’en pouvoir lire
Le poème. Nous ne mourrons pas ensemble, sauf
Par accident. Dans un avion par exemple, voyant
L’autre crier comme au premier jour et criant
Soi-même sans aucune retenue. Il n’y a rien
De plus désespérant que le désespoir. Et je pèse
Mes mots. Nous avons acheté l’ennui dans une boutique
De prêt-à-porter. Ça nous va bien, de nous ennuyer
Mutuellement. Ce qui n’interdit pas le plaisir, tiens !
Quelle confession ! J’occupais le confessionnal
Aux heures de la branlette. « Comment ?
Monsieur le Curé ! Vous ? » Pas plus tard
Qu’hier, ma douce paroissienne déflorée
Et même usée jusqu’à la corde. Au point
De n’être plus en mesure de concevoir.
Qui sera le premier à s’en plaindre, ô ville ?
Ici le poète est un héraut.
Il ne porte pas les armes
Mais il a l’œil sur le blason.
Entre le bourgeois et l’homme libre :
La race délétère des larbins
Pose la question de savoir
Comment vivre en homme libre ?
Nous sommes tous nés
Dans cette antichambre
caractère provisoire de cette situation
Si le moyen de vivre libre
Est une réalité ou une fiction.
Encore que la fiction
Naisse des apparences ou du rêve
Ce qui n’est pas la même chose
Oh non mon maître pas la même du tout !
Palamèmedutou / résonnance éprouvée plus d’une fois
Au contact des eaux vives de l’Hers à l’endroit où
Le moulin qui servit autrefois à moudre le grain
Sert aujourd’hui de générateur d’électricité /
[…]
Palamèmedutou / cette chose qu’il est question d’observer
À travers le prisme des arcs-en-ciel que la fin de la pluie
Impose au ciel où la nuée a perdu son sens métaphorique
À cause d’une explication / nous étions sur le balcon
Et nos verres ruisselaient d’intentions ce qui n’est
Palamèmedutou / renseignez-vous avant de critiquer !
Pensant aussi à la femme qui a perdu sa beauté
Ou qui n’a jamais été assez belle pour inspirer
Le désir de la posséder au moins le temps d’en jouir
De quel langage me parlez-vous ? La langue française
A perdu le sien dans le monarchique classicisme
Qui s’est imposé (arc-en-ciel) au Droit comme à l’Art.
Les tropes ne manquent pas si on prend le temps
De discuter avec cette engeance dont l’esprit
N’est pas fait ni construit pour apprécier le temps
Qu’il faut à un homme pour trouver enfin son style.
Palamèmedutou / […] / « suffit de prendre le temps, mec /
Alors tout s’éclaire et tu éteins pour retrouver la chaleur
Du lit et peut-être de celui ou celle qui se donne en spectacle.
Belle ou bonne chanson des choses qu’on connaît
Comme si on les avait fabriquées soi-même.
À la télé et surtout sur l’internet il y en a encore
Plus / des choses qui naissent partout où on met
Nos pieds d’être doué de la parole / cette curiosité
De conquérant que le larbin sert avec fidélité /
La trahison est le nœud de la réussite : acceptez
Le joug et secouez-le s’il vous meurtrit les épaules.
Palamèmedutou / je lègue mes crayons aux mines cassées
À cause de trop de chutes / ces feuilles que le vent
N’emporte pas / tout ce gaspillage de temps : ne plus
Chercher ailleurs ce qui s’est toujours trouvé ici, mec !
Quelle dent dure au malheureux qui ne sait pas
S’il a raison ou tort / traçant la grille d’un poème
Faute de pouvoir en concevoir le plan / parties
D’un tout qui va prendre un sens : et pas que pour soi !
Des années à ruminer dans l’herbe rase des hivers
Et les catapultes du printemps / l’été est si charmant
Si l’automne promet une douceur propre à revisiter
Les lieux cette fois en touriste appliqué : une femme
Ou un homme / pourquoi pas un enfant ou l’ancienne
Façon de dire bonjour au jour qui n’est pas encore né.
La grille n’est pas faite pour être ouverte ou fermée :
Vous passerez devant en remontant la rue où j’habite
Depuis si longtemps maintenant / pas d’architecte ici
Mais un homme muni d’une feuille et d’un crayon.
À la fin (c’est comme ça qu’on appelle ou qu’on nomme
Le dernier segment de temps : allez savoir sur la base
De quelle unité !) à la fin la grille réclame son inachevé.
La voilà bien scellée à ses piliers à l’entrée du royaume,
Mais on éprouve encore le besoin non pas de parfaire
Mais d’ajouter / Rien n’est plus achevé que l’inachevé.
Essayez si vous en avez encore le temps et vous verrez !
Palamèmedutou / Vous habitez avec les autres mais cette grille
(du moins en rêve ou selon les apparences du jour) qui
Ne s’ouvre ni ne se ferme continue de hanter ces minutes
De notaire enfin plié en deux hommes par le temps qui
Lui / s’achève : j’ai toujours aimé lire et c’est pour ça que
J’écris / ne passez pas devant chez moi (chez nous) sans
Consulter l’heure au cadran solaire de mes nuits blanches.
Pistes suivies à la fin de l’été […]
« Tu passeras pas l’hiver, » dit-il
Mais je n’avais pas entendu
Le « sans moi » / et j’ai eu mal.
« Des fois je me demande si tu écris
Ou autre chose. Anything. Moi quand
J’écris c’est à quelqu’un et je sais
Pourquoi j’écris. Je trouve les mots.
J’ai un pouvoir de conviction
Que j’ai maintenant envie
D’exercer sur toi. Ça fera peut-être
De moi une écrivaine. Tu as
Toujours rêvé de vivre avec
Ce genre de femme. Mais tout ceci
N’a d’intérêt que si tu écris
Et pas autre chose, ô mon amour ! »
La jalousie borne l’égoïsme tout comme l’hypocrisie.
Fêtez l’anniversaire de votre bison
Si vous en avez un à disposition
« J’ai pas tellement envie de vivre avec les autres.
Mais si tu sers à quelque chose, pourquoi ne pas
Habiter dans ma rue. J’aime pas les déplacements
En commun. Faudrait que tout m’arrive par la rue,
Celle que je connais parce que j’y suis né, mec.
Je ferais bien un voyage avec toi si tu l’organises.
Qu’est-ce qu’un beau vers au milieu du poème
Qui se fiche de ses vers comme le macchabée
Qu’on ramène chez soi après le boulot ? / je
N’ai pas l’esprit à la domesticité. Je fais ce que
Je peux pour ruser avec cette maudite situation.
Pas trouvé d’autre solution aux exigences vitales.
Et puis j’ai pas les épaules d’un voleur / toi non
Plus. Viens habiter chez moi si t’es dans la rue
Ou partageons nos impressions dans l’une ou
L’autre de nos maisons / ça nous fera du bien. »
Marre de chercher à écrire
Pour dire quelque chose
De pas trop con. Signé.
Qu’est-ce que je fous ici
Restera la seule question
À poser au voisin qui jardine
En attendant de fleurir
Le cimetière de ses rêves.
Admirez le coucher du soleil
Sur l’horizon des vacances
Passées à chercher encore
Et toujours la même raison
De ne plus chercher ici
Ni dans aucun endroit
Où le rêve ne croit plus
En lui-même ni en soi.
Si c’est passer le temps que tu veux,
Abandonne-toi dans n’importe quel
Recoin de ce rivage rocheux à souhait.
J’enduirai ton corps de l’essence des algues
Et je le purifierai dans la spirale des coquillages.
Je ne connais pas d’autre langage
Que celui de l’abandon.
Je ne suis pas un fan
Des recherches étymologiques.
On n’explique pas le choix des mots
Par ce qu’ils sont devenus
Dans la bouche des autres.
Laisse la mer revenir sous tes pieds.
Six heures de patience
Et de silence vocal.
La nuit tombera sur ta mort.
Et je prendrai la fuite
Pour ne pas tomber entre leurs mains.
Bizarre instant du poème cette épode.
J’ai écrit ça après être revenu seul.
La nuit est claire comme son eau.
Je vais la passer sur la terrasse.
Des fois je trouve l’inspiration
Et des fois pas.
Je guette le jour alors.
Le jour est ma proie de chasseur déçu.
Vous habitez le même jour et ça me console.
Qu’est-ce que ce cœur que vous brandissez
Comme s’il s’agissait d’un trophée
Alors que c’est le vôtre ?
Vous ne saurez jamais ce qu’est la poésie
Parce que vous ne savez rien du poème.
Mais pourquoi vous en parler… ?
Songeons plutôt à quelque orgasme
Sans vraiment se mettre à l’abri des regards.
Le soleil a patiné votre beau.
Vous ressemblez de plus en plus à une statue.
C’est pour ça que je rêve de vous tuer.
Ne cherchez pas le refrain
Qui conduit la ballade.
Ne cherchez pas à m’échapper.
Vos parfums me rendent fou ou savant.
Votre duvet poli par le soleil appelle mes lèvres.
Pissons ensemble dans la vague.
Croisons nos jambes sous cette eau.
Je vous achèterai un bikini et un chapeau de paille.
Et un voile diaphane pour les jours de vent.
Je ne rêve de rien d’autre en ce moment.
Et si je rêve c’est parce que j’ai accès à la réalité.
Comme il est agréable de glisser
De l’exigence du poème
À la paresse du roman !
N’exigez rien de moi que le plaisir.
Signé : votre.
Cette race de larbins qui exige un « meilleur salaire. »
J’en suis et je m’en veux. / éclairez ma lanterne ô
Partisan de l’effort produit au service de cette communauté
Particulière qu’on appelle nation faute de lui appartenir
Corps et âme / arracheurs de dents d’un côté et de l’autre /
Celui qui vend est un voleur / celle qui se vend une pute /
Vous n’avez pas le choix ô domestiques nés l’un de l’autre !
Mes rues sont vos rues / ou l’inverse : je ne sais plus
// Ponctuez le temps consacré à gagner votre croûte //
Nous sommes parce que je n’est pas / ces arbres nus
De l’hiver : cette humidité de vent et d’animal chassé.
La Terre (la terre) est à tout le monde : bienvenue
Au voyageur qui cherche à se sédentariser : je lui demande
S’il veut prendre ma place / mais je ne prendrai pas la sienne.
Le voyage est un suicide donc : il faut le planifier avec soin.
Rien à foutre qu’on augmente mon salaire ! Mais je vis
Et je suis donc des vôtres ô buveurs de psittacismes !
Ils auront vite fait d’oublier l’aspect de mon cadavre.
Je ne leur laisserai pas une histoire policière
Ni même une tragédie personnelle.
On vide les maisons des morts
Pour en partager ce qui peut encore servir
Ou ce qui a quelque valeur marchande :
Peu de souvenirs sur leurs étagères.
Mignonne, allons voir si je bande encore.
Les plis de ton corps sont bons pour l’inspiration.
Quel que soit ton âge et ta situation sociale.
Il y a longtemps que le corps sait cacher ses défauts.
Avec art quelquefois, non sans naïveté.
Allons voir si la beauté a conservé son pouvoir.
Pourquoi pas si la solitude ne dit pas le contraire…
Ne plus se réveiller, même sans en rêver.
L’homme n’est pas la Cité mais la Cité est l’homme.
Se nourrir des rencontres devant les vitrines.
On appelle aventure ce qui relève de la circonstance.
« Le salaire est bon si on sait servir. »
Elle ne se souviendra pas de moi
Comme je me souviens d’elle.
Le corps pas même jeté en pâture
Aux animaux de la surface.
Enfouir ou brûler, comme assassins.
Ou est la préméditation dans tout ça ?
Je suis convaincu que c’est la préméditation
Qui ouvre le chemin des cimetières
De nos tranquilles villages
Et de nos villes tourmentées
Par la même tranquillité de silence.
Vous serez payé si vous travaillez.
Sinon on vous donnera quelque chose.
Pourquoi anything ?
Ainsi vous ne salirez pas nos paillassons.
Belles demeures de ceux qui travaillent pour être payés.
Misère du reste du monde
Et de l’humanité qui s’ensommeille
Dans les refrains de la religion et de la politique.
« Je passais par là et j’ai vu ces filles à moitié à poil…
— Qu’est-ce que vous voulez dire par « à moitié à poil » ? Elles étaient à poil ou pas ? Précisez votre pensée.
— C’est pas une pensée ! Juste une impression…
— Vous ne rendez pas service à la justice en vous exprimant de la sorte… »
Moi aussi je passais et je les ai vues,
À poil / je veux dire : en slip et soutif.
Le reste, monsieur le juge (ou madame)
J’en sais pas plus que vous sur la nudité
Des jeunes filles qui présentent tous les signes
De la sexualité mise à nu par l’inspiration.
Herméneutique et rhéologie :
« Vous m’en mettrez deux tranches,
Une de chaque / j’ai de quoi payer. »
Insertion des nouvelles du jour.
Et quand je dis « nouvelles… »
Je dis pas autre chose du genre
J’ai pas le temps revenez demain
Ma fille a chopé un rhume
Quelle idée d’utiliser la piscine
Quand l’autan est noir !
« Utiliser » et ce type s’étonne
De ne pas avoir le même point de vue
Sur la nudité des filles et des garçons
En âge de participer aux réjouissances
De l’été offert par le patronat.
Facile mise en page des glissements
Opéré par ce qu’il convient d’appeler
Education de la jeunesse en vue
Du mariage, de la religion et de la mort.
Autrement dit (dans le désordre)
Travail, famille, patrie : idéal
Que ne réussira pas à contester
La trilogie mise en exergue
Au fronton de la nation.
La question est de savoir si la terreur
Consécutive au viol
Est due à nos conceptions éducatives
Ou à la nature.
La loi dite naturelle
(qui ne l’est peut-être pas)
Contre le droit pensé
Et appliqué par souci
De rendre possible
La vie ensemble
Et le progrès social.
Coq à l’âne cocaïne […]
« Blanc ou Noir c’est pareil :
Yen a pas un meilleur que l’autre.
Je propose à l’Assemblée
De laisser tomber ce débat. »
Tous les prétextes bons
Pour prendre la place de l’autre
Et ramasser la mise sans lui.
Ce monde n’est pas le mien.
J’y fous ce que j’y fous. Point.
À la ligne si ça vous chante.
J’ai une de ces envies d’aller pêcher
Au large de nos frontières comme autrefois !
Te souvient-il ? Titi grillant l’éperlan
Entre les rochers de la plage d’hiver.
Ce gosse de riche qui nous observait
Penché sur la balustrade de son balcon.
« La chance qu’il a ce con ! »
Comme si on en manquait
Alors que le banc d’éperlans
Faisait bouillir cette eau.
Et que toujours le même boiteux
Arrivait avec sa canne en nous engueulant
Parce que soi-disant c’était son coin.
Comme s’il l’avait hérité.
De qui un pareil inutile avait hérité ?
La dragueuse revenait du canal à marée haute.
« Les Noirs c’est des Blancs
Et les Blancs c’est des Noirs !
J’en ai marre de me laisser avoir
Par les idées qui courent les rues ! »
Gosse au balcon pas invité
A nous rejoindre et à recevoir
La leçon du futur à notre place.
Les fils et le tissu lui-même :
C’est pas la même chose.
Cette copla :
No son todos pescadores
Los que a la playa van
.
Unos pescan los jureles,
Otros, las hijas de Adán.
Autre :
Y a-t-il vraiment des idées
Dans les choses que tout le monde
Peut voir toucher changer… ?
Ou faut-il les chercher
Dans le rêve scientifique ?
Pour répondre à cette question
Pratiquez la poésie
Aux antipodes de la réalité :
Chant intermédiaire.
Ou préférez le poème
Qui se passe de tout ça.
Quelle ode ! Quelle unité ! Quelle chose !
Ce type riait tout seul assis à la table
Voisine de la nôtre remplissant les pages
De son carnet de ce qui était peut-être
Une refonte totale de l’écriture /
Ou bien ce n’était rien de tout ça
Et nous rêvions en observant le défilé
De ceux qui veulent être payés
À la hauteur de leurs rêves d’enfants.
Vous ne voyagerez plus longtemps dans cette bagnole.
Exégèse tout le long du chemin, interprétant le nain
Qui dort en lui, comme la muse du mauvais poète.
Ne cherchez pas à paraître moderne alors que vous
Êtes les nouveaux rhétoriqueurs luttant contre les excès
Que dis-je : les outrecuidances de ceux qui sont venus
D’une autre planète pour montrer comment on monte
Les chevaux par temps de corrida / sol y sombra
À tous les étages / cette sensation d’être déjà venu
Et les chants qui accompagnent l’ingurgitation.
Les flics n’aiment pas qu’on leur rappelle
L’échec scolaire qui les a placés où ils se trouvent
En ce moment de votre propre insuccès : bagnole
Bonne pour la ferraille et encore : je crois pas
Qu’ils soient intéressés par la rouille / lointaine
Origine de ces écrits pourtant à peine pondus !
Vous n’aurez pas la race et la romaine ! / copla
Où ce type / qui n’a jamais prétendu être le premier
Des hommes occupés à se reconnaitre dans un miroir /
Emploie ses filles à ravauder ses propre filets / espoir
De bonnes épousailles / perspective d’une réalité
Aux antipodes de la poésie : n’écrivez jamais
Que vous n’êtes pas venus : le ciel en témoigne
Et : « je ne mens jamais » Gloire à vos épodes !
Les préoccupations du fils à papa comme de sa fille :
Spectacle du bonheur à tous prix / les revendications
Salariales sur le devant de la scène avant même la nuit.
Cette nuit qu’il faut traverser chaque jour / « l’œuvre
Des étrangers à notre système. » « Je me paierais
De votre tête si j’en connaissais le prix ! » « Éclairez
Ma lanterne ô minus habens de l’état civil ! » Théâtre
De ceux qui ne sont pas venus pour déconner.
La modernité crevée comme bête
À peine sortie de la terre nourricière.
Et ces rhétoriqueurs en bandes organisées
Autour des systèmes rémunérateurs /
Non il n’y a pas de poésie
Sans poème mais le poème
Existe aussi bien sans elle /
Populants et savants /
Comme un animal blessé couché
Sur le côté pour tenter de stopper
L’hémorragie rougissant comme feu.
Cette hésitation devant la difficulté
Que la moindre illisibilité
Pourrait opposer à l’attente
Du plus grand nombre
Le poète veut toujours dire quelque chose
Que les autres sont censés comprendre.
Il s’approche d’eux au lieu de les inviter
À participer à son expérience du vide.
Crachant toute la substance
Qui lui sert de fluide binaire.
Un type ou une autre
Qui écrit dans un carnet
Sur la côte où les vacances
Sont le principe d’existence
Provisoire mais bien réelle
Ce type ou cette autre
A aussitôt l’air d’un poète
Personnage à ajouter illico
À la compagnie des étrangers
Qui illustre notre comédie
Les soirs de grande douleur.
Cette envie que j’ai eue
De continuer l’article
Par autre chose
Que le bavardage
Copié sur les infos
Circulaires du temps.
La poésie ininterrompue suppose une loi des séries.
Or ici l’interruption est le principe du langage osé.
Quelquefois le cadavre revient en vainqueur.
Lui qui n’a jamais rien gagné que sa mort.
Quelle passion pour les feux d’artifice !
Un flic consultait sa main noircie.
Je gagne peu mais je gagne.
Je dis ça comme ça, mec.
Possible rendez-vous
Avec la mort ici…
« je n’ai jamais été (pas allé)
plus loin que le quai
où mon père embarquait
pour se perdre une fois de plus
sans espoir de revenir »
« les idées ça pullulait
comme des parasites
et on attendait le soir
pour ouvrir le toit
à la Lune et à ses enfants »
« la pluie n’entrait pas
dans la maison de mes pères
alors que la toiture
laissait passer le jour »
« avez-vous essayé
de refermer la plaie
comme font les chasseurs ? »
« le poème est partout
c’est peut-être ça
qu’on appelle dieu
cette sensation
qu’on en saura plus
si ça dure plus
longtemps que prévu »
« comment fonctionne l’esprit ?
quand on saura ça
on saura tout »
« on se fera bouffer
avant d’y arriver
le mieux est de
ne pas s’en aller »
Escaladant les rochers
Comme si c’étaient
Des chevaux de manège.
Le ciel tournoyant au-dessus
Et les étoiles se multipliant
Chaque fois que le disjoncteur sautait.
« Et si tout ça n’avait aucun sens ?
Je pose la question parce que des fois
J’ai l’impression que je me dois
Plus aux hommes qu’à Dieu… »
« Dites ce que ça ne dit pas
Quand on se tait soi-même. »
« Une belle tranche de cette viande
Cuite sur les deux côtés avec
Un verre de votre vin de famille…
C’est comme ça qu’on l’appelle, n’est-ce pas ? »
Et si tout ça n’avait aucun sens… ?
Charme momentané d’une évidence révélée
Par l’agencement des mots.
Une pluie de « poésies »
Sortie des salles polyvalentes
Et des cours de récréation.
Quelque part un pauvre type
Ne supporte plus sa solitude
Et songe à la mort avec ironie.
Seringues des cages d’escalier.
L’ascenseur est en panne kaput
Le bras d’un camé qui aime les vieux
Et s’imagine les respecter.
Nous traversons ainsi nos demeures
Et nos lieux. Celui qui a perdu un ami
Dans un combat à l’issue incertaine
N’acceptera jamais qu’on ironise
Sur le sort des victimes de la guerre.
Descendant cet escalier monumental
Le vieil homme se dit qu’il va falloir
Le remonter / avec le poids des courses !
Mais le camé offre son bras squelettique
Et voilà que commence le voyage incertain.
7 étages de ciment souillé par les passages
« Au lieu de ça j’ai eu cette idée sommaire
De sauter par la fenêtre comme si je savais
Voler avec les pigeons qu’on ne peut
Même pas manger pour éviter les déséquilibres
Nutritionnels. !! Mais enfin, jeune homme !
Vous ne m’écoutez pas ? — Tu me rases,
L’ancien ! » Ils écrivent des romans pour nous
Divertir de ce qu’on sait déjà pour l’avoir
Vécu et avoir même à le revivre tant que
Durera cette existence de hasard sans les dés.
Sur le trottoir une vieille attendait qu’on
Lui offre un bras pour l’aider à traverser
Alors je me suis proposé et j’ai eu envie d’elle.
Des tas d’histoires de ce genre
Sur la table aux tréteaux aussi
Peu théâtraux que possible.
Vous ne reviendrez pas sur les plages normandes,
Mes beaux alexandrins.
Et déjà cherchant la rime qui permet les voyages.
Quelle drôle d’idée
Que de vouloir mettre en vers
Le jour le plus long
De Cornelius Ryan !
Il s’en est fallu d’un cheveu
Que j’y parvienne, Médor !
Là-haut un pauvre type songeait
À mettre fin à ses tristes jours,
Ses longues nuits sans rêves,
Cette succession d’échecs.
Seriatim des banlieues de l’esprit.
Aujourd’hui ils veulent imposer
L’idée d’une société ville/campagne
Oubliant l’interstice des banlieues
Et les rivages aux réels horizons.
L’idée d’une poésie chaos/unité.
Et dans l’interstice ce pauvre type
Qui se sent seul avec sa propre mort
Comme si cette compagnie le préservait
D’une tout autre définition de la solitude.
Soit tu veux mourir parce que tu es jeune.
Soit c’est la vieillesse qui te conseille.
Et dans l’interstice, tu passes ton temps
À te demander si ça vaut encore le coup
De revivre ce qui vient d’être vécu, seul !
Ils s’amènent avec les décors.
On va pouvoir jouer avec eux.
Les écrivains qui savent écrire
Et ceux qui ne le savent pas.
Dehors ces entrées dans les gouffres du spectacle
Organisé par les enfants des propriétaires.
Cirques et théâtres, tournées et projections.
Voire meetings politiques et défilés à la mode,
Genre contestation on veut plus de pognon
Pour nous élever à la hauteur de votre bonheur /
Ces gosses qui trottinent sous les cierges en Espagne.
Formant la boule utile autrefois à l’éclairage
Des intérieurs. Rideaux voletant aux portes.
Il n’y avait pas de carreaux aux fenêtres.
No son todos pescadores
Comme si le monde était enfin entré en moi
Et que je n’avais plus qu’à en parler
Pour passer pour un poète.
« Je ne suis ni plus ni moins un homme. »
Mesurant l’importance des fêtes populaires
Et la nécessité de la rigueur scientifique.
« De temps en temps ça me prend
Et je me sers des mots de la chanson
Comme si j’étais en train de séduire
La femme que j’aperçois encore
Dans les rues de mes rêves… »
Quel plaisir peut-on prendre
À rechercher l’unité
De ce grand bordel ?
— Mais oh monsieur
Ce n’est pas une question
D’unité ni de cohérence !
Vous pensez ! Nous avons
Dépassé ce stade primaire
De l’évolution cognitive !
Ce que nous recherchons…
Pauvre type à l’étage songeant au suicide.
Chaque fois qu’il se met à écrire il renonce
À ce non-voyage au centre de la Terre
Et de ses habitants / voyant l’animal /
Par exemple un chat / tenter de lui inspirer
Une histoire qui ait valeur de fable /
Afin de figurer parmi les grands fabulistes
De l’Histoire / qui en est au fond la seule
Chronique / l’animal au poil si doux !
Je dis pauvre type comme je dirais pauvre fille.
Avec sous la main tous les ingrédients de la fuite.
L’argent qu’il faut gagner pour ça aussi !
Toujours l’argent ! Quoique vous en fassiez !
« Travailler ou voler, on n’a pas le choix des armes. »
Se poser la question de savoir si ce type (cette fille)
Travaille ou vole pour payer le temps à la hauteur
Du plaisir recherché. Vous n’écrivez pas pour écrire.
« L’art doit servir à quelque chose. » Misère du sens !
Mot à mot des passions exprimées à l’écran.
Seriatim des discours conçus non pas pour convaincre
Mais pour éveiller. Cette seule titillation du sens.
Mais lequel parmi tous ces sens ? Soyez fidèles.
Baudelaire inventant sa propre histoire
Pour attirer le chaland.
Hasard ou calcul des textes qui parlent de nous
En fonction de ce que nous croyons être.
Ce type (cette fille) feuilletant les données
Du suicide dans les pages d’un bouquin
Consacré à la torture exercée en temps de guerre.
Inventez-vous une histoire
Plutôt que de chercher un concept.
Parcourez les sentiers du récit
Au lieu de thésauriser dans l’idée.
On vend toujours mieux l’attraction
Que l’attente /
Choisissez votre camp :
Le jeu (avec ou sans les autres)
Ou la mort (maintenant ou plus tard)
No son todos pescadores /
Qui suis-je ? Qui me veut ?
Au bras du seul camé de l’immeuble
Il remontait dans ses appartements
Avec l’idée d’inviter cette « aimable personne »
À partager le repas de midi avec lui.
Mais comment le lui dire
Sans lui donner à penser
Autre chose que ce que ça dit… ?
Renouez avec l’errance
Parce que de toute façon
Elle finit par faire le tour des choses.
Voilà ce que je voulais vous dire.
Du volumen au codex et maintenant le browser.
Qu’est-ce qui m’empêche de lire selon le rotulus ?
Et pourquoi j’ai tant de mal à ouvrir ce bouquin ?
Alors que mon esprit exprime sa joie
Chaque fois que mes yeux se posent
Sur mon écran / Écrivez pour l’écran
Et continuez de lire comme ça vous chante !
Qui aurait cette idée farfelue
D’installer une librairie
Dans un bois ou une savane ?
…l’essentiel n’est pas que l’artiste soit dominé, mais que depuis cinquante ans il choisisse de plus en plus ce qui le domine, qu’il ordonne en fonction de cela les moyens de son art.
Il ordonne en fonction de cela les moyens de son art
Ou il n’ordonne rien du tout et laisse ce soin
À celui qui se trouve devant l’écran.
L’artiste c’est celui qui lit
Et non plus celui (ou celle) qui écrit.
Alors qui suis-je si c’est ça que les autres pensent de moi ?
Se demandait ce type au bord du suicide, clé en main.
Il n’avait plus les moyens de faire le tour du propriétaire.
Son esprit refusait obstinément de se livrer à ce jeu.
Il ou elle. Il n’y a d’homme et de femme que dans l’acte sexuel.
Ce que les autres pensent de moi / cette idée folle que j’ai
Que les autres sont ceux qui pensent quelque chose de moi.
— Où c’est que j’ai piqué cette idée… ?
— Tu le sais trop bien… dit la fille.
— Je veux plus penser quoi ce soit des autres !
— Alors finis-en une bonne fois pour toutes !
« Ce qui me domine… pas difficile de le savoir… »
Encore faudrait-il d’abord essayer…
Voir ce que ça donne… des fois que…
On ne sait jamais avec ce que pense les autres…
La fille riait en montrant ses vilaines dents.
« Donnez-leur de l’argent
En échange de leurs élucubrations
Et ils deviendront aussi doux
Que les peluches de ma petite-fille. »
Vrai / c’est l’argent qui est recherché
Ce que l’argent permet à celui (ou celle)
Qui en possède sans être contraint(e)
De travailler comme les autres
Ou de risquer la prison ou la cavale.
« J’arrête pas de le dire !
De nos jours
(et c’était peut-être aussi le cas dans le passé :
j’en sais rien : j’y étais pas)
C’est l’argent qui motive le moindre poète.
Même s’il en a par rente ou par salaire.
Il en veut plus parce que cet argent là
N’est pas la conséquence logique
D’un héritage ou d’un labeur d’esclave :
C’est l’argent du commerce / un argent
Qui a valeur d’adoubement / chevaliers
Qu’ils (elles) veulent devenir ces poètes-là !
Et je ne dis rien de la montée en grade
Dans les coulisses de l’État et du Monde ! »
On s’approche de la rivière
Comme l’animal du troupeau
Qui paît un peu plus haut
Sur la pente qu’on vient
De descendre avec cette idée.
Pescadores… et les autres /
Ceux qui ne le sont pas /
Nos filles / chronique du bien
/ Ce sont les mères qui chantent
/ Cousant derrière le rideau des portes
/ Pendant que les pères (Adam)
/ Roulent le filet ravaudé
/ L’œil sur les filles qui minaudent
(Ces autres adorent ça, la minauderie)
Les plus belles minaudent du bec
/ Les autres épouseront des pescadores.
Quel royaume veut sincèrement
Devenir une république… ?
Quel roman cette démocratie !
Et quel spectacle à ne rater
Sous aucun prétexte !
Dire que je ne vivrais pas assez longtemps
Pour assister au rideau final / dénouement
: On ne pouvait pas rater ça / les nations
Qui ne se donnent pas corps et âme
À cette évolution ne seront pas
Les nations de demain / ou il faudra
Les détruire / bibliothèque d’Alexandrie
« Voulez-vous que je vous aide à monter tout ça… ? »
Disant : vénérable monsieur qui ne peut plus arquer.
Surtout quand ça monte ! Ce maudit ascenseur
Qui lui ne veut pas monter / ni descendre monsieur
: ni descendre / il ne veut pas / tête de mule
Ensuite on n’a plus besoin de savoir monter
Ni d’accepter le bras d’un camé qui meurt
Lentement parce qu’il s’ennuie / sans le Mal
Ni le Bien d’ailleurs : pas besoin non plus d’inventer
Des salades / pour : trouver un public et profiter
Des saveurs de l’argent et de la reconnaissance /
Toi-même : vous : monsieur : avez-vous : trouvé ?
— Ni l’un ni l’autre… mais j’ai beaucoup travaillé.
Je peux vous montrer ça si vous voulez… oui… ?
Non. Je n’ai pas acheté grand-chose aujourd’hui.
Changeons le sujet de la conversation SVP / ()
Le suicide : non : l’accident : monsieur : toujours
L’accident. Alors j’attends et je me désespère.
Rien n’arrive : monsieur : je compose une chanson
Chaque jour / ça me fait du bien / je parle de vous :
De votre suicide : oui : mais rien n’est encore arrivé
Chez vous non plus. Un jour l’ascenseur ne tombera
Plus en panne et alors je n’aurai pas le plaisir
De vous inviter à partager : votre refus témoigne
Assez de notre proximité. Oui : mes économies…
Des bouts de chandelle, monsieur / pas de quoi
Éclairer mes nuits noires. Je ne m’ennuie pas mais
J’attends : ce qui revient au même : ah ce stream !
Nous avons besoin de cette liberté de penser
À autre chose qu’au travail qui nous alimente.
Des vacances à crédit moi aussi. Avec qui vous savez.
Le side de l’été. Elle et moi. Des kilomètres avalés
Dans la nuit et la voilà à poil sur la plage de rêve.
Non monsieur : elle n’est plus de ce monde : autre.
Mais tout ça c’est du passé : maintenant c’est demain.
Je descends chaque matin pour acheter les fruits
De mon repas quotidien / sans confession / ce repas
Qui me divertit / ivresse passagère / je n’abuse pas :
Moi aussi j’ai soigné des symptômes : puis ça passe
Et la page n’a pas changé d’orientation / ces personnages
Qui reviennent frapper à ma porte : je vous dis ça
En vrac / n’hésitez pas à m’asséner vos vérités si
Ça peut vous faire du bien : je connais 2 ou 3 trucs
Pour améliorer la rythmique du vers sans passer
Par les contraintes de la gamme / nous voici arrivés
/ Palier des rencontres si brèves que je suis incapable
De me souvenir de ce que je vous ai révélé hier /
À la même heure : voyez-vous : vous et moi
À l’heure fixée par je ne sais quelle puissance
Supérieure / Comme il est facile de se tromper !
Ah tout ça ne mérite pas le prix Nobel !
Beau navire
Je chantais
Et la mer
Revenait
Ah c’est l’heure
De partir !
Qu’est-ce que ça peut me foutre
Si je ne suis pas là pour en profiter ?
Grâces des corps sortant
De l’eau seins nus au soleil
Moi cherchant à ne pas oublier
Que je suis venu pour ça
Si j’ai des fois conçu un vers
Qui vaille la peine d’être lu ?
Les dalles de terre cuite
Absorbant l’eau des chairs
De la surface de ces chairs
Quel que soit leur âge.
Il m’est arrivé d’en être plutôt content…
Puis j’ai connu un malheur ou un autre
Et je me suis mis à refaire exactement
Ce que je m’étais promis de ne plus faire.
C’est la mer
Qui revient
Et ses vagues
Surmontées
De joueurs
De mon âge.
Je collectionne les oublis et leurs créatures.
Pour ça faut que j’écrive et que je me relise.
Voulez-vous svp me servir un verre de ça ?
Faudrait pouvoir en extraire l’essentiel…
Mais c’est pas facile après tant de temps.
Ou bien presser le tout pour pouvoir
Jeter l’écorce et la pulpe. J’ai cette idée.
Amenez-vous un soir et on en parlera.
Gravissant des escaliers interminables
Dans les tours bornant le rivage estival.
Et là-haut un ouvrier me parla du vertige.
« Pour qui travaillez-vous le dimanche ? »
On aime les symétries, les circularités, les angles
Qui n’échappent pas à notre attention / ce texte
Demande trop d’appétit / jouez sur la transparence
Des pages / vous avez la possibilité de ne rien lire.
Vous verrez comme je suis facile à déchiffrer.
Et puis qu’est-ce qui vous prend de vouloir
Tout savoir de moi ? De ce que je veux dire.
Là-bas le décor
Était celui d’une forêt.
Il y avait des chevaux sur la plage.
Et ces filles aux longs cheveux
Que le vent agitait
Comme autant de mauvais présages.
La puanteur d’une cheminée
Descendait sur la ville.
Des signes invitaient le passant
À rejoindre la troupe.
« Venez revendiquer avec nous !
Vous n’êtes pas si différents. »
Il fallait descendre une pente de sable
Fin et blanc
Et l’océan était peuplé de mouettes criardes.
« Je vous assure que je l’ai vécu comme ça ! »
Descendant devant moi mais plus vite.
Je me souviens des griffures environnantes.
Qui descendait derrière moi ?
« S’ils nous payaient comme nous le méritons ! »
Je n’avais jamais envisagé la question sous cet angle.
Je ne travaillais pas.
Je n’écrivais pas non plus en ce moment.
J’avais des idées noires.
Mais je ne pensais pas à la mort.
L’argent me rendait imprévisible.
Cette bagnole sous les figuiers du désert.
Ce cuir brûlant nos fesses nues.
Les créneaux blancs de notre petite forteresse.
Éclaboussures d’une piscine
Dont l’horizon se confondait
Avec celui de l’océan.
Une goutte de cette eau dans la verte.
Cristaux scintillant sur l’argent d’une cuillère.
« Voulez-vous d’autres souvenirs ? »
Des choses que je ne connaîtrais pas.
« Vous connaissez… ? Oui ? Bon alors autre chose. »
La vie consistant à posséder
De que l’autre possède déjà,
Quitte à le déposséder.
Cette forêt n’étant qu’un vulgaire décor de papier.
Un sapin de Noël en son milieu.
Des mamans Noël se promenaient nues entre les arbres.
« Faites comme si je vous avais invité, cher voisin. »
Bon début pour un roman.
Les manifestants ne cherchaient pas à entrer.
Le portail monumental était resté ouvert.
« On se regarde en chiens de faïence.
— Un hasard si leur révolte se tient juste à notre porte. »
Des flics portant sur eux l’indigence de leur intellect.
Des mouchards entre les lignes.
« Vous n’êtes jamais venu… ?
Quelles belles soirées nous passons ici !
Vous deviendrez un fidèle vous aussi, vous verrez ! »
Moi qui n’ai jamais suivi personne
Sur les traces du bonheur imaginé
Par les organisateurs du désir.
Je la suivais comme un petit chien
Qui a horreur de se perdre dans la foule.
Des pancartes prenaient la place des nuages.
« Ils ont raison, après tout !
— Avec eux, jamais ! »
Et on s’est envoyé en l’air
Sous les trembles de la propriété voisine
Qui n’était plus habitée depuis longtemps.
D’accord si vous ne vous laissez pas aller
À commettre les excès de cette modernité
Qui n’est en fait rien d’autre que n’importe quoi !
Anything. Vous ne reviendrez pas sur vos pas
Après tant d’années à visiter les monuments
Que d’autres civilisations ont élevés dans le ciel
De la Connaissance de l’Autre / dernier rappel
Des mots inconnus finiront par obscurcir ce ciel.
De nouvelles conjugaisons, parfaitement inconnues
Elles aussi, changeront la chronologie des faits.
Vous verrez que ces personnages vous seront
Parfaitement étrangers et que l’identification
Sera tout aussi impossible. Un autre monde aura
Pénétré le nôtre / créant une Lune nouvelle /
Nouvelle attraction à laquelle les océans
Se soumettront / bref : tout est possible / ici
Vers-planètes en constellation sur la page.
Avec les cartes de vœux rédigées par des enfants
Sur le modèle imposé par leurs géniteurs.
Ce besoin impérieux d’envoyer la chose en l’air
Qui nous environne / hologramme des intentions
Que seul le plan a reçu de nous / palais d’hormones
Voulait que je vomisse avec lui après les rituels.
Voir : oui mais quoi : si la nuit est la seule parente ?
Expansion imaginable mais incalculable sérieusement.
Avez-vous lu ce que je n’ai pas écrit ? / petit malin
Parasitant une fête donnée à des fous que la joie
A transformés en vers-planètes jusqu’à l’aurore.
Ce n’est pas que je tourne en rond / mais je reviens
Sans doute à intervalle régulier / sur ces lieux imaginaires
Autant que réellement visités / au cours d’une enfance
Qui ne se doutait pas de ce qui allait arriver à son futur.
Analectic Songs. Les répliques descendaient du ciel.
Le personnage (comédien) ouvre la bouche et avale
Avant de régurgiter le contenu de ce qui peut être papier
Ou matière optique ou magnétique / ou autre chose
Qui peut toujours arriver pour ne changer que le détail
De la pratique / ce qu’il convient de savoir impérativement
Avant de se mettre à écrire des vers / si ce sont des vers
Qui sortent de votre cerveau et non pas de ces propositions
Qui n’ont pas leur place sur la scène poétique / vomissait
Sans moi / ne camouflant plus la seringue ni le mode d’emploi.
« Voulez-vous que nous écrivions ensemble ? Moi l’inspiration
Et vous le métal qui subit ces contraintes extérieures que
Le commun des mortels (euphémisme pour dire les crétins)
Ne peut même pas espérer comprendre pour allumer sa lanterne.
Trou creusé sous la maison / prenant la précaution de ne pas
Fragiliser les fondations / consultez le plan géologique /
Et dites-moi si vous sentez quelque chose de particulier…
Les uns sont doués pour le stream, les autres pas /
Qu’est-ce qu’on peut y faire ma bonne dame hein ?
Automatique ou prémédité / vous ne le saurez pas !
Les vers-planètes ne vous diront rien si vous n’êtes
Rien / le vers-planétisme (notez le changement d’accent)
N’est pas jouable par tout le monde / alors se pose //
La question de la démocratie qui veut que ce qui
Ne peut être compris par la majorité ne doit pas
Jouer avec les enfants à la pédophilie ni à chat
Nos plaisanteries ne sont plus aussi courtes
Maintenant que l’âge nous a pris par la main
Pour nous aider à franchir le seuil de l’existence.
Vous voulez faire plus et mieux que Sade… ?
Je vous souhaite du bon pain sur la planche !
Et aussi une tranche de Poe
/ et du vin de Rousseau
Ça joue beaucoup aux entournures de l’existence.
Ça se cherche un aspect / et qu’est-ce que ça trouve ?
L’humanité, en tout cas celle qui peut te lire,
C’est toi et toi seul / et quand je dis seul…
On aime la trouvaille / l’écaille qui se détache
Sous l’effet de la lumière / on a l’impression
D’avoir trouvé soi-même / on se reconnaît
Le texte a vite fait
De secouer ses manches de prophète.
Il y a toujours un dieu
Derrière la prise de parole.
Le poème comme excrément
Après l’ingurgitation poétique.
Qui veut lire ces déjections
Devant tout le monde ?
Moi j’ai un bison et vous n’en avez pas.
Vous n’en aurez jamais.
Vous aurez autre chose
Mais pas un bison®
(Un bison séminole)
Le même arbre dans le ciel
En toutes saisons le même
Avec ou sans ses feuilles
Le même et jamais un autre.
Le soleil par intermittence
Parce que le ciel est couvert
Et que le vent en altitude
Joue avec mes nuages gris.
Je franchirai une clôture
Pour traverser le champ
Et croiser les animaux,
Frères des clochers.
Terre d’avant le printemps,
Lourde aux pieds qui la foulent.
Je ne sais pas où je vais.
Je sais où je veux aller.
Quelle ode ! Quelle érudition
Qui ne dit pas son nom !
Les toitures de mon village,
Autant de chapeaux sur ma tête.
Le bois se consume lentement,
Comme la chair de nos aïeux.
Nous ne sommes plus cousins.
La capitale a son langage.
Tu ne t’évaderas plus désormais.
Tu promèneras ton chien d’enfer
Parmi les canards sédentarisés.
Un pêcheur saluera tes exploits.
Sinon la ville est loin d’être un enfer, l’ami.
On s’y déplace à grand-peine, on y sue
Sous l’imperméable ou dans sa chemise.
La conversation se laisse aller en métropolitain.
Une cigarette accompagne d’autres plaisirs
Petits. On voit beaucoup de vieux qui peinent.
Leurs filets aux commissions sont bien ronds.
Les voilà au pied de leur immeuble, indécis.
Ont-ils tous connu la campagne immobile ?
Quel chemin que l’attente au travail, l’ami !
Le soir tu te demandes
Comment les uns trouvent
Et les autres pas.
À ce rythme la vie sera courte comme celle
Des papillons. Mais qui a sa chenille en secret ?
Guettant le moment où la nymphe (en principe)
Annonce des nuits prometteuses de joies
Créatives. Au guet l’employé de l’emploi !
Mais la nuit attend.
Elle ne rêve plus.
Elle se réveille
Avant même
D’avoir trouvé le sommeil.
Quelle misère ces longues cigarettes de l’ennui !
Qui n’écrit pas, s’il veut écrire, s’ennuie.
Qui écrit trop se demande s’il écrit
Ou si c’est autre chose qui lui arrive.
Le poète est celui qui cherche le langage
De ses observations.
Et s’il ne le trouve pas, tant mieux !
Le sentiment est une idée de soi.
Et l’idée, le sentiment que ce sont les autres
Qui empêchent d’écrire.
Misère des pots de chambre qu’on n’utilise plus
Parce que c’est plus facile d’ouvrir une porte
Que de glisser sa main sous son lit.
Oh ces glissements sous les choses !
Ça vaut mieux que le scalpel.
Rien n’est ouvert et tout arrive.
Ainsi se recueille la poussière des parquets.
Poussières, moisissures, coulures, entailles,
Réponses des surfaces, aveuglement tangent.
Si possible la nuit quand le monde est endormi.
Caressant les corps incertains de l’obscurité.
Le poème peut naître aussi de ça. Que dis-je ?
Il naît de cette exploration aveugle et sourde.
Tu es celui qui cherche le langage des choses
Nues. Les choses qui ne contiennent rien.
Toute surface qu’elles sont ces choses dues
À celui qui traverse le temps de cette manière.
Bien sûr, tu voudras savoir qui t’accompagne.
Qui donne un sens à ta solitude de caresseur
D’objets ? Si ce n’est pas Dieu c’est donc
Forcément mon double ! t’écris-tu dans
La nuit. Et tu as parfaitement raison
De le croire et de crier pour le faire savoir.
Cette obscurité de machine à tuer le temps
N’est en rien un mystère ! Et tu cries dehors
Ce que d’autres regrettent dedans. Honnête
Et sincère poète, voilà ce que tu es au fond.
Alors au diable leurs raisons de croire !
Caressons le dessous des choses.
Recueillons les produits de surface
Sans nous soucier de savoir qui a raison
Et qui a tort. Jouir est un devoir citoyen (rires).
Qui a le stream a la poésie.
Moi j’ai le bison séminole.
Je te salue, vecino.
Politique ? Mais oui que j’en fais !
Et même tous les jours.
J’emmerde le bourgeois et ses larbins.
J’ai des petites joies de temps en temps.
Mais bon : si j’en avais l’occasion :
J’hésiterais tellement à me servir de mon couteau
Que je ne couperais rien /
Je veux bien / à l’occasion / voler qui en a /
/ Mais voler une vie /
/Même si elle colle à l’existence
Au point qu’on ne sait plus quels chats fouetter /
/ Non / c’est trop difficile /
« C’est au-dessus de mes forces. »
Ce que j’aime ces temps gris / ciel bas /
La tramontane s’est assoupie enfin :
On peut sortir sans se les geler /
Ça inspire la balade / mon chien
Est heureux comme une femme
Qui a obtenu ce qu’elle veut /
Les jardins ne sont pas encore fleuris
Les piquets se mouillent contre la haie.
La brouette retournée abrite un petit animal.
Sautant la clôture, j’aperçois des oiseaux migrateurs
Traversant le ciel entre les nuages ces oiseaux
Qui ne font plus rêver personne.
« On y va en avion et pourtant on n’est pas riche ! »
Vent à peine dans les feuillages presque nus.
Mais la nudité n’appartient-elle pas plutôt
À ces branches ruisselantes qu’un oiseau secoue
Au rythme de sa poésie personnelle.
« Tous poètes ! »
Je ne me suis jamais autant ennuyé que cet hiver.
Les flics sont toujours aussi minables.
Beau métier pourtant mais qu’espérer de pauvres types
Qui ont raté l’expérience scolaire promise par la République ?
Qui ne se vend pas se condamne à la solitude.
« Nous aurons des poètes au conseil municipal.
Rien ne vaut la poésie quand tout va mal.
Entretenez ce goût de la Beauté
Dans l’esprit de vos enfants.
Ne donnez rien qui ne vous soit payé. »
Beau ciel gris des matins tranquilles de l’hiver.
« Je me demande où nous allons avec toi… »
Le chien cherche son enfer et ne le trouve pas.
Il aboie au lieu de se laisser charmer voire instruire.
Pensez bison si vous n’avez
Pas le stream / pensez
Aux côtes de la Florida
/ Elle vous le rendra
« Est-ce qu’on peut avoir envie de vivre le matin
(comme ce matin tranquille gris d’hiver)
Et se donner la mort en fin d’après-midi ?
Je pose la question parce qu’on me l’a posée… »
La mort en fin d’après-midi / alors
Qu’on n’y pensait même pas ce matin /
Je veux dire : se donner la mort
Parce que c’est tout ce qu’on possède vraiment
Avec cette vie qui nous a été donnée.
« Prenez le café avec moi et on en parlera. »
On parlait de tellement de choses
Entre le matin (tôt) et la fin
De l’après-midi juste avant
Que le soir devienne totalement
Nuit / même ciel que ce matin
La question de l’argent qu’on a
Ou qu’on n’a pas / l’argent utile
Si on veut continuer d’exister
Sans se soucier de la faim
Ni du froid / Sur le Noël, morte saison,
Que les loups se vivent du vent,
Et qu’on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison
Comme c’est beau la poésie
Quand c’est bien fait !
Toutes ces choses si utiles !
Mais on n’a pas le choix.
Malgré la philosophie
Qui prétend le contraire.
Le seul choix c’est la mort :
Tuer ou être tué / se tuer
« À la balle ou au boulot »
Misère de l’esprit mal nourri.
« La faim n’est pas une bonne discipline. »
Poésies. J’en retournerai comme ça tous les jours.
Mais à quoi bon : Arthur avait ses colonies / pas moi !
C’est le refrain de la journée.
Arthur avait ses colonies / tsoin tsoin
Ce ciel gris que je me mets à aimer
Comme j’aime ses arbres presque nus.
Pas vraiment envie de quitter ce monde.
Je le possède autant que ma mort.
Et cheminant avec les Solitudes
Dans la poche et un chien qui
Cherche toujours son enfer
J’aime l’hiver que je hais
Autre refrain / essayez donc :
Arthur avait ses colonies
J’aime l’hiver que je hais
Vous devriez travailler ça aujourd’hui
Puisque vous n’avez rien d’autre à faire /
rien d’autre à faire / tra la la
Arthur l’hiver et le travail du jour
Le cul au sec sous la feuillée.
Le chien s’est endormi dans son enfer.
Quel rapport entretenir avec l’hiver ?
Les bourgeons croissent sur les branches.
La pluie de la nuit ruisselle encore.
La tramontane s’est endormie dans son enfer.
Si vous m’invitiez à partager avec vous
Un repas 3 étoiles et que vous me promettiez
De ne pas me lâcher avant l’aube… ?
On voit la neige
Uniquement si le ciel est dégagé.
Ce qui s’est perdu n’est-il pas oublié ?
…Tiens le ciel est bleu maintenant…
On dirait que les nuages fuient.
Par effraction dans une de ces maisons
Où le touriste se paie de notre tête.
Les nuages se poursuivent maintenant !
Fuyant et revenant à l’assaut du bleu.
J’ai toujours aimé vivre de vent.
Hiver comme été le vent
Dieu de la joie et des idées noires.
En ville les places sont occupées.
Il n’y a pas de « citoyens ».
Ce sont des habitants.
Moutons de Panurge des bateaux rentrant au port.
Le même quai depuis des générations.
Les chats sortent de leurs trous.
Chaque sillage a son vol de mouettes.
Moutons en route pour l’horizon.
Ils habitent chez leurs parents.
Ils reviendront toujours
À l’heure des rites familiaux.
Travail, famille, patrie :
Pétain avait donc raison :
C’est ce qui leur convient
Le mieux : habiter sur terre
Plutôt que d’en rêver.
Et comme je rentrais au port
À cheval (si je puis dire)
Sur mon bison séminole /
J’ai rencontré l’amour
Ô filles d’Adam / rêveuses
De capitales et de vacances !
« Entre les flics et les fils de famille
Ah je vous le dis : on est mal partis ! »
« Auriez-vous raison contre tout le monde… ?
Nous sommes un seul et même cerveau ! »
« L’effet d’un chou pourri sur un sofa de soie.
Bon… d’accord… Mais ce n’est pas que ça… »
« J’ai appris hi-er… J’ai appris hiver. »
La tramontane profite du ciel bleu
Pour revenir hanter nos cheminées.
N’assourdissez pas le vieux
Qui n’entend que ce qu’il veut.
« Il y a tellement de belles choses à voir ! »
Et : justement : je revenais d’un long voyage
Au pays où le chant peut vous mener loin.
« C’est en ville qu’on se sent le mieux.
Prenez pour exemple les illuminations.
C’est la Cité qui hante ces campagnes.
Je suis. Donc vous n’êtes pas. Ah ! Ah ! »
Tristesse d’un passage où le forçat ne passe plus.
Nous avons connu ça dans tous les ports.
Pourquoi condamner celui ou celle
Qui ne fait rien comme les autres ?
Ces oiseaux migrateurs qui n’attirent plus le regard.
L’écran multiplie les vitrines. Si vous voulez m’aimer
Ne prenez pas cet air supérieur. Je ne suis pas que belle.
Ce qu’elle pouvait être douce à cet endroit-là !
La différence entre vous et, disons, un criminel… ?
Non… Je ne vois pas. Vous inspirez le crime.
Après vous avoir lu, on ressent ce besoin
De commettre ce qu’il est interdit de commettre !
Arrêtez-vous au bord de la rivière un jour d’hiver.
Les galets ont acquis cette matité impressionniste…
Bien sûr vous ne connaissez ces peintures
Que sous le verre
Qui les protège des outrages de la lumière.
Éclats d’écailles dans l’opacité où plongent
Les racines. Avec un peu d’expérience vous
Les aurez pour rien. Conseil suivi dans l’après-midi
Avant de songer à la mort en termes de poésie.
Virginia au fil de l’eau
Virginia ma maîtresse
En poésie solitaire
Il commençait (malgré lui) à organiser le poème
Sur chaque page / se soumettant au format
Comme lorsqu’il peignait sur des toiles achetées
Par paresse / Virginia aux poches lourdes
Dégoulinant dans l’herbe de la rive / les truites
Étaient excellentes / et vous tenez là l’opinion
De quelqu’un qu’on a élevé (façon de parler)
Au bord de la mer / cercueil de Queequeg
Vous sauve un narrateur qui sinon… / poésie
Des coulures de rivière dans l’herbe haute
Où le corps fut déposé / pourquoi se suicide-t-on ?
Chanté :
J’ai épousé
Après l’travail
L’amie d’enfance
Qui bien m’allait !
Entre le stream et la grille
Les paliers de l’inspiration
Et ce type qui m’invitait
À boire un verre avec lui
Les verres ça se remplit
Et ça se vide comme ça :
Revenez me voir souvent
J’adore les gens inspirés !
J’l’ai épousée
Sans trop savoir
Ce que j’faisais
Le sachant trop !
Vous avez tellement d’inspiration
Que je me demande si vous existez
Ou si vous n’êtes qu’un aspect de la vie…
J’l’ai bien aimée
Toute une nuit
Puis au matin
J’m’en suis allé !
Le métal surgissant des évents prévus
À cet endroit du moule techniquement
Aussi bien réussi que n’importe quel
Ouvrage pensé pour donner à penser
J’ai voyagé
Au bout du monde
Sans elle mais
Toujours gaillard !
Aimez-vous les rencontres du soir
Où la question du matin ne se pose pas ?
Puis j’ai r’venu
Avec des sous
Et j’ai cessé
De travailler !
Dit :
V’là ce que c’est qu’une vie :
On part et on revient toujours.
Faut croire à la fidélité,
Sinon on devient marteau.
Puis le ciel s’est de nouveau obscurcit.
Mais la tramontane ne s’est pas endormie.
J’ai eu froid en rentrant. Mon chien reniflait.
J’ai jamais eu de chance avec les chiens :
Mais ils m’ont toujours reconnu, alors…
Alors j’ai su que le poème n’est pas poésie
Et que la poésie n’est que le trou du cul du monde.
Si vous voulez
Qu’on vous encule
Dev’nez poète
Et fermez-là !
Voilà des oreilles pas du tout prêtes à entendre
De « si justes propos » / d’autant que je ne suis pas
Difficile à déchiffrer : juste rasoir à force de stream.
Même que c’en est déprimant / tu ne m’aimes plus
/ Je n’aimerai plus personne / oreilles du partisan
De l’ordre établi dans son esprit une fois pour toutes.
Une bonne fois. Rien n’est bon comme le bon pain.
Et sur la place publique les apolitiques se disputaient
La paternité de l’idée : masque d’hypocrisie des héritiers
De Debré en plagiaire de Déroulède : qui comprendra
Ceci mieux que les obscurités de Villon ou de Dante ?
Le jour où je ne saisirai plus vos intentions est arrivé.
Si vous voulez qu’on vous encule…
Je veux dire (ne nous méprenons pas)
Métaphoriquement parlant : le plaisir
Est-ce qu’il est : et l’enculé pas forcément
Un pauvre type qui ne fait pas de politique.
« Moi j’enculais ma belle une fois par jour à l’époque.
Faut dire qu’elle était faite pour ça.
Ce qui n’interdisait pas d’autres douleurs. »
« Voyez les choses du côté pratique :
Ne mélangez pas le rouge avec le blanc.
Buvez plutôt deux verres d’affilée.
Vous serez des nôtres dans ces conditions. »
Becquées des printemps. On n’y est pas encore.
Le temps des giboulées approche. Les chemins
S’épaississent. On marche dans le fossé herbeux.
Plus loin des tortues cherchent le soleil
Sur les branches mortes qui émergent. Fêtes
De l’intellect. Fruits de la passion. Une barque
Qui pourrit sur le quai de bois lui-même rongé
De l’intérieur. Qui habite ces maisons ? Héritiers
Et chanceux. Salauds et pédants. Un brin de gaité
Philosophique vous ferait le plus grand bien. Et je
M’y connais. Un nid abandonné pour l’hiver. Ils
Reviendront peupler nos haies et nos tas de bois.
Vous n’avez pas ça en ville. Vous avez autre chose.
Cet autre chose dont nous ne rêvons pas ici. Vous ai-je
Menti à propos de ce voyage ? Vous paraissiez si heureux !
Les six étages de cette embarcation. L’ivresse à toute heure.
La mer enfin furieuse. « Après quoi, je vous le demande ! »
Cette femme en colère. Et ta façon de la tranquilliser. Mais
Tu ne banderas jamais assez. Remettons cette discussion
À plus tard.
Méchantes vagues des balcons.
Les embruns fouettant les carreaux.
Je ne réponds pas à tes lettres.
J’ai trouvé ce que je cherchais.
J’ai toujours rêvé d’écrire quelque chose
Dans le genre de Martín Fierro ou des Soledades…
Un chant définitif.
Puis je me jette à l’eau avec Virginia.
On ne me trouve pas.
Mon corps se dissout.
(Comme si c’était possible !)
Je deviens rocher / ou ma vie
Se transporte d’animal en insecte
Et d’insecte en algue /
Je deviens rivière
Et on m’appelle Noire.
Vous n’éclairerez pas ma lanterne avec la vôtre.
Je ne vous aime pas
Mais je ne vous hais pas non plus.
Je n’ai pas besoin de vous.
Ne lisez pas ce que je vous écris.
Cette fois la tramontane ne se retient plus.
Les carreaux de la fenêtre renvoient à l’intérieur
(Où j’écris) le froid venu de l’Est.
Qu’est-ce que je fous ici ?
Pourquoi mon chien est-il mort ?
Plus personne à charmer ici.
Mon luth n’est pas constellé.
Il ne l’a sans doute jamais été.
Sinon je vous aurais aimé(e)(s).
Comme c’est beau une page qu’on vient décrire !
Ça fleure l’entrecuisse et la chevelure.
N’épousez jamais la fille du propriétaire.
Gardez-vous bien de caresser son chien de paradis.
Ses enfants ne seront pas les vôtres.
N’écoutez pas les spécialistes de l’ADN.
Sinon vous ne connaîtrez que l’hiver.
Vous privant ainsi des charmes de l’année
Que Dieu lui-même a conçu comme un Tout.
Anything. Cette simplicité à la portée de tous.
Comme c’est beau ces mots qui ne se font pas
La guerre !
Tra la la itou
Ce n’est pas de cette triste façon
Que je quitterai le monde / ce
Monde que je n’ai pas aimé comme
J’aurais voulu vous aimer / shoot
Des streams acheté à bas prix /
Tiens… la température baisse :
Tirons-les rideaux sur les vitres :
Chaud textile qui obture la
Transparence qui me plaisait
Tant : rien n’est plus long que
L’hiver : rien plus vite que l’été :
Je patiente aux intermédiaires.
Mes bottes près du paillasson
Que je n’ai pas emmerdé / tsoin !
Il y a stream et stream / les amis ne sont jamais
Assez fidèles / traité de versification nécessaire
En ces temps de pouvoir d’achat / épousez plutôt
Une chienne venue de loin / l’ouvrier qualifié
Que vous êtes peut redorer n’importe quel blason :
C’est la vague qui revient qu’il faut prendre, l’ami.
« Mon idéal est de fonder la République de la Bidasoa sur cette base : pas de mouches, pas de prêcheurs et pas de flics. Un peuple sans mouche, c’est-à-dire propre* ; sans prêcheurs, c’est-à-dire de bon sens** et sans flics, autrement dit dans un État sans force*** ; toutes ces choses qui me paraissent excellentes. » Pío Baroja.
* c-à-d en bonne santé.
** intelligents gens.
*** solidarité.
Science, philosophie et éthique… ou
Est l’Art dans tout ça ? Pío doit en parler
Quelque part / Il en parle partout /
Anything / tout le monde peut essayer /
Les uns plus doués que les autres /
Qu’est-ce qu’on y peut ? / mais l’égoïsme ?
Avec ce que ça suppose de jalousie et d’hypocrisie… ?
On revient toujours là : « interrogeant
Un oiseau mort » / Qui suis-je moi-même
Pour donner des leçons de comportement
À mes semblables / hypocrites lecteurs /
alba serena / puis la nuit interminable
Où le sommeil impose ses lois / fantômes
Familiaux revenant d’un autre voyage
Au fin fond d’une Histoire qui ne doit rien
À notre existence / et nous sommes toujours
Out / travailleurs des deux rives / copulant
Par conviction / inexplicablement par conviction.
Le rocher en forme de vieil évier qui traverse le
Mur de la cuisine dont un angle est occupé par
Les planches d’un lit / matelas posé à même le
Sol / sur des solives de châtaignier : le parquet
Sur lequel on a dansé avant de s’épouser /
Le pain levant sous la cheminée / four avec sa
Porte d’acier / après la fournée on mettait les pruneaux
À sécher / et toutes ces sortes de choses dont on
Parle encore entre nous : les truites des trous / les
Gendarmes quelquefois complices : l’État nous
Donne à bouffer / ils emmenèrent ce gaillard en
Le poussant devant eux / plus tard / trois jours plus
Tard il revenait dans son régiment sans avoir subi
Autre chose qu’une leçon de patriotisme / pour cette
Fois / la pierre où Jean a vu s’écouler le sang qui
Sortait de sa tête / « j’ai voyagé partout / même
En Amérique : conclusion : nous ne sommes rien et
Nous ne serons jamais Tout / Anything / poésie des
Intérieurs où on attend de reprendre le travail où
On l’a laissé (à d’autres) / quel est le roulement
Cette semaine ? / Vous avez tous un père, une mère
Et des racines / renseignez-vous avant de vous plaindre !
Maruxina / la loi du plus fort / celui qui attire
Les traîtres et les renégats / Donnez-leur de qu’ils
Demandent et ils feront ce qu’on leur demande /
Ils savent exactement ce qu’ils peuvent raisonnablement
Demander : exactitude, raison : ils ont grandi dans
Cet ordre / vous ne trouverez pas de gens plus
Carrés dans ce monde : nous les possédons tous
Sans exception / regarde ce qu’ils m’ont fait !
L’autre : regarde ce que je me suis fais… l’un et
L’autre dans le même trou / sous ma maison de
Pierre / retrouvant l’origine de notre nom / les
Flancs d’une montagne sans arbres ni jardins.
Plus tard en ville il aida
Un aveugle à traverser
La rue où tout le monde
Semblait avoir les nerfs
À bout / l’aveugle le
Remercia et l’invita
À monter chez lui pour
Boire un coup à la santé
De l’inventeur du flashball.
Ces petites choses qui construisent notre existence.
Nous n’avons jamais assez de recul pour apprécier
L’ensemble / alors nous écrivons pour être publiés.
Le roman de la publicité
Spots mis bout à bout
Sans se soucier de l’ordre
D’apparition /
Roman du bonheur parfait :
Il a un prix
Et c’est pas pour nous !
On passe ses loisirs à feuilleter
Ou à mettre en pratique ses achats.
« C’est à devenir dingue ! »
Et je le deviens depuis quelque temps.
Je n’ai même rien ressenti
En apprenant la mort d’un flic.
Je sais qu’on pourrait me reprocher ce manque de sensibilité.
Mais je n’en parle à personne.
Je regarde les flics crever à la télé.
Ça ne me fait ni chaud ni froid.
Si jamais on me pose la question :
Je répèterai ce que disent les journalistes.
Dans un pays où la carte de Presse
Est attribuée à son hôte par l’État :
Peut-on avoir confiance en la parole
De ces présentateurs de l’actualité ?
France, Chine, Russie :
Qui réussit le mieux à faire croire
Qu’on y vit en démocratie ?
Pound : une disposition d’esprit et non pas un art.
Cette fois la pluie tombe à verse.
Secouée par le vent elle gifle ma fenêtre.
Buée traversée de gouttes. Quel froid
Il fait ! Un plaid ne suffira pas. Le vent
Semble agiter les rayons blancs du soleil.
Un café te réchauffera le cœur. Un flic
Mort n’est pas un homme comme les autres.
Pourquoi traiter l’homme qui a raison de se plaindre
Comme celui qui a tort de s’en prendre à ses biens ?
La lumière rebondit sur les carreaux comme
En témoignent les barreaux. Quand je serai grand
/ Mais il ne le sera jamais / je partirai au loin
Pour ne plus vous revoir et j’en aimerai d’autres
/ D’autres qui, crétin ? Pour l’heure, contente-toi
T’étudier tes leçons ! / celles que je n’ai pas étudiées
/ Par erreur de jugement : mais je n’avais personne
Pour guider mes pas sur le chemin de l’exactitude
Et de la raison / ciel irisé maintenant et ce maudit
Chien qui aboie parce qu’il ne sait pas faire autre chose !
Dire que j’avais un chien d’enfer et qu’il était
Tombé sous le charme de mes « si justes propos » /
Les escargots en fête. Mon voisin
Prépare la farine. « Ça va baver ! »
Trop d’esthétique et pas assez d’action.
Ça joue à jouer dans l’espoir de gagner.
Inventant le Mal après Sade et Baudelaire.
La revendication sociale : liberté
Au change avec l’acte politique : fraternité.
Nous ne serons jamais égaux.
Sinon les uns ont le devoir de s’aplatir
Et les autres n’ont pas les moyens de s’élever.
Les escargots se reproduisent par hermaphrodisme.
Qui est le robot et qui l’homme ?
Il ira loin ce garçon. Un récit somme toute
Métaphorique qui sert de fable
À une existence de faux cul. L’enfant lorgnait
Déjà les possessions de son voisin de lit.
Poèmes des buées vitreuses. Nous
Ne serons jamais égaux. Même
Deux à deux. Le soleil et sa douce chaleur
À travers les vitres chaque fois que
Le nuage se sépare / vous aimez trop la
Liberté et pas assez vos semblables.
Imitez le cri sans l’épouser. Promesses
Des jours. Il n’y a rien comme le matin pour
Vous ravigoter. Vous n’avez pas changé. Vous
Êtes toujours le même. Je
Vous ai reconnu tout de suite. Ce premier
Regard après tant d’années : nous
Nous reconnaissons l’un l’autre : mots
Échangés alors : une caméra de surveillance
Avec son et analyse comportementale
Toujours à disposition dans ces
Cas de rencontre inattendue. N’écrivez
Qu’en cas de récidive parfaite. Conseil
D’ami.
Il revient avec un seau d’escargots
Qu’il me semble entendre converser
Ou se frotter les uns contre les autres.
« C’est meilleur si on les fait jeûner. »
Crottes de farine de froment T 55.
Du piment d’Espelette. Dimanche
Prochain. Vous et moi. Et votre dame.
On ouvrira des bouteilles. Ivresse
Raisonnable. Et puis nous sommes
Chez nous ! Il a « perdu » sa femme.
« Ce que vous appelez poésie n’en est pas. »
Tout le monde dit ça.
Et tout le monde écrit.
À une femme, à un homme,
Quelquefois à un enfant.
On écrit moins aux vieux.
On leur en veut tellement !
« Vous devriez y réfléchir plus sérieusement… »
Tout le monde dit ça.
Je n’appartiens à personne.
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Pound : une disposition d’esprit
Et non pas un art : vous feriez
Bien d’insister sur ce point.
Nous sommes tous des poètes,
Mais pas sur le même plan !
« Revenez la semaine prochaine.
Je vous cuisinerai un rôti de bœuf
Bien saignant comme vous aimez :
Moi ça me dégoûte tout ce sang !
Ne me parlez plus de moiteurs ! »
Belles plongées en esprit sur les boulevards.
Une époque sans drones celle dont je vous parle.
Du moins pas à la portée de toutes les bourses.
Il fallait se croire habité par le diable pour s’élever
Ainsi au-dessus de la ville / moiteurs emmerdées
« Il ne me reste pas grand-chose en mémoire
Des écrits de ce temps. » Non, pas connu la guerre.
Ni à Paris ni ailleurs. Mis en vers Le jour le plus long
De Cornélius Ryan. Rommel sur la route. G.I.
Descendant du ciel. Courage d’une génération
De dix-huit ans. Inconscience ? Peut-être. Je n’en
Sais rien. Je m’élevais au-dessus du boulevard.
Pas grand-chose à en dire à la fin. Moiteurs
Qui scandalisaient ma grand-tante. « Le jour le plus long ! »
Je ne savais pas de quoi je parlais. Dix-huit ans.
« Vous aussi vous le poème bison séminole. »
Promesse tenue. Mais qui promettait ?
Poe, Baudelaire, Laforgue, Corbière, Villon :
Tous ceux qui ont dépassé la parodie
Pour trouver leur propre voix : 50 ans
Que j’en suis à rigoler dans les marges…
Je suis bien de mon temps, me dis-je, mais…
Antennes de la race sur la tête.
Possible mais faudrait relire.
Élaguer. Fusionner. Égaliser.
Ni le temps ni l’ennui. On
Finit par ne plus écrire pour
Les autres. Mort en chambre
Avant noyade. Qui serais-je ?
Cette idée de l’opéra chez les poètes américains.
Baudelaire les précéda. Malgré la corporation judiciaire.
Quelle édition ! Sept volumes en un. Les fenêtres
S’ouvrent enfin ! Et tous ces gens (comme moi) qui
Sautent dans le gazon de nos jardins pour imiter.
Avec ou sans chou. Qui j’aime le mieux ? L’Homme
Ou mon époque ? Jamais pu répondre à cette sacrée
Question. Des années que je vieillis sans moi à
La clé. J’ai vu les personnages mais pas le décor.
Font chier avec leurs substances qu’il faut acheter.
Avec leurs histoires (toujours les mêmes) chroniques
Des voyages au bout de la nuit. Moi c’est le jour que
Je vois le mieux. alba serena. Du réveil à la première
Sollicitation de Morphée. Ces travaux avec les autres.
Pas de poésie sans mots alors que le poème s’en passe.
Je n’ai pas été surpris par cette coupure. Je m’y
Attendais depuis pas mal de temps quand c’est
Arrivé. Des vers comme autant de traces mais pas
Dans la vitrine du joaillier. Je n’y amène pas mes
Femmes pour dépenser. Papier tue-mouches des
Attentes, j’y prends le large. Au battement frénétique
De leurs ailes transparentes. Des antennes sur la tête.
Moi de la race des poètes. Je ne renouvelle pas mais
Je sais / J’ai assez vécu pour en parler avec mon prochain.
Mécaniques des fluides corporels.
Dans l’être encore en vie comme
Dans le cadavre dont je suis l’auteur.
Après avoir posé le jus de son projet,
Il se met à travailler le texte au corps.
Prend forme alors la conversation
Qui est à l’origine du poème en jeu.
« Vous ne saurez rien de ce qui s’est passé
Si j’ai manqué de sincérité. » Les faits sont
Vérifiés. Voilà ce qu’on peut en dire. « Vous
Me lirez comme on revient sur ses propres pas. »
Rien n’est plus agréable qu’une coulée verbale
Au moment où on s’y attend le moins. Pourquoi
Chercher à en peupler la page ? « Vous me comprendrez
Si je suis à votre image. » Conception particulière
De Dieu : il n’est ni grand ni miséricordieux.
Il n’engrosse pas les vierges sûres ni ne connaît
Un seul ange. Il n’est rien de ce que la racaille
Des hommes en a fait : Dieu est un lecteur.
Je suis sorti dans la rue avec cette idée de Dieu.
Qui est le mien ? Sans considérations sexuelles.
Dieu tel que je l’ai conçu. Hermaphrodite des lieux.
Je ne me reproduis pas quand je baise : Passez
Votre chemin si vous ne me connaissez pas comme
Je vous connais / des années dans les rues et à travers
Champ / j’ai même voyagé dans l’espace et connu
La Lune / je suis le joyeux livre du temps à venir.
Encore un quatrain et j’en finis avec ça : ni contrainte
Ni liberté : je connais la technique / mais dorénavant
Vous n’aurez pas de visage / car ce fut mon erreur
De jeunesse / de vous penser dans un miroir.
On avance, n’est-ce pas ?
Plus besoin de regarder où on met les pieds.
On ne sait pas où on va mais on est attendu.
La table est mise, paraît-il…
« J’ai déjà parlé de tout ça…
J’ai tellement écrit et encore
Pas tous les jours / écrit par
Jet deux trois fois l’an pas plus
Quelques semaines / pas plus
/ Et aujourd’hui j’écris encore
Alors que le vent souffle sur
Les maisons des salariés / jardins
En préparation / les choux : « pas
Assez froid, me confie mon voisin.
Les choux ont besoin d’un hiver.
C’est bon le chou pour la soupe :
C’est bon la soupe pour le corps : »
Les nuits sont de moins en moins
Travaillées au corps : retraite de
L’attente pas même conçue comme
Récompense de toute une vie
De travail « j’en ai eu tellement
Marre quelquefois… » et ce vent
Qui déchire les feuilles mieux que
Grêle et mitraille réunies / parlé
De tout ça : écrire et la douleur
De ne pas profiter de ses propres
Écrits pour aller faire le tour du
Monde / rencontrer mes semblables :
Les vrais : pas les municipaux ni les
Chercheurs du corps enseignant « qui
Qu’est le meilleur ? Aragon ou Breton ?
Ah ! je penche du côté de … » pauvre
Con que le vin ne projette pas du côté
De la poésie ou du poème : oui le
Voyage avec Mentor à la barre à la
Place d’Elpénor dont Homère parle peu
Alors que Joyce en fait un des personnages
Principaux du périple : le vent revient
Ce matin agitant les feuillages nus.
Nous aimons les saisons
Parce que nous haïssons les ans.
Le langage est dehors.
Suffit de se pencher.
Sortir la tête du trou
Parallélépipédique qui
Nous sert de demeure.
Lire d’abord avant d’écrire.
Sinon
Le Parnasse
Menace
Les acteurs du langage ne savent pas parler
La langue du poème / savent-ils la lire ?
La tête hors du trou et cette langue acquise
Par éducation nationale : comme il y a loin
Entre l’éducation et l’instruction : modèles
Sur les marches de l’Histoire : l’un après l’autre
Figurant le progrès des mœurs : les poètes
S’immisçant dans la chanson / non pas après
La nuit, mais avant / gâte-sauces des élus
Et tapis des connaissances
Organisées en sciences.
Y pensant en sortant la tête : le vent allait
Vers le Sud / on ne voit pas la mer d’ici ni
Les sommets enneigés à cette époque /
On ne voit que la façade triste de la maison
Du voisin qui ne regrette pas d’avoir perdu son temps
Au service de l’État=la société qui constitue
Notre seule limite pour l’instant / dans l’attente
De se trouver devant notre seul enfer / lit
De fortune : qui suis-je ? qu’est-ce que je possède ?
Qu’est-ce que les autres pensent de moi ? Où
Ai-je piqué ça ? / Cette pensée qui prend la place
Du poème et même s’instaure en exemple de langage :
Vers le Sud allant avec ses loups et ses saisons.
Rien n’est plus beau que la disparition de la lumière
Dans la grise luminescence du mauvais temps !
Rombières et vieux clous de la poésie passant
Devant le portail où pend mon écriteau judiciaire.
Je ne sais plus ce que je dois faire
Chaque fois que revenant de la nuit
Je tombe sur le corps désarticulé
D’un camé de la première heure :
Appeler du secours ou agir en homme.
Si je passe mon chemin je reviens
Comme le vent à l’aube avec la lumière.
Cette fois il a l’air d’un cadavre :
Je pique son portefeuille et entre
Dans l’ombre des meilleurs moments
Du poème que j’ai vécu pour lui.
Vous pensez que ce n’est pas facile de me déchiffrer :
Veut dire : de comprendre ce que j’ai écrit dans le ciel.
Nous ne nous rencontrons jamais : pas même dans
Les cafés de la ville ni les cabarets de la campagne.
Prenons exemple sur les loups : ils s’approchent
Toujours / leurs traces dans la neige des trottoirs
Ou dans le sable des pages / nous couchés et rêvant
Que tout ceci n’est qu’invention / que tout finira
Par s’éclaircir / comme le soleil après l’orage :
Ce n’est pas la nuit qui nous sépare : c’est le jour.
Je ne sortirai pas sans vous : cadavre
Des nuits / le romancier raconte
Des histoires aux enfants de son
Imagination / passez votre chemin
Blancs voyageurs du noir / ici
Je bifurque et je m’égare encore :
Rien n’est aussi simple que l’anatomie.
Rien aussi facile que les physiologies.
Ce qui se complique c’est la manière
De s’approcher de ces futurs travaux.
Suffit pas d’un scalpel pour disséquer.
Même la panoplie du légiste ne suffit pas.
Rien à voir d’ailleurs avec la dissection /
Mais pourquoi me suis-je mis dans la tête
Que je devais suivre le chemin de mes
Prédécesseurs en poème ? Déconstruction
Parsage etc. / et si on se mettait à charcuter
La réalité ? / dit sans rire et à jeun : cela
Va de soit / sinon je ferais bien de changer
De métier, de femme et même d’enfant !
Toutes ces choses si belles et si agréables !
Et cet autre côté de l’existence / sans poésie !
Münchhausen des mères toxiques / l’extraordinaire
Richesse que pourraient constituer ces sorties d’école
Si le lien filial était rompu ou même hors de question :
Le voici encore en train de chercher l’illustration
De son propos dans les mythologies passées de mode.
L’extraordinaire richesse des littératures en tous genres :
Exemples pris à l’Histoire ou à la simple existence
De l’homme (de la femme) ni plus ni moins / tous
Les niplusnimoins de la Terre dans le texte qu’il est
Nécessaire d’illustrer entre les propos sinon ces enfants
N’y comprendront rien : on aura bossé pour rien sauf :
Quelques coulures particulièrement bien senties.
Vers-planète chantonnant dans la tête de cet intrus.
(Intrus, au fond, n’est-ce pas ?) Pas étranger (quoique
La terre d’Espagne distingue l’extranjero du forastero)
Mais intrus : « il était là avant que j’arrive » La guerre
(Que dis-je : la Guerre) n’est pas le meilleur moyen
De changer la nature profonde du Monde (celui
qui exclut les autres) / « des fois la Lune me fait penser
À ton cul aussi bien qu’à ton visage » et il ajoutait
Sans rire : « je ne voulais pas te vexer » chantonnant
Sur des airs connus de tous :
Y compris de ses ennemis.
Trouver le moyen de paresser
Sans avoir sans cesse recours
À des ruses aussi usées
Que la rime au bout du vers.
Comme c’est beau un texte qui s’organise
Autour de la seule pratique du texte !
Je ne crois plus à la magie de la page :
Présentation du texte façon Pindare :
L’exégète en conçoit un fort mal de crâne.
(surtout si la rime est soigneusement évitée)
Parlant d’une affiche publicitaire :
« La présentation est purement conçue
j’adore ce type et ses adverbes
Pour faciliter la lecture et inciter
cela va de soi
L’achat ou la présentation au guichet.
Exégèse des dernières années d’existence :
Comportement de fils de l’Église / « Ne me
Faites pas dire ce que je n’ai pas dit, nom de Dieu ! »
il savait où il allait
« Je ne suis pas seul couché
Dans les draps blancs de la page. »
Beau passage où l’esprit rencontre quelque chose
Qui ne lui avait pas été révélé avant.
Bien sûr il y a et demeure à jamais
La nature d’une douce campagne
Où il est possible de s’arrêter
Pour prendre le temps de taquiner
Les habitants de la rivière.
« Vous n’irez jamais plus loin que cet arbre ! »
c’était écrit chez Gertrude Stein, au début
Hemingway s’est farci le tout
d’un bout à l’autre ?
D’un bout à l’autre / bout.
C’est l’imprimeur qui a eu cette idée
De modifier les espaces entre les vers
Pour que la page « ressemble à quelque chose »
ô lecture !
La profusion d’anecdotes
Pouvant servir à illustrer
Le propos
Qu’il soit juste ou pas
« Des fois vous avez cette idée rien que dans la tête
Et vous pouvez pas vous empêcher d’apporter
Votre pierre à l’édifice / »
« J’en avais des pierres et pas des moindres !
Et je les lançais pour effrayer les poissons
Sans cette idée absurde
De prétendre être meilleur
Que vous aux ricochets ! »
« Comme c’est beau la poésie
Quand ça devient poème
Et pas autre chose comme
Ces déglutitions de chanteurs
Qui ne donnent en spectacle
Que leur goût pour l’argent
Que je n’ai pas »
« Merveilleux ou féérique ?
Je vous pose la question…
Comme ça… ne sachant pas
Si je suis le premier à la poser
Dans les circonstances d’un poème… »
Si on se laisse guider
Par ces fous du pouvoir d’achat,
On peut dire adieu à la poésie
Et aux aventures du poème.
Cette fois c’est moi qui parle
J’ai même pas (plus) envie de renverser le pouvoir
…sinon j’aurais bien adhéré / juste pour voir /
À mon âge qu’est-ce que je risque / une fessée
Administrée (c’est le cas de le dire) par un Parquet
Qui a aussi ses crises de plaisirs inavouables :
« Qu’est-ce qu’il y a comme garces dans ce palais ! »
(propos transmis par un ami magistrat / pour servir)
Non : pas d’égalité ni de fraternité.
Juste la liberté : pour tout le monde
Sans exception : même les enfants
Les fous / les criminels / les prêtres
/ les soldats / tout le monde quoi !
— Je suis pas frère et puis c’est tout !
Et je veux bien être votre égal !
…Dites donc : si on reparlait de
Ma… « liberté » ?
Quelle pluie ! Quel vent ! Quelle ode !
Quel mauvais temps aujourd’hui !
Un vent assez fort pour emporter avec lui
Les espoirs du jardinier qui derrière sa fenêtre
Compte les feuilles sur les derniers arbres.
L’eau creuse les fossés sous leurs branches.
Ça le rend presque nostalgique, ce mauvais temps !
Son père a vécu le même hiver plus d’une fois.
On recommence et on croit inventer / c’est triste
D’en arriver là à la fin d’une vie qui n’a servi
Que les intérêts de l’État et de la société
Qui se conforme malgré tout à ses principes.
Quel mauvais temps aujourd’hui !
Dire que je n’ai jamais été le poète
Que j’avais envisagé de devenir
Quand j’étais en âge de rêver !
Jamais tu n’iras aussi loin que Shakespeare.
« Un homme seul est foutu d’avance. »
Quel mauvais temps aujourd’hui !
Mais comme cette épode sent bon
Les annonces en filigranes nerveux
De ce printemps qui me recrée
Chaque année avant que l’été
Ne m’apporte ma platée de plaisir !
Je ne suis pas ce chien
Mais je lui ressemble
« charmé d’entendre
De si justes propos »
« Je voudrais pas trop jouer avec la typographie
(si vous voyez ce que je veux dire…)
J’aurais trop l’impression de jouer au chanteur.
J’aime pas trop ces effets de bouche ouverte.
Alors si vous pouvez me conseiller… monsieur ? »
« C’est juste une expérience… disons : pour voir… »
« Si vos contestations servent à tout le monde…
Nous pourrons nous entendre sur les principes.
Sinon vous pouvez aller vous faire voir ailleurs ! »
Qu’est-ce qu’un vers en poésie ?
Qu’est-ce que le vers d’un poème ?
Toute cette valetaille qui cherche des réponses
À des questions dont on pourrait se passer
Si on était construit dans la même matière…
Force est de constater (pour parler clairement)
Que nous ne sommes pas équivalents devant
La prégnance des enjeux qui déterminent
(chacun de son côté) l’intérêt de continuer
À vivre comme si l’existence n’était pas limitée
Par toujours les mêmes et inévitables (que
dis-je : infranchissables : phénomènes
Communs / et puis il n’y a pas (en stock)
De tombeaux pour tout le monde : place
Limitée dans les monuments nationaux : sauf
Les noms superposés en colonnes parfaitement
Droites : le ciseau connaît des angles morts.
« Le temps est tellement long, mon bon monsieur !
Que (voyez-vous ?) même les calculs les plus savants
Ne valent plus rien comme facteurs de l’Éternité. »
Tityre semper recubans / sous un ciel d’orage qui
Menace de troubler la surface de l’eau : les attentes
Du pêcheur que je suis quand je n’attends plus rien.
Visages des passants devant la porte opaque
Du club où il est possible de changer de peau
Au moins l’espace d’une joie retrouvée avec joie.
Fils de famille poussant les escarpolettes : culs
Et cons ouverts à toutes sortes de joies possibles
Si on accepte de jouer le jeu sans penser à maman.
Ou bien : c’est maman qui impose ses charmes de
Putain extraite du même bordel où la joie est
Si facile à déchiffrer : « pas comme vos hypothèses
Alors que : monsieur : une hypothèse se doit d’être
Parfaitement claire : » une bagnole à douze cylindres
Ça ne court pas les rues ni même après les cousines
Qui ont de si jolies jambes : jardin des supplices en
Prime : genre : j’ai déjà vu ça dans un magazine ah
Si j’avais pas eu une sœur qui te ressemble !
Vous cherchiez le langage et vos approximations
Avaient valeur de poésie / on s’y croisait dans
/ disons / un poème dont la fin se fait attendre
Et attendra toujours car vous n’êtes plus de ce
Monde / vous aurez des continuateurs en manque
D’invention car : ils n’ont pas atteint l’âge requis
Par tant d’exigence : mais le jour viendra où ils
Seront lus pour ce qu’ils valent / misère des boîtes
De nuit / entre la joie et la certitude d’avoir joué
Pour n’être plus considéré comme un (une) minable.
Quelles sont les parties de ce qui est fragment ?
Le cerveau toujours en activité comme le cœur.
« Je ne peux pas comprendre qu’on perde son
Temps en poésie alors que l’ingénierie manque
D’idées / on finira par forcer le génie à ne s’occuper
Que de questions de société et accessoirement de
Mort : » ingenio manchego / tout-en-un / finissez
-en avec les objets d’art / retrouvez le mur de vos
Temples / à l’endroit même où le pouvoir exerce
Sa connaissance de la douleur : mimes blancs
Et noirs du jour et de la nuit / chacun à sa place.
Noirs touristes
Vus d’ici
Pair ou impair
Le compte y est
Enfants de la Lune
Aimés par des fous
Chacun sa place
Dans l’espace
Oiseaux chiant
Sur le trottoir
De l’allée pavée
De vagues roses
Aime-t-on
S’y retrouver
Après avoir oublié
Pourquoi ?
N’aimez rien d’autre
« Nous ne savons plus rien parce que nous en savons beaucoup. »
Les barques de ceux qui vivent de la pêche.
Pescadores. Il faut revenir sur ces pas au
Moins une fois dans sa vie / et tirer les vers
Du nez de celles qui n’ont pas eu de chance.
Vous ne saurez de quoi je parle qu’en vous
Pliant aux procédures du voyage / êtes-vous
Le père de votre fille comme vous le prétendez ?
« Ne jouez pas avec moi, Gisèle ! » Ravaudage
Devant les portes qui exhalent les fumets / riz
À tous les repas : qu’est-ce que la poésie si
Vous n’avez pas compris qu’elle n’existe pas ?
« Nous passons notre temps à emmerder les
Autres. » Comptant les pieds palabras esdrújulas.
Les parapluies aux reflets de soleil / tous ces corps
Qui contiennent quelqu’un avec qui je pourrais
/ si je le voulais / entretenir une conversation
Sensée. Passage du sens et des vérités. Myriam
À tous les étages / forçant le baiser sur la joue /
Larmes de crocodile mais d’argent pur / la joie
De ne pas être seul / de pouvoir compter sur
Quelqu’un. « Connaissez-vous l’écriture secrète ? »
Mais ici l’orage menace toute une contrée / vents
Si violents qu’on craint pour les toitures / volets
Arrachés la dernière fois / une dernière fois avant
La prochaine. « Je connais ça ! » Les soldats de pierre
Regardent droit devant eux / à une certaine hauteur
Peut-être calculée : je n’en sais rien : mais le vent
Insère ses feuilles mortes dans les plis de la vareuse.
Qui est ce personnage ? J’en ai connu des pauvres
Types / tous revenus de quelque chose d’inavouable :
On finit par oublier qu’on est victime du temps ()
Au cul de la cousine trouvant enfin une raison
D’être moins con que la plupart des autres / orages
En perspective croissante / le soleil semble creuser
L’intérieur des nuages / la vitre se réchauffe et ses
Gouttes disparaissent / un merle revient de loin.
Poésie des récits immobiles / bière
Des morts : le corps ressent une douleur
Au niveau du ventre /
…moins con que la plupart des autres :
Vous regardez les autres jouer
À votre place / mais vous ne jouez
Pas aussi facilement le moment
Venu de ressembler aux personnages
De la réalité devenue rêve :
J’ai vu à quel point je vous manquais.
Je n’ai jamais goûté aux plaisirs de l’usine
Que de loin et dans la perspective mouvante
D’un passage sur l’autoroute des vacances.
J’ai senti (sans préciser l’organe)
À quel point j’aurais pu vous aimer.
Nous sommes ce que nous possédons.
Un papillon de nuit qui a perdu ses strass.
On en voit encore les papillonnements
Dans la lumière descendant d’un haut réverbère.
(Le soleil veut sortir) quelle solitude cette nuit /
C’est une question / si j’avais un métier aurais-je
En même temps une profession (dans le sens
fiscal du terme) ? (le soleil déchire mais en vain)
Item : tout ce que j’aurais acheté si j’en avais eu
Les moyens / à ceux qui ne savent rien de moi /
La machine à écrire qui est en moi :
Durement acquise / puis l’expérience
De la facilité / la spontanéité / le rêve
Qui n’a pas de prise sur l’existence
Avec les autres : force de l’implicite
Et du hasard / crissement des pneus
Dans les virages de la nuit estivale :
Non je n’ai pas tué ma passagère /
Le stream : prendre la plume et barboter
Comme un enfant dans ces eaux protégées
Par les garde-fous de la joie / je précise
Car chacun a son idée là-dessus…
Tout ce qui peut arriver quand on ouvre les yeux :
D’autres les ferment et le résultat est le même :
Sueur des murs qui nous enferment : pleut-il
Dehors comme c’est logique ? Choisissez :
Creuser un trou dans ce sol ou une fenêtre
Dans le mur qui semble (je dis bien : semble)
Donner sur l’extérieur : ou piquer une crise
De nerf en espérant que quelqu’un (si on vit
en famille) connaisse la substance adéquate /
Et le moyen de s’en procurer sans alerter les
Autorités : on est seul ou on ne l’est pas, voilà.
Je vous souhaite bien du bonheur si jamais :
Les murs se multiplient sans raisons apparentes :
Je dis ça comme je dirais autre chose de plus sensé.
Un incendie dans l’appartement et je suis coincé
À cause des barreaux : comme si on me proposait
De crever par étouffement / vous ne souffrirez pas
Si vous consentez à accepter l’idée que la beauté
N’est pas un vain mot / dites-vous que si la laideur
L’était (un vain mot) alors il n’y aurait pas de beauté
Autre que celle que tout le monde peut apprécier
Dans les vitrines / bottes de Jiggs et l’écrivain au
Travail de ce récit particulier : cette pénétration
Par effraction dans le personnage considéré comme
Demeure du Temps / (par où l’air se renouvelle-t-il
chez vous) / demeures des moins fortunés sur terre
Comme au ciel / « Avez-vous rédigé votre testament ?
— Moi qui ne possède rien que mes hardes de papier ! »
Poème-bocal à renverser sur la table :
Le couteau à la main pour trancher.
« Pas de symétries s’il vous plaît ! Pas de ces trucs
Qui donnent l’impression que vous êtes en train
De construire quelque chose qui pourra être visité
Un de ces jours prochains / ô après votre mort /
J’vous paye un verre maintenant qu’on est d’accord ? »
« Il faut avoir le cœur plein d’amour
Pour avoir peur de mourir ! »
…si vous savez exactement ce que vous perdez
De cette triste façon de ne plus exister comme
Vous en avez l’habitude / depuis si longtemps
Que ça dure / que j’en suis fatigué jusqu’à l’os :
« J’ai plus qu’une envie : violer le corps d’un enfant
Qui soye pas trop jeune cependant car j’aime
Les seins et les poils / et aussi une certaine dimension
Qui soye pas ni plus ni moins que la mienne / voyez
Comme je suis encore capable de raconter des histoires ! »
Je ne perds rien mais j’attends : analectic songs
De ce que je tiens à distance pour ne pas aller
Trop loin dans le sens de l’analyse : grammaire
Peut-être : presqu’un langage mais vous êtes censés
Y mettre du vôtre : sinon je serais plus humain
Que vous : et ça : c’est pas ce qu’on a de mieux
À faire : « ah si c’est pas assez simple on va pas
Pouvoir vous trouver un public assez nombreux
Pour couvrir les frais d’édition : » putain de public !
Vous faire parler de force
Mais sans vous torturer
Comme on fait à l’école.
Quelle est cette force ?
On dirait que je l’ai
Sur le bout de la langue
/ Sur le bout de ma queue /
Ne pas agir si seul enfin —
« Quand j’aurais plus la dalle
Ni ce besoin de me faire aimer :
Vous n’existerez plus pour moi
Et j’aurais des dents en or ! »
Je vis : je vis ce type monter au ciel
Et exprimer sa joie en déféquant
Sur le public qui n’était pas venu
Pour lui / les pages tombaient
Du ciel en tournoyant automne.
Vous n’pouvez pas savoir quel
Bonheur ç’a été pour moi de
Signer l’éclairage de ce spectacle !
Une seule phrase comme la malle de l’aubergiste
Que Cervantès a rêvé pour nous en plein cœur
De son personnage / j’en trépigne chaque matin !
Qui vous voulez être :
Un poète de salle polyvalente
(pour ne pas dire de bibliothèque)
Ou un chercheur qui ne trouve rien ?
Faut savoir écrire pour trouver.
C’est pas donné à tout le monde.
Vérifiez que le type (ou la fille)
Qui écrit sous votre nez
A quelque chose sous la plume
Et autre chose que de bons sentiments
Ou des idées qui ne servent à rien.
« À part adhérer à un ensemble d’idées
Qui forme la claire mission du groupe,
Que voulez-vous que je fasse
Si je veux vivre sans me soucier
De savoir qui a raison et qui a tort ? »
Ce type qui s’accrochait à la vie
Parce que son existence avait été
Exceptionnellement remplie de
Toutes les joies qu’on peut imaginer,
Ce type s’appelait Salvador Dalí.
Un tour d’horizon des hôpitaux / villes en soi /
Maîtrise des statistiques et contrôle de soi /
Ces apparitions télévisuelles enchantent le
Poète qui en devient la sténodactylo appliquée
/ Ne sommes-nous pas tous de petits employés ?
Salariés ou indépendants / a cuenta ajena o propia /
Parallélisme des hôpitaux et des sources d’emplois
Dans un formidable écran de fumée statistique /
Nous qui ne savons que ce que nous savons / nous
Incapables d’aller plus loin que le bout de la rue
/ Au passage des vitrines dites de première nécessité
À intervalle (selon quel écart ?) les rêves à satisfaire
Sous peine de connaître des problèmes dits mentaux
Ou en tout cas de sérieux problèmes relationnels /
Ces corps passant devant la salle d’attente / morts
Remplaçables comme n’importe quelle autre chose
Dont la fonction est déterminée précisément par
L’organisme : qui suis-je si je ne possède que ma maison ?
Qui suis-je si je ne sais pas ce que l’étranger pense
De moi / les migrations ajoutent du sens à ce genre
De réflexion : ces gens qui s’accrochent à leur mode
D’existence / qui suis-je si je me souhaite une mort
En poème ? Le type qui résumait l’énorme étude
Statistique avait tellement l’air sûr de lui / le député
Clignant d’un œil en direction de son ennemi /
« Nous ne cesserons pas de nous cannibaliser : »
Puis le soir avec ses loups chargés de la sécurité
Des biens sous prétexte de veiller à la tranquillité
/ faute de bonheur / des personnes en état de
Voyager / « tout a été dit mon bon monsieur »
Et je disais que je ne souhaitais pas autre chose :
Que tout fut dit depuis longtemps et que seul
Le langage est encore un terrain de découverte
Ou mieux dit : la source des inventions nécessaires
À la préparation des agonies en général / Pénélope
Ou Eurydice : quel est le pendant masculin de
Cette question ? « vous ne trouverez rien de plus »
Enfin il sortit et se perdit dans la foule
Qui rentrait chez soi ou se préparait
(individuellement) à dépenser son
Argent et son temps en plaisirs
Formatés (eux aussi) depuis longtemps.
Dans sa poche l’outil statistique prélevé
Lors d’un piratage / la question maintenant
Est de savoir s’il a laissé des traces : un séjour
En prison le rendrait fou / il y pense en
S’engouffrant comme le vent dans l’ouverture
Qui n’est pas encore sa porte mais y ressemble :
Bercez-moi d’illusion
Dans le berceau familial !
J’ai retrouvé le testament
De papa et maman :
La même écriture :
Bizarre, non ?
Eux qui ne se sont jamais
Mis d’accord sur mon sort…
Bercez-moi d’illusion
Dans le caveau familial !
Il descendit dans les entrailles de la terre.
Boyaux illuminés aux affiches grotesques.
Un tremblement constant affectait ces murs.
Sous ses pieds la poussière semblait métallique.
« je ne suis pas celle que vous croyez ! »
Moi non plus dit-il je ne suis pas celle : mais
J’ai voulu l’être quand j’était petit enfant
Du couple travaillant et jouissant d’une existence
À la hauteur de la politique la mieux partagée.
« on fait de ces rencontres quand on ne s’y
attend pas ! » moi non plus je ne m’attendais
Pas à : suivant la trace des autres : voisins de
Palier / « je ne savais pas que vous habitiez
ici ! » moi aussi je m’étonne : chaque jour je
M’étonne et je ne reviens pas « je ne suis pas
Comme vous : je ne : »
« Faut que je constitue un capital ! »
Dot des filles balaises
Qu’on ne baise
Qu’à crédit
J’ai dix / que dis-je : vingt pavés
Dans les interstices de ma vie
Privée : suivez le chemin tracé
Par la trace de mon ombre :
C’est le drap qui m’a excité !
Cette soie et ce chou, ah madame !
Comme j’étais petit
Quand j’étais petit !
Les pieds noircis du promeneur des villes,
En sandalettes se promenant sur les grands
Boulevard où le Capital reprend ce qu’il a
Donné : l’enfant voulait monter en croupe
Derrière la Jeanne de la légende du feu
Sacré : comme je suis venu grand
Quand je serai grand !
Les vers du poème
N’étaient que les asticots
Des mouches à merde.
En ce temps…
On s’y tient quand le vent emporte ses feuilles.
Accroupis devant le pot en attendant son tour.
Vous n’aurez rien qui ressemble à la vie :
Besogneux de l’illusion comique / des fous
Jaspinent eux aussi : mais ils n’attendent rien.
Ils ne sont pas venus pour ça : c’est le vent
Qui leur a arraché les cheveux : sortez si
Vous voulez le savoir : cheveux au vent dehors !
« Ô maison où je suis né !
Je n’ai pas la force de vous en parler :
Pas aujourd’hui par temps de loups.
J’ai tout perdu en ne gagnant rien.
Lumière des fentes du volet la nuit.
De loin on pouvait croire à une sorte
D’amour : le vent emportait les feuilles.
N’avez-vous jamais rêvé de posséder
Vous aussi une maison avec ses vents
Qui viennent de tous les coins du monde ?
Les jours sont si longs que la nuit est profonde.
Enfoncement comme dans le métro :
Chemin des habitudes avant les vacances.
Un enfant est toujours seul : cruauté des
Parents qui n’y pensent pas : le psychopathe
Exerce son prépuce dans les fourrures.
Avez-vous connu l’émerveillement causé
Par celle qui ressemble à vos sœurs mais
Dont il est possible de rêver tout nu et chaud ?
Cette vie qui devient tellement féérique.
Demandez et vous recevrez à la hauteur
De votre travail / et de votre appartenance.
Joues certaines des buissons où se cache
La première tentative de possession et
Les mots qui accompagnèrent le retour
À la maison / cette maison que vous rêvez
De posséder : tout le monde a droit à un lieu
/ comme tout le monde a droit à un personnage.
Misère des transports en commun : feuilletant
Les bouquins de l’attente / la vitre se couvrant
De la poussière industrielle : métaux finement
Dispersés au rythme des parcours imposés.
« Vous souvenez-vous d’avoir mis les pieds
Sur les tapis de nos bureaux ? » Dot à crédit
Des dondons de l’héritage familial : érections
Sur demande dans les boutiques du numérique.
« Rappelez-vous que nous habitons au septième. »
Je n’ai pas la force de vous en parler :
Je coupe à travers les jardins des palais,
Enfourchant des statues habitées par
Les oiseaux / je trouverais le temps long
Si j’avais attendu avec eux / mais je suis
Seul maintenant / et l’eau de la baignoire
Est tiède et tranquille / plage des coquillages
Après une inoubliable tempête que nous vécûmes
Derrière les vitres d’un hôtel : « je retourne au
Travail / si tu n’y vois pas d’inconvénients / »
Qu’est-ce que j’ai pu écrire comme poèmes en
Attendant que la nuit s’achève : l’endroit respirait
La vie : et j’aimais la vie à ce point : moi le héros
D’un roman qui ne vit jamais le jour / ballets des
Grooms dans le couloir : tu sortais d’une chambre
Et ce n’était pas la tienne : nous eûmes encore
Des vacances de rêve / puis la vie devint moins
Accessible : et nous avons fini sur le trottoir. »
Qui parle ? Question posée depuis sa saison en enfer.
Qui est qui ? Suis-je le seul personnage ?
« J’adore me réveiller le matin ! »
J’ai noté cette parole plus d’une fois.
On s’habitue à tout, dit la sagesse pop.
« Ce ne sera pas la moindre de mes inventions. »
Des mouettes perchées au vent.
Les nœuds métalliques rouillés
Sortant du béton en miettes.
« Je n’aime pas qu’on me mente. »
Ces poèmes qui n’en sont pas.
Les gens simplifient ou s’égarent.
En finir avec la poésie.
« On n’aime que ceux qu’on aime. »
Que voulais-tu dire par là ?
Puis j’ai compris que l’hiver
Est la saison des infortunés.
Gratouillant du bout de sa plume d’encre
Les pages d’un carnet qu’elle exhibait
Moins que ses jambes toutefois.
Vous connaîtrez la poétesse aux accents tragiques
Qui sait toutefois se donner pour alimenter sa légende.
Parlez-moi de ce roman.
Vous avez la dent dure,
Paraît-il / dit-on / mais
Contre quelle sorte de
Chair ?
Nous n’avons que le désir de vivre
Et s’il n’est pas à vendre
C’est que nous ne savons pas comment
Le vendre.
Nous ne gagnons de l’argent
Qu’en satisfaisant les désirs.
Le besoin aussi, avouons-le.
Servez sans vous poser la question
De savoir qui vous ne servez pas.
Ici, on ouvre le toit par endroit : ainsi
L’été nous baigne de ses lumières /
Et vous savez comme elles sont belles !
Sinon la chambre est plongée dans le noir
Et nous nous servons de la cire des processions
Pour alimenter nos bougeoirs.
Pas difficile de déchiffrer si
On se laisse porter par les crêtes.
Je n’ai rien dit du creux de la vague :
Cet exercice n’est pas une sinécure.
Et je mesure mes mots quand je dis ça !
Vous voici cherchant la poésie
Où elle se trouve / d’après
Ce qu’on sait de cette nuit des temps.
Vous n’avez jamais procédé autrement
/ me semble-t-il /
Nous nous connaissons depuis si longtemps
/ vous et moi /
Dallage des sols percé de petits jardins de fleurs
Toutes plus colorées que les murs où se distingue
La broderie des tableaux / en vente malgré
Le sentiment qu’éprouve le propriétaire des lieux
À l’égard de ces « créations uniques »
Dehors les gens se chamaillent à propos du prix
Ou de la morale / jamais question d’autre chose mais :
Remontant avec elles vers le soir je compris
De quoi ce type avait voulu me parler.
Connaît-on jamais assez le prix d’une seule
« Observation pertinente » ?
Ainsi le poème ne comparaît pas
/ comparaît pas.
Boire à la source même de la joie.
Comme caresser un nouveau projet.
Dessous les organes frémissent déjà.
On sent comme ça s’organise : jet
Comme sorti par le petit trou de la seringue
/ qui vaut le grand de la lorgnette.
À la place des animaux mythiques :
Des noms bien connus depuis l’enfance.
La bibliothèque
Qui s’anime de fleurs.
« Nous sommes tellement pourris
Par cette abondance de références ! »
Pages de racines
Qui cherchent l’eau
Et le minéral / la soif.
L’énorme différence
Entre un voyage au centre
Et quitter la surface.
ACTOR : Ils élevèrent un enfant
Et le nommèrent Actor.
Il ne connut pas ce qu’ils savaient.
Et il devint poète.
Du moins imaginèrent-ils
Qu’il l’était.
Que savait-il lui-même
Du poème et de la poésie ?
Certaines fois, ce qu’il écrivait
Avait bien l’air d’être
De la poésie
Et d’autres fois,
On n’en était plus aussi sûr.
Cela dura des années.
Actor ne connut pas le monde.
Il ne savait rien de nous,
Mais à peu près tout
De ses pères.
Nous ne le connaissions pas nous-mêmes.
Nous avions connaissance
De cette expérience,
Nous souciant peu d’ailleurs
De savoir si Actor
Était heureux ou pas
Ni s’il connaîtrait un jour
L’amour / D’ailleurs…
Laquelle d’entre nous ?
Ou : comme disaient nos pères :
Laquelle d’entre elles ?
Mais il n’en était pas encore
Question.
Le sujet est le suivant :
Imaginez la suite
De cette fable
En nous regardant
Danser toutes nues
Devant vous.
« jamais je n’oublierai ce personnage expérimental… »
J’ai inventé deux personnages :
Gor Ur et Actor.
Vous ne choisirez pas.
Dites « A » pendant
Autant de temps
Que vos poumons
(proportionnellement)
Contiennent d’oxygène.
Un sou ancien
Pour la petite souris.
« est-ce ce que vous entendez pas poème ?
Il y en avait partout et j’en ai profité :
Voilà : le petit poème est terminé.
Et vous en avez dit beaucoup de choses !
C’est une poésie compatible avec l’exercice
(tout aussi complet) d’une autre profession :
C’est bien pratique comme poésie : américaine.
Je ne trouve pas d’autres mots / pourtant
J’en connais, des mots : de toutes sortes.
Deux professions en une ? Ma foi c’est :
Possible / je m’en vais y réfléchir pensant :
Comme je suis heureux de vous connaître !
Et on se serre la main sur ces bonnes paroles
Qui nous rapprochent encore de notre seigneur
Parlez sans voix.
Réfléchissez sans y penser.
Tuez vos cadavres.
Ressuscitez vos morts.
Ou faites-les revenir au monde
Par une opération du saint esprit.
Vous ne rencontrerez personne
Si vous vous entêtez à considérer
Que toute connaissance doit entrer
Dans le poème (ou texte) en cours.
Les oiseaux sont si durs d’oreille !
Ne leur expliquez rien : oubliez
Pourquoi vous êtes venus et
Prenez la vie comme elle vient
Elle aussi : car elle vient, poète…
Le poète coincé dans son triangle
j’expliquais ça à Actor en âge
De comprendre que j’en savais
Plus que lui sur ce sujet
[bref]
: image, musique, idée / à quoi
Il ajouta : récit et je fus d’accord
Avec lui pour oublier ça !
« Dire qu’il va falloir partager les repas
Avec des étrangers à mon propre monde :
Je ne sais pas si je vais supporter ça… »
Se précipiter à la fin :
La tentation est forte.
On tient moins à soi avec l’âge.
Mais la vie trop incomplètement découverte.
La jonction avec le futur / ces êtres encore
Possibles mais pas jetés avec les dés du bain.
Comment ne pas y penser ? Qui hors la peur
N’hésite pas à la dernière seconde ? Qui de toi
Ou de moi, voisin ? Je regardais les merles noirs
Plonger leurs becs jaunes dans les sillons de ta
Terre natale / le cœur pétrifié au moment d’aimer.
De qui es-tu la femme ? La couleuvre prépare son
Nid sous l’escalier / « il tombera toujours des étoiles
Dans nos jardins, fiston » / si le poème ne s’infantilise
Pas : qui redeviendra petit enfant ? Les merles silencieux
Sous le regard des corbeaux bruyant comme des usines.
« je n’ai jamais autant aimé la vie, mais : vois-tu : il faut
Se préparer un jour ou l’autre : étrange voyage… jamais
Je ne me suis senti aussi près de la mer : la plage ou
Le quai / et tous ces témoins qui m’oublieront demain :
Redondance de la terreur / j’ai besoin de ce mot :
Demain / comme tu as encore besoin de moi, ma
Trace / et voici le temps où mon voisin
Dans son jardin
Fait irruption
Hache à la main
Pour faire fuir
Ces oiseaux noirs.
Nevermore : tu ne sais rien dire d’autre.
Entre demain et justice
Le choix est vite fait
Quand le temps est compté
Sans autre précision.
Allons voir si les bêtes sont heureuses.
Ou suivons le mouvement à l’intérieur
De ces couloirs interminables
Où il est rarement question de trouver la mort.
Le poitrail ouvert
Et séparé de son (ou sa) propriétaire
Sur le plancher du wagon.
« La question n’est plus de savoir
Si c’est poétique,
Mais de trouver
Ce qui ne l’est pas
Dans cette complexité
Jamais absurde
Que dans l’esprit
Des paresseux. »
Nos bêtes sans qui (lesquelles)
Nous ne serions pas
Ce que nous sommes.
Toi et moi & les autres.
« J’ai bien reçu votre invitation…
Je souhaite à votre fille
Tout le bonheur que je n’ai pas trouvé
En me conformant à cette tradition
Qui s’ajoute à la mort et à la religion
Pour tourmenter l’esprit des philosophes,
Des poètes et même des savants. »
« jamais je ne me suis sentie aussi inutile.
J’ai erré toute la soirée de table en table sans
Parvenir à m’intéresser à une conversation.
Je n’écoute plus comme j’ai su écouter
Du temps où je fréquentais votre cercle.
Ne cherchez plus à me ramener à la maison,
S’il vous plaît / et prions le Seigneur pour qu’Il… »
Jamais aussi près de Vous […]
« ou complètement à côté de la plaque… »
Changez de chaussettes
Si le cuir vous fait mal.
« Plus loin que cet arbre, dites-vous… ? »
Les nécessités de la page maintenant multipliée
À l’infini « c’est bien parce que c’est vous… »
Épuisez les ressources du Bien
Avant de vous mettre à chercher
Autre chose que la propriété.
« Vous n’irez jamais aussi loin… ils abandonnent
tous… à un moment ou à un autre : tous ! »
Je ne sais pas jusqu’où je suis allé /
J’ai perdu la trace /
Quand ? /
Je ne me souviens même pas
De cet instant /
En admettant que ce fut
Un instant /
Sin(ceri)tas / le pauvre bougre examinant les possibilités /
So much talk of the language — when there are no ears.
/ d’au moins une strophe à partir de ça :
ceri (série)
sintas (cintas)
Comme si ça pouvait le mener quelque part.
Mais s’obstinant sans voir qu’autour de lui :
Ce n’était pas le Monde qui changeait
Mais ce qu’il était devenu :
Un exégète de sa propre folie /
Si on peut appeler ça folie :
Peut-être n’est-ce après tout
Que sagesse mais sur un autre plan
Que celui de la réalité de tous les
JOURS.
L’Héméron : non pas journal mais poème
(présence de Mallarmé dans cet ensemble)
« insistez sur le mot ensemble / à la craie
Sur les murs de sa chambre
Alors qu’il entrait dans son adolescence /
Hemerón et Actor entrant dans ce théâtre
Conçu comme tragédie des comédiens :
« vous n’interpréterez que votre propre rôle
(papel) et vous épouserez les ondes provoquées
Par cet ensemble de changements : au brou de noix
Sur les murs de la première chambre disponible
En ce commencement d’identité : « mais voyons !
si vous cessiez de parler de vous à la troisième
personne / personnage / » sorte de Michelangelo
Des murs particuliers s’ouvrant sur un balcon
Où elle donnait le spectacle (en face) de ses seins.
Tu ne retrouveras pas l’Histoire au fil de la tienne.
Le palier est désert : portes donnant chez soi et
Chez les autres / la lumière dans ce puits aveugle.
Saisi quelquefois par le temps / puis en chassant
Les fantômes familiaux et les personnages
Historiques / une goutte de lait (dit-elle) au
Téton mordu pour elle : « on commence par être
Deux quand on atteint cet âge » / « ne touche
pas à la drogue si tu veux continuer d’apprécier
cette offrande : »
C’est à l’autre de t’arracher
Le plaisir et à toi sin(ceri)tas
D’en inventer le refrain.
Les jambes de Rimbaud sont si belles !
« j’aurais fait un bon peintre si j’avais voulu…
un bon musicien même : ce n’est pas par paresse
que je me suis mis à espérer quelque chose
de l’écriture : c’est par pauvreté : un papier et
un crayon / et les paysages de mon enfance :
cartes postales des déserts de l’Atlas et /
voyage en barque de Bayonne à Donostia :
à la rame dans les vagues peut-être naissantes.
Voir sa propre maison à partir de cet horizon :
dans l’optique le balcon où ma mère attend
que quelqu’un veuille bien lui faire la conversation.
Et j’en passe :
À l’autre d’y mettre du sien
Et de s’enfuir de bon matin
Tandis que dans ce crépuscule
Les phares des mobylettes
S’entrecroisent et remontent
Pour disparaître derrière les toits. »
Comme le Monde travaille pour moi !
S’écrie-t-elle en essayant sa nouvelle
Robe d’été : j’ai moins aimé ses pieds nus.
On parle beaucoup du langage / les réseaux
Se téléphonent / disparaissez, bourricots !
Derrière les toits de vos niches que la pente
Étage jusqu’au pont : où se décide votre sort.
Est-ce vraiment l’oreille l’important… ?
Les yeux ? Les zones érogènes ? Dis-moi,
Toubib / comment parlent les gens quand
Ils ne parlent plus ? À quelle heure du jour
Et de la nuit on les rencontre mieux que
Tout nus dans son lit souillant les draps
Sans personne pour en profiter / toubib ?
Ne parlent-ils pas de silence / ceux qui
N’ont rien à dire ? / ou ne veulent rien
Entendre / pas même écouter dans la
Nuit dort en chacun de nous ? Je pose
La question au spécialiste de la douleur
Qui finit par tuer son impatient
Commentateur /
Non sans avoir d’abord détruit l’intégrité
De ce qui a commencé par être un corps
Et qui finit dans la poubelle / une poubelle
Peut-être conçue pour ça dès l’origine :
Origine des temps : il n’y en a pas d’autre.
Vison métabolique des choses / ana
& cata : quel cycle mieux imaginé qui
Ne servira à rien au moment d’écrire.
Miser plutôt sur l’attente et même :
(choquons un peu) sur la paresse /
Quelqu’un finira par s’occuper de
Vous : satisfactions des nécessités
Vitales et communautaire : hôpital
À la mesure de l’emploi qu’il suscite :
Vos droits d’auteur iront à la hiérarchie
Et à ses serviteurs : à moins que la famille
(finalement) ne s’entiche de la recette…
Le fou protège (comme il peut)
L’intérieur sans jouer le jeu
Du chat et de la souris /le poète
/ l’œil aux aguets dans la fente
Des murs / jette des petits cailloux
Sur la tête des passants / quelquefois
Dans l’eau si la fosse est assez
Large pour contenir tout ce qu’il a
À dire / leçon #1 de l’expérience.
Nous aurons tous des souvenirs pour meubler
Notre captivité croissante (au début, on peut
Se croire libre comme l’air / mais en réalité
Nous ne possédons pas les ailes des oiseaux :
« le bec seulement, Mimi, rien que ce bec
qui a poussé comme une fleur : sous l’effet
de l’eau et du soleil ») / et d’un tas d’autre
Chose dont la nature est encore une énigme.
L’existence est faite (c’est vrai) de frigos,
De table, de fauteuils, d’écrans, de verres,
D’enfants, de voisins, de livres, de… Vivez
Comme il vous plaît ! Roman des spots
Mis bout à bout (je me répète) sans souci
De montage : inutile de monter : c’est bien
Le seul roman sans queue ni tête / désespoir
De ne pas pouvoir donner suite à une bonne
Idée : et il n’est ni trop tard ni trop tôt
(si vous voyez ce que je veux dire…)
« Toutes ces bêtises qu’on lit dans les poèmes ! »
Elle aimait les chansons.
On ne peut pas aimer les deux.
Avez-vous rencontré (finalement) votre poète
/ ou votre poétesse / ? Je l’ai vu passer devant
Chez moi : pensez si j’étais à la fenêtre / c’était
Jour de marché : la camionnette du marchand
De vin (bon rosée de l’Aude) passe à onze heures
Précises / Pensez si je suis à ma fenêtre !
Il y en a toujours un à goûter : qu’on ne l’ait
Jamais goûté ou qu’on ait oublié (ce qui m’arrive
plus vite en vieillissant) / j’ai vu passer votre poète
: lui manque une jambe / la dernière fois c’était
Une oreille / et je me demande s’il a pas subi
Le sort d’Abélard / là-bas / d’où il revient toujours.
Je ne l’ai jamais vu pleurer mais elle pleure.
Je vous en dirais plus si je savais.
Avec les règles municipales
Aucune fenêtre ne fait face à une autre :
Alors forcément : pour voir… difficile !
Peut-être autant que de savoir ce que vous voulez dire
Quand vous écrivez.
Ne me demandez pas de grimper aux murs !
Je ne l’ai jamais fait de ma vie ! Vous pensez !
Je vous en dirai plus
Dès qu’elle consentira
À sortir dans le jardin.
Demain ou un autre jour.
Vous n’en saurez peut-être jamais rien.
Habituez-vous à cette idée, des fois que…
Ne pas écrire ce que personne n’a jamais écrit.
Avez-vous essayé la cheminée ?
Comme le papa Noël, oui !
« je manque d’expérience dans ce domaine… »
Ne m’écris pas si c’est pour m’expliquer
Ce que je n’ai pas expliqué moi-même.
Le mauvais temps revient à la fenêtre.
Je vous parle du présent.
Le vers de la majuscule au point.
On n’entend pas les chasseurs.
L’hiver n’a pas d’oreilles.
Le message est poétique ou n’est pas.
Voilà en quoi consiste cette convulsion.
Misère d’un seul instant de tristesse.
Rien d’autre que l’ivresse.
La pluie commence
À brouiller les transparences.
Pas d’orage ce matin.
Le gris uniforme des cieux.
« C’est là-haut que ça se passe. »
« Ils en savent plus que nous. »
Puis un volet se referme.
Presque violemment.
J’écris aussi dans ces conditions.
J’écris comme ça me chante.
Je n’ai pas plus de choses à dire que toi,
Mais je prends le temps de les écrire.
Nous sommes différents :
Comme le vent et la pluie.
Et l’existence se referme comme l’huître.
Pans ocre des maisons ainsi battues.
« Où voulez-vous que nous habitions… ?
Quelqu’un rentre chez lui.
Clapotements de pas devant le portail.
Un enfant ou autre chose.
Sirène de midi qui n’ébranle rien.
Pas même ces oreilles peu faites pour séparer
Le grain de l’ivraie.
« Au moins on est chez nous… »
Je suis chez moi.
La pluie est chez elle.
Le vent ne retourne pas chez lui.
Le pluviomètre se balance au bout d’un piquet.
Je ne vois pas passer les feuilles.
Pourtant :
J’attends.
Chez moi :
Sans toi.
Il monta pour manger : dans sa cuisine.
(Quelle information ! Quelle ode !)
C’est le rêve bourgeois qui nous gâche l’existence
/ pas celui des rêveurs.
« Comment aimer celui qui vous pourrit la vie ?
On nous demande d’aimer / et de fraterniser
si c’est pas le moment ni l’endroit de baiser /
et rien pour se défendre contre ces viols
/ si on en a marre qu’on aille se faire voir
ailleurs / dit le président élu par des cons.
Je sens que je vais finir par tuer quelqu’un :
Et comme j’ai de la chance, ce sera n’importe qui ! »
« Qu’est-ce qu’on a pu se marrer à cette époque !
On en buvait pas trop, mais on connaissait tous
les refrains : même que j’ai fini par en épouser
un, de refrain / et sans avoir bonne mémoire,
je m’en souviens bien assez ! / » Au café du coin,
Les yeux sur le tapis vert lui aussi, mais moins
Loquace / et les dés n’avait pas d’autre signification
Que ce que ça voulait dire de jouer à perdre son
Temps avec des bons à rien qui avaient appris
À écrire pour se faire une place dans la société.
« Des mecs au fond méchants comme la teigne :
Quand on a rien dans le crâne on l’a pas ailleurs.
J’avais jamais vu autant de mouches sur le papier.
Et ça bourdonnait comme au fond de la mine.
J’aime pas les gens qui viennent parce qu’ils
Se plaisent pas dans leurs pays : j’en connais,
Bien sûr, mais pas des tas comme vous pourriez
Croire / chez eux on joue (paraît-il) aux dominos.
Qui ne joue pas à quelque chose
Histoire de se priver d’en penser
Quelque chose : de ce qu’on fait
Pour avoir quelque chose à vivre.
« On n’aime pas autant
Si on a pas bien baisé. »
Dans l’éclairage économique
Sous un plafond qui a connu
Toute l’ascendance et même
Plus si on compte les femmes.
En allant chercher
Un linge envolé
J’ai vu un oiseau
Caché sous l’boisseau.
Que croyez-vous qu’il fit ?
Il se cacha aussi
Pour éviter les gouttes.
Et trouva la chemise
Cachée sous le boisseau.
« J’ai la cuite amère, mec. La violence.
J’ai toujours eu ça. Et je revenais avec
Un trophée. Toujours. J’aime gagner. »
Le malheur qu’on fait payer aux autres :
Qui croira que la femme a un jour dominé le monde ?
Rien qu’un jour pour donner à rêvasser dans les cuisines.
« Mais voyons ! Ce n’est pas logique ! »
Ça l’était au début.
Puis on finit par se perdre.
Et on raconte n’importe quoi
À des types qui sont censés être vos amis.
Qui a inventé le jeu de cartes ?
Selon quel principe mathématique ?
Ils n’en savaient rien à l’époque.
Et les gens continuent de compter
Leurs sous / papa et maman dans
La cuisine les mains l’une dans l’autre
/ le cornet ne contenait pas de dés.
Personne ne joue s’il n’y a rien à gagner.
Mais on peut devenir méchant
Si on n’a rien à perdre.
Voyez ce que vous avez fait
Aux habitants de vos colonies :
Et ne vous étonnez pas s’ils ont
De la mémoire / plus que vos
Propres enfants : confessions
Des réseaux / l’écran sans tain
Pour expliquer sans violence.
« Tous ces types qui reviennent cramés
Quand moi je rentre avec mon désespoir !
Et l’esprit assez clair pour en souffrir /
» Dieu a laissé tomber une goutte de son
Sperme après une sacrée excitation
À propos de son double : mais il n’y
A pas eu orgasme divin / juste une goutte
Comme ça arrive quand on s’excite /
« Il a fallu que ça tombe sur moi ! »
Ensuite il redescendit : pour écrire.
(Quelle information ! Quelle ode !)
La pluie tombait toujours
Comme elle tombe en ce moment.
« Ce que je peux avoir froid avec toi ! »
De quelle nature était la semence divine ?
(Je pose la question maintenant
/ la pluie tombait /
Que Dieu n’existe plus /
Disparu dans l’Histoire
Comme tant de soldats
Qui ont voulu sauver
Leur terre pauvre mais
C’est tout ce qu’on possède)
C’est la question qui explique tout /
Sauf qu’on ne sait rien du langage
Qu’elle destine à l’oreille ou à autre
Chose : répondez par un clignement
De l’œil si vous pensez que oui
Ou de l’autre œil si c’est non /
La pluie tombe encore
Pas de repos depuis ce matin
J’ai vu passer une conversation
Sans en déchiffrer le contenu
(mais j’en connais le sujet : )
Le prix des prochaines vacances.
Dieu qui finit par tromper l’homme
Qui avait le plus confiance en lui
Et qui n’avait pas encore défloré
L’enfant reçu pour ne pas en avoir.
« Nous irons le plus loin possible.
Mais attention : ça tourne ! »
« Tiens ! Vous revoilà ! »
« On en a des histoires à raconter ! »
La pluie n’inspire pas autre chose :
Mourir la fenêtre ouverte
Sur un soleil éclatant.
Ce qu’une simple parole peut contenir
D’histoire personnelle comme d’idées /
« car sans au moins une idée de ce qu’on
fout ici / mon fils / tu ne vivras pas
longtemps entre les bras d’une femme. »
ou l’inverse si le fils est une fille.
« reconnaissez que le monde est justement partagé :
Les uns vivent des autres / l’inverse est aussi vrai :
On ne peut pas mieux faire en matière d’Histoire. »
Il eut un accès de fièvre
Dû à une idée fausse :
Celle qu’elle lui inspirait
Chaque fois qu’elle passait
En robe printanière : quelle
Information ! Quelle ode !
« Il n’y a rien comme le sexe pour vous perdre un homme :
Je n’en connais pas un qui bande encore / dans mon lit
je veux dire : j’ai écrit de beaux romans érotiques si
ça vous intéresse / vous avez une page Facebook ? »
De l’information. Et de l’ode.
On n’en demande pas plus.
Nous paierons le prix annoncé.
Pas de marchandages en vacances.
Vous vous y connaissez en trigo ?
Non pas n’importe quoi, mais n’importe qui.
Écrasé comme une punaise sur le carreau.
Derrière la pluie, le vent, le soleil et tout
Ce que vous pouvez imaginer maintenant
Que votre existence réclame un sens : il
Était temps ! Demandez à Dieu d’éjaculer.
Dieu n’a jamais éjaculé.
Il ne s’apprêtait même pas à le faire.
(de sa puissante main)
Il était seulement excité.
Et…
Je n’écrirai jamais plus sous votre influence,
Ô bigotes de mon quartier (je n’ai pas dit :
de ma paroisse) / vos jupes sont les ailes
Des sirènes : vous les avez héritées de Dieu.
Mais vos corps que n’emporte pas le vent,
Vos corps que le clystère empoisonne au soir,
Ces corps aux brassées de fleurs et de bruyères
: je n’en ai pas connu d’autres / même en enfer
D’où je viens (moi chien) en docte compagnie,
Même charmante si vous me laissez dire /
Ah cessez de flatter ma fourrure d’hiver !
Celui que j’accompagne (ou qui m’accompagne :
comme vous voulez) ne cherche plus l’amour
Parmi les femmes de ce monde : il sait que
Vous n’existez pas / cagotes aux lèpres si
Anciennes que même l’enfant s’en souvient
/ je n’irai plus en votre compagnie tâter
La queue de Dieu pour savoir où il en est
De sa Création : je devrais dire : de Sa Sainte
Création :
Mais je ne suis qu’un chien
Et je reviens de loin !
Laissez parler la multitude.
Et archivez tous ses propos.
Ô que la chandelle ne meure
Jamais d’attendre le sommeil !
La création, ma mie,
C’est la sainteté !
Ah que j’en perde la raison
Si des histoires je vous ai
Raconté après le curé !
Merci de m’avoir écouté !
Si l’oreille vous est de quelque utilité
En ce domaine particulier
Du langage.
À moins qu’il n’y en ait pas d’autres.
« C’est bien possible, ma bonne dame pipi…
J’en ai vu d’autres, mais pas à ce point difficile
à déchiffrer sans y mettre du sien : si vous voyez
ce que je veux dire, moi : » tombé d’un ventre
Qui courait le 100 mètres en moins de temps
Qu’il n’en faut pour le dire /
Chantez que ce n’est jamais arrivé.
Égorgez cet agneau qu’on appelle
Enfant et revenez dimanche prochain.
Il pensa à se marier et oublia qu’il avait eu cette idée.
Ceci est une information sûre : voir même une ode.
Ces révolutions qui remettent le monde
Sur ses pieds de banquier de l’existence.
De quel déséquilibre sommes-nous atteints ?
Je n’ai jamais goûté à la prison : si je suis fou,
Enfermez-moi au dernier étage de la tour
La plus haute et laissez la fenêtre ouverte
(si c’est possible à cette altitude : j’ai comme
un doute) j’ai toujours rêvé de me jeter dans
Le vide : faute de néant / de savoir ce que
C’est / comme l’idiot envisage la noyade
Par le biais des encyclopédies de l’internet.
Je m’écraserai alors (par calcul) sur le toit
D’une banque aimée de tous : même de toi.
Je ne sais pas faire autre chose, mec…
Ah oui… je sais voler… mais j’ai peur
Du vide… je préfère la pluie de mes
Hivers / et ce vent si froid, si menaçant !
La Lune ruisselant sur les barreaux de la fenêtre
: le bureau est installé au rez-de-chaussée / Lune
Des premiers instants de bonheur / « j’ai lu
Quelque chose sur l’internet à propos de la
Noyade / » pourquoi évoquer le dernier jour
De Virginia : que j’aimais comme je n’avais
Jamais aimé personne : Virginia, Truman,
Ernest, Rimbaud : ces êtres doués pour
La moindre phrase qui revient en mémoire
Dès qu’on (re)commence à écrire : au fil
De la Lune étalant son reflet jusqu’à la rive
Prochaine / sur l’internet : lu quelque chose
Qui devient poème parce que tu l’as lu /
« il a fallu que ce soit toi » / premiers instants
De la connaissance de la joie / les gens
Lancent leurs lignes et attendent / tandis que
L’enfant mesure l’importance de la tragédie
Qui se joue / « j’ai pas lu mais je lirai » /
Tu liras par-dessus mon épaule ce que j’ai
Déjà morcelé comme jardin familial / géomètre
Aux bornes scintillantes sous le soleil d’été
/ un jour à l’approche de la nuit / les gens
(toujours les mêmes) plongent leurs mains
Dans l’eau et remontent des êtres morts
D’angoisse et de fureur : comme cela se passe
(leçon #2) dans la vie réelle / réelle vie la dans.
En ville tu défonces
Les limites de la réalité.
Bélier au crâne dur
Comme l’esprit
De groupe qui
Anime dans les marges.
Convoque les possibilités
Prosodique (accents)
Des modes d’emploi.
« Je ne vous (toi et moi)
Connaissais pas cette
Disposition pour
Le fidéicommis.
Grevé. De. Restitution.
Les morts sont poètes
Par. Comme je disais.
Ardoises des dettes
À payer avant la nuit.
Fouillant l’ombre
À l’aide d’une torche
Flambant comme
Dans un film d’horreur.
Disposant. Grevé. Appelé.
Appelée du fond
D’un trou creusé
Dans l’imagination.
Les nuits sont chères. Tiens, mon père (boucher)
Aurait dit : coûteuses. Moi je ne dis rien encore.
Je dis : encore. Sachant que j’en ai les moyens.
« Mais de là à inventer ce que personne ne sait
Dis : encore. L’hiver j’observe les oiseaux rares.
Mon carnet à la couverture froissée / la mine
Grasse si utile en cas d’ombre / designer la
Limite exacte que personne ne peut dépasser
Sans avoir de l’avance sur son époque : les faits
Qui démontrent que la prévenue est une salope
Qu’il faut réduire au récit de l’assassinat qu’elle
N’a d’ailleurs peut-être pas commis
Intellectuellement
/ ô fêtes aux entrées durement acquises / « une
Poésie utile à tout le monde est un humanisme »
Je le savais déjà : je n’ai jamais tué que le temps.
Intellectuellement / nous n’en saurons jamais
Plus que ce que nous savons déjà / préliminaires
De l’angoisse / « winner takes nothing » je le savais
Déjà / des paons appelaient Léon / sans la nuit
La télé annonçait que magistrats, syndicalistes,
Journalistes et politiciens n’inspirent pas la confiance
/ intellectuellement : beaux vers qui filent avec l’eau
Vers d’autres cours / je vieillis, dit-il : je n’ai plus
Soif : item, ma crasse exemplaire dans les caniveaux
Du savoir, sachant que tout se perd et qu’à la fin :
Le lézard ne retrouve pas sa queue parce qu’elle est
Digérée depuis longtemps / heureusement il / je
Sais / je n’ai pas l’oreille d’un sourd au langage que
Vos inventions donnent au poème sans les prendre
À la poésie / nothing / anything / pas du tout fait
Pour les esprits formés sur les bancs de l’école /
Nécessite une aventure préalable / un coup de pouce
Du sort / réservé non pas aux chanceux mais à ceux
Qui fréquentent le duende sans se soucier de savoir
Pourquoi c’est tombé sur eux : mais que savent-ils
Vraiment ?
Fêtes données la nuit
Quand les limites se trahissent.
Parlez-moi de l’extase.
En revenant sur ses pas,
Il ne comprend toujours pas
Que quelqu’un a jeté les dés
À sa place et que cet être
N’a plus aujourd’hui d’existence.
Vraiment ?
Qui suis-je pour parler ainsi
Et surtout pour agir ainsi ?
Je suis… les noms au fil de l’eau ou dans le sillage.
Les gens choisissent la morale et l’esthétique.
Que se passe-t-il, là, tout près de moi, maintenant ?
S’il n’y a personne, si je n’attends personne, ici ?
Ne me privez pas de la société d’au moins un homme.
Je ne vous parle pas d’amour : c’est intellectuellement
Que je veux dire / sans être contraint de l’imaginer :
Je sais que c’est un roman / je sais où le trouver /
L’immense terrain de jeux des intellectuels / les autres
Font semblant de s’aimer / « que voulez-vous qu’ils
Fassent de leurs mains ? » / creuser / creuser sous
La maison mais pas un tunnel : un puits / jusqu’à
Rencontrer le premier degré signalant une élévation
De la température : il y a des gens pour calculer ça :
Avec des paramètres en veux-tu en voilà / ces gens
Tellement utiles qui font semblant de s’aimer /
Ne jouez pas avec mes nerfs !
Vous comprenez ce que je tente de déchiffrer
Afin de demeurer facile à :
La page est un mur / ou le plan de sable
Que la vague lisse encore au fil de son écume
/ révélant la présence de haricots dessous /
Et la récolte fut assez prodigieuse
Pour inviter tout le monde
Y compris les enfants
Au repas de conclusion
(avant la sieste)
Sourire de satisfaction sur les lèvres :
J’ai toujours aimé ce moment après
L’amoncellement des coquilles vides :
Les verres ne s’entrechoquent plus.
Les jouets sont immobiles, sérieux.
On entend la mer (océan pour les autres)
/ le ciel est presque blanc, métal
Divin proche de la fusion : nous dormons.
Qui a intérêt à nous réveiller ?
Le flic qui ne songe qu’à se défendre ?
Le prof qui ne sait plus écrire sans fautes ?
Le toubib jouant avec les reflets de ses ciseaux ?
Tous ces gens qui servent à quelque chose
Et que tout le monde aime ou apprécie ?
Alors que les autres, les inutiles :
Juges, syndicalistes, journalistes, politiciens
N’inspirent pas la confiance / c’est
Le moins qu’on puisse dire / poétiquement
Cette fois : les insectes ailés ou pas se baladent sur nos joues.
Je n’ai eu soif que l’après-midi :
Aimé de tous.
Le vent nous a chassés de cet endroit paisible.
Les embruns fouettaient nos visages d’enfant.
Nous avons oublié nos coquillages sur un rocher
/ voyant de loin / sur la falaise nous étions :
La vague emporter notre trésor vidé de toute vie.
Envol des voitures dans le ciel d’été livré à la tourmente.
Quels soirs moins propices
À l’invention du sommeil ?
La chaleur est intense /
La pluie a cessé de tomber
/ le vent semble s’être couché
Lui aussi / dans d’autres draps
/ demain les escargots / êtres
Qui ont le pouvoir, s’ils rentrent
Dans leur coquille, d’arrêter
Le temps : nous courrons jambes
Nues dans ces herbes mouillées
/ joues écarlates de feu : désir
D’ordinaire annoncé par ce qui
Demeure du rêve / mais les prés
N’ont pas le charme de nos plages
/ faut-il le répéter ? sin(ceri)tas
Allez hop ! Une fleur de Laforgue et ça repart !
De même l’ouverture en trompe-l’œil du Villon
Qui séjourne sous la lampe / avez-vous bien
Fermé la fenêtre à l’intrus ? N’oubliez pas le
Guide !
Soleil blanc irradiant le gris du ciel.
Feuilles pointues des branches torses.
Un pan de mur gâche la vue.
J’aime le blues de vos phares, autos.
La nuit quand la pluie a cessé de tomber.
Vos glissements près des maisons, ombres
Au volant. Je ne vais jamais aussi loin
Pour trouver de quoi faire. Mes fuites
Sont des voyages. Franchir le portail
De fer et de rouille est inutile. La mort
S’annoncera-t-elle ? Aux gouttes d’eau
Sur vos toitures, autos. Vos verres embués.
La trace sèche sur la chaussée. Trabalengua !
La poésie n’y peut plus rien. Pourtant,
Naguère encore… / chasseur de l’inconstance
Au péril de l’existence / Ah mes autos !
Le poème et ses fils :
Je connais des gens
(sans distinction de sexe)
Qui signent roman
Sous le titre du poème :
Parce que roman
Peut faire vendre
(belle illusion !)
Que pensez-vous d’eux ?
« Penser n’est pas dans mes cordes…
Mais si vous avez besoin de quelque chose… »
Les gens utiles (en qui on a confiance)
Et les inutiles (pas confiance du tout !)
Les parasites / ceux dont on peut se passer
Si on y réfléchit un peu : ils réfléchissaient
Sans cesser
De défier l’autorité et ceux
(inutiles)
Qui la représentaient
Ou éprouvaient le besoin
D’en parler.
Le peuple n’habite pas dans les palais
Mais il peut visiter ceux qui sont inhabités.
Clientèle des vieux et des écoliers,
Des handicapés et des pauvres :
« si on peut profiter, on profite »
Jardins pour s’envoyer en l’air
Sous l’œil-au-ciel des statues.
Marbres des mécènes-en-creux.
Ou tout autre matière plane
À la surface d’un digne-standing.
« ya rien à voler ici à part les chiures »
Pas de bal non plus : sauf invitation
Sur patte-blanche-diplomatique :
On revient à la réalité par la même-porte.
« J’aime ce pays comme moi-même ! »
Chantonnait un visiteur ardent / l’œil
Posé en coin sur les petites filles chipies
Qui lorgnaient les statues / berceaux fous
Dans les allées : les jambes croisées d’une
Nurse attiraient l’attention des historiens
En herbe / « ah ce que j’aime ce beau pays ! »
Cette fois avec l’accent des faubourgs /
Les chips entre les dents et toujours l’œil
Aux aguets car d’autres exemplaires de la
Gente féminine en formation avançaient
Entre les haies cette fois en Andalousie
/ à Grenade écoutant un concert classique
: « j’aime ce beau pays comme je m’aime »
La queue violacée d’un baigneur
Éprouvait des contractions semblables
À celles de la nymphe que nous avions
Observée sous la houlette d’un professeur.
« Tant que ça ne fait pas mal : je veux dire :
Dit le magistrat au cours d’une conversation
Privée : physiquement : parce que là-dedans
(il désignait l’intérieur de son propre crâne
figurant celui de la victime supposée) : c’est :
j’aime ce beau pays : autre chose : en réalité
Nous n’en savons rien… » ce qui offusqua la
Dame qui était assise sur mes genoux / juste
Le temps d’atteindre le bocal contenant mes
Cerises (j’ai bonne réputation parmi ces gens)
« Il faut manger : et s’il ne s’agissait que de ça :
Nous avons tous des rêves : ce n’est pas pour rien
Qu’on dit que nous sommes semblables : svp
Ne la prenez pas par le cul : elle est bien jeune,
Vous avez… ? » Qui sait ce genre de choses si
L’occasion se présente : « et puis c’est une autre
Race / je ne dis pas inférieure / mais nous sommes
Si différents : historiquement : et donc moralement. »
Être ou ne pas être un objet sexuel.
« le smart se vend bien ici, vous savez ? »
Jouant aux échecs avec l’inconnu(e)
/ l’écran plus complexe encore que
Le mental / à deux heures du matin
Un tweet donna le départ et : sûr
De lui : il initia les représailles prévues
Par le Coran / des heures d’attente sous
La pluie / à l’abri d’un auvent de toile
Que le vent secouait projetant des volées
De flotte sur la chaussée ensanglantée.
« si vous n’en avez pas je peux vous en
avoir un pour x euros / vous ne pourrez
plus vous en passer : il faut vivre avec
son temps » Sériatim des immobilités
Gagnées sur le Temps / « j’aime ce beau
Pays ses châteaux ses bouteilles ses femmes
Ses bouquins ses spectacles beautés nues »
Quelle angoisse ! Quelle ode ! On ne vit
Pas longtemps dans ces conditions / on
Finit mal : « ne regardez pas l’heure avant
d’avoir pris votre décision » grimaces des
Animaux en captivité dans ce beau jardin.
L’acier des barreaux comme autant de cloches
Rythmant l’existence des habitants / colère
En exhibition dense : danse d’une fille nue
Qui agitait un concombre : « vous m’en direz
des nouvelles : indispensable ! On ne peut plus
s’en passer / et en plus ce n’est pas cher du
tout : » Où est passé ce passé si je ne suis pas
Celui qui l’a enfoui dans sa terre natale : «
Est-ce que nous y pensons sans arrêt ? Est-ce que
nous n’en savons pas plus ? Depuis le temps que
nous ne nous occupons que de nos propres affaires
sans nous soucier des conditions d’existence que
l’animal supporte à notre place ?
j’aime la barbe à papa,
les pommes d’amour et
les berlingots / les manèges
l’enfant que j’ai été, le son
de mon ocarina / les percussions
de Strasbourg / mon masque,
mon tuba et mes palmes /
la danse des arcs et le txistu
ttun ttun / les rues adjacentes
où le lavoir en pointe
sentait la rose de tes pieds.
» / il n’y a que le futur
Pour porter les traces
Du poème envisagé
Au cœur même de l’enfance
Fiction forcément scientifique
(je te le dis comme je le pense)
Le texte est symphonique.
Les deux bandas de Charles Ives
Du haut de la tour où son enfant
Voit plus loin que demain.
« fera un excellent ouvrier »
« excellent élément »
Distance entre le père et le fils :
« parlez-moi de la mère : »
« Un jour (cher enfant / plus tard : cher ami)
vous vous souviendrez de mes moranes et
de mes dewatines » / cette racine humaine
Émergeant de la terre natale : au cours d’une
Promenade avec les siens : dunes au soleil /
« n’oubliez pas mes combats dans le ciel
de ce pays que vous aimez » / mais le langage
Tout le monde s’en fout : les livres sont des
Catalogues : on n’y parle pas du langage /
Le feuilletage est le seul mode d’existence
Maintenant qu’il est trop tard pour mourir
Sans les autres / « j’aime je l’aime ! » / Ode
Dans un parking / au son des caddies / l’enfant
Aime mieux les contenus que le contenant.
« Mettez-vous bien dans la tête
Que ce ne sont plus vos enfants. »
De l’auteur à l’acteur
Autor / Actor
« Avez-vous choisi votre camp ?
Nous avons trois couleurs : une
pour chacun de vos désirs / 3
tweets sur le fil tendu entre
Votre attente
Et nos installations.
» J’ai rêvé que je savais nager…
En vérité je n’ai jamais appris…
Je compte sur votre gentillesse…
Nous aurons 3 beaux enfants…
Des deux sexes dont un garçon…
Plongeons avant qu’il ne soit trop tard !
A H N / faites votre choix
Ô romancier de l’anticipation
Ou du futur : précisez de quoi
Vous êtes le romancier
Ô Poète raté (selon Bill)
Pascal Leray retrouvant les fils
De l’invention de la Recherche
Et exigeant que sur-le-champ
Quelqu’un en invente le mode éditorial
« Qui ? Mais lui ! Il est en train
d’atteindre les limites du champ
schizophrénique ! » Quelle écriture !
Quelle angoisse ! Quel beau pays !
Léviathan dans les phosphorescences de l’immensité
L’immensité sans plages accueillantes
L’interminable quête du bonheur qu’on achète
« Nous avons perdu un ami qui nous était cher »
Qui ne connaît pas la chanson ?
Après leurs rouleaux et nos livres :
Villon feint l’ignorance et nous fait rire
Un général qui monte au ciel après avoir toussé
« Ne laissez rien à l’ennemi ! Pas même vos femmes ! »
Il vous en restera comme une impression :
Très proche (je n’en doute plus) de celle
Que j’ai ressentie moi-même avant de me livrer
À l’interprétation que vous savez : rôle
Du comédien : actor : autor : on ne peut pas être plus clair.
Une fois là-haut il se met à briller avec les années.
Villon manie l’obscénité avec art.
« Avez-vous réfléchi à ce dont nous avons parlé… ?
Q : Les étoiles ne changeront pas de ciel
Si on n’y met pas du nôtre…
R : Mais pourquoi voulez-vous
Qu’elles en changent, nom de Dieu !
Q : Je ne sais pas… Comme ça…
« Il y encore tellement de choses à faire ! »
Le comédien rencontre un autre comédien :
Q : Vous êtes d’ici ?
R : Nous aimons tous notre pays.
Q : Vous connaissez X (ou Y, Z, etc.) ?
R : C’est moi… C’est vous…
Plein de poèmes aux alentours mais pas ici.
Les étoiles ne se comptent pas aussi facilement, bébé…
R : Pourtant, j’en ai vu une…
Dans un ciel noir de guerre et de misère.
Villon parle parisien et ça ne nous parle plus
Comme il a voulu que ça nous parla (parigot).
Q : Il n’y a que les petites choses de poétiques.
Les autres (les grandes ou à peu près) c’est
Une autre affaire et nous ne sommes pas près
De nous y mettre aussi facilement que ça, bébé.
Pas de réponse (étrange…)
Comptez les pieds au lieu de vos syllabes !
À la fin, cette impression que vous laisse
Mon poème : si vous avez pris le temps de lire
Ô impatient lecteur de comètes !
Ne gisez pas à leurs pieds de vainqueurs.
Je donne tout ce que j’ai acquis
Et je rends ce qu’on m’a donné.
La différence fera de moi un homme ou un animal.
Villon a-t-il vécu cette sensation sans doute intense
Ou tout ceci n’est-t-il que légende à but marketing ?
L’erreur est de laisser son ennemi potentiel
Construire les bases de sa future industrie de guerre.
Tuons le mal dans l’œuf !
Toute cette jeunesse destinée à connaître la douleur…
Et ces disparitions qui jettent le soupçon…
Le général qui montait n’est pas redescendu.
Vous ne compterez pas une étoile de plus.
On ne compte pas infiniment : c’est ainsi.
Pensez plutôt à acheter quelque chose à vos enfants :
C’est bientôt Noël.
Après leurs rouleaux et nos livres :
L’expansion des réseaux.
(grimace de dégoût)
Pleurnicheries des saisons
Pendues aux arbres ou nouées
Dans la gorge qui ne demandait rien.
Le soleil n’est pas éternel.
Rien ici n’est éternel.
Aussi loin que porte l’esprit :
Rien d’éternel et pourtant
Il n’y a pas d’autre solution.
Romans où le corps se donne en spectacle.
Les divers lieux de cette offrande à l’autre.
On finira par ne plus rien comprendre à la douleur.
Ce temps passé à la fuir… Instruments de l’extraction
Ou de l’injection : nous avons les moyens
D’inventer la parole.
Quel éclair cet instant de bonheur !
Des scènes de cul à la place des pamphlets anarchistes.
Du journalisme social entre les actes
Inspirés par la réalité.
Ne vous inventez pas vous-même
Si vous n’en connaissez pas le prix.
J’ai connu une gonzesse qui écrivait des mensonges
Qu’elle jugeait assez gros pour être appréciés
Des éditeurs parisiens.
Dans la rue on rencontre (ou on voit de sa fenêtre)
De plus en plus d’étrangers : certains vont même
Jusqu’à ne pas parler notre langue !
Mais malgré ça et tout le reste
J’aime mon beau pays et ses châteaux,
Même si ce n’est pas l’Espagne de mes aïeux.
À la barre fixe
Je suis un artiste.
Tu parles d’un artiste ! / « la Terre est à tout le Monde »
Le malheur à notre porte / seuls ceux qui peuvent s’en sortent
J’en ai connu un qui aimait les femmes « qui sentent bon »
Rumeur ce matin
De noyades et la mer
Avait refusé la carcasse
Qui flottait sous le vent
Et se rapprochait de la côte :
« si c’est pas malheureux… desgracia…
Vois si on a quelque chose à manger »
Il ne dit pas bouffer / il respecte
Celui qui s’invite dans le Jeu /
« on joue depuis tellement longtemps ! »
Il veut dire : nous / les damnés /
« quelle chance vous avez ! »
Et autour de la table la discussion s’engagea
Chacun s’employant à ne pas aborder les sujets de discorde
« ce n’était pas le moment » / des enfants qui ont perdu
Leur joie naturelle : depuis combien de temps ? / Où
En étions-nous à cette époque forcément toute proche ?
Il ne se souvient pas d’autre chose que des ennuis au travail.
Quelle ode ! On en venait à parler de son propre travail
Au sein de cette société qui est la seule limite que personne
/ pas même toi ô étranger / ne peut franchir « même farci
aux as » (interprétation de langue à langue / personne
N’est mort « nous sommes venus chercher / puisque c’est
ça que vous nous demandez / la tranquillité / pas la richesse
ni le confort / soyez assurés que nous nous tiendrons tranquilles »
Tu parles d’un artiste ! /
Pas un simple collage.
Ces couleurs (si ce sont
des couleurs) ne se mélangent
Pas : c’est l’arc-en-ciel
De nos rencontres fortuites
/ de loin l’effet est pictural :
« tu verras comme c’est pictural »
Pourvu qu’aucune idée ne soit assez nette
Pour l’emporter sur les autres !
Ce fou qui hurlait de douleur :
Impossible / pour lui comme pour nous /
De situer cette douleur ni de savoir ce qu’elle était.
Nous sommes retournés dans nos bureaux respectifs.
Voilà ce que j’appelle solitude.
Pourvu qu’aucune idée…/ lavement : traitement
Thérapeutique / « on ne se sent pas mieux après »
Avoua le sujet en question ici / ça continuait de couler
Et il fallut attendre deux heures avant que ça s’arrête :
« je vous l’avais dit » / il avait plus d’expérience que nous
Dans ce domaine : les années acquièrent ainsi un sens.
« mais je vieillis moi aussi » / se vidant comme animal
: « qu’est-ce qu’on va devenir toi et moi… ? — Mais
rien, mon chou ! On ne devient jamais rien / même si
on a été quelque chose / » / ils extraient de la terre
Disons : de la boue : des cadavres plats ou plus exactement
Écrasés par le poids de la terre qui a pesé sur eux pendant disons :
25 ans / cuir indestructible sauf par le feu / « si c’est la solution,
n’hésitez pas » / purification des fumées aux terme de la Loi.
L’atmosphère (au figuré) se peuplait (au figuré)
De toutes ces histoires que chacun ne cachait plus :
Secrets de famille éventés (au figuré) / « nous
procéderons au classement hiérarchique de ces données
quand on nous en aura donné les moyens » Quelle ode !
Il se sentit capable d’égaler le Parisien / il voyait
S’amener en masse les rimes les plus judicieuses /
« je donne tout » résuma le type qui en avait fini
Avec ses écoulements / le Monde s’approchait de
Quelque chose : « il suffit d’un rien pour s’élever
au-dessus des autres » / quel artiste je fais ! Ah !
« Vous rirez moins quand il ne vous restera plus
qu’une demi-minute de conscience, vous verrez : »
Mais qui sait de quoi je suis la conscience ?
« j’aime quand ça se complique : on ne sait plus
où donner de la tête : les murs / lémure / » L’ode
En marge des journaux télévisés : les grandes causes
: toutes liées à la religion, à la conservation de l’espèce
Et à l’anéantissement des restes humains / catacombes
Sans déchets : la pancarte indiquait : « On ne visite plus »
Ce qu’il y a derrière : ces parois que l’esprit construit
Parce qu’il ne peut pas concevoir ce qui est derrière :
Mais quelle imagination ! Quelle ode ! Petits poètes
De l’obscur : le moindre galet les inspire / à la plage
Comme ailleurs : vacances nécessaires qu’il convient
D’organiser en économie : « tout est économie » / Votre
Poésie est un divertissement que nous n’avons pas réussi
À inscrire dans les flux : par contre nous savons (coup
de baguette magique) faire du divertissement un spectacle
Poétique / rites nécessaires : messes, mariages, enterrements.
Les bornes de l’existence : la robe de la petite fille espagnole :
Sévillane, communiante, mariée / veuve : ou le gilet
Noir de celui qui a perdu la mère de ses enfants / usure
Des revers / au mur deux clous pour accrocher et ajuster
La ceinture nécessaire (faja) / cette pauvreté digne
Du seigneur qui (avec ses chiens) les protège du loup :
Los que a la playa van / « le type au lavement est
décédé cette nuit — Mais de quoi ? — Suicide… »
Ce qui avait d’abord paru être une chaloupe
N’était que la carcasse d’un bateau de pêche
Qui ne valait plus rien pour ça / ils les coulent
Au large / il ne faut pas longtemps à la mer
Pour en finir avec ces restes / « on a cru à
la dérive d’une chaloupe : à bord les malheureux
que l’Afrique vomit parce qu’elle ne peut pas
les digérer : ces zones du peuplement humain
qui souffrent d’indigestion / chronique / ode
aux enfants du malheur de n’être pas nés
dans l’estomac des fortunes de ce Monde / »
Le Monde est un être à lui seul :
La Ville ne lui arrive pas à la cheville.
Impossible de savoir quand il finit.
Sait-on d’ailleurs quand (ni comment)
Il a commencé ? Exhumez vos corps
Perdus à jamais / mais l’industrie des
Réseaux n’est pas plus à la hauteur.
Perception + Imagination = ce Monde.
Multiplication des réductions à l’échelle.
Jouets de l’avenir / les morts ne parlent
Pas : sauf s’ils laissent de l’écrit : documents
Et œuvres d’art / moi parmi ceux-là
/ gourmant en postérité ? / non /
Je me fiche ce que je laisserai tôt
Ou tard / plus tôt que tard maintenant
/ facilité pour l’écriture tient sans doute
A une autre facilité : la lecture / Vico :
« chaque ouvrage était lu trois fois : la
première pour en saisir l’unité ; la
seconde pour en observer la suite
et pour étudier la composition, la
troisième pour en noter les expressions
remarquables, ce qu’il faisait sur le
livre lui-même »
UNITÉ SUITE CITATIONS
« rien qu’avec ça tu construis
n’importe quel poème / tu vois,
l’ami ? J’aime discuter avec toi :
et pas seulement parce qu’on est
d’accord / je t’aime parce que tu es
moi / aussi bien que n’importe
lequel de ces salariés qui en
veulent toujours plus / mais qui
paie à la fin / si ce n’est celui (ou
celle) qui ne travaille pas parce
qu’il (ou elle) refuse de travailler »
UNITÉ
SUITE
CITATIONS
Beau poème (finalement beau) du
Monde conçu comme un personnage
Et non pas comme la ribambelle de
Tout ce qui s’écrit depuis longtemps :
Et ne me parle pas de la Ville qui vieillit,
Qui finit par vieillir parce qu’elle ne
Ressemble pas au Monde : quelle ode !
Frisson nouveau : juste ça aux entournures.
Comme devant l’autel : aux agenouillements
Conçus comme des moments de réflexion
En attendant de penser / on ne copule pas
Dans les temples / on y enterre quelquefois :
Entre la malédiction et l’incroyance : ode
À la seringue (petits fumeurs s’abstenir)
/ le cucul d’un enfant qu’on fesse ou qu’on
Caresse : qu’est-ce qui meurt vraiment en nous ?
Vides nennis / chants funèbres à la sortie :
Orthographiés nénies par les puristes /
« j’en avais le cœur chaviré » / cette noyade
En hypothermie / voyant les autres mourir
Avant d’y passer soi-même : ce long spectacle
De la disparition que pallie (un temps) le
Tombeau dressé ou couché selon les moyens
Familiaux (quelquefois l’État prend le relai)
« admirez cette façade toute de poésie ! »
Refus obstiné de qui a été gâté par l’existence :
En chemise déjà blanc immaculé conçu /
Qu’est-ce qui meurt vraiment en nous ? Ce
Jour-là / et après quand l’oubli convoque
Inutilement la recherche ?
UNITÉ
SUITE
CITATIONS
Ordre des choses quand on a un peu de jugeote.
Homonymies (-phonies) entre les ex-voto /
Tout commence par cette sensation d’unité :
Un tout (traduisez anything) dû à la chose
Qui ne le contient pas : est en soi une œuvre
D’art / « vous en déduirez les identités
remarquables. »
Frisson nouveau ou extase : ekstasis : être (fait)
Hors de soi / et se voir mais pas comme dans un miroir :
« pas à l’envers » (rires) / ni se voir se voir / l’étrange
Expérience de la sortie / comme une mort en vie :
« qui ne s’y est pas essayé, l’ami ? » Alors que le Monde
(ledit Mundus si vous voulez donner un nom à
ce qui n’en a pas) est bien le lieu de cette sortie
hors de soi / « le problème c’est qu’on n’a pas
encore trouvé la : substance : celle qui » / un appel
À la magie ne suffit pas : par exemple : « j’étais là :
ici : quand Eva Braun… vous savez… ? » / cette salope
Me fait bander encore : « notez ce qu’il vient de
dire : il n’en avait jamais parlé avant : » /avant :
Ils veulent d’abord savoir / ensuite la question du
Présent telle qu’elle peut se poser à des esprits
« parfaitement bien dans leur peau / » La Ville
N’a plus d’âme / plus de corps / c’est le Monde
(malgré votre tentative : « rien que des trucs »)
Qui impose le Temps comme seule mesure / ou
Comment j’ai écrit certains de mes livres /pas tous
Comme le texte (poème ?) est beau quand il n’est plus
Écrit par ceux qui commencent par l’autopsier !
« j’emploie mon temps comme je veux, monsieur ! »
Ou : madame / ou rien du tout si on n’a pas envie !
Miser sur l’attente : avec quels moyens ?
La patience… ? Ou au contraire…
L’embarcation n’était qu’une carcasse
Bonne à virer au fond de la mer.
Personne pour alimenter le récit
Que les curieux (autant d’objectifs)
Commençaient à se jalouser.
Ils s’égaillèrent comme des mouettes
Que les éboueurs privent de promesses.
Au large, la carcasse de l’ancien bateau
Avait disparu sans laisser de traces : pas
Même un galion / « ya rien à voir finalement… »
Et ya jamais rien eu à voir : vous disparaîtrez
De la même façon, poète : ils viendront,
Mais pas pour voir une carcasse couler
Dans son cimetière :
celui qui a toujours été le sien.
J’aime les gens qui partent :
Ceux qui s’enfuient
Comme ceux qui s’ennuient.
L’aventure ou l’ennui :
Nous n’avons guère le choix :
À moins de s’injecter la bonne substance :
Encore faut-il s’y connaître…
« mais on apprend ça où, mec ? »
L’ennui c’est plus facile :
Et écrire là-dessus.
Ne pas s’en lasser.
Éviter les fatigues dues aux répétitions.
Se méfier de toute formulation itérative.
Regarder les feuilles tomber à l’automne.
Les bonnets de l’été / chair recomposée
Dans la physicochimie solaire /
Et ainsi de l’hiver aux dessous électriques.
« C’est le printemps qui m’ennuie… »
Et pourtant tout y recommence…
Même les mouettes veulent se reproduire.
Les guerres et la misère nourrissent le printemps.
Sauf au suicidaire de s’y donner rendez-vous avec lui-même.
Si vous aviez (dans votre lointaine jeunesse)
Élevé un bison ayant fait trempette dans les marais /
Vous comprendriez ce que je veux dire
Quand j’écris.
Comme ça glissait !
Jamais je ne pourrai oublier ça !
Les joncs fouettant nos visages
(j’exagère à peine mais on est dans un film
et je ne veux pas décevoir mon public)
J’ai écrit ça parce que je l’ai vécu.
Je n’ai jamais rien écrit d’autre.
Comme c’est agréable de n’éprouver aucune contrainte !
Sensation de luxe et même de tranquillité.
Nous ne sommes pas loin d’en jouir.
Trouvailles à deux dans le même espace.
Le jour n’est plus nécessaire pour se retrouver.
« c’est déjà ça ! »
Spectateurs des horizons
Que l’imagination exalte
Jusqu’à la disparition
De l’objet ciel-mer.
Les visiteurs-en-marge se donnent de la peine
(d’après le chroniqueur local)
Pour profiter de tout ce que le commerce expose
Dans ses vitrines si transparentes !
Au pas des carioles et des charrettes, suivant
Ce qui paraît intéresser tout le monde : Monde
Dressant sa carcasse à l’intérieur de chacun
Et inspirant toutes sortes de publicités.
Habitants de ces contrées
N’en disent rien entre eux :
« On en parlera plus tard,
Dit l’un d’eux en prenant
La tête du cortège servile
Et souriant » / parler n’est
Pas écrire : il faut un plan
Pour étaler la matière /
Les bêtes habituées aux rires et aux machinations des enfants
Ne reculent jamais / se méfier du coup de pied quand on a
Le dos tourné : l’argent n’explique pas tout /
Ici l’Histoire locale n’a aucune importance.
On n’y assassine pas plus qu’ailleurs.
Comment c’est chez vous ? / les faits
Organisent la joie / organisent-ils la joie ?
Pas plus de rites que d’habitudes.
Le juste équilibre propice au crédible.
Entre l’imagination et la perception,
Ce Monde qui est aussi le vôtre : sinon
Vous vous ramenez avec vos folklores
Et c’est nous qui applaudissons cette fois.
Non : nous ne rions pas plus que vous.
Le malheur ne nous distingue pas non plus.
Mêmes chansons dans les rues de nos faubourgs.
Même substitution des substances.
Le camé a la même gueule / la pute
Se vend au même prix / relatif du pouvoir d’achat
« ne faites pas grincer la porte en entrant »
Les boutiques de l’ennui à ne pas confondre
Avec les jardins de la nécessité /
Le dos courbé de ceux qui ne gagnent pas assez /
To have and have not / glycines forcenées /
La poutre soulevée en deux jours / le balcon
Qui penche maintenant / glissades des enfants
Les jours de pluie sur le dallage de feu /
Nous aurons tous la nostalgie pour repère /
Unique repère un de ces jours /
Comment aimer celui qui vous vole
Les moyens d’une existence digne ?
Le lierre aussi s’est mis de la partie /
Le mortier dans l’herbe coupée la veille /
« ça n’amuse pas les enfants »
Ça ne m’amuse pas non plus / la maison
De mon père n’a pas de nationalité /
« nous ne savions pas où nous allions »
/ sous l’appentis contre le mur le bois de l’hiver
/ pour d’autres c’est celui des barbecues
« notre pain quotidien ?
Qui nous le donnera
si on ne peut pas le payer ? »
Derrière la fenêtre « plus seul qu’Onan » /
L’homme qui n’a jamais été un personnage.
Nulle alchimie dans tout ça…
L’excitation des tissus adéquats
Provoque l’orgasme et l’éjaculation
En constitue la preuve, ma chérie.
Si tu te déshabilles à temps
Et s’il ne fait pas trop froid
Dans cette maudite chambre
Où nous scellons nos vœux /
Je te ferai un enfant de papier :
Marionnette des fils de l’attente
/ si bien sûr tu réussis à te foutre
À poil avant que l’huissier frappe
À la porte ô que l’alchimie du verbe
L’emporte sur celle de la douleur !
Je ne sais plus si je t’aime encore
Mais je veux bien le dire avec des mots
S’il est encore temps de baiser
Sans se soucier
Du bel huissier
Qui agit seul
Si tu te donnes.
J’avais une autre chanson
Sur le bout des lèvres
Mais la neige a succédé
À la pluie et maintenant
C’est dehors que ça se passe
La mer où nos barques se couvrent et s’immobilisent.
Avons-nous assez rêvé ?
Un oiseau noir est-il toujours corbeau ou merle ?
Femme en fuite dans la trace de mes pas
Que j’ai laissée en venant
Déclarer mon amour.
Cet horizon de plage sans autres oiseaux
Que ceux que tu veux voir.
Aime la poésie comme tu m’aimes.
Je serai l’auteur de ce poème
Quand viendra le temps
De payer nos factures.
Avons-nous assez rêvé ?
Sommes-nous bien deux
Dans cet endroit sinistre ?
Je serai l’auteur de ce poème quand tu reviendras :
Je ne me souviens pas de t’avoir perdue,
Mais la maison est bien vide sans toi.
On ne va pas loin en cultivant des fleurs.
On ne va pas plus loin que son jardin.
Le promeneur qui ne connaît pas ce chemin
N’est pas un promeneur.
Appelons-le autrement /
Il reviendra plus souvent.
Reviendra pour poser la question
De savoir qui prendra ma place
Quand je ne serai plus là
Pour en parler distinctement.
Le chemin je le prends mais
En promeneur qui se demande
S’il est en train de se promener
Pour ne pas faire autre chose.
Je ne m’appelle pas Personne.
Je n’ai jamais porté le nom
De l’inconnu en voyage /
Je ne reviendrai pas je le sais
Mais j’en ai tellement envie !
Au moins ne partageons-nous
Pas le même souci du retour :
Tu meurs ainsi chaque jour
Et tu renais par habitude.
Un enfant serait de trop /
L’hiver connaît ma froideur.
Un cercueil de branchages
Effeuillés me conviendrait
Mieux que tes lettres d’amour.
À mon âge (dit-il) le Monde n’est plus accessible
Que comme bouche de métro.
Je sais où la rame me conduit.
J’ai même ma station providentielle.
Mais on ne sait jamais ô Hasard
Ce que tu réserves à l’attente.
Je zappe comme à vingt ans, certes.
Les miettes du repas universel
Je les ramasse « à la pelle » /
Et me voilà « plus seul qu’Onan »
/ spécialiste du temps
Qui ne sert à rien /
À mon âge j’ai le chant du coq
En travers de la gorge.
Et le Monde sans s’éloigner
Ferme ses portes et me salue !
Je n’ai jamais assisté de toute mon existence
À un spectacle aussi peu historique
Que celui-ci.
Je n’appartiens plus à personne /
Je fais exactement ce qu’il m’est possible de faire
Sans les autres.
Dit le promeneur qui n’en était pas un.
Plus besoin de petits cailloux blancs.
Plus besoin non plus de compagnie.
Ce que je sais est presque suffisant.
Dit l’homme en chemin sans s’arrêter.
Point d’Histoire ni locale ni universelle.
Le personnage n’en était pas un /
Je le dis à l’imparfait parce que ça l’est /
Il reconnaissait les lieux exactement
Comme il savait se conduire dans les textes
Désormais classiques du modernisme /
Combien de temps encore dans ce même pays
Qui est le seul en plus de me ressembler ?
La page ne s’animait plus de places exactes.
Il ouvrait et fermait la fenêtre aux oiseaux noirs.
Il sautait par la fenêtre si ça lui chantait.
Dix / que dis-je : quinze / étages contenant
Chacun des dizaines / que dis-je : des milliers /
De possibilités de rencontres /
Mort plus d’une fois : c’est dans les journaux.
Je n’aime plus personne, dit-il au flic.
Je vais retourner en Floride et épouser
Une bisonne cousine de mon bison ô Fortune !
Le rossignol des branches fleuries
Allège mes petites douleurs,
Mais certainement pas les grandes.
À l’équerre des façades et des trottoirs,
Celui qui ne rêve pas / ce qu’il endure
Est bien réel / les jambes à l’oblique
Du trottoir et de la rigole / j’ai entendu
L’automate siffleur / chant électrique
Au bout du bec / le plumeau d’une servante
Agite les poussières de la bourgeoisie /
Souliers sans lacets / il revenait après
L’interrogatoire / qui est ta sœur, miteux ?
L’esprit ne veut pas mourir / il se souvient
Ô cygne d’autrefois : cette impossibilité
De « trouver du nouveau » dans les draps
De la République / invoquant les personnages
De la Comédie / le rossignol pirouette le cri :
Ce que j’endure chaque jour / ingurgitant
Les toxiques autorisés par le gouvernement
Et ses flics / tout ceci est réel : anamnèse /
Il a suivi le même chemin parce que c’est
Celui de toute tragédie : condamnation,
Illusion puis récit / tout ceci connu depuis
Bien longtemps / j’en veux pour preuve…
Enfin ses jambes se replient sous lui et
L’eau de la rigole transporte les confetti
Et les plumes des chapeaux arrachés par
La fin qu’on sonne / comme au combat /
Le rêve n’est pas pour moi, dit-il au passant
/ et aussitôt les façades s’illuminent de bleu
/ nous sommes au XXIe siècle : la Ville n’est
Pas un personnage qu’on peut disséquer
Parce qu’il est mort / on ne peut pas non
Plus le disséquer parce qu’il va mourir /
Le rossignol des rayons de soleil
Réduit quelquefois mon ennui,
Mais dès que je sors la nuit, il
A l’air d’un vieil automate siffleur.
« J’ai connu un type
Qui réparait le temps
Avec un tournevis /
Jamais vu un tel œil
À l’ouvrage du temps.
Jamais plus lourde bosse
Sur un dos travailleur.
On se couche toujours
Avant les automates. »
Mécanique des sourds / le chant trois fois programmé :
Égalité parfaite des actes / une seringue à son chevet :
« je me voyais me voir » — tragédie du survivant /
Quelle fut sa dernière pensée ? Un rossignol chantait
Dans l’arbre en fleurs / tout chante le matin / les uns
En allant au boulot / les autres cheminent : mais lui
Plongeait dans le silence / tout entier : ne laissant rien
À part cette seringue qui ne contenait plus rien / pas
Un mot : rien / et le rossignol quitta sa branche pour
Aller se percher sur la borne d’une fontaine qui
/ je le jure ! / n’existait pas hier : caminante sans doute
Attiré par la beauté de ce paysage pastoral : mon nom
N’est pas Personne / je n’ai rien compris à l’économie
De marché : je n’ai jamais désiré autre chose / que la
Possibilité d’atteindre la limite de la perfection : faute
De pureté / « je passais par là quand soudain / » ô l’ode !
L’eau de la fontaine ! / presque sa voix maintenant
Qu’il est mort / ou : que je suis sur le point de quitter
Ce Monde qui ne porte pas mon nom / voyage en rond
Déterminé par l’attraction /
Quelle est cette beauté
Qui ne veut pas se rendre
À l’évidence ?
Partout des raisons de donner raison ou tort.
« as-tu fini ton repas ?
C’est l’heure de dormir.
Les rêves ne concerneront
jamais les rêveurs d’hier.
Prends un fruit et tais-toi.
As-tu écrit à ta sœur ?
J’ai reçu des nouvelles
de ton frère, celui qui
voyage au bout du monde.
Ah si ton père avait su !
Mais il n’a pas eu le temps.
J’ai bien peur que nous
n’ayons pas le temps,
nous aussi. Finis ton repas
et retourne te coucher.
N’oublie pas de remonter
le ressort de l’automate.
Je l’ai payé assez cher !
Je ne retournerai jamais
Là-bas ! C’est ici que je veux
Finir mon existence, ici
Avec toi, ma perle rare ! »
Relisez-vous ou faut-il vous injecter
La substance relecture-avec-moi ?
Toute une population
Qui finira
Par oublier.
Notez ça
Dans votre carnet
« à couverture
de cuir rouge »
pinceau trop imbibé :
cause des coulures.
Comme pluie sous un vol d’étourneaux.
Les passants fuient sous leurs journaux.
Notez ça dans votre carnet « à couverture de cuir rouge »
Ce type cassé sur le trottoir / en proie à son délire :
Les flics, les autres, les femmes : la longue liste
Des griefs / énumération qui finit par ennuyer
Le bon Samaritain / heureusement ce type ne
Tient pas debout / l’autre s’enfuit sans prévenir
Les secours / estimant sans doute que ce type
N’est pas en si mauvais état que ça : le poème
De ses fulminations ne l’a pas convaincu / fuir
Alors que l’autre est en proie à son délire : est-ce
Bien humain ? Des milliers de plaquettes chaque
Année : impossible de s’arrêter devant chaque
Requérant / la conversation perd son sens /
Costume du dimanche : soulier bien cirés /
La cravate de travers mais les boutons de
Manchettes sont à leur place / ce type passait
Un mauvais moment : sans les autres / après
Avoir bu avec eux / et fumé / bavardé jusqu’à
Épuisement du sujet / ses accès de colère entre
Les complaintes / ce qu’il possède est en jeu :
Regards obliques des impatients / flics et femmes,
Les bornes de son existence / personne en vue /
Est-ce le moment de s’apitoyer ?
« je donnerai ma chemise »
« je l’ai déjà donnée »
Linges sur les fils / agissez
En concert / donnez
Votre chemise.
« je n’ai jamais rien donné »
Yeux plissés dans l’ombre /
Donnez / ne reprenez pas.
Agissez.
Cortège derrière le mort
/ des fleurs en couronnes /
« soyez généreux »
« je ne vous connais pas »
« c’est un hasard si »
Chemise d’été / ouverte
Seins qu’on caresse.
Agissez. Vous ne le
Regretterez pas.
« par hasard » « mort »
« fleurs » « plaisir » /
Agissements clairs.
« vous reviendrez l’année prochaine »
En chemise.
Donner.
Ce type (celui du trottoir) a un travail régulier.
Même bien payé. Vacances à l’étranger. Avec
Ou sans sa femme. « parlez-moi de ce type /
sa chemise / la vôtre / métaphoriquement /
depuis quand le connaissez-vous ? sa mort
vous affecte-t-elle ? de quelle manière ? / »
Je n’ai pas connu le poème dont vous me parlez :
J’ai surtout connu le roman /
Avec des personnages et des histoires /
Des rencontres / des séparations / soledades /
Je me promenais autour de la Ville / seul /
Je voyais les jeunes filles / celles qui promettaient
/ les chiens se promenaient aussi / en laisse ou
Pas / un chien par chapitre et j’étais content /
Si vous saviez ce que j’ai dû subir !
Tout ce que je possédais alors / et rien
Sur ma personne / que ces regards en coin :
« que me veut-il ? » / jamais ivre mais enclin
À l’orgasme / l’ivresse de courte durée / reprendre
Ses esprits après le coup / rarement des jeunes filles
/ si vous saviez !
On ne se ballade jamais assez chez les autres /
Cette république qu’on défend / les enfants
Qui jouent / les étudiants / les vagabonds :
Toute une vie à observer et à me défendre !
Aurons-nous un jour assez de temps
Pour nous approcher du langage du dehors ?
« je crains que non » / voix venue des profondeurs /
Les murs / l’oreille sur les tombes / des fois que ça parle /
Que ça finisse par parler : pour tout le monde /
Avec ou sans la science : mais avec art /distinction /
Nu dans le bassin aux poissons rouges : ou nue
/ je ne sais plus qui j’étais / je le serai un jour !
Comme l’escargot rentre dans sa coquille.
Sinon il se balade laissant
Sa trace baveuse sur le chemin.
Ce n’est pas qu’à l’intérieur on soit
Confortablement installé, même
Chouchouté de l’extérieur par
Des mains qu’on emploie au ménage.
« Ce n’est pas comme ça qu’on fait des enfants ! »
Les allocations miroitant dans la vitrine patriotique.
« bonjour monsieur l’escargot » / petites crottes
Noires dans les sas d’entrée : il fait froid dehors :
Alors je me colle au corps qui va dans ma direction.
Les gens sont paralysés avant les vacances / l’été
Quelle joie les transporte ! / filles et femmes presque
Nues sur les parapets humides / le cocktail invite
À la conversation : quelquefois plus / « vous n’étiez
pas escargot monsieur ? je vous ai connue escargot :
Je vous ai connu escargot / » mais l’été je ne le suis
Plus : je suis poisson dans l’eau ou main dans la culotte
/ je suis la voile et le vent : « mais mais mais… ? Sans
coquille monsieur qui n’êtes-vous pas » Je ne suis pas
/ je ne suis plus / mais ça ne durera pas plus que l’été :
Je ne suis pas celui que vous croyez : j’ai une épouse
Et ma coquille / j’ai une bagnole et un appartement :
Je lutte pour augmenter mon pouvoir d’achat / j’ai peur
Qu’un flic casse ma coquille / ça arrive quelquefois vous
Savez ? Quelle phobie ! Quelle ode ! Moi aussi je hais
Tous les métiers / mais le métier d’escargot me retient
De retourner le mal contre moi : tout le Mal dont l’Homme
Est capable / ah je ne vais pas vous ennuyer avec ça !
Prenons plutôt un verre à double sens / et regardons
Toute cette chair qui s’expose à notre concupiscence :
Chair de femme et d’enfant : nous n’en avons pas d’autres
À disposition / le Monde est un chemin si étroit ! Surtout
Sans coquille / sans cet unique pied qui nous associe
Aux autres passants en direction des services sociaux.
Déshabille-toi et attends /
La nuit n’est pas encore la nuit.
Et quand elle l’est enfin,
Le jour n’est pas loin de fleurir
Dans les premiers rayons.
Jardins des matins tranquilles
Qui préludent aux travaux /
Des champs comme des villes /
Qui ne travaille pas / dit-on /
Ne peut rien exiger de l’amour.
Que la douce froidure des matins
Raidissent les poils de tes jambes.
Je n’aurais jamais plus chaud que toi
Dans cet enfer bien commode
Pour expliquer toutes ces complications.
Que la journée semble inutile
Vue d’ici ! / le Temps est le seul
Souci / l’escargot ralentit encore
Ses trajets définis à l’avance :
Rhabille-toi maintenant que c’est fait.
Qui ne tourne pas en rond dans
Sa belle bagnole ? / il n’y a pas
De plus longs voyages / temps
Subjectif de ceux qui enterrent
Leur angoisse et leur insomnie.
Je n’aime que ma poésie : faute
De poème / je t’aimerais toi aussi
Si tu ne vieillissais pas aussi vite
Que le concept de profit / mon ardoise
Ne concerne pas / n’a jamais concerné
Les produits de première nécessité.
On devient voleur ou assisté
Si on n’aime pas le travail.
Le personnage se dessine
Et le récit veut prendre un sens.
Que le divertissement soit condamné
À passer son éternité de beau mort
Parmi les houris ou les incubes que Dieu
(dans son infini bonté) a inventé pour nous :
Hommes et femmes ni riches ni pauvres
Et souvent associés dans le mariage.
Sur Terre : les cénotaphes aux marbres
Couverts des meilleurs poèmes inventés
Par le dernier esprit de modernité /
Aimez la simplicité des observations
Judicieuses / l’évidence d’un spectacle
Inattendu / chez soi et chez les autres :
Choisissez de parler aux oreilles et aux
Yeux : non pas les choses / mais les petites
/ celles que tout le monde connaît / comme
Le chien se forge un langage proche de son
Instinct / de la foule de ses chiens déjà
Morts et disparus / là où l’os ne peut plus
Se passer de la chair : imaginez le reste /
Croissance constante des excroissances
Sur la peau qui cherche sa coquille /
Aimez le vent
Et les courants
Plutôt que la
Turbine qui agit
De l’intérieur.
L’extérieur ( comme vous l’appelez)
Est le seul moteur du voyage existentiel.
N’installez pas un vilebrequin en vous.
Plus facile à trouver que le vent et la mer :
Mais il vaut mieux tourner en rond autour
De la Terre / plutôt que d’aller au travail
Pour se faire bien voir / en somme : distinguez
Le poète voyageur
Du poète travailleur.
L’un écrit des poèmes
(c’est-à-dire un seul)
L’autre cherche la poésie
Et ne la trouve pas.
« ceci est un principe et non pas un axiome »
dit-on au vent qui s’est tu
(comme s’il avait parlé…)
Et à la pluie que le soleil
A chassé vers quel horizon ?
(nous ne le savons pas)
Un jour j’écrirai un beau poème sur le sujet.
Il n’y a pas plus d’alchimie que de beurre en broche.
Il n’y a que des histoires inventées de toutes pièces.
Des inventions de personnages
Comme autant de cénotaphes.
À moins que la douleur qu’on ne soigne pas
Prenne du sens parce que la poésie est trouvée.
« vos arbres sont charmants, cher voisin…
— ce sont des charmes alors vous pensez… »
Si je pense : je ne fais que ça : du matin au soir
L’esprit entre les choses prenant la précaution
De ne pas en pénétrer le silence / « vos charmes
ô voisine du voisin ! » / ne me faites plus languir !
— Moi aussi !
Tout le monde au chevet de nos arbres
Dont on fait les cercueils mais aussi les vaisseaux.
Grand débat national en attendant l’humanisme
Qui nous pend au nez comme la goutte des pituites.
« c’est comme ça que je l’ai rencontrée » / bonheur
D’un ancien triste à la sortie de la mairie / l’église
Attendait son heure / sous les arbres disparus de
Notre place publique / le kiosque aussi a disparu /
Les jeunes couples / les landaus / la jeunesse le nez
En l’air et la main à la pâte / « moi aussi je l’aime »
Sortie vers un autre mode de vie : les enfants des
Autres suivent en grapillant les dragées / perspective
Sans horizon naturel / ici jadis est passé un soldat
Porteur d’une mauvaise nouvelle : le pote en question
Avait fui en Amérique / et il ne comptait pas revenir :
Il avait disparu pour tout le monde sauf pour ses
Nouveaux amis :
Nouveaux amis je n’en ai pas.
Je vieillis avec eux et je suis
Déjà vieux / les nouveaux amis
Demeureront un rêve d’enfance
/ à jamais : en tout cas tant que
Je n’en déciderai pas autrement.
Et glou et glou…
Quelle ode vos visites à mon chevet
Ou plus simplement sur le seuil
De la maison de mon père !
« nous aimons la poésie comme notre propre chair :
voyez comme nous frissonnons / » ô vert tremblement
De mes membres dans le lit où je suis censé en finir
Avec moi-même : si tant est que rien ni personne
N’y soit pour quelque chose /
Descends sur moi
Corps encore doux
Et franc / je t’aime
« l’art est une sottise » / il le sait maintenant
« toute l’écriture est de la cochonnerie »
La faute à ces élans mystiques (même sans dieu)
Qui invitent aux misérables postures de l’orgueil
/ et aux bizarreries de style
« mais je n’ai rien demandé
/ ni à papa ni à maman / non
plus qu’à la patrie qui / de nos
jours / n’est plus la terre / rien
demandé à l’extérieur de moi-
même / j’aimerai toujours
les paysages de mon enfance :
je ne veux rien dire d’autre. »
Et je ne ferai rien pour que ça change :
Ni travaux d’utilité publique ni crimes.
Plutôt crever que de vous ressembler.
Même si je sens en moi remuer le ver
De l’hypocrisie / héritage sans doute :
Je suis si pauvre que ça n’a pas d’importance.
Mettons. Je vous parle d’un voyage
Que je fis / mais c’est fini maintenant :
Je ne reviens plus donc : ce n’est plus
Un voyage / j’encule des êtres sans malice
Ici : et je vous envoie des cartes postales.
Que le facteur en lèche
Les coulures d’océan !
Je suis loin si loin au bout
De ce monde provisoire.
Que sa langue y trouve donc
De quoi fonder l’exégèse.
Îles sous-marines là-bas
/ au fin fond du désespoir :
Le seul sentiment à même
De traduire la complexité
De la chose qu’on rencontre
Tous les jours que je fais.
Lèche, pourlèche ô rapide
Coursier de l’administration :
Tant que les réseaux in progress
Le veulent / car tôt ou tard
Ce dernier signe du passé
Fera oublier toutes les guerres.
Interprétation (improvisée ou pas)
Entre l’impression et le poème :
Sans la langue du facteur (et
Sa salive nécessaire) cet océan
Ne constitue plus 70% de la surface.
Lèche, pourlèche ô vaincu
Des courses dans l’éphémère.
Fusion des fusions.
Ouvrier au travail
Dans cette lumière.
« l’art est une sottise »
Il le sait maintenant /
Moi je l’ai toujours su
/ j’ai ri contre les murs
Fusion de toutes les fusions.
L’art est un divertissement :
Qu’on le veuille ou non.
Nous ne croyons plus.
Nous avons trop cru.
Ouvriers sans toutefois
Aimer le travail en cours :
« toute l’écriture… » cochons
Le groin dans la mangeoire.
L’idiot du bruit et de la fureur.
Des siècles d’attente
Et à bord de sa belle bagnole
De publiciste ou d’ingénieur
Il rentre chez lui ou part en
Vacances : comment s’appelle
-t-elle ? L’ai-je connue sur
La même plage ensoleillée ?
J’ai tellement enculé de salopes !
Promis les monts et leurs merveilles.
Qu’est-ce qu’il y a de beau là-haut ?
À part la mort qui donne un sens
Aux chutes vertigineuses : ceci
Est le corps de l’écriture et
Le vin du cochon : mangez et
Buvez si ça vous chante : il va
Aussi au concert pour écouter
Ça / en compagnie de sa compagne
Du moment : « tout le monde
écrit / aujourd’hui » / il n’y a que
Moi pour ne pas m’en enorgueillir :
J’ai cette envie de disparaître
Avant de passer pour un sot /
Mais qui détruira ce que j’ai
Conçu une fois que j’aurais
Disparu ? / sottises et cochonneries
En tous genres / « confieso que
he vivido » / il y a un tas de choses
Que je fais sans savoir exactement
Pourquoi je ne les fais pas /
Les crétins de notre temps veulent des preuves de
Nos compétences en matière d’art et de littérature :
Donnons-leur de l’académisme pur pour clore leur
Bec / faut les voir interloqués mais toujours incrédules
/ panteler devant la preuve : mais ils sont si ignares
Qu’ils continueront à se poser les mauvaises questions
: avec eux le temps est perdu d’avance : ne pas fréquenter
Cette engeance : un humanisme sans les abrutis / suffit
D’essayer de les impressionner pour les repérer : temps
Perdu en opérations parallèles sur le terrain des rencontres :
D’autres attendant l’amour / ou la perfection d’un essai
Transformé / « ce qu’on perd comme temps (sous-entendu :
précieux) au lieu de vivre notre vie (sous-entendu : chère) »
/ preuve, perfection, prix / les trois axes du malheur /
Le sens de ce chemin
(pas de tous les chemins)
Qui s’achève en festin
Sans invités pour apprécier
Ce moment de pure folie.
Prisonniers du mouvement
(je ne parle pas de tout le monde)
Nous avançons dans le soleil
/ comme aujourd’hui le soleil
Qui manque à l’ombre où
L’herbe gelée est inhabitée.
Qui vient à travers champ ?
Ou qui traverse la rue pour
Frotter ses pieds sur le seuil
Et demander à entrer pour
Partager les toxiques du jour ?
La belle bagnole rutile rouge
Entre sol y sombra / quelqu’un
Veut toujours se jeter par la
Fenêtre toujours ouverte : nuit
Toujours à l’approche du jour /
« regarde comme la vie est belle ! »
Il dit : je vois et rejoint ses saints
Au paradis des exténuations nettes :
« j’ai la publicité dans le sang / »
Regard mouillé de vitre blanche.
Ombres chinoises des rideaux
Qu’on a tirés pour ne plus voir :
Insectes et reflets des parodies
De commerce plus bas sur le
Trottoir / quel effet sur ton esprit !
Une ode en préparation / écrans
Superposés des « j’aime » / sans
Jeu de mot : bourgeons, pierres /
Le sens du prix / jouant l’acteur
Entre les apparences et le rêve :
Espèces de romances / on conduit
Les morts en silence / festin des
Sanctuaires ivres / la belle bagnole
Porte un crêpe noir au rétroviseur :
« j’ai jamais vu un visage si nettement
affecté par » / ce contenant de chair
Destiné à la pourriture puis au désert :
« j’ai toujours su que je ferai ce boulot »
Des clodos se désoiffaient sur les bancs
Par dix degrés en dessous de zéro.
Régions obscures des voyages en saison.
À la ville comme à la campagne / sans
Transition / jouant de la cacozélie avec
Une « joie non dissimulée » / cette route
N’aime pas les pieds / deux allées d’arbres
Nus / « où étiez-vous quand à Guadalcanal »
…/ parcours semé de batailles / une belle
Femme aux casinos / la même mais sa peau
Change de couleur / je reconnais les yeux :
Kafka prend une note dans son journal /
« m’aimerez-vous si je vous dis qui j’étais ? »
Cahotant dans un western /
les bisons
à l’horizon
La publicité noie l’information
Comme l’information tue la poésie.
Discours d’un pot de fleurs à la fenêtre
Au-dessus de la rue qui s’illumine des feux
De ses vitrines / dispositif connecté au Monde
/ « je crois en Dieu » / la porte joue un air
De comptine / « j’ai jamais essuyé mes pieds »
Levant la tête (n’oublions pas que vous êtes
en train de lire un roman) il rencontre ses yeux
Pers / les fleurs sont des jacinthes en effet /
Et il passe son chemin / il ne lui a jamais parlé.
« cette existence faite de zaps… » /
Plus loin au croisement de leurs rues
Respectives / citant Coppée à chaque
Rencontre d’un panneau / malheureux
De n’être pas devenu ce qu’il avait
Rêvé d’être dans son enfance solitaire :
Soledades / « je vais l’emmener pour
La première fois sur la Côte » la belle
bagnole
« n’oubliez pas ce que je vous ai dit à propos
De ces tristes endroits du monde où nous vivons »
On ne meurt pas de cette façon / le noir cortège
Aux nénies noires prend le train à deux heures
De l’après-midi : pas le temps d’en écrire quelque
Chose / « n’oubliez pas que tout est roman » /
Belle bagnole filant sur la route des vacances
Non payées par la nation / il emmène la fille
Qui a joué dans sa publicité / capote pliée /
« jamais entendu ce genre de moteur / même
au cinéma »
fille de l’air
actualités en jaune / il se récite une fleur
sans penser à mal / ou Sade en son château /
saluant le gendarme comme s’il s’agissait
d’un intellectuel ou d’un artiste / il n’a pas
pensé au savant ni au philosophe / « un café
doublé d’hormones nous réveillera de ce
cauchemar » / la radio crachait des publicités
maintenant /
Il déconnait : je suis l’homme le plus riche du Monde.
/ disant vrai certes mais sans malice :
« descendant du nord au sud »
La mer en perspective bleue
Comme dans un tableau /
« pensez-vous que je serai
assez belle pour tout ce monde
que je ne connais pas aussi bien que vous ? »
Ils font de la poésie avec des petits riens
Ou des grands touts /
Boîte de vitesses à sept rapports
/ nous serons arrivés
Avant tout le monde.
Vitesse de la toxicité /
Jamais posé la question :
À moi-même / au spécialiste
/ j’arrive avant tout le monde
/ « il ne sera plus l’heure »
Projeté dans un domaine
Inconnu / saut par-dessus
La clôture / des bisons dans
Les marais / un des leurs
Debout dans le plateau /
Je m’identifie à cette vision :
La vitesse acquise est un
Phénomène en soi / ruses
Des personnages secondaires
/ tout le monde s’impose
Comme récitant / coulisses
Aux muqueuses buccales /
Glaires du temps / accidents
Sans conséquences / vivez
Tous en même temps / j’ar
-rive
Tous en même temps vivez votre vie
Chacun du côté de la mort de l’autre
Vivez tous ensemble sans vous soucier
Du temps qui passe ou ne passe plus
Selon que vous écriviez ou que vous
Vous donnez aux autres pour le meilleur
Et pour le pire / sédimentation des
Toxiques une fois tranquillisés les liquides
/ vous ne reviendrez pas / vous êtes mort
Avant même d’avoir commencé / qui
Comprend le mieux ? Ce qui vous arrive
Chaque fois que vous acceptez de lever
Les yeux vers les siens ? Jacinthes des pots
/ complémentaires tremblantes mais
Sans débordement du cadre qui leur est
Affecté par : la transmission des pensées.
Devient-on fou au point de se suicider… ?
« Citez vos sources
Si vous êtes un bon universitaire ;
Lavez-vous la langue
Si vous agissez dans le cadre
Des activités municipales. »
Nous ne saurons jamais qui nous sommes.
La question est : qui le sait ?
De là toutes ces convictions stupides !
Vertige intellectuel provoqué par les meilleurs esprits.
Vous ne saurez jamais tout ce qu’il a voulu dire.
Avouez cependant qu’il vous a ouvert la porte.
Rien de plus agréable que d’emprunter la même route.
Un bout de chemin ensemble.
Vivons de ces croisements
Sans croire un instant qu’il s’agit de rencontres.
« Moi j’ai suivi son conseil et je m’en porte bien »
Craquelures des peintures
Dues à la nature des pigments
Ou au non respect des règles
De superposition des couches.
« les musées en sont pleins » / ou
Fins fendillements des connaisseurs.
À Lorca les toiles incendiées sont
Restées telles quelles / spectacle
Signifiant pour le fidèle / quelque
Chose de beau dans cette pratique
De la leçon donnée aux despotes :
« nous reviendrons sur nos pas »
Après avoir vu tant de choses !
Hurlé à la mort dans la citerne
Vide et poussiéreuse : les aubes
« Des moulins me disent quelque
chose » / à Tolède les mains des
Compagnons sont peintes par
Un mal-voyant / aller à l’essentiel :
« on ne demande pas l’aumône à
Une statue à moins d’être fou »
Une technique sans spéculations :
« c’est trop demander » / verbe
En déclin des rues et des champs
/ même la douleur est sujette à
Caution / mais toute pratique
A ses limites : on en perd la joie
Initiale / regardez-moi pleurer
Sur mon sort / criant de vérité
« c’est pas la sagesse / mais l’intérêt qui :
conduit nos pas dans la société des hommes
et le voisinage des autres formes de présence
terrestre » / Quand je lui ai posé la question
De la Mort : il m’a demandé pourquoi cette
Majuscule / ? / et sa femme l’a servi (trois
Verres déjà et le soleil commençait à décliner
Dans les arbres / la pluie ayant laissé la trace
De ses gouttes sous les branches : un oiseau
(merle au bec jaune) retrouvait son nid
Dévasté par un débroussaillage / « vous
reviendrez l’année prochaine avec la même
question et ainsi jusqu’à ce que vous
assistiez à ma propre mort : c’est ce qu’elle
redoute le plus : plus que la maladie qui affecte
ses seins/ » / commendes au fil des minutes :
« vous reviendrez » / comme si c’était
Inévitable / « ne composez plus avec les rimes :
La langue française est morte depuis longtemps / »
Filez encore, connaisseurs
De l’ordinaire existence
Qui est tombée sur nous
Comme le rideau sur la scène.
Là-bas la sagesse consiste
À jeter la poussière du chemin
Sur la robe des juges qui baissent
Leurs savantes têtes en priant.
Filez avec les défauts de la langue.
Jetez la poussière mais pas
N’importe laquelle : le chemin
Conduit à la sagesse et l’enfant
Ne connaît pas la haine : il sait
Ce qui convient au juste équilibre
Des forces sur quoi repose la vie
Libre et heureuse de l’homme fait
Pour exister : tissez puisque c’est
Encore possible / la robe des fonctions
Qu’il faut bien assumer si on veut
Vivre / et mourir en cours de balade
Et non pas sur un champ de bataille
Ou dans la rue au révolver : la pluie
A aussi son rôle à jouer / les orages
Jouent souvent / celui qui n’angoisse
Pas est un personnage de roman :
Réduisez l’orgueil des juges à néant
Afin de pouvoir entrer en philosophie :
De la connaissance à l’action il n’y a
Qu’un pas / portes cochères et portails
Des fils de fer barbelés : à cap Canaveral,
Un vaisseau s’est élancé vers un autre monde
Et John Wayne est passé à la télé (un Ford).
« vous verrez : la vie ne sera plus misérable / ici
/ mais vous vous ennuierez souvent : à moins de
zapper avec pertinence / » / rendez-vous utiles
Et profitez de votre salaire : ne dépassez pas
Les bornes de la critique ni du comportement :
« L’existence est une mer d’huile » / le fauteuil
D’osier craque sous lui / dehors tout lui ressemble
/ « un prix pour chaque chose : rien n’est gratuit
certes / mais chacun peut travailler dans le sens
de ses désirs : » / à la hora feliz la double dose
De plaisir liquide / une entrecôte grille sous la
Hôte noire et peuplée de chats doux comme des
Agneaux / « j’aime les chats aux fleurs si prégnantes
/ possibilités de rendez-vous avant la nuit : mixez
les sentiments communs et buvez ! » / doigts
De pieds strictement bronzés de sa femme /
J’imagine les couches successives : ils reviennent
Chaque année / « sans les enfants » / la télé
Pétarade en noir et blanc / « on attend le match »
Rien n’est moins magique que la beauté.
« je peux pas expliquer » / « je trouve pas
les mots » / ce désir de posséder / tentation
De l’expérience : les corps des jeunes filles
Au soleil / plus loin la roche aux éclats d’or
/ la mer qui rutile / beauté d’une goélette
Traversant le champ / sur le roof des beautés
Nues prenant lumière et soleil dans un seul
Embrasement de chair / des types satisfaits
De leur réussite / « c’est pas banal mais c’est
concret » / l’attention détournée par d’autres
Phénomènes tout aussi inexplicablement ()
Ressentis / nous cheminons sur le même
Chemin depuis tant d’années : nous n’attendons
Plus rien du chemin et tout de la beauté / qui
/ nous le savons / peut surgir comme le loup
Des bois / la question est de savoir qui nous
Empêche de changer : ou nous le savons trop
Et le compas est faussé après de longues
Études au cœur même du schloss (référence
nécessaire) / Qui ? Où ? Quand ? Comment ?
Étendu comme les autres sur le sable : « jouons
sinon je m’ennuie » / mais crayon en main il ne
Cessait de noter les détails de cette aventure
Si drôle et si tragique / « ce soir la Lune est pleine »
Ce que vous appelez beauté est un complexe.
Vous n’en viendrez pas à bout avec des paroles.
Fussent-elles les plus poétiques et les plus vraies
Que votre sacré cerveau peut concevoir encore :
Vos yeux ne regardent plus : ils reluquent / yeux
Comme médium et non plus comme outil / encore
Un peu et vous donnerez dans la confession :
Écueil du langage : vous prendrez l’eau avant
Longtemps / vous avez acquis le savoir-faire
/ comme un acteur (artiste) de music-hall /
Mais le reste… ? / les murs / ces maudits murs
Qui enferment… ? / ces murs percés au lieu
De contenir… ? / la beauté vient-elle ainsi de
La simplicité… ? / d’une simplicité originelle… ?
/ en tout cas elle n’est pas moins inaccessible
Que la plus proche des étoiles / point de magie
Dans l’athanor des doctes / quelle ode ! / à même
Cette terre qui ne vous a pas vu naître parce qu’elle
Est aveugle : réfléchissez…/ témoins de l’État civil :
Fonts baptismaux où l’eau n’est pas plus nouvelle
Que l’ancienne pratique du feu / ces murs ! /
Transpercés par l’écho de l’été / vous vous (vous !)
Suiciderez devant un parterre de personnages
Dont personne n’a entendu parler /
Anecdote :
« Le mort
N’était plus mort
Mais cela
Ne dura pas… »
Il y avait ce type qui désirait plus que tout
Parvenir à écrire quelque chose d’aussi
« réussi » que Les Fleurs du Mal / mais sans
Le Mal ni Satan ni « ces femmes qui n’en sont
pas » / il avait lui aussi une « histoire à vendre »
/ mais pas dans le genre « chou pourri sur un
sofa de velours » / l’histoire d’un type qui aime
Le Monde à tel point qu’il veut le changer : mais
Pas seulement sur le papier / l’engagement, me
Dit-il : tu devrais t’engager toi aussi : tu verras
Ta popularité augmenter à la mesure non pas
De ton talent (de ton génie) mais à la hauteur
De la vérité : « c’est mieux la vérité / versus /
la sincérité et tous ces « élans mystiques » et ces
« bizarreries de style » : tes choix ne t’honoreront
jamais » / Les Fleurs du Bien ? / « j’ai jamais
parlé de fleurs ! » / il parlait du tirage et du
Nombre des travaux : « tous ces esprits fleuris
penchés sur mon bouquin : mais alors : mec !
de mon vivant ! Ah ! je veux pas mourir avant ! »
Je n’avais jamais assisté à un pareil spectacle
De l’angoisse :
« la nuit je ne dors pas
: à cause de la nuit
. Le jour je travaille
Parce que c’est le jour (,)
Étoiles des arbres nus
Aux carreaux de ma porte.
Je n’ose pas sortir
Avec les petits animaux
Qui peuplent ma solitude (,)
Avec ou sans Lune je m’ennuie
. Je ne m’aime plus : j’ai froid
Alors que cet été est le plus
Chaud depuis cent ans : la télé
En dit toujours plus sur le temps.
Un chat miaule mais ce n’est
Pas moi (,)
Je ne joue plus avec ta nuit :
Je ne te comprends plus : aussi
Bien qu’avant. Avant : tu jouais
Avec mes écrits tu : ne les comprends
Plus. Étoiles en nombre croissant
Depuis le début de l’été. Rien d’autre
Que cette alternance même : quand
Je ferme les yeux pour : ne pas te voir
: endormie comme si plus rien n’existait
Que moi (.)
» des saisons :
Toute transparence finit dans l’opacité.
Chaque fois que le poème s’approche de sa chanson,
Il périclite / avec moi il menace de tomber en ruines
/ vieilles pierres pas si anciennes que ça : été comme
Hiver : les manches retroussées du travailleur en nage
/ il construit sa maison et rêve d’un palais / à proximité
Des lieux où le repos impose sa croissance de cristal :
Retombé en enfance il croise sa guitare avec le fer des
Humbles / la la la : personnages pour figurer les apparences
/ à l’angle des deux rues la borne de granit écaillée
Comme le manche d’un couteau au travail de la viande
: plus personne ne passe : pas même les Tristes / ruines
Dans l’intervalle : la langue française a perdu sa prosodie
À force de lois / mais la versifier ne lui rendra jamais
Sa liberté de femme facile : que la chanson tue le poème
Et qu’on n’en parle plus !
L’angoisse s’est éteinte avec
La promesse d’une nuit sans fin.
« Tu n’en sortiras jamais ! »
Bulle blanche formée par le drap.
L’appel (ou le cri solitaire)
D’un animal traverse la nuit.
Jusqu’où la traverse-t-il ?
Poème ajouté au poème :
À revisiter par transparence verticale :
Qu’est-ce que le ciel (dit-il
À la nuit) : sinon le début
De ma course folle ?
Personne ne l’écoutait.
On dort si bien la nuit
Si on n’a pas de raison
De s’éveiller pour l’achever.
Je suis… je suis… et si j’étais… ?
Quel beau début pour un poème… !
À moins que ce ne soit que le refrain
De la chanson :
Il n’y a rien à glaner
Dans les rues
Dans les champs /
Tu l’as toujours su :
Mais tu reviens toujours.
Là-haut à la fenêtre
Une belle t’attend /
Mais pour l’instant
C’est son mégot
Que tu reçois sur la tête !
« ya d’la friture sur les ondes de la poésie !
/ — c’est exactement ce que je voulais dire…
/ — ya pas qu’la langue qu’est morte…
/ — ça écornifle jusque dans les ministères /
— le mystique au prix de la cacahuète /
— et pan qu’elle m’envoie sa clope sur le museau !
/ — tu r’viendras plus ou c’est qu’t’es con…
/ — je m’pendrai pas sous son balcon…
/ — des fois j’y foutrai l’feu au cul !
/ — et des revues et des revues ! / papa
Tutur va pas êt’ content dans sa tombe
Pas creusée pour qu’il s’y retourne…
— c’est bien l’seul homme que j’connais pas
Qui y retourne comm’ s’yavait pas
assez de po
de poésie
dans ce pupu
dans ce putain
d’pays chrétien
et démogratte !
» des saisons /
« faut-il que je m’enferme dans ma cuisine :
Brûlant les fonds de casserole de ce qui reste
De la prosodie / ? Poisson non encore écaillé
Dans l’évier
Ouvre un œil rouge
De mon côté :
— ces saloperies se couchent de telle manière
Qu’ils se privent de l’usage de l’autre œil !
/ ya pas d’poésie sans cet œil-là ! —
Non chéri / pas de poésie sous le couteau
Aux traces d’écailles / à midi retour de l’école
/ je n’arrive même plus à me mettre en colère :
Après quoi ? / des couvercles rouillés
Sous l’évier
Et leurs bocaux
Où la saumure
Fait voyager
Mes petites graines
J’en sème aussi sous l’armoire ancienne /
La tapisserie se décolle : fruits et légumes
Du bonheur de travailler comme Dieu le veut :
J’assassine un petit poète avec une feuille de chou
: sectionnant ses glandes au ras du ventre :
Patates non pelées sur la table : qui suis-je
Pour demander qu’on me juge sur pièces ?
Tu me connais : je finirai aussi mal que toi
/ je ne me soucie pas de ma charogne
Comme Bubu qui aime sa femme /
Pour l’heure je cuisine avec la sauce tomate
Qui amuse l’enfant
Quand il joue au soldat
» des saisons :
Qui aime mieux que moi
Le rivage des fleuves
Au pied de la montagne ?
J’y jette ma ligne
Et ma petite faim :
On se verra demain.
La barque qui s’avance
Vient me chercher /
J’ai encore de l’appât
Dans ma vieille ô vieille
Boîte de conserve rouillée :
Métal des armures, je crois.
Les mégots tombent des fenêtres :
Poésie sans poème
Des vierges folles.
Il y a longtemps maintenant
Que je n’attends plus : une carpe
En rut renvoie le soleil.
Plus de nuit désormais /
L’infinie lumière du jour :
À ne plus pouvoir fermer
Les yeux /
Le rêve éveillé du dernier témoin :
« j’ai dénaturé ce qu’il y avait de beau
En vous : » /
Passants des rues et des prés,
Ne réduisez pas le poème
À la rengaine qui vous trotte
Dans la tête depuis longtemps !
Ne soulevez pas vos pieds plus
Haut que le trottoir ou le talus :
Les girouettes ne chantent pas
Mais elles rouillent en silence
Jusqu’à ce que le vent les tourmente.
Sous ce toit j’habite enfin seul :
On a trop peur des copulations
En cas de cohabitation / selon
La nature du sol on devient momie
De cuir ou amalgame propice
À de nouvelles cultures / riez
Au lieu de vous inquiéter
Parce que vous finirez comme
Moi : la chanson n’est pas de
Saison sous terre / j’aimerais
Un poème ô pas long ni profond
: mais obscène comme la vie
/ avec des reflets d’or SVP /
Qui me possède ? est une question
Non pas plus pertinente, mais moins
Malencontreuse vu ma condition de
Poète marginalisé par ma pratique
À l’envers ou en dehors des music-halls
Et des prurits corporatifs / catacombes
Des murmures que la surface finit par
Amplifier au moyen de la cruauté exercée
Avec bon sens : je félicite le terroriste non
Pas pour la justesse de son propos : mais
Simplement pour exister / face au portail
De ma prison dorée : l’Occident me possède
/ je n’ai pas la clé : hors suicide et à l’endroit
/…
Mimosas fleurissent en hiver
/ beaux jaunes complémentaires
De la couleur des cadavres qu’on
Honore de quelques bouquets
Tricolores / la nuit les étoiles sont
Vertes : routes disparues faute de
Jour / les fumiers sont inodores /
Que de vêtements à arracher pour
Aimer ! / seul celui qui va au bout
De ses désirs est humain : opposer
Le Diable est une manière d’avouer
L’échec de la Justice qui s’obstine
À juger les hommes / au lieu de s’en
Tenir aux faits / aux seuls faits / les
Mimosas ornent la table / nappe
Aux violettes écrasées par l’enfant
« espiègle » / pas encore diabolisé :
Le halo semi-sphérique nous attend :
Nous avons hâte d’entrer dans la
Lumière / les bêtes sont couchées
/ les camés descendent après l’ascension
/ vierges folles aux balcons de la nuit :
Brassées de jaune jetées sur les lits
/ « que deviennent nos cadavres ? »
Source de toutes les maladies ? / ô
L’hiver aux mimosas dans la plaine
Qui sert de reflet à nos montagnes !
Je me surprends à attendre
/ comme le chômeur attendre :
Il ne se passe rien à l’horizon
Des toitures / je n’ai pas d’amis
/ la girouette grince comme une porte.
Toute cette richesse enfouie
Sous la masse convulsive de l’écriture /
Le poème est une épode ou n’est pas /
« réfléchis un peu ! »
On entre chez soi comme chez les autres.
« vous remercierez votre dame pour les fruits… »
On vous enferme dans l’amour
Et vous ne parlez que de ça.
Becs des cigognes à l’angle d’un toit.
Trouver le moyen de ne pas crever maintenant.
« merci pour les fruits de votre arbre »
Enfermé avant même de sortir :
Même la guerre n’a plus de sens.
Entre les averses le soleil a l’habitude de…
Terre aux eaux revenant de loin.
« merci encore pour l’arbre et cette… »
Passer une partie de son temps à gratter
La surface des murs / insectes qui s’agitent :
Dérangés par cette « habitude qu’ils ont de… »
L’amour pèse des tonnes.
On s’en passerait bien mais…
« avez-vous pensé à un deuxième arbre ? »
Au milieu du jardin hérité / sous les étoiles
Conçu : l’arbre qui s’ajoute à notre arbre /
Avons-nous pensé une seule seconde aux
Voisins qui eux aussi s’échinent mas pas
Pour sortir : pour demeurer !
L’intérieur contient
La nourriture qu’on a achetée
Et des tas d’autres choses
Qui sont si utiles !
Dehors la pluie menace
(comme on dit)
De tomber / la neige
C’est autre chose…
Sur la table mes poissons,
Mes couteaux et mon chiffon.
Le chiffon est un torchon.
Le chiffon c’est
pour la poussière.
Un seul livre est ouvert.
Les autres ne s’ouvrent pas.
Je me vois lire à la lumière
Du miroir mon seul compagnon
Dont je suis la compagne /
Dans l’assiette la chair blanche
Et les reflets de mon couteau.
Le sang est dans la sauce.
Feuilles de persil : immobiles.
« nous n’irons pas en vacances cette année / »
Nous n’irons nulle part comme d’habitude.
Les péages sont gratuits mais pas l’essence.
Et puis Bébé est mort.
Élans mystiques, non pas ! nous cultivons l’impression,
Laissant aux plus savants le soin de fertiliser leurs intuitions.
Et en lieu et place de l’expérience, nous pratiquons l’interprétation,
Avec ou sans improvisation : à la fin nous levons le rideau
Sur les étranges compositions de notre ouvrage :
Bizarres… étranges… nous n’avons pas encore imaginé
Les détails de notre mise au tombeau : roman ou
« si ma prétention n'est pas jugée trop haute »
…si ce n’est pas trop demander : poème.
Le shoot orgasmique est une merveilleuse façon
De mettre fin à nos jours
Provisoirement.
Spectacle affligeant
De cette portion de la société
Qui débat des conditions d’existence
Pour tout le monde :
Moi y compris !
Je ne peux pas me faire à cette idée :
Soumission de la propriété
Au sentiment « général ».
L’idéal serait de mourir dans un bordel bien achalandé :
Ou chacun est le client (la cliente) de l’autre.
Il ne reste plus alors qu’à jeter l’argent par la fenêtre.
Chahut dans la rue provoqué par ce geste fou.
(dans la rue : on imagine mal un bordel en forêt /
Mais pourquoi pas un bordel en forêt ?)
La question est : qui veut mourir dans un bordel ?
La mort donnée ne vaut pas la mort reçue.
L’existence est un rêve fou.
Chaussons les lunettes de la folie.
Après quelques mois d’utilisation,
Le candidat à l’existence peut les ôter :
Son cerveau s’est accoutumé
À l’idée de survivre comme seul mode de vie.
(Erismann et Kohler)
« voilà comment j’explique vos traumatismes »
Je suis sorti de là
Me disant :
Ya pas d’autre explication /
Je suis bon pour le travail :
Me rendre utile aux autres
Et du même coup à moi-même.
« pas besoin de les fabriquer (les lunettes de la folie) »
On les chausse dès l’enfance.
Il y en a pour toutes les pointures de nez.
« vous ne savez même pas que vous en portez »
Ça m’a fait froid dans le dos de l’apprendre
« même ceux qui vous les ont collées sur le nez
ne savent pas qu’ils en portent depuis toujours :
ils se doutent de quelque chose en regardant
leur enfant dans les yeux : comme ça : regardez-moi ! »
Qui a parlé de « soigner » ma folie ?
On fait ça machinalement : on les colle
Sur le nez de nos enfants
Sans poser de questions
À ceux qui en savent assez
Pour foutre tout le système en l’air.
« heureusement qu’on a le sens de l’humour ! »
« je préfèrerai que ce soit naturel mais :
c’est le genre de chose qu’on choisit pas /
alors autant donner la mort dans un bordel
à ceux qui sont décidés à partir en beauté /
une fois que j’aurai été bien utile aux autres :
je me laisserai machiner par la beauté et :
quelqu’un (que je connais ?)
m’enverra valser dans le néant / »
« j’peux pas m’en empêcher
chaque fois que je regarde
le ciel la nuit / j’y pense avec
toi (sans toi) couché(e) dans
le même lit (depuis longtemps) »
« tout ce qu’on se met dans la tête
avant d’y aller / et pour de bon cette
fois-ci / se disant : c’est ma mort après
tout : j’en fais ce que je veux / mais c’est
la vie qui perd ainsi tout le sens qu’elle
pourrait prendre si on savait d’avance »
Mon poisson mort
Dans la cuisine /
Ta gueule enfarinée
Qui s’avance et qui
Pousse la chaise.
Donne-moi une raison
De continuer comme ça :
Et je me tais pour
Parler d’autre chose :
On a tellement de choses
À se dire : comme la réforme
De la Constitution et les peines
Plafond / ou plancher / justice
Enfin rendue devant un café.
Le couteau ruisselle d’écailles /
Je t’ai vue à l’œuvre / l’huile
Sur le feu : par la fenêtre l’air
Du petit matin apporte des
Nouvelles du monde : imite
Ces cris : comme la mouette
Et le miroir aux alouettes
De ces millions d’écailles
Encore tremblantes sous l’eau.
L’infime (ou infinie) pellicule de poésie
Qui sépare le bon grain de l’ivraie :
Je vois ça tous les matins en me levant.
Jetant par-dessus bord ma semence sacrée :
Le monde [Monde] est un tissu de lâchetés.
Pucerons dans les sapins : qui sont ces abeilles ?
L’incroyable suffisance du bienfaiteur :
Une place porte son nom / il est : la poésie.
Herbe d’ivresse aux petits pas de punaise.
Des idées sur tout et sur rien : poésie
De vautrin : qui fait l’âne pour avoir…
Tous les matins en me levant, ce spectacle :
La poésie enfermée dans une maison : poètes
Sur le paillasson / frottant leurs pantoufles de
Vair / malheureux mais l’œil aux aguets /
Sur le canal passent des péniches et même
Des bateaux de plaisance : sur le roof la jeunesse
/ « choses que nous n’avons pas connues » /
Sauver le monde : préserver ses habitants /
Le matin je traverse par le pont métallique
/ je ne sais jamais où je vais : mais l’aventure
C’est l’observation de cette engeance / poissons
Dans l’eau / parmi eux voleter et picorer / bon bec
De Paris : heureusement que le Monde est mal conçu.
Avec ou sans rythme
Le poème court vite :
Pas dans les rues* / pas
Dans l’escalier** / court
Vite dans les maisons
Inhabitées / poème court.
* Trobar leu.
** Trobar clus.
Le soleil scie dans la masse nuageuse :
Pourtant, la lumière n’est pas jaune /
Ni l’ombre bleue : dans le blanc de la
Toile / ébauche d’un écran de fenêtre
/ les personnages tracés avec l’ongle
/ le clocher que tu reconnaîtras toujours
/ les cris d’enfants à l’intérieur d’une
Maison toujours plus proche : écrasée
De soleil ou d’ombre selon le temps
Qu’il fait / les rideaux s’agitent devant
Les yeux : connaissance de l’autre / lune
La nuit au carreau : même regard inquiet
/ tu as l’air étrange / tu n’agis pas comme
Les autres : chant intermédiaire le matin :
Entre les apparences et le rêve : cette réalité
Entrevue dans le prisme des moyens poétiques
/ jus des ciels (plusieurs) / tu inventes la barque
Et la godille / personne à bord : tu ne t’en iras
Pas cette fois :
il y a longtemps que tu ne pars plus.
Érotisme des corps inaccessibles /
Réinventer les voyages aux limites
Du raisonnable /
Queues raides des visiteurs / la femme
Se déshabille / l’enfant embarque /
Rêver de ne pas rêver : l’imagination
Manque au sédentaire qui se met
À fumer /
« ce n’est pas raisonnable »
La malle où on enferme
Les carnets toujours vierges
Qu’est-ce qu’un pays ? Les chemins
Entre soi / corps qu’il serait facile
De posséder /
Les heures de volupté au prix du crime
Contre l’humanité
/ l’ombre est verte maintenant / été
Passé : des sauvages à bord / santé
Précaire des dormeurs : l’érection
À la vue des corps d’enfant aux seins
« palpitants » malgré l’immobilité /
« je viens de là /
je n’y retournerai pas : »
Qui sont ces voisins ?
Les nus de l’aurore
Entre le drap et la chemise /
« pourquoi ne pas s’en tenir au roman ? »
Toute une civilisation qui veut oublier
Mais qui reconnaît l’attraction comme
Moteur de sa tragédie / sans ces actes :
Nous ne sommes plus nous-mêmes.
Ismaël va faire un tour du côté de la rivière
Qui à la hauteur de sa maison est vive comme
Un animal qui s’enfuit / il jette des cailloux
Dans le passage de ces forces descendantes
/ « qu’est-ce qui laisse des traces du passé ? »
Il interroge des broussailles souillées par
Les crues / dessus le ciel est « livide » soit :
« bleu mais pas vraiment / comme veiné / »
Visage
aux nuages
de passage /
Il n’y a pas d’embarcation au ponton /
La charpente branle sous ses pieds /
L’eau chante dessous entre les piliers /
« le passé parle en moi » / ce mouvement
De foule : l’élan populaire associé / sans
Le peuple rien n’est possible : « pas si loin
d’ici » / hors, cette muraille (celle qui borde
la berge) se tiendra ici éternellement : dit
(à peu près) la plaque de marbre sous la croix
/ « nous avons agi dans la volupté » / le passé
A l’âge de ces galets : il les lance pour ricocher
/ son esprit ricoche aussi loin que possible /
« je m’en veux » / et non pas : « que me veut-il ? »
Les temps ne sont plus aux questions qu’on pose
Au Monde : la réponse avec la bave de l’effort
Entrepris pour se sortir de cette faille / gaîté
Couples en fête
Des berges folles
L’été au soir
Avant de se mettre
Au lit.
Le crime
N’est pas loin.
Jambes nerveuses.
On hésite
Entre la fuite
Et le plaisir.
Qui n’est pas jugé
À ce qu’il n’a pas tenté ?
Es incomprensible que un individuo que haya estudiado profundamente la sociedad actual no sea comunista.
Es incomprensible que un individuo que haya estudiado profundamente el comunismo, no sea anarquista.
Le Monde est un verre brisé :
Quelqu’un buvait et / le verre
Est tombé / il s’est brisé / et
Le contenu sert de flaque aux
Morceaux / personne n’a le
Pouvoir (la pelle) pour rassembler
Ces fragments de ce qui fut et
Qui n’est plus que poussière
Dans l’œil du poète : métaphore
À travailler un verre à la main.
Autre Huidobro : Un juez que en el momento de dar una sentencia no se está riendo interiormente de sí mismo y de la sociedad es un perfecto imbécil.
Par cette après-midi ensoleillée
Après des jours de pluie et de vent :
J’ai éprouvé ce besoin de citer le chilien.
Sí mismo y la sociedad / ce rire au moment
De passer pour un écrivain / voire pour un poète :
Un grand noyer projette ses branches nues
Dans un ciel / ici les épithètes nécessaires
À la compréhension de ce que je suis en train d’écrire :
Ou peut-être de chanter si toutefois cette maudite langue
Retrouve ses anciens pouvoirs sur le Monde.
Un juge / race non élue chez nous : fonctionnaire soumis
Aux intérêts de l’Administration / hypocrisie de ceux
Qui craignent la police : le seul pouvoir détient tous les ressorts.
Qui n’est pas jugé
À ce qu’il n’a pas tenté ?
Je ne me souviens pas de son nom / Ismaël :
Dites-vous / « mettons » / revenant après la chute
De la lumière : muraille noire maintenant / de près
Ses ronciers s’animent : on y habite depuis longtemps
/ la peau encore touchée par le rayonnement solaire :
« il n’y a pas plus de poèmes que de beurre en broche »
Sottise / pédanterie ou absurdité ? « je n’ai pas encore
décidé » / en l’an soixantième de mon aage (environ)
/ il serait temps de rentrer ! « la pluie reviens toujours »
/ glissement d’un point à un autre une fois de plus /
Qui n'est pas jugé à ce qu'il n'a pas tenté ?
« je ne souffre plus : je deviens insensible / comme
si je me préparais à mourir à tout instant / »
des corbeaux sur les plus hautes branches : silencieux
/ « je ne les ai pas entendus (ni vus) arriver »
Le soir à la lumière d’un reflet /
Image-son d’un verre brisé : expérience tentée /
L’idée comme la toile d’araignée des murs /
L’ouverture d’une fenêtre l’a projetée contre le mur
/ elle s’y frotte maintenant /
S’y déchire mais sans araignée
/ la fenêtre s’est refermée :
Cette maison est parcourue
De vents contraires / « je n’y
vivrai pas longtemps » /parce
Que tu ne veux plus vivre : dis-le
/ au plafond où l’araignée
Reconstruit sa toile… sottise
Quel constat ! Sans doute définitif / mais le rêve
N’est pas un rêve : l’idéal / jalousie entrouverte
Comme des jambes / comment l’appelez-vous ?
« il le faut bien » / je conseillerais plutôt l’arrêt
De toute activité : sauf la destruction / lente si
Possible : se méfier des juges qui ne rient pas
D’eux-mêmes ni de la société : ne pas seulement
Jeter la poussière du chemin sur leur chemise :
Oser tuer / au nom du vide total d’idéologie /
Sans folie à la clé / ni intention / brûler leurs musées
Pénitentiaires / « Quelle fiction ! » / mais surtout
Quelle conclusion ! / personne ne survit au point
D’en faire le récit complet : avec le mode d’emploi
/ quelle différence entre se piquouser et acheter ?
Entre tuer et se croire aimé ? / « on pend des trucs
au plafond » / feuillages fouillés pour y trouver :
Une raison de continuer qui ne soit pas : lâcheté.
Malle de l’aubergiste : y compris Sylvia Plath /
Nous tous / et de plus en plus : la machine
Éditoriale est désormais un réseau / je n’y suis
Plus : j’entends les turbines / les ouvriers sur
Le chemin : radios à fond avec applications /
« j’sais pas si le moment est bien choisi pour… »
Ouvrir la malle : et y penser avant de commettre
L’irréparable / « j’dois avoir tout mis là-dedans »
Jamais un savant (intuition) n’accèdera aux mânes
Du texte / « faut admettre ça : » les uns sont doués
Les autres pas / impressions dès l’ouverture « ça
sentait bon » / et alors je suis resté avec elle /
Notes pour un rapport aux autorités de tutelle :
Les psychothérapies et autres cures de désintoxication
Au service de la Production et de l’Administration /
Organisation des villes comme à la campagne : contre
Les catastrophes naturelles / les guerres / les attaques
Terroristes / les actions individuelles / les coups de folie
Qu’il faut bien juger en assises pour plaire aux familles
Des victimes / architectes de la Géographie et journalistes
De l’Histoire / les charlatans utiles à cette grande marche
Vers l’organisation parfaite (idéal) des moyens de transport
/ de l’irrigation / et de l’énergie : « un homme seul est foutu
d’avance » / la lecture en proie aux énigmes policières sur
Fond de crise familiale / des nazis à tous les étages / « plus
on sera et moins il y en aura pour tout le monde » / la
Formidable illusion des conquêtes / « comment peut-on
espérer trouver le bonheur dans l’industrie ? » / les uns
Donnent à bouffer aux autres / et les autres se réduisent
À eux-mêmes : il n’y a d’individu que dans la pauvreté /
Et finalement trouver un coin de campagne pour passer
Le temps avec le temps : « ça mérite quelques bizarreries
De style et de composition, non ? » / les seules énigmes
Sont policières : chacun veut repêcher le corps de Marie
Roget / pas plus loin que la rivière immonde qui coupe
La ville en deux / alors qu’à la campagne des ruisseaux
Se cachent sous les frondaisons : le cueilleur de cresson
Se limite à cet élan mystique : la perspective d’un repas.
« on ne veut plus de policiers
dans nos énigmes criminelles »
Policiers : tous des salauds qu’on est contraint d’aimer
Pour ne pas passer pour un pédant /
et de chapitre en
Chapitre le lecteur (personnage) s’enfonce dans la Famille,
L’Histoire ou même la condition humaine réduite pour
L’occasion à une place dans la société du travail /
« c’est ça ou se lancer (balancer) d’un pont sans
élastique / » / on ne veut pas être sûr de mourir
À la fin :
« de toute façon on mourra après »
Travailler & s’amuser : c’est toujours créer /
Et les prévisionnistes de la propriété immobilière
Interrogent les météorologistes /
et de chapitre en
Chapitre le lecteur (toujours vivant) oublie pourquoi
Il est venu : surgit le vendeur au bagout habitué
Aux fausses barbes : week-end à la campagne ou :
En Égypte / « choisissez entre le cresson des rus
Et le sable des pyramides » / papa ne se retourne
Pas dans sa tombe : il a déjà joué
or : on ne joue plus !
Chassez la poésie / le conte revient au galop :
L’art des vieux qui n’ont plus rien à dire
/ n’ont sans doute jamais rien eu à dire
Nouvelles mythologies au service du sommeil
/ on dort de moins en moins et pourtant
Le rêve se confond maintenant avec
Les apparences : le style confessionnel
(vous avez des problèmes) finit dans
La critique sociale / « vous savez tout.
Maintenant : » retournez au lit (au travail)
Le soleil d’hiver trompe une tourterelle qui frétille.
Un moineau en pépie. L’écran se brouille. Vous
Êtes malade. Mouchoir sanglant des mauvais
Jours. Refermant le roman résolu, vous savez
Que vous venez de perdre votre temps. Vous
Ne sortez pas : on vous cueillerait. Bizarre de
Se retrouver seul à la maison… La cuisine a perdu
Son odeur de café. L’air est frais. Le roman refermé
Sur le nom de Marie Roget.
Vieux grimoire maintenant.
Votre chien est mort. Vous ne reviendrez plus
Visiter les berges de l’Enfer. Celle qui veillait
Sur vous a disparu. Vous savez comment. Ce
N’est pas écrit dans ce roman. Ils n’écrivent
Plus rien dans les romans. Le libraire est un
Menteur né. Mais achète-t-on encore ce genre
De bouquins ? À l’heure du numérique… ?
Qu’est-ce que pour nous… La fiction conçue
Comme les marges de l’information.
Garde-fous.
On ne peut pas aller plus loin : allez plutôt
En vacances. Vous n’êtes pas fou. Vous rêvez.
Et vous ne sortirez pas de ce rêve en écrivain.
« Que faut-il étudier pour devenir garde ? »
fin du canto intitulé
Notes pour un rapport aux autorités de tutelle
dit-il
« moi je ne disais rien »
« je vous connais »
« je me tais en principe »
« vous vous taisez toujours »
« vous me connaissez »
ou début…
Une tourterelle attire des moineaux,
Des mésanges, des merles se méfient.
Soleil d’hiver chaud contre le mur de
Briques / dans l’escalier la mousse verdit.
Nous avons des œufs et du jambon. Cet
Arbre portera ses fruits le moment venu
(disant : ne vous inquiétez pas) / Ne
Retournez pas dans l’ombre. Des feuilles
Persistent. Dans l’escalier les pas verdissent.
Vous verrez le printemps Lombric montrant
La tête ou la queue / nous sommes si près
De la nature. Pas de pluie prévue aujourd’hui.
L’ombre aussi verdit. Insectes pressés par mon
Imagination / je vous connais / Nous avançons
En même temps : je crois. Nous avons tellement
Attendu ! Un merle se décide à siffler. Je ne vous
Reconnais plus. Nous étions plus que deux, jadis.
Ne permettez pas au récit de se perdre dans le
Passé qui nous occulte. L’air est si frais ! On se
Croirait en hiver. C’est l’hiver. Je ne sais plus si
Je vous connaissais avant. Nous avons tellement
Vécu ! Cette campagne est construite comme
Un récit. La tourterelle ne voit rien venir. Un
Galop derrière la haie qui nous sépare. Est-ce
Vous ? J’avais tellement raison de me perdre
En chemin ! On ne me reconnaissait plus ! On
M’interviewait. Je sentais comme un bonheur
Me caresser la joue. Rien que la joue, cousine !
Nous avons tellement de choses en commun…
Ces romans qui entretiennent nos conversations…
Ces pas au hasard de l’allée tracée par l’architecte…
Vous ne le connaissez pas…
Histoire de famille…
Vous savez… si je suis là…
Entendez-vous la tourterelle ?
Le soleil d’hiver est sa seule inspiration en ce moment !
Ces choses que nous connaissons…
Les mêmes organes mis à disposition de l’esprit…
Voyez-vous des différences… ?
Non je n’ai pas connu l’architecte…
Ma famille est si ancienne !
Nous en parlons quelquefois mais…
Je vous raconterai ça plus tard…
Avez-vous lu le dernier roman de… ?
La partie romanesque ne vaut rien :
Amateurisme de qui se sert du roman pour…
Mais les digressions me ravissent !
Ces idées ! Ce que nous sommes ! Ce qu’il sait !
La poésie n’est qu’une manière de message…
Cette allée enfante les autres… vous verrez…
Des années que j’y suis, cousine…
Mon roman n’intéressera personne…
Aussi je me garde de l’écrire !
Avez-vous déjà écrit un roman… ?
Je m’y suis essayée… jadis…
Mais maintenant que je sais que nous sommes cousines…
Nous irons au bois…
Je suis comme vous : je ne veux pas retourner en enfance !
Ne dites pas le contraire…
On fait feu de tout bois… Ici.
Ce désordre avant d’entrer en enfer… !
Exemple de chant intermédiaire :
(ou Le triomphe du vulgaire)
De la schizophrénie
Perte de contact avec la réalité dont absence de conscience de cet état.
à l’autotélisme :
Citation (ce que tout le monde peut savoir : Wikipédia) :
« L’individu autotélique n’a pas un grand besoin de possessions, de distractions, de confort de pouvoir ou de célébrité, car presque tout ce qu’il fait l’enrichit intérieurement.
» L’intérêt de la personne autotélique n’est pas purement passif ni contemplatif ; il implique un désir de comprendre, une volonté de résoudre un problème. On pourrait parler d’un intérêt désintéressé.
» L'individu autotélique résout plus facilement les difficultés de l'existence.
» Leur énergie psychique paraît inépuisable, ils sont plus attentifs remarquent plus de détails s’intéressent volontiers à quelque chose sans en attendre de récompense immédiate.
» Attitude joyeuse de curiosité volonté de comprendre, de résoudre des problèmes.
» Mais intérêt désintéressé : attention dénuée d’ambition et d’objectifs personnels pour avoir une chance d’appréhender la réalité selon ses propres termes.
» Les individus autotéliques sont moins préoccupés par eux-mêmes et investissent plus d’énergie psychique dans leur rapport à la vie.
» Les personnes autotéliques marient une saine fierté de leur individualité et un intérêt authentique à l’endroit d’autrui.
» Les individus créatifs sont généralement autotéliques et c’est parce qu’ils disposent d’un surplus d’énergie psychique à investir dans des choses apparemment triviales qu’ils font des découvertes. »
« Je suis le Mozart de la poésie contemporaine : je n’ai rien inventé. » (un poémien*)
* Je préfère parler de chant intermédiaire plutôt que de poésie ; donc de poémien plutôt que de poète.
Intégration :
(dans l’ordre : chemin)
Modernité (lecture)
Postmodernité (vécu)
Classicisme (tendance)
Sériatim (les fragments)
Analectic (les voix)
Héméron (les jours - travail)
Télévision (les écrans - réseaux)
(différentiel)
Perversion (intuition)
Rhéologie (impression)
(ensemble - item)
Sources
Invention
Sériatim :
(à commenter ici)
possessions
comprendre
existence
détails
curiosité
attention
vie
autrui
découvertes
« A Silvestre le parecía vulgar y anticuado escribir sus ideas, y encontró más pintoresco, más jovial, exponerlas por medio de esquemas. Y lo hizo así. »
Pío Baroja - Aventuras, inventos y mixtificaciones de Silvestre Paradox (La vida fantástica 1)
Par exemple, on pourrait ici insérer le roman versifié de Pierre Vlélo : « Avant-fiction ». (conseillé)
Caminante
Este no es el único camino…
[#Carabin Carabas (notes…)]
Ces nuits sont oranges avant la fin.
Dernières lueurs bleues dans la fenêtre.
Les ombres chinoises d’un feuillage d’hiver
Inventent des personnages alors que
Le roman que je suis en train d’écrire
Est au point mort : je ne connais pas
L’angoisse. Les veillées sont roses.
Ces nuits n’arrivent pas toutes seules.
Les lieux sont à peine des lieux.
J’écrivais alors la longue (interminable)
Conversation entre Carabin et Carabas :
Devant le miroir dont ils sont eux-mêmes
L’autre côté. Ces nuits deviennent noires
Avec le temps. Mais ce temps n’est pas
Encore venu. Nous devinons une écriture.
Tout s’éteint lentement. Bientôt il faudra
Accrocher des étoiles dans ce ciel devenu
Lune. Seul en face. Ce livre voulait être
La malle de l’aubergiste. Qui donc bernait
Les personnages ? Les feuillages ne sont
Plus les haies de mon jardin. Tout s’éloigne.
Un chat en équilibre sur le portail miaule.
Que peut-il faire d’autre ? J’attends de lui
Qu’il parle à la place de la nuit. Paroles
D’amour ou de quête. Nous étions deux.
Aventures. Inventions. Mystifications. Or.
Nous eûmes des visions vite peintes afin
D’en immobiliser les voyages. Qui es-tu
Si tu sais ? Pas un oiseau ce soir. Les
Orages sont loin. Nous n’irons plus au bois.
Je suis construit. Je me vois, dit-elle au
Soir. C’est comme une destruction de
Ce que tu as conçu dans un moment de
Pur égoïsme. Nous ne saurons jamais qui
A parlé. La douleur est physique. Il ne reste
Plus qu’à s’en plaindre. Élégies en perspective.
Reprenez, cousine, un peu de ça. Et chantez
À la place du chat qu’on enterre avec mon
Chien. Toutes ces ombres ! Ces couleurs qui
S’en vont ! J’aurais voulu être aveuglé, mais
Le soir s’installe dans le calme. Personne pour
Me plaindre, ô moi personnage de roman !
« Le type (ou la meuf) commence par « être moderne
absolument » / ce qui le met en retard d’un siècle au moins/
il devient / ou croit l’être / : alchimiste (de la douleur ou du verbe)
/ évidemment ça foire / lamentablement / si ce type (cette meuf)
: n’est pas un charlatan / ou ne le devient pas : à force d’y penser…
Ensuite le voilà qui se met à faire de l’humour / ou de la dérision /
Mais qui parodie-t-il si ce n’est pas lui-même (elle) ?
Le texte se fragmente / ne s’achève pas / entre la confusion
Et la négligence : loin de toute espèce d’exigence / il ou elle
(deuxième chance) pense à devenir charlatan : et le devient
Peut-être : faisant passer (ou tentant de le faire) des
Approximations (au mieux) pour un nouveau genre / voire
Une nouvelle école / mais la plupart du temps : on revient
Aux fondamentaux les plus scolaires : l’homme s’est assagi
(dit-on) / il est plus lisible qu’un panneau de signalisation /
Et s’il n’a pas renoncé au charlatanisme : il continue la route
À ce train-là : peut-être salué (sait-on ?) / sans doute obscur
Et sinistre / ayant vécu sa saison / et malgré la pluie
Et le froid qui givre sa fenêtre : il croit enfin avoir raison /
« je suis lisible » « je suis compréhensible » « j’ai atteint
ce degré de simplicité qui fait de moi un : » poète / »
Les âges : ce rythme ternaire dont la mesure est :
Une seule existence.
Les deux chiens s’avançaient vers moi
(et je ne comprenais pas ce qui se passait
malgré moi) / celui que j’ai charmé
Et qui me suit / et celui qui n’a rien oublié :
Je ne revenais pas d’un aussi long voyage.
Je ne m’étais même pas arrêté.
Il faut dire que je possède deux chiens :
Sans eux (m’a dit mon père)
Je ne suis plus moi-même
/ Je suis né dans ce pays :
L’enfer à ma porte
Et l’eau des voyages
Baignant ce seuil gris et dur.
Ne transmettez à ceux qui vous lisent que l’expérience qui se dégage de la douleur, et qui n’est plus la douleur elle-même.
Je ne sors jamais sans eux.
Ma maison est leur maison.
Les voici qui s’avancent vers moi,
Chacun portant l’un de mes fardeaux.
Je n’ai pas inventé une autre vie.
Je n’ai pas eu l’alchimie.
Je ne crois pas à la douleur
Ni à la puissance de la parole.
Je sais ce que je sais, pas plus.
Et seul en ma maison j’existe
À la place de ce que j’ai perdu
Et de ce que je n’ai pas trouvé.
Les voici qui s’avancent vers moi,
Ce qui explique ma colère, ma seule
Colère en ce monde que je n’ai pas
Réussi à aimer. Têtes bonnes à caresser,
Langues faciles. Jouets du siècle.
L’un a donné son nom à une balise
(à moins que je me trompe de chien)
L’autre au flic qui menace la liberté.
Je n’use plus de déguisements.
Je n’enduis plus mon corps nu
De graisse de lion comme le voleur
Qui visite mes nuits. Nos balades
N’évoquent plus l’amour ni le voyage.
Voici un homme et ses deux chiens.
Il est né ainsi (m’a dit mon père)
À tel point qu’on dirait que ces chiens
Attendent qu’il meure pour disparaître
À leur tour dans les conclusions d’un poème :
Lequel n’est pas encore écrit. Quelle ode !
J’en susurre les pieds du matin au soir,
Ce qui me rend improbable question travail.
Mon père me l’a dit (plus d’une fois) :
« Tu sais ce que tu sais. Tu n’iras pas plus loin. »
Et en effet le seuil gris et dur de ma maison
Se laisse caresser par les vagues mourantes.
Le coquillage s’y usure, patient comme la vie.
J’ai charmé mes chiens à deux époques différentes :
Mon père me l’a dit : « Il ne peut en être autrement. »
Et je l’ai cru.
L’expérience qui se dégage de la douleur
n’est plus la douleur elle-même.
Toison d’or ou père : tu ne partiras pas.
La cuisine sent le poisson
Mais aussi le citron.
Père ou fils : tu partiras longtemps
Après la fin du voyage. Et le repas
Ne fut pas partagé. Les chiens lèchent
La gamelle grasse aux gouttes d’or.
L’expérience qui se dégage de la douleur…
Aucune alchimie n’est à la hauteur de l’enjeu.
Autant se mettre à croire en Dieu
Et porter le vin à la messe.
Ou ne rien croire du tout
Et caresser les chiens
(deux dans mon cas mais
c’est peut-être aussi le vôtre)
/ les caresser et attendre le soir :
Comme si le matin
Voulait cette seule vocation.
Chiens joyeux à cette heure.
Dans quel état d’esprit se trouve mon voisin ?
Suis-je encore capable d’amour ?
Moi qui ai tant aimé !
Cette mer qui prend naissance à l’horizon !
Ces montagnes qui descendent sur la plage !
Ces corps nus qui jouent avec le soleil !
Je ne me mets jamais à la fenêtre.
J’ouvre ma porte et sur le seuil gris et dur
Mes deux chiens attendent
Que la vague efface mes traces de la veille.
Ensuite ils s’avancent vers moi :
Celui que j’ai charmé de ma seule voix
Et celui qui ne m’a pas oublié.
C’est tout ce que je possède parmi vous :
La maison de mon père ;
Les deux chiens dont il parlait si souvent ;
Et ces recommencements dans l’attente.
Si vous voulez appeler ça richesse…
Ça se termine par un poème
Et tout le monde disparaît.
« Vous zavez pas d’chien, vous ? » / non
: j’en avais un mais papa l’a tué d’un coup :
De fusil / comme j’étais un enfant témoin
De ce qui se fait dans un lit à deux ou trois
/ l’alcool faisant foi comme les timbres
De ma langue / non j’ai pas d’chien mais
J’en connais : des chiens et des ceux qui
En ont : au moins un / et pas de géniteur
Pour les tuer / au fusil avec amour / la bite
En feu mais pas dressée comme il faut
Quand il s’agit de se montrer à la hauteur
/ Ne lui serrez jamais la main, me dit-il :
Je ne le connaissais pas non plus : ni chien
Ni enclin à le devenir : avec des obscurités
De poète en mal de fable définitive / aussi
Définitive que le Procès ou les 50.000 $
Promis à la littérature / le genre de type
Qu’on claque sur un coup de tête, dit-elle
Alors que je n’étais pas venu pour ça : ces
Êtres qui se vendent sans rien rater du plaisir
/ Je leur parlais de mon chien et ils en savaient
Plus que moi sur leur géniteur : sans honte
D’être nés d’un rapport (voir personne) / une
Bouteille à la main et le reste dans l’autre :
Poche percée qui ressemble déjà à une tombe
/ Je n’irai jamais de ce côté-là de l’existence
Sauf si je ne trouve pas autre chose à faire
Pour en vivre : « non sans blague zavez pas
d’chien… ? » J’en avais l’allure comme papa.
« Et un chat… ?
Ça vous dirait
D’en avoir
Un… ?
Vous tombez
Bien :
J’en ai un
À votre service.
J’l’ai trouvé
Dans un port
De pêche
En Espagne…
Il est
À vous
Si vous oubliez
La carte postale. »
Les kilomètres qui séparent
L’homme en rut
De son mariage
Avec la fille
De son village /
Celle qui
Lui était
Promise.
Le doigt
Sur la carte
Avec d’autres doigts.
On finit
Par oublier tout ça…
Des personnages
Plus que des histoires…
Or le personnage
Ne se vend plus
S’il n’a pas atteint
Une certaine
Notoriété.
Des personnages
Plein les poches.
Et pas une bonne
Histoire
À raconter
À cette descendance
Qui se profile
Comme la perspective
D’une autre mort.
Plus radicale
Celle-là…
Je peux
Même pas
Lui en parler…
Je ne baise plus :
Je joue.
Tout le monde
Sait jouer.
Et je ne sais plus
Écrire.
C’était l’Ode élémentaire du bloggeur.
Le type qui sent que son journal
De bord n’ira pas aussi loin que
Ses rêves /
Que cherches-tu
Toi
Qui ne trouves rien ?
Semble répéter
Le vieux Pablo
Devant sa toile.
Des tas d’Odes élémentaires sur seuil de sa maison.
Mais il ne pense pas au pain, ni à la terre, ni aux
Femmes qui la font tourner / à ces sortes de choses
Que l’ouvrier connaît mieux que quiconque a encore
De quoi vivre / Je hais ce type que je ne suis pas devenu.
Heureusement qu’aucun enfant de ma chair
Ne me posera la question de savoir en quoi
Consiste ma contribution à l’effort social /
Comment lui expliquer que j’ai plutôt œuvré
Dans le sens de la mort ?
Pourquoi lui demander de me lire
D’un bout à l’autre ?
Heureusement qu’il n’existe pas !
Qu’est-ce que j’en ferais maintenant ?
Un poète suivi par sa chienne de mélancolie
Ou un ouvrier qui sait où il va avec les siens ?
Ah ! Je hais ce type que je ne suis pas devenu.
Et ne me demandez pas de lire à sa place !
« On ne retiendra que le savoir-faire
Pour le spectacle / donné sur la place
Du Marché aux Idées et aux Émotions
/ Manuels revisités par le marketing
Universitaire sous la houlette des
Corps constitués / Chacun ira de son
Ode : suivant les chemins de ses désirs
De démocratie : ô question trop souvent
Posée par le Poète lui-même : Personne
Sait de quoi il parle / Mais en attendant
Il faut aller au bout de cette sacrée idée !
Sinon on se reprochera toujours de faire
Des enfants pour que ça ne s’arrête jamais ! »
Le soir / les bars sont fermés
/ l’église est fermée
/ les portes sont closes
/ la solitude doit avoir un sens…
L’hiver ou l’été ou
/ les pluies de printemps
/ les tramontanes de l’automne
/ personne d’autre que soi…
Pourvu qu’elle ait un sens !
/ Ça se saura tôt ou tard
: pense le type ou c’est elle
Qui pense comme un homme.
L’Homme avec ses deux sexes
Et la Femme en question /
Il faut que tout ceci ait un sens !
Comme dans le dictionnaire.
Mais ils finissent par en avoir marre
De la modernité et de tout ce qu’elle inspire
À ceux qui ne peuvent pas suivre parce que
C’est compliqué et pas du tout absurde
Comme le prétendait papa !
Ils deviennent les classiques de notre temps
Du moins le temps que ça dure
Dans les vitrines des librairies
Et sur les comptoirs de la solitude.
Ça rime à quelque chose et si ça
Ne veut rien dire : on est là pour le prouver
Que Dieu existe même s’il n’existe pas !
Ça ne suivra jamais derrière peut-être
À cause de cette idée que Dieu est Dieu
Et pas autre chose de plus ou de moins…
Et ils se voient en martyrs de la cause littéraire.
Sans toutefois faire le voyage d’Abyssinie
Ni se jeter dans la baie du Mexique sans bouée
Ni autre chose que son propre cul.
Ça devient de plus en plus un rêve de consommateur.
Gare à celui ou à celle qui finit par y croire.
Je viens d’en ramasser un en rentrant du boulot :
Et il a profité de mon sommeil pour me piquer
Mes économies de bouts de chandelle : la vache !
et… « cette bande de minables ramollos pépères mornes consommateurs de spectacle »
tu en fais quoi. L’élu… ?
Plongez le personnage dans l’Histoire :
Il en ressort aussi crevé que le castor
Pris au piège de l’hiver arctique.
Essayez vous-même les eaux de la
Rivière : vous n’allez pas plus loin
Que le seuil de cette porte avec voisin
Jouxtant la haie de mauves, yeux
Dans les feuillages fleuris de l’été,
Pas plus historique que vous à l’heure
De retourner dans la cuisine pour cui
Pour cuisiner le même rata patriotique.
Vous avez beau écrire mieux que les
Autres : vous n’allez pas plus loin
Que le seuil où volètent feuilles et
Oiseaux, habitants eux aussi en voi
En voisins aux yeux connectés avec
La réalité des chansons et des jeux.
Tiens : ce soir il fait encore soleil.
On dirait que la nuit est en retard
D’un jour : alors je me pose la question
De savoir si je n’ai pas un problème
Avec le Temps et sa majuscule né
Nécessaire sinon : on ne vit plus avec
Avec ses voisins, les animaux comme
Les autres : aimez-vous les autres les
Uns. Carré de lotissement toujours
À vendre mais pas au plus offrant.
Ne pas avoir été sauf au service
Et ne rien devenir à part sous terre.
Il te reste cet instant avec feuilles et
Avec feuilles et oiseaux, les yeux
Du voisin sur ta fenêtre et tes écrans
Te montrant le chemin de la communauté.
Nous eûmes bien du plaisir entre ces
Ces quatre murs tapissés de fleurs.
Des enfants de chair et de papier.
Des biographies à la pelle. Des signes
D’éternité et de problèmes résolus.
Mourir d’extase ou d’épectase alors.
Hors de soi ou par extension, dit-on
Si l’on a encore cette chanson en tête
À l’heure tralala itou à l’heure de pencher
Du côté où l’eau coule à l’envers et
Contre tout ce que nous sommes.
Voir un zoziau en âge de voler plutôt
Ô plutôt crever entre la plate-bande
Et l’allée qui ruisselle encore, encore
De printemps : des pèlerins en route
Pour les grands cimetières de l’avenir.
Mal aux chevilles après la promenade
En rond dans la nature refondue, due
Dans la forge que nos aïeux nourrissent
Du même minerai impossible à, sible à
Réinventer sans se brûler les doigts ô
Doigts ! Un enfant passe en fée ou en
Sorcière, exigeant les bonbons comme
Comme si l’Histoire n’avait plus de, plus
De sens : un étage d’escalier dessous.
Des soucis perçant le vieux goudron.
Crottes de chien en souvenir. Voulez-
Vous que mon bras vous accompagne ?
Un autre enfant pêchait à la ligne, bou
Bouchon dinguant dans les vortex, le so
Soleil fouettant l’air en ondes de nylon.
Le nôtre ? Pas du tout ! Nous sommes sans
Sans Histoire depuis : pas même un re
Refrain à donner en boulettes à l’eau,
L’eau l’eau qui revient vient de là-haut.
N’attendez pas l’Histoire sur ce fil, a
Ami de toujours : ces pages sont, le sont
Perdues dues à jamais ici et plus loin
Que la porte : ne reculez reculez pas
Non plus ! Vous n’entrez plus ! L’Histoire
Ô on dirait que l’Histoire vous en veut !
Plumes d’oiseau encore adolescent, jeune
Assez pour se perdre en chemin et revenir
Sur ses pas faute de nouveautés veautés
À mettre sous la dent, sa dent de lait lait
« Dans la bouche » : un per
Personnage sans pieds
Ni queue, sans cette
Expérience du vide
Qui fait l’homme creux.
Le vent exagère toujours
Les effets de manche.
Voulez-vous aller
Au fil de l’eau plutôt
Que de noyer le poisson ?
Que donner à la vie
Si elle ne donne rien ?
Que reprendre au moment
De ne plus rien pouvoir ?
Dans le lit des jambes
Qui se croisent encore.
Noyés sous le noyer
Des siestes de l’après
Après-midi à la fenêtre.
Un flanc métallique surgi
Met en fuite les tortues
Paresseuses de l’arbre mort
Que l’eau habite en cadavre.
Quel personnage sans psyché
Disparaît dans les évènements ?
Le tien ou celui de la télé ?
Gratte-cul des bancs sous les frênes,
Une clôture de grillage étincelant
Avec un chien et une bourgeoise
Issue du peuple grâce aux services
Rendus à qui ? Mais à qui parle-t-on
Dès qu’il s’agit de jardiner pas loin
De la maison acquise ou héritée ?
Prurit des bancs sous les tilleuls
Et le ruisseau frémissant d’ondes.
Un type allongé sur le côté, nu
Jusqu’à la ceinture de la pointe
De son Savoyard extrait la mâche
Et la fourre dans sa poche, silence
Des écureuils et de la femme en
Rut qui resurface son potager.
Passant, tu ne chemines plus depuis
Depuis longtemps, si longtemps
Que l’Histoire oublie que tu as
As existé avant elle, bien avant
La première guerre ou déluge
De feu sur ce que l’amour doit
À l’amour. Des excisions
À l’horizon.
Des fumées de poêle
Au poil tombé
Du cuir d’un ours.
Cri trop sommaire
Pour donner lieu
À autre chose
Que l’existence.
Mescalito
En personnage
De trop, de trop
Malgré les combats
Et les arrachements
D’autres cris moins
Laconiques : nous
Sommes les premiers
Et les derniers, ô ans !
« Reprenez au 1 ! Sans les bécarres ! »
Zigotos de l’actualité servie
Avec les couverts fournis par le Pouvoir.
Tête frappant la nappe sans penser
À la douleur qui s’ensuivra inévitablement.
Plusieurs personnages reprenant depuis
Le début : cherchant des yeux le guide
Mais celui-ci ronge un os en attendant
Son heure : sa baguette est un couteau.
Enfant, je ne venais plus. Maintenant,
Je viens. Et plus je viens plus je m’éloigne
De l’instant où j’ai décidé d’écrire
Pour ne pas servir. Vos traces distinctes
Des miennes mais conduisant ici
Malgré les chants d’oiseaux et les ruts.
Tiens : il ne pleut pas ce matin : il vente
Cependant : l’autan noir menace les feuilles
Et les autres couleurs printanières : comme
Palette retrouvée dans le fatras d’une histoire
Qui n’est que la tienne : pas celle des autres
Ni celle qu’on enseigne chez les pédants
Qui refont le monde après l’avoir conçu.
Les toitures claquent des dents, ô passagère
De mes croisières ! L’eau fuit ou s’évapore.
Ne mesurons plus l’effet
De nos paroles sur l’esprit
Qui attend un enseignement.
Déchirons ce qui peut l’être.
Cocottes des brouillons acquis
À force de salaires et de pensions.
Voisins s’échinant dans la peinture
Des murs et des portails : évitez
Les coucheries de l’été si l’homme
Est un marin ou un voyageur de l’espace.
Shootant la baballe sur le terrain avant
D’en venir aux verres en signe de paix
Et d’amitié : le personnage s’égouttant
Comme le linge sur le fil tendu entre
Ce qui aurait dû être et ce qui est encore.
Beaux mollets des dames élevées au grade
De capitaine des gazons : le factotum fume
Une cigarette d’attente assis sur sa tondeuse,
Rêvant de masturbations et de sommeil.
« Ne revenez pas si vous êtes déjà venue !
— Mais enfin qui suis-je si vous aime ?
— Chaque goutte de pluie est un enfant,
Ô flaque de nos amours circulaires ! M’ai-
Mez-vous encore ô fée du logis ? — Voui ! »
Pluie des cynorhodons sur le banc sous les chênes,
Elle proposait aussi sa confiture d’extases secrètes.
« Nous aurons des joies d’enfant devant le sapin !
Des chocolats plein la gueule et l’envie de pisser
Réprimée pour jouer à la place des autres, ces autres
Pas encore aussi adultes qu’ils devraient être ô cependant !
Ne me regardez pas comme ça, Arthur ! Je ne vous ô
Je ne vous reconnais plus si vous jouez avec les autres !
J’ai envie de pisser mais je me retiens, vous savez
Que je peux me retenir longtemps ! — Je sais tout
De vous ô jardinière de mes printemps sans issue ! »
J’aime la tige
Des églantiers
Dans le ciel bleu
De nos voyages
Sans quai ni gare.
Goussons des rages
Les plus sommaires
De l’enfant toujours
Menacé de narcissiques
Résolutions du problème
Primaire : shoot
Des familles rencontrées
Sur le terrain des voisinages.
Pas plus loin que la porte,
Voyant l’allée qu’emprunta
L’aïeule toujours irritée
Par ces trompeuses floraisons.
Le gravier en gémit encore.
Crevasses des chapes coulées
Sur hérisson de schiste.
Ces questions de dilatation
Et de contraction prenaient un sens
Inattendu : n’en dites rien au pédant
Ni au salaud qui le seconde en haut lieu.
Comme la vie est belle
Quand la mort est exacte !
Et au rendez-vous des fées en string autour du berceau
Qui aurait dû voir nos jours revenir de la nuit
Sans ennui.
Ils jettent leurs enfants,
Ne les déposent pas
Même sur le trottoir
À côté des poubelles.
Maritxu et Hélène jouant avec des vaguelettes
À la Saint-Michel,
Oignant leur peau d’écume et de semence d’oursins.
Articulant des violets sur le rocher quelquefois
Aussi cruel que le couteau,
Elles donnaient des leçons aux petites sorcières.
Quel bouc laissait pendre sa queue rose et molle
Contre sa cuisse de sédentaire ?
« Le meilleur père » et pourtant il s’adonnait à « ça ».
Au large les barques noires revenaient à la rame,
Entendant le grincement des taquets et le bruit
De la houle contre la coque : pas un chant ici-bas.
« Imitez-moi oh comédiens exemplaires ! » Redonnez
Le même sens aux choses qui se sont perdues
À l’approche du jour en mer « Figez la partenaire ! »
Corps nus comme extraits de la terre et non pas
De l’eau : l’errement est le même : des cantabriques
D’or sur le moindre tintement de cloches en l’air.
Quel âge nous prit à la gorge ? Le nôtre n’existait
Point encore : enfourchant ces vieux ou anciens
Canassons du passé : déclament alors des vers
Composés pour plaire aux propriétaires « Race digne
De figurer au fronton » / jupettes soulevées par le geste.
Riches à la raquette et les autres à main nue : voici
Le fils de l’homme et sa sœur : promenant leur savoir
En laisse comme l’a dit papa : comme l’a voulu maman.
Il n’y a pas de roman : il n’y a que des personnages.
Au crincrin des valises sur le quai où l’Europe double
Encore sa mise : des filles voulaient plaire et plaisaient.
De quel shoot nourriras-tu tes moments de liberté
Provisoire ?
« Je n’en sais pas plus que toi sur le sujet : écrire
Des romans est un passe-temps qui vaut la chanson.
Mais la poésie ne se donne pas aussi clairement… »
Disais-tu. Quel décor qui ne servira pas la comédie
Clairement entrait en scène avec des voix inconnues ?
Un canard s’agitait en grimaçant dans l’effort : chier.
Pourquoi aller plus loin que ce qui se donne en prime ?
Chaque nuit est un tour de vis : au milieu de l’existence
La barque chavire du côté du plongeon : « À toi le tour ! »
J’aime les coquillages
De l’étalage
Autant que la page
De tes suffrages.
Grisaille d’un jour d’été après une matinée de sommaires
Éclaircies : la méridienne municipale réduite à son ombre.
Passant, ne descends pas de ta colline couverte de sapins.
Quel âge pourtant nous accompagnait en donneur de leçons ?
S’agissait-il de posséder ou de rechercher la douceur ?
Qui remplissait nos verres sinon ce serviteur en phase
Terminale ?
Dans l’impératif soyons il y a le mot soie et ses nuits.
« Je ne cherche plus : je n’ai rien trouvé, mais on m’a
Donné : ces spots de bonheur et de retrouvailles
Après tant de temps passé loin du foyer :
« Reviendras-tu, dis-moi ? »
Sur le terrain vague entre mer et montagnes jouant
Mieux que les autres à la balle et à la cruauté / fils
Et fille à la fois : « N’est-ce pas ce que tu voulais ? »
Ces alains qui s’expriment avec clarté et composition :
La pratique de l’hypothèse vole en éclat. Amants de
L’enfance à peine éclose : Quel père donne à sa fille
Ce qu’elle exige de lui ?
Au balcon les femmes mûres attendent l’automne.
Coudes gras sur la balustrade décolorée : cheveux
En ombre sur la peinture qui s’écaille depuis longtemps.
Entre le bonheur des spots et les désastres du document :
Qui a peur ? Qui a froid ? Qui s’interroge sans avaler le sel ?
Rien n’est plus simple et pourtant le passant le complique,
Ce rien.
Des camions qui sentaient la moisissure des fruits. Des trains
À odeur de pieds et d’acides. Des Parisiens sur la plage. Bleu
D’un ciel qui reçoit les messages. À l’église les fleurs coupées.
Qui croira que nous sommes venus pour succéder puisque
Nous ne possédons rien ? « Juste bon à recommencer avec
Les mêmes outils et un peu plus de technologie ! » Races !
Quel homme ne ressent pas du plaisir à assister,
D’une manière ou d’une autre,
À la douleur de son ennemi enfin vaincu ? Mais :
Est-ce bien pour toujours… ? Car nous ne durons pas
Aussi longtemps / ici : ces alains qui raisonnent juste
Quel que soit le sujet de leur leçon de choses.
J’aime ces eaux tièdes
À marée basse l’été,
Surveillant les aiguilles
Et l’avant-garde de l’écume.
J’aime tes chevilles
À l’effort du rocher,
Ta cuisse qui donnera
De l’enfant et des mains.
La lame du couteau
Sous la coque tenace.
L’oursin enfin ouvert,
Pulpe du sucre de la mer.
Soyons avec la soie
Et rêvons de partir
Mais pas sans avoir
Appris à revenir.
Ces montagnes
Qui menacent
De s’écrouler
Et toute cette eau
Qui revient à l’heure
Prévue ou calculée.
Nos chemins sont
Déjà tracés, en terre
Suivant les lignes
Des itinéraires
Les moins complexes.
Nous préférons l’absurde
Pour expliquer l’absurde.
Mais à l’ombre d’un figuier
Nous avons réfléchi ensemble
Et la soie est devenue surface
À peindre et à vendre : race
Au taxon appris depuis
Trop longtemps maintenant
Pour ne pas en aimer
L’usure et la fragilité.
J’aime ces gosses fous
De joie à l’annonce
D’une prise de guerre :
Tu reviens à la question
Du sexe sans la poser.
Il y aura de la beauté
Même dans l’honneur.
Ce jour-là arrive tôt
Ou tard : prépare-toi
À mourir sans tragédie,
Sauf jouée à l’approche
De la nuit : alains et fausts
Sur tous les écrans : fille
De vingt ans morte
D’épuisement à deux pas
D’une autre représentation
Spectaculaire du malheur.
Ces bibliques sons au fil du vent et des marées,
Paroles d’hommes rompus à l’exercice du conseil.
Les nations se nourrissent de ces exhortations.
Pages de vent et d’âge : détails de couleur
Et d’appartenance au milieu traversé : objets
Et petits animaux véridiques : une compagne
En sourdine, ses pas entre les meubles quotidiens,
Utile et sans particularités : l’homme se sent
Écouté : il recommence chaque matin comme si
Sa pensée ne connaissait pas le pays : noire
Comme l’ébène de ses forêts : ni belle ni
Exemplaire : saignant au bon moment : race
Vaincue par le sang : quel enfant peut naître
De cette conquête lointaine ? Et pour quel
Avenir sans elle ? J’aime la rascasse et la raie,
Le lamparo interdit et le père de mes amis.
Des lunes sous la Lune et des heures sous le soleil !
Qui partage la cigarette volée et le fond de bouteille ?
Dressant les queues devant des filles interdites.
Giclant sur le ciment des terrasses désertées
En hiver : qui sommes-nous si Dieu n’existe pas ?
Qui existe si nous ne sommes pas seuls ? Zembla
Nu dans les arbres : ou Jésus : quelle importance
Si tout ceci n’est qu’une question de rapport
De force :
« Si tu es sage,
Tu auras ton personnage,
Mais si tu me fais chier
Je te quitte sur l’heure ! »
Autant acheter sur la plaza : ces coquillages
Arrachés à la mer au prix qu’il faut payer
Si c’est vivre qu’on veut / ou rechercher
La mort dans un combat au cœur du désert
Ou parmi les habitants de la forêt vierge.
Autant arriver après l’arrosage des sols,
Dalles dans les allées, saluant le commis
Et la préposée à l’étripage : sacrifice ou
Anéantissement : des écailles partout
Et ce sang où pataugent des chats.
« Je viens chaque vendredi car, ô frère
Ennemi, c’est le jour du poisson » Miaou !
Jour des jours. On s’y habitue et j’en connais
Qui sont prêts à se battre pour qu’on y tienne !
J’aime le harpon et la ligne : mes semelles
Translucides : mes muscles en formation :
Mes résolutions chez le marchand de chasse
Et de pêche : ces nœuds qui hiérarchisent.
Soupes et ragoûts. Feux des quais peuplés
De femmes qui n’attendent plus mais se
Préparent déjà à attendre encore : ah mince !
C’est la vie ! Que veux-tu… ? On vieillit nous
Aussi : malgré la substance de nos récits :
Oublier ou ne pas oublier, telle est la question.
« Tu verras… » Les pieds dans l’eau de l’escalier
Qui atteint la surface : « Quelle est cette ville
(ou cette île) dont tu reviens ô bien aimé ? »
Au lieu de dire : « Je ne t’attendais plus » /
Des enfants alentour : les siens et ceux des autres.
Il reconnaît à peu près toutes les femmes :
« L’enfance n’est plus ce qu’elle était ! » Se
Mentir à soi-même avant de repartir pour
Le même voyage que seule la mer peut changer
En enfer ou en raison de se laisser aller à jouir
Loin du foyer et de l’âge : « Tu connaîtras bien
Des choses, tu verras… Ce que l’homme connaît
Et que la femme rejoue sans cesse sur le tapis
De l’enfance et de sa fin au doux duvet » Race
Perdue d’avance, mais « Je suis tellement
Heureux de vous avoir rencontrée, baisée,
Trompée, oubliée ! » Nous ne nous aimons pas
Comme on aime vivre !
C’est dans ces conditions que je rencontrai Luce
(LUCE mais je vais me contenter (dit-il) de Luce)
Un jour de vent, d’enbata, après-midi sommaire
De la plage l’été / gavé de Parigots ambre solaire
/ Serviettes prenant leur vol dans le ciel encore
Bleu de Prusse lavé au blanc d’Espagne : cruelle
Déjà la jambe extraite du sable de son enfouissement.
« Veuillez éclairer ma chandelle qui chancèle : /
Est-ce bien le travail qui les nourrit ou le poisson ? »
Durs tétons soumis aux impératifs du regard,
Un pli ventral surmontant la ceinture du slip.
« Non pas horreur des crabes qui viennent mourir
On se demande pourquoi sous les pieds du touriste
/ M’emmènerez-vous à l’horizon de cette Cantabrique
? ô toi que je n’ai pas encore rencontré ? » : regrets
Exprimés un jour de marché passant par Gastelu
Zahar : « Je suis venue pour… » Balles de cuir
Claquant deux fois / « mon cher poète je viens
Puisque papa est d’accord pour passer l’été
À la mer plutôt qu’à la campagne mais il est vrai
Que l’héritage familial commence à exiger des
Travaux hors de prix : l’hôtel se substituera aux
Murs décrépis et les embruns aux relents des
Fenêtres : Je vous écris de Beyrouth où maman
Est retournée en Enfer : ne m’en veuillez pas si
Je vous raconte tout ça sans les préliminaires
Nécessaires
Qui éclaireraient (vous avez raison) à la fois
Mes pleurs d’enfant et mes rages de future
Prostituée : car je ne vois pas comment ni
Pourquoi je deviendrai ce que vous espérez
De moi / » Crasse des parapets sous le cul
Mouillé des précipitations : mais à l’abri
De la terrasse du casino (de ses ruines salées)
Enfouis (une fois de plus) mais cette fois dans
Les tortillons de papier de la fête là entassés
Par la main-d’œuvre municipale : deux êtres
Qui cherchaient à se distinguer de la masse
Cognant les vitres du living avec des becs
D’envie et d’égoïsme : « la marée est, vois-
Tu : descendante — nous n’avons rien à
Craindre d’elle : puis la nuit cèlera le mensonge
: Sceau hérité de la peur de mourir trop tôt :
Sans voir : oh : sans avoir : mais sait-on ce qui
Refusera de se donner : je te promets : tais-
Toi : ne dis rien : laisse le silence : écoute :
Nous sommes seuls : et pourtant déjà trois. »
J’aime ce qui se laisse aimer.
Sinon je n’aime pas la mort.
Des hommes meurent pour
Mourir : leurs enfants écrivent
L’Histoire / J’aime qu’on m’aime
Comme j’aime : préférant le potentiel
Chimique de l’intérieur aux toxiques
Des vitrines du spectacle : j’aime sans
Mesure la solitude avec toi / reviens
Hanter mes heures de télévision !
Nous ne tuons pas : nous travaillons : des mouettes
Attendent au large du cap le retour des travailleurs
De la mer : passé la nuit à se plaindre de la fraîcheur,
Nus dans l’amas des tortillons : d’autres nous imitant :
Ce silence à peine rompu par le charme : la mer est
Constante dans la rumeur : fidèle dans la marée :
Changeante comme le regard : selon que le soleil
Abandonne son pouvoir sans réplique à la Lune.
Sans un mythe à la clé l’existence est une production
De l’esprit en proie aux contraintes sociales : visite
Ailleurs qu’à Venise : les lieux ne respirent que la mort.
Je n’irai pas te rencontrer ici ou là : au hasard ou
Sur catalogue proposé par ces vitrines : le seul lieu
Est dedans : comment espérer revivre dans la pratique
Des visites et des terrasses ? Nous aurons le temps
D’y penser en passant : « papa m’a dit que l’amour
Est une nécessité vitale : autant pour soi que pour
La pérennité des : choses : il a dit : « chose » : et :
J’ai pensé : toi : j’arrête d’écrire aujourd’hui : dommage
Que la communication coûte si cher à nos minables
Portefeuilles (citation) / papa a réparé l’espagnolette »
Territoires de la plume
Examinée à la loupe
Binoculaire : ces mots
Pour désigner la partie.
Qui ne veut pas beaucoup ne veut rien.
« Nous sommes tombés sous le charme des eaux :
Tu sais : le bruit du clapotement dans les entrailles
Des murs : ici c’est le rocher qui se propose à la place
Des palais : je t’envoie (pour une fois) une carte postale :
À mon avis de très bon goût : rares sont les paysages
Aussi bien reproduits : tu me diras : tu dis toujours :
Finalement : mais papa se fait de gros soucis : à cause
De son cœur : qui n’est plus le fidèle compagnon
De ses voyages : il le repose maintenant dans les hôtels.
Tu me diras (tu ne manques jamais de le dire) si l’été
Se plaint de mon absence : j’ai rêvé (enfant) de tendre
Une corde entre ces deux rochers emblématiques : idée
De funambulisme (le côté cirque hérité de ma mère) ou :
De balançoire avec petite culotte pour les vieux messieurs !
[ici, la date et le lieu :
Toujours : le temps et
La place qui manque
Pour tout dire : en
Attendant la prochaine
Escale : je ne sais ce que
Papa a prévu : pour moi :
Pour elle : pour l’exemple
À donner à nos enfants.]
Refrain : Arthur et Luce
Sont dans un bateau :
Arthur en pince pour Luce
Et Luce pense à autre chose
De moins probable : une
Ville : hôtel particulier : elle
Écrit au kilomètre mais sans
Graphomanie : elle envisage
La variation comme moyen
De justifier l’abandon de la rime.
Oh ! comme nous sommes loin
Du peuple maintenant, Arthur !
Mais n’est-ce pas ce que nous
Voulions ? Toi et moi seuls enfin,
L’une écrivant et l’autre vraiment
Seul, seul à jouir de la situation
Inventée par elle : ville à deux pas
De la moindre côte aux vases
Fréquentées par les oiseaux
Migrateurs : autres volatiles :
Mais dans les branches des saules :
La grue préfère la marche.
Qui es-tu si tu n’es pas là ?
Le dernier message en bleu
Au dos d’une carte postale
Somme toute aussi ordinaire
Que les autres : avec signature
Et bisous de papa : maman
Est en visite : elle adore les visages
Des murs : craint les inondations :
Se répète quand elle revient,
Le soir de préférence : ses amants
Renouvelés : fument des cigarettes
Sous les porches éclairés
Par des lanternes de poterne.
Il y a de quoi s’en poser à l’infini,
Des questions sans réponses définitives !
Passe le temps à en évaluer
La valeur prosodique : loin de moi
(dit-il) toute idée de contrainte
Par le mariage : Mister and Misses.
La plage au pied de l’hôtel : moustiques
Le soir : le soleil au ras de la houle :
Rares esquifs avec ou sans voiles :
Traces de doigts sur la baie vitrée :
Le matin l’esclave de service s’emploie
À les effacer : courbant cette échine
Familière : canto chico des saisons.
(dit-il)
« Je n’ai jamais rien rencontré d’aussi beau
À voir et à approcher d’assez près pour savoir
Tout d’elle : vous m’en direz des nouvelles ! »
« Un jour, nous n’aurons plus d’argent : ou
Pas assez : pour :
— Et alors… ?
— Et alors je ne sais pas ce qui arrivera…
— Nous ne mourrons pas ensemble : je veux dire :
Pas en même temps : à la seconde près : et alors ?
— Nous finirons sur la paille si ça continue comme
Ça !
— Ou ça ne finira pas parce que la mort surprend
Quelquefois…
— Encore un peu de vin… ?
— C’est ça ! Intoxiquons-nous ! »
Qu’est-ce que je n’aime pas
À part souffrir ?
Seul le plaisir nous aide à vivre.
Alors pourquoi s’en priver ?
Et surtout : ô société : pourquoi
En priver l’autre ?
Il n’y a pas de justice sans examen
Honnête du désir.
« Mais qu’est-ce que cette notion morale
Viens faire dans ton si juste propos ? »
Rien ne sera oublié : lai
Complet avec rimes léonines
Et totalité des personnages
Rencontrés ici ou à la télé :
Pas assez de place sur la pierre.
Une puce incrustée avec alimentation
Solaire : visite limitée au jour :
De préférence après midi :
Dessous ni chair décomposée
Ni cendre refroidie : la terre
Que personne n’a creusée.
Cénotaphe des œuvres qu’on épuise
À force de fréquentation : la grille
Rouillée par les brises : ce sel
Sur la langue une fois revenu
Pour prier : invitation en cours.
Son corps abandonné dans les déserts
Du Coran : qui veut améliorer finit
Par noyer le poisson et son pêcheur :
Enfant en attente sur la berge.
Les pieds dans les bottes de caoutchouc.
L’herbe perçant la vase de la baie à marée basse.
Le croc sur l’épaule et le regard perdu
Dans les complexités phénoménales de l’estuaire.
Le lombric sans queue ni tête et sa femelle.
Poursuivi quelquefois par des filles en fleurs.
Mais rarement seul comme il le désire encore
Malgré les cabotages : canne de fibre et Mitchell.
Cuillère et bulle. Plomb des profondeurs. Le fil
Déplaçant le rayon solaire en onde : vu de loin
Ou dans la lunette d’approche jouant avec
La lumière du matin qui s’accroche encore
À la nuit : « si tu n’as pas bien dormi c’est ta faute ! »
Sur la langue l’acidité du lait : « ce que je veux,
Tu le voudras toi aussi ! » Sur l’autre rive un gardien
Mais sans troupeau : juste une zone délimitée
Par la hiérarchie : obéir pour ne pas mourir de faim.
Tandis que les bancs de louvines profitent de la marée
Pour se jeter dans les bras des prédateurs : piliers
Du pont couverts de cette populace avide non pas
De cette chair mais de ce qu’elle rapporte : si on a
De la chance ou : si on s’est bien battu : ô femme je
Me suis battu avec ton frère : mais il n’en mourra pas !
Nous jouons : au mousse, aux dés, au travail, au lit :
J’y pensais quand elle a croisé mon chemin : Luce
Aux yeux de marée d’équinoxe : acrobate à cheval
Dans l’écume : cheveux noués comme la crinière :
Il fallait à tous prix qu’on évoque Venise et ses fêtes.
(dit-il)
Les yeux ensemble dans la meurtrière : le champ
Avec ses barques aux avirons coupés de soleil : le bois
Apprivoise des oiseaux / nous sommes en vacances
Depuis le début de l’été : papa est en voyage avec
Qui ? Le spectacle donné par les parents à leurs enfants
Ni comédie ni tragédie : montage publicitaire en cours
Dans le laboratoire de l’avenir : saisit un volume au vol :
Déchirure d’une fleur au mal bien littéraire / criardes
Mouettes dans les débris non pas d’un naufrage mais
De ce qui est passé par-dessus bord non pas dans
La tempête mais tout l’équipage au travail de l’ordure :
Objets du passé maintenant : et il revint avec cette
Blessure dans le cœur : il avait connu une autre femme,
Une femme aux belles couleurs de soleil et de forêt
Et il ne pouvait pas s’empêcher d’en parler / d’en rêver
Secouant le lit sur ses fragiles pieds de métal : crise
Des matins parce qu’il n’avait rien à faire à terre :
Qu’attendre : sous la tonnelle du bar de la Poste :
Plis de son bleu de travail aux auréoles de sel / château
Sans hantise, dit-il : la vue était panoramique : l’œil
Comme bercé par ces illusions : et à cheval elle passa
(Je vous raconte une histoire, messieurs…) 421 pour
Un inconnu qui n’appartient pas à la communauté :
Roulement de dés dans la mémoire maintenant,
La Gauloise au bec et dans la main le perroquet.
Il voulait que je me souvienne d’elle et de tout.
(ne dit-il pas)
Croissons dans la panade.
Du gras de morue à la place du beurre.
« Je ne sais pas si je pourrai me débarrasser
De cette angoisse / je ne te promets rien »
Pain des jours anciens dans l’ancien fumoir
À fromage : « je ne me suis jamais posé
La question / mais si tu le dis… »
Les draps sentaient son fromage.
Comme c’était l’été
Et que le vent revenait sur les quais,
Au balcon il relut ces poèmes
Sous le regard de la voisine au balai.
« Nous ne nous aimerons jamais assez, Arthur…
— Pourtant… ce temps… ces murs…
— Prouvent-ils le contraire ?
— Je ne t’ai jamais quittée ! »
La voisine tiqua, l’œil clignotant.
Balai soulevant des feuilles mortes
L’été / en bas des enfants se disputaient
La balle : éclat de vitrine à intervalle.
Un paillasson de fer sous ses pieds avant
D’entrer : la voisine observa longtemps
Ce sable dont elle ne reconnaissait pas
La texture : « Dis-moi, jeunesse, la poésie
Nourrit-elle l’esprit ? Ou le vide-t-elle
De sa substance filiale ? Je veux savoir ! »
Il le disait en tout cas… mais elle dormait
/ à l’heure où la femme descend et croise
Ses habitudes avec celles des autres : consignes
Diverses dans le filet / Douves secrètes dessous.
« Non je ne sais vraiment pas… ni
Quoi te dire, ni te promettre, ni oh toi ! »
Dans l’interstice des lames de parquet
Ou par la meurtrière au grès témoin
D’une érosion beaucoup plus ancienne /
« Je ne te demande pas de promettre /
Mais de t’efforcer d’y mettre du tien :
C’est souvent comme ça qu’on réussit
À s’en débarrasser : » et il voyait ces débris
Se déposer sous la vague en reflux : le sable
Miroitant alors : une anguille crevée recevait
Les premiers rayons : « Que vois-tu maintenant ?
— Je ne sais pas regarder comme toi, l’ami…
— Ces femmes les pieds dans l’eau, tu les vois ?
— Je les compte, l’ami : et ça m’angoisse
De te le dire, voilà ! » dit-il : écrasant le mégot
Dans la paume de sa main : il avait vu une mocheté
Grasse et sans couleur s’arracher des cris de plaisir
Au fil de la douleur occasionnée par la braise
De sa cigarette / « Foutez-la dehors une bonne fois ! »
« Je dis ça parce que je ne sais plus…
— Mais tu ne sais plus quoi… ?
Vas-tu cesser de me foutre la trouille ?
Ou bien ne reviens plus une bonne fois
Pour toutes ! »
« Si c’était facile, je le saurais
Aussi bien que les autres…
J’ai de la morue et du fromage…
Amène le pain dur et les œufs.
Et un flacon de ton anisette
À l’anéthol ! »
« Nous sommes les odeurs
Et le vent qui les donne.
Seul le sommeil annonce
Ces retours familiers auxquels
On s’habitue après avoir été
Aussi jeune qu’on pouvait
L’espérer. »
(substitue un imparfait de l’indicatif
À celui de son subjonctif, encore)
« Des fois je me demande si
Tu n’existes pas seulement
Pour les autres / je m’échine
Pour ne pas finir avec les chats
Qui jalousent les ravaudeuses.
Tu n’y penses même pas, alors… »
« Qu’est-ce qui court le plus vite
Dans le règne animal, réponds !
— L’esprit quand il revient de loin ! »
Dans le donjon sous sa terrasse
Ils observèrent le conservatoire
Des traces de la captivité dont
Il était question dans le prospectus :
« Quel destin on peut avoir si
On ne s’y attend pas, pas vrai… ?
— Elle savait bien ce qui l’attendait,
La garce !
— Oh ! Avec toi nous ne valons pas cher ! »
En tout cas pas aussi cher
Que le prix payé au large
De cette civilisation désormais
Perdue dans le labyrinthe
De ses désirs ritualisés.
Foutre ces écrans par la fenêtre
Avec le pognon de nos travaux
Ne servira sans doute à rien mais
Si on ne le fait pas : le paradis
Devient une sacrée réalité.
Revenir vers ces fresques écaillées
Et en lécher la chaux crevassée.
Combien de personnages ont
Souffert de ton imagination ?
L’eau des bénitiers et des douves
Finit par avoir un sens : celui
Qui ne s’est jamais perdu /
Gravité des architectures passées.
Roche des fondations dans l’herbe
Cramée des étés de vacances
Et d’aventures sans lendemain.
Comme il est facile d’oublier
Si la blessure est grave et
Définitive : cicatrice inexplicable
Autrement.
Ne revenez jamais avec une femme
Arrachée à son peuple : son ébène
Ou sa glaise sur le bahut avec les
Bibelots de l’enfance : « Quelle erreur
Avons-nous commise, dis-moi ? »
Écaillant la prise du matin et l’éventrant
Pour la détruire plus que pour la préparer
Aux ingurgitations méridiennes.
« Revenez quand vous voulez la table
Est servie à l’heure et la nuit tombe
Comme partout ailleurs : vous ne serez
Pas dépaysé : mais vous repartirez avec
Notre odeur / Ça, je vous le garantis ! »
« Mais pourquoi des projets puisque nous
N’en avons pas les moyens ? Tu oublies
Un peu vite que tu n’es pas là (avec moi
Voulait-elle dire) tous les jours : qui voyage
Le mieux ? Je ne sais même pas ce que c’est
Une île ! »
Pourtant au mur pendait la carte : ses tracés au fil
Des explorations préliminaires : les taches laissées
Par les doigts pressés d’en finir avec cette série
De calculs improbables : les plis accidentels ou
Rageurs : les victimes du royaume des insectes :
Toujours rétablissant le niveau d’un autre doigt.
Quel horizon fut mieux établi pour toujours ?
En marge les petits personnages costumés
À l’ancienne : mais de quelle tradition était-il
Question ? Nous n’irons jamais aussi loin, Arthur.
Même en vaisseau spatial. Pas plus qu’en rêve,
Cette imagination des sédentaires : cloués au sol
/ voilà ce qui nous attend : et tu n’y penses pas
Parce que tu es déjà un ivrogne, Arthur ! Et
Peut-être pire que ça… Les gens en parlent…
Tu ne connais pas les gens aussi bien que moi.
Sans doute parce que tu les fuis : tu ne fais
Que passer : parmi nous : parmi eux : ici et
Là-bas : au diable si tu veux : mais pas dans mon lit !
Quel âge est assez grand pour imposer sa race ?
Nous sommes si loin de tout : communiquant
Au lieu de se parler : comme on a toujours fait :
Cherchant la race où elle ne se trouve pas /
Perdant un temps précieux à épater la galerie
Des petits portraits et de leurs paysages de pacotille.
Dans les fissures de la pensée insérant nos enfants.
Attendant qu’on agisse dans la rue au lieu de réfléchir
Avec les moyens de l’écriture : las tu n’es plus
Et ça te porte tort : un matin tu finis avec le soleil.
Une nuit finira par te rendre malade à ce point.
Tu aimeras comme moi
La nervure nacrée et le sel
Des couleurs retrouvées
À peine l’eau secouée.
Méfie-toi de la marée
Aux solstices : ne plonge pas
Avant les autres : ceux qui
Savent de quoi il retourne.
Comme la chair pourrit facile
Dans l’eau et parmi les rochers !
Nous aimons en friture
Les petits poissons et la chair
Des coquillages et des filles.
Mille raisons de revenir chaque été.
Comme s’il s’agissait d’œuvrer.
Nos petits outils ne pèsent rien.
Nous sommes agiles maintenant.
Nous connaissons la vague
Et ses petites traîtrises de garce
Nées des conjonctions gravitationnelles.
Nous avons l’expérience du passé
Et de l’avenir : une sorte d’éternité
Nous passe sous le nez et c’est rageant !
Petits poèmes des pattes brisées
Et des coquilles vidées : des corps
Plus délicieux que les mots qui
Les désignent depuis si longtemps.
Mais nous reviendrons pour le dire.
D’ailleurs qui ne revient pas ?
Qui ne rêve pas de remplacer
Le bonheur par une mort plus
Facile à comprendre ? Surtout
À deux sur les sables de l’été.
« Je t’écris parce que je n’écris
Plus depuis que tu écris ah !
Que s’est-il passé entre nous ?
Et dans quel état retrouverons-
Nous ce que nous avons laissé ? »
Tu songeais à laisser le monde avant de le quitter…
« Il faut bien habiter quelque part » / toitures des
Pavillons voisins : reflet sur le fer d’un outil / l’homme
Descend ses escaliers avec sa femme : moteur tousse.
« Mais bon sang qu’est-ce que c’est que cette poésie ? »
L’autre : « J’arrive pas à la chanter donc c’en est pas ! »
Et l’autre : « Comme tu veux (si ça te chante) mon vieux »
Crépuscule des travailleurs qui ne sont pas morts de faim.
Plis des pantalons / godasses genre basket / un béret
Sur un genou : « Toi au moins tu sais ce que tu veux »
La mer clapotait. La mouette en silence. Émanations
Des quais de l’autre côté de la baie : des filles jouant
De chaque côté d’un filet que la balle franchit / « Moi
: si j’étais toi : j’irai me faire voir ailleurs : des fois : la
Chance : « mais pas toujours » ou alors c’est si loin
Qu’on en perd la langue maternelle » / Voisins descendant
Les escaliers de leurs maisons : outils au fer luisant : terre
Des bottes : la femme secoue des racines : renifle un bulbe /
« À quelle heure il vient le fils (ou la fille) ? » descendant
L’escalier avec le chat : ce voleur d’étincelles : « Je sais plus
Comment on dit » / Tirant sur la chaussette pour craqueler
La terre : « J’ai pas assez vu, nom de Dieu ! Mais le travail,
Ce foutu boulot que j’ai hérité de la pauvreté du père… /
Des fois je m’en veux d’être reparti : mais la désertion
N’est pas mon genre » Descendant avec le chat couleur
De cendre : elle porte un panier déjà plein : « J’ai eu
Envie d’elle : pas toi… ? » Le béret quitte le genou /
Vole jusqu’aux pieds des mûriers où s’agite un merle :
« Caquète comme la poule ! Je ne t’entends plus ! »
Qui est qui si la nuit tombe ou si le jour se lève ? Midi
À toute heure : « Nous étions jeunes nous aussi » L’air
Chaud de la brise : ses sels : « C’est fini ou quoi ? »
Mais le jardin est clos / Le chat saute sur la murette
Et te regarde comme s’il ne te connaissait pas : passant
Des petits matins tranquillement installés pour profiter
Du Temps : « J’aurais pas dû revenir » Il grattait une
Pustule sur le nez : la narine excitée par les embruns.
L’autre estimait la patine d’un manche : se revoyait
À l’œuvre : ses pieds trépignaient dans les mûres
Tombées du bec : plis des pantalons sur les espadrilles :
« Ce monde ne nous appartient pas » L’autre : «
Pourtant, il appartient à quelques-uns… Les salauds !
» Voyez comme les mythes reprennent leur souffle !
Voulez-vous m’accompagner
Plus loin que le dernier arbre ?
Résine sur le bout de la langue.
La ville le quittait sans remords.
Ces chemins qui ne mènent nulle
Part ! Perdant ses billes en route.
« J’en ai marre d’être seul avec toi ! »
Imitation du père quarante ans après !
Des fois des feux parmi les arbres déjà
Morts : mort de l’année dernière, fils !
Je ne vous connais pas mais je veux bien.
C’est tout nouveau pour moi, cette merde !
Si vous n’avez jamais travaillé — œuvré
Pour les autres — vous n’avez pas d’Histoire.
Crasse des murs
Un jour de pluie.
Volets tombés
Sur le trottoir.
Connaissez-vous
D’autres chansons ?
Verre qui roule
N’amasse pas.
Dans la rigole
Je vois l’enfant
Et ça me fait
Un mal de chien !
Qui menace le patron a les moyens de l’été
Et de la neige des montagnes : petite auto
Cirée comme un soulier : « Papa revient
De voyage : j’aime sa poupée et le peigne
De ses cheveux : » Écrasement des joues
L’une contre l’autre : on dirait qu’on fait
Bien Un : toi et moi : l’œil dans l’alignement
De la jante nue : clignotement des rayons
Un jour d’éclaircies et de ruissellements.
« Quel âge as-tu déjà ? » Personne ne vieillit
Aussi vite que moi : cet enfant sans avenir :
Mais qui pouvait se douter… ? / Cheminées
Et murs d’enceinte : le gardien claudiquait.
Entrez que je vous examine
De fond en comble : la maladie
N’est pas une fatalité, vous verrez !
Qu’est-ce qui est poétique si on se tait ?
Dans mon cabinet on retrouve
La saveur inimitable des choses
Qu’on a cru mortes pour toujours.
Qu’est-ce qui ne meurt pas avant… ?
— Avant quoi… ?
Ouvrez la bouche et dites-moi
Si je n’ai pas raison de revenir
Pour retrouver ma propriété.
Qui est cette femme qui n’appartient à personne ?
Je n’ai pas de raisons de croire
Que la maladie est définitive
Jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus.
Dans quelle profondeur se revoir sans s’aimer
Cette fois ?
Si j’avais su (mais j’étais jeune)
Ah ! pourquoi n’y ai-je pas pensé
Avant vous, belle étoile des jours ?
Graphomane à l’érudition acquise
Dans la table des matières, il gisait
Dans cette espèce de plancher des
Vaches : perdu pour la prochaine
Escale au pays des faux témoins.
Maintenant levez la jambe
Et dites ce que vous voulez.
Ce n’est qu’un exercice, allez !
Un rite de passage de la vie
À la mort des autres pour commencer.
Ne riez pas quand j’examine !
L’hypocrite jaloux se marre
Faute d’avoir trouvé de quoi
Alimenter l’esprit autrement.
La prochaine fois ne crachez pas
Avant d’entrer, dans vos mains
Ne crachez pas et entrez par la porte.
Je vous salue comme on salue
La pierre et l’horizon peuplé
D’oiseaux annonciateurs.
Revenez mais pas par la fenêtre.
Ne toquez pas au carreau, ne
Parlez pas au passant avant d’entrer.
Quand il ne sort pas dans sa ville
Il entre dans son sommeil de travailleur.
Qui n’espère pas y trouver la mort
Au cours d’une révélation enfin
Aussi claire que l’eau de roche ?
Baratin des malades de l’apparence.
Mots trouvés chez les autres et ailleurs
Mais jamais dans le lit où on couche.
Ivresse acquise en parallèle avec
La bouteille que la femme débouche
Comme son évier après la vaisselle.
Quand il ne dort pas il écrit et vante
Les mérites du libraire et du marché
Global dont il espère tirer la bourriche.
Au sommet de son panier un jambon
Et l’écran numérique des réseaux.
Il écrit pour ne pas tuer le temps.
Dehors le béret revient sur le genou.
On a vu mieux en matière d’attente.
Dire plutôt : pas d’attente sans merveilleux.
Sinon on tue : marre de tuer la bestiole
Qui nous suce le sang et revient comme si
L’écrasement n’était qu’une façon de parler.
« Où trouves-tu la poésie sans te baisser ?
Je t’ai observé parmi les ravaudeuses, zyeutant
Les peaux de cuisse et les ongles sales, notant
Les répétitions, les refrains, les idées reçues.
Mais il n’y a pas de poésie là-dedans, ô poète !
Ni dans les écailles des murs. Pas de poésie pure
Ni parfaite au fil de l’eau bleuie autant par
Les écailles que par les flaques de gras.
Plongeon dans cette eau des quais : j’en ressors
Comme si j’y étais tombé par accident mais
C’était une tentative d’assassinat : heureusement
Je sais nager et respirer sous l’eau comme
Un poisson : ce que tu ne sais pas faire, toi ! »
Je sais tout faire.
Détrompe-toi.
Mais je ne fais
Plus rien à part
Me nourrir de toi.
Sortant dans la rue qui lui donne son nom,
Il croit aller où il veut et prend le bus.
« J’entends bien que c’est de la poésie.
Mais sans se baisser au moins une fois,
Ça me paraît impossible : qu’est-ce que
J’ai raté ? Qu’est-ce que tu sais faire
Que je ne sais pas même imaginer ? »
Je ne connais rien de plus sensé
Que ce qui n’a pas de sens à donner.
Il sort et hèle sans mettre le pied ailleurs
Que sur le trottoir qu’il partage avec toi.
Ensemble vous vous éloignez et je crie
Ceci : « Vous vous trompez de sens ! »
Rire d’une vieille pie qui revient de ses
Courses derrière les vitrines et les cageots.
« Suffit pas d’ poser son cul sur les bancs.
Faut aussi avoir l’œil et je l’ai pas.
L’ai jamais eu comme vous l’avez
Si j’en juge à la beauté de l’expression.
Surtout que c’est pas beau que vous
Vouliez faire avec moi avant qu’on
Se rencontre et qu’on se trouve beaux
Au point de désirer en savoir plus
L’un sur l’autre ou l’inverse, je sais plus
Tellement j’y ai pris du plaisir, ami ! »
« Nous ne reviendrons plus si c’est ce que vous voulez.
N’insistez pas / je sais ce que je dis / les temps sont
Durs et ya plus d’ place pour personne ici-bas.
Faut monter ou descendre, on a pas l’ choix /
Prenez la main de votre femme et descendez
Au jardin ou montez dans la cuisine / je suis
Le chat si vous voulez : je l’ai été si souvent
Que je me prends pour un automate d’avant
Les électrons du temps où on pouvait compter
Sur la seule gravité et sur les impulsions nées
De la précipitation elle-même consécutive
Au même genre de guerre qui nous occupe
Encore : descendre et monter autant que c’est
Possible quand on possède sa maison et son chat. »
« Entre la fable
Et la chronique
Mon cœur balance :
Je n’écris plus.
Je vous écris.
C’est le matin.
L’autan revient.
Dix-sept degrés.
Le chat aboie
Contre nature.
À la fenêtre
La nuit grasseye.
Telle est la langue
Après l’hiver.
La méridienne
Est sans soleil.
Gonfler la fable
De l’intérieur
Ou s’appliquer
À la chronique.
Avons-nous jamais eu
Le choix ?
Sommes-nous si humains
Que ça ?
Matin sommeille
Encore au lit.
C’est le voisin
Qui va au trou.
Chie dans son lit
Le vieux Mescal :
Le premier verre
Nous réunit.
— Ce que tu vois,
Ce n’est pas moi.
Je suis ce que
Tu ne fus pas.
Ce que je bois,
C’est de la gnole.
Et mon cigare
Est un pétard ! »
Je les entendais chanter à tue-tête.
Dans « l’autre chambre » chanter
Ce qui leur passait par la tête, ce qui
Leur venait à l’esprit, ce qui existait
Encore malgré la douleur de n’être
Plus à la hauteur : cloison de briques
Montées au plâtre dans un grenier
Avec vue sur la mer et ses si nom
Si nombreux horizons, selon selon
La position des mains dans la prière.
« Voulez-vous que je vous accompagne ?
Je me charge de la bédoucette, allons !
J’ai l’habitude des vieux qui se préparent
À quitter ce qui a toujours été destiné
À l’abandon le plus total. » Et voici que
Le couvercle dégringole dans l’escalier.
Le chat bondit pour l’éviter, un camé
Qui montait redescend. La porte s’ouvre
Et se met à parler dans une langue inconnue.
De quoi parlerons-nous
Maintenant que tout est
Tout est fini / entre nous
Et malgré nous ? / Reconnais
-le. Nous n’avons pas toujours
Été à la hauteur. Pourtant
On est monté dans le ciel
De cet immeuble jamais ô
Jamais laissé à l’abandon par
Ses propriétaires de droit.
Le beau minois du premier
Rêve d’un avenir dans la Justice.
Ses cuisses tendres se croisent
Sur les marches tous les matins
Et toutes les fins d’après-midi.
Où va-t-elle ? Et d’où vient-elle ?
Nous avons eu son âge à l’âge
Du premier / mais sous le toit
La lucarne laisse passer la nuit
Et le vent des jours y sifflote.
Plus haut encore la télé propose
Les grands vents et les anabases.
Antenne pliée depuis longtemps.
Avec vue sur la cathédrale en feu.
C’est con, la poésie, Barbarin.
Les schizos vaquent à leurs occupations.
Les cons s’adonnent à leurs passe-temps.
Que reste-t-il à part les paranos ?
Si tu n’écris pas pour eux tu n’écris pas.
« Je vous ai déjà dit de ne pas mettre
Vos pieds et ceux des autres sur le seuil
De la maison qui ne m’appartient pas !
Revenez par la fenêtre sans briser le verre
De ces fenêtres qui en ont bien assez du vent !
Et cette pluie sans quoi vos parapluies
N’ont plus de sens, même si le soleil
Connaît l’ombre mieux que vos poèmes.
Passez plutôt le temps à passer devant.
Et laissez-moi le jardin et son puits artésien.
Je ne possède rien qui vaille le printemps,
Mais je connais l’été et l’art de s’y noyer.
Vous êtes de l’automne éphélides des branches.
Ne mettez plus vos pieds devant ma porte close. »
Ainsi chantait celui qui vit
Dehors
Pour ne pas mourir dedans.
Couché sur la publicité
Il dort.
Et quand je le réveille il sort
De là.
Regardez-le s’éloigner maintenant.
Il reviendra chargé d’ans et de faims.
Ne cherchez pas l’objet que j’ai perdu
En chemin.
Balayez plutôt / Soignez les apparences
En commençant par le seuil de votre maison.
Je vous salue à la fenêtre tous les matins.
J’ai mal au dos à cause de votre femme
Qui pèse sur mes épaules de trimardeur.
Ce qu’elle m’arrache ne renaît pas aussi
Facilement que vous l’espérez en frottant
L’une dans l’autre vos mains de proxénète.
Ne sortez pas pour vous mettre à la recherche
De mes traces / Ces choses devenues objets
Par l’intermédiaire
D’un face à face
Avec la Réalité.
La ville occupe le lit des rivières en éboueuse.
Pisse-copie des approches linguistiques
Contre toute velléité de logique d’enfant.
Par l'intermédiaire d'un face à face avec la Réalité.
Répétez-moi ça : aveugle et sourd
Qu’est-ce qui me reste pour comprendre
Comme vous comprenez du matin au soir ?
Sinon la nuit je me nourris de votre odeur,
Cheminant moi aussi sur votre peau, la langue
Suintant sur le chemin, face à face
« Entre l’idée
Et l’acte. »
Comment profiter de l’autre sans l’acheter ?
Des fois on change dans la vie : on devient
Ce que papa a soigneusement éviter de paraître.
Ce matin les feuillages hier gelés se réchauffent.
Les nuages filent vers l’Ouest. Le peu de feuilles
Craquette comme cigogne sans savoir pourquoi.
Que lisons-nous que nous n’avons pas lu ?
Il n’y a pas d’autres moyens de renouveler.
Avec ou sans plaisir cette idée qu’on a dans le crâne
Depuis si longtemps qu’on se sent près de Dieu.
Ce qui s’épuise finira dans l’oubli tôt ou tard.
Le matin
Le temps presse.
Le café
Coule à flot.
Tic-tac des électrons
Sans aiguilles à la clé.
Bouillie des actes
Dans le mixer.
À qui la faute ?
Pas d’autres questions ?
Feux pour balises
À la croisée des chemins.
À quoi ça sert
De servir à quelque chose ?
Le poète
Ne cherche plus la rime.
Des rythmes s’imposent
À la connaissance des lieux.
Soignez-vous
Et recommencez.
Reprenez l’idée
Où elle vous a abandonné.
Rue des matins.
Déjà des gosses.
La poésie finit
Par ressembler au temps.
Et elle se finit
Quand elle ne ressemble plus à rien.
« Voilà ce que je pense de vous…
/ Mais je ne suis jamais allé aussi loin
Que les arbres de votre jardin
Dont le sens se perdrait
Si vous n’en entreteniez pas
La clôture et ses jeux d’ombres
Sur mon propre jardin.
»
Pratique de l’ivresse
Pour pallier le vide
De la coquille.
Qui êtes-vous
Si je vous ressemble ?
Quel nid
Nous unit ?
Qui est l’auteur ?
À l’intérieur
Ou à l’extérieur,
L’auteur ?
Frottement
Des surfaces
Mais l’enfance
Ne se conçoit pas.
Le vin ou le sommeil,
De jour comme de nuit.
Triture alors la langue
Pour pondre comme les autres.
« Mais je ne voulais pas quitter les lieux de mon enfance ! »
« Je vous ai entendue brailler toute la nuit ! »
Qui sait mieux danser
Que le paralytique ?
…sans l’invention de la roue…
« Je me suis réveillée à cause de vous ! »
Verre tintant des visites impromptues.
Sans plaisir je ne viens pas / dit-il / je
Ne sais pas qui vous êtes / mais j’étais
Moi aussi / je me souviens « comme si
C’était hier » pourtant je ne sais rien
De cette veille : vous n’y étiez pas sinon
Cet enfant serait le mien avant d’être
Le vôtre / « comptez jusqu’à ne plus
Pourvoir en dire autant que le poète
Toujours vivant malgré l’attente et
Ses sanctuaires » Je ne m’attendais pas
À vous trouver ici / « mais j’y étais avant
Vous / » le barman clignotant d’un œil,
L’autre sur le miroir où se continue
L’attente / « s’il n’y a pas d’autres moyens
De sortir de là la tête haute » ni nuit ni jour
/ Traversée des solides / Influences des vents
/ Ni saisons ni existences / Variations des pluies
Dégoulinant plus que tombant / « ce verre
Ne produit rien / ces choses que nous écrivons
Et que personne ne lit / pourquoi la joie
Nous appartient-elle avant de se noyer
Dans un verre ? » Je t’écoute et je ne sais pas
Si nous sommes deux ou plus / ou peut-être
Rien « si ça se fait… » Bas de porte mouillé
À force d’entrées et de sorties / 0 / 1/
Il torchonnait son écran avec une attention
D’artisan qui connaît les limites de son métier.
« Vous ne le connaissez pas ? Mais qu’à cela
Ne tienne ! Je vous le présente : Verre »
Hédonistes ratés ou fruits de l’égoïsme…
Je ne vous ai pas encore jugés / mais j’y viens
/ Regrettant toutefois de venir alors que j’ai
Autre chose à branler sur cette terre à la con !
Ici !
Côté nord l’herbe se morfond
Dans le gel.
Suffit pas de se pencher à la fenêtre
Pour tomber.
Écartement des rideaux sur la façade
Percée d’un seul trou : lueur de lampe.
« Si vous avez quelque chose à dire,
Dites-le.
» Mais nous ne parlons pas la même
Langue.
Ce goût pour les mythes anciens.
La cuisse nue d’une déesse toujours.
Passant sous l’arche des pommiers
Les mains dans les poches et l’air
De ne pas habiter ici comme les
Autres. Plus loin on bine ou la terre
Se laisse regarder. Au sud la lumière
Efface les ombres une à une au passage
. « Vous ne reviendrez pas, n’est-ce pas ?
Vous vous êtes tellement ennuyé… Pas
Seul mais l’ennui est arrivé après vous.
Vous ne reviendrez pas cette fois » .
Non. Pas cette fois. Ici. Avec le vent
Qui a chassé la pluie venu pour voir
Si rien n’a changé n’a au moins vécu
Plus que je n’ai su y vivre moi-même.
Ici !
Claquemuré entre dosseret et pied de lit le vent
À la fenêtre pour une fois sans la pluie et l’air
Saturé de sel et de peau / Vous n’existiez plus.
Sérénade des barques retournées
Dans le sable les câbles sciant
La surface peignée une fois de plus
Pour recevoir la lumière des néons.
Nous ne sommes pas d’ici ce soir.
Tout l’avenir devant soi et rien
Pour en mesurer les angoisses.
Trop jeune ici ! Lampions de papier
Sur les fils que lorgnent des arondes.
Cette crasse des trottoirs malgré tout.
Tables positionnées selon les lois
Imposées par la tradition ou le jeu.
Le génie cède la place à l’ivresse.
« Ainsi tu seras toujours heureux
D’être ce que tu es et ce que tu donnes.
Ne va pas plus loin que l’ombre cependant.
Conseil d’ami. » Hédonistes ratés
Et disciples de la joie en une seule
Personne nommée en attendant
Que la nuit n’en revienne pas elle
Non plus. Nous n’irons pas plus loin
Que cette eau infinie s’il s’agit
De revenir avant d’avoir trouvé le lieu :
Ici ! Le sang sous pression une fois
Vaincue la peur d’avoir perdu ce qui
Était gagné d’avance : cet or paternel
Fécondé par n’importe quelle femme.
Paresse des lecteurs qui se targuent d’écrire : Mort
D’une certaine façon d’écrire / qui n’appartient plus
Au temps / qui ne s’écrit plus avec les autres : joie
Des frontons sans spectateurs : cet or paternel
Refondu avec le verre : au creux d’un coquillage
Trouvé au hasard des promenades : façonné par
La pratique de l’eau et de ses courses folles d’un
Bout à l’autre du monde connu : de tous et de
Chacun : ce monde qui n’est pas fait pour toi :
Comme s’il s’agissait d’être finalement fait pour
Lui : une mouette aux plumes arrachées par
La roche : elle plonge et revient sans le bec.
Ici ! Pas ailleurs et pourtant : j’ai le sentiment
De ne pas reconnaître les lieux : l’habitude
Sans doute. Une fontaine aux coulures métal
Métalliques. Que le troupeau des producteurs
S’y abreuve : pendant que je visite leurs rues
Désertées juste le temps d’assister au feu
Feu d’artifice : un toro me rejoint mais éteint,
Avec l’homme qui le porte : « Vous ne buvez pas ?
Je ne vous ai pas vu boire comme les autres.
Il faut connaître l’ivresse pour savoir enfin
Ce que c’est que la joie. Des filles vous le diront
Mieux que moi. J’en ai deux mais pas de fils.
Enculez-moi si c’est ce que vous cherchez ici. »
Fontaine des fusions sommaires.
Pas d’ombres sans lumière
Sur la toile conquise.
Un alignement de balcons
Miroite comme la mer
Qui propose son horizon.
Corps de l’oubli et de la joie
Qui va avec et sans raison
De croire qu’on a tort
D’être venu pour ne pas
Se distinguer : cruauté
Des traces de portraits
Au-dessus des chiottes.
Toujours les mêmes mots.
Mais la joie coule des fontaines
Comme les lexiques de la nécessité
De ressembler au bonheur des spots.
« Que ne suis-je venu plus tôt !
Avec ou sans vous mais plus tôt !
Tout ce temps perdu à me demander
Si j’étais faite pour aimer l’homme
Ou l’enfant qu’il porte en lui comme
Je retiens le monde par son Dieu ! »
Que l’écaille te donne la leçon que tu mérites !
Nous aurons le temps d’une zarzuela.
Temps de nous livrer corps et âme
À la devineresse du parc d’attraction.
Bottines des danseuses nues, plancher
Des pistes conçues pour étourdir si
Jamais la joie ne suffit pas à convaincre
Son homme ou sa femme si l’enfant
Est encore à concevoir : le riz brûle
La langue et les dents rient à notre place !
Tarot sur canapé, l’olive grassouillette
Au bout du palillo. « D’où reviens-tu,
Triste messager que je n’ai pas évité
Dans le métro à l’heure de la joie en route
Pour le bercail et sa télé ? » Lèvres
Huileuses aux traces d’écailles. Baiser
De circonstance. « Il est trop tard !
— Tu veux dire : Il est tard… ?
— Non, j’ai dit : trop tard et je signe ! »
Cliquetis des coquilles vides du poème
En paella carrossée au marteau, ici !
« Nos plus belles années sans une seule photo…
Tu écrivais sur le dos des bossus / cuisses des
Cigarières / mains des ravaudeuses / genoux
Des curés / Comment appelles-tu ces fragments
Déjà ? Tu écrivais dans la fièvre / sans joie ni
Plaisir / ni verre à proximité / ou autre chose
De plus phénoménal / écrivais des histoires
Sur les lèvres des passantes / aux vitrines
Donnant ton reflet transparent / nos plus
Belles années ensemble / sans photos maintenant
/ des années sans ivresse / au mur le grand projet
Qui contient mieux que la bouteille des marins /
Mieux et sans joie / sans ses serviteurs cloués
Comme Ulysse sans voix : je ne te reconnais plus.
Et je n’en ai pas connu d’autres : / au diable
La mort en salle / je ne danse plus : je m’en vais »
/ au dos d’une carte postale :
Signée luce ou autre chose :
Des empreintes de ses doigts
Sur le glaçage / ça ne sent rien
Que la couleur / des herbes folles
Versent sur les murs / chapeaux :
Entre un verre d’eau et un café /
« Je ne sais pas si je pourrais t’ou
T’oublier aussi facilement que tu
Que tu dis / non je n’en sais rien ! »
Mais t’ai-je jamais posé la question ?
Sappho en habits de servante au bar
Dit bon coin pour ne plus y penser mais
Y pensez-vous dans le métro au frottement
Des couleurs ? Je ne vous avais pas imaginée
Dans cette tenue : servez-moi du vin si
J’ai dit ce qu’il fallait retenir au bout du vers.
En habits ou à poil sur la plage filant
Comme un animal poursuivi par son
Prédateur attitré : bon coin pour oublier
Qu’on n’était pas venu pour ça : hasard
Des rencontres : que voulez-vous c’est le
Le hasard qui me joue sur le tapis de vos
Grâces / écrivais dans la gibbosité plutôt
Que dessus : sur la scène des filles nues
/ le jeu pour elles consistant à écarter
Les genoux pour saisir les billets mais sans
Laisser tomber ceux qui s’y trouvaient
Coincés déjà : sinon c’était perdu / avec l’aide
D’un peu de salive : « Voulez-vous gagner
Encore ? » / écrivais sur la mort des habitants
De la rue : cette crasse qui s’ajoute à la crasse
/ et sur la plage poursuivais l’animale en fuite.
Comme la vie est belle
Quand tu es moche !
J’ai perdu au tric trac
Le ciel de mes poèmes.
Gazouillez les oiseaux /
Aboyez les bâtards /
À force de lécher
On n’a plus faim de soi.
« Répétez avec moi :
Ce que je perds y gagne
En raison de se taire.
Là-bas c’est l’horizon
Et ici je m’en vais.
Pas plus loin que ton ventre,
Ou ton cul si je mens.
Grince du bec un merle
Dans la nuit sans lunaires.
Lon laire ! »
Trombinoscope des auteurs en attente
De reconnaissance territoriale à défaut
De légitimation nationale / ach ! Paris !
Paris und seine nähere Umgebung / :
Luce en voyage / avec dans ses bagages
L’homme de sa vie / sur le quai Arthur
Exigea un baiser « devant tout le monde »
/ N’excitez pas la übrige Frankreich /pas
Ici ! — des êtres venus avec leur argent
Dans les poches. Mais dans la vitrine du
Kiosque : pas un seul de ces auteurs et
luce se demanda si elle faisait bien de
Continuer à Paris sa lancée provinciale.
N’excitez pas votre prochaine veuve.
C’était le conseil de papa traversant
Les eaux de Venise en espadrilles faute
D’avoir prévu / perdit l’une d’elle et le flic
Verbalisa : désignant de la pointe de son Bic
La sandale espagnole rejoignant l’école
De la croisière : des rombières en jupes
Exhibant leurs cuisses : pas une seule
Beauté même à bord des gondoles /
N’excitez rien qui vous appartient /
Conduisez-vous en gentlemen / vous
Et les autres rappelant les enfants
Qu’une vitrine invite à la lèche : papa
(je me souviens) écrivait une chanson
Et la réécrivait chaque soir assis avec
Lui-même sur la terrasse qui sentait
L’anis et le jambon / vit que luce possédait
Les plus belles jambes du monde !
Sur le pont retourna et maman se noya
Sous les yeux d’un équipage en fête.
Me racontait ça pendant que le vin
Agissait sur ses sens : « trop d’auteurs
Et pas assez d’œuvres » / jambon
Bukowskien à toute heure : « ne suis
Pas mon exemple : ne les excite pas »
« Comme le monde est pitiou
Si on le regarde là-dedans ! »
Le matin il observe les araignées des murs.
Il se sent l’âme d’un romancier capable
De transporter l’esprit du lecteur « ailleurs
Qu’ici » / fait un pas de côté pour éviter
D’écraser la huit-pattes qui s’est immobilisée
/ menace ou paralysie due à la peur : la chaux
Colore les caresses de ses blancs bleus fissures
Que le soleil visite quelquefois / de son lit
Il voit le dehors de son existence : propriété
Collective qui figure l’enrichissement commun
Si on veut bien y croire : excitant les jeunes
Pousses découvrant le plaisir après la volupté.
Enfants divers s’égaillant dans les rues sombres
Mais parfaitement décrites par l’œil exercé.
Qui suis-je ? (aria)
Je ne me comprends
Plus : pourtant j’ai cru
Avoir inventé cette joie
Nouvelle et prometteuse.
Qui suis-je si tu n’es pas ?
Mobilier sommaire à l’heure
De rentrer chez soi à pied.
Poussière des chemins
Empruntés après les jardins.
Je ne me comprends plus.
Je parle une autre langue
Alors que l’ami d’enfance
Exerce sa pression verbale
Sur sa production filiale.
Vous n’appellerez pas ça
Malédiction / pas de foudres
Dans ce ciel parfaitement nu.
Pas de pluie à l’horizon / mer
Capable de fines trahisons.
Par injection ou éjaculation.
N’appelez pas ça damnation.
L’ivrogne perpétue sa joie.
Il ne la quitte plus et elle finit
Par l’abandonner à l’hôpital.
Je préfère la seconde à l’éternité :
Si tu vois ce que je veux dire :
Finalement seul à bord du Pequod.
Évitant de marcher dessus : il saute à pieds joints
Dans sa cuisine et ouvre la fenêtre : triste gelée
Sur les toits : pas de vent : les phares de la rue :
Loin maintenant de ces vacances : ne trouvant
Plus l’entrée : il part sans quitter le port : merles
Du houx et des troènes : un fer d’outil reflète
Les beautés du matin : revues et corrigées par
Quelque poète en route pour l’enfer du casino.
Que d’impressions qui peuvent passer pour des œuvres !
Fragmentation : non : incipit sans suite : ni expansion /
Recueils devant les vitrines : certains se jettent à genoux.
Prient souvent. Se font fouetter à la maison : menacés
De psychose ou de connerie selon le cas : il examine
Ces passages aux verrières crasseuses de crottes /
Jolie passagère d’un prospectus : il ne la retrouve pas.
Ni sur les roofs ni dans sa cabine : chair flasque des
Mémés : il traverse la mer en Priape : puis le Coran
Lui impose la stérilité / « n’excite pas cette gamine,
Nom de Dieu ! Elle en sait déjà assez ! » Fusion au blanc
De la queue seringuée avant d’aller se faire voir ailleurs.
Trombines des sacristies comme antichambres
De la mort : « je ne vous connais pas / mais ô
Comme je me connais moi-même ! »
Se tordait de douleur ou de plaisir /
Impossible de différencier comme ça :
À travers le hublot factice / mais vu bien
Vu la seringue et ses ustensiles : « j’y
Connais rien mais j’ai vu » Surtout ne
Dites rien au capitaine Achab ! Quelle
Fable ne fond pas ses métaphores dans
Le traité qui servira de souvenir aux
Promeneurs de la mer / morts ses vieux
Travailleurs : « avant j’étais marin et puis
Je me suis tué à bosser pour l’État / »
Connaît rien à la dose de poison né
Nécessaire pour en finir avec le mort
En attente de jugement dernier : papi
Papini statufié dans la chair de la morue.
Qu’est-ce qui est simple si c’est si con
Compliqué ? / Je vous pose la question
Pour meubler la conversation mais enfin
Si je suis seul à parler : non pas au mur
Mais à la fenêtre : au onzième étage au
Au-dessus du gazon et du kiosque : René
Renaissez avec l’invention de la page.
Odeurs des mailles renouées mille fois.
Nous ne connaîtrons pas la mort des machines.
Mâchouillant son ham il lorgnait le miroir
Où son visage craquelé fréquentait le meilleur
De la mise en bouteille : os de cachalot bébé
Ou la fille qu’il prit pour une femme sans cher
Sans chercher à se détromper : Qui suis-je si
Je ne possède rien pour abriter mes livres ?
Machines mortes derrière les vitrines du li
Du libraire toujours morose : par les temps :
Et par les cours : et les filous au service de l’é
De l’État. Son ham faiblissait à vue d’œil :
« j’ai déposé comme les autres mais la moisi
La moisissure est l’ennemie de la pensée poé
Poétique. N’hésitez pas à me contacter. » /
Son chien avait la rage. Et sa femme le chien.
Trente secondes pour perdre la vie
Et ne pas la retrouver dans le souffle
D’un gaillard bâti pour ce genre de con
De conquête / elle n’avait jamais ô ja
Jamais voyagé plus loin que Venise /
Et le Bic du flic (un joli titre à mettre
En jeu la prochaine fois) désigna la
Désigna la dérive d’une espadrille de fa
Fabrication bengalie. « ça se voit aux cou
Aux coutures. » À l’hôpital direction la
Lala morgue / lalalaire / combien ?
Puis trente autres secondes d’attente
Pour assister au plongeon du gaillard
En culottes courtes : bâti pour toutes
Les aventures : remontée d’un corps
Qui n’est pas le mien : ne l’a jamais ô
Grand jamais été !
Fragments réunis en guise d’hypothèses
Alors que le type n’a rien d’un chercheur.
Mais qu’a-t-il trouvé ?
Capable de lire cinquante « proses courtes »
Et Pynchon lui « tombe des mains » / Qui
Mais qui suis-je si je suis un autre ? L’enfer
Comme comédie et la tragédie à d’autres
/ Ceux qui ne l’ont pas vécue comme je la
Comme je la vis / ô tous les jours les nuits
Les crépuscules les interstices d’amour les
Intervalles gravitationnels / « proses courtes »
Comme idéologie de la (re)production / et
Principe éditorial / « comment voulez-vous
Que dans ces conditions on soit capable(s)
D’autre chose que ces passages interminables
Devant les vitrines : histoire de déposer et
Tant pis si on est « fliqué(s) » / « 100 pages
Pour le prix de la moitié de mille / où va
Où va le Monde (dont le suis l’idéaliste) ?
Fontaines des places fortes.
Des gosses
En jeu.
Sous le soleil les arbres
Rares entre les pierres.
Des femmes
En rut.
« Avant j’étais quelqu’un. »
Oubliée toute cette « profondeur ».
Des arbres
Morts.
L’eau descend des montagnes la
Neige éternelle comme turbans.
Reviens
Pour moi.
Bleu des murs et la profondeur
De l’ombre à cette distance.
Le passé
En jeu.
Pas les enfants : le passé.
Et par conséquent : une fois
Encore :
Le futur.
Jaillissement d’idées
En conseil municipal :
L’eau va nous manquer.
« papa ? est-ce que l’eau
S’en va avant nous ? »
J’en sais rien et je m’en fous !
Pas de pion sur la table.
Pas de dés ni de cartes.
Le tapis et ses fruits secs.
Ces doigts presque sans chair.
Lèvres crevassées
De nos baisers.
J’irai coucher sous la Lune.
Pétales comme autant de
Miroirs : toute la nuit
Miroitantes étoiles des
Fleurs : je ne rêve plus.
Finie la comédie ! Jeu
Des enfants et du futur.
Le poète sans la rime
Et bientôt sans tambours.
Théorie de la corde et
Du chalumeau : en rut
Sont les femmes de ce pays.
Je ne vois pas plus loin
Maintenant que je sais
Ce que j’aurais pu être
Si je n’avais pas eu cette
Idée de la suite à donner.
Au lieu d’en écrire le roman,
Il examine sa plume : quelques
Hyporachis à la limite de l’encre.
Au vexillum trop de barbes et
Barbules. Un coup de vent dé
Coiffe ton œuvre. Ainsi l’homme
Transformé en roseau. Fruits
Mûrs aux insectes du printemps.
Cherche la peau à quoi on arracha
(peut-être en famille) ce fragment
De la possible humanité du geste.
Visite les palais des basse-cours,
À cheval sur son dada, le crâne
Au soleil et l’œil dans ses ombres.
Quelle fontaine rencontrée ici ?
Imagine des repas sur la nappe
À carreaux rouges sur fond blanc.
Jeu des panoplies gagnées enfant.
Marche sur les galets des ricochets.
Arrache au néflier sa baguette et
S’en sert comme canne pour pêcher.
Qui pratique le guet du soir au matin ?
Et qui se fait inviter à midi chez cet hôte ?
Sa plume dans le carquois, chasseur abstrait.
Arrogance et paresse à la table même.
Chacun prétend qu’il sait ce qu’il fait
Et combien la société profitera de ses
Bienfaits.
Ne rêve pas avec les autres de ces largesses.
S’attend à perdre tout ce qu’il a acquis.
Pas de succession à la clé de cette mort.
Il entre dans le château et salue le portier.
« Si un homme était le portier de l’enfer
Il aurait l’habitude de tourner la clef. »
Laisse son béret au vestiaire entre les mains
De l’hôtesse déjà nue et donc prête à l’emploi.
Donne des bonbons aux enfants et les fait rire.
« Nous ne savions qu’admirer le plus,
Ou la beauté de ces enfants,
Ou la mollesse de ce vieux bouc. »
Plumes des têtes chauves alignées
De chaque côté de la table couverte
De subventions et de flatteries.
Platitudes, servilités : « je n’écris pas
Un roman : le sirocco puis la tramontane
Ah ! même mon canasson en a souffert ! »
Rires des jeunes filles à marier le plus tôt
Sera le mieux. « Le vêtement du Monde
Ne va à personne, allez ! » Demain il meurt.
Il secoue sa main et pince les lèvres :
Non ! Non ! Pas le roman ! Je ne suis
Pas venu pour ça : j’ai rendez-vous avec
Les fées. Elles ne m’ont pas oublié…
« Mais alors… ces hyporachis à la limite
De l’encre qui a séché depuis si longtemps… ?
Quel son ça produit ? Comment on se sent
Après ? Où avez-vous trouvé cette plume ? »
Pratique du mâchicoulis, le ciel au-dessus
De la tête, nuages ou pas. En plein vent
L’acte à commettre à temps. Cueillait
Les fruits de la vigne vierge. Échelles
Des autres contre la muraille. Mâchi
Mâchicoulait en attendant la recon
Reconnaissance. Coulures de l’existence.
L’utile et l’agréable comme principe
Divin. Mais l’enfant n’est pas à la hauteur.
Comment lui parler de ce plaisir ?
La maison du berger dans les douves.
Flottait encore quand il s’est endormi.
Sentait une chair qui voulait de lui.
Toujours ce premier chapitre puis
Plus rien. Jours comme autant de coups
Sur le bronze des nuits. N’est-il pas
Plus facile de croire ? Plus facile
De s’associer dans le cœur des églises.
Une à une déflorées les églises du dieu.
« Si jamais vous revenez dans le pays
Ô vous l’étranger qui me chanta parce
Que je l’enchantais. »
Que de rossignols
À la croisée des chemins bornés par
Ces calvaires déposés légalement
Dans les fours de la Bibliothèque !
Fleuve du loisir ouvrier. Charrie la crainte
(légitime) de ne pas survivre à soi-même.
Sous les ponts la chanson rapporte gros.
Le tweetophile ne pense qu’à lui. Le pédo
Phile aussi. Et tous les philes du Monde.
Mais comment haïr en pleine panique ?
Barbes et barbules en édition virtuelle
Et papier des feux de joie commémoratifs.
Il écrasa son mégot dans un cendrier de jade.
Joyeuses ceci et vœux de cela. On aimerait
Mourir de plaisir avant que la question
Se pose en termes clairs. « Vous croyez ?
Je ne sais pas si je suis digne de vos propos.
Je n’ai jamais trahi mon mari oh ! sauf en
Pensée ou en rêve si vous voulez me croire
Digne de votre semence » À ces mots
S’enfuit chercher le plaisir sous les jupes
De la domesticité.
Ode à l’abondance.
Perd la plume puis la retrouve par hasard
Alors qu’il ne la cherchait plus. Y pensant
Sans y penser. Mais en quelles occasions ?
Les fesses nues d’une adolescente mouillée
Par la vague qu’elle vient de sous-estimer.
« Ne riait plus quand je l’ai sauvée. »
Rendue à la mère avec serviette de bain.
Sous le parasol récompensé par une canette.
Prend la plume le soir. Venise en fleurs.
Soupirs garantis par le syndicat d’initiative.
Non ! Non ! Je n’écrirai pas ce roman !
Je ne veux pas dire la vérité !
Ne se voit pas en chevalier ni en troubadour.
Pas même en serviteur. Pas laboureur. Rien.
Et pourtant l’adolescence avance au cadran.
« Papa dit que tu te branles en pensant à moi »
Clarté toujours des propos tenus dans la cuisine
Avant ou après les repas payés rubis sur l’ongle.
Ne se voit pas en chauffeur de la baronne
Des lieux. Baise la baronne dans sa petite
Marquise. Peint des paysages parce que
C’est ce qu’il fait le mieux. Première page
À la plume et au couteau. Je n’ai jamais
Tué personne ! Et pourtant j’ai des raisons
De croire en Dieu et à ce que l’homme
Renaissant en sait. Plus que moi sans doute.
« Papa dit que tu es chelou et je le crois
Parce que c’est mon papa et que tu n’es
Que le fils du voisin » Zizi Jambaire à flot
Après le naufrage des spectacles pour papa.
Plume des seringues. « Font chier avec leurs
Pipes et leurs narines ! » Le guetteur dans l’arbre.
Lu les Vents de Saint-John pour passer le temps.
Poésie de la moustache. Suivi de Chronique.
Chez mon éditeur préféré. « C’est dangereux ? »
Quelle veine elle a ! Fréquenter le gratin
Du Largarde et Michard. À son âge. Chez le curé
Avec son béret tricoté dans les couleurs du drapeau
National. Cuirs frottés par la boniche bénévole.
Ça sentait le pipi et la crêpe brûlée. « Font chier
Avec leurs théories alors que la réalité s’en passe ! »
Piquousant l’interstice. Le propriétaire des lieux
En robe de bure. « Alors comme ça vous écrivez
Un roman » Porter la minijupe à cet âge. Décon
Tenancer le visiteur qui a payé son entrée au
Guichet de l’Enfer. Quelle comédie ne commence
Pas par une tragédie ? Ne serait-ce que naître /
« Il n’est pas encore né celui qui » / De quelle
Plume tenait-il son plumage ? Gambettes pas
Innocemment exhibées. Test des valeurs poé
Tiques. Celles qu’on apprend à l’école et dans
Les bordels sans façade. « Je suis ah ! je suis
Nomade et je vous ah ! je vous : aime ! » Plan
Séquence du cri éternisé par un seul tableau.
Je vous parle d’attente et non pas de mérite.
« C’est fou ce qu’il peut être con celui-là ! »
Des couples dont on attend le tango ou
La valse. « Marre de leurs rails et de leur
Fumée ! » L’inventeur de l’aiguille à injecter
Cherchait à serrer des mains. « Elle connaîtra
Le plaisir comme les autres » À dada sur mon
Bidet. Un bourrin sous les fesses des dames
Ici présentes pour servir de décoration. « Fa
Brication catalane garantie. Je possède aussi
Une ménagère complète cuite au four. »
Dans l’escalier des imitations
De la Villa Santo Sospir
Au passage laisse sa main courir sur les corps
De marbre antique. « Vraiment ? Vous ne
Voulez pas écrire ce roman ? C’est comment
Dire : incompréhensible. » Et pourtant elle
Comprenait ce langage : elle ne comprenait
Que lui. « ainsi tous ces noms latins sont
Noms de plume » Voui ! Comme qui dirait
Curriculum vitae. Ou autre chose inspirée
Par le Propre. Désir des communiantes :
Messe de la baise et de l’enfantement.
« Sont combien de crétins invités par moi ? »
Exécute la soustraction et le résultat l’épou
L’épouvante. Glisse un mot dans l’oreille
De la duègne. Elle secoue ses jupes. Vent
Des crevettes. « Après quoi courez-vous
Je veux dire : à part ces filles qui ressemblent
À leurs mères ? » Au ball-trap pas de plumes.
Maison des douves, les quatre roues en l’air
À la surface verte. Du pont retraçant l’histoire
De cette chute qui coûta la vie au seul héritier.
« Vous ne croyez pas ? Mais comment pouvez-
Vous résister à l’angoisse ? Car vous êtes fu
Funambule, n’est-ce pas ? » Pirouette des dames
Qui n’ont rien compris à l’Histoire de Mérovée.
« Les enfants ne savent pas encore. Taisez-vous ! »
Ouvrez n’importe quel bouquin en librairie :
Rien à lire s’il n’appartient pas à la souda
Nationale. Entrez dans la Bibliothèque en acteur
De la qasida. Avec l’acier qui convient au meurtre.
« Que sauront-ils si nous ne sommes plus là ?
Imaginez leur solitude dans cet espace infini.
Ce silence.
Vous avez une idée du silence, Geronimo ? »
Monte à cru les jours de fête seulement.
Sinon harnache. Panse. Cravache. Croise
Le fer sans mettre pied à terre. Et s’il y est
Forcé (chute) il regrette de ne pas avoir
Enfilé son armure hemingwayenne. Fête
Donnée pour les fous à la place de la messe
Traditionnelle. Pas trouvé officiant sur
La Web. Inventé la date pour être élu
Au conseil municipal. Perçoit la prime
Correspondant au déplacement. Mais
De roman, nada. Connaît des refrains
À condition de laisser son pote s’énerver
Après les fumeurs et les renifleurs-chiens.
Cathéter en vente dans les meilleurs plans.
Drainage total garanti. L’esprit ne revient
Pas du voyage. Vous revenez seul. Avec qui
Vous voudrez mais seul en dedans. Plume
Des culs aux folies. En simple Carmelin.
« Se tuer c’est se venger de ses parents »
Dit-elle / à n’importe quel âge ? dit-il /
Même au seuil d’une mort naturellement
Admise / « tu n’aurais pas idée de vouvoyer
Un chien »
Je sors
Pour vivre
Ma vie
Sans toi.
Lisait sans ciller la débauche à laquelle la poésie
Est en train de se livrer sans que la populace se doute
Un instant ô un instant
De ce qui se passe dans son dos / « à l’Université ?
Mais tu n’y penses pas ! Je ne suis pas faite pour ça ! »
Courts volumes arrivant par la poste au moins une fois
Par semaine / avec les petits cadeaux de la fidélité /
Devant le miroir se jugeant imparfaite mais parfaitement
Désirable : « c’est fou ce que l’existence leur inspire / »
Pas une trace d’invention là-dedans : des adaptations
Purement bourgeoises : « le peuple ne s’amuse pas :
Ivresse, hallucination, shoot : le choix triparti des :
VITRINES : soulager aussi la douleur / penses-y avant
De partir. Les parfums de la boulangerie au matin
Des rentrées : pièce d’or en poche : tinte sur le verre
De la caisse : patronne peu désirable mais sa fille
Est destinée à un autre héritage que le tien : des
Chars d’assaut cliquetant dans les rues d’une ville
Imaginaire : « ces conards de muslims finiront par
Détruire ce que les cristos nous ont laissé après
Avoir réduit l’esprit à la mendicité intellectuelle »
// « des fois je me demande si tu as conscience
De la beauté de la langue / de toutes les langues
/// cette capacité à trouver du nouveau se nomme
Poésie : » mais (dit-il) ces proses courtes et ces courts
Passages du vers sur la page c’est joli c’est même beau
Mais : ça ne trouve pas : / » SURÉCRIVEZ SI VOUS VOULEZ
SURVIVRE
En fond les boucles de la boîte à rythmes programmée.
Dehors la mer s’en prend à la côte. « Où sommes-nous
Maintenant ? » Pas loin d’ici / et pourtant je ne reconnais
Pas les lieux : « tu as dû t’endormir : vieux rails aux soudures
Tenaces encore » / « je ne me suis jamais sentie aussi seule
Que dans cet hôtel »
Et pourtant quatre étages en-dessous
Des larbins promenaient leur destin
En laisse / tutoient leurs chiens alors
Que je te respecte comme si je t’avais
Créée de toutes pièces : nécessaire
Cohabitation du plaisir et de la conservation
De l’espèce : Ouah ! Ouah ! Fais ouah ouah
À ton papa / risette à ton petit frère et slurp
Au voisin qui écrit comme Bukowski.
Pléthore sous prétexte de bien commun.
« que conserverons-nous
En âme et conscience ?
Le bien social ou le savoir-
Faire des meilleurs d’entre
Nous ? » Question posée
En séminaire par ceux qui
Ne veulent pas mourir
Comme les autres mourir
Sans laisser de trace hors
Du cimetière municipal
Destiné à la revalorisation
Des biens publics un jour
Ou l’autre : appartements
Comme communs diviseurs.
Documents et non pas œuvres.
Tuning à tous les étages.
Et en marge les réceptions
Données par les fils et les filles
De famille (comme on dit) les
Sujets de sa Majesté que Dieu
Lui-même a désignés comme
Valetaille du principe fondateur.
« je n’étais pas là alors…
— rigole pas avec ça…
— rien d’autre à branler…
— j’ai pas demandé le prix…
— Affiché le prix / en bas…
— descends toi-même…
— suicidons-nous cette nuit…
— c’est papa qui va pas être
Content / maman pas contente
Non plus : tant pis pour nous…
— et pour eux c’est pas tant pis
Peut-être… ? »
Dehors la mer fouette les rocs entassés
En digue : « voiles et mâts sont rentrés :
Vous pensez : on sait prévoir depuis
Longtemps : le métier : prenez un peu
De chair avant de retourner dans votre pays »
Gouttes remplies de la lumière des rues.
Comme insectes des routes dans les phares.
Jamais voulu finir avec une inconnue-clé.
Moi aussi je participe à la débauche de
Loisirs conçus pour pallier l’ennui et les
Questions de type métaphysique comme
On s’en pose entre le bénitier et le prie-Dieu.
Invitation au voyage dans les barriques :
Sel et vin et les odeurs du levain en masse
Dans ces matins promis au recommencement.
Dans sa tête (je veux dire : pas sur le papier
Led) cherche encore des battements imitant
À la fin le dramaturge des temps anciens.
Dactyles et spondées à la pelle : et croit
Avoir atteint le minimum requis pour passer
Pour un Moderne : plus le temps de critiquer
: « j’ai pourtant l’impression de venger papa
Pris au piège du ventre de ma maman : »
« Rigole pas avec ça » / qui finira de vivre
Avant l’autre ? / masse par vitesse au carré
Moitié requise : la vague emportant nos
Souvenirs : car c’était tout ce qui nous reste.
Ce que je peux aimer
Ces tours dans le ciel
Rose / et ces filles en
Robe de soirée déjà :
Attendant le véhicule
Qui les emportera elles
Aussi dans la nuit festive
Et peut-être pas aussi
Interminable que ça,
Les filles !
Ce que je peux aimer
Ces battements de peau
Imitée de la mienne /
Qui arrivera d’abord
Au contact de ce métal ?
« il faut partir d’ici (dit-il)
Avant qu’on nous en empêche »
Désignant l’horizon possible
De la nuit : dans un sens ou
Dans l’autre : ayant perdu
Le Nord /
Ce que je peux aimer
La possible aventure
Du présent au pays
Des solaires extases
Et de l’intuition mère
Des hypothèses nobé
Nobélisables / « retiens
Mon bras avant la
Fin » : ayant gagné
Un billet de retour
Sans elle.
« quand c’est pas la mer c’est toi ! »
Attente d’un premier rayon vitré.
Pendant un moment s’en tient
À la confusion lune-soleil puis la nuit
Passe à l’ombre : côté nord de la houle
: les façades imposant leurs angles
Au ciel qui rougeoie : « combien
De morts cette nuit, dis-moi, Blaise ? »
« ceci est un roman : rien n’existe
Que le roman initié par le premier
Cri / votre poésie c’est de la zizique
: qui croit au sacré tourne le dos
À la réalité : tous des prêtres je te
Dis ! Pas un soldat ici ni un poète
Sans langue ni patrie / ça croit
Et ça prie dans n’importe quel
Patois / nous irons vers midi
Une fois de plus : soleil ou pas
Pour activer les horloges.
Traduisent et retraduisent /
Croyant à l’infini comme
Moyen de ne pas se taire.
Mélange de services rendus
Pour mériter de se nommer
Soi-même : et des litaniques
Pressions exercées sur le cœur
: n’importe quel cœur acheté
En boutique à condition d’avoir
Du crédit : temps passé à /
Débiter le fantôme en tranches.
« nous irons pique-niquer sur l’herbe des golfs :
Veux-tu m’accompagner pour que je ne sois pas seule
Comme tu le désires depuis que je t’ai menti… ? »
Véhicule de location attend (attendait) la queue
Basse et la patte au repos : « avoir à sa disposition
L’animal qui obéit au doigt et à l’œil : comme
En poésie universitaire : souda des croque-mitaines
Du personnage joué depuis la plus lointaine
ANTIQUITÉ.
Arrive nu sur la scène : asexué ni vieillard ni enfant
/ moulin à paroles des recherches : théseur
Des occitanies / « n’oublie pas le vin j’aime
L’ivresse sans vision ni orgasme : pas seringuer
Cette fois : ça nous coûte un bras cette excursion »
Vent chargé (comme on dit) d’embruns et de hâles.
Frisottis des rivages en attente : la montagne
Descend en métal : route serpente sans arbres
Mais avec terrasses aujourd’hui sans jardins :
« quand on pense à tout ce qui est déjà mort :
Papa : maman : le chien : et le voisin pédophile »
Ne pas se marrer en entendant ça : ça la tuerait.
Or nous sommes faits l’un pour l’autre /
Mais qu’est-ce qui ne l’est pas si on prend
Le temps : d’accoupler les détails : jusqu’à
Ce qu’il en reste un : l’impair qui n’a pas de mot
Mais qui s’impose à l’esprit au moment d’en finir
Avec « ce don du ciel » (selon ce qu’on en sait
Faute d’en savoir plus, mon enfant)
CRISTAUX
En phase liquide / « promets-moi de ne pas te donner
En spectacle comme la dernière fois : » mais ce n’était
Pas la dernière ô Hélène / je cherche l’épectase faute
De trouver une raison de t’aimer / ne cite pas en exemple
Ton enfance : je connais des tas d’enfances et pas une
N’arrive à la cheville de la mienne / question du genre
QU’EST-CE QUE JE VAIS FAIRE DE MA VIE ?
En phase ce que vous voulez si vous lisez un roman
Que je n’ai pas écrit à la place de ces coulures
De l’existence.
Qui se sent doué pour l’écriture se trompe de monde.
Et ça vient comme n’importe quelle autre substance.
Soumettant le livre à l’épreuve de la débauche.
Péripatéticiens des trottoirs gras de doubles.
Passe en vélo et salue la critique des ascenseurs.
« tu n’as pas autre chose à faire dans la vie ? »
J’ai commencé par le Satyricon un jour de pluie
Et de grands vents ah ! c’était de très grands vents
Et ils venaient de loin pour me décoiffer / vents
Dans l’axe sud-est nord-ouest / jouant à cache-cache
Avec les potagers et les fenêtres des chambres /
Feuilles des piments en été et des choux l’hiver
Déchiquetées par cette lutte constante : fatigue
À la fin : ralentissement des fuites : mais impossible
Arrêt des machines / contre les vents les machines
/ contre les raz-de-marée des équinoxes / Shanti
À l’abordage de son fauteuil / inquiétudes ceci :
« je dois aller jusqu’au bout » mais c’était l’heure
Du pique-nique / éparpillement d’enfants sans le sou
/ beau reflet sur l’aile / baissa (baisse) la visière
Sur son œil expert : il prend note : chaque jour
journée est un chapitre de ce roman : à la fin
Il meurt comme don Quichotte : avec beaucoup
D’illusions.
(j’aime bien ce roman / pas vous ?)
Oui oui les romans
De la gare au tripot
Et du trottoir à la télé
Les romans sans virgules
Comme le vin de messe.
J’en ai lu j’en ai lu !
Avec des personnages
Et de fameux voyages
En enfer en croisière
J’en avais l’âme en feu !
Comment que ça s’écrit
J’en sais rien je m’en fous
Mais si jamais je peux
Moi aussi décrocher
Les étoiles du ciel :
Faudra alors que tu existes
En chair en os et en sommeil
Dans notre villa andalouse
Avec jardin mi anglais mi
Arabe : et un beau barbecue
Made in USA : raconte-moi
Ton histoire : avec la mienne
Ça fait deux : en faut-il plus
Pour exister et ne pas regarder
À la dépense ?
Ça fait combien d’épaisseur
Une vitrine en ville avec l’éclairage
Et les reflets de la curiosité ?
Petits pâtés des pendus du jour
Sur la tartine de pain perdu.
Pas de sucre dans le café STP.
Tu ne me connais pas mais j’écris.
Les pieds dans le raisin de ma vigne
Je bois le vin de l’an passé (à quoi ?)
Ce rhum vient de la Martinique.
Personne ne tue personne sans enfant
À la clé : un monde enfin stérile sans
Rien d’autre à faire que l’amour et
La lecture / oui oui les petits romans
Du kiosque Hachette avec abonos.
Comme la ville est nulle pour les yeux !
Et pour les oreilles c’est la conversation
Et les regards en coin : qui est la plus
Belle ? Extraite d’un roman à deux sous
Par un sociolote et une sociololote.
J’aime les petits romans de ma gare.
Les quatrièmes pour commencer.
La transparence des réalités quo
Quotidiennes et si mortelles ! / oui
Oui je sais tout de toi et c’est pour ça
Que je donne mes sous au libraire.
Les rancuniers font de longues carrières dans l’édition
Et de si courtes dans la littérature : cadavres des acrimonies
Dans les fossés aux vieux égouts.
Oui oui j’aime vos romans / leur sociolotie /
Esclaves de l’État mais heureux en ménage.
Qu’est-ce qui se vend mieux que les petits pâtés
/ à Séville ou ailleurs les pendus comme à Murano
/ barbouzes léchées par les noirs corbeaux
(comment voulez-vous qu’ils ne soient pas noirs ?)
Sans Pallas et sans fenêtre : la vitre nue de l’amour.
« Ah ! Ces retards qui s’accumulent !
On n’en finira donc jamais ! Ursule !
Changez de nom avant qu’on arrive
À bon port : j’ai blessé mon genou
Contre votre pied de table : appelez
Le capitaine ! Je souffre de douleur ! »
Si finalement le meilleur des plaisirs
Était le plus infime et le moins rare /
Grands vents ! Ça oui ! Un enbata du tonnerre !
Tournait les pages d’un exemplaire oublié.
Là sur le sable comme un coquillage : la marée
Menaçant son intégrité / « ya pas d’images
Maman ! » Poursuit vers le parapet où l’attend
L’équipage familial : le glacier coupe le jus
Et enfourne ses baquets dans son fourgon.
Fuite sans ordre des petits romans / quoique
La possibilité d’un hôtel peut expliquer
Ce qui se passe : touriste abolira les lois locales.
Reviendra et en lira le petit roman exemplaire :
Nueva edición de nuestras novelas ejemplares.
Qui va plus vite que la feuille d’automne ?
Plus vite que la goutte qui n’a pas encore
Rencontré sa vitre ou son visage ? / Que d’amour
En théorie ! Va pour l’intuition qui nourrit le feu
Universitaire ! / Attendait sur le quai qu’on lui parle
D’autre chose que d’actualité et de nouveaux produits.
Du forum au tweet même les plus précieux esprits.
« Ça te raccourcit le roman de Pynchon
Et du coup tu comprends où il veut en venir »
Raccourcissement ou circoncision / « c’est une question
De religion littéraire : pas le temps de te lire : j’ai
Tellement de choses à écrire ! Des pensées plein
Les couilles ! Sans prépuce je m’en sors. Barman ! »
Peurs et aversions /
telles qu’on ne sait plus
à quel saint se vouer /
vous vouez-vous vous ?
au roman mais j’en passe !
un chapitre, une branlette
et au lit jusqu’au matin
que le gréviste peint à la main
comme carte postale.
Nous aurons des extases devant les morts
De nos voyages / que d’acuités dans ce roman !
Tombes sans oiseaux pour chier dessus devant
La mer indifférente parce que morte / morte
Depuis longtemps : on n’y croit plus alors
On en revient toujours avec le même roman.
« Chantez de temps en temps mais pas tout le temps ! »
Ainsi vous aimez
Tourner les pages
Et sucer des bêtises.
Loukoum anal ça
S’intitulait je crois.
Peut-être pas loukoum
Mais anal j’en suis sûr (e)
Comme si j’y étais encore.
Ainsi vous lisez
Ce que les autres
Écrivent sur le cul.
Si nous nous aimions
Plutôt ? Ces toits
Sans oiseaux ni pères
Extraits de l’ombre
Pour donner la leçon
De leurs propres pères.
Ces toits sans vent,
Sans âge ni robes
D’été pour voler avec.
Ces pins qu’on dit parasols.
Ces coquillages vus de loin.
Ces canons que la guerre a laissés
Pour compte. Ces pages nues
Qu’on s’attend à noircir
Un jour ou l’autre : la vie
Comme spectacle de l’autre
En proie à sa possibilité
De retour. Toits sans piliers
Ni murs. La sente serpente
Parce que c’est son rôle
De serpenter avec les mots
Qui l’ont inventée il y a
Si longtemps que tout le monde
Est mort depuis. Orgasmons
Une dernière fois
Si tu le veux bien :
Et sans arrière-pensées.
Beaux calligrammes des reflets de vitrine.
Qui n’aime pas les murs de sa maison ?
Bel orage aussi / qui promet un doux repos
Derrière les vitres / envoyant la fumée
Vers le plafond / la langue tout excitée
Malgré sa pauvreté prosodique / appelant
Le vers à la rescousse / et sa rime si possible
Aussi léonine que la turgescence en cours.
Qui n’aime pas les murs de sa maison ?
Ce qu’ils appellent de leurs vœux.
Au sein de quelle expansion aussi
Sphérique que possible : circularité
Des obsessions. Vous n’irez pas plus
Loin que ces murs / même vus du jardin
Que la raison clôture par décret.
Beaux arbres sans intervalles de taillis.
Oiseaux s’y taisent en attendant la paix.
Surprit deux pinsons dans l’acte d’amour.
Sans amour mais avec passion.
Vit le nid en construction sur l’autre branche.
Veilla à sa pérennité tout le temps du printemps.
Trouva l’oisillon dans la broussaille
Et le donna au chat qui joua avec
Avant de se le faire piquer par la concurrence.
On aime les murs qui définissent l’habitation.
On ne pense qu’à ça au travail, en trajet,
En vacances et en cavale quelquefois.
Qui n’aime pas ses murs n’en possède pas.
Oui oui oui je les aime
Mes petits romans-pâtés
De sable sur la plage.
Avec de l’écume et des nacres
Mes petites histoires de cul
Entre bénitier et hôtel.
Nous n’avons pas d’enfance.
Ce qui est mort mort mort
Ne nous appartient plus.
Petits pâtés de nos pendus
Pour la cause : faut avancer
Si on veut trouver le moyen
De ne plus perdre notre temps.
C’est vivant vivant vivant
Qu’il faut exister pour aimer
Relire et même écrire
Nos petits romans de guerre.
« Ne marchez pas sur mon trottoir (dit-il)
/ c’est le quai de mes partances même
Si vous n’y croyez pas comme j’y crois »
VOUS AIMEREZ CE QUE JE VOUS VENDS.
JE L’AI AIMÉ AVANT DE DEVENIR PAUVRE.
Non non pas d’amertume ni de colère.
Des mots aussi simples que possible.
De petites constructions successives.
Je n’ai pas la dent dure à la morsure.
Ma langue connaît des douceurs
Que vous n’imaginez pas ô lesbienne !
Je m’attends à une douleur passagère.
Sur le roof de l’attente le bleu du ciel
Pour chapeauter les derniers mots.
Les reflets d’une peau humide de piscine.
La vôtre si la patience est à ce prix.
Une dernière métaphore et puis s’en va.
Votre oreille sur ma bouche sans langue.
La mort vous la coupe avant la fin.
Sachant que le cri peut s’en passer.
Raréfiez l’air et obscurcissez les lieux
Comme le veut la tradition.
Allumez le brasier au milieu du roman :
Oubliez ce que j’ai dit entre le début
Et la fin.
« Des fois j’ai des visions et des fois j’en ai pas »
Raréfiez l’air et obscurcissez les lieux /
« L’or va bien avec le cramoisi de nos dais »
Près du cadavre une couseuse et ma casquette
Que le chien a « découturé » / « des fois j’en ai »
Insiste-t-elle auprès d’une visiteuse étrangère.
Vite couverte de noir à l’entrée car elle ne venait pas
« Pour ça » / porteuse du feu d’un autre enfer mais
« celui-là je l’ai bien mérité » / poème-conversation
Alors que je n’ai pas dix ans : une 12 clouée au mur
Sa bandoulière de guitare / « comment êtes-vous entrée »
Bouffée dans le vestibule : toutes montant dans les stucs.
« je ne le connaissais pas comme vous le connaissiez »
De quoi parle-t-elle ? Je sais que les histoires s’écrivent,
Ainsi que les pensées (« si jamais on en a ») / mais des
Fois : on a des visions et ça nous rend malade / preuve
En est ce macchab qui n’appartient à personne : « il »
N’a jamais aimé à ce point : pour la casquette tu reviendras.
« Plus personne n’a envie de construire /
Ni même de déconstruire / surtout ce qui
Ne l’a jamais été / vie documentaire drama
/ séquences successives jusqu’à preuve du
Contraire / la pub vous remet sur pied à la
Fin / je ne vous dis pas ça pour vous nuire
/ prenez donc un croquant et mouillez-le
/ vous avez entendu parler de la mort en
D’autres termes ? / chacun sa hutte de paille
Et son seuil de bois mort / queues et trous
En quête d’une mort provisoire mais réelle
/ « qu’est-ce qui vous excite le plus ? » //
Avec jardin potager et même un carré de
Fleurs / voilà les outils garantis par l’État /
Vous m’en direz des nouvelles / ne fumez
Pas votre terre avant l’automne / mariez
Les plus jeunes : fille ou garçon ne cherchez
Pas à vous reproduire à l’identique / je vous
Parle depuis la station internationale / main
Caressant une bite qui n’est pas la mienne /
Dire que je laisse des gosses ! Ce temps perdu
Sans madeleine ! À la fin les champs de bataille
Vous paraissent moins injustes / coupez le son
De vos télés / cul nu dans les coussins resucez
Le crayon qui ne vous sert plus à rien sinon à
/ je ne vous parlerai pas longtemps car / chacun
À sa fenêtre avec des visons d’enfer plein les yeux
Alors qu’on se sent aveugle ou qu’on veut l’être
/ paille de nos murs et de nos toits à l’imprimante
3D / « comme si vous y étiez » / mais je pleure
Enfin / personne n’est mort mais je pleure : le vin
N’y est pour rien / auvent de vigne saturée de pa
De papillons blancs comme flocon de neige / JE
Ne voulais pas partir comme ça mais bon c’est fait
/ je vous écris depuis l’infini toujours sans solution
Satisfaisante pour l’esprit / ne comptez plus sur moi
Pour meubler vos silences / je parle une autre langue
Et elle me le fait bien comprendre / une cabane en
Alaska non mais vous rigolez ! Je ne suis jamais allé
Aussi loin ! Pas fait le tour de la terre avec vous ou
Sans vous : nous ne nous aimons jamais assez : ou
Trop tard : levez le nez et si pas de nuages choisissez
Celle que vous voulez : selon quels critères j’en sais
Rien / je l’ai fait moi aussi à propos de ce que vous
Ne savez pas de moi : je vous écris parce que je parle »
La ville ne dort pas.
Elle ne cesse jamais
De mourir de son feu.
De là-haut vient la nuit.
La nuit et ses petits fruits.
Baies des buissons de feu.
Allez d’un point A à un point
B sans passer par C ni D.
Trouvez alors le sommeil.
Ou rêvez avant de chercher.
Le bonheur est un autre.
Clou enfoncé dans la tête
Ou dans le pied selon que
L’on a de la chance ou pas.
Heureusement c’est l’été.
Perspectives noires des rues.
Phares projetant les ombres.
Qu’est-ce qui meurt cette fois ?
La ville mais encore / comment
La nommes-tu si tu en viens ?
Crasse des mains à force de murs.
Croit poétiser alors qu’il meurt
Avec elle / même avec plusieurs
Dictionnaires à la clé il meurt
Et la ville ne dort toujours pas.
Soyons tout. Écris histoire avec un s. Claque.
« Des cends plu tôt la pou bel le » / remonte
Avec le voisin et s’enferme avec lui dans un
Verre / Carlos de los Cojones a raison de penser
Qu’il vaut mieux éviter les ennuis avec les flics.
Écris amour avec un s. Claque. Elle se rhabille
En vitesse. Ne supporte pas sa nudité en pleine
Lumière. Mais joue avec les miroirs en experte.
« Ne re com men ce pas s’il te plaît » / claque
Puis écris / avec ou sans s / croit multiplier par l’s
Mais sans religion / le voisin a une crise d’angoisse
/ mais propre l’angoisse : lavée de tout soupçon /
Marchez sur l’enfant s’il fait mine d’exister.
« j’ai vu le toubib
Il est d’accord avec moi
Alors on s’y met
Le mois prochain
Avant les vacances
D’été dans cet hôtel
Où nous avons connu
Tu le sais bien le bonheur »
Crasse au frottement des murs.
Murs frottés par désespoir.
« Je ne joue pas toi non plus »
Nous aurons des enfants
De la patrie et du travail,
Des sans-famille au poil.
Pas loin qui veut se noie.
Mais ici on bande bien.
« ça te fait pas du bien ? »
De bander oui ça me fait.
Mais en venant je me disais.
« j’avais jamais autant grandi »
Je me disais que cette crasse
Dont ne veut pas le lavabo
On ferait bien d’y penser
Avant d’accepter de signer.
Glouglou des tubes. Soyons tout.
Eau chaude des murs. Des planchers.
« veuillez sonner avant de pénétrer »
Pourquoi ne pas se la faire seul
Cette existence de chemin ?
Prendre le nécessaire voire même
Le payer et ne pas rencontrer
L’autre d’aussi près / « j’y ai
Pensé figure-toi mais finalement
J’ai besoin de conquête en dehors
De ce putain de boulot à la con »
Paille des vents en lutte. Soyons.
Oiseau chie en parlant à sa mie.
Sur le zinc ça chie et ça parle.
Veut entrer pour visiter la nappe
Et le dessous de table déserté.
Ne dort pas dans notre lit mais
Sait construire son nid près du ciel.
Laisse traces sur la vitre.
Bec parle avec un minimum de mots.
Elle écoute et enfin se donne.
Ça va en faire du chahut au dessus !
« tu n’as jamais aimé les gosses »
Mais j’aime ce que j’ai été
Quand tu n’étais pas là
Pour me dire le contraire.
J’aime les friandises des boîtes métal
Métalliques / les miettes de croissant
/ les pelures d’orange pour jouer
Avec le feu de mes allumettes / j’aime
Tellement de choses que je me perds
En route / tu sais : sur le chemin de d’été
L’automne rencontré sous les feuilles.
J’aime m’en aller
Avec cette idée
Que je ne reviens
Pas avant Noël.
Ces temps. Spectacle en continu.
On vous amène de quoi manger.
Le sel de la soif. Soyons. Ne soyez pas
Sans moi. Ne suis-je pas avec vous ?
Comédiens usés jusqu’à la corde.
Dialogues de sourds. L’histoire avec
Un H. Un tremblement, docteur…
Je ne sais pas pourquoi je tremble
Comme ça ! / il m’a dit : va trembler
Ailleurs / « le travail d’abord / veille
Sur les enfants à ma place » Temps
Passés à relire celui qui n’écrit pas
Dans l’autre sens / Écran après écran.
Plus besoin de demander : c’est pro
Grammé / « qu’est-ce que je fais
De mon corps ? » Ne savait rien
Du mode d’emploi : un expert
À chaque table, dans chaque lit,
Chaque fétu de paille / chaque
Feuille même toujours aussi blanche
Qu’au matin / des savoirs qui s’enseignent
Mais pas juste pour savoir : maison
De fous : qui est le père ? qui es-tu ?
La chair recomposée / à caresser
Ou à manger : mais ne mangez pas
La chair humaine : ne condamnez
Pas vos enfants au cannibalisme /
N’aimes-tu pas mieux
Le fruit de l’amandier
Ou le frère du maquereau ?
J’ai lu ça dans un livre.
On peut aimer sans aimer.
Au passage les racines
D’asphodèle et les ailes
Des papillons / en montant
Vers le sommet où la croix
Étend ses bras d’équerre
Et de pivot / n’aimes-tu pas
Mieux le verre de gentiane ?
Pèlerins joyeux et partageurs.
Le fruit du noyer ou celui
Du mandarinier sauvage ?
Poisson dans l’eau avec son encre.
Ou crustacés des quais abandonnés.
Mine d’or en friche ses potagers.
Au pied de biche ses fenêtres.
« ils ont habité ici mais ils n’y sont
Pas morts » / j’ai aussi dans mon cor
Mon corbillon : « j’aime les fruits
Et leur alignement dans les cageots »
Qui est mort cette nuit ? J’ai entendu
Les grincements de l’ascenseur.
« partons si c’est encore possible »
Non je ne sais pas ce que c’est un poème
Si je le savais je serais le premier à publier
Ce que jamais personne ne s’avisera d’oublier
Tes fruits d’arbre conçu pour une lecture
Joyeuse dans la campagne que nous fuyons
Ensemble
Surtout ne me ressemble pas.
On aime ou on n’aime pas. Soyons. La vie s’achève
En queue de poisson. Possédons le moment à défaut
D’éternité : nous ne sommes sûrs de rien. Aimez-vous
La truite au jambon de Trevelez ?
Ne vous avisez pas de me ressembler.
Affirmateurs au banc. Le ciel s’élève encore d’un cran.
À force de mouvement la toupie quitte l’enfance.
Êtes-vous armé pour la fuite ? Ou nu comme un vers
Qui s’inspire du doigt ? Négateurs affirment. Mais soyons.
Façades des certitudes ouvragées au burin à même le ciel
Ou en atelier avant de perdre pied. Fabrique d’ingénieux
Inventeurs. Change d’idée en route. Épouse l’air de la chute.
Banc peuplé d’oiseaux qui chient en parlant. Si jamais
Vous pensez à me ressembler consultez les hauts lieux
Du malheur avant de ne plus pouvoir reculer devant
L’évidence de l’échec. Jeu dites-vous. Soyons. Marteau
En main. Fabbro. Ni feu ni autre chose. Des jardins si
Bien faits pour le regard. Mais vus de près on déchante.
Et la ville semble s’éteindre comme le feu alors qu’elle dort.
Une veille d’avance. « Vous reviendrez » / à l’heure prévue.
Vieille valise de papa et maman du temps de leur voyage
De noces. Venise dans la tête. Les pendus de Murano. Ah !
Oui j’aime les jardins
Arabes et ouvriers.
J’aime les carillons
Et les vitrines neigeuses.
J’aime ce qui se fait
Ensemble et pour toujours.
Même au prix de l’effort
Qu’on ne fait pas pour soi.
J’aime me promener
Au bras d’une inconnue
Jusqu’à la connaître enfin.
Avec elle biner les soles.
L’enculer à l’heure et sans faute.
Oui oui les jardins et la pub
Qui me procure le vocabulaire
Nécessaire pour comprendre
De quel bois nous sommes.
Soyons. Avec le voisin et la
Voisine. Avec les enfants
Des écoles et du cimetière.
Soyons le jardin de notre jardin.
Enfin… si possible… pas vrai ?
« des fois je pense comme toi »
Ville dort et l’Ural dans le jardin étroit
Ronronne avec ses chats / « je suis veuve »
Les Pyrénées d’Hendaye à Collioure / side-car
Au plaid écossais (pléonasme) / ou placitum
Se vend bien en braderie « ça placite ? »
Pas plus loin que la sortie de la ville où
Je dormais : les yeux dans le coussin lampe
Clignotant sur les murs (dit-elle) « tu ne
Connaîtras jamais la misère d’aussi près
Que je l’ai connue en des temps où téléphoner
Se faisait dans les bars à condition d’avoir
Inspiré de la compassion au loufiat / exige
Le meilleur anéthol aux frontières / l’Ural
Filait sur la X cheveux au vent entre les platanes
Ponctués de couronnes / Croix des Bouquets
Où il trouva la mort mais pas en voyage : il
Était en mission. Qu’est-ce qui nous pousse
À servir si ce n’est pas la peur de ne servir
À rien ? « des fois la poésie prend possession
De la page et alors (vois-tu) le « découpage
En colonne » comme l’eau des ruisseaux
Que nous franchissions pour atteindre les
Monts : retrouve traces et s’en réjouit car
Il y a longtemps qu’il les cherche : une carrière
À peine dérangée par les ours et maintenant
Les loups : ratés scolaires et même sans métier :
Ils sont destinés à l’hilotisme non sans conforts
Annexés par l’info et ses pubs : « nous avons
Besoin d’eux » La ville pas morte pour autant.
Ne sortez pas sans votre petit panier à provisions.
N’oubliez pas la CB ni votre DNI. L’identification
Est au cœur de la Raison. Commencez à cultiver
Le jardin des vieux jours : avec ou sans elle peu
Importe / mais achetez la charge au marché
Qui se propose à l’intelligence : « faut être
Con pour y renoncer comme ça par balle
Ou pendu à la poignée d’une espagnolette.
» Les grands textes dans la forêt des possibles.
La queue tendue à proximité des fesses d’enfant.
« Bon Dieu mais que peut-il bien se passer
Dans cette tête : un type si charmant » mais
Nous ne possédons que ce corps pour y arriver
Coûte que coûte « Nom de Dieu ! » Contraintes
Éprouvées par une longue expérience : colonne
Que Butor approcha en son temps de travaux
« opiniâtres ». J’aime les fruits du crépuscule ou
Au crépuscule : nous sommes morts depuis si
Longtemps : suicidés au bout de l’enfance et
Jouant le jeu de l’adolescence : « maintenant
Tu as peur de la mort » / douceur d’une joue
Avant fellation dans la roselière / la barque
Qui « prend l’eau » : elle la prend à toute
Brassée / peau sans écailles maintenant
Qu’elle est sortie de l’eau / elle née de cette eau.
L’Ural dans les feuillages. Ces cuirs venus de loin.
Cette ligne Imaginot « on ne passe pas » Ville
Et consorts. Quelle masse transportée ici ?
Quel volume jeté dehors ? Vitesse acquise
Par ces coulures de l’expérience. Ici, le vers
Ne vole pas de ses propres ailes : « suffit pas
D’écrire : faut garer son cul » / titillant les clitoris
De la page du bout de la langue : découvre
Le plaisir à l’âge où on en perd la trace /
Babel aux armatures de plomb : l’acier
De qualité manque : « on peut pas dire le
Contraire : faut bien reconnaître que cette
Débauche de savoir-faire (au pluriel) jamais
Ne remplacera le hasard : « j’avais jamais
Vu un poisson d’aussi près ! » Tétons à l’air
Ou au spectacle / elle n’enseignait rien et
Pourtant elle se donnait à fond non sans
Angoisse : « j’avais jamais vu une moto
D’aussi près ! » Ni les frontières qu’on ne voit
Qu’à la télé : « le mensonge ne sera jamais
Un péché capital mais c’en est un sinon
Pourquoi je prie ? » / aiment la foule y van
De compra : « je trouve pas ce que je cherche
/ aide-moi au lieu de reluquer les filles ! »
Colonne seule au milieu d’un enfer comme
Premier acte de la comédie de l’existence.
Un premier vers quitte le nid…
Horizontal comme le repos des après-midis.
Cigales au son de fuites de robinet.
Le vent vient de la mer.
D’où je viens ? Devine ! Oui !
En moto avec lui ! Jusque
Je sais pas où : nus devant tout le monde.
Le Monde nu sous les parasols.
Vers comme le premier essai
De voler de ses
Propres ailes
« toute cette poésie qui veut se vendre
Ou servir de ausweis » le cœur
Accroché aux avions
« Dragon revient sur terre
Avec six hommes à bord
Et une pute qui a étudié
Le comportement des vers »
Colonne fait un pas
Sur le côté esquisse
L’incipit du ballet qui
Lui trotte dans la tête
Avec ses petits chevaux
De bois et ses enfants
De papier et de suicide
Dessous la terre frémit
Et fend le béton armé
Où habitent déjà les
Les animaux jamais vus
Avec autant d’acuité
Depuis que j’ai volé
Après ce premier vers
Sans attache ni sentiment.
Tambours superposés
Pas plus que ça ta colonne
Qui sent les bonnes herbes
Du taillis et de la brousse.
« Ça arrive à quel moment
D’après toi ? Marre d’attendre
Cette Saint-Glinglin de la gravité »
La vie est toujours derrière soi, aboyeur !
Devant le mur des matins et des soirs.
Ruines antiques en prime. Avec Cinecittà
En perspective cavalière : fausses fuites.
« Suffit pas d’baiser : il faut comprendre »
Déplacement du festin saute-ruisseau.
L’aveugle se fait avoir par plus malin que lui.
Un vers coupa un nuage en deux.
« Pourquoi tu fais ça, merde ? » / ya
Autre chose à bouloter dans la vie :
« regarde ta mère et si ça te donne
Pas à réfléchir : va voir les filles des fois
Ça marche ! » Moitié de nuage descendant
Lentement sur les collines toutes proches.
Envol de divers oiseaux avec leurs insectes.
Feuilles déchirées retombent : « j’aurais
Pas dû venir » / et pourtant la barque filait
Vers l’amont et ses cascades / « jamais
Vu d’aussi près ce que l’homme peut penser
En pareille situation ! » / l’eau coule à l’oblique
/ « le phénomène artésien est une invention
Aussi pure que l’idée qu’on a du plaisir »
Vers envolé :
J’aime retomber avec toi !
Pléthore des messages et des exercices.
Une guerre en perspective. Pour clarifier
Le terrain de nos amours. Tapis jetés sur
L’herbe en feuilles. Mobilier de saison.
Petits pieds martelés dans l’or. Pluie
Fine des yeux. « comme le temps est
Court ! » D’aussi près que tu peux me
Déplacer sur ce qui est devenu un damier.
Alternance des contraires. Scènes plutôt
Que romans. « jamais prononcé ce mot
Qui appartient au vocabulaire des jeunes
Filles en route pour l’arrachement des yeux »
Les moralistes donnent leurs leçons à ceux
Qui la connaissent déjà mais ne trouvent pas
Les mots qui se vendent. Romans des prix
À payer pour se croire heureux en ménage.
Pattes des vers qui tournoient
Et par conséquent ne trouvent
Pas leur place sur la page / nous
Sommes donc condamnés à ce
Jardin plat comme le dos de la main ?
Nous n’en sortirons pas si toutefois
Nous en avons fracturé le portail
De bois pourri par définition et
Usage.
Analectic Songs. Quelquefois en passant.
« n’héritez pas si vous êtes possédé ! »
La page est une erreur de perspective
Comme tout ce qui est facile : c’est en l’air
Que ça vole : pas ici ! / « mais je suis veuve
Voyons ! » Dans la cour de l’immeuble refait
À neuf : l’Ural et sa poussière de ville pas
Encore morte / le fleuve appelle le passant
L’invite à boire ou à plonger : chaise de métal
Incertain / pièce d’or (la première) pas volée :
Reçue : « mais au nom de quoi, nom de Dieu ?
Fiche-la dehors avec les habitantes des lieux ! »
Lieux des colonnes que rien ne sépare.
Vous n’habiterez pas avec les autres si
Vous n’avez pas compris que l’heure c’est
Maintenant. Vers-oiseaux des cimes de la page.
Rien ne danse que l’esprit dans ces conditions.
Mains touchent ce qu’elles ne possèdent pas
Encore. Pièce paiera le retour. En train ou
Sur le dos du fils. « j’avais jamais approché
D’aussi près ce néant qui n’en est pas un
Maintenant que j’en vois le fond » / amie
Des petits animaux / « nous sommes chez
Nous ! Pas chez eux ! » Impossible de rayer
La vitrine sans diamant : la cagoule en sautoir.
« j’ai vu voler bien des vers mais jamais
Aussi haut ! » / Les montagnes sont les seules
Frontières, amigo / Crasse des murs sous les ponts.
Poternes des lieux de divertissement en attendant
La patience. « t’aurais mieux fait de te casser
Une patte, mon canard ! » Pourtant, avec le vent.
Élan rompu par la pluie. Pièce d’or in ze pocket.
Centimes du plaisir à gagner sur l’aventure.
Marches devant les vitrines dématérialisées.
« tu verbes ou tu verbes pas ? » / queue
D’illusions ! Non pas colonne mais queue.
Autre attente qui n’est pas autre chose que
L’impatience : avant queue / romans des
Casuistes de la librairie / « voilà comment c’est »
Ni pourquoi ni avec : prédicants des brasseries
En vue / « t’aurais mieux fait de succomber
À la tentation » / une fois mort on est mort
Disait le voisin de manège / nos petites imitations
De la réalité : données par la hiérarchie dite
« naturelle » par les « meilleurs d’entre nous »
/ ils sont partout : en bicyclette ou en vente
Dans les meilleures librairies / « jamais je n’ai
Été aussi près de l’avoir ! » Mais Pièce-d’or
Changea de poche : revenu à la maison sans.
« t’as pris du plaisir ? » J’en ai. Mais ça n’a
Pas duré. J’en veux une autre ! alors vers
De papa s’envole :
Je le savais !
avant le mien / enfin : si ça arrive un jour /
Couvercles des poubelles familiales.
« Des cends là » / Grottes visitées
Par les instances gagnées sur la
Guerre / Ouvrier aux lunettes neuves
/ compulse les épaisseurs de papier
/ porte le tablier neuf de l’été passé
À profiter des bienfaits de la société
Vente & Achats à toute heure / Peut
Lire dans les livres si ça « raconte »
Quelque chose / « Faut qu’ça parle ! »
Ne coupe jamais le son parce qu’il veut
Entendre les choses l’une contre l’autre
Se frottant pour le bien de la compréhension.
« Ne savent pas se rebeller »
Au café sous les branchages
Travaillés au couteau avec
Des oiseaux à chasser mais
Ils insistent : comme si on avait
Besoin d’eux / Détruit le nid
Pour prévenir et ne pas avoir
À courir / Vasard joué à pile
Ou face / « la rébellion est
Un art » / On a beau sortir
Les poubelles tous les soirs
Avant l’extinction des feux
De joie : père et mère au lit
/ avec des projets plein la tête
/ d’un été à l’autre et maintenant
L’hiver : pris au piège de la joie
Comme ersatz du plaisir : morale
S’étiole sur le fil des croyances
« dures comme fer » / Poubelle
Des soirs été comme hiver pas
Un domestique en vue : faut
Y aller seul et croiser le voisin
Joueur de mandoline dans un
Quatuor de danseuses du ventre.
« Tu l’as descendu (e) ou pas ?
— J’en sais rien si je l’ai descendu !
— Tu sais jamais rien au moment
Où il faut le savoir ! » / Et l’été
Ne se partageait pas sauf « en théorie »
Qui n’aime pas flâner si ya quelque chose à faire
D’autre que de se débiner devant les difficultés
Liées à la nécessité de continuer jusqu’à ce que
Ça s’arrête ?
Ne raisonnons pas en philosophe
(songea-t-il) ô Grand-Vent venu
Du large où je n’irai jamais parce
Que je ne suis pas fait pour ça.
— Pour quoi que t’es fait alors ?
— Demande aux enfants ! » //
Comme ça serait beau une poésie
Aussi belle que le plafond sixtinien !
Gueule émaillée des retours du travail.
Maruxina / Mira como vengo yo / Au
Café exhibant le béret neuf car celui
Qui a longtemps servi s’est perdu
À Venise : elle et moi et le petit lion
« Comme c’est beau ! » / rêvant de
Revenir chaque été : « Est-ce que
T’as une bagnole au moins ? Je veux
Dire une qui peut y aller… » / Poubelle
Pour éjaculation : « Demande aux enfants »
Ou au petit lion venu de loin pour
S’éterniser là-haut : « On a pas idée
(nous) de penser à des choses aussi…
— Qu’est-ce que je vais dire à ma fille à propos de…
— Tu f’rais bien de penser à autre chose… »
Êtes-vous content (ou satisfait)
D’en savoir un peu plus que les
Autres ? / Qui n’aime pas ses murs
? De qui hérite-t-on du droit d’habiter
Où ça nous chante ? Comme ce serait
Chouette une poésie suspendue !
Juste pour exercer le souffle / en bas
Soufflant entre ses mains pour voir
Comment ça reprend à l’existence
Ce qu’elle a voulu lui confisquer.
Ode / et puis quoi encore ! Des bamboulas.
Mais sans tambours ni trompettes. Fonte
Des neiges tôt ou tard. Les Alpes dans la vitre
Et des morts dans les nécropoles / en cascade
Les morts qu’on n’a pas tués : bamboulas
Au tison : les loups surgis du néant où
La pratique du Bien les avait rejetés sans
En tuer l’âme toutefois / aèdes et rhapsodes
Se partageant le butin des spectacles :
« Si jamais tu reviens pas je te quitte ! »
La tentation est grande : le Monde aussi
Est à la portée de l’égotiste / il ne s’y perd
Pas / ne jamais rencontrer / passer outre
/ chacun son verre ou sa pitance / pas
De complaisance mais par autotélie
/ « ne remonte pas avec le couvercle ! »
Croise un chat qui appartient à Catherine.
Voit de la lumière sous la porte. Craque
La marche. Il attend : mais ne l’entend pas.
« Comme ce serait beau, Engeli ! » / le ciel changé
Pour le prix d’une chanson ou d’un récit digne
Des meilleures mythologies structurant encore
Le Monde tel qu’on le voit : par écran interposé.
« Il manque une dimension à la réalité » / combien
En reste-t-il ? / le vin coulait à flot / toutes sortes
De vins / menstruels si possible / cratères des éjaculations
À l’entrée / « vous avez l’âge que vous avez / j’en
Connais des plus vieux qui bandent encore »
Friperie à l’encan sur les roofs : ça prend la pose
/ parfums divers mais vus à la télé / « comme
J’aimerais entendre ça ! » / chacun consulte
Son oignon : l’emploi du temps est un principe
/ usage des toilettes / « je ne suis pas venue pour »
Mais vous êtes venue et je vous retrouve / n’ayant
Rien oublié des paroxysmes non verbaux / n’ayant
Rien d’autre à redire / l’été toujours pourri par
La pluie ou les feux : « tout ce chemin pour étouffer
Aussi bien que chez nous ! » / qui suis-je si je n’ai
Pas la chance ? Qui a cessé de me hanter moi aussi.
Quelque chose comme un livre… Pourquoi s’y
Soumettre ? À votre âge ! Avec votre expérience !
Cette connaissance des moindres frémissements
Qui annoncent l’action ! Ne cherchez plus le rythme :
Cherchez-moi. Possédez-moi. Trouvez la poubelle.
Descendez-la. Arrêtez-vous devant le paillasson
De Catherine. Plus toute jeune mais fêtarde.
Bamboulas. Kam-bumbulu. Pourtant dans le silence
De la nuit. Traversant ce Monde entre les guerres
Et les catastrophes naturelles. Entre les êtres.
Caressant au passage. Guettant le vent, la pluie,
Les niveaux, les changements de couleur. Qui
Êtes-vous si vous ne possédez rien ? Sans oublier
Le néant que vous avez creusé sous la maison
De votre père (héritage de la mère) / tristesse
À tous les étages : laissez votre clé au portier
(qui est une portière) / des catherinettes en fleurs
Derrière la grille comme au couvent / « vous
Ah vous n’y songez pas ! Vous n’êtes pas Ezra ! »
Y songeait. Rien de mieux écrit que Molly. Ni
De plus définitif. Monde arrêté en début de siècle
Puis l’ « or du temps » s’est perdu en chemin /
Nous aurons des / petits pirates aux alentours /
Sur les roofs ou les quais : en attente de gloire
/ ou en tout cas de reconnaissance officielle /
Anarchistes au Carnaval des années de joies
Plus liées au pinard qu’aux instances du texte.
Justine et Anti-Justine. Restif à la rescousse. Les
Poètes du crime mis à l’index par des prosateurs
En robe prétexte. Fentes du nombril au creux
Des reins. Au balancier ouvragées. Tenu à un fil.
Rien n’est beau comme ce qui ne l’est pas. Arrgh !
« Ma première expérience avec
Le sexe des autres / vous voulez
Dire celui que les autres possèdent
Comme je suis dépossédée du mien ?
Vous cherchez à me faire parler
Pour que je dise du mal de ça /
Mais je ne me souviens plus /
Tout ce que je sais c’est que ça
S’est fini avant / ensuite on s’est
Quitté bons amis / oui oui c’était
L’autre sexe : Oh ! Qu’allez-vous
Imaginer ! Je ne suis pas comme ça ! »
(véridique)
Que se passerait-il s’il ne se passait rien ?
Ou si ça se passait ailleurs qu’ici avec vous ?
Sans famille ni rien à vous dire sur le sujet.
Vous connaissez Nantucket ? Nous aurons
Des romans pour remplacer la poésie.
(dit-elle) / l’Histoire sans cesse s’immisçant entre les vers
De l’épopée : « ce qui rend la lecture difficile voire impossible »
Les poids des années puis des siècles : poésie à l’Université.
Chasseurs sachant chasser. Mais Anne ne voit rien venir.
Carcasses abandonnées ou livrées en pâture à la librairie.
Qui sommes-nous si nous ne sommes rien ? Au café sous
Les branchages entrelacés des platanes malades du chancre.
Peignait cette encre de Chine au doigt. Chiures sur le métal
Écaillé des guéridons en rond : la canne aussi, trop vieille
Pour servir encore : son ivoire et ses ciselures : donnait
À admirer plus qu’à voir : ce qui se cachait dessous /
Difficile : entre Molly et Ezra cherchant à exister /
Anne et Catherine au balcon : ni plus ni moins amies
De toujours / à l’Histoire les réminiscences : et les pensées
Du moment : « je te parle d’un temps » : lais grotesque
À la clé du tombeau / « nous aurons » / mais qui n’a pas ?
Avant j’aimais les jours de pluie
Pourvu qu’il ne vente pas.
Le vent emporte tout ce qui a
Une certaine valeur à nos yeux.
J’aimais la roche battue par l’écume
Et les brisures de coquillage
Pour servir de poème à l’équinoxe.
Mais tu n’étais jamais là.
(chantait-il)
J’aimais voir mourir le poisson
Dans la flaque aux algues rouges.
Éclats de métal cloués dans le moindre
Plan de roche visité pieds nus.
Avant je t’aimais toi même sans la mer.
Je revoyais ce que j’avais connu avant.
Je me jetais en pensée du haut
De la falaise rongée jusqu’à l’os.
Mais bien sûr tu ne réfléchis pas
Avec moi. Tu penses à tes petits
Pieds martyrisés par la promenade
Sur le pavé de la belle et vieille Venise.
Avant j’aimais la simplicité des choses.
Mais tu compliques les voyages.
Nous allons à Venise sans voyage.
Nous prenons le café au café.
Non je n’ai pas connu cette joie
Qui consiste à enfin posséder
Ce que le rêve a cultivé en nous
Depuis si longtemps qu’on a oublié
Si cet enfant était aussi le nôtre.
Tsoin.
« La douleur, Engeli,
C’est l’attente de l’heure.
Car me voilà au lit :
Il faut bien que je meure… »
…les couilles au ras de l’eau.
Pieds dans les sables et les galets.
Jolis galets tout ronds
Épars sous la surface
Immobile des eaux
Montante’ en ce temps-là.
Sifflotait.
« J’ai connu mieux naguère :
Avec papa au front
Et maman à l’ouvrage.
Je ne sais plus si j’ai
Souvenir de tout ça
Ou si je me raconte… »
Sifflotait toujours.
Mains aux coquillages.
Fille suivait en minaudant.
Derrière le parapet
Des nonnes en vadrouille
Matinale : « Ça doit vouloir
Dire quelque chose si j’existe
Encore : pas vrai, les amis… ? »
Ne plaisantait pas avec
Les économies à faire
Du côté de la courtoisie.
Changeait sans cesse
De braquet : méconnaissance
Des lieux et de leurs surfaces.
N’a jamais habité nulle part.
Ni même passé des vacances.
Pourtant elle suivait, jetant
Des regards inquiets
En direction du parapet
Où les nonnes passaient.
Brise de terre dans les plis.
Chantait dans son lit
Les jours de pluie :
Le corps flottait ce qui prouve
Qu’il avait coulé avant combien
De temps le journaliste n’en
Savait rien la table voisine
Était occupée par des étrangers
À l’accent venu de loin la fille
Voyait toujours les épouses
En blanc filant à la surface
Du trottoir avec une mouette
Chacune sur l’épaule gauche
/ il ne raisonnait plus maintenant /
Calmez la douleur sans ajouter à l’angoisse.
Des fois il se réveille sciant ainsi le rêve et
Ne retrouvant plus le sommeil malgré notre
Science de l’injection : se croyait à San Quentin
// ne rigolez pas si vous trouvez un manuscrit
Dans ses draps / « j’ai vu ça plus d’une fois :
Le type se sentait si seul qu’il proposa de payer
/ et comme j’avais pas le sou… vous comprenez
… ? / des fois on hérite et d’autres fois pas »
Sifflotait en gémissant.
AUM des moments difficiles à passer.
Le corps flottait dans à peine
Vingt centimètres d’eau le
Journaliste avait rédigé ça
À la va-vite et la brise brise
De terre ou de mer ça n’avait
Plus d’importance maintenant
Pas plus que la marée et la
Position de la Lune dans le viseur.
« Ça rime ! » / journal froissé
Sur la table voisine soudain
Désertée : comme s’il fallait
Se retrouver seul avec elle :
Une des nonnes embrassait
Une gerbe de fleurs blanches.
« Où vont-elles ? Je ne vois pas
D’église ni de couvent… » Fuiiittt !
Des Chinois en pagaille : et des prospectus verts.
Il se pencha pour voir le fond : herbes et galets
/ pas de traces de coquillages : « on se perd ici
— c’est parce que tu n’écris plus…
— je vais bientôt mourir…
— encore un roman ! »
Il faut que ça finisse et pourtant il aime ça :
Le monde qu’il connaît depuis longtemps
/ il est revenu : assis sur le parapet avec
Le vent que la terre nourrit de ses rues.
Ou bien c’était le soir avec les moustiques
Et les odeurs du large : ni jour ni nuit ici.
Existence des brises à la place du bonheur.
Couleurs des palettes abandonnées. Sourire
D’une fille en robe blanche le vent dévoile
Des cheveux courts en boucles vivaces /
« je ne suis pas venu pour ça…
— pour quoi alors… ?
— le journaliste parle d’un noyé…
— ou d’une noyée… il ne sait pas…
— la décomposition des chairs
S’en prend à la ressemblance…
— tu devrais penser à autre chose…
Un nouveau traitement… j’ai entendu
Dire : — promesse de journaliste / »
Aller au bois et y cueillir
Les fientes du rossignol
Avec ou sans toi mon amour.
Boire dans le wasserfall
Les vins des vignes vierges.
Têtards et fretin des rivages
En spectateurs velléitaires.
Fruit fendu dans les herbes
Ne deviendra pas grand, ma
Mie, ne connaîtra pas la vie
Comme tu la connais avec moi.
Au bois avec mon corbillon
Et mes sandales impossibles
À ôter pour faire trempette.
Le rossignol envoie l’orchestre
Dans les coulisses du temps.
Petit lapin pressé par les aiguilles
Au mécanisme faussé par l’art
De se taire au bon moment.
Comme c’est joli ce qui est joli !
Encore un peu de vin et de victoire,
Ma mie : nous sommes arrivés
À bon port : la mer au bout du fleuve.
Et le bois en partance avec son ro
Son rossignol flûteur de fessées.
Sifflotait.
Comme jamais.
S’étonnait
La gardienne
Des lieux.
Un reflet sur la vitre.
« il veut respirer » / journal entre les mains d’étrangers
Couleur de brique trop cuite / dictionnaire à l’appui
« faites ce qu’il vous demande » / la dame a des dents
De pur ivoire éléphantesque : quand ils sont passés
Avec le corps aux yeux grands ouverts elle a pleuré
/ pas pu retenir larmes de crocodile : des vrais : pas
Des larmes de juge aux affaires matrimoniales : des
Larmes importées avec leur cuir : aussi le fleuve vert
D’algues et de dos : « j’ai ouvert la fenêtre comme
Il l’a demandé » / « vous suivez le rythme maintenant ? »
Cache-misère des mythologies : « mais a-t-on inventé
Mieux… ? — pour dire quoi ? » / c’est joli ce qui est joli
/ entrait dans l’eau avec cette idée que la profondeur
Est limitée par l’usage ordinaire : couilles comme poissons
Et les pies se posaient sur l’étrange rondeur des galets
/ des fois l’herbe comme les pattes d’un crustacé sortant
Pour jeter un œil sur ce qui change le voisinage en série.
« j’ai tellement peur quand tu dis ça : » / mais peur n’avait
Pas : relisait au lieu de changer le vin en eau : pas le temps
De nous expliquer / le temps menaçait de changer avant midi.
Qui es-tu, femme crépue ?
Et toi l’homme de toujours,
Que viens-tu chercher ici ?
L’Histoire pourtant te donne
Raison / mais tu ne sais plus
De quelle pureté il est question
Ici : ni de quel sens de la perfection.
Croix glaives plantés dans la terre
Natale ou étrangère, conquise
Ou perdue / pas d’enfant pour
Le dire aussi clairement que ça.
« C’est l’ennui qui me fait siffloter,
Figure-toi » / ou autre chose mais pas
Ce que je sais du temps pour en avoir
Usé plus que de raison : au travail des
Jours comme en rêve / comme c’est joli
Si c’est joli ! Sifflotait même dans les églises.
À Venise par exemple si elle existe encore.
Mais je ne suis plus sûr de rien, ô rossignol
Des bois si jolis que j’en ai le cœur à l’envers !
Enleva celle qui voulait devenir nonne.
Viola son secret sans l’emporter avec lui.
À la table voisine le journal se laisse feuilleter
Par la brise de terre / cendrier dessus avec
Cendre encore vivace / verres vides maintenant
/ « tu les connais ? » voulant dire : « tu la connais ? »
Il allait vite pourtant.
Il ne regardait pas deux fois.
Il aimait la logique
Et ses analyses.
Se fichait de la mémoire
Des autres.
« Ne grimace donc pas
Quand on te parle
De choses aussi importantes
Que ce qu’il faut en penser ! »
Brancard non vide au passage des premiers
Visiteurs du jour / « comme on se ressemble ! »
Trouvait jolis visages des enfants sauf dans
Le miroir de sa poussière d’or / « au moins
Nous savons où nous sommes »
Jolis creux
Des vagues
Au reflet
Des lunettes.
Ça me prend
Des fois
Quand je
Mens / ô
« as-tu pensé aux siècles, au millénaires,
Aux ah ! je ne trouve pas les mots ! »
Meubles des poésies / brises pour mesurer
Le temps / en ville nous bousculons le temps
Pour ne pas perdre pied / ici l’eau prend tout
Son sens / éclabousse par jeu : enfant en joie
Et coquillage étonné : peaux ruisselantes /
Gazouille en attendant / dans le lit attend
Et pépie comme s’il avait un jour d’existence
Derrière lui / et devant : la nuit sans fin / amour
Déçu pour prix du labeur dont la trace est aussi
Vraie que n’importe quel aspect de la nature.
Rien ne s’est usé : pas le temps de l’érosion /
Damasquiné par ses excès il s’apprête à rouiller
D’un côté et de l’autre à cesser de se voir dans
Le miroir de sa fée : « nous avons deux enfants :
Un garçon et une fille — l’idéal » comme la pierre
Et ses deux coups / « merci pour la traduction
— mais je n’invente rien !
— pourtant il m’a semblé…
(elle : tu la connais ?
moi : jamais entendu parler d’elle !
elle : ce n’est pas ce que je ressens…)
— oh ! non, vous vous trompez… »
« Mon Dieu que c’est facile à lire !
Mais je ne sais pas le redire… expliquez
-moi ça… » / voyait le rétrécissement
Ainsi que le ralentissement à l’aspect
Gluant des murs : aussi assourdissement
Des gazouillis avec cuculs à l’appui.
Spectateurs descendant des côteaux
Jouxtant ce paradis gagné sur l’attente :
« il est où l’Enfer promis dès la première
Révolte ? »
« Rigolez pas avec ça !
Ça leur fait un mal fou.
Elles en meurent mais
Vous n’êtes plus là.
Imaginez le roman…
Fini la ponctuation
En usage dans les meilleurs
Théâtres de la cruauté !
Racontez-leur plutôt
Une histoire d’amour
Qui finit par commencer.
Vous gagnerez de l’argent
Et aussi de l’estime et même
De quoi alimenter vos propres
Fantasmes / vous en avez
Non ? Tout le monde en a. »
« veulent pas comprendre qu’il n’y a pas d’élite
En poésie
À chacun sa gloire /
Entre le lit et le boulot :
À la place des jeux conçus
Pour passer le temps
Et goûter aux joies
De l’ivresse et de l’autre
/ savoir profiter en maître
De cette attente toujours
Passée à projeter le film
Acheté avec le contrat.
Ce que je vous propose est une autre conception
De l’égotisme
Le zinc transporté
Dans les foyers devant
L’écran et ses tactilités
/ avec un gosse en prime
Et la promesse d’un impôt
Plus juste et mieux rejoué
Sur le tapis des normes.
Crrrrr… (dans l’oreillette du Foxhole / Sally volupté)
[continuez]
Vous m’avez promis une retraite avec la maison /
J’ai promis à mes enfants de ne pas vider mon compte /
Si vous la connaissiez : cet instinct de survie comme louve
/ en hiver rôdant autour des hameaux avec les siens /
Crrrr… (cristal) trouvé au cœur d’un galet dans la rivière
De mon enfance : vase toujours noire à marée basse :
La digue en construction puis détruite alors
Que j’étais revenu pour photographier
Avant que ça se perde pour toujours /
Sally conseille de fermer les yeux sur l’épaule
De sa partenaire / Sally et Ezra sur le tarmac /
« je ne suis pas venu vous saluer : renseignez-vous »
Valéry au matin dans son encre comme chipirón /
Les beaux cimetières menacés par les changements
Climatiques : chiffrés mais je n’ai pas dépassé
L’usage douloureux de Bouvart et Ratinet /
Ou : Bouvard et Ratined / me souviens plus
/ des gosses jouaient avec la neige crasseuse
Des trottoirs dans la rue du Commerce : Georges
Pédalant pour démarrer le moteur de son Solex
[continuez]
Interrogeait un oiseau mort : ça me revient /
Qui n’a pas quelque chose à dire à son voisin
/ et pourtant ne le dit pas : ou suggère
Parce que la vérité n’a aucun charme /
[ça devient compliqué : abandonnez la transmission]
Washington, D.C., District Jail août 1948 puis prix
Bollingen : Axis provoqua plus d’une turgescence :
Mais la preuve ne fut pas rapportée : l’inventeur
De la Foxhole débarqua comme prévu : Fuller
Dirigeant le faisceau de son objectif dans le sang
Et distinguant nettement la couille du mollusque
Nommé olivia / genre conus / [rire du musidor
En état de parler] / crrrr… »
Ensuite je suis rentré chez moi
Et j’ai regardé les infos sur mon écran
/ dit l’enquêteur imaginé par
Le poète à la place
Du héros mythologique
Conseillé par Sally
Dans le Telefunken
/ bizarre que je sois seul
Maintenant que la nuit
A perdu son sens / pour moi
En tout cas / loin de toute
Source ou fontaine où revivre
La première rencontre /
Clé des Songes Verts en Prime
*************************
Ratiboisez la chanson foxhole
/ le blind pour le moins chanceux
/ guignard de service au top
De sa forme / qui êtes-vous
Princesse des Ténèbres ?
[continuez]
Un peu de verdure me rendrait heureux
[il ne retourne pas chez lui : bifurque]
Mais pas en pot ô magie des vitrines !
Pas ces sumacs devant ma porte / carnet
À l’encre de Chine en édition numérique :
Vous rêvez de papier comme si l’identité
En dépendait /
[je perds le fil de la narration
Qui pourtant s’impose aux hasards
Qui déterminent cette existence
De salarié au service du Bien /
Avec Chronique dans les vitrines
/ voulez-vous que je change de position ?
Triangle des visées / je vous calcule
Ça en moins de deux / ramassez
Le blind avant que je me mette
À voir : dans le Teléfunken Sally
Et à l’autre bout de l’Europe
Ezra en pleine discussion avec
Le popolo / eaux gelées du Cocyte
/ Anténore jusqu’au cou : marre
De ces conneries héritées du désir
D’Ordre : vous le voyez maintenant ?
Il rentre chez lui « prenant par le canal »
/ un type comme les autres sauf
Qu’il n’a pas le Pouvoir dans la poche
Ni une parcelle de cet héritage
Si ancien qu’on en a perdu le fil /
« des fois je m’angoisse des fois non /
Paraît que les Suisses ont une solution /
Les Chinois financeront l’intégralité
De nos besoins vitaux : y compris
L’espace : nouvelle patrie avec Sally
Et Ezra au micro : puis le Momo
Tambourine sur son xylo / olivia
Cueillie au passage de la caméra :
Douta un instant de son innocuité
/ puis la rejeta dans l’écume source
De poésie comme d’ennui : conus
En prime : vous le voyez maintenant ?
Traverse rues et écrans sans se soucier
De son apparence : salue flics
Et commerçants d’un même geste
/ sourit aux enfants comme si
C’étaient les siens : pense tirer
Un coup avant de s’endormir /
silence : bruit blanc puis coloré]
Nous aurons des… [brownien en cours]
« je ne sais plus ce que je veux / je sais
Ce que je ne veux pas : mais qu’est-ce que
Vous rendez crrrr possible ? / — Qui ça ?
Nous ? »
Suffirait pourtant d’un peu de verdure
/ avec des fruits et des couleurs des ailes
Et toutes les variations possibles du bruit
/ crrrr barques sans bruit au fil de l’eau
/ les dimanches et puis plus rien à glaner
/ [il arrive :] Sumacs des trottoirs : grandissent
Plus vite que mes enfants / devant ma porte
Les feuillages figurant le parasitisme global
/ procédé viral en cours : mais j’ai déjà vu
Comment ça se passe à la campagne : sans
Avoir rien à faire sinon regarder et écouter :
Imaginer le débat de l’homme avec sa nature
Maîtresse des lieux qu’il ne possède plus
Depuis longtemps : et ces conneries de cercles
Qui imposent les idées de justice à l’enfant
Perdu pour la production en série et ses
Applications réglementaires / « me voici
Enfin arrivé » / [monte ou descend] / murs
Toujours perpendiculaires : parallélismes
Des cultes / « quelle place occupez-vous
Dans le concert des cris ? » / un peu de vert
Dans cette politique du rassemblement ah !
Ne me ferait pas de mal : enfin un instant
De loisir sans véritable apaisement : juste
Le sens : jetant l’appât au pistolet à ressort
/ ils viennent et se renseignent / voient le type
Genre Tityre sur la berge : dactyles par six
À la douzaine / Carmelin et Sancho dans
Un bateau : pince-moi avant que je m’éveille
/ au balcon :
Tirelire des creux
Et tintouins des vides
/ j’ai la dent molle
À la rescousse / ici
On ne rigole pas avec
La précision : oiseaux
Des feuilles et des eaux
/ où t’as mis ta piécette ?
Sans elle tu n’es rien !
Je t’ai dit : tiens ta langue
/ c’est pas le moment
D’en dire plus que nécessaire
/ cherche-la maintenant !
Voilà le temps perdu :
Une goutte d’eau dans
L’immensité de l’herbe
Qui pousse entre les eaux
/ une piécette qui me venait
De ma famille qui est la tienne !
/ perdue peut-être pour toujours !
Cherche et ne reviens pas sans poissons
Nous avons besoin de manger
Autant que toi maintenant
Que tu sais nager grâce à papa /
Piécette ô ma piécette [d’or
Ou d’argent il ne sait plus]
Je t’ai perdue un jour de joie
/ tombe à genoux dans l’herbe
À croissance logarithmique :
« Notre père qui êtes aux cieux… »
[quelqu’un l’attend en attendant]
Il dit (sur le mode persien) : « Le
Vent emporte le vent et l’âge »
Maintenant il sait et ça fait chier
Papa / [continuez avec Sally
Et Ezra au micro]
Alors que voulez-vous j’ai continué comme c’est écrit.
Je voulais devenir riche et heureux de l’être même si
Ça ne pouvait pas durer aussi longtemps que je souhaitais.
J’ai cherché des rythmes sur les ondes et je les ai trouvés.
Je suis toujours aussi seul mais rien ne me rend plus heureux
Que de le savoir au lieu de me demander si je ne deviens pas
Fou à force d’y penser. Ne me regardez pas quand je vous
Parle ! Je ne suis après tout qu’une application comme
Une autre : d’un ensemble sur un autre. J’avais un Solex
Dans le temps : j’ai possédé un tas de véhicules mais ça
Ne me distingue pas des autres que vous êtes : voici
Mon billet pour le Grand Cimetière de l’Infini. Touchez pas
Cette surface. Regardez-la seulement. Fuller dirige le foyer
De sa focale sur l’immensité : plus de coquillages vénéneux,
En automne comme en été. Pas de printemps ni d’hiver.
Rien n’arrive et rien ne s’achève : jamais je n’ai produit avec
Autant de plaisir. Des cons pour actionner la manivelle
Sur l’air de Sambre et Meuse. Comme du temps de Méliès.
Je prends la place de Fuller des fois : le soir quand l’ennui
Menace ma sobriété. Appelez-ça lucidité si vous voulez.
Par le bras je vous conduis sur les terrasses de mes conquêtes.
J’ai une sacrée pratique du viol, vous verrez ! Puis j’oublie.
Comme si perdre son temps c’était ne pas le perdre.
Ce genre de choses. Cet infini ne m’écrasera pas : je
Vais le traverser. Mais pour ça il faut que je sois mort.
C’est écrit dans le contrat. Le seul contrat que je n’ai pas
Conçu moi-même : j’ai laissé faire les autres. Pour une fois.
Alors j’attends que tu reviennes. J’ai mis le Champagne
Au frais. Brisé le cristal pour boire dans tes mains.
[coupez]
Nous ne saurons jamais comment ça a commencé ni
Comment ça va se finir : [mais coupez nom de Dieu]
Mohammed était un homme : il a pu se tromper
(comme c’est naturel) ou chercher à tromper (mais
Pas seul) [coupez avant que ça finisse mal] / Fini,
Je te le dis, le principe de l’arbre à came. Ça va
Faire des tas de nostalgiques, je te le dis. N’oublie pas
Ta mandoline et tes voiles incertains.
[coupez coupez coupez]
Vouais vouais
Tantôt il se sentait citadin tantôt rue tantôt vitrine
/ comment voulez-vous
Que sans vitrine
La ville respire
/ après tant de siècles
Passés à nourrir l’Histoire
. Les gens à la fenêtre
Sont rares ici, dit-il
. Nous étions attablés
Sous la bâche bleue.
Nous aimons ces instants
De café partagé.
Nous aussi nous respirons.
Le Temps nous étreint
Bien un peu : cette gorge
Que la Guerre n’a pas
Encore tranchée : glotte
Comme un ascenseur
Dans la cage des rites
Quotidiens / vouais vouais
. À part profiter comme
Le permet notre position
Sur l’échelle sociale
… quoi faire d’autre ?
Ne montez jamais plus haut ni n’allez jamais aussi loin.
Lions des jardins où le concept colonial continue
D’encrasser les oreilles de la jeunesse tentée
Par l’aventure des sommets :
Au bois nous n’irons plus,
Sous le soleil d’été.
Au bois ni dans les livres
Nous n’irons pour attendre.
Ça finissait toujours
Par cette solitude
Qui voyait s’éloigner
La promesse de l’autre.
Maintenant la vitrine,
Instrument de l’abîme,
Ne s’éteint plus la nuit.
Nous descendrons ensemble
Pour recompter nos sous.
« je l’ai connue quand elle n’avait pas l’âge
/ mais rien n’a commencé par l’Enfer / ni
Autrement d’ailleurs : manège d’ouvriers
Aux portes de l’été / au bois voulait aller
Mais ce sens s’est perdu : »
Faites chanter le vin
Avant qu’il ne soit bu /
vouais / peut-être pas si tôt : le totte du matin /
« ne raisonnez pas comme si vous étiez moi »
Le passage de la logique au taxon : rata la marche
Et se cassa le nez sur le palier du premier : volée
Trop vite / « si j’étais vous je ne dirais pas ça »
Tantôt lui-même, entre déni et fiction, tantôt
N’importe laquelle de ces vitrines de fin d’année /
« votre comédie arrgh ! je l’ai en travers de la gorge »
Descendant le premier venu comme le suivant :
Ces passagers qui nous rendent visite comme si
Nous étions riches : que viennent-ils chercher ?
Étages élevés il y a plus d’un siècle :
Marches changées deux fois dont
Récemment : ainsi que l’ascenseur
Mais pas seulement la cage : perroquet
De nos vieilles habitudes / fientes
Des journaux et pornographie des lieux
: « un jour vous me remercierez, vous
verrez » / comme cela se fait entre
Bons amis : à cette hauteur de la so
De la Société des Amis du Domestique
Emprunté. Vouais et non. Prenez
Puisque j’offre / J’ai contracté le virus
De la rage avec elle : pourquoi se perdre
Dans la forêt obscure du désir
Quand on habite un endroit si charmant ?
Introduction quotidienne du petit bout de bois /
Nous n’irons plus / pourtant nous avions aimé
Ces changements : nous avons même ramé
Vers l’amont : luttant contre le vent : harassés
De soleil / ou bien je godillais debout / tourné
Vers la fin en estuaire / une anguille étincelant
À un mètre de profondeur : tu n’imagines pas
La force qu’elle peut développer au bout du fil !
Les coquillages morts invitaient au repos.
Pas un signe de vie à la surface / des noirs
Et des blancs / sans géométrie ni mouvement
/ incompatible avec le regard cette étendue
Que la mer retrouve à heure régulière : vouais
J’étais là aussi mais sans mots pour en dire
Quelque chose de sensé : « pourquoi ici ?
Pourquoi cette Histoire et pas une autre ?
Quelque chose me ronge de l’intérieur »
Je n’ai jamais su si j’y habitais ou si j’en rêvais
/ siècle à messages / sauts des puces sur le sable
/ l’enfant en trouve une dans ses poils / pourquoi
ici ? « je ne sais même pas si ça a de la valeur »
Raison de plus.
Pourtant les bois étaient jolis et agréables à vivre.
Des sorcières en rond /
Des flaques comme neige
Des hauts sommets /
Les miroirs de l’eau en l’air
/ qui a perdu les vers de Sappho ?
Poisson sans écailles au feu de bois.
Chair douce et langue dehors.
Ces épines au passage /
Bras nus des réfractions sauvages
/ qui n’a pas écrit quelque chose
De sensé sur le sujet ? / la mer
Dépose son sel sur les piliers.
Ou bien tu désertes les lieux.
« Aller au bois est une mauvaise
Habitude il faudra que ça te passe
Sinon tu ne deviendras pas celui
Que je ne suis pas / »
Vous refermez la porte du salon.
L’odeur du tabac dans les rideaux.
Les noirs de la bibliothèque. Orages.
Façon Courrèges une casquette
Portée sur l’œil : le shoot sur le gazon
Et la proximité des fenêtres d’azur
Volé comme lettre à l’imagination.
Quelle extase ! Nous en sommes tous
Là. L’ivresse ou la dure réalité des jours.
Comptant sur le sommeil pour habiller
La Nuit. « vous le savez, vous, qui
a perdu ces vers ? » / si je le savais
Ah vouais ! mais je ne sais rien d’aussi
Précisément possible et à la lettre /
Le tram et le grison. Roman à faire.
Des fois je suis ce que je suis et des fois
Non. Toutes les scènes de Iago coupées.
1097. Dit la préface bien renseignée /
Coupez le son et n’interprétez plus.
Désaturez l’image jusqu’au noir.
Vous ne pouvez pas déconnecter
Sans perdre les sources : alimentations
Par signaux / nous communiquons aussi
Par virus interposés / un coup frappé
Sur le plancher ne perd pas son sens
/ voisin impatient le vendredi / nous
Allons au bois cueillir des / qui n’aime
Pas ses murs : tantôt lui-même tantôt
Mur / voire murs / plans non sécants
/ forment l’habitat / imitation d’un bois
Au croisement des façades : chaisière
En poste depuis toujours : semble-t-il /
« depuis combien de temps habitons-nous
ici ? » / ou : à quel moment prononce-t-on
Le mot jamais ? Nous allions pour revenir
/ jamais le contraire / heureusement il y a
Des vitrines pour abriter nos personnages
: déni et fiction à tous les étages / rata
La première marche à la hauteur d’un regard
D’enfant : « dis-moi si je chante bien » /
Pas chanter : exister / pléthores de messages
Sous prétexte de poésie / « je n’ai jamais su
si tu dis vrai » / trouble psychique / aucune
Ligne de composition : va au bois comme on va
En vacances avec les siens / ne cherche pas
Plus loin : dispute des partisans du commerce
Avec les tenants de la joie / pas plus loin
Que le bois ni plus haut que l’étage /
« bon sang chéri ! qu’est-ce que nous avons
perdu toi et moi ?
— Sappho. »
vouais vouais vouais
/ repose le verre et allume sa clope :
« c’est déjà fini » / évoque un vieux film
Qu’il n’a pas revu depuis longtemps :
Il en sortait avec l’envie de recommencer.
« pas eu le temps de » / ni celui de penser
À retrouver le premier sens donné /
vouais vouais vouais
ou bien s’agissait-il seulement de le prendre
/ dans ce cas qu’est-ce que j’ai perdu ?
/ moi qui me souviens de tout mieux que Marcel
/ séjournant dans la bibliothèque aux cuirs
Craquelés comme des Bosch / finement /
Séparé du jour par les fenêtres / cadavres
Alignés comme après la bataille / jamais
Plus aussi proche d’en finir avec cette angoisse
/ « ça se passe comment pour vous ? » /
Je l’ai eu su / naguère au bois en toutes saisons
/ riant comme un mort / « vous n’allez donc
plus au bois » /
vouais vouais vouais
Bouffée sans conviction : on dirait que la braise
S’amenuise / l’auriculaire en crochet / détails
Pour une future mise en scène de la déconfiture
: des fois qu’on me demande d’exister avant de /
« vous voyez ce que je veux dire » / vouais vouais vouais
Ensuite ? / Ensuite on est remonté
Et on s’est couché dans le même lit
Parce qu’on a une seule couverture.
Sinon on a deux lits et deux lampes
De chevet / avec livres et manuscrits
Autographes / pas riches mais royaux
/ « je crois que le temps est venu de vous remercier
De m’avoir écouté / »
Vous aimez ?
Ancolies des fossés et des talus.
Jambes nues dans les herbes.
Laissez-moi rêver avec vous.
Ne sommes-nous pas heureux ?
Oubliés les aïeux, les semblables.
Le sceptre et le godemiché.
Montez sur ce trône et trônez !
Vous souvenez-vous de cette fraîcheur ?
Quelle source n’y coule pas ?
Vous avez tant écrit pour ne rien dire !
Et si peu pour exister avec moi.
Cueillez le fruit de nos amours
Et épousez sa promesse d’avenir.
Sally.
« vouais vouais vouais
Je me souviens de ça de tout d’elle de lui du bois
/ écrivais des lettres / entre les murs / des lettres
Comme personne n’en a jamais écrit / tramontane
À l’appui / quelle domesticité me servait alors ?
Hidalgo en quête de terre / pourquoi cette hiérarchie
Inspirée (que tu le veuilles ou non) par l’idée de Dieu ?
N’en parlons plus si vous voulez / un fond de bouteille
/ et ce mégot / nos spectres dans le miroir / le torchon
Du bartender essoré au-dessus de l’évier / je n’ai plus
Rien à dire à propos de ce bois : je peux revenir
Si ça vous chante »
Bois des gravures.
Empilement en coin.
Jour s’y fragmente.
Dos courbé en ombre chinoise.
Mouches des rideaux.
« vous ne saurez jamais »
Nous avançons à tâtons,
À moins de ne pas être seuls.
Plaisir de la compagnie.
De la foule. Du tout en marche.
Nous finissons non pas dans la poussière
Mais au sein même de la masse.
« Comme c’est joli ce visage serein !
J’aimerais en posséder un comme ça !
Je n’ai jamais eu de chance avec les hommes.
Des fois je me dis que je ferais un bon poème
Et d’autres fois j’ai du mal à me regarder
Dans vos miroirs oh mon Dieu que de miroirs
Ici ! / avec vous et sans vous : ces miroirs ! »
Au rendez-vous des fées le mycélium en rond sur le chemin
Qui mène de la maison aux coteaux couverts de neige
En cette saison
Arpente sans perdre de vue les nécessités
Mais ne se retourne pas pour recevoir
Les adieux prémonitoires « un jour tu
Mourras au milieu du troupeau : l’esprit
Occupé à trouver une place parmi les fées :
Mais les Convaincus et les Hypocrites
Forment le seul Cercle invitant au repos.
Encore l’hiver et ses matins de nuit sur le gazon et les dalles.
Qu’est-ce que tu attends pour atteindre le printemps
Sans eux (elles) ?
On ne franchit pas si facilement les limites
Du prétexte : si rien ne t’a convaincu ni si
Rien ne t’inspire la manipulation : quelle
Philosophie refait le monde à ta place ?
Dehors le plancton des jours qu’on appelle nuit.
Bon air pour l’intérieur que tu sors pour aller aux champs.
Le chien suit sans intention de découvrir le monde
À ta place.
En haut les vieilles cheminées
Qui ne fument plus depuis
Longtemps : les toits sans tuiles
Aux bois rongés par la vermine.
Clame ton innocence et retourne
Au cœur même de la vitalité.
C’est ce que tu as de mieux
À faire : ne crois pas, ne jalouse
Pas, établis la liste des choses
À faire avec ou sans les autres.
De la nuit finissante au midi qui s’annonce :
Les travaux ordinaires et la goutte qui fait
Déborder le vase : quelle étrange solitude
Ce dallage d’illusion ! Existence trop longue
Maintenant que tu y songes. Mais quelle fin
Étoiler ? Sans Dieu ils ne sont plus rien. Sans
Fictions on ne les voit plus jouer aux plus fins.
En quoi consiste ton honnêteté, filius ? Quel
Signe laisser sur un mur destiné à l’érosion ?
Et pourquoi le laisser si jamais tu le trouves ?
Là-haut des pièces inhabitées
Sous le ciel bleu ou gris, portes
Couchées dans les solives et les
Lattes de châtaignier : petits
Animaux aux aguets : jamais
Le feu n’a détruit cette occupation
Des sols : seul l’abandon donne
Une idée du temps qu’il a fallu.
Aux poutres suspendues les casseroles de ta percussion.
Jamais autant apprécié le silence qu’en ces heures
Crépusculaires. Sur l’écran de la pierre moussue :
Les scènes où Paris se peuple d’illustres en puissance.
Le troupeau est là, quelque part, dans la lande
Couverte de ronces et de sauvageons. Le soleil
Le dira : à midi, le regard se porte sur l’horizon
Du soir. Toisons vues de près au pinceau seulement.
Émail des rouilles dans l’herbe
Et sous les folies d’une patine
Sans fortune. Que crois-tu qu’il
T’arrive ? Qu’as-tu prévu pour
Demain ? Et pour ces autres qui
N’existent plus qu’en personnages
De ce qui finalement ne sera pas
Comédie ni tragédie : trop pensé
À la fin : alors que tout se passe
Entre les actes. Comme s’accrocher
Aux ailes des erratiques habitants
De l’histoire qui ne sera jamais
La tienne. Passereaux et arondes
Au vertige du jeu conclu avec le temps.
Il n’y a pas de juste milieu, ni d’extrêmes d’ailleurs.
La nouvelle ne s’extrait pas du jour ni de la nuit.
Passant sous les arbres pour aller conquérir l’océan,
Tu nourris tes sens de ce que la connaissance
Envisage pour toi.
L’existence est un suicide
Et le temps la seule vie.
Ne cherche pas dans les ruines.
Il n’y a rien à glaner ici : dommage
Qu’il faille au moins travailler
Pour ne pas mourir de faim /
Dommage que ce soit l’autre
Qui paie. Sans l’autre tu n’es
Rien. Ou alors avec l’animal,
Comme à la télé. Frontières
Mises en scène pour amuser
Les enfants et ceux qui le sont
Restés. Bouge-toi pour produire
Des flux utiles à l’économie.
Seules les ondes transportent
Les signaux. Mécanique de la
Transparence. Le troupeau
Ne t’appartient pas : emprunte
Ce qui manque à ton lit de rivière
Destinée aux relations maritimes.
Bien sûr c’est agréable ces matins qui reviennent
Vêtus comme le veut la saison. L’air revigore l’impatient.
Personne dans les rues mais des fenêtres éclairent
Les gazons. Yeux miroirs des animaux. Becs à l’usure.
Pénétrer en coup de vent dans une de ces maisons
Et y prendre le plaisir si jamais il s’y trouve. Sans calcul,
Impensable. Or tu ne crois à rien. Tu ne veux même pas
Savoir. Ce que tu donnes est à vendre. Et ce que tu achètes
Ne t’appartiendra jamais. « mais où trouves-tu les mots
qui me manquent ? serais-tu fils de tes fées ? fougères
de tes errances. je ne sais plus si je t’ai épousé »
Là-haut le troupeau attend
La fin de la nuit sous les arbres.
En bas les eaux ruissellent avec
La pluie. Main arrache cresson
Au passage. Œil voit poisson
Immobile dans racines. Sexe
Exige. Qui peut deviner le soleil
Sous la Lune ? Alors que la Lune
Traverse le ciel des jours. Là-haut
L’homme est mort. Il ne reviendra
Pas. Il s’accumule en bas, dans les
Creux. Son haleine monte jusqu’ici.
L’herbe en porte la trace. La toison
Aussi. Le gigot sur le feu s’en souvient.
Les abeilles en parlent en sourdine.
Le chemin ne s’est jamais fini avant.
Il ne sert plus à rien s’il ne pose plus
Cette question de toujours. Moteur
Tronçonneuse déchire la toile tendue
À même le ciel du coup sans étoiles.
Il n’y a pas de livre pour en parler simplement.
D’ailleurs on ne parle plus ce langage depuis
Que la langue a perdu son accent : la logique
Qu’on a finalement confondue avec la raison.
Rien de plus logique pourtant que l’esprit
En proie aux folies de la fiction et du déni.
Mais tu t’en fous : c’est fini : tu as joué :
Les dés se sont immobilisés : le cornet change
De main : siffle dans le verre : regarde
Par-dessus le rideau : anneaux de la tringle.
Tu n’es plus là où tu as été : la jeunesse
S’en fout : la tienne et celle que tu ne conçois
Pas : sans cette pluie
Le dos ne se courbe pas
En allant aux commissions.
Gouttes tombent des nids
Et des génoises. Visage
Mouillé sous le parapluie.
Flaques de l’enfance dessous.
Commence par jouer puis
Apprend. Tente de retrouver
Le jeu entre les travaux. Mais
Pas facile : sexe et estomac
Exigent. Exige aussi la compagnie
Et les possibles héritiers.
Prend le temps de trinquer
Puis revient se positionner
Sur la ligne : pas de troupeau
Depuis : des bits et des mégas.
Folle ou fou raconte comment il ou elle a perdu le fil.
Romans des modes. « pourquoi ne pas se souvenir
des meilleurs moments ? qui n’a pas rêvé de repartir
pour un tour ? religion aide. saloperie aussi. mais
tu n’as jamais voulu me comprendre ! » L’un ou
l’autre écrivant et voyant le livre se parer d’un titre.
Rien de plus que Molly au travail.
Éjectant le texte elle se sent homme.
Lui aussi est un homme et il narre.
De qui sommes-nous fils ou fille ?
Ou ni l’un ni l’autre mais soi ?
Dans les hauteurs les traces de ce qui a été :
Pour le malheur des uns et les approximations
Des autres. Pollen bleu dans les ruches. Morceau
De châlit. Épars le crin sur les rebords de pierre.
Pas de brique ici. Le feu ne se signale que par la suie
Des murs. Quels meubles ont-ils abandonnés avant
De ne plus revenir ? Nous disparaissons ainsi : perdant
Le fil de la narration initiée par l’enfant. En haut la Cité
Dicte l’illustration pour ne pas disparaître sans laisser
De traces. Qui n’a pas vendu ni trouvé les moyens
De s’acheter une place au cimetière disparaît sous
Terre ou dans les bois où nous n’allons plus pour
Trouver du nouveau.
Invente sa propre tragédie
De toutes pièces ou s’inspire
De la rencontre de la douleur
Et de l’alchimie : à relire un
De ces jours mais d’un trait :
Jouant la page sur le tapis
Sans rideau ni orchestre.
Le cerveau enfin travaillé
Au virus ou à la bactérie.
Dernier moment vécu avec
Divers charmes naturels.
Spectacle donné par des nerfs.
Puis redescend avant le soir, laissant le troupeau
En haut, bâton sur l’épaule, voyant les chevaux
Sauvages le voir, immobiles mais frémissants,
La terre en pente transmet ces sourdes vibrations
De sabots, le monde vient de perdre son horizon.
Et entre la verticale et les obliques : la Lune revient
Et sa lumière irise les crinières : « n’oublie pas que
tu as un enfant » / même deux si ta joie me concerne.
Le jour éreinte les meilleurs
Et redonne les plus faibles
À la nuit. Qui se suicide après
L’échec de la représentation ?
Qui s’acharne à redonner un sens
À cette existence devenue soudain,
Le temps d’une lame de rasoir,
La vie même. « je suis votre nouveau
voisin. je n’ai pas l’habitude des femmes
mais la vôtre éclaire ma nuit
d’un jour nouveau »
Un jour tu donneras tout et personne n’en voudra.
Croire, avoir et mystifier : tu n’as jamais été alors
Que le moindre animal existe. Qu’est-ce que pour nous
Ces fleurs en bouquet ? « vous ignorez encore comment
Je me nomme : sur ma porte pourtant » / l’escalier
Ou la pente / les marches ou la terre / rives ou trottoirs/
Qui se donne la mort après l’échec du spectacle proposé
À la ville ? Qui n’y pense pas en regardant ses prés ?
« j’étais marin avant de d’ouvrir cette boutique »
Le chien se laisse caresser. Le feu comme seule
Lumière le soir. Le feu aussi de la vigne distillée avec
Soin mais pas sans compagnie. Le chien naturellement
Recherche le sommeil : sans toutefois perdre de vue
Le fil. Personne ne frappera à la porte. Un enfant gémit
Comme à l’agonie : nous n’avons jamais autant gémi
Que par les temps qui courent (modernes) / « vous
laissez votre troupeau à la nuit ? »
c’est le matin
que j’attends.
Rien de plus
Sain que le matin.
Voilà mon hygiène
En attendant
De sentir plus
Mauvais que vos
Pieds, forastero !
« Tout le monde n’a pas un grand-père
Pour choisir le pays de son enfance
Ah merde de pays où je suis venu mou
Venu mourir avec sa langue morte ! »
Tourisme éditorial et ses autoclètes /
Aux portes de la Cité cadres et ouvriers
Se disputant les outils de la Perfection
/ « gravé dans le marbre : peuvent pas
En dire autant les adeptes de la pureté »
Existence sur les rails de l’idée commune
Qui passe pour un culte de la démocratie
/ « tu descends de ta sierra avec l’argent
De tes toisons : chaouchs devant les portes
/ ce qui est pur ou tend à l’être
Ne peut en aucun cas être parfait :
Arc de triomphe pour un trucage
Indigne du cinématographe /
Pourtant » drapeau claque au bout de l’avenue
/ écoliers préfèrent la vadrouille aux études /
Les épargnés redonnent la leçon des morts /
« descendu en un temps où le monde colonisait
Le monde : j’ai vu le moment où j’y laissais ma peau
/ plus d’enfants, plus de femmes, plus de travail
Au paradis : » / à Paris les autoclètes des Lettres
Exigent des waters en marge de la librairie où
Ils poireautent : jalousie contre jalousie / hypocrisie
Contre hypocrisie : parlent trop d’eux-mêmes
Sous prétexte de lire à haute voix pour être
Entendus et par conséquent pour être lus (achetés)
Coule la Seine et ses cadavres / « tatie peignait
Des utrillos sur des assiettes et des poulbots
Sur des isorels » / Dans le sud : famille de vendus
À la cause nationale au détriment de l’héritage
Arabo-andalou : cette idée d’une Andalousie
Qui aurait pu être la seule Colonie acceptable
/ la laine se détachait par poignées et le cuir
Sentait la cervelle / « grâce à qui si tu sais
Des choses que si je les savais ah si je les savais !
C’est qui qui a inventé la boîte de conserve ? »
Dire que des familles n’ont jamais passé la limite
Imposée par la tradition /
Si j’aime je prends
Si non je te le laisse
Mais si c’est une fille
Je te la donnerai
Je donne tout des fois
La nuit comme le jour
Pas le temps de rêver
Je suis français de souche
Fils de la fille je suis
Avec des lois d’airain
Et des vengeances froides
Je suis fils de ma fille
Mourir n’est pas facile
Mais qui ne meurt pas tue
Voyez comme Laforgue
Devient frenchie de chic
La France en général
Se vend pour acheter
Sa banlieue chic s’étoile
Ses zones s’ensoleillent
N’allez jamais plus loin
Que le père ou crevez
Dans un combat aliène
Sans héros ni futur
Hijos de pastores
Aquí no se vive
Dejad sus amores
En lugar seguro
Même le meilleur des poètes a rêvé de coloniser
Les zones où perfection et pureté nourrissent
Le rire de l’homme en proie à ses évidences /
Bamboulas d’une forêt à l’autre sans alizées /
La pensée connaît l’inconnaissable sans Dieu /
Et l’esprit joue avec le feu donné par les orages
/ descendu de sa montagne de Juif, d’Arabe
Et de Phénicien (ou n’importe lequel
De ces peuples)
Il veut des enfants heureux et il trouve la femme
Qui les lui donne / comme il les donne à cette terre
Où l’épée est la seule croix / misère de l’intelligence
Ici-bas : toute la Méditerranée rassemblant ses passagers
/ et Paris proposant ses autoclètes au tourisme éditorial
/ des nuées de tacherons lécheurs de vitrines le soir
Après le turbin des jours / lui avec son mouton sur ses
Épaules de volontaire / transportant l’anarchie dans ses
Poches / bavard le Français n’apprécie pas la prosodie
Visuelle / sur le zinc ou devant la télé / dans son jardin
S’il a la chance d’en posséder un / aligne des vers comme
Des bouteilles à la consigne / « l’idée c’est… » au ministre
Venu pour inaugurer / « nous avons la même idée de… »
« je te fais poète poète tu me fais poète poète » / mais
Quel mouton n’a pas vécu son enfance en agneau ?
« j’ai ça dans la tête
Et ça me turlupine
Ah c’est la maladie
De papa et maman !
Des fois ça rime et des
Fois ça n’a pas plus de
Sens qu’un coup tiré en
L’air où l’oiseau n’est plus
Ce qu’il était du temps
Que je savais jouer
Avec des riens trouvés
Dans le grenier des ans.
J’ai ça en dedans
Le jour la nuit
En rêve et au travail
Ça me rythme la vie
Et m’apprend le solfège
Sans effort à la clé !
Des pasteurs à la pelle !
En barque et par les airs !
Des courriers dans le tri !
J’en bois et j’en titube
En allant revoter
Pour exister encore !
Chantons mais sans guiboles !
Dinguons mais sans musique !
Jouons les fées des berceaux !
Faut perdre le rythme des chansons !
Plus de bourrées ni de rock !
Saoulons-nous en silence !
Profitons de l’ivresse
Avant confessionnal ! »
Marmaille dans les jardins / culs posés sur les bancs
Avec son mouton et sa laine en péril : il passe pour
Un pédophile ou un amateur de femmes au foyer.
« puisqu’on ne tient pas le même langage vous et moi ! »
Jadis il se laissait aveugler par les façades bleues /
Revenant des hauteurs où la neige persistait sous
Les oliviers : il prenait le temps de cligner des yeux /
Il se voyait dans le lit / plafond ouvert au ciel /
Les chevrons de châtaignier en torsades savantes
/ « d’où viens-tu si tu existes, hijo ? » / mais l’oubli
Sert de fourreau au patriotisme / « non, pas de barque
Ni de voile dans les embruns du soir : mes pieds
Et le poids de mes possessions / mes poches
Et mes épaules / ne suivant rien ni personne /
Je sais ce que je dis » / toujours le saura / mais
Pour le dire ah/ ça c’est une autre question !
« les mots à la place de mes coteaux ? » / lièvres
Fous entre les lentisques / enfant tu courais après
Eux avec les chiens : maintenant tu colles ton front
Sur la vitre / cristaux / buée / personnages vus
En plongée / caméra ne tourne plus : mémorise :
L’image change de nature / comme j’ai troqué
Ma terre contre une poignée de sel / privados
Erán / y tú : servidor / criado, mozo : ni dueño
Ni señor / « vete a ganarte la vida, hijo » / marin
Non : caminante : promeneur non : voyageur : non
/ déplacé / quel vent persien ? quel âge persien ?
Quelle chronique du Bien et des Aléas ? quelle
Histoire ? / lèvres grasses de l’autochtone adapté
Depuis longtemps / l’outil sur l’épaule considère
Ton mouton d’un mauvais œil : je suis romancier /
« moi non plus ! » / ne touche pas l’épaule / ne
Fouille pas la poche / prend la photo / « tourne-toi »
Des chaouchs de bas en haut : selon salaire : gilets
De domestiques selon couleur : « d’où viens-tu ? »
Tu sais que tu n’as pas d’âge / alors venir de
Quelque part / « comment que tu t’appelles
Si c’est pas trop te demander ! » / là-bas (nommons
Désormais les choses par leur nom) la pluie rend
Aux murs leur bleu ancestral / la pluie a trouvé
Le moyen de rendre le blanc aussi transparent
Que l’eau / porte ouverte ou il n’y en a pas /
Sur le seuil le balai est composé d’un manche
D’oranger et d’une barba de moro / dingaling
Du marchand / « on s’est connu là-bas : souvenez
-vous » / des idées à la pelle comme leurs feuilles
Ramassées en chanson plutôt qu’au fil de la poésie
/ peuple des surfaces cultivables / abandonne ses
Forêts où nous les avons laissées : invincible armada.
Invincible amada : veut-elle des enfants de moi ou
Mon argent : contre le prix d’un mouton aux pattes
Noires / ne comprennent rien à la Vue / ni à la Voix /
« faut des idées sinon faut les inventer » / un vers
Par page finalement : et des pages blanches en pagaïe
/ ça rame sur bâbord ou tribord avec bonne conscience
Au taquet ou à la gueule / « qui est-elle ? » / mouton
Avec Pathelin ou Panurge : flatteurs et béni-oui-oui
/ « voici le portrait de la belle
— Mais ce n’est point une lady ! »
Là-bas / là-haut /
Nous possédions un bien
/ nous nous aimions malgré tout
/ nous connaissions cette existence
/ mais le soleil / les coupes rases /
/ les Colonies / le sang mêlé /
/ les chaînes / les naufrages /
/ les comédies / les tragédies /
/ les farces / les entremeses /
/ toi / moi / le feu gagné sur la pierre
Et la pluie perdue en chemin / mouton
Je te vends / j’ai la poche et mon épaule
N’en peut plus / j’ai trouvé une femme
Ici / plaisir, tendresse et l’avenir / mouton
Du passé : comprends-moi / je suis verde
J’ai retrouvé la jeunesse
Grâce à vous, docteur !
En fait je n’avais rien perdu
Mais vos dons alchimiques
M’ont révélé ma richesse.
Je suis venu sans rien
Sur l’épaule (mouton
Symbolique) et sans celle
Que j’avais aperçue après
Les jeux de l’enfance.
Je me souviens de ça
Comme si c’était hier.
Si tu n’as pas le vocabulaire
En tête, retourne d’où
Tu viens, pastor de tu madre !
Je ne sais pas comment
Vous remercier et vous aimer,
Docteur en médecine et en
Un tas d’autres choses que
Je n’en ai pas idée, ô Père
Qui prend la place de mon abuelo !
Comme c’est riche ici !
Et ça soigne du mal !
Ça fait du bien aussi !
Hélas je ne suis pas
/ pour vous je ne suis pas
La femme de vos rêves /
Mais j’ai bonne toison
Depuis que je bois avec vous /
Et mon cuir a du chien
Bonne fidélité et morsure
Sans dents / ô docteur
Des rues et des usines
Où la plage est en vente !
Bénissez et curez cet anus !
J’en viens et j’y retourne
Comme si j’étais né / ici !
Entre l’alchimie de la douleur
Et les illuminations du verbe :
Pas de place, ni un interstice
Pour retrouver l’anus des premiers
Plaisirs solitaires / observation
Tranquille depuis des années
D’une interminable transition
Entre l’idée et ses applications
Dans la vie quotidienne / parce
Qu’il y en a une et elle prend
Toute la place : je t’écris dans
Dans mon matelas doublé
De mouettes et d’autres promesses
Non tenues. Ne te formalise pas
Si je te dis que les enfants (les tiens)
Sont bien où ils sont : ici le ciel
Prend autant de place que l’eau.
Je fume un mélange aromatique
Qui me rapproche des autres,
Surtout à l’ouvrage commun
Qui amenuise nos esprits autant
Que nos corps / je n’avais jamais
Vu d’hommes d’aussi près /
L’ambre des reflets que les yeux
Posent sur moi m’inspire /
Pas de draps mais un sac qui
A appartenu à un mort en héros
/ odeur moins forte que la mienne
/ nous n’avons pas perdu la côte
De vue : une autre côte apparaît
Quelquefois mais je ne sais pas
Dans quel horizon / nous croisons
Des touristes nus / peu d’épaves
À cette distance : je les cherche
Du regard si on m’en laisse le temps
/ je ne sais pas ce qui m’a pris
De conclure ce voyage retour
Compris / nous en sommes tous
Là (me dit-on) pour une bonne
Raison : manque de maîtrise ou
De connaissance des lieux / le temps
Se charge du reste / temps et lieux
Et rien d’autre à se mettre sous
La langue : les chansons reviennent
Porteuses de traditions bien utiles
Mais sans autre saveur que l’amertume
Des jours et la panique des nuits /
Ceci n’est pas un voyage :
Je le précise
Au cas où tu t’imaginerais
Que j’en ai conçu l’itinéraire
Ou que j’ai pris le temps en marche.
Je n’ai rien pris ni conçu, princesse.
J’ai à peine profité d’un instant
De lucidité : à la faveur d’un quai
Qui m’a paru tranquillement posé
Sur la mer / sans cette terre que tu
Nourris de ton sexe et de tes projets
Professionnels / j’ai cru être moi /
Je ne dis pas que je n’y crois plus :
Précision / tentation de me jeter
À l’eau pour aborder un yacht
Et saisir à pleines mains ces autres
Mains qui connaissent les limites
Du jeu mieux que moi : seins tendus
Jamais tranquilles et ventres plats
/ sauf les jours de pluie que le vent
Ne se prive pas de retourner contre
Nos attentes / veux-tu que je te dise :
J’aime cette existence à défaut
De l’avoir gagnée sur la tienne /
Lettre coupée de quarts chaque
Fois que le calfeutrage suinte et
Laisse cristalliser son sel : l’amour
N’est plus au rendez-vous des fées.
La poésie s’étire de paresse ou de :
Lassitude / ne deviens pas la prose
De Troie / pas de cheval ici : armure
De toile dure que l’embrun saccage
/ méthode de la lenteur / fumées
Aphrodisiaques ou hallucinatoires
/ la journée hachée par les heures
/ les tambours sans messages :
Il n’écoute que le frottement des
Poulies : le claquement des câbles
/ les saisissements de la coque et
Les ravissements de ses fantômes.
Quelles antistrophes dans l’écume !
Ces allers-retours finiront-ils par me
Rendre à la terre ? Zinc des repos
Bien mérités / l’intervalle aux putes
En âge de concevoir : selon obsession.
Lit ou trottoir au gré de la chance qui
(comme tu le sais à mon propos)
Tourne ou ne tourne pas : résiste
Ou se laisse emporter par les vortex
De ce qui n’a jamais été une passion
(loin de là et loin de moi cette idée !)
Enfin : tu existes. Mes flacons de sperme
Patientent dans la neige. Je ne vieillis
Pas. Je ne m’use pas. Je n’ai même
Jamais autant existé que maintenant :
Cet aujourd’hui qui attend les soirs
Dans le miroir des creux / belles mouettes
Prenant le vent / la pluie est douce
Souvent, rarement plus réaliste que
Toi. Puisqu’il est impossible de monter
Au ciel en bateau et que celui-ci
Ne m’appartient pas : c’est l’horizon
Qui me conseille les profondeurs /
Nous sommes conçus pour en mourir
Vite : une minute mais est-ce l’angoisse
Qui s’en mêle ? Les poissons morts
Retournent d’où ils viennent, inutiles
Ou non standard / n’ayant pas de
« spécialité » : je manœuvre dans le sel.
Mais la mer ne me laisse pas le temps
De me dessécher comme une momie.
Et même dans la lorgnette aucun mythe
Ne signale les limites du jeu : le sang
N’aime pas le sel / et je ne tournoie pas
Avec les épaves comme tu le crois
Encore / écrasement des chairs sous
Le couteau puis fentes jusqu’aux doigts
: le métier : il en faut un : on ne le trouve
Pas : on prend ce qui appartient aux autres
: où on l’achète si Dieu le veut : dieu patrie
Des douteurs / des ergoteurs / des bavards
/ dieu souche nationale / dieu sacrifice
Et mérite / mais au large Dieu n’existe
Plus : il ne reviendra pas en explication
Sensée / Tu ne m’attends plus sur le quai.
Les vitrines sont éteintes. Les balcons
Déserts. Les rues disparues. Les enfants
Au lit. Rien n’est plus comme avant.
Et je t’écris pour ne pas écrire /
Pour ne rien dire qui puisse meubler
La solitude d’une inconnue aux yeux
De braise / bamboulas des tisons mais
Sans loups à la rime / fenêtres de verre
Gagnées sur les cadavres patriotiques
/ l’horizon conseille les profondeurs /
Je n’arrête pas de me le répéter mais
Je suis à l’heure : on peut compter sur
Moi à bord / on connaît mon nom /
Pas de perroquet sur l’épaule ni de trésor
En tête / aucun crime de sang en perspective
/ rien sur la vengeance / ni sur le remords /
Aucun ami à informer / des voisins « charmants »
/ je ne suis qu’un personnage en quête
D’achèvement / jeu des bielles grasses et
Têtues / ce cognement incessant dans le coussin
/ tu ne connaîtras jamais ça / alors plus
D’enfant s’il te plaît ! / plus de prétexte
À continuer ce que les autres savent mieux
Que nous /
Ezra à Sally
Lettres de mer
Extraits choisis
(par qui ?)
Quels déchirements de pages dans le vent !
Mieux que par le feu ou les influences de l’eau !
Terre des grattements / la nuit quand personne
N’est là pour en témoigner /
Nous savons chanter
Alors chantons !
Rien de mieux
Que ces métronomes
Pour enfoncer le clou
Dans la tête.
Inspire la danse
Et danse toi aussi.
Nous sommes nés
Pour revenir
En héros vaincus
Par la douleur et le verbe.
« ça va finir par de la mixture en pot de verre ! »
Chasseurs passants de bon matin fusil sur l’épaule
Et cadavres à la ceinture / bois sans soif sinon crève
De peur : donne-toi en spectacle : ça leur servira
De leçon ! « qu’est-ce que je fous ici ? j’y étais pas
Ya pas une heure : dans le lit de ma prochaine /
Ah ça non j’y étais pas ! » / chiens aux babines lasses
/ tintements des Duralex / le miroir des mouches
Et les rideaux à transparence de rue / sa tête
Penchait et il relisait : voix basse le dos tourné
À la compagnie éparse à cette heure « j’y étais !
maintenant je me souviens ! » / voit l’autre qui
S’égaille et en redemande malgré l’aspect
Déconcertant de son ardoise / « qui t’attend ? »
Voulant dire : qui es-tu en train d’attendre, lisant
Et relisant cette foutue lettre que tu n’as pas écrite ?
N’imaginant pas une seconde que quelqu’un
Attende quelque part : que ça arrive (peut-être enfin)
Il se gratte le menton
Répète : en train quelqu’un enfin / rejoue les mots
Sur le tapis avec les dés : « j’ai jamais joué autant
Que depuis que je n’y prends plus plaisir » / mort
Pour la France / « moi aussi j’écrivais à l’époque /
Je lui écrivais / lui c’est elle : n’allez pas croire…
Dans la famille on tient à la femme et les hommes
Sont destinés à… / vous connaissez pas mon frère ?
Jamais joué [en train quelqu’un enfin lui (elle)]
Par grattement ou autre chose / jamais de la vie !
Vous me croyez n’est-ce pas ? »
Nous avons raison
D’avoir tort
Chaque fois
Qu’on nous veut du mal.
« oublié le reste de la chanson…
Vous écrivez quoi… ?
Vous ai vu débarquer…
Ça m’a rappelé des choses…
Ce sac qu’on trimbale…
Qui peut comprendre… ?
Prenez le rythme…
Là où il se trouve…
Dans la poche du pigeon…
Mais des fois (ça arrive)
On a plus les moyens…
Vous avez les moyens… ?
Comme le monde est petit… !
Vous et moi c’est pareil…
Des années entre nous…
Mais du pareil au même…
Pourquoi vous écrivez pas un roman… ?
Avec un chapitre de mon histoire…
Rien qu’un avant que j’y passe…
Vous sentez la poésie… ?
Ça brûle encore la gorge…
Ça a du mal à passer sur la langue…
J’en ai les dents bringuebalantes…
Vous fumez pas non plus… ?
Je vous laisserai partir…
J’en ai laissé partir des tas…
Et ils reviennent ou pas…
Ya pas de règle en la matière…
Ça va ça vient et je suis là…
Ne vous étonnez pas
Si vous m’avez déjà vu…
Si les circonstances…
Monsieur… vouais… »
Au café de la Poste sous la tonnelle et ses piafs :
La tôle cabossée d’un guéridon avec sa carafe de traviole :
Deux radeuses qui ont perdu leur « emploi précédent » :
Le type qui a tout raté même le dernier train pour Paris :
Un gosse jouait avec son reflet dans la vitre d’une affiche :
« Qu’est-ce que vous faites là de si bonne heure ? » :
Il revenait des champs aux sillons gelés, avec son chien :
Mais les alouettes n’étaient pas venues au rendez-vous :
Il siffla la substance de famille et salua la statue de Johnny :
« Le bus n’est pas encore arrivé
— Il viendra peut-être pas » :
Main sur le verre en cas de fiente tombée à l’oblique :
Le vent traversait la terrasse mais pas seulement à l’oblique :
« Tu mettras ça sur mon compte » / un vent incertain :
Il avait oublié la mer et ses escales :
perdait la mémoire :
Bras piquouillé à mort :
même le chien en redemandait :
Personne pour l’en empêcher :
arrive le jour où personne :
Pas même un frère :
empêche que ça arrive :
de plus en plus :
Souvent :
mais la chasse était ouverte et le gibier attendait :
Sauf les alouettes :
« ils savent qu’ils vont crever » :
mort :
Il n’aimait pas la viande et ne raffolait pas du sang :
Sally et Axis le reluquaient :
jambes agitées sous la table :
Bas aux fleurs noires des soirées d’été :
or, c’était l’hiver :
Lui aussi savait qu’il allait mourir :
et il m’en parla :
En termes clairs :
il avait pratiqué la boucherie :
mort :
Étalage des pendus :
« je ne sais pas comment mourir : »
Est-ce qu’on se comporte comme un assassin si on :
Ne fait rien :
pour empêcher ?
/ « tout le monde le sait » :
Il n’y a que l’ivresse pour s’illusionner :
ou la psychopathie :
Celle des femmes qui font des enfants à l’homme :
morue
À toute heure :
vendre du vent :
ne pas se montrer tel :
Qu’on se connaît :
nu mais pas vrai :
noyer le poisson :
Presque facile en ces temps de mise en vitrine :
de tout :
Ce qui peut se vendre au meilleur prix :
« j’ai des mains :
D’ouvrier : »
/ Saint Hubert en pompier sortant de :
l’église :
« Si j’avais su… » / il lui annonça la mauvaise nouvelle :
Son chien avait chopé un virus chinois :
maintenant :
Il s’exprimait en mandarin d’usine :
avec l’accent texan :
Beau poil cependant :
une boîte de sardines à l’huile :
Par semaine :
deux en période de fêtes :
« tu veux :
Toujours tout expliquer » / « c’est qui ? » :
désignant :
Le raté assis à l’autre bout de la terrasse :
sous un orme :
« travaillait pour l’État :
mais sans orgueil : »
/ pas connu :
Cette histoire :
« j’ai la mienne »
/ et l’autre répondit :
« tout le monde en a une :
t’imagines pas le nombre :
De justiciers qu’on enferme. »
/ tout le monde a travaillé :
Un jour ou l’autre :
on vous le demande d’abord :
ensuite :
On vous paye :
papa et sa piécette d’or :
en l’absence :
De mots :
pas un pour rencontrer l’autre :
et créer un effet :
Le journalisme frissonnant des derniers chrétiens en usage :
« j’ai jamais rien demandé et j’ai beaucoup reçu : »
/ mort
En plein milieu de l’intrigue :
plus personne pour penser :
À la place de l’auteur :
« c’est tout l’effet que ça me fait :
Ces choses qu’on achète :
le bagout des vendeurs :
écran
À palper comme s’il s’agissait d’un corps :
tous les coups :
Sont permis :
Lili / Marleen :
wie einst :
mon chien va crever :
De quoi ? » / « sans projet tu n’existes plus :
pas besoin de :
Liberté :
c’est la faim qui te fait sortir :
ou le désir :
pas mort :
Moi :
» / et pas un mot pour rencontrer l’autre :
faire joli :
Ou intelligent :
poète ou homme d’esprit :
poète sans prosodie :
Ou homme d’esprit en chanson :
« pourquoi reviens-tu :
De la chasse ? » :
alors que je reviens de mon lit / après :
Trois heures de patiente écriture :
te voyant monnayer :
Ton apparence :
et celles de tes pensées :
par-dessus :
La tringle crasseuse :
la transparence raturée d’inscriptions :
publicitaires :
« qu’est-ce qui n’imite pas l’écran :
de nos jours :
Dis-moi Hélène si nous sommes faits pour mourir : »
mais mots :
Seuls :
pas loin :
l’un de l’autre :
mais seuls :
chiens de faïence :
Sur le bahut sans dentelle :
ni débris de tabac :
poussière :
gouttes :
pas un pétale :
ni semence d’iris :
je quitte mon lit :
tous les matins :
et le retrouve le soir :
mots sans rêve :
morts :
de désir :
appartiennent à la nation :
pas à la poésie :
il faut :
Faire avec :
mais on n’en peut plus :
pire :
on en a marre :
« J’y retourne demain :
et tous les jours que Dieu fait :
En période cynégétique :
un art après l’autre :
toujours :
Le sang :
à la clé :
viens avec moi » / je ne sais pas si je suis :
Toi :
tu ne sais pas si je t’aime :
le voisin considère sa maison :
Et son jardin :
en expert de l’attente autorisée par le Travail :
Et la Famille qui va avec :
sur l’étagère les fleurs avec et sans :
Titres :
selon la chance :
ces grattouillages de bistrot :
récits :
Du mot qui manque à l’appel :
« oui demain dans les bois et :
par les champs :
le Beretta sur l’épaule :
pas d’idée de sang :
Cible mobile de préférence : »
/ nous avons tous un chien :
Il meurt un jour ou l’autre :
mais la question est de savoir :
Si c’est avant ou après :
j’aime le fouet de l’air matinal :
Il ne me réveille de rien :
mais il ne me change pas en momie :
j’écoutais
Qu’est-ce que le rythme sans conversation ?
Sans le roulement du dé sur la tôle verte /
Cabossée par maintes danseuses nues /
Les soirs de fêtes :
Brise des verres
Dans la cheminée /
« le bien commun / comprends-tu ?
Sans ce Bien
(j’y mets une Majuscule
pour que tu comprennes
bien)
plus rien n’existe
que ta propre mort /
Je ne veux pas
mourir comme ça ! »
D’autres avaient plus de chance /
Avec des lièvres ou des mésanges :
Selon l’ambition : de chacun :
Plus de chance ça ne compte pas :
Dis-tu :
Au miroir de l’enfant :
Qui joue avec :
Son reflet /
« Dieu n’est pas partout comme la poésie
ou la merde /
Dieu est ici : ne me dis pas que :
Tu ne vois : n’entends : rien ! »
Ce « rien » entre les mots : empêcheur /
Rien pour faire joli :
Rien pour que ce soit :
Intelligent /
C’est d’en haut
Que tombent les sentences /
D’en bas :
Rien ne remonte :
Que ton style /
Chante ! chante le chanteur /
Écris ! écrit l’écrivain /
Wie einst /
Aus dem stillen Raume
Aus der Erde Grund
« je te paye un verre
Ou tu me le payes ? »
Ce matin je me penche
Sur ces brisures d’encre
/ j’ai l’esprit ailleurs
Qu’à la chasse
Aux alouettes /
Ô enfant des miroirs
/ anus magnum /
Nous avons en commun
Le reflet et l’envie /
Jours d’attente pourtant
Et terre en mottes dures /
Tire sur la ficelle /
Le ciel n’en demeure pas moins ciel
/ fleurs des étagères en fleur
: grimaces des miroirs /
« Qui sont ces gens ? »
Mais chez moi, doux enfant,
Il n’y a pas de mots pour le dire
/ autant enterrer le passé
Dans ses alluvions : mort
Qui passe ne se voit pas /
Qui sont ces putes, ces ouvriers ?
Qui sont-ils ces propriétaires ?
Qui chasse sur leurs terres ?
« des fois j’y pense et d’autres fois :
Non : je reviens sans mon chien : »
Retour sans le seul compagnon étranger
À toute idée de comportement philosophique :
Le chien / le mien / pas choisi mais rencontré /
Seul le hasard :
sans compensation graphomane
/ pacte des jours :
la nuit, nous sommes enfermés
Dans le même appartement : n’écrivait pas, rien :
Surveillait les lieux / ne racontait pas d’histoires /
Se pliait à ses actes et avait une bonne gueule /
Ruisseaux locaux et rivières paysannes longées
Ensemble / coupés par la couleuvre ou le chevreuil
/ amusés par le papillon ou fuyant la pluie des arbres
/ métal des truites dans la passe : vase du silure
Remontée près du pont au passage d’un oiseau
Allant à pied / rien sur les cuistres ni les charognes
/ mais pas philosophe non plus :
chien.
Des têtards l’amusent
/ ou le scarabée d’or
/ la crotte d’un ragondin
/ la peau du serpent
/ mais pas le galet agate
/ à moins de ricochets
/ sous le pont parcouru
Par leurs insectes têtus
/ l’oiseau jette un regard
Parallèle : fenêtre s’ouvre
/ chiffon des jours avec
Reflets et bras nus /
Philosophe non : chien.
Se laisse caresser par l’enfant
/ s’éloigne du promeneur
Ou s’en approche menaçant
/ nous ne savons rien du chien
Sinon qu’il n’est pas humain
/ et pendant que la mouche
Ne se laisse pas berner
Par le fil étincelant : promène
Sa vessie et son intestin /
Sa gueule aussi et ce museau
Qui ne trouvera jamais un sens
À l’existence ni à ses gouffres.
Moi-même je traverse l’existence
Sans connaissance des lieux
Ni des récits qui les approchent
De la ruine : mais sans personnage
Je n’écris plus qu’aux postulantes.
Pleurnichards de la décadence
En file indienne devant les vitrines
/ pourquoi leur écrire des lettres
D’amour — ou de haine selon /
Ça piaule même / au carrefour
/ chougnes des sorties en groupe
Serré de la vieillesse et de l’ennui
/ mon chien faisait le chien voyant
Que l’imitation de l’homme plaît
À l’homme : bluff des comédiens
À l’interprétation du personnage
Qui traverse pourtant les lieux
En parfait étranger / et le temps
Qu’il faut pour éviter de revenir.
Derrière le moucharabié les voiles
Et les bijoux avec promesse d’enfant
Au bénitier de la maison commune.
Fleurs des ventres en vente libre
/ l’adolescente s’y aventure en jeune
Première ou en promesse de l’esprit,
Du corps ou du travail bien fait /
Couilles des barons sans terre
En oscillation constante / paroxysme
Recherché ou seulement l’idée
Que l’acte ne connaît pas / lattes
Peintes à la main en atelier puis
Le menuisier et le jardinier ensemble
Contemplent leur ouvrage de la rue /
Têtes levées et dans le dos les rites
Du verre et des doigts manipulant
Les dés de ce qui n’a pas eu lieu :
Guerre ou noyade comme au milieu
D’un océan qui n’a jamais existé.
Chien ne voyait pas les choses
De ce point de vue : happait la mouche
Sucrée ou trouvait de quoi jouir
Entre les pierres du chemin
Ou au fond du fossé où pousse
L’ancolie « couleur de cerne des yeux »
/ ces nuits sans une seconde d’éveil
Parce qu’il couche sur le tapis :
Au matin le brouillard s’enfuit
Vers d’autres horizons que ne connaît
Pas sa curiosité naturelle /
Mais qui croise les pleureurs
De la fin de la race ? Roman
Et styles confondus au panneau
Décliné en BD / confesse des justes
« à un chouya près » / approximation
En odeur de sainteté / croix
Portées en bandoulière comme
À la guerre entre deux combats /
Bref mon chien suivait sans savoir
/ du moins je m’en persuadai /
Qu’il allait mourir et me laisser seul
Face à celui qui n’a plus que le style
Pour exister comme il en a envie :
Style et non pas écriture / cadavre
De profil / avec pour seul personnage :
Soi-même.
Bien sûr il y a les poils, les crottes, les aboiements
Et l’urine des angles et des troncs / les visites
De semblables / quelquefois à l’intérieur / pendant
Les moments de séparation : parce que vivre ensemble
Suppose la séparation de temps en temps /
Le tapis sent le chien / les rideaux le tabac /
La cuisine le porc et l’huile cassée / la chambre
Sent comme le jardin pourtant : fleurs au soleil
Et terre mouillée des pluies / la braise en instance
De feu retrouvé / les soles en jachère / la chienne.
Nous aurons la grisaille pour étrenner
Chaque nouvelle année / la douceur
Des gelées blanches dans les mains.
Poids des ans alentour / grimaces
D’effort / seul sans son chien mon
Personnage sans histoires ni lieu
De naissance ni de mort ni d’aventure
Trouve son style et cherche à le vendre
Pour ne pas s’en aller sans toucher
Son pécule / l’ombre d’un chien
Au mur se souvient : « que c’est lui »
Et lui seul : à l’ouvrage du Colosse /
Laissant le style aux minus habens
De la confession / tout personnage
Et rien que personnage mais sans « moi »
/ chiant comme le chien n’importe où
En apparence / alors que le graphe
Est commencé depuis l’enfance.
Beaux jeudis les mercredis.
Les temps n’ont pas changé.
Ni les murs de l’église
Ni ce qui reste des ateliers.
Beaux samedis les dimanches.
Surtout l’été
Quand l’ouvrier
Croit en l’enfance
Qu’il a donnée
À la patrie.
Beaux lundis les nuits d’enfer.
Morts des routes de campagne
Alignés avec les affiches
Et les consignes sanitaires.
La jambe devient molle
Après l’abus de vitesse
Acquise en plein élan.
Beaux jours devant soi.
Au rythme des nuits.
« Comment qu’on dit déjà
Si c’est derrière que ça se passe
Encore / dis-moi tout, bougnat »
Belles allées des cimetières
Et des quartiers où l’on vit
Encore /
Des couches hanc ad horam
/ ça arrive toujours ou enfin
/ un chien est mort ou pas /
Intervalle à parcourir
Sans savoir
Ce qui s’est passé avant
Ni se qui se passera après /
Sauf témoignages d’historiens
Et traditions en usage /
Puis ces projections sur l’écran
Du même ciel depuis toujours
/ avec ou sans Dieu
/ chien ou pas chien
/ salauds et pédants à l’appel
De la guerre ou de la joie /
Le chien témoigne assez
De l’ambiguïté philosophique
/ un chien comme les autres
Mais à soi / vit et meurt comme
Ce qui naît de l’accouplement
Universel / rien qu’un chien
Chez soi / mort avant ou après
Soi / chien de sa chienne /
Ne dit pas non au philosophe
Mais ne l’accompagne pas.
Qui ne s’habitue pas à son chien
Au point de le perdre ?
Tâcherons et stylistes sans ouvrage
Passant devant le portail rouillé et moussu
De la maison où le personnage n’est enfin
Plus lui-même :
« car enfin :
Qu’est-ce que ça veut dire :
J’écris pour me retrouver :
Comme si tu t’étais perdu :
Alors que (des tas de gens
Sont prêts à en témoigner)
Tu n’as pas bougé de chez toi »
Chien conseille le chien
Contre l’homme qui conseille l’homme.
Os ne conseille rien.
os = os
comme
enfant = enfant
Ne cherchez pas des puces
Où il n’y en a pas.
Revenez au bord
(de la rivière, du chemin, du balcon, au bord)
Et regardez en bas :
Vous y étiez / avec qui ?
Voilà la question que le personnage
Pose à son propre personnage.
« en cas de vertige prenez
Ce qu’on vous a donné
À l’arrivée / vous n’êtes
Pas seuls / enculez-vous
En l’absence de femmes
/ rendez ce qu’on vous a pris
À la limite / Dieu n’existe pas
/ Dieu a toujours existé :
Donc il n’existe plus /
Avalez et fermez les yeux
/ la sensation de vertige
Est un chien / ne vous fiez pas
Au temps ni au décor :
Coulisses les voici :
Vous allez aimer mourir
/ avec ou sans chien : mort
Est le maître mot : qui
N’a pas de monnaie ?
Donnez la patte au chaouch
Et graissez la sienne : Dieu
(qui n’existe pas plus que vous)
Vous récompensera en nature :
Indiquez vos préférences
Par une croix : aucun verbe
N’est donné sans crédit.
Soignez votre apparence. »
Dieu est une idée agréable
Mais la religion est une ignominie
Et ses adeptes un savant mélange
D’imposteurs et de bonnets d’âne.
Mais ne peut-on pas en dire autant
De toutes les planches de salut ?
Maintenant mon chat / oui comme
Sphynx sur le dossier / en contrejour
Reçoit les lumières contradictoires
/ petit poète deviendra grand
S’il vend son histoire aux communiants
Et autres pratiquants de l’ablution
Et de l’aumône / chat non pas
De faïence mais de chair et d’os
/ à l’abri de la pluie derrière
La vitre : tiquant à la goutte dure
Ou aux craquements de la menuiserie
/ immobile et vide de tout sens
Qui échappe à la symbolique
Des aspects / la poussière scintille
Dans un rayon qui a trouvé sa voie
/ se pose elle aussi mais cette fois
Sur la feuille encore blanche /
Quelle idée plus exquise invite
À la rencontre ? Cons et paranos
Assemblés sur les dalles ou les tapis
/ dans la fumée ou le clair contrejour
Des ajours / le chat n’a pas de nom
En poésie ou alors il a un sens /
Or je n’en cherche pas : ridicule
Prétention du croyant qui s’avance
Sur le parvis des fontaines de jouvence
/ pieds nus et le cul à l’air sous la robe
/ cherchant une issue à sa pensée
Du matin que le soir piquouse
Au cœur de la veine et de ses arts
Ses artifices / tu quoque / des pères
Et des fils et la femme comme ventre
À cultiver en chapelle ou dans l’ombre
Des artesonados : d’autres chats parents
Des patiences portuaires / chat hybride
Venu de Chine et de ces contrées
Où l’esclavage continue de nourrir
Son homme et la femme de ses fils
/ Dieu renégat de la Philosophie /
La religion élevant des palais
Et étendant ses places dans le monde
Jadis peuplé des seuls animaux
En conversation avec la nature /
Beaux arts des plafonds et des dômes
/ la Philo ne peut pas en dire autant
/ maintenant à la place du chien
Qui connaît ses cuistres et ses loups
: le chat qui en sait plus sur la folie
Qui amuse ou terrorise les cons
Selon que le temps est au beau
Ou à la pluie / à l’abri de ce côté
De la vitre tambourinée ou ensoleillée
/ mes pieds frottent la poussière du parquet
À cet endroit sans tapis car c’est l’été
/ l’hiver j’écris (dit-il) dans mon lit mais
Tous les matins se ressemblent / globes
Réfléchissant toutes les lumières acquises
Au fil de l’expérience : l’adepte est ennemi
Du profane : il finit toujours par tuer
Ou en tout cas par contraindre : les enfants
Soumis aux principes familiaux qu’aime
Et finance la patrie souvent reconnaissante
/ toujours ce n’est pas possible mais ne vois
Aucune injustice dans cette évidence,
Mon fils (ou ma fille ou toi que je possède
Encore qui que tu seras) / on perd sans regret
Son chien et son collier : mais le chat, poète,
Qui se « promène » comme s’il était chez lui
À l’intérieur de ce crâne : le chat ne s’oublie
Pas : icône des murs achetés tels quels
/ ne riez pas si je vous en parle comme
Si j’en possédais un exemplaire moi
Aussi : Dieu n’est pas la meilleure idée
/ mais ses artistes sont subventionnés
: querelles des faubourgs de la gloire
/ hypocrites et jaloux au cœur de la question
De savoir qui est qui / des chattes
Dans le jardin du voisin / ou plus loin
Dans la rue / ce chat n’est pas le mien
Mais il habite chez moi : tombé du ciel
Avec les feuilles d’automne / à l’orée
Du bois d’hiver et de ses promesses florales
/ seul l’été connaît mes érections
Et leurs objets divers / aussi divers
Que les dons prosodiques de la langue
Qui me sert de fil à la place des récits
/ chat des coussins les mieux placés
/ sa patte douce ou non : interdite
Dehors / s’exerce ici de jour comme
De nuit / à moins que tu ne saches pas
De quoi je parle entre tes cuisses /
Longtemps j’ai rêvé de voyage
Mais ils attendaient les premières
Mouettes, celles qui reviennent
Avec leur prise, sans vent ni cri,
Les mouettes de l’avant-garde.
L’horizon à cette heure bouclé
Par la nuée, les sillages bleus
Dans le vert de la houle, à toi
Comme à ces chats qui attendent,
Posés comme en peinture dans
Le contraste et les effets de trou.
Crasse du sel et des écailles sur
La toile de tes genoux, plié tu vis
Pour vivre et non pas pour écrire
Ce que personne n’a écrit avant
Toi, des jours et des nuits pour
Seule mesure, maintenant que
Tu pars, sans étoiles ni bon sens.
Qu’est-ce qui te manqueras, à part
Ce que tu aimes ? Ces bras de bronze
Au travail de l’homme, ces cris d’enfants
Au carreau brisé, la chair adolescente
Et les bamboulas au tison, le combat
Et l’attente, peut-être un chat ou deux,
Apprivoisés sur le seuil, dans le rideau
Cachant des désirs de l’autre, celles
Qui ne t’appartiennent pas de droit
Ni de force. Raison de partir enfin seul.
Ainsi les ports et les clubs, leurs houses
Et le tintamarre des goélettes amarrées,
Au sec ou proposant le quai au tartan vert
Et noir, sonnaillantes cloisons des soirs
D’été, comme si le mot n’existait pas,
Comme si ces oiseaux et ses chats errants
N’entretenaient pas des rapports avec elle.
Dieu se nourrit comme tout le monde
Des illusions en cours et de désirs croissants.
Partout des symboles de sa gloire imméritée.
Mâts aux filins fous dans le vent qui zigzague.
Tours des guets anciens, bite du sodomite.
Même les millions d’années ne réduisent pas
La concrétion. Accepte de mourir idiot mais pas
Ici. Il faut partir un jour ou l’autre mais sans elle.
Sans son chat et ses habitudes. Vitre brisée
Des cris d’enfants. Passage de l’adolescence
Qui revient à la même heure te hanter.
Mon Dieu, faites que la poésie se libère de tout !
C’est elle qui existe et non pas ces architectures
Où l’artiste trouve sa place entre deux colonnes.
Comme la langue retrouve sa patte douce
Quand la pensée ne sait plus ce qu’elle dit !
Barils des sels vivaces !
Croissance des systèmes
Entre le vent et les marées.
Je poursuis un chat voleur
Qui s’est habitué à moi.
Rien ne résiste mieux au vent
Que la toile des mâts et la pierre
Des guets, rien d’aussi pérenne
Que ce que tu n’as pas conçu.
La chair salée entretient la soif,
Eau ou alcool selon que le désir
Est en fuite ou captif de ses propres
Saisies. Le chat, le voici et me voici
Dans la même perspective, sans
Faïence de chien ni hâle gagné
Sur la défaite constante des courses.
Marchandises des quais alignées
Avec ses chats en visite des fois
Que quelqu’un ait oublié quelque chose.
Plus loin on ne pense qu’à la fin
De l’été, à l’entrée en scène de l’hiver
Interminable, annoncé par l’automne
Qui veut jouer aussi, le printemps
Est un chat qui n’a pas épousé
Celle qu’il aime.
Des plages sans fin
Et des enfants perdus
Comme coquilles vides
Dans le sable et l’écume.
Tu connais ces récits
Aussi bien que le vent.
Suffit de s’asseoir
Et de prendre le temps
D’écouter et de voir.
Au fond, il n’y a que ça :
La couleur dans tout ses états.
Pleuvent les voiliers
Et leurs pestiférés.
J’entends et je vois
Des enfants que j’étais
Comme si j’y étais.
Mais ne sois pas trop simple :
Ya rien de plus mytho
Qu’un môme avec les siens.
Vieux poète a l’air con,
À cent ans comme à vingt.
Bref, Dieu ne parlait pas : donc il ne mentait pas.
Ne parlait à personne, ni au lit ni ailleurs.
Comme au comptoir ou sous le robinet.
À la galène et au tison, rien, pas un mot,
Ni sacré ni autre chose, des riens en veux-tu
En voilà, et des fidèles en masse et en rond,
Alors qu’on crève de faim ou d’ennui,
Qu’on n’arrive à rien sinon à gagner
Ce qui se gagne ou se perd selon le jeu
À jouer ou à rêver / personne n’a calculé
La masse de la mort depuis que la terre
Est humainement possible / personne n’a tenté
Le Diable à ce point / mon chat n’en sait pas plus.
Et mon chien ne reviendra pas de si loin.
Faut que je m’en aille (dit-il) sinon je tue.
Je finis mes jours en prison ou ailleurs.
J’avais le choix mais je l’ai plus.
Je n’écouterai plus personne,
Ni Dieu ni ses prophètes,
Personne mais alors personne,
Et quand je dis personne c’est
Personne sur le pont ni à la baille !
Marre de gratouiller les écailles…
De boire et de chanter, de revivre
Ce que je sais et ce que je ne sais pas.
Rien à transmettre, broyez vos galènes !
Tuez les chats si ça vous fait plaisir
Et laissez le café à ceux qui le cultivent.
« Ya pas comme le pouvoir pour bien bander » /
Secouant la chevelure d’une collégienne
À la dérive de l’adolescence
Recommence chaque jour ce qu’il a commencé
Dans la joie d’avoir trouvé le la
/ ou reprend le fil où il l’a laissé la veille /
Et les épaules de la fille tressautent mais
Sa bouche rit / le jeu de mot le rendait hilare
/ « que si que vous l’avez connu / écrivait
Des choses dans le genre Apollinaire /
Vous savez : si proche de l’entendement
Qu’on se demandait si c’était de la poésie
Ou une manière comme une autre
De se distinguer du reste de l’Humanité »
Ni chien ni chat à cette hauteur de la vie sociale
/ pas même la terre rongée par le soleil et ses vents
/ pas même (quand il mettait le nez dehors comme
Hypérion)
Cette mer qui noie les peuples dans le commerce
De la chair et de l’esprit /
Donnons un sens à ces étendues à traverser
Pour conquérir d’autres horizons
/ « je sais plus où j’habite depuis »
Ni désir de pouvoir (par nécessité sexuelle)
Ni rêve hiérarchique (par paresse sans doute)
Dans sa tête peu faite pour la participation
Aux travaux qui font l’Histoire d’une manière
Ou d’une autre /
Écoutait et regrettait (sans amertume toutefois)
Que l’enfance ne connaisse pas la révolte : chiale
Des principes contradictoires et lèche les vitrines
En même temps / « où va se foutre le talent ? »
Ni désert ni forêt où l’abondance est animale /
Des façades bleues où le volet se ferme et s’ouvre
Étêtant les géraniums toujours atteints de pythium
/ puis arrachant la tige noire elle invoquait son dieu
Et ses seins / « j’ai jamais cru au génie de l’enfance :
Piètre poète celui qui imite le cri de l’oisillon /
Des idées derrière la tête, oui / et cette histoire
D’omelette nécessaire héritée de l’expérience
Du Pouvoir / ne me parlez plus de cette fille ni
De cette plage où j’ai imité le cri de la mouette »
Il n’y a rien (disait-il encore) comme se faire mal
Pour trouver de quoi écrire /
Sans devenir fou de rage
Ou de désespoir / cueillez
La rose tant qu’elle est rose
/ blanche elle a le sein laxe
/ et le nombril introuvable
/ or j’ai cette idée pas facile
Que j’eusse mieux fait de crever
Avant d’avoir atteint l’autre rive
/ la berge boueuse de pieds
Et de museaux / ces rues interminables
Et denses / rien à glaner
Ni à cueillir par le simple geste
Ou l’exercice constant
Du rêve sur les apparences /
Quelle rose ne le sait pas
Au fond d’elle-même ?
Qui rencontre-t-on si on est à la recherche
De ce qu’on croit avoir perdu en chemin ?
/ s’il s’agit d’un chemin et non pas d’un lit
Où le río fait trembler la maison / cuando
El río suena / qui en travers du chemin
S’interpose ? Qui engage la conversation
Comme s’il était naturel que l’homme
Se souvienne de la fille ? / agua lleva /
La roche creusant et amoncelant / le bois
Pris de vitesse avec le regard / la faja
Dénouée dans ces circonstances et le temps
Court vers sa prescription / acquisitive non ?
Ne soigne plus ses bouts rimés
/ ne cherche plus dans l’intervalle
De quoi nourrir la voix / s’égare
Non plus sur le chemin mais dans
La rue : la rue aux vitrines enfantines
/ aux personnages aussi heureux
Que s’ils étaient sortis d’un missel
/ vœux des moralités au Capital /
« jamais je ne cèderai à la tentation
/ plutôt fuir et vivre ma vie ailleurs
/ seul si l’animal veut de moi »
Mais le travail rend fou même celui qui aime
Travailler / d’arrache-pied ou selon le temps
Qu’il fait / « ya pas de contradiction à servir
À quelque chose et à toucher ce qu’on mérite »
Faisait son Apollinaire dans les cahiers
De son passé d’écolier / exhumant des désirs
De rencontre et de partage / « j’ai jamais
Autant vieilli » / et pourtant en la voyant
Il a revu : ce qu’il n’avait pas osé approcher
D’aussi près que la mer / « on revient
Sur nos pas à cet âge / tiens-toi le pour dit »
Si tu aimes ta terre natale,
La sienne appelle le voyage
Et tu n’en as jamais eu les moyens.
« j’ai rien appris de plus
De cette existence
Ni de vos attentes
Ô correspondants de guerre ! »
Qu’est-ce que le chemin
Si tu n’en trouves pas
La croisée ?
Rues tangentes et cercles
Où se fument les départs /
De la vitrine au Père Noël
À la pratique de la clandestinité.
Ces écarts de jambes sur scène.
La bouche glougloute en marge.
Oiseau des villes chieurs
Des trottoirs et des jardinières.
Tu travailles et tu gagnes
De quoi continuer sans rien changer.
Un peu de poésie d’enfant
Dans la politique municipale.
La conscience en lieu et place
Du dieu qui ne veut pas mourir.
« l’esthétique pure est une façon
De ne pas parler de sa défaite »
Comment sais-tu qu’elle t’attend ?
Qui a payé le prix et le silence ?
Qui sait mieux que toi comment
S’achève ces tourments, renégat ?
Suivi de son chien et précédé
Par son chat / la mer aux pieds
Et ces montagnes dans le dos :
Le voilà ton personnage /
Il ne te ressemble pas mais
Il est si proche de ce que tu as vu
Dans le miroir familial : chambre
D’hôte / les clous plantés
Dans le mur : près du lit au-dessus
Du chevet : elle prenait soin de lui
/ vérifiait la tension de la flanelle
/ flattait les cuisses et une épaule
/ toujours la même l’épaule :
Il n’y a pas d’explication /
« des fois j’y suis et des fois
j’y suis pas » / sous les oliviers
Elle touillait les migas / maintenant
Elle jouit du spectacle avec toi.
« je ne sais plus ce que j’aime /
Trop de catalogues à la place
De la mémoire / faut que je te dise
Que je suis pas venu seul : ma femme.
Ce qu’elle espère de moi encore.
Malade de l’égo comme les autres.
Veut exercer le pouvoir au moins une fois.
Laisse-moi toucher tes lèvres avec les miennes.
Nous étions si furtifs à l’époque.
Vite fait mais en as-tu profité
Autant que j’en ai rêvé
En repensant à toi une fois seul
Dans mon lit d’adolescent ?
J’écris ces mots sur la nappe.
Boulette des poubelles proposées
Par une domesticité qui attend son tour.
Tout le monde voyage aujourd’hui.
Promesses aux apothicaires.
Tu n’es plus toute jeune, dis donc ! »
Qu’est-ce que le temps change au juste ?
J’étais la proie des apparences et pourtant
Je ne me souciais que de mes chimères.
Nous finissons par ne plus rien y trouver.
Dis-moi comment ça s’est fini pour toi.
Qu’est-ce que cet enfant, de chair ou de papier,
Change mieux que la mémoire ? La ruine gagne
Le cœur même du tournoiement acquis avec les ans.
Mais tu ne sais rien de la tempête ni de Prospéro.
Tu n’as jamais quitté le rivage. Tu as trop attendu.
Nous ne saurons jamais ce que nous aurions changé
Ensemble. Nous avons perdu avant même de jouer.
Moi sur la mer « infiniment » et toi aux terrasses noires
De monde. Il n’y a pas de servante au grand cœur.
Ce poisson ne cligne pas des yeux. Jamais le travail
N’a autant signifié. Nous nous éloignons de tout
Ce qui était possible. J’en ai l’écriture comme au noir.
« Vous comprenez ? » / le chien, le chat, la mer et ses soleils
/ « que le vent les emporte ! » / je ne suis que le personnage
De mon personnage / gagne du terrain l’imbécillité commune
/ ces vitrines d’amour et de plaisirs solitaires / par les rues
Jetant son dévolu sur les apparences taxées d’inconnu /
Coudes de chaque côté du verre / goutte au nez et lèvres
Fissurées / je n’aime pas ce type de rencontre : comme si
Le lecteur s’y trouvait enclos comme en un pré travaillé
Selon les règles de l’art / d’un coq à l’âne ou par le biais
D’une substance hors de prix / « te souviens-tu de moi ? »
Je n’en ai pas le moindre souvenir : tu mens ou j’ai perdu
Le fil de ma propre histoire / « qu’est-ce qu’on gagne
Si on n’est pas seul à jouer ? » / je ne sais plus si je savais
/ Molly à tous les angles un peu éclairés / ou Sally charmant
Les ondes / Ezra en cage ou livré à lui-même et à ses démons
/ les personnages secondaires : soubrettes et notaires /
« depuis quand tu n’es pas venu ? » / au théâtre s’entend
/ ganté de blanc et environné de fumées et d’embruns
/ passe la porte puis le portillon et attend son tour /
« je ne sais pas si je suis positive ou pas » / sourire d’enfant
Et d’en bas / « elle n’a pas voulu monter » / mais pourquoi ?
Elle et moi : cette passade dans un décor de bambous /
La pluie des après-midis / « tu ne connais rien au cerveau »
J’avais l’art de dénicher le bon emplacement / au large
Les bateaux en proie aux mouettes / « on ne s’entend plus ! »
Qu’est-ce que la poésie de ce temps
Si ce n’est pas la poésie qu’on apprend
Par cœur à l’heure de signaler sa présence ?
Griffonne encore en marge avec des couleurs
Que le papier semble retenir / cette sorte
De pâleur acquise à l’exercice du devoir /
Essais de perspective par le moyen du chemin
Qui s’élève en pointe / le même arbre répété
Dans les mêmes proportions / « comprenne
Qui pourra » / mon Dieu chien ou chat qu’est-ce
Que cette poésie qui ne me connaît pas encore ?
Qui fréquente mes lieux quand je n’y suis pas ?
« ô le bel hendécasyllabe ! »
Il en a la bouche pleine /
Ne passe pas son temps
À sucer des pastilles
Contre sa mauvaise haleine.
Voit venir les meilleures.
Devine le degré de résistance.
Trouve ça dans les yeux.
Sait qu’elle ne le regrettera pas.
Venu avec sa piécette à papa.
Ne la quitte jamais, surtout
Si le temps est au beau comme
Aujourd’hui / « nous traverserons
L’apparence des vitrines pour
En consommer les avantages »
Comprend elle aussi cela.
« peut-être l’expérience, qui
sait ? » / évalue la fragmentation
Qu’elle fréquente / habitudes
Vite saisies / « voulez-vous
Que nous en parlions ? Ça
Me ferait du bien / maintenant
Que la solitude : cette atroce
Sentiment de ne plus pouvoir
Gagner la confiance / pas l’amour :
La confiance : mon franc-jeu
Devant l’hypothèse la plus
Probable / mais c’est bien fini
/ notez que je dois de l’argent
À l’hôtelier » / comme c’est
Étrange de la retrouver ici !
La prospérité, c’est le viol
« ne sera jamais riche / ni élu /
Dieu fils de pute y pourvoie / canaille
Des gosses de riches aux machines
(politiques, médiatiques, show-biz,
Lettres, écrans en tout genre, mer
Et panoramas sans distinction
De race ni de religion) et sur le pont
Les domestiques de la démocratie
Et des gosses souteneurs de proxénètes
(À leur âge, nom de Dieu / mais où
Court-on ?) / puis la ribambelle
Des fous et des larrons / enfermés
Ou agissant au creux des vagues
/ et le poète s’emploie à retrouver
Le sens : dispose des caractères
En rond sur les planches ou dans
Les pages de ses plaquettes imprimées
Aux frais de papa, de maman, de qui
Possède une parcelle de pouvoir
Sur ce que le temps finit par user
Jusqu’à la corde / ainsi les générations
Et cette maudite attente qui exige
De l’Homme qu’il pose son menton
Sur sa propre épaule pour jeter
Un regard nostalgique sur son passé
/ qui n’a pas été résistant comme
Camus ? Qui n’a pas tenu la chandelle
À la Presse ? Qui n’a pas feuilletonné
Dans sa jeunesse ? Dieu dans le cul
De sa mère l’Idée trouve de quoi
Entretenir la rue et ses campagnes
Environnantes de mers et de montagnes,
De déserts même si l’eau vient
À manquer au potager / je ne suis rien
Mais j’aime les idées et surtout celles
Qui divisent pour mieux régner / la terre
En surface comme en profondeur
Ne fera pas de moi un riche ni un élu
/ ça je l’ai compris il y a belle lurette
/ je vous parle depuis la station orbitale
Universelle : et pas un sou en poche
/ pas moyen d’influencer le cours
Des choses / entre les perroquets
Et les éjaculations précoces : je descends
Dans la rue avec mes bagages et le soir
Venu je n’ai toujours pas voyagé /
Qu’est-ce que la nuit dans ces conditions ?
La prospérité, c’est le viol / martel
En tête chaque jour d’heure en heure
/ cette fois se réveillant en même temps
Que la scène fond au noir / ne voyant pas
La nuit ni le jour / mon Dieu : qu’est-ce
Que ceci : ni nuit ni jour / ni espace ni temps
/ comme si je revenais de loin / sans passé
Ni futur / sans voyage ni mort / objet
Des pitreries qu’inspire la poésie
À l’angoisse ou au prurit / je deviens
Poisson dans l’eau / jouet des lignes /
Surfeur des crêtes / possible lendemain
/ mais vous ne m’écoutez pas, frères /
Nous nous ressemblons tellement peu
/ je bois et vous ne buvez pas / le monde
Vous sourit et je grimace dans les rangs
/ de douleur mais ça amuse l’enfant
/ le monde tel qu’il est ne convient pas
À ma vêture / grands vents par-dessus
Le marché / brassant idées et possessions
/ mais comment ne pas sortir de chez soi
/ conseillé par le temps qu’il fait /
Mais le conseilleur n’est-ce pas /
Pourtant je ne suis pas celui
Que vous croyez avoir portraituré
/ ni élu ni damné et bientôt
Ni jeune ni vieux »
Bal des suicidés qui ont survécu à la Guerre /
« on fait fortune ou on n’en profite pas »
La prospérité c’est le viol / on conseille l’amour
À tous les étages / mais là-haut le vent ravage
L’esprit et le soumet au vertige / lucarne
Des bonheurs possibles ou en usage / peupler
Le vide devient la seule obsession / « je veux »
Il est vrai que les promesses sont tenues /
Aux machines les plus belles (les plus désirables)
Présentent l’actualité et ses prix, ses honneurs
(sans jeu de mot) / ses défis face à l’impossible
Et à l’injustice décrite dans les meilleurs manuels
Scolaires / Dieu encule la femme et se fait sucer
Par l’homme / « puisqu’on est en période électorale
Refaites-vous une beauté
Car le temps voyez-vous
Regardez-vous enfin
Vous n’avez plus le poil
Aussi soyeux que jadis
Et je ne parle pas de naguère
/ revoyez la ligne et le profil
Replâtrez profitez-en pour
Changer l’opinion en idée
/ rien de plus beau que le suicide
D’un gosse de riche qui n’a pas
Convaincu / prospérité n’est pas
Triomphe / mais violer son prochain
Demeure le nec plus ultra /
Ne pas aller plus loin que cet arbre
Dit papa en présence de maman
L’enculée / le potager a besoin
De leur eau / dit-il encore à son
Fifisse ou à sa fifille / maman sans-
Culotte / on aime encore la tragédie
/ l’ouvrier veut travailler dans un bureau
/ le magister distingue la perversion
Du talent / ne buvez pas dans mon verre
Si vous pensez que j’ai tort »
Qui n’a pas reconnu le mythe en marche
Militaire ? Ses muscles de marbre dépeint
Par la fréquentation des enterrements.
Son regard troué. L’étrange perfection
De sa posture impossible à changer
Sous peine de chute. Ses membres manquants.
Ce que l’imagination conseille à la vérité.
Usinage parfait en son temps. Et même
Utile. Au passage des badauds. Escarcelle
À la ceinture ou sous l’aisselle. Reconnaît
Le Mythe et lève son verre sous la tonnelle.
Papa le leva en son temps. Qui n’a plus d’âge
Ici ? Affiche imitant par procédé dimensionnel.
Bois à la santé des parangons de la prospérité
Municipale. À la ville comme à la campagne.
Se souvient du djébel ou de la jungle, déserts
De l’amour. Jadis il possédait une statue
De héros. Articulée comme un langage.
Cornait comme Roland. Possédait acier
Et courage. Se voyait élu à l’unanimité
Moins ce qu’il faut d’adversité. Pas de roman
Sans poésie et pas de poésie sans possibilité
De trouver le sang ailleurs que dans la chair.
Expansion et récession devant la porte /
Tu n’as pas le choix / le charlatan veut disposer
De tes moments de disponibilités / voit
Ce qui est possible et ce qui ne l’est pas /
Un langage simple à la disposition de la volupté
/ avec ce qu’il faut de vulgarité pour te séduire
/ mystique sans Dieu ou saint sans ses églises
/ car il a « fait » la guerre / il en a construit
L’épopée avec ses maîtres en apparition
À l’écran / le cabotin bonimenteur et faux jeton
/ sur la place avec les produits du potager
Et les artisanats décoratifs et utilitaires /
Sait comment et pourquoi / de naissance
Ou par esprit domestique / gravit la montagne
Et ne redescend pas pour recommencer /
Se fiche du rocher comme de son premier
Baiser / dans l’urne jamais couleur de cendre
/ au vent pas plus volatile / taillé dans le marbre
Où on grave / le même outil sur l’établi /
« joue le jeu » et gagne de quoi se loger
Sans hiver ni été / jouisseur d’automne
Malgré les chants contraires et éprouvés
Par la pratique du vers / marteleur de printemps
Dans la chair de la jeunesse / « nous vîmes
Une statue : elle nous faisait signe de nous arrêter »
Elle : « as-tu pensé aux autres ? » / jardins
Piaillant dans leurs arbres annexes / le bras
S’abat en signe de prospérité gagnée sur le tas
/ le verset prend par la main et conduit / conçu
Pour ça / et devant les objets nécessaires
À la compréhension du monde ainsi imposé :
Coupure au niveau du poignet / sans technique
Conçue pour éviter la douleur et encourager
Le calme recherché / « nous ne sortons pas assez »
Quelle chance nous a manqué ?
Pourtant dehors rien de nouveau.
Les mêmes visages que dedans.
Le même chien en laisse et son os.
L’enfant jaloux et hypocrite le tient.
« nous aurons tout ce qui te fait envie »
Moins la beauté d’une pensée utile.
Chacun sa proie selon grosseur.
Le chien lorgne la vitrine du boucher.
Le chat voit des coussins partout.
L’enfant n’explore pas : il joue
À jouer / il sait ce qu’il veut /
« si tu ne sors pas tu deviendras
une momie » / pas question
De cendre à cette hauteur /
La couleur est celle du cuir /
L’immobilité imite les statues /
Interprète des crispations /
Au théâtre comme à la cuisine
« les chiens mordent par nécessité »
Devant la vitrine qui sent le pain :
Enfant j’avais envie de toi.
La momie est le signe de l’âge.
Tu n’auras pas la cendre ni le vent.
Des archéologues futurs en toi.
« ne sors pas dans cette tenue ! »
Ni nu ni habillé : satin des sorties
En plein air des places et des rues
Étoilées par principe giratoire /
« tu verras comme c’est beau
/ et comme c’est chouette l’urne »
Petits papiers ne quittant pas le nid.
« qui ne veut pas être heureux
ne le sera jamais » / or : que dit
La Sagesse (celle qu’on aime) ?
Dit : « nous ne sommes pas nés
Pour pleurer » / d’où le rire
Imité des babines de l’animal.
« sortons si tu le veux mais moi
tu sais je me sens bien ici avec
toi et tout ce que nous possédons »
Le tire par la manche jusqu’au
Bureau de vote / sous les mûriers
En rond affine sa pensée avec
Les autres / « qui aimons-nous
Le plus ? » / pas de prospérité
Sans agression / « depuis le temps
qu’on pratique » / voilà comment
On fait et pourquoi on le fait /
« tu es nous et nous sommes avec toi »
« rien qui te fasse envie ? » / choix
En guise de liberté / donner du grain
À moudre / l’arbre de Gertrude
Déraciné un jour de grand vent
/ l’Histoire en marche rien ne l’arrête
/ arbre couché sans ses feuilles /
« en portait fièrement je me souviens »
Comme les rues sont rues si on les prend
Pour ce qu’elles sont ! Et comme
Je suis moi si je ne suis plus toi !
Ce que l’homme peut infliger à l’homme /
Demandez-leur ce qu’ils en pensent /
Militants et héritiers dans le même sac
/ permanences des rues et des écoles
Primaires / ce qui se passe dans la tête
C’est matière à justice / sinon ça ne paie
Pas / « qu’est-ce que tu as vu, fiston ? »
J’ai vu non pas ma tombe mais mon cadavre
/ (répondit-il) / « alors tu n’as rien vu
Que je ne sache déjà : dire que j’ai rêvé
(avec elle) d’un enfant (fille ou garçon)
Capable de me montrer ce que je n’ai pas
Vu : et que mon père a frelaté pendant
Que ma mère se taisait » / moisissure
Des parentés : « tout est vieux ici et :
Tu veux me convaincre avec ta high-tech
/ mais c’est la campagne que j’aime :
Mourir avec les animaux domestiques
Et le gibier : tomber nez à nez avec
Le lieu de sa mort : avec arme et outil
/ pas de bagages : ni pour la cavale ni
Pour les vacances / un seul être avec moi
: pour reconnaître la saison à ses pluies
/ et ne rien donner à la patrie / tombeau
Des enculés / « tu aimes quoi donc ? »
Même Baudelaire veut exterminer ///
L’indésirable est au cœur de l’information
En boucle / traité comme des virus mais
Sans possibilité de mutation / femmes
Et enfants devant les hommes / et petit
Dieu (un cheval tout blanc genre pottok)
Avant l’homme : la bite à l’air pour la leçon
D’écriture / quelle peur à la place du dégoût ?
Et quelle philosophie à la place de la peur ?
« n’y pense donc point
Matelot qui navigue
Sans les flots
N’y voit pas malice
Ni femme facile
Des escales
On n’y peut rien
Ça c’est gagné
Même la Résistance
Est tombée
Dans leurs mains
Avec Journal et Lettres
Et siège au Parlement
Et à l’Université
Et des rôles à jouer
Pour devenir héros
De pacotille, oh oho
/ n’y pense donc point
Tu te f’ras donc mal
Faut pas chercher
Ce qu’on possède
Déjà oho oho oho
Matelot sans les flots
Toi qui marches dessus
Comme le p’tit Jésus
Avant qu’ça soit en croix
Qu’on aime et qu’on y croie
Viens donc par ici
Au coquillage souffler
La vedette et les sous
Tes petits pieds mouillés
Valent bien un beaupré »
Ports de plaisance sentent le vernis et la lessive
/ ports de pêche le poisson et la sueur
/ on ne se promène plus avec un chien
: le vent ou je ne sais quoi de nouveau
Qui n’explique pas la sécheresse ni la pluie
/ ya plus d’alchimie qui tienne, mille tonnerres !
« qu’est-ce qu’on va faire de cet enfant autiste ? »
C’est comme ça (ou à peu près) que la réalité
S’étrique : mais jusqu’où ça va aller, mathurin ?
On ne vieillit pas si c’est ça le chemin : à la baille
Ça se termine : et sans vouloir y habiter / ça serre
Aux entournures : « paraît que c’est dans l’infiniment
Petit qu’il faut chercher » / mais tu cherches quoi
À part les ennuis et une alimentation standard ?
L’ange visite les siècles en expert de l’Histoire
/ peur ou nausée : c’est tout ce que ça t’inspire ?
« se chier dessus ou vomir toutes ses tripes » /
« ya rien d’autre à trouver,
Ô chercheur des fleurettes
Qui peuplent nos esprits
Au moment d’en finir »
/ « paraît qu’on s’en va sans douleur ni regret »
/ des lunes qu’on y pense : exterminer :
« pour vivre enfin
notre existence
et trouver du nouveau
qui le soit vraiment
et non pas en poé
poésie des douleurs
ou des incrustations
de vieille porcelaine
fleurie haute en couleur »
Prés et bois en prime
Si tu ne vas pas trop loin
D’ici où tu renais
Chaque fois que tu jouis
C’est ici aux vitrines
Que la caresse est digne
De l’écran et des soirs
Ici que ça se passe
Et non pas dans ta tête
« De l’autisme à l’amour-propre
Il n’y a qu’un pas : extermination.
Si tu n’as pas compris ce mécanisme
Tu mettras toi aussi la main à la pâte. »
Après tout belles sont les choses
Simples comme les compliquées
/ suffit de pas se presser au portillon
Avec les autres et : « garer son cul »
À Paris comme ailleurs en province
Ou sur les îles / « ça travaille dedans
Et dehors c’est perdu » / qu’il faut dire
/ « alors reste dedans : demeure ! »
Quelle ode ! Quel feu ! Et quel cul !
Yen a pour tous les goûts et les cœurs !
35 heures et encore : pas tous les jours
Que Dieu surveille du coin de son œil
Dans la tombe / « si tu sais où tu vas »
Descend de sa montagne et de son soleil
Et retrouve le soleil mais couché sur la mer
: découvre que l’horizon n’est pas au bout
Du chemin / « une idée comme ça que j’ai,
papa » / « qui te l’enfoncera dans le cul ? »
Qui ne sait pas qui je suis ? / ah ! l’épopée !
Mais point d’épisodes au large
Et rien d’autre que le vent
Si ça doit mal tourner /
« je te le dis comme me l’a dit papa »
Des fois j’y pense et souvent pas.
« t’as allumé le couloir ? »
On ne monte plus se coucher
/ on y va : au lit et en rêve
/ lumière d’un autre feu
/ « ya pas plus con que la guerre »
/ au quart que tu vas vivre
Cette vie qui appartient à l’existence
/ comme te l’a dit papa
En coupure constante /
« tu serais qui
Si tu n’est pas de moi
Ô épopée des vagues
De vent et de terre ? »
Avec les bêtes et le gibier
Au bois comme chez soi
Avec enfant et femme
Et même un président
En forme de monarque
« je ne vois pas plus loin
Que le bout de ton nez /
On est fait de ce bois
Dans la famille /
C’est moi qui vois
Et tu ne vas pas
Plus loin que l’arbre »
Équinoxes gagnés sur l’attente avec l’été
Des moissons et des chasses / « ça fait rêver »
Mais tu n’as pas besoin de plus : hallucination
Garantie / avec ou sans substance : « trouveront
Le moyen de forcer le cerveau à en fabriquer
Et alors se posera la question du prix à payer
Et du crédit qui va avec » / où va la poésie
Qui charme et qui enseigne ? de quel bois
Est celle-ci : à la pointe de quel couteau ?
Fruit du hasard ou de l’imagination, qui
Vit ici ? / portes battant au vent des déserts
De l’amour / « éditeur cherche poète un peu
Au-dessus du chansonnier mais pas trop »
/ car nous avons besoin de nous occuper
L’esprit après le boulot : divertissements et
Abus / « c’est comme ça qu’on se rencontre »
Papa connaissait un autre moyen mais il est mort
Avec / c’est fou ce que ça parle une pierre tombale !
Et la photo sur le bahut : ce sourire de la pose /
« j’ai jamais posé autrement » / une petite Guerre
Pour alimenter les conversations et les silences
Convenus / « comment on fait pour écrire des vers
Sans rimes ni mesure ? » / le Monde qui ne veut pas
Entrer dans une bouteille avec nos rêves
Et nos voiles / qui vend le mieux vend sa peau /
Certes des tableaux parisiens et des voyages
/ cet effort pour sortir de soi à la demande /
Mais la force en jeu est centripète : gare
Au gorille ! Il est entré dans la demeure /
Qui n’a pas rêvé
De posséder un animal
Aussi humain que possible ?
Qui n’a pas caressé le rêve éveillé
Au lieu de se confier à la nuit ?
Pourtant le suicide
Appartient à l’enfance.
Seconde de plongée
Dans ce futur si proche
Qui n’aura pas d’existence :
Le voilà le roman de ta vie !
Entre le cheval et le loup :
Tes arbres et ceux de la forêt.
Mais ton chien est truffier ou chasseur.
Et ton fusil n’a jamais tué personne.
Elle est où, ton histoire, matelot
Des champs et des prés ?
Navigue sans les flots depuis si longtemps
Qu’il néglige le compas et les conseils /
Mourra comme les autres et ne survivra pas
/ faute de « famille » / ou laissera son nom
Sur l’écorce d’un arbre : mais pour combien
De temps ? / et avec quel autre nom s’il s’agit
De ne pas partir seul ? /
Nous aimons
Tellement
Les enfants !
Tribut des indépendances à chaque page /
Une fois le sang versé à même la pensée
/ cruauté sans intention d’infliger la douleur
/ entre le camp et l’atome : pas de nuances.
« nous aimons les enfants autant que vous »
Qui ne les aime pas s’ils sont nos fils ?
Et de quelle fille parlez-vous ? / à la ferme
Nous ne vivons plus / au bois nous n’écoutons
Plus / la mer garde ses secrets mais sans elle
De quel beaupré le corps anime ses chairs ?
« Ne suivez pas l’exemple qui vous est donné
/ suivez le topo / nous aimerions tous les enfants
Si c’était possible : mais ça ne l’est pas : nous
Sommes faits comme ça et pour ça / Dieu
Ne ressemblera jamais à l’homme parce qu’il
Est l’Homme / maintenant cliquez dessus
And wait : pendant que le serveur travaille
Pour vous servir » /
« Entre les gosses de riches et la racaille ouvrière
/ mais elle est où ta place ? » dit papa qui a l’œil
Sur le bouchon : la surface de l’eau à l’image
De mon existence : verte et tranquille puis la yole
Descend : à bord la fille qui fera mon malheur /
Dit papa / il disait un tas de choses tirées du « roman
De sa vie » / comme si d’épisode en épisode
Il avait gagné du terrain et construit dessus
Sa maison et le foyer de sa maison et la vue
Imprenable / « qu’est-ce qu’un homme qui
Ne gagne pas sa vie / honnêtement ou autrement ?
/ faut être père pour s’en convaincre » / rivière
Peuplée d’attentes et d’excitations aussi soudaines
Que la mort accidentelle / « un peu de lyrisme
Entre deux verres : et le sommeil réparateur »
Passe une barque avec à son bord
Le scarabée d’or de Jupiter
(je ne comprends pas…)
« je vais vous raconter mon histoire » / verre bleu
/ d’un bleu profond comme on imagine l’espace
Infini plutôt que dans l’absence de toute couleur
/ un arc-en-ciel d’hypothèses aux interstices
Jaloux / « mon histoire n’a rien de lyrique mais
Elle me fait chanter chaque fois que j’oublie
Qu’elle est la mienne ou si je prétends
La posséder comme celle qui vous détruit
À petit feu » / des garces aux cuisses nues
Comme témoins / « qui n’a pas de père ?
Tout le monde en a un ! Même le Nazaréen !
Le Prophète n’a-t-il pas hérité du sien ? »
(je ne comprends pas…)
« nous sortons seulement si quelque chose
Nous invite dehors : par curiosité ou combat »
(je ne comprends toujours pas…)
« ya rien d’autre (là-dedans) pour nous sortir
De force / la soif et la lutte avec l’ange /
Sinon on se garde bien de s’éloigner du feu
Qui a toujours flambé dans le foyer familial »
— Vous comprenez maintenant ?
— On vous a pas sonné, curé !
À moins que vous ne sachiez s’il existe autre chose
Que l’intérieur et l’extérieur… / pas moyen d’y foutre
Autre chose que la queue dans cet interstice !
(je ne comprends pas…)
« c’est dedans ou dehors que ça se passe, merde ! »
Comme si le Paradis n’existait pas / et son Enfer
Qui n’atteint pas le niveau de la tragédie allez
Savoir pour quelle raison / mort de la métaphore
Genre tombeau, vitre ou athlète nu dans le stade
Ou pendant la bataille : s’imagine qu’il a combattu
Avec une femme / contre elle giclant le sang
Et les nerfs à bout : questionne la chambrée ou
La brigade / le visage éclairé par son écran :
Refuge des écrasés / à la place du livre et même
Du spectacle où le personnage s’est enfin soumis
Aux exigences de la scène / « si je gagne ce voyage
: je ne reviens pas » / comme à la guerre avec sa fleur
/ et des milliers de cadavres pour donner raison
À la politique / le poète ne tue que par amour /
Voici le verre bleu de la discorde : au pays des sorcières
Je crois gravissant les rues puis redescendant un verre
À la main : touriste qui ne comprendra jamais pourquoi
Nous avons été si pauvres / c’est que papa travaillait
Dur / gagne du terrain devant le portail et la rue
(la tienne) s’anime / « sais-tu de quoi je parle ? »
Que veux-tu imager ainsi ? Ta pensée ? Ton désir ?
Ce que tu as déjà consommé ? Ta momie ou ta cendre ?
Le cuir possible du cadavre ou ce qui reste du feu
Une fois qu’on n’en parle plus ? « quelle épopée on a
Dans ce cœur endurci ! » / il te reste du temps et
De quoi le dépenser sans compter / quelle poésie
Au cœur de l’action ? / animaux plus qu’imaginaires
Malgré le prix à payer / dans son petit carnet rouge
/ la moindre sollicitation / trace appartenant à l’autre
Qui était venu pour s’entretenir du passé et des
Meilleures choses « qui nous soient arrivées » /
Note le grain de la parole en marge : signe des temps
/ le cri vaut plus cher que le silence têtu des morts
/ ne lit pas trop vite, bougnat, le contenu à la craie
De mon ardoise / « qui est le père de cet enfant ? »
Question posée au Journaliste : « j’aime l’argent
De l’or » / qui sait de quoi l’Humanité mourra ?
/ débauche dans le texte : comme si ses érections
Duraient plus longtemps que sa passion pour
Le théâtre / « une chose après l’autre, mon vieux !
Un truc à lui : pas plus. J’y réfléchis et je te dis… »
Hortense de Word au pilori / sans ponctuation
Ni suspension / Rimbaud à l’affût mais ses fusils
Ne valaient rien : pas un pet ! / Monfreid vole
Son or et le noie / « ça ressemble à quoi un poil ? »
Glabres saisons en quatre comme cheveu sartrien
/ rare mais courtois : ne sait pas ce que c’est
Un ami : empathie mise à mal par le peu de choses
/ « qui saura mieux le faire que toi ? » / si je chante
C’est pour te vaincre / j’ai le bison séminole / matins
Des sources retrouvées : ni magma ni tissu / des rôles
À jouer pour avoir l’air mais pas les paroles / soirs
Après des journées biologiquement reconnaissables
/ « cascade la vertu » / miroirs des sommets atteints
Malgré l’idée de canard / « dans le mille que je l’ai eu
Ce voyage ! » / toute l’industrie au service de la recherche
Du plaisir et de ses petites mains / la queue dans le cul
D’une gamine « qui n’a pas l’âge mais la chanson » /
Qui reviendra pour revoir ? / « papa dit que jamais »
L’entonnoir des perspectives : on finit ensemble /
Coude à coude des agonisants / sans arène ni dieu
/ « alors, tu l’as trouvée ta place dans les limites
Que je t’ai indiquées ? Non, n’est-ce pas ? On demeure
Un point c’est tout / pas autre chose à espérer de lala
De la vie » / bouchon tricolore avec le blanc au ras
De la surface / les truites dans les trous noirs des berges
/ relevant la manche / connaît depuis longtemps ô
Depuis l’enfance : l’indice de réfraction / ne la rate
Jamais / se tortille avec elle dans les herbes folles /
La garde en vie dans son eau / perspective d’un repas
Du dimanche / à la pêche va au lieu de se donner
À Dieu / trousse la vierge sous son porche / ne déflore
Jamais / laisse ça aux autres / il pêche pour pécher /
« mais je suis bien revenu de ces pays de merde ! »
On n’est bien que chez soi : avec les siens et les autres
/ et les objets du voyage : au mur et dans les tiroirs
/ « on s’est battu pour que ça dure : la civilisation
on s’en fout » / « ne mélange pas tout, pépé » /
Note aussi cela dans son carnet à couverture de cuir
/ chacun sa part de momie : pour la cendre, vous attendrez
Encore un peu : temps de réflexion : des jours d’angoisse
/ des nuits au sommeil doublé d’urnes / « vas-y pépé ! »
— C’est toujours dans la poche…
— Tais-toi, curé ! / (tu comprends pas) / des lunes
Et pas de soleil pour éclairer ma lanterne / jouissons
De l’enfance si c’est elle qui tient le monde
Dans sa main / au gué / « pas plus loin qu’ici » /
Trace dans la terre avec son talon comme au stade
/ face à l’immensité qui s’annonce / voulant simplifier
Selon les directives nationales les mieux partagées
/ « tu parleras de poésie quand ce sera le moment
/ attends mon signal » / bouchon de polystyrène
Dans la masse des eaux / habitat aussi / chemise
Arrachée sous les arbres / « tu n’as jamais fait ça ? »
Devant l’hésitation de la fille il hésite lui aussi /
« jamais fait ça moi non plus » / ainsi naissent
Les bâtards : de l’hésitation / à la campagne
Comme à la ville / « ainsi tu es né de la femme »
Trace le projet sur une page : il est jeune encore
/sans lyrisme ni idée de ce que c’est l’épopée
/ « la mouche c’est le grand art » / à la bulle
Et au plomb / familier des rochers et de leurs
Incrustations têtues / « tu ne liras jamais assez »
Tous les sens à l’affût / retient ce qui se dit /
Le reste sera oublié : ou enfoui : par quelle méthode
Ou quelle intrusion s’en nourrir avant d’en finir
Avec le temps ? / allez : chante !
(je ne comprends toujours pas…)
Plus facile d’en finir avec la vie
Que de renoncer à l’existence
« je savais que je pouvais gagner moi aussi »
Voici les instruments de l’alchimie moderne :
S’en empare sans demander le prix mais connaît
Les conditions du crédit / voilà le personnage
En scène / personne ne sait comment commencer
/ « il vient toujours du monde » / dimanche
À l’eau / des dragées dans leurs cornets / messe
Des tapis / l’esprit oublie qu’il existe / « quelque chose
me dit que c’est le jour » / « moi j’ai déjà gagné
mais j’en suis revenu » / « ferme-la, curé ! » /
« avant j’étais seul » / « c’est qu’une gamine »
/ « c’est quand même pas la même odeur… »
La mer et la rivière / l’estuaire des allers-retours
/ « j’en sais rien s’il reviendra » / de la guerre
Ou d’ailleurs / « papa dit que c’est pour toujours »
Il faut savoir où on habite / sinon on ne revient pas
/ (dit papa) / quel était cet ailleurs ? / l’enfance
A perdu le sens de la mesure ce jour-là / ne riez
Pas si je vous mens / une chose après l’autre /
« tu enseignes quoi ? » / mais rien, mes petits…
Quelque chose s’est perdu… ? / possiblement
Mais après ? / « tout ça pour rien ou pour toi »
/ « ne meurs pas avant les papiers, je t’en prie »
Qui ne traîne pas la savate les jours de deuil ?
« quel est le but de votre voyage ? — vous voulez
dire : la destination… ? » / qui n’a pas le prix
A perdu son temps / je veux dire : il n’a rien
Gagné / expert en cornets il les collectionne
Et ô mon Dieu il les montre : vitrine possible
De son bonheur : qui veut essayer ? Je vous
Montre, gamine ? / la tentation de l’Occident
/ répartition équitable des contagions possibles
/ « on en reviendra à cette foutue idée d’exter
d’extermination » / vous verrez : moi je rentre
Avec cette autre idée déjà usée que je n’en sortirai
Plus : j’ai trouvé de la beauté dans ces murs / pas
Vous ? / que vos problèmes soient la source vive
De vos solutions / nous n’aimerons jamais l’autre
Plus que nous-mêmes : erreur d’appréciation
À l’origine de l’école des massacres / ramenez
Toujours de quoi nourrir votre famille / le pissenlit
Vous en sera gré / tôt ou tard / Dent de Lion salue
Hortense de Word avant même de se pencher
Face au public / Dent de Lion connaît la danse /
À deux peuplent le théâtre de toutes les histoires
Dont on peut tirer morale et connaissance /
En attendant Histoire de Recommencer, qu’on
Ne voit pas entrer mais qui sort / avant les autres
Et tout le monde / comme si la rivière de papa
Sortait de son lit pour ne plus revenir / rivière
Voyageuse sans lit / sans estuaire / sans fleuve
Pour la renommer / comme les matins sonta
Sont agréables depuis que je ne vais pluzo
Plus au théâtre ! / Hortense, Dent et Histoire
Sifflent le public qui rougit / par ici la sortie !
Et dans la rue papa veut que je comprenne
Que je ne suis pas ici par hasard : j’ai mon rôle
À jouer : avec la nette impression de ne pas
Servir à grand-chose mais ça n’est qu’une
Impression : je ne saurais jamais à quoi je sers
: « p’t-être qu’y vaut mieux qu’on le sache pas »
Voilà donc d’où elle naît cette peur d’allétro
D’aller trop loin : plus loin que l’arbre de papa
/ « comment que tu l’appelleras ton œuvre ? »
Je l’appelle « De tous mes vœux » : votum des
Dieux / mais du Désir un peu aussi / on n’en
Demeure pas moins homme / « ya de la place
pour tout le monde : surtout à celle du mort »
C’est comme ça qu’on est revenu papa et moi :
De la pêche et d’un tas d’autres choses que si
Je ne les cachais pas dessous vous seriez perdus
Pour le chemin / le chemin n’aime pas perdre
Ses caminantes / avec ou sans croisées il aime
Les pas et ce qu’il y a dedans : pieds des vers
Comme des hommes / ça gazouille dans les arbres
/ ya des fontaines et des jardins / des roses et des
Bleus / des pontons imputrescibles / de quoi manger
Et arroser / des shoots en veux-tu en voilà / la mort
À tous les étages / des canards, des biches, des yeux
Plus grands que la bouche / pour tous les goûts
Au catalogue : si tu trouves pas ton bonheur, c’est
Que t’es malheureux / au diable le Malheur et ses
Ouailles ! Faut s’appeler un chat si on est un chat
Et un homme si c’est à la femme qu’on pense
Le mieux.
« il ne se laisse pas lire » / l’homme jamais rencontré
Dans son livre mais qui y demeure / de quel génie
Le hasard ou les données animent sa présence ?
« suis-je vieux ou jeune
Maintenant que j’y suis ?
Qu’est-ce qui est entré
À mon insu et par désir ?
Je me rencontre tous les jours
À l’orée de la nuit, malade.
Moi aussi, belle invention
Du temps « je me vois me voir »
Qu’est-ce qu’une nuit sans toi
Ou la même journée, sinon
L’attente que le clocher
Organise dans ses rouages ?
Sortant de chez lui il va
Rejoindre ses semblables.
Partager l’instant et l’or
De la dernière trouvaille.
Vieux ou jeune et sans rien
À ajouter à la flaque des heures.
Il rit aussi au passage des enfants.
Ou au dépoussiérage des lieux.
Ne se laisse pas lire aussi facile
Que les paresses du songe-creux.
Au toucher ça travaille encore
De l’intérieur, télévision dehors.
Les grouillements conservent
Leur faculté d’éveiller les sens.
Voici des yeux que rien ne ferme
Et un regard à reconnaître pour sien. »
« rentre à la maison
Il y fait bon vivre et mourir
Rentre au bercail de ton nom
Le feu c’est pour toi
Qu’il éclaire ma cuisine »
« j’avais peur que ça nous arrive
/ on ne sait jamais avec les présidents
/ nous avons eu beaucoup d’enfants
Et pas un n’est encore assez vivant
Pour en écrire quelque chose »
« Qui vit à l’étage de dessous ? / entendons
Bouteille cogner les murs / ça fait peur
Ces choses / je voulais pas le dire si tôt
Mais le temps presse / on peut se faire
Tuer dans la rue par ces soldats de Dieu
/ le même Dieu sans qui la Création
N’a plus de sens / cognait avec sa bouteille
Les murs et finalement la brisait dans l’évier
/ les turlutes l’ont intubé / un soir de Noël
Après l’turbin / que j’en avais la langue
Prise au piège du témoignage / je voulais
Rien dire mais je l’ai dit / j’habite pas ici »
Traîne son témoignage sur lui-même /
Veut encore vider ses couilles / à la Gide
/ c’est pas ce qui manque les petits culs
/ un bretzel à la clé / lisait EAP avec ardeur
/ avec CB comme maître des fourneaux /
Toute la vie avec ce truc dans la tête /
Et assez de fric et de relations pour exister
Encore et encore / franchissant les frontières
Comme tu te jettes par la fenêtre / mais
Revenant toujours et retrouvant les familiales
Résidences qui servent de demeure /
Où ne va-t-on pas chercher la volupté
En ces temps d’incertitude maîtresse ?
« je vais te le dire : là-même où tu n’as
Aucune chance d’exister » /
Le rectangle
À la place
Du cercle.
« ne reviens pas sans la poubelle ! »
Couvercle comme seule rime /
Comme si le moment était bien
choisi
/ pour penser à recommencer
À partir du moment où ça s’est
joué
« avant j’étais doué…………….
Tiens encore une rime / pour
ces sortes de choses »
comme si ça rimait
à quelque cause /
dans l’escalier muselant la poubelle
« je ne fais que passer : avons mangé
Du melon / elle adore le porto et moi
J’aime les papillons » /
La femme des foules passe : il la suit
/ bande déjà à l’idée : parfum amer
Des récidives / « combien de fois
Que t’as payé, Gaby ? » / fabriquée
Par les dindes de Mésopotamie /
Un mélange de versets et de prose
/ tintinnabulant dans la descente
Genre maelström / croise une vieille
Et la viole mentalement ainsi que
La fillette qui l’accompagne au bras
D’une poubelle du même type /
Bande toujours quand il descend /
Ne va pas plus loin que l’espace
Réservé aux poubelles de l’immeuble
: pour ne pas dire de ses habitants /
Ne voit la rue que de ce point de vue
Sauf quand il s’enfuit au travail /
Ni jeune ni vieux personne ne le lit
/ personne pour tenter l’impossible
/ finira à la poubelle comme les autres
/ mais n’a pas lu beaucoup lui-même
Sauf des BD et des affiches : des « encarts »
/ ne viole que l’entrée / à la sortie
Ne se souvient plus de l’âge : petite
Quéquette qu’il a durcifiée à la main
/ « les temps sont durs pour les Lettres »
« où s’arrêter pour y penser
À tête reposée ? / quel port
au bord
De la mer ou au sommet
Des montagnes de ma jeunesse ?
Quel endroit tranquille n’existe
que pour moi ?
Je ne veux pas lutter contre la mort
/ ni contre les animaux
Qui hantent les lieux
Les domestiques comme les autres :
J’ai du langage sous les ongles
Et la langue en sang à force
de la retenir /
bizarre tout de même
que je sois destiné
à la disparition totale /
ne rien donner
et finalement
tout perdre
Arrgh ! c’est
Inadmissible !
J’en ai la page
Ni noire ni blanche
: anti-page quoi !
Et à la télé
On parle de moi / »
« prenez un de ces trucs / là / sur le comptoir
Et tirez-vous avant qu’elle descende elle aussi »
Un escargot sur la langue il continue d’explorer
La rue et ses environs, ses annexes possibles
Et ses rôles à jouer dans ses propres coulisses
/ suivant le conseil de son barman il se tire
Et tombe nez à nez avec l’improbable amour
De sa vie : il n’en croit pas ses yeux et recommence
: pour voir si c’est vrai ou faux : ou si ça n’existe pas
/ un poisson évadé du bocal / avec son eau et ses algues
Factices entre les écailles / « j’ai jamais été aussi loin »
Reprenant un escargot et le mâchant avec toute
L’attention que réclame l’apparition de ce qui est
À la fois beauté et évènement à ne pas manquer
Sous aucun prétexte : or, des prétextes, il en a !
Des tas de prétextes : il n’a rien effacé avec la gomme
De sa vie de famille / il a tout gardé : en vue d’un futur
Procès après sa mort : défaite ou destruction il n’a pas
Encore décidé / il y a consacré du temps et de l’argent
/ il a perdu l’un et l’autre : mais pour l’apéro il est
À l’heure / des escargots qui emportent la gueule
À l’heure exacte au rendez-vous ! / « jamais aussi loin »
Pas question de laisser passer la chance sans lui dire
Ce qu’il pense d’elle :
Papa est au lit
Avec la voisine
Maman se suicide
Mais c’est par erreur
Ce n’est pas de sa faute
Si elle se trompe pas de
Sa faute si le compte
N’y est point
Ah si la chance
N’était pas la chance
Mais l’enfant n’est-il pas
La meilleure des gaffes
Ici on joue
À ne pas jouer
Comme les autres
J’vous ai mis ça en italique
Parce que je sais pas
Si j’en suis l’auteur
Ni si l’auteur
Est encore
Dans le lit
De papa
« vous ne saurez jamais pourquoi vous n’avez pas tué »
Veut dire : au lieu de vous laisser mener par le bout du nez
/ me regarde comme si j’étais son papa biologique :
Je suis venu ici
pour guérir de mon mal
pas pour reconnaître
/ « mais ce ne sont que civilités indispensables »
Voici ce qui est à la portée de tout le monde :
Reconnaître que le heurtoir
A son utilité publique /
Et savoir s’en servir
Sans démolir la porte /
Venez sans vos enfants
Et n’oubliez pas de quoi
Arroser mes rosiers /
Je ne vous je ne vous
Décevrai pas ne vous pas
Décrottez et heurtez
Et n’attendez pas
Le signal pour entrer :
Je suis au bout
Du couloir de la m.
L’escargot toujours sous la dent /
Ya pas d’luxe et ya plus d’calme !
Par contre c’est pas gratuit sauf
Si vous avez des Lettres / style
Garanti à la sortie : avec ou sans
Foutre et le Jean qui va avec /
Comme le monde est petit !
Un vrai mouchoir à verser
Au dossier de la solitude !
Si vous n’êtes pas du pays
C’est dans la cour
Que ça se passe /
Sous les orangers en fleurs
Avec disciple et contradicteurs
/ toute la gamme de l’émotion
Conçu comme antidote
De l’hypothèse /
Laissez-vous berner
Comme dans une histoire
/ jamais plus seul serez
Ni plus près d’en finir
En beauté
Promenons-nous / l’expérience
Démocratique est dure à avaler :
Parti de rien le voilà en poste
/ il a ensemencé le con tranquille
Comme l’eau qui dort avec son lac
/ il se sent comme victorieux, fort
En thème mais pas en version /
Surtout qu’il ne parle pas le patois
De ses aïeux : parle comme un livre
Qu’il n’a pas signé / branlette le soir
Après le film / passe pour arrogant
Alors qu’il s’adonne au mépris des
Formes non nées de la mère patrie.
Dans le lit elle ne veut plus penser
À ça : déni et fictions de la compagne
Acquise sur le terrain des luttes
Intestines / une putain donne sa
Leçon de choses : elle aime la jeunesse
Et l’enseigne / sur la place on s’exerce
À aller plus loin que les limites imposées
Par le carcan des lois / la domesticité
S’emploie à tous les étages du travail
Censé nourrir et préparer à la guerre.
« qui suis-je si je n’arrive à rien ? »
Le suicide comme problème ou solution
Selon ce qui arrive à la raison / des heures
Devant l’écran : politique, commerce,
Information, spectacle et : confession :
« je t’ai dit de descendre la poubelle
Et de la remonter avec son couvercle :
La dernière fois je suis descendue
En pleine nuit pour le remonter : tu
Dormais avec ta dose de neuropeptides
/ je n’étais jamais descendue aussi bas
/ trottoir des nuits démocratiques, luisants
De rosée à une heure où tout le monde
Recherche un succédané aux motivations
De Tirésias / croisé le chat et l’ombre
/ quelle solitude plus complète que
Cette certitude qu’il n’arrivera rien ! »
Vu à la télé au lieu de sortir dans la rue
Pour interroger ses devins / aux vitrines
Les reflets du désir qu’il s’agit d’imposer
Sans se faire prendre / « sans Dieu, dit
Le mollah éclairé par un réverbère, sans
Lui nous ne comprenons plus rien /
Or nous sommes faits pour comprendre
Et non pas pour passer notre chemin
Comme s’il n’y avait rien à gagner
À prendre le temps d’une conversation
Avec la lumière et sa nuit » / l’enfant
(que j’étais) explore le catalogue possible
De la librairie qui vaut mieux (et de loin)
Que les alignements mesurés de la bi
Bliothèque / « je suis venu pour arroser
Votre jardin, madame » / profitant
De la rose pour jouir du possible : « livre
Qui ressemble de près à ce que je sais
De ce monde d’héritiers et de malades. »
Ce qu’il disait / l’Amérique installant
Les outils de la pratique démocratique
Au grand dam des chiens tenus en laisse
/ « qui gagne plus que celui qui a perdu ? »
Hypocrites jaloux sur les pas de porte
/ « c’est comme ça qu’on a colonisé
Le temps de nos mortes civilisations
Et l’espace des cimetières abandonnés
Aux dieux et aux esprits » / homme nu
En proie au textile d’une idée universelle
De l’Homme / « et ce n’est pas fini, fiston ! »
Veut dire : « une fille est une fille » / rien
D’autre que cela : porteuse de l’avenir
En attendant de trouver le moyen
De s’en passer / « laisse-la s’amuser
Au Conseil et au Parlement / le Temps
Est un homme » / comment ne pas
Disparaître corps et âme avec Arthur ?
Comment ne pas laisser ce désir
De suite à donner à l’œuvre de fiction ?
Et quelle fiction n’est pas le signe du déni ?
Bédouce et Poubelle ont bon dos ici.
Se retrouvent sur les berges de la Loire.
Oc et Oïl dans un bateau voiles toutes
Au vent / le rêve éveille la conscience /
J’ai vu ça en chinant sous les couverts /
Pocket radio entre deux dictionnaires
De vert vêtus / acanthes garanties pur
Sucre / « hier soir je l’ai obligé à descendre
La poubelle : sinon pfuiitt ! » / caresse l’air
De bas en haut : sa robe secouée par
La brise / le bras flasque et le menton
Double / « j’crois bien qu’t’étais encore
Un morveux à l’époque et elle une pis
Seuse » / quelque part on retrouve la
Route tracée au feutre rouge sur la carte.
« ya pas d’démocratie sans nous et pas
d’patrons sans démocratie » / dans l’urne
Les cendres d’une idée aussi ancienne
Que la première / « il a oublié le couvercle
À cause de cette petite qui lui tape
Dans l’œil depuis qu’il sait ce qu’elle
Veut » / un couvercle qui sert de bouclier
Si la cause est entendue / « le grand jeu
Est un neurone » / qui ne joue pas banco
? / qui n’a pas l’idée d’un guet-apens
Dans la tête ? / « si tu sais où tu vas
Tu s’ras pas surpris d’apprendre que
J’suis pas ton père et que ta mère est
En voyage » / « chaque samedi matin
Nous allons à la foire et nous achetons
Un petit quelque chose / histoire de
Ne pas revenir sans rien / c’est la vie
/ enfin c’est comme ça que je l’ai
Toujours vue / mais j’saurais pas
Vous dire si je tiens ça de papa ou
De maman ou même du Saint-Esprit !
— Pourquoi s’organiser pour mourir ?
— Mais c’est que j’en sais rien moi !
Demandez au passant et particulièrement
À l’étranger qui a cette idée derrière
La tête » / pas de poème sans conversation
À cette hauteur des sorties dans le monde
/ continuez votre chemin jusqu’à la croisée
Et demandez au curé : il a toujours su
Mieux que les autres, té ! » / et en effet
Il savait : c’était écrit partout où l’homme
Honnêtement constitué peut poser son regard
De fils / « nous aurons des jouissances amères
Si nous continuons de rêver sans y être invités
/ « c’était nuit quand je suis descendue »
C’est pas pour dire : mais je me sens bien ici
/ entouré / lu / invité à me taire / guérison
Garantie par le gouvernement et ses sbires
/ « cette idée qui s’est imposée à l’esprit :
Ce qu’elle a fauché dans le pré aux clercs
/ la gentiane longtemps observée avant
De l’arracher à sa terre / l’enfant court
Avec son bouquet ou plonge sa tête
Dans un baquet pour expérimenter
Le risque / avant d’avoir vraiment peur
De la mort / « ce qui arrive est naturel
: on y peut rien : faut se hâter avant :
Ensuite on sait pas : et tu veux que
Je te dise : on saura jamais » / jette
Sa ligne sans espoir d’y arriver avant
Midi : « avant j’y arrivais : j’étais ah ! »
Les jours charrient nos nuits / brocante
Du samedi et le dimanche avant la messe
Éjacule sur la pierre ancestrale avec un cri
De guerre pour seul poème / « qui ne tue pas
Ne vivra pas sa vie » / en colonne les vers !
Et désarticulés avec ça ! Comme pioupious
Aux terrasses lorgnant les toilettes de sortie
Après le dessert / « je veux oublier : comment
On fait ? » / mieux vaut oublier maintenant
En effet : après, ça devient une obsession
/ et ya rien de plus tragique que d’en être
L’auteur / aux terrasses voyant à quel point
L’idée de patrie est une ignominie : voulait
Vivre sa vie et pas celle des autres : pourtant
Il se bat pour eux / il songe à une postérité
Gagnée sur l’improbable / « qu’est-ce que
j’y mets là-dedans ? » / ton va-tout et celui
De ton père et de sa maison / les vitesses
Acquises par jeu puis par devoir envers soi
/ ou rien si tout ceci n’a pas plus d’importance
Qu’un ciboire ou l’épée d’un général /
« un jour, tu seras rien / et alors tu penseras
à moi : ton père » / mais j’y pense, figure-té !
Descendant la poubelle et mes restes,
Mes emballages, mon crédit bancaire /
Ce qui reste de l’attente et de ses contenus
/ oubliant peut-être le couvercle et remontant
Avec l’odeur qui me suit à la trace / moi
Qui n’ai jamais tué personne ni même
En rêve : pas assez de haine, pas assez de cran,
Manque de ferveur, de foi, de technique /
Ne constatant que dans l’écran où en est
Cette sacrée idée de démocratie pêchée
Un jour de houle et d’embruns acides
/ les pieds nus sur le sable dur malgré
Les flux / le visage battu par le vent
Des voiles / blessure au coquillage /
Vision à même le papier qui résiste
À ces intrusions / « personne ne t’a invité »
/ pas même forcé la porte : ouverte comme
Si j’étais attendu / pourtant le festin
Exigeait un carton : n’importe quoi qui
Y ressemble : reconnaissance des lieux
Toujours en vitesse : « il va falloir que
Tu t’y habitues » / d’où le choix de l’impression
/ pas le temps de concevoir l’hypothèse
Qui nourrit son homme : « sais-tu au moins
Écrire comme écrivaient nos classiques ? »
Avec quoi ? / plume ou autre chose de moins
Facile à trouver sur les étals / fragment d’os
Ou calame aux capillarités noires de Chine ?
Voici le tissu des nus / chlamyde ou prétexte ?
« à toi de voir » / pas de service à rendre
En échange d’un peu d’attention : ascenseurs
En panne / « tu vas trop loin : Darien, Williams,
trop loin : pas plus loin que cet arbre : tu vas
trop vite : le temps finira par te manquer »
/ verre brisé du texte sans aucune trace
De contenu : « on te l’avait dit : démocratie,
chiens, Stello / tu ne lis pas assez / pas assez
longtemps / trop vite lus ces palimpsestes /
voici les tapas et la fille qui les prépare /
sers-toi » / « nous n’irons pas au bout
de cette expérience si l’Amérique n’en meurt pas »
Excellent vin à cette altitude de téléphérique
/ beau le temps par illusion en salle / trompettes
Tues des rues commerçantes et résidentielles
/ pas de rues sans commerce ni résidence /
Sinon ce sont des chemins et ils ne mènent
Nulle part / « écris un roman et tais-toi »
Service-service / pantin ou domestique
Selon salaire / flic-salaud contre gilet-pédant
/ « prenons le temps de vivre : la mer, nos
montagnes, ces déserts survolés, forêts
en prime avec qasida, muraille des chines
du samedi, et ce jardin bordé de fleurs,
ce potager d’amour et de patience, cet art
de la composition, bouquet des absentes
à toute heure du jour et de la nuit : nous
sommes heureux au fond » / sur le toit
La pie examine les possibilités de la cheminée
/ s’y introduit et chute dans le conduit
Heureusement sans feu à la clé de ses tisons
/ ici le plancher porte les traces de la flambée
Que l’hiver inspire au corps plus qu’à l’esprit
/ « nous aperçûmes le sommet de l’île
mais pas sa plage ni ses abrupts / l’hypothèse
la plus probable était que personne
ne l’avait découverte avant nous /
le ciel était une trouée dans la masse
nuageuse qui menaçait de s’abattre
sur nous comme le poing d’un dieu
surpris en pleine solitude / mais malgré
cette légitime angoisse, nous mîmes
pied à terre : le sable était noir et grossier
/ le mur qui s’opposait à nous était blanc
et dur, sans prise pour nos mains, perdu
dans la nuée / notre premier mort parla
de ce qu’il voyait : des animaux tranquilles
qui refuseraient de se laisser manger sans
combat : la mort avait élu domicile ailleurs
que dans nos têtes : elle avait son mot
à dire mais nul poète parmi nous ne savait
le dire aussi bien qu’elle : voici notre pays »
Mais ah ! comme la vie est quotidienne
Comme dit le Hunier en coulissant /
« je ne peux pas me changer » avoue-t-il
En posant le pied sur le pont, souple
Définition de la poésie dès qu’elle
Ne s’adresse plus au miroir d’eau
Ou de regard / un charlatan passa
Avec sa religion et sa situation sociale
/ sur le quai héla l’équipage encore
Éberlué par les nouvelles connaissances.
« qu’est-ce que c’est beau un paysage,
une marine, un portrait, là, sous la brosse
et le couteau : à peine débarqués, nus
jusqu’à la ceinture, chassant le crabe
du pied et le ciel de la paupière, avec
les femmes mais aussi nues que là
où nous sommes arrivés ensemble /
j’en ai encore la langue, la belle langue
qui me dévore des yeux » / femmes
Finalement englouties avec le désir
De demeurer avec elles et la promesse
D’une mort tranquille comme au paradis
Que seul le langage « le beau » « le pur ? »
Connaît par expérience sur le fil du roman.
« je ne peux pas me changer comme ça ! »
S’étonna-t-il : d’un air de dire :
« j’ai pas connu le bonheur ici
/ il a fallu que je suive les hommes
Pour que ça change / mais moi,
Briseur de miroir, je ne me suis
Pas changé / peut-être cette fille
Qui est devenue femme à force
D’exister / ah ce n’est pas l’envie
Qui manque ! D’un côté comme
De l’autre : dans les sels du soleil
Chaque matin que Dieu ou le Diable
Fait euh de nous / épaule contre
Épaule, nus derrière les carreaux,
Sortant tout juste du même rêve
Sans enfant à la clé : la mer fouette
Ces coques écaillées comme pescado
Alors que le pez retourne d’où il vient.
Comme c’est quotidien ce désir de vivre !
Au spectacle des intermittences /
Saluez au passage l’ouvrier en route
Et le flic que la honte ne détruit pas.
Le doigt sur la vitrine ou l’aile rutilante
Des carrosseries / j’en ai le nez soumis
À d’autres ivresses / pas de rossignol
Mais le pigeon roucoule sous l’effet
De l’impôt / chevaliers sans croisade
Ni autre croix que la croisée aux sémaphores
/ j’en ai l’esprit au psittacisme des pubs
/ j’en rêve moi aussi sachant que rien
Ne me rendra heureux si le voyage
Est exclus du rêve national / clinquant
Des paliers aux bielles cliquetant tant
Bien que mal / vous ne saurez rien de moi
Si vous ne me prenez pas pour quelqu’un
D’autre »
Que le début de la fin
Vous claquemure et que
La suite vous entourloupe !
Le poulpe égaré, simple
Pota cependant, cherche
Une issue improbable
Entre les coques calmes
Que la houle encoquillage.
Au bâton agressif répond
Par l’étranglement crispé
Puis il est fracassé en vue
De la fricassée de midi.
De quoi peupler le temps
Sinon d’animaux énigmatiques ?
La mer sent l’échappement
Et l’algue / le sable effrite
Les pensées / retrouvons-nous
Devant un verre et saluons
L’ouvrier et le flic, le toubib
Et le maire, la pute et la souillon.
Usons nos gestes à la surface
Des reflets / que l’idée nous
Vide de notre sang familial
Et patriotique : sur la nappe
Trace le vers qui demeurera
Alors que son pendant se perdra
Dans l’immensité impossible
À définir autrement que par
L’infini, ô maître d’Alvaro /
Que le vers et le verre ne fasse qu’un ! »
Croiser n’est pas difficile si on sort
À l’heure prévue par les habitudes.
J’en ai la langue belle et le cul mauvais.
Voulez-vous que mon travail vous serve
Ou qu’il vous tue, voire vous indiffère ?
Descendez dans la rue ou remontez
Vers elle si vous êtes frère des rats
De la Cité / les jambes et les roues
S’activent à cette heure / dessus
Les piafs croient à la chance et
S’égosillent / j’ai vu un enfant saisir
La bite tendue de son voisin de palier.
J’ai vu des filles de son âge caresser
Leurs poils en rêvant de crever l’écran.
On croise si c’est ça qu’on veut faire
De sa vie / au cabaret des campagnes
Vidant le verre et la vésicule sans ardoise
/ ma mauvaise haleine fait reculer
Les ombres et les reflets mais vous :
Vous croisez aussi / avec la même constance
Ou : rébellion retrouvée au cœur même
De la série à la mode / en voici des gosses
Qui ont perdu le sens de la mesure !
Ce monde ne s’améliora pas dans la croissance
Démographique ni économique : pourtant
Le meurtre est toujours aussi mal vu /
Déployez l’arsenal des virus romanesques
Et confidentiels / l’artiste enfin au pied
Du mur : de son mur in progress : politicards
Et pisse-copie à l’œuvre des écrans versus
Le légitime désir de s’en prendre à la cause
De tant d’erreur de casting / la faute à Fifi
/ à ses familles et à leurs travaux / Mérovée
De retour sur la scène ou tout autre figure
Du Désir /
Si je vous dis que c’est facile
Comme d’aller à bicyclette
De Dunkerque à Tamanrasset
/ et jusqu’à l’Oural pétaradant
Dans les cassis et les nids de poule
De cette idée de l’Europe qui pend
Au nez de l’Histoire comme la goutte
À l’orteil de l’amateur des rues.
Facile même à écrire et à donner
À la chanson de ces mêmes rues
/ avec ou sans rimes mais pas sans
Mesure / ni sans tempo réfléchi
Avant de s’y mettre pour ne pas
Perdre de vue le bout de la rue
Et ses perspectives de chemin.
Vouais vouais j’aime les façades
Même si je n’en vois pas les toits.
J’aime Dieu comme si j’en étais
Le père et la mère / j’aime les fils
Et les filles des cages d’escaliers /
J’aime tout ce qui se touche sans
Exiger le regard / pas une journée
Sans shoot suivi d’une ivresse constante
Jusqu’à la nuit qui l’ensommeille.
J’aime la nuit si c’est la nuit.
Le rêve me plaît bien aussi
Comme lexique et analectes.
Tu me plais même si je préfère
La voisine /
j’ai pas dit que je t’aime.
Continuant ainsi à mettre le pied avec les autres.
Ne découvre rien mais tente les bifurcations
Que lui inspire son esprit au fil des reconnaissances.
Salue le flic, misérable larbin d’une injuste querelle.
Se penche du côté d’une forme cachée mais pas
Dissimulée / flatte la joue d’une voisine de dix ans.
Il sait qu’il reviendra avant la nuit : pas question
D’aller plus loin / tout homme qui se respecte
Connaît ses limites / sous la flaque les pas : il pleut.
Comme c’est vulgaire le peuple ! Et comme c’est vache
Ses cadres ! Impossible de violer les filles du premier.
Leurs Ferrari trop vite vont ! Leurs jupes sans cuisses
En cuir m’aveuglent ! Je suis momie sans feu ni loi.
Comme le jour est vide de tout ce qui se propose
D’en faire une de plus et non pas une de moins !
Je ne sais plus si j’aime les flics ou si c’est l’ouvrier
Que j’encule dans mes rêves / ou une fille à papa
Dont je découpe l’entrejambe pour ne pas être
Trahi par les circonstances / qui suis-je si on ne
Me voit pas aussi clairement que je vous vois vivre ?
Bien sûr il y a la simplicité : ses fleurs, ses écumes,
La lenteur de ses fenêtres, le recours au présent
Ou au passé composé, ses soldats de plomb, ses
Joyeusetés théâtrales, les minois, les plis, les nuits
Éclairées, ces lampions retenus puis lâchés, ce que
Papa m’a donné, ma main refermée sur la piécette
Polie, mes pas dans l’escalier, ma trace circonstancielle
Aux murs, le coup de foudre pour la nuit, la mort
Rejouée par le bourgeois du coin et applaudie
Par la racaille salariale de haut en bas, le crachat
Des asphaltes foulés avec leurs confetti voletant
Dans la brise des matins et des soirs, coulissement
Alternatif de l’usine à recommencer ce qui prouve
Que nous sommes créés et non pas issus /
Que faut-il constater sans compliquer inutilement ?
Et que mettre en jeu pour trouver de quoi le dire ?
À la table d’un premier parasol
Il exige ce qu’il ne peut payer
De sa poche / remet à plus tard
Les palabres consécutives et sort
Son crayon imbibé sans limites.
La nappe sera empochée avant
Toute proposition de changer
La joie en monnaie / avec usure
Et initiation aux algorithmes nouveaux.
Si je n’ai plus de quoi écrire (dit-il)
Comment voulez-vous exister en moi ?
Je n’ai rien promis. Je suis venu pour
Donner raison au temps. Je n’ai pas
De quoi payer, mais si vous me payez,
Je paye. J’emporte aussi le parasol.
Passe le temps à fuir. Sait qu’il fuit,
Même si le feu est au rouge. Retourne
Vers l’enfance par pure perversité,
Mais ne ment pas. D’autres branleurs
Veulent être élus à la place de leur
Duplicité. Mais lui n’a plus la piécette
De papa. Sucé la piécette avec la sucette.
À l’âge des succions qui succède à celui
Des aspirations. Fuit sans se presser.
Prend les tangentes. Connaît le cercle.
Revient. Par fidélité au centre défini
Par le compas social. Veut savoir sachant
Que personne ne sait. Il encule les culs
Et non pas les nombrils. Ne mérite-t-il
Pas la gratuité du verre matinal ? Et le soir,
Ne lui donnerez-vous pas la nuit pour seul sommeil ?
Nous n’aurons pas de chance si l’aurore oublie
Le rose de ses doigts. Me voilà à l’heure au
Rendez-vous. L’eau des quais clapote gentiment.
On attend les retours. Des putes redescendent.
Des tapis sortent. Le trottoir n’a pas changé.
Reçoit la poussière et la lumière comme deux sœurs.
J’en époussète mes chevilles de bois. J’en cligne.
C’est un de ces matins qui chasse les noirs
Poteaux de l’angoisse. Derrière le mur est nu
Comme une statue. On entend, si on veut
Écouter, les ruissellements des sous-sols.
Je m’absente. Oh, dit-il, ça ne durera pas.
Je me connais. J’en ai vite fini avec la vie
Comme avec les heures. La nuit tombe encore
En fines gouttes. J’en ai le crâne comme
La vitre de mes regards. Derrière le mur
Connaît des mouvements d’une lenteur
Exaspérante. On se demande ce qui va
Arriver et si c’est déjà arrivé. Si c’est
Le cas : léchez le timbre de vos e-mails.
Laissez la trace de votre passage de la vie
À la mort. Consultez les entrées et noyez
Les sorties. Personne ne sort sinon. Voici
La première eau stagnante et le vent sans
Les voiles. Des lamparos forcent la transparence.
L’eau parle, ensable, érode le cordage vieux.
Le matin l’angoisse est un personnage aussi
Ancien que le travail. Quel bouquin accompagne
Cette errance qui propose ses ballades ?
Ou complaintes si on y cherche des poux.
Encore fait-il avoir rencontré quelqu’un.
Mais le vide est le principe régalien des matins.
L’aurore prend son temps. La Lune hésite.
Personne pour saluer. Mais des ombres
Habitent l’ombre. Chocs des bouées contre
Les parapets. Levons la patte par-dessus
L’amas des chaînes. La rouille teint la pierre.
Figures d’une éternité en attendant le déluge.
Rien n’a changé que la langue. Refrains reviennent
Entre les lignes de fuite. Qui construit dans l’abstrait ?
Ces façades à la tyrolienne. Figées dans la lumière
Des trottoirs. Rien ni personne. Comme si j’étais
Mort et que je me croyais vivant. Qui cherche
Le ou la coupable ? Des affiches changent le sens.
Est-ce bien le vent ? Détruis la ponctuation avant
Qu’elle ne te redonne du pep. Glisse au lieu
De marcher. L’hiver ne promet plus la neige
Ni ses sommets. La route serpente et traverse.
La main au taquet il se hisse. Dissolution. Les
Choses perdent leurs liens. Comme l’écume
Après la vague. La question est de savoir
Qu’est-ce que je veux posséder. Autrement
Dit : qu’est-ce que je veux laisser ? La valse
Des ricochets prend fin avant l’autre rive.
Le compte est exact. On ne se trompe jamais.
Un galet de moins sur la plage, pense-t-il,
Pensant mais pas un galet de moins dans l’absolu
qui me hante Des traces mènent quelque part.
Qui n’a pas mesuré la solitude au fil de l’eau
Ou au ressac ? On aime les variations du mythe
Plus que le nom qu’on lui donne. Pourtant le nom
C’est le mien. Personne sans théâtre où se jouer
Du hasard. Traces d’un éphémère figé par
Cristallisation de leur ténacité. Qui n’en soupçonne pas
Les possibilités dramatiques ? Les amas de filets
En vrac et ceux qui attendent le ravaudage. Passe
Son chemin le long de ces gisants. Voit peut-être
Plus loin que la surface bleuie. Soie des rouges
Et des jaunes. Voici un matin qui ne s’achèvera pas
Par volonté nocturne. Et ne me parlez pas
De l’influence du rêve : je n’ai pas rêvé quand j’ai vu.
Quel silence le sommeil qui attend son heure !
Heureusement le soleil n’a pas perdu la trace.
Lotus et silènes comme métaphores et du sable
Dans les oreilles. Quelle dune ne participe pas
À l’horizon ? Sur son âne agite un bâton. Prononce
Un seul nom. Et recommence jusqu’à aujourd’hui.
De message en message. Colporteur des levains.
Ce sont donc ses traces pense-t-il. Qui démentira ?
Le corps étanche sa soif à d’autres sources désormais.
Beaux poèmes des marches. Entre l’orée et les champs.
Imaginant la personæ. Intuitu. Bas-reliefs des cloisons
Et des couloirs. Portes et fenêtres des perpendicularités.
Quel infini à franchir entre le mythe et la métaphore !
La terrasse n’a pas retrouvé ses chaises. Aucune trace
De lutte à la surface mouillée des tables. Pas d’insectes
Dans l’air. Des agitations de lumière tout au plus.
L’ombre semble leur tourner le dos. Mais il suffit
D’une porte ouverte pour l’éclairer. Matin des portes
Qui attendent le moment. Le premier moteur, pétard
Sans feu d’artifice, coq des grillages d’eau et d’écume.
Faut bien se trouver quelque part pensant alors ici
Ou ailleurs Mais rien ne t’appartient à part tes fringues
Et ton argent de poche. Qui ai-je pu oublier si vite ?
De qui me suis-je éloigné ? Je n’ai pas la sensation
D’avoir fui. Je suis allé d’un point à un autre, en rond.
J’ai aimé la connaissance des lieux et le temps qu’il faut
Pour les haïr. Petite toupie dans le creux d’une main.
Miroitante comme des élytres. Le mot me trouve
Où je suis. Mais il ne m’appartient pas. Je fais avec.
Est-ce que faiseur convient à votre dignité d’être
Ce que vous êtes ? M’as-tu-vu et bluffeurs à la pelle.
Croissance narcissique et déclin mémoriel. D’un trait
Figurant le possible sans lui donner la vie.
Ni trou dans le volet
/ comme à l’hôtel Miramar
Les nœuds pourrissant
Dans la terre des géraniums /
Ni serrure sans la clé
/ croisant le passant
Au visage masqué
Par son théâtre d’ombres
/ et trouvant la mesure
Sans forcer sur l’effet
De la clope en biais /
Pensant à boire un coup
En compagnie / comme si
Une simple conversation
Pouvait changer le cours
Descendant d’où jamais
L’esprit n’a embrassé
Plus loin que l’horizon.
Dommage pour les lendemains.
Avec le matin, tout disparaît
Comme c’est venu / trace si
On veut sur le cahier entrepris
/ qui est moche et philosophe
Pourtant ? Dans le miroir rien
Qui ressemble à ce qu’il renvoie
/ le même anis au bout de la langue
/ la même langue et les autres /
Des animaux dans les rues / femmes
Au travail des aspects les plus triviaux
/ oui tout a disparu sans promesse
De retour / Est-ce le dernier jour ?
Voici ce qui nous appartient
Et voici ce qui se vend / prend
Ma main et laisse-toi aller /
Passons devant les mêmes
Vitrines / saluons les mêmes
Personnages sans les nommer
/ seul le fils a un nom : le père
Est mort / et d’un geste connu
De tous il invite la foule à sa table
Sous le parasol éreinté de soleil
/ voici ce qu’il chante ou dit
(selon les uns et surtout les autres)
Le rendez-vous
Avec les fées
Ben c’est raté
Pour ce matin
(en chœur)
Faut revenir
Mais sans la nuit
Ni le voyage
Ô passager !
(solo)
Je sais je sais
Mais la lumière
Fait ce qu’elle veut !
Suis-je la nuit ?
(eux)
Hi hi hi hi hi !
Alors… ? Poète ou homme d’esprit…
Le passant des interstices qui n’ont
Pas plus de réalité que la ligne ni
Le point ?
Je ne sais je ne sais
Mais je sais que je sais
/
Organise le concile au bar /
Le comptoir est dehors l’été
Et l’hiver il faut entrer pour
Trouver quelqu’un à qui parler
/ « si je dois exister » mais laisse
Sa parole trouver la suite sans lui.
Ne cherchez pas la nuit après le jour
/ elle vous fera courir sans trouver
Le sommeil / « mais de quel sommeil
Parlez-vous, monsieur ? » / je parle
Pour ne rien dire d’autre, c’est connu
/ je parle parce qu’il faut meubler
La chambre où le sommeil attend
Son heure / sinon je ne parlerais
Pas / je ne serais même pas là
À vous parler de ce que je crois
Savoir / de ce qui me pousse à agir
Comme vous me voyez ne rien faire
/ c’est beau, l’absence / surtout si
Personne ne s’est absenté / la place
Est chaude pourtant / qui ? mais qui ?
« ce n’est pas que je m’ennuie… »
Exégèse interrompue par la nécessité
De gagner sa croûte et celle de ceux
Qu’on aime / dommage que je n’ai pas
Pensé à te donner des ailes ou la technologie
Palliative du moment / un seul vol
Au-dessus de tout / « c’est demander
Beaucoup au Pouvoir, monsieur ! »
Mais je connais l’Ordre aussi bien que vous !
Je ne demanderai plus rien à l’ami.
Je suis passé (ce matin) sans le voir.
Aucune nouvelle de l’absente qui
(dit-il) n’a peut-être jamais existé.
Plus loin on étripe et on écaille.
Le charbon fume déjà : méridienne
En approche / au ras de l’ombre
Le signe du partage des jours
En heures / si ce cahier pouvait voler
Vous le verriez revenir avec les mouettes
/ ou aux aguets en attendant / beaucoup
D’aguets dans cette roche des matins
Sans interstice / des battements d’ailes
Et des coups de bec dans les plumes
Du voisin d’attente / « tu boiras bien
À ma santé ? » / qui n’attend pas
Qu’on lui explique ? / ainsi donc
Mon matin prend fin avec ce verre
Et cette bouchée de poulpe au noir /
Fumée des environs de bouches closes
/ jets parallèles vite dissouts / quel vent
N’amène pas la pluie tôt ou tard ?
Pourquoi se mentir alors qu’il est si facile de se taire ?
Mais comment couper dans la langue sans exaspérer
L’attente ? / De Vigny à Pessoa le vin de la physique
La plus probable : et des érections de midi en plein
Soleil agité de vents contraires et d’autres semences
Moins improbables / fleurs renflées qui pètent avec
L’enfant que ça amuse / pas loin d’ici le premier enfant
Donné comme tel / sans indice pour le reconnaître /
Ment aux silènes et aux lotus / ment au chat et aux
Poissons déjà morts / ne connaît pas le sens mais joue
Avec / vibrations des persiennes dans la voix, étale
Son savoir avec le sable et cueille ce qui se laisse
Emporter / comme s’il était déjà au marché, fignolant
Ses questions sur le cuir des vieux / « si tu avais des ailes,
Tu en ferais quoi ? » / imite aussitôt le F-18 des Arabies
Et saute par-dessus le parapet pour courir vers la mer
Qui (je le sais) l’attend / « vous ne voyez pas qu’il vous ment ?
— Je ne suis pas aveugle, mais je sais regarder ailleurs ! »
Comment il en vient à évoquer le fleuve
/ courte coulée entre les pays ennemis
Depuis toujours / la baie précède l’estuaire
Et la montagne s’achève de l’autre côté
En cap / mer des premiers voyages plus loin
Que les marées basses / comment ayant lu
Qu’un chat est un chat et une grande idée
Le meilleur de la pensée, il trouve les mots
En recevant 5 sur 5 les signaux de l’enfance
Et de ses détracteurs couverts de gloire
Et de simulacres / « c’est pourtant simple »
Grinçant comme poulie des pignons pendant
Que l’émigré soumet sa famille à ses choix /
Jambons des hauts plateaux.
Bijoux des cérémonies traditionnelles.
Coffres des mariées et alcool
Des passages douaniers.
« c’est pourtant simple »
Mais y regardant de plus près
« tout n’est que contraste ici »
Dans le noir et le blanc des opinions
À mettre en jeu un jour de vote.
« qu’est-ce que vous me laissez ? »
Passe une jupette voletant, mouette
Des fientes et des acrobaties.
« leçon de morale pour les filles
et cours d’esthétique pour nos
garçons »
« qu’est-ce qu’on fait de la canaille ? »
Les habitants des greniers et des caves.
Les vacanciers du Ricard et de l’adultère.
Ces gosses qu’on arrose et qu’on engraisse.
Les jouets des placards, les séries de l’écran
Et des officines sociales. « c’était simple
et tu as tout compliqué »
Les îles du fleuve au baratin de leurs perroquets.
Rives des gardiens et des fuyards / des noyés
Descendus de la montagne par le lit soudain
Contrarié par la marée montante / la Lune
Comme projetée à la truelle
Sur les eaux à cette heure
Infinies / les lampions d’un bal
Au vent s’entrechoquent /
« si simple mais toi » / équinoxe
Des raz-de-marée au casino
En branle / les chiens de mer
Explorent les abords maintenant
Plongés dans le noir et l’écume.
« tu n’aimeras jamais nos filles »
Jamais sauf à les violer en marge
Des fêtes populaires données par
Des fous / « rien ne vaut la rime
et ses chansons » / un sable hérissé
D’aiguilles hypodermiques et borné
Par le mycélium des capotes / Mercier
Du clodo des bunkers / voit passer
Quelqu’un qui prend des notes
Dans son rouge carnet et le hèle.
« la guerre / notre guerre / la tienne
si tu cesses de compliquer / la gloire
et nos phylactères dorés / ces noms
dont le tien / il suffit de répéter après
nous »
Le fleuve jamais immobile / nourri
De montagnes et de ciels / embarcation
Sommaire des automnes / bonhommes
D’herbe sans visages mais nommés /
« sais-tu de quoi tu parles quand
tu parles de nous ? » / le chat chat
et l’idée noire des isolements au lit
/ nécessairement ces nuits sans eux
/ proximité à la fois menaçante
Et lénitive / dehors le fleuve partage
Ses rives avec la possession du sol
/ vase des lombrics que le poisson
N’a pas trouvé / le poète moralise
Les alentours de sa maison et boit
Sec au pavillon des expositions /
« comment c’est ? » / personne
À part les perroquets d’une île
Que le feuillage dissimule comme
Le vers invite à visiter les fenêtres
De la rue / « quels sont ces vers
qui coulent de source ? ces désirs
simplement exprimés parce que rien
n’est plus simple que ce que nous
désirons »
Peaux des profondeurs
Qu’il n’est pas question
D’explorer plus loin
Que notre propre peau.
« sans nom tu ne meurs pas or si tu veux être tu meurs »
Des chars d’assaut sont passés par là.
Des péniches ont creusé le sable.
Ici j’ai planté la fleur que tu vois fleurir
Parce que c’est ton enfance que je nourris.
J’ai d’autres tours dans mon sac à vin.
Qui ne lève pas le coude à peine arrivé ?
Ces regards et ses joues dans les néons.
La jambe imitant les tours de passe-passe.
À la foire comme au lit des étés retrouvés.
Rien ne s’est perdu mais tout disparaîtra.
Le poète ne lutte pas s’il est déjà venu.
Il partage les absorptions et les discours.
La beauté n’appartient qu’à la beauté.
Confetti comme l’herbe des prés en tas
Sous le soleil. Rien de bien complexe
À l’heure de se frotter les yeux.
Le fleuve créé de toutes pièces et ses vracs de déchets.
Poupées toujours nues et rayons de bicyclette rouillés.
Cloué ces figures de la vieillesse sur le volet retrouvé.
Jamais ferrures n’ont eu plus de sens.
« simple comme ce qui est simple : cherche ! »
La peinture s’écaille comme un poisson
Et dessous la fibre n’a pas plus de sens
Que la velpeau d’une momie reconstruite
Avec des moyens numériques ô algorithme !
Simple comme jeune corps à portée de la main.
Le fleuve revient chaque fois que tu oublies.
La montagne impose son cap et sa mer en proie
Aux travaux humains. « nous nous battons même
En rêve » / et le poète voit un chat qui est un chat
Et des mots qui ne sont que langue à compliquer
Le chat / « ceci est le nom que je te donne parce
que je suis censé te le donner » / ne cherche pas
Plus loin si l’horizon n’y est pas / les perroquets
Ne se montrent pas / dans les arbres nichent
Et se reproduisent / perpétuent le langage des signes
/ imagine la couleur et éclaire le sens / le fleuve
Ne se cache pas / il se propose à l’urbanisation
De ses lieux / déjà enfant tu y courais comme si
Ta vie en dépendait / toutes ces choses qui palpitent
Et leurs phanères voyageuses / le croc ouvrant
La vase à marée basse / fin des palpitations
Et des néologismes / « on ne te demande rien d’autre »
Tinter le blanc / étoiler le noir / prends possession
Des lieux et creuses-y ta tombe / de tes propres mains
Retire cette terre que nous rendrons à la terre
Avec ton corps / « le peuple a le droit de rêver »
Ne se cache que l’animal
Mais le minerai n’a pas de sens.
Pas plus que l’inaccessible /
Perroquets des îles fluviales
Comme l’or du temps gagné
Par l’exercice du pouvoir.
Bon, bon ! Je descends !
L’anse dans une main
Et le jules dans l’autre…
Sifflotant la chanson
En toute discrétion :
Je n’tiens pas à passer
Pour plus chauvin que toi.
J’ai la simplicité
Dans le cœur chevillée
Comme rime à peu près
Et au rythme des pieds.
Je suis simple et simplet.
Travailleur et marié.
Électeur chevronné.
Et joyeux perroquet.
Si ça s’fait
Si ça s’fait
J’ai oublié
De me cacher
Mais comm’ça
À vue d’nez
J’vois pas bien
Si j’y suis.
Faut m’aider
À exister
Sinon j’vous perds
De vue
Et j’m’en vais
Voir ailleurs !
D’ailleurs souvent que j’y vais
Chez le voisin et la voisine.
J’ai des habitudes moi aussi.
***
« ne répondez pas à la question »
***
Le fleuve en moi
Et sa montagne.
***
« ceci est un poisson »
***
Voici la maison et son jardin.
Le portail et les grilles, le puits.
Les soles et leurs herbes folles.
Nous avons habité ici, elle et moi.
Île aux perroquets entre deux rives.
Mangez sur l’herbe entre les arbres.
Licence IV en héritage / des messes
Pour les morts / ô fientes des toitures !
Le fleuve était en moi et tu le savais.
Quel poète descendait de la route
Pour s’abreuver avec le bétail ?
J’en ai connu un mais pas deux comme toi.
Traces des feux de joie sur la pierre en rond.
Qui philosophe la main posée sur l’objet ?
Dehors est le reflet du dedans : et une fois
Dehors, ne pas perdre la clé de cette tragédie.
Sous les pieds le lombric ne pense qu’à baiser.
Le profil d’une barque se donne à son reflet.
Nous aurons deux perroquets sur le perchoir.
Et une cage pour nos mains.
As-tu pensé à revenir de la pêche ?
La montagne te suit comme un chien.
Si tu deviens fou je pars en voyage.
Si je ne pars pas
Tu deviendras fou.
Descends la poubelle.
Tout le monde la descend
Avant de se mettre au lit.
Remonte la poubelle.
Tout le monde remonte
Avec sa poubelle vide.
« j’ai connu plus simple »
« je sais pas comment tu fais »
« pas envie d’essayer, non »
Paroles dans les murs.
Limitons-nous à entendre.
Un chat n’est rien d’autre.
Le fleuve le dit, sa république.
Puis le lit devient si étroit
Qu’il est possible de l’emprunter
Jusqu’à atteindre la source
Et quelquefois même la raison.
Là, sur le trottoir, tirant sur sa clope
Comme si Cuba existait en lui.
Cuisses des tuiles et salive des cendres.
« faut attendre que ça redevienne simple »
Quelquefois le vent, la pluie, les épaves
Encore témoins, les revenants avec chance
Ou sans, et tout se complique
D’une île dans le lit
Avec ses perroquets
Et ses feuillages persistants.
Pourquoi des hypothèses
Alors qu’il ne perçoit que des impressions ?
Pas de traces d’intuition
Au fil de ses cheminements parmi les arbres
Du chemin et des gravures
Au mur clouées comme nouvelles prometteuses
De séries romanesques.
Langueurs des iambes sans bout du vers
Pour inspirer le souffle.
Masque au lieu de coquille et gibbosité
En guise d’apparence nue.
Trottine de la poésie comme d’autres la violent
À force de contresens.
Suit les traces de l’écume aux coquillages fermés
Sous le sable en pointillé
Des crabes toujours distants et au loin se souvient
Que jamais il ne mesura
La force montante des flots de crainte d’y périr.
Comme barque ou poisson mort.
Rien ne remonte à la surface, pas même un noyé
Encore humain et les yeux
Plein du soleil oblique en ces heures hivernales.
Mouette au ventre plein
Perchée sur un rocher en forme de dos au mur.
« Comme si j’étais jaloux
De l’expression ainsi née de la rencontre fortuite. »
Lignes d’étoiles au sel
Décomposé en autant de dires que de façons.
Est-ce que tu versifies
Ou le simple fait de sortir te donne-t-il des ailes ?
Vont en vacances avec
Les autres, aux mêmes heures de l’année, ou chôment.
Dilettantes avec ou sans le sou.
Imagine les martingales des canaux aux ponts d’or,
À Venise ou ailleurs.
[…]
Accroupies des femmes regardent l’eau bleue du lavoir.
Il a fallu remonter avec elles / et subir leur charme fou.
Pelotonné dans la panière ou à cheval sur des épaules.
Panarium ou benna / le linge sent les hommes nus.
« Ne touche pas à cette fille ou je t’arrache les yeux ! »
—
Marge des puits.
Ou marge elle.
Dans le journal
Du jour présent
Distingue le portrait
De la fable politique.
Puis l’interprète nue
De la comédienne en chair.
Remonte l’eau avec elle.
En vacances jouant avec
Ces scènes d’un autre temps.
Rues aux plafonds de fleurs.
Angles des changements de ton.
Aux balcons le regard descend.
« Avec toi je n’irai pas »
Nous ne savons rien de demain.
Et presque tout de ce qui s’est passé
Entre nous : les sollicitations amères
De l’insomnie aux doigts de rose.
Puits creusé selon les indications
D’un petit diable en pierre dure
Qu’une niche abrite de la pluie.
« Veux-tu que nous y allions ? »
Iambique il marchait droit devant lui, poussière
Dans le dos, arabique et joyeuse.
Explorait l’accord et les résonnances de caisse.
Jamais venu ici, ni pour mourir.
Le diablotin n’avait pas perdu son air malicieux.
En caressait (elle) le chapeau
Penché. « Je ne sais pas où ça mène… Je veux dire :
Comme chemin… » / une île
Aux pentes gravies avec un scarabée d’or en poche.
« Je ne sais plus, Enyo, si c’était
Là ou de l’autre côté, au Nord… »
Que se passe-t-il, ô latinus bellona,
Quand le salaud rencontre le pédant ?
Que voit le philosophe dans sa lunette ?
Quelle intuition mathématise sa pensée ?
Où en est l’injection et la veine rocambolesque ?
Tu ferais bien de te poser la question, hilh.
J’ai connu ta mère à l’autre bout du monde,
En Malaisie ou dans les Andes, me souviens
Plus si je voyageais ou si l’État me baladait.
J’ai ramené l’éclat d’un caillou et de son œil.
Et là-dedans je vois que certaines rencontres
Relèvent de l’érection et de sa très-nécessaire
Éjaculation nordique. Ô reviens avec moi là-haut
Ou sur les rivages étoilés / et ne revenons plus !
Voici le roof aux étymologies circulaires / abysses.
Fouille du temps dans l’appartement voisin / archéologie
Et fiction à l’œuvre des pratiques / cogne un pétale
Sur le point de tomber / goutte perlée exprès pour lui
/ la rue dessous s’anime comme elle peut / personne
Pour agiter la baguette pourtant enciélée / du moment
Que rien n’arrive d’autre / le ciel gobe les idées une
À une / et la radio-télé-réveil-réseau clignote un pseudo
/ « si tu sais où tu vas… » . . . mais il vérifie sa tenue
De sortie avant d’actionner le pêne / possède clé et voit
Double en son théâtre : le lecteur veut savoir si cet objet
Appartient à la métaphore ou s’il n’est qu’utilitaire : : :
Auquel cas il entre dans la boulangerie avec les autres
/ il en ressort avec de quoi sauter midi / pieds joints
Des pièces jouées selon des lois conseillées par l’expérience
/ au passage se voit en fils de la terre dans une vitrine /
Crise de larme en dedans : « je ne suis pas ce que je veux
Être » / dans sa coquille il retrouve le poète qu’il a toujours
Été : « ce n’est pas l’enfance / je le saurais si c’était ça /
Aux femmes de ce temps la seule idée forgée au miroir ! »
Crissements et crispations des chaussées : le poète simple
Cherche une noisette pour son chocolat : l’autre fume un joint
Hilare ou fou de joie : constatant que rien n’a changé depuis.
« moi le diesel ça me prend la tête !
mes murs ô mes murs secoués par l’infra !
en vacances je ne sais plus qui tu es /
dehors les livreurs se croisent et croisent
le fer / je crois, docteur Arto, que je vais devenir
fou si / ce bleu délavé des eaux du lavoir
: une lámina dans son rectangle d’or /
marie-louise sous le verre voit l’extérieur
/ ce martèlement qui sort de terre avec son ver !
il n’y a pas plus de passants que d’oiseaux rares.
se frôlent au fusil de l’injure / punaises gavées
sous le papier : ballet incessant des grattements
/ sur la plinthe ma poussière de mur /
veuillez recevoir mon diagnostic avant l’heure »
Pourtant sans cette réalité ya plus d’réalité !
Ya plus qu’du rêve et quelquefois du mythe
/ si jamais on a la chance de tomber dessus
Par hasard donc c’est qu’on tombe et tout
Seul pour se remettre debout et atteindre
Les lieux de plaisirs / ya plus qu’des œuvres d’art
Et des catalogues de commissaires
Triés sur le volet / des caquetages
Que si on écoute ça sent le verbe
Et le haut / « si madame veut manger
c’est par-là que c’est servi avec nappe
et larbins et des verres de toutes les couleurs
avec ou sans vitrier » / ya plus qu’ça
À se mettre dessus / la naphtaline
Des critères d’extase / et la nuit
Les mites dans le placard / la gueule
Enfarinée des compagnies au trot
Des chariots de l’enfer / et j’en passe
Ô mon latinus des vadrouilles corsées
/ « t’aurais pas oublié quèque chose ? »
Les clés ! Et mon pognon ! Mon extrait
De naissance et mes groles ! J’en passe !
—
« ça va ça vient »
L’eau des puits
Forés dans le jardin
Des délices acquis
Dans l’action et
Les vacances forcées.
« t’aurais pas oublié quèque chose ? »
Avant j’oubliais rien.
Je sortais pas sans.
Et j’revenais par
La grande porte
De mes immeubles.
J’avais le quartier
Et bientôt la ville.
Je flânais en connaisseur.
J’avais la Seine et l’Hudson
Dans mon corbillon.
Et la rivière Noire
Avec son petit roi.
Mais j’bois plus.
Je mange parce qu’on me force.
Je marche derrière.
J’iambe mon existence.
Ni mort ni militaire.
Pas poète non plus.
« t’aurais pas oublié quèque chose ? »
Que j’me dis à moi-même
Comme si c’était possible
De répondre à nos propres questions.
D’ailleurs j’en ai plus
Des réponses et de quoi
M’en passer / quèque chose…
C’est vite dit ! Mais
Ça me dit « quèque chose » /
J’aime pas qu’on me parle
Si j’ai rien à dire, branleurs !
Quelqu’un me ressemble assez
Pour passer pour ce que je suis :
Mais le Monde est soumis
À la loi du point et de la ligne.
Faut que je compose avec.
Et j’en ai plus envie, hilh /
Ce matin j’ai revu la rivière,
Mais cette fois sans amour.
J’ai jeté le pont et le séminaire,
Le rivage et les chevaux de bois.
Je suis rev’nu sans rien à ajouter.
Un’ courte suivie d’un’ longue.
Comme à la parade boiteuse.
Je fête plus mes ans ni mon âge.
Je jette et je reviens chez moi.
« t’aurais pas oublié quèque chose ? »
J’avais pas la clé ni le pognon.
J’savais encore parler
Mais sans clé ni pognon
On sait plus c’qu’on dit.
Alors je me tais et je passe
Mon tour / « quèque chose »
Comme la poisse ou la langue
Fendue de la couleuvre
Qu’il faut avaler pour jouer
Sans se poser de questions
Marginales ou annexes / j’ai
L’ode au cœur et la ballade
Au sifflet / j’en connais des nus !
Même que je sais jouer au 421.
Ballade ou ode / mais j’en sais rien
Moi ! / j’ai plus l’âge ni l’enfant
/ ya plus d’baleines et je m’en fous !
—
Je ne voudrais pas te vexer, mais je ne sais plus où j’en suis avec toi. Des fois je me demande si j’ai bien fait de te conseiller de prendre des vacances. Je sais que tu n’es pas seul. Et c’est toujours en compagnie qu’il t’arrive des trucs pas possibles. Qu’est-ce que je vais trouver là-bas une fois que tu seras rentré et que je pourrais à mon tour profiter de ma propriété durement acquise ? Je ne devrais pourtant pas me poser la question. Quant à y séjourner en ta compagnie, je choisis de penser à autre chose. Passe me voir le dimanche d’après ton retour. J’ai des choses à te dire que je ne peux pas écrire, ne me demande pas pourquoi avant de les entendre.
Ton hilh.
« La mémoire est donc collective… ? »
Le type déçu par ce qu’il venait d’entendre
De la bouche du prêcheur attablé avec nous.
Pourtant, aucune synthèse n’est possible.
Champ des perspectives
Entre la maison et le verre.
À peine une rue puis l’autre
Avec leurs façades moroses
Et les volets conchiés depuis
Les génoises aux ondulations
De rivages malmenés par le ciel.
« Reprenez donc un peu de courage.
Pas cher si on pense à ce que ça coûte
À l’ouvrier qui n’en peut plus de penser. »
Ici l’Hers ne dort pas.
Le pont vieux ne reçoit
Pas les fesses des retraités.
On ne croise personne
Et l’œil est aux aguets.
« J’imagine des choses, docteur Arto, que
Si je vous les disais vous me pendriez pour
Une folle : genre quelle différence y a-t-il
Entre le type qui cède à une impulsion
Et la femme qui n’en peut plus de désirer.
— Mécaniquement, aucune. Mais vous
Oubliez la morale, Alice ! La Morale avec
Son poids de Connaissance sur les épaules ! »
« Bonjour, monsieur qui savez tout et rien
À la fois ! » / Je vendrai des plaisirs si j’en
Possédais mais : je suis venue au monde
Entre deux guerres : l’économie finit toujours
Par ruiner ce qui a bien commencé : l’église
Suinte d’échecs / murs consacrés aux recours
Possibles sans mettre la main à la poche sauf
Pour une piécette / « bonjour monsieur qui
donnez » / pas de différence je te dis ! La Chair
Soudain plus profondément acquise au spectacle
Télévisuel de la Nature /
Le shoot recherché
Puis trouvé dans la
Solitude d’une promenade
Matinale quelque part ici
Entre les rues mais pas loin
De l’hôtel
Grimace des reflets
Dans la carcasse qui
Sert d’appui au vertige
Revenant sur ses pas il rencontre
Ce qu’il considère comme son prix
Et s’adonne à de purs harcèlements.
« bonjour monsieur qui savez ce que j’endure ici »
Par contre ne savait point que la mémoire fût
À ce point collective / et se voyant dans le regard
Qu’il oppose à ce qu’il faut bien considérer comme
Une faute et non pas une erreur due à un manque
De maîtrise de ce qui brûle en chacun de nous :
Il dit : « je suis désolé que ça m’arrive maintenant »
Effleurant les taches sur le dos de ses mains / bon
jour alors que la nuit vient de s’achever sur le fil
De ses latitudes / moi ici à me faire du mouron
En chœur / « faut séparer le grain de l’ivraie, mec »
Quelle différence entre les formes que le désir
Affecte au carnaval des venises enfouies ? Je suis
À vous / dans un instant / dès que possible / F-18
Des Arabies qui donnent un lieu à mon cœur si
Toutefois le cœur y est / andalousies des charangas
Au cortex interlope vu d’ici / pétaradait en pleine
Jeunesse sur les quais déserts de son port d’attache.
« Je ne savais pas.
J’ai jamais su. Elle
Et moi on est venu
Ici sur les traces
De notre Seigneur.
Quelle différence
Ça fait d’être l’un
Et l’autre ? La terre
N’est-elle pas le Bien
Commun et non pas
Cette mémoire que
Vous poussez comme
Une brouette ? Nous
Sommes ce que nous
Possédons. Elle est
À moi. Et je suis à vous. »
« Quelle vie partout ! Quelle vie partout !
Et si peu d’existence à dépenser comme
Héritage / voire pas du tout d’existence
Une fois que le chemin est tracé, devant
Comme derrière, avec ce foutu présent
Qui n’a pas plus d’existence que moi / »
En effet y en a plein les documentaires
À la télé comme dans les réseaux / ça
Grouille de vies / et de couleurs / de
Formes / de possibilités / comme si
L’infini était à la portée de nos mains
/ « j’ai dû reconnaître au moins ça et
Et le choix était joué sans moi »
Ya pas d’poésie dans les mots.
Ya rien qui ressemble au plaisir
Tel qu’on peut se l’imaginer.
J’vais grapher mon portrait
Sur les murs avec des coquillages
Et le sang de mes victimes.
Croyez-moi quand je vous dis
Que j’ai vécu bien avant vous
Ce que vous vivrez demain
Sans moi /
Ya pas d’poésie dans l’objet.
À moins de lui donner un prix.
C’est pas les apparences qu’on
Traverse, mais les vitrines de la rue
Et des appartements /
Ya plus rien qui vaille la peine
De foutre en l’air son adolescence.
Tu prends ou tu payes, au choix
Des vendeuses et des matrones.
Tant pis si Dieu ne meurt pas
Avec l’homme qui lui donne
Un sens /
Y avait rien / et j’suis venu
Des fois qu’il en reste pour moi.
J’ai rien compris au temps qu’il faut.
J’arrive et tu appartiens à un autre.
Je prends place et c’est occupé.
Avec du monde à la fenêtre
Et des trottoirs grouillant de vies.
On se penchait Alice et moi /
Le nez dans les géraniums et
Le cul à l’air de l’intérieur nu.
Y avait rien /
Mais ya jamais rien eu / jamais
Ni nulle part / ni trop tôt ni
Trop tard / à l’heure convenue
Et à l’endroit où les rencontres
Sont encore possibles / mais
Ya rien à dire ni à refaire / rien
À part les voisins et leurs biens
/ j’en ai la chronique en berne
/ et le moral à zéro
« Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu
Pour être obligé d’écouter ça, à l’heure
Où le salarié se prépare à voyager vers
Son boulot ? C’est bien la morale qui
Nous empêche d’aller au fond des choses.
Mais elle fait le succès des tirages de pays
En pays et de jardin privé en jardin public.
J’aurais dû penser à toi avant que ça m’arrive.
Mais j’avais rien hérité et j’savais pas quoi
En faire ! »
Ah ces bords de mer
Et leurs voiles blanches
Et sponsorisées !
Des fois je m’entiche d’un rien
Et j’me fais des illusions quant à
Mon ingéniosité.
Ce qu’un voyage
Peut interdire
Désormais : joie
Contenue mais
Transmissible par
Introductions /
Un rien et je me sens
Plus vivant que la mort.
Ce qui ne va pas sans soleil
À la clé des champs.
Rien ne ressemble plus à un reflet
Que son reflet. Avancez avec les autres
Et frottez. La langue collectivise. Mur
Des en-faces. Enfant en miettes au
Beau milieu. Si je me regarde je tourne
Le dos à tes jeux avec les autres. Vends
Ce que tu possèdes avant de devenir
Aussi pingre que le reste de l’Humanité.
Dans les assiettes la mixture pétrolifère.
Qui n’en veut pas ? Alors braconne et tue
Ce qui prétend t’en empêcher. J’ai appris
Ça ici, en vendant. La queue dans un slip
Et le cerveau en conserve. « Je te paye
en petits plaisirs pas solitaires » / mémoire
Dite aléatoire. Et pourtant tu quantifies.
Le voilà, le temps.
À d’autres l’Histoire
Et ses Géographies.
Tu finis en cage comme
Les autres : aviné en joie
Et oublié des manuels.
La cible c’est sur la scène
Qu’elle agit contre tes rêves.
À d’autres les tragédies
Qui se terminent en comédie.
Je ne suis rien mais je sais tout.
Quel régime pour le poète ?
Poète du slip et de la conserve.
Entre le flic et le comédien
Pas de quoi s’enchanter.
Ta substance au cathéter
File comme les étoiles du ciel.
Au restaurant républicain
Les affranchis sont rois.
Pauvres illuminations des parcours de santé !
En voici un qui s’étonne d’être fait de mémoire
Mais qui ne se révolte pas à l’idée d’appartenir
À une patrie qui n’est pas la sienne, en admettant
Qu’on puisse en posséder une. Que cherches-tu
À part « l’or du temps » ? L’œil des prismes dans
La lorgnette des publicités et des ways of life.
Tout ceci est un monde. Pas une propriété.
Voici ta place au balcon. Le programme voici.
Qui garde le troupeau ? Jamais nu le citoyen.
On s’habille d’un rien ou on exige de l’étoffe.
Le Monde n’est pas le monde. Il faut être seul
Pour en retrouver la trace. Mais qui a hérité
Ce génie ? Quel silence le clôture ? Qui es-tu ?
Ton fils.
Je suis.
Matin des observations tranquilles
Du littoral.
La brise sent l’immensité du possible
Benthique.
« Où habiteras-tu si tu quittes la maison ? »
Bicyclette des mers.
Rencontre des noyés
Pour la bonne cause.
Couronnes d’algues
Fleuries au chalumeau
Des vergers tropiques.
Au taquet la godille !
Ya pas d’frontière plus
Douce à traverser avec
Son nom de famille au
Front. Les coquillages
C’est au fond qu’on les
Arrache à la terre en
Fusion constante. Lave
Des îles. Dans son voilier
À moteur il donne à voir
Par fragments cadastraux.
L’eau finira par reprendre
Sa place. Méthode de calcul
Prévisionnel inconnue des
Arts de la mer. Appareille
Chaque matin, chaussé
D’espadrilles et coiffé
De paille bleue comme
Ses yeux. Qui n’a pas connu
Ulysse caressé par les vagues ?
Descend de son hôtel avec
Son sac à dos et ses carnets
À couvertures de cuir rouge
Comme le vin de ses voyages.
Ne pas aller plus loin que ce
Rivage tranquille ratissé de frais.
Avant les autres retrouver les
Clés perdues la veille avec
Un ou une inconnue. Mouettes
Muettes à cette heure. Becs
Aux chairs. L’œil en proie
Aux visions. Descend mais pas
Plus loin que d’habitude.
Recommence et retrouve.
Recule si le sable porte
D’autres traces de flânerie.
Mais si le cercle se referme
Traverse ce feu et revient
À l’endroit même où il a
Hésité : un plongeon de 10 m.
Je suis.
Fils de.
Cage de Faraday de l’aphorisme
Et des effets littéraires.
Pantins pas même automates
Sur le chemin rencontrés.
Digne d’être cité en exergue.
L’allure cléricale des anarchistes de salon.
Observant l’effet de la vaguelette
Sur le lichen des surfaces ensoleillées.
Caresse des projets d’appartements,
Loin de la seule idée de labyrinthe.
Je suis.
Seras-tu ?
Question posée au miroir
Et non pas à ces cieux ni
Aux pupazzi des vitrines.
Le fleuve enfin à l’heure.
Ses troncs blancs polis.
Ses toisons et ses vortex.
Cherchez l’âme là-dedans.
Peut-être une poignée
De nénuphars dénaturés.
La terre sous les pieds
Ondule comme un langage.
Le métal perd ses chromes.
L’écorce ses apparences perd.
Chevelure des vents contraires
Dans les amandiers déjà cueillis.
Fentes des portes charriées.
Pas un animal en radeau.
Ni un homme à la recherche
De ce qu’il a perdu au change.
Le fleuve brouille le littoral
Mais l’épave demeure
Ce qu’elle a toujours été.
Je suis.
Les fils.
Ricochets inexplicables.
L’homme pense que « quelqu’un »
Tire les ficelles / et la femme ouvre
Ses cuisses / l’enfant trouve de quoi
Alimenter son désir de chair à l’école.
« et si je n’étais… »
La question : mourir.
Mais comment si
La guerre s’éloigne
Avec ses poètes
Et ses muses violées ?
Si je n’étais que moi…
Pas même une hypothèse…
Tronc blanc et poli des fleuves
De la fin de l’été…
Toison blanche et soyeuse
Des cadavres charriés…
Été persistant des feuilles…
Désert à la porte…
Gouttes d’or du Sahara
À cueillir au vol avec
Le chant de ses oiseaux
Lointains… si je ne suis
Que cela : fils et rien d’autre…
« vous reconnaîtrez le moulin à sa porte »
Suit des yeux la toison ou ce qui y ressemble.
Sur les hauteurs les silhouettes immobiles.
La terre s’effrite dans les racines, pluie fine
Des poussières comme devant le rideau
Un jour de parade / « où est l’Histoire
dont me parlait mon père ? » / Court avant
Les autres / le littoral écume / l’orage
Des montagnes et le clair horizon / « sais-tu
d’où tu viens ? » / la porte du moulin sans
Nom depuis longtemps / rien ne remplacera
Le nom / tu ne sauras jamais pourquoi /
Les pantins des rivages débitent des sutras
/ prières et évidences selon eux / « je suis »
« ouvre tes cuisses et toi obéis ! » / plancton
Nourricier des familles littorales avec fleuve
Une fois par an en cru dévalant le lit avec
Ses rivières et ses habitants / « nous ne
saurons pas » / des touristes ramassent
Le bois blanc et poli de l’été / hiver en vue
Aux cheminées ludiques / « ne jette jamais
ta ligne dans ces eaux : des fois le cadavre
revient hanter nos mémoires » / là-haut,
Le château frémit derrière ses cyprès noirs
/ les mains en visières sont aussi noires /
« c’est le monde, fils » / mais l’existence
Survit-elle à la vie ? / chambre sourde
Désormais : « vous reconnaîtrez la porte :
celle de votre enfance avec les vôtres/ »
Ni refrain ni principe.
Le jambon pend toujours
Au plafond / le couteau
De l’ouvrier a perdu
Son manche et la rouille
Perdu le fil / table nue
Sans miettes / le banc
A perdu sa patine / blanc
Perdu le bleu / pantins
Des lois au cadran /
De loin la voie ferrée
A perdu son sens /
Trop de sentences
Aux lèvres chaque jour
Que la nuit crache
Au visage de ces poupées
Vides de mécanique.
Au bois nous n’irons plus
Cueillir la rime et sa chanson.
Je suis.
Fils. Loi
Du père.
Pelletées de ville et de campagne
Sur le fumier des commencements.
Le matin va observer des varechs.
En imagine les personnages et se voit
En romancier dans la vitrine des vagues.
Il ne trouve pas la porte faute de signes.
Ne distingue pas la ruine de ce qu’elle a été.
Franchit des dunes et des parapets, des roches
Empruntées au fleuve des fins d’été, la pluie
Cisèle le sable.
Répand enfin sa semence.
Fils je.
Écrit pour la télé . . . vision.
Pour le drame bourgeois.
Pour l’édification des os.
Pour une messe en ut majeur.
Avec passion racinienne et
Comique cornélien / cherche
La trace à laisser dans la bouche.
Fils tu.
Fuit avec la lumière le soir
Et revient avec elle à l’heure
Prévue par les éphémérides
En vigueur / ne peut pas
Ne pas croire
Au moins en son art.
Nous seuls.
La journée
Comme loi.
La nuit il abandonne la partie
Et laisse son cerveau aux buissons.
Ne joue plus avec les autres.
Dérive comme épave ensoleillée.
Se prend des fois pour Ulysse
Si un rivage tient ses promesses.
Le réveil est aussi une illusion.
« tu ne sais pas rêver /
Viens que je te montre /
Là : imagine mon personnage
Ou mon cadavre : habite-le.
Lève ton verre aux patrons ! »
Ne voit pas que c’est un signe
Et passe son chemin / la porte
Battue par le vent comme en
Cage / ruines de l’Histoire plus
Loin : avec panneau explicatif
Résistant aux intempéries selon
Le fournisseur agréé par l’État.
Arrache ces poils un à un.
Frotte ta chair contre la chair.
Goûte à la volatilité des formes.
Humecte les lèvres proposées.
Le premier chœur est aussi
Le premier épisode : fils de.
Aurore d’angoisse
le ciel vu à travers le verre cathédrale et ses fils d’acier
le ciel à portée de la main mais le barreau s’oppose
Pagure me soutient embrassant mes hanches
est-ce que je vois ce que je vois ?
animation de nuages peut-être .
pas un visage
une rumeur incessante soumise à ses heures
plus haut l’écaille frémit entre deux fissures
le soleil tournoie entre le rouge et le vert
je n’ai pas vu le personnage de cette attente
rien réveillé dans la cité qui me nourrit
ni le passé ni l’Histoire .
un siècle passe
et je suis hélé par l’attente de loin .
c’est le sexe
qu’on enferme .
punition ou traitement radical
Pagure me repose et le sol se dérobe sous moi
.
il le sait .
le sol en fuite horizontale .
rapide
comme l’Amazone .
décalcomanie des rivages
et des peuples nus .
à même la peinture vieille
et craquelée .
le fusain au sfumato des visages
que la mémoire retient comme autant de barques
à la dérive .
est-il possible que je la perde finalement ?
puis le retour dans le lit saupoudré .
le tournoiement
des idées accrochées à leurs objets de théâtre
.
le signe orchestral secoué comme mouchoir
des adieux .
mescal retrouve le rythme des rails
.
comme à la parade sur un cheval blanc .
cheveux
au vent d’été .
le dernier été sans intervalle d’automne
.
l’hiver interminable .
et cette idée que le printemps
est fidèle au rendez-vous .
on ne me l’enlèvera pas
.
des ans que je n’ai pas souri à un mort .
cercueil
des catalogues entre les draps .
qui suis-je si
vous m’oubliez ? sein brûlé au tison de l’hiver .
ce clignotement orange est-ce le carrefour ?
dans l’angle cette proposition de croisée des chemins
.
je n’ai pas connu la joie .
la transe m’a occupé
l’esprit .
à la guitare ou dans le costume de Polyeucte
.
l’esprit ravagé par les neuf queues .
Dire que
Sous les ponts l’eau ne se lasse pas sauf en été
Quand elle devient aussi paresseuse que les autres
.
miné par les taudis et la trouille .
d’où viens-tu
si tu n’es pas né pour vivre ? sous les statues
le Nil des espérances .
balle dumdum .
sang
des chœurs formés par les coulisses .
la différence
de potentiel au carreau .
verre des nécropoles .
en sautoir .
imitation des cris d’enfants .
nuits
des sardines .
quittez cette chimère, et m'aimez
.
vers trempés au choc des alchimies proposées
par ce siècle postrévolutionnaire .
étoilés à peine
remis entre les mains du siècle suivant .
moyen-âge
des fées tentées par l’arbeit macht frei des dieux
.
cahier d’un retour sur les lieux .
à distance imposée
par sentence et procédure .
tu ne reviendras pas
(dit Pagure) .
rien pour atteindre le verre illuminé
par les complexités du jour ou les feux couvés
de la nuit .
le feu s’inverse .
le public est applaudi
.
un autre .
j’ai failli mourir plus d’une fois .
j’ai
donné la mort à la mort .
bras ouverts du désir
en joie .
retrouvé Molly dans son lit .
écouté
son cœur .
chamade des romans à venir .
quel
enfant en bout de table ?
saisissant le couteau
par la lame .
et l’assiette en miettes .
pas une
goutte de sang sur cette nappe des communions
familiales .
voulez-vous voyager avec moi jusqu’à
Vladivostok ?
des fois le dirigeable n’en fait
qu’à sa tête, vous savez .
.
.
fruit écrasé comme
guêpe au bord de l’assiette .
des sœurs bourdonnent
dans le dos .
guetteuses patientes .
arbeit macht frei
qui dit le contraire ?
toutes à l’assaut des postes
d’avant-garde .
« donnez-leur un but .
et vous
les avez dans la poche .
pour longtemps .
ère
du temps qu’il fait » .
qui va plus vite que le vent ?
.
la feuille (pourvu qu’elle tombe) .
ce matin crevé
comme l’abcès .
Pagure réchauffe le verre entre
ses grosses mains expérimentées .
graphite emprunté
au crayon raccourci .
avec quoi j’écris si je pense ?
travail .
ils et elles arrivent à l’heure des contrats
signés pour la vie .
libres d’aller où ça leur chante .
décollant les affiches des agences ils les emportent
à la « maison » .
derrière le verre cathédrale des jours
et des nuits .
soleils et néons .
réverbérations des murs
et feux de joie des trottoirs .
mais bien plus que moi-même
.
voilà le hic .
ici et pas ailleurs où tu n’habites pas .
travail posté de Pagure .
rotation incessante malgré
les vacances .
ça le déroute quelquefois .
il viendra
mourir ici .
nunc des perspectives réduites par manque
de chance .
d’autres survivent .
qu’est-ce qu’un matin
d’angoisse comparé à ces soirs de douleurs naissantes
?
Cher hilh,
bien reçu ton chant. Je me suis éloigné de notre terre. Sans compagnie. Mais avec un billet et un programme imposé. Pas d’amis de rencontre pour l’instant. Je vais et je viens. L’océan sous mes pieds et le vent dans le nez. Côtes peuplées après la houle. Des îles comme sur le papier. Mêmes couleurs. Les femmes. Leurs filles. Les ustensiles traditionnels. L’objet des étagères. Pas de poèmes. Si toutefois la chanson n’en fait pas office avec la danse pour prétexte. Qui ne nous hait pas ici ? J’ai presque honte de n’être pas né parmi eux. Les murs sentent le combat fratricide. Les rideaux volètent avec les oiseaux. Chats perchés. Et autres chienneries de l’Histoire. Langage approximatif des gestes invitant au repos ou à la fête. Je ne suis nulle part chez moi. Je te souhaite d’avoir trouvé le lieu…
ton [paÿ]
—
« bon dieu il n’y a pas que le sexe ! »
Des pages retournées d’où elles viennent.
Îles comme semées dans l’esprit aux aguets.
On passe devant ces portes sans s’arrêter /
Foxhole dans les écouteurs / « marrons grillés
À toute heure » / le pont Bonaparte sous la pluie
/ plus loin les fenêtres des trains à l’arrêt / rectangles
De lumière jaune comme aux dés / « non, papa,
ya pas que le sexe mais faut bien y passer… »
Giclées bleues des caténaires / acier contre acier
/ la torsion sonore des courbes / la crasse des pas
Qui attache / « devant ces portes personne ne voit
ce qu’il est : en réalité » / chiffonne tes lettres /
La langue noircie par la mine des passants rapides
/ « l’intérieur de ce que nous sommes » / un chat
Plutôt sympathique mais qui n’a pas l’intention
De quitter les lieux : il stoppe net devant le passage
Clouté / considère l’éloignement et frotte sa moustache
/ « pas que le sexe et pourtant j’en ai vu » / les soirs
Quand tout rentre dans l’ordre du sommeil : psy
Sur le paillasson reluquant ses chaussures / « ce que
je veux : c’est ne pas sortir d’ici » / le soir et sa nuit
En couche / les disparitions une à une puis le néant
À la place du silence / « avant j’étais le type que tu vois
là » / une nuit de sommeil : arbeit macht frei, mein hilh !
Pelant le marron / cette crasse goûteuse / la trogne noire
Du Gitan éclairée par la braise / yeux plissés aux volutes /
« t’es déjà venu voir ? » / « c’est pas comme le Jardin
des Plantes / ça ressemble à rien de ce que je connais
de la vie / sans refrain l’ode des enfermés » / le cornet
Servira à allumer le feu « si tu es sage » / « ya rien comme
le tabac pour se préparer à mourir / pas même la télé »
On entend de ces choses…
Avec les bons mots que l’esprit
Inspire au critique autoproclamé.
Qu’est-ce qui s’est vraiment perdu ?
On ne sait pas où on va, on travaille
Pour être plus libre que l’enfermé.
Plus libre ne veut pas dire libre, je sais.
« Si tu écoutais ce qu’on te dit, mein hilh,
mais c’est pas à travers les murs qu’on vit »
Obscures paroles prononcées alors que le mur
A rejoint les rejetons de la mémoire.
Le train s’est ébranlé lourdement
Dans la nuit / le tunnel est une métaphore
Facile mais bien vraie, ma foi !
Puis l’orage des printemps.
Renouvellement des pluies.
Le carreau comme limite.
Jamais l’été au bout du fil.
C’est en enfer qu’on finit.
Libres enfin de penser au sexe
Comme si l’Université se branlait
À la place de ces mômes verts.
L’écriture moins l’écrit en Hercule.
Ou le contraire par effet de miroir.
Cette renaissance incessante
Et nue, ces jeux d’eaux sans fontaine.
Braoum et Ouah Ouah en concert.
Gouttes scintillantes des grillages
À poule, au portail les animaux
Domestiques se laissant caresser
Par les larbins désillusionnés.
La pluie arrive par le sud-est,
C’est bon signe, signe de vent,
Mais qui a parlé d’une mer d’huile ?
Un silence de vaguelettes et le frou-frou des voiles.
Quel homme mettant pied à terre après le périple
Ne cherche pas des yeux la silhouette humaine ?
Même en arme contre l’îlien à la peau chromée.
Arc-en-ciel des cérémonies que la mort décrète.
Échanges sous la houlette des dieux de la guerre.
Nulle contrainte en religion / le cuir de ses bottes
Retrouve sa souplesse / des algues inconnues
En guise de peuplement / recevait les éclairs
De soleil de son épée / l’archer aux aguets
Dans son dos / la ligne d’arbres frémissait
Au vent / du bois mort pour le premier feu
À terre / une tortue encore vivante aux fers
/ « je suis l’ennemi si je ne suis pas bienvenu »
/ d’autres slogans dans le blog en réseau /
« je suis venu » mais personne ne le croira
/ on ne « vient » pas ici / aucune croisée
En vue / l’interminable encerclement des eaux
Tranquilles sous le vent / pas une trace
D’existence / ni animale ni humaine /
Fragments d’une archéologie à inventer
/ il se penche pour ramasser, observe
Dans la lumière déjà oblique / décide
Malgré lui : le soleil le presse, la nuit
En transe comme le fretin / l’eau ciselée
Par ces rayons jaunes bleuis de vert /
« qui suis-je si mon nom ne figure pas
dans vos tablettes ? » / essaie l’écriture,
Imite le bruit, se laisse harponner par
L’horizon / fuites devant les tentations
Publicitaires et les promesses d’élection
/ l’équipage sur le pont et dans le canot
/ la foison des personnages rencontrés
Par habitude ou par hasard, par calcul
Souvent / de quelle alacrité nourrit-il
Son écran partagé ? / une montagne
Propose ses laves ou ses neiges, son
Animal de foire, ses ex-voto de pluie
Et de soleil / « si je reviens » / sans dieux
À la clé / condamné à l’aléatoire des jeux
De rôles / il examine le nouveau coquillage
Et Pagure le dévisage sans agiter ses mandibules
/ Molly se contorsionne en imaginant la douleur
/ « es-tu… vivant… ? » / l’autre s’évertuait
Dans la pente d’un rocher, fuyant les lieux
Ou simplement tout entier à l’acte qu’il vient
De commettre / le sable glougloute en dessous
/ « si tu n’étais pas un enfant » / à la voltige
Des cirques de passage / quelle vitesse acquise
Dans la chute ? / « torche ta gueule si tu veux pas
Devenir aussi malheureux que moi » / l’ivresse
Gagne du terrain / « je veux ta coquille » / Ulysse
Y perd son latin / « à la fin nous serons les morts
et eux les vivants » / écarte des lianes ou des rideaux
: la profondeur annonce des complexités jalouses
/ les poivrots de la poésie chahutent les tapis
Où tout se joue / « qui perd gagne » / extases
Salutaires pour les uns et déception que les autres
Rejouent sans se soucier de l’endettement / Ulysse
Voit un cheval et imagine la suite / « c’est toujours
Comme ça que ça se passe » / nymphomanies en prime
À l’âge des pommes d’amour / « sur scène je jubile »
/ granite prêt à l’emploi : s’y fracasse l’échine d’un canot
/ « nous sommes venus » / mais invisiblement c’est :
Autre chose qui se prépare / « tu n’en verras pas le bout »
/ île ou pas : le golfe s’achève dans l’inconnu /
Buveurs émérites sans alchimie en tête / ni douleur
Ni paysages des sfumatos / poésie viciée par cette idée
De joie qui appartient à l’ouvrier et à ses commanditaires
/ « rien de plus » / au-delà de ce simple mur un autre mur
Et ainsi à l’infini pour expliquer la mort / on les voit
Se couvrir de fleurs à fruits saisonniers / mais Pagure
N’insiste pas : il sort dans la rue et « se croit en enfer »
/ « je suis venu seul » : histoire de ne pas inquiéter
Le jeune esprit qui habite ce corps de rêve / dissimule
Sa poupée / « la mer était d’huile et la terre nous parut
accueillante mais : nous savons depuis longtemps
que l’Homme est partout alors que Dieu n’est nulle part »
Seul il arpente ce dédale en érosion constante /
La mer a beau tenter
De tranquilliser les esprits
On sait depuis longtemps
Que l’Homme n’est jamais loin.
Les noyeurs de poissons ne s’en nourrissent pas.
Amusez l’esprit et il vous le rendra.
« nous ne sommes jamais venus ici »
Pourtant Molly sur sa serviette couchée
Donne des leçons à qui ne conçoit pas
L’invitation comme une promesse de joie
En bouteille / ces poètes de la pincette
Introduite par le goulot en vue d’une île
/ « tout ce temps passé à ne rien faire »
En boutique nous les retrouvons avec
D’autres marionnettes du Pouvoir /
La marchande ne vend que son apparence
/ « puisque vous êtes venus » minaude-t-elle
/ « nous sommes là » / comme cette peau
Qui a appartenu à un royal et fier animal
/ « ces chasses ! vous souvenez-vous de ? »
Entre deux verres la tentative d’éjaculation
/ poète de l’Ordre et de la Joie : ennemis
Jurés / « où as-tu déniché cette coquille
vide ? / — Je jouais avec ma bouée en
chambre à air quand soudain » / cette île
Inattendue à cette heure et surtout en cette
Saison : une mer d’huile ou je me trompe…
Un silence d’écume et de parois : des vitres
De méduse et le granite oblique peuplé
D’autres races que la mienne / j’étais
« vous étiez seul / on vous enferme des fois
/ en attente de jugement / ensuite la nature
à traverser comme un livre nouveau / des
choix à jouer / comme s’il était possible
de se tromper de chemin alors que la carte
est claire / l’observation satellitaire garantit
l’universalité des impressions / veuillez attendre
avec les autres : là / où vous êtes / seul malgré
les noms de rue et les affiches des spectacles »
« monsieur Pagure n’habite plus là monsieur
— pourtant… la dernière fois que… il habitait
Là… — il reviendra : il l’a promis »
La plage est circulaire
Comme la folie.
Cher hilh, je ne suis plus citoyen de ce pays. J’ai laissé parler mon cœur. Tu devrais en faire autant. Mais je sais que là où tu es, le cœur ne commande plus : l’esprit réclame sa part de bonheur, ce qui complique la perception du temps. Je suis tombé sur une colonie de pagures qui m’ont invité à partager leurs mœurs. Mais j’ai perdu mon sens de la curiosité. Je ne veux vexer personne ici. Je me saoule en cachette. Sinon j’accepte ces griseries comme femme en Champagne. Je refais le chemin plusieurs fois par jour. La mer est d’huile en ce moment. On entend les frémissements de l’eau, les froissements incessants des branches, le murmure de ces habitants qui ne possèdent pas leur terre. J’ai acheté un parasol que le vent emporte quelquefois. Ton pair.
« Un pied après l’autre, monsieur »
Gare à l’oursin jaloux et hypocrite !
Nous regardons à la télé les spectacles
De la souffrance humaine et de ses
Petits enfants qui perdent ainsi leur
Innocence / la joie de posséder
Ne dure pas aussi longtemps que
Que les scénarios du désenchantement.
« ce pied-LÀ et ensuite l’autre, monsieur »
Un chat sautille devant sa proie de laine.
« prenez exemple sur votre voisin de lit »
Nous sauvons les meubles
Mais pas la maison /
Sans la joie d’appartenir
Nous ne possédons pas.
« exercez votre pied
monsieur qui marchez
sur les oursins jaloux
et hypocrites / les nôtres »
Le chat a perdu la tête /
La vitre aime la pluie /
« un rideau sans soleil, monsieur
qui marchez, c’est comme la peau
sans une autre peau, vous comprenez ?
alors pas les deux pieds à la fois, l’un
ici puis l’autre là / suivez le guide vous
aussi, pèlerins des joyeux équipages »
Elle doit aimer la pluie : elle chante avec elle.
Le chat devient hystérique, coquilles vides
Des rivages, ces pas de partitions faussées
Par le métronome des jours, aime la pluie
Et les orages qui disputent le ciel au soleil.
« marchez mais pas là, monsieur »
Les arbres sont des étoiles /
Les montagnes des volcans endormis pour l’instant
/ « vous connaissez la limite comme nous »
Nous naissons avec les fées
Puis nous les emportons avec nous.
« je vous ai dit de marcher là : avec moi
: ensemble : mais quelle langue est la vôtre ? »
Je ne sais plus ce qu’il était question de découvrir.
Je ne sais pas si tu as raison de la quitter. Je l’ai oubliée. Ce n’est pas la même chose, tu en conviendras. Et puis je n’ai rien quitté. Je mesure ma situation à l’aulne de ces murs. Ici, l’ermite va nu. Pas besoin d’attendre que d’autres meurent. Pas de cimetières de boîtes vides. Même les livres s’en vont sans laisser de traces. Si j’avais un écran pour refléter le monde à ma manière, je ne dirais rien d’elle. Je ne chercherai pas à retrouver ce temps. Je te conseille de revenir.
Ton hilh.
« marchez donc sans vous dandiner ! »
L’ombrelle me disait le contraire /
Funambule des parapets que la vague
Éreinte aux solstices / « venez par ici »
Au-delà des premiers feuillages, d’autres
Raisons de s’obstiner, sans cette idée
D’ivresse à gagner sur le temps en cours.
« voyez comme vous y arrivez maintenant ! »
De l’enfance planctonique à l’ère benthique.
Bouche ouverte de l’enfant langue dehors.
Les dents serrées de l’alchimiste en vogue
Verbale ou printanière / « ça c’est un oursin »
Guibole des phrases sous le ventre lourd
Des titres / « vous recommencez allons ! »
Il prévoyait une fin en crucifixion et en ville.
Quelle joie pallie le mal qu’on se fait la nuit ?
« vous n’écoutez pas
ce qu’on vous dit depuis
que le monde est monde »
Écouter le coquillage
Avant que l’ermite nu
N’y retrouve sa joie
Et son herméneutique.
Le monde n’est pas le monde.
L’homme n’est pas l’homme
Et Dieu vit dans un miroir.
Cercueil n’a pas de fleurs
À la place de ses dentelles.
La mer est un drap sale
Depuis que la pluie pleut.
Le Soleil une éponge bleue
Et la Terre un jaune principe.
Où est le rouge dans tout ça ?
codicille
« monsieur marchez où on vous dit !
C’est nous qui savons de longue date.
Cette île appartient à l’Humanité,
Pas à l’homme que vous prétendez être.
Laissez les coquilles à leurs ermites
Et les peuples à leur place / marchez
Sur nos traces : et faites des enfants.
C’est facile avec les éprouvettes.
Voici mon épaule et mes désirs.
Mais gare à l’oursin jaloux et hypocrite ! »
N’ont-ils pas égaré les pieds de Jules Verne
Dans le naufrage du Titanic ?
Les porteurs d’eau de Char en instance
De lipothymie / Poe et Sade assis sur leurs culs
Respectifs / les pieds d’Olga que la mort invite
À Stockholm / sur la table vieille de cent ans
Et plus : les ingrédients du bonheur en salle
/ saucisse de foie truffée et vin de la vallée
/ un oiseau mort ce matin, descendu de sa
Branche avec sa vie sous une aile et la queue
Plié à l’équerre : effet de la peur causée par
La mire / dehors on rencontre des rivières
Poissonneuses comme le temps / des berges
Molles où le pied tâte / à part l’oiseau meurent
Les choix nationaux : « tout d’même supérieur
c’qu’on arrive à faire avec des 1 et des 0 »
Sans tenir compte de l’infini qui les sépare
Alors que ça compte au cimetière / douleur
Et verbe titillant les aisselles du sujet / mort
En pochette des endormissements / « la voici
donc cette table de merisier » et ses artefacts
/ oiseau plié comme un canon à la culasse
/ saisissant le couteau il tranche le pain qui
A changé de sens dans la Passion et supporte
En riant les coups de savate sur son dos usé
/ la femme tenant un angle pour ne pas
Se retrouver par terre / mais pas d’enfants
Pour poser des questions au sujet du Pouvoir
Ni de l’Ordre toujours symbolisé / le Je plié
Comme serviette à l’heure de retrouver
La compagnie / même la femme a ses amants
« nous avions une servante replète à l’époque »
En ces berges de foire, les toiles d’arbres au vent.
« tout ceci m’appartient si je consens à œuvrer
comme les autres » / replète et pas farouche
/ nous possédons et dépossédons à longueur
De messe / pédants avec sutras aux commissures
Et salauds comme nés des gravures pittoresques
/ « c’est tout ce que tu me proposes : ta bite ? »
Elle préfère toujours le soleil sur sa peau nue /
« on a beau dire mais la plage est le contraire
d’un lieu de rendez-vous » / sollicitez l’intelligence
Et le type se confie comme en compagnie paroissiale
/ « je ne sais plus pourquoi je suis venu » / mort
Des pieds à la tête comme Socrate suite au jugement
Du plus grand nombre : la philosophie morte en couche
Démocratique / dehors : ces routes de campagne
Où coule le sang de la ville : ces itinéraires bouclés
Avant même d’y trouver la mort / sur la table
L’oiseau en proie à la rigidité : voit l’œil atteint
Par un plomb : pas une goutte de sang : le plumage
Dans le courant d’air occasionné par la fenêtre /
Tranche le pain sans se signer et mord dedans /
« avant j’étais heureuse » / une fillette promet
De se marier avec ses enfants / sifflet d’un facteur
Aux écritures en équilibre sur sa corde d’heures
/ « on voit que tu as lu Char » /./ « ce n’était pas
Une servante : c’était ta fille » . et dans ce lointain
De besace les lions se laissent dévorer par les mantes
/ « on voit d’où tu viens : attente des berges et
cadavres des passants / « je suis… je ne suis pas »
Nous nous réveillons parce que c’est l’heure /
Oui cadavres passant devant soi à vive allure /
Il dépose son fusil et sa cartouchière près du pain
Et débouche la fidèle bouteille en songeant
À la chair qui l’attend / « quelle idée elle a eu
de mourir alors que c’est pas le moment » /
Cherche encore et trouve un témoignage
Qui l’accable / des cerises roulaient vers
Le triangle tracé avec le sang de l’oiseau /
« je n’ai pas connu le bonheur si c’est ce
que tu veux entendre ! » / la vieille table
et ses miettes constantes : son dessous
de fer forgé et ses traces creuses : « le pire
est encore à venir » / voici le pain de la veille
Et nos bris de verre / de quelle France parler ?
Dehors et même plus loin les mêmes noms.
L’horodateur municipal.
Qui n’a pas peur de rater le coche ?
Trottine vers son destin : l’écriture civile.
« avant j’y croyais mais avec le temps je tue
les mouches de mes miroirs »
On ne s’illusionne pas sans injection.
Prend la route par tronçons.
Visite des lieux connus de tous.
Reçoit les absolutions avec joie.
Bichonne les détails de ses visions.
« je te croyais pas comme ça »
Pourtant la table est ancestrale.
Elle appartient à une lignée.
Ce merisier porte des traces.
Cet oiseau n’est pas mort ici.
J’ai traversé la forêt obscure.
Pas retrouvé le chemin de jadis.
Je n’étais pas accompagné, nu.
Des feuillages pleuvaient à verse.
Crevés de soleil ils s’éparpillaient
En gouttes d’or.
Comme la toile en cours brouillée
Par la main de quelque ennemie.
« je te pensais plus à même de »
Le trousseau sent la naphtaline.
Les portraits poissent de retouches.
La dorure écaille ses mortaises.
L’or n’est pas l’or du temps :
Vitesse acquise par la recherche.
Point de ralentissement avant le choc.
« je suis entré dans la forêt avec
un animal à mes pieds :
point de femme »
Cette société (pas une autre) en proie
À la codification des maux infligés à l’autre.
Tribunal le matin avant le métro ou l’auto.
Arrive sur les lieux de son travail avec
Les stigmates visibles par écran interposé.
Ainsi disparaît toute poésie conçue comme
Dissimulation / « je t’avais dit de revenir
Avant la fermeture des magasins » / et
L’enfant grimace à la place de la douleur.
Ce noir merisier des patines.
Reflet dans son œil exercé.
Du travail tu ne reviendras
Pas, papa, oiseau en croix,
Croix de couteau et de fissure.
Au carreau la mouche s’y colle.
Et pourtant c’est à l’école que
J’apprends à tuer le temps jadis.
Ici la trace d’une servante aimée
Parce que son fils est un vrai fils.
Le matin la forêt ouvre ses portes.
L’armoire ne contient que des nus.
Le carreau humidifie mes joues une
À une et les ronciers ne résistent pas
À mes visions d’enfer à deux, à trois.
Sur le chemin les dieux de la Cité
Au rendez-vous des fées se rendent.
Avec moi tu ne seras jamais heureuse
Car je tue pour te nourrir chaque jour.
Laisse-moi la servante et ses tapis de jeu.
Ainsi voyant croître les printemps
Au détriment de l’été jamais vécu.
Et s’adonnant à la prière
Derrière les fagots, catin.
Extase sommaire aux croisées des calvaires.
Il faut avoir dormi
Le nez dans la bruyère
Pour retrouver le rêve
Dans un verre de vin.
Des lichens dans les yeux
Et l’écume des vagues
Aux rochers de la nuit
Comme au flanc des sirènes.
Creuser sous sa maison
Ou connaître les ciels
De ses toitures folles :
L’âge finit en queue.
C’est las et même mort
Que dans ces herbes folles
L’esprit sait ce qu’il voit,
Entend et reconnaît.
Le matin le chasseur
Trébuche sur le seuil
Et une fois de plus
(peut-être la dernière)
Croise à même la flaque
Son visage et son nom
L’un sur l’autre à Sodome.
N’est-il pas plus juste
D’aimer sa femme ?
Qui repasse par là ?
D’un coup d’aile l’oiseau.
Blessé ou pas l’oiseau.
Les pailles du battage.
Les cuisses des servantes.
L’œil morose des maires.
Les insectes des pierres.
Le nez dans la bruyère
Et l’chant de la merlette
En réponse à ses flûtes.
Sur la table la nappe
Est pliée en attente.
Huissement de l’Hitchcock
En souvenir des peurs
De finir en prison
Au lieu d’y surveiller.
« jamais tu ne me rendras heureuse
maintenant que je sais » / à Damas
L’acier refait le monde / ici c’est toi
Qui le repeuple : sous les arbres étoilés
L’âne reprend son souffle / licol de cuir
Et fesses en feu / deux porteurs d’eau
Alimentent les sources artificielles des
Places publiques : un jour d’élection
Et de citoyens fiers de compter autant
Que Dieu lui-même / dans la région de Weir
Ou sur le tranchant d’une étoile, le cul
Posé ensemble : « jamais heureuse avec
toi » / et la flopée des poétaillons hardis
À l’arrimage des carcasses de l’abattoir
/ « ne pleure pas dans mon épaule, j’ai
le mal de mer, le mal du pays et le mal
des ardents » / on riait comme des fous
À la fête comme au retour / cette table
Nue maintenant : le langage en question
Tente de s’y asseoir : en invité ou en intrus.
Table rase mais en patine perpétuelle.
Il faut la quitter chaque matin pour aller
Avec les autres : ces autres noms de chose.
Rien sans injection au ponton des crues.
Naissances des poils narratifs autour,
Comme herbes des rivages revisités.
« jamais ô non jamais plus ! » et le cul
Aux paillettes du vent d’autan en hiver.
« je ne suis pas celui qui te voit » /
« je n’ai jamais été » / tentation jadis
De graver son prénom déjà en usage
Au rituels / « tu ne seras rien si tu sais »
Voilà comment on écrit des romans où
Les pieds entrent et sortent comme si
Le matin était devenu un juste souhait.
Cette vie n’est pas la mienne.
Si jamais vous tombez dessus,
Saluez-la de ma part.
Ne prononcez pas mon nom
Devant elle.
Ne dites pas : « salut [mon nom] ! »
Ne dites d’ailleurs rien du tout.
Passez comme si je n’existais pas.
Je sortirai peut-être un jour
Pour me rencontrer moi aussi.
Je n’en ai pas vraiment envie,
Mais je sais de quoi je suis capable.
invasion paronyme d’évasion : au sommet
Ces oiseaux qui naissent et qui meurent sans
Nous / gravissant des chemins de roche et
De broussaille / le ciel sans équation nature :
« je suis venu pour prendre des nouvelles »
Dehors les cannes et les bâtons « appelle-
moi comme tu m’appelais » / qu’est-ce donc
Ce poème qui demande à être déchiffré ?
« ici est mort ton chien et là le meilleur
de ta Race » / toiture romaine par la tuile
et sans doute aussi par le châtaignier /
Poussant la porte il voit la nuit d’hier.
Oiseaux et chats en ritournelle au poète
Arrêté par le manque de sommeil / « hier
ne sera jamais demain » / importance du
Sexe comme pratique de la mesure à donner.
Quel humour ces murs ! Et ce faîtage plié
Aux normes de l’arbre nu ! « ne viens plus
si c’est pour critiquer » / au mousse perd
La tête et retrouve la chaleur de son lit.
Glaciations aussi
Vents du Nord et
Ubacs des animaux
Perdus au jeu de rôle
Crâne saignant au granit
La clôture est l’enjeu
Ces gouttes acquises
Et toute cette jeunesse
Vieille jupe aux lueurs
De sa cheminée d’été
Car le temps change
Au gré des constantes
Chat des genoux et des épaules
« je ne suis pas venu pour tout recommencer.
je ne connais que cette suite en mi bémol majeur.
la poussière des génoises, les fientes d’hirondelles,
les traces de la couleuvre entre les pans et cette
femme que tu n’as pas connue car elle appartenait
alors à une autre race de conquérants / du Nord
au Sud les tertres en réseau / ces noms qui ne sont
pas les miens / rosier des fondations si vieux que
sa floraison envahit l’escalier des greniers / enfant
tu trouvais aujourd’hui tu cherches / l’oubli semble
majeur et la chanson à la mode ou pas / question
de temps / en étranger le temps / l’un à l’autre
épistolaires et approximatifs / comme si le roman
rencontrait sa fin au lieu de la préparer / venu oui
mais pas pour ça : ni revoir ce que poussière et
patine retiennent à la surface : ta surface de pierre »
La mort aurait un charme d’antan
Si j’ai bien compris ce que tu dis
Maintenant qu’il est trop tard pour
Aimer comme croissent les printemps.
L’Histoire veut des croix vieilles et torses.
La glaise des allées a mangé son gravier.
L’or même connaît des oxydations en creux.
Qui n’a pas souri en retrouvant la mémoire ?
« je t’ai connu fidèle à l’écorce »
Certes les surfaces de ces enjeux
Et les courses à la Lune des rivières.
Ce sont mes pieds qui croisent mes pas.
« quelle étrange sensation te revoir ! »
Même éclat du verre dépoli par la vague
Et le sable associés.
Mêmes repères après l’écume sonore.
Ces bois sans écorces, couchés comme morts,
En croix ou alignés aux limites.
Le chien étonne le coquillage ou le contraire.
Qui habite qui une fois que le testament
Révèle quelques erreurs de versification ?
Ces fers qui retiennent encore, nœuds vivaces
Aux poulies noires de graisse, ces enfants
Dans l’eau qui ne les nourrit plus, ce que
Nous avons contribué à changer sans crier
Gare, les blockhaus de l’orgasme et de la peur.
La possibilité de la langue
N’est pas joué aux dés.
Assailli, il ploie. Il écrit à son fils
Caché. Il ne sort plus le matin.
Le soleil a changé à ce point.
Il écrit que tout va bien pour lui.
Possibilité de dire et surtout
De redire.
Plié il geint. Il flotte aussi
Comme odeur dans l’air.
Craint la fenêtre ouverte
Mais ne sort pas du lit.
Quelle angoisse, mes vieux !
Je ne sais plus si c’est encore
Possible, et ainsi s’adonne
Aux missels des pauvres.
Cette fois les mots ont un sens.
Mais qui n’en a pas ?
Qui parmi eux ?
Qui se tait ?
Partirait bien à sa recherche.
Mais il se met à pleuvoir.
L’autan est noir ce matin.
La montagne me l’avait dit
Hier, avant que je me couche.
Glaise aux herbes rares des perpendicularités.
On y jette des corolles ensoleillées comme qui
Ne regarde pas à la dépense en ces nuits de veille.
Fatigué d’Histoire et de Géographie, de Politique
Aux autels du Savoir, et de tant de Majuscules
Acquises non dans l’action mais par paralysie.
Angles sévères aux courbes de corps à portée,
Voilà ce que sont ces tombes et les visites sont
Payantes depuis que l’idée même de Dieu
N’effleure plus l’esprit, crasse des oreilles
Aux enfances de cire, abeilles des ruches folles.
Plus loin la terre descend en mottes jaunes
Vers des plages de feu, soleil revenu en étranger
Pour tout le monde ! Y compris les visiteurs
Transparents — un pissenlit dialogue en racinien
Avec le souci venu en véhicule, poussées des vols.
Invasion/évasion des courses folles.
Qui n’est pas nu dans ces conditions ?
Entre terre et ciel tout se passe, rien
N’arrive et les messages se perdent
Ou perdent leur sens, leur portée
D’infini, croissance des semblables.
Les logis descendent avec la pente.
La ruine ne lutte pas, extase sommaire
Des lieux, « je suis venu pour te voir,
te voir et te parler, te parler et te dire
que je n’ai pas oublié ce que j’étais
venu chercher sans toi » / traces de tuiles.
Il monte nu et redescend à l’adret, seul
Et pas mécontent de l’être vraiment, gai
Au mot qui vient avec la langue, connaît
La lumière et ne s’en étonne pas autant
Que toi : je sais pourquoi il est venu, moi.
Carcasses des temps encore à venir au
Seuil, il n’y a rien à explorer, sinon en jouir
Et peut-être en témoigner en soignant
L’expression selon les usages les mieux
Partagés, histoire de n’être pas venu pour rien.
À portée de la main les choses.
L’Homme les a conservées en jaloux
Et en hypocrite, sans veille du temps.
La pierre connaît le fil et le fil son métal.
Cul-de-sac des aphorismes en beauté.
Qui connaît meilleure expression en vers ?
Le temps impose des épisodes et l’art
Veut des tragédies avec leurs comédies
En entracte, comme tu files ta laine.
Les choses ne sont pas loin de soi.
On en connaît les propriétaires comme
Si on était déjà venu, visiteur impatient.
Feu des cuissons et des regards dans l’ombre.
Le chat que tu caresses est mort depuis
Longtemps, l’évier est encore gras, presque
Humide, le four contient des enfances
Sucrées, la chair sent l’ail et le vinaigre.
« je suis faite pour toi » et elle répète
La leçon en espérant ne pas trop crier
Le moment venu, espoir des rues désertes.
« ne goûte plus, prends ! »
« j’ai appris à rimer en rimant »
On usine mieux à la maison, vieux.
Ça grinche aussi sans résonnance.
Qui n’a pas tenté un refrain, au
Moins le temps de ne plus y penser ?
Ouvrager les meubles et les stucs
De la maison bourgeoise à la peine.
En ouvrier comme en artiste, mort
De fatigue au point d’oublier la douleur.
En chemin le poil des joues repousse.
Et dans le cercueil on devient barbu.
« je vais au bal pour connaître le monde »
Promis de s’en tenir à un verre et pas plus.
Pas tacher le col de la chemise et veiller
À ne pas égarer les boutons dans la lutte.
« j’en ai appris des choses quand j’étais
jeune et maintenant les choses riment
à quelque chose » / patiente l’existence
À usiner la ressemblance, patiente avec
Style si on aime les traversées géographiques.
Dans la rue les poubelles s’enracinent.
Le pavé s’use comme les semelles.
Question de temps sur le tapis des jeux.
Au bal s’en va gaîment la clope au bec.
Connaît les bifurcations et les angles morts.
Retrouve les degrés de sa foi en l’homme.
« quelque part et en un temps qu’hélas
je ne connaîtrai pas car je suis trop jeune »
Mais y court, et vite encore, le fer à la semelle
Et le mors au dents / agile comme l’animal
Qu’il n’est plus / gardien jaloux et hypocrite.
Écrit enfin à son fils :
Tu sais (ou tu ne sais pas)
Que tout est permis ici
Et que l’art consiste
À éviter les ennuis.
Je n’ai jamais aimé personne.
Je reviens pour revenir,
Des fois on ne sait jamais
Que j’aie perdu quelque chose
Avant de prendre le large.
Je ne sais pas sous la table
Ou dans les mêmes draps.
Avec ou sans rime, une trace
D’escargot, une goutte de sang,
Le cri d’une blessure, la foi.
J’écris pour ne pas le dire.
Et au lieu de signer il caresse l’écriture,
À peine ce relief et ces creux, non pas
L’écrit mais ce que ça voulait dire
Au moment d’y penser, un jour de pluie
Et d’escale.
Río ou La Bidasoa
Río et Blanco dans un décor.
RÍO
(lit)
Petits maîtres tout droit sortis
De l’université et des églises
En rang par deux chez l’éditeur
Se disputant les miettes laissées
Par le combat douteux des larbins
La Ville n’est pas devenue une cité.
Croissez, oiseaux des tombes !
« Nous attendons l’employé
Municipal : c’est lui qui a
la clé.
»
Ce matin, ma chérie, j’ai les fleurs.
J’ai le bison séminole et toute la Floride.
Le soleil n’est pas encore debout.
Qui a déposé toute cette rosée ?
Mes espadrilles trempées : « Tu
Ne prends pas assez soin de nous ! »
Sont-ce des dahlias / « je m’en parfume
En lisant l’histoire de ces femmes,
Princesses et courtisanes, amantes
Pour servir de prétexte, ne m’en veux pas ! »
L’employé municipal a la clé.
Il arrive dans son auto verte.
Il a déjà un coup dans le nez.
Mais il a la clé, nom de Dieu !
Ce matin les fleurs sont mouillées.
Le dallage est sombre, la terre noire,
Il manque une étoile à ce ciel de deuil.
« Je vous ouvre ! »
Parole d’employé.
Il a la clé, ma mie !
C’est l’aube qui le veut !
Bouquets en main,
La lavande du jardin,
Le persil du potager,
« Vous avez vu cet engin ! »
Tonnerre de guerre, tuyère
Rouge traversant le ciel
Encore noir à cette heure.
« Nous allons tous mourir ! »
Vases des nuits de colombe.
Les vieilles fleurs dans la poche.
Les nouvelles caressées comme
Si « elles pouvaient parler » / nous
Sommes au printemps de l’automne.
« Je vous ouvre et je m’en vais. »
Il ouvre et il s’en va. « Revenez
Quand vous voudrez ! » Et au soir,
Nous voilà devant les inscriptions
Séculaires, « nous avons bien travaillé ! »
« Mon Dieu ! Qu’est-ce que ce monde ! »
Froissements des jupes, claquettes des semelles,
« Il va nous arriver quelque chose ! » / MAIS
Rien n’arrive de ce que nous avons souhaité
Ensemble ou dans le secret de nos écrits /
Ellipses et syllepses / fées des siècles passés
/ raison de ne pas rester à la maison
« à attendre que ça recommence »
Carthage en feu
Dans ton esprit
/ personnages
Parmi les
Personnages !
Ces morts doucement exprimés.
Croix, étoiles et demi-lunes, rien /
Patriotes de la langue plus que de l’écriture.
La fournée de « la main tendue »
Sur le déclin / l’âge n’est pas étranger
À cette dissipation des sources vives.
Ce matin je ne sais plus
Si j’habite encore ici
/ avec vous, citoyens
Des sillons, et sans vous
Électeurs des futurs enfants.
Ce matin je suis aux Everglades.
Je croise les pélerines amantes
Du bonheur / mais je ne sais plus
Si ma maison est ma maison
Ni si ce que je suis a bien été.
Donnez le sein si ça vous chante.
Fumez du gris avec ou sans visions.
Jouez à ne pas jouer pour exister.
Moi, je ne me sens pas d’ici.
Je me mets à parler kinoro.
Je ne peux pas m’en empêcher.
Je salue et même je bavarde,
Mais le cœur n’y est pas, n’y
Est plus / je ne suis plus
un enfant.
Ricky vous salue bien, mes ouailles !
Les fleurs tremblent doucement.
La guerre en route vers l’Afrique
Ou l’autan qui lutte contre l’Ouest
d’où vient la pluie.
« Nous venions avec elle
Il n’y a pas si longtemps,
Ô ma voisine en turlututu !
Et les goélettes de mon enfance
Se déposaient avec la neige
Sur tes fleurs toujours vieillissantes.
C’était l’hiver,
Avec ses loups nourris de vent
Ab intestat / « t’as raison mon filou ! »
Que chasse le chasseur abstrait ?
Quel est le nom de cette forêt ?
Suis-je né pour la qasida ? Moi
Qui vient de nulle part / avec toi
Et avec la tramontane qui rend fou
Les petits poètes de la Grande Poésie.
Tous ensemble avec l’industrie
Guerrière et les vacances promises !
Sur la plage on revoit les films
Qui ont nourri notre adolescence.
« J’ai oublié de quel mot
il s’agissait »
Ailes delta dans la nuit finissante.
Déchirement des airs. Mais bientôt
Nous ne serons plus là pour y penser
Comme nous y pensons aujourd’hui
Car nous n’avons pas d’enfants,
Pas de patrie, pas d’ennemis, rien
Que la musique et cette lenteur
Héritée des meilleurs romans
Que le siècle propose aux poètes
En signe de deuil / « Voici les fleurs
Que j’ai arrachées au talus en venant
Ici pour me souvenir encore de toi »
« J’ai oublié de quel mot il s’agissait »
« Avant j’étais plus proche de la nature »
« Qui a brisé ce vase, nom de Dieu ! »
Voici le vent qui chasse la pluie / le pain
(sur la table) devient dur comme du bois
/ « Veux-tu que nous allions sur la Côte ? »
« Avant, j’étais ouvrier dans le bâtiment »
Lions des cirques sans dompteurs /
« Le malheur est le principe de la reproduction »
Piquant les troupeaux de poètes
Comme à la campagne / la Ville
mon cher
N’est pas la cité dont vous rêviez
En bon architecte de la tranquillité.
Ne rêvez plus si vous avez déjà rêvé.
« C’est vous qui cuisinez ?
— Ça m’arrive des fois.
— I’ll be back un de ces jours.
— Mais d’autres fois, je suis mort ! »
Dehors, la rivière s’en prend aux rives.
« Je ne sais pas si je sortirai ce matin…
— Pour aller où ? » / le vent mouche
L’allumette / « Ça sent le kérosène
Comme en vacances / mais c’est pas
Les vacances » / sur le pont on se penche :
Dans la passe les poissons en lutte.
« D’où sort donc toute cette eau ? »
« Avez-vous la clé ? (et ajoute) au moins ? »
Petite ascension du monticule
Où couvent les petits animaux.
« L’année dernière, à cette époque,
Il neigeait (au moins !) — Mais c’est
La neige (ma chérie) cette blancheur
Qui a pris la place de la poésie jadis
Si volubile ! — Ah bon ! Tu crois… ? »
Le campanile maintenant.
La même oraison sonore.
Ne veut rien dire mais ça
Tourmente le cervelas
De la poésie Gallimard.
Vous êtes déjà venu ici.
Souvenez-vous de l’enfant.
Déjà le plaisir d’exister.
Les jeux sans innocence.
La poésie des éditeurs.
« La mineur, je crois… »
Au campanile les pendus
Et les corbeaux, les chairs
En ciel de lit, les putains
Qui font de la vieillesse
Un spectacle pour le peuple.
Ce matin, il ne pleut pas.
Mais l’asphalte est mouillé.
L’employé a la clé / ça grince
« sinon ce n’est pas une grille »
Ça ne grinçait pas autrefois.
L’allée laisse filer des rus
Minces comme des fils d’Ariane.
« Vous êtes déjà venu, non ?
On ne vient pas ici sans au moins
Une raison » / C’était avant
de devenir fou !
Je reconnais l’allée, les lentes destructions,
Mais le ciment encore frais n’a pas de langage.
Nuit de plomb en phase avec d’autres fusions.
Voici la portion de mur qui s’écroula
Dans nos jambes / « Qui sont ces morts ? »
« Oui ! Vous avez raison (pas fou) sans la clé
Il n’y a plus d’employé et sans lui, la porte
(vous vouliez dire la grille) ne s’ouvre pas »
Sauf esprit d’escalade / puis la fuite au moment
Où un mort s’est mis à parler / Pas le temps
D’écouter ce que disent les morts
Quand on a l’âge de l’enfance !
« Il fait jour ? » Pas vraiment.
Rafale à l’exercice de nuit.
La tuyère en feu dans l’interstice
Du volet / « Toi tu sais peut-être
De quoi est fait le Monde !
— Mais j’y étais, ma chère !
Et je peux vous dire que… »
SVP, pas de flatterie.
On ne flatte pas la mort.
Or, j’en suis une. Parmi
Les morts de l’université
Et des communes associées.
« Qu’est-ce que vous aimez le mieux ? »
Je ne sais pas si j’aime.
Mais si c’est possible
I’ll be back wiz you or wizaout !
La route n’a pas été si longue.
Demandez-le aux corbeaux.
Ce matin nous perdons une étoile,
Dit la radio en sourdine sous l’oreiller.
Suffit pas de s’baisser pour la retrouver !
Il sort.
Reste Blanco.
BLANCO
(lit)
Penseurs à la croix de bois
/ voix de bigophone rejouée
Sur le tapis du vent publicitaire
/ « avant j’étais un champion
Mais j’ai pas eu d’papa » / claires-voies
Des jardins conçus pour l’élevage
Et le vote / les personnalités rongées
Par la pratique du moi d’abord /
« Je me penche à ma fenêtre . . .
Que voulez-vous . . . Je n’ai que ça »
Et voit passer ce qu’il a été naguère.
Des escouades vouées à l’apprentissage
/ sous la zerouata plombée d’un boulon
Arraché à la voie ferrée / ou le fouet
Des détraqués de la crucifixion / fumant
Une cigarette en attendant de l’attraper
/ « Avant j’étais et maintenant je suis »
/ file indienne entre les pins parasols
Noirs de suie / « Après on verra / »
« Qu’est-ce que tu comptes faire sans
Dieu ? — Faut bien expliquer l’infini
Par la courbe / j’ai toujours eu cette
Impression de me relever là-même
Où je ne suis pas tombé ! » Mein hilh !
« Je sais même pas où tu crèches ! »
« Dis donc le matin ça gamberge !
On t’entend réfléchir d’ici ! » / Un
Chien pour compagnon / les fusillés
De la Propriété / les fosses où-va-t-on /
« Ramassez votre fusil et courez ! »
Dans le ciel la préparation des orages.
Savourait des fruits exotiques sous
L’arbre de sa ruralité / charbovari éclair
/ « Nous avons une rivière vive » / turbine
Hurlant comme si c’était la fin / « Jadis
Oui jadis et maintenant je mange ton pain »
Comme la poésie est poétique si on y met du sien !
« Je ne sais pas si tu voudras de moi, meine Liebe »
Et il répondit : « Nous ne sommes pas en Amérique »
La pluie tomba toute la journée sans la moindre
Éclaircie puis le soleil se coucha enfin et la nuit
Fut conseillère / « On ne guérit pas de l’égoïsme »
/ au loin la Ville n’a toujours pas changé / croco
Des fuites en avant / « partons si c’est ce que
tu veux.
Ça me revient (sont couchés l’un sur l’autre) ça
Me turlupine comme un projet de roman / ça
Vient de quelque part mais je ne sais pas d’où
/ des fois je me dis que j’ai perdu mon temps
(ils roulent dans les draps) et d’autres fois ça
Me prend et je ne suis plus moi-même » ÇA
finit par tuer.
Quelle chance tu as
Pêcheur de revenir
Avec ton filet et tes
Vents !
Qu’est-ce qui t’attend
Que tu n’attendais plus ?
Ils vendent tout à crédit.
Ya plus qu’à attendre meine
Liebe / et le matin ressemble
À la nuit plus que le jour à tes rêves.
Reviens ! Ils ont accepté
Le report d’échéance /
Reviens avant qu’une mauvaise
Idée de toi et de nous autres
N’empoissonne mon existence !
Ces quais
Où je ne mets
Plus les pieds !
De peur
De repartir
Avec les autres.
Ravaudage
Du langage
En usage.
Ces mains
Agiles comme
Des chats !
Le cul par terre
Et le dos fatigué
Par tant d’amour.
N’insiste pas
Meine Liebe
Je ne suis
Pas fait pour toi.
« Voulez-vous un promeneur
Du dimanche ? C’est vite peint
Par-dessus les murs déjà oints.
Et une fille qui montre ses cuisses
En fumant une cigarette, le matin
Avec la pluie qui commence l’automne
Ou finit l’été : comme vous voulez.
C’est vous le client. »
« Marre de revivre ce que j’ai déjà vécu ! »
Le drap s’envole avec les tourterelles
Du balcon / « Pour le café descendons ! »
« Nous avons de beaux ciels d’automne,
Vous verrez. » « Nous avons aussi une langue
Et elle a son Histoire ! » « Nous ne savons
Plus peindre » / la peau d’un alligator /
Trempe ses bras dans cette eau et prie
/ « Nous avons des fils et des filles »
Lance la ligne et le crochet scintille
Dans la lumière du matin / « Nous avons
Le temps de notre côté » / faute d’assez
D’espace pour renaître des cendres « Nous
Aimons la vie plus que l’existence, ô meine
Lieben !
« Ça me prend à toute heure
Et je m’enfuis à toutes jambes
Pour ne pas me donner en spectacle »
À l’heure du rendez-vous
Compose un haïku
Avant de pousser la porte.
« Revenez si ça fait mal »
« De qui êtes-vous le personnage ? »
La fenêtre fermée.
Au carreau la pluie.
Le parking dans
Un nuage de cendre.
« Heureusement
Que vous êtes
Motorisé ! »
Achetez un bison,
Séminole
De préférence.
« C’est cousu
À la main
Et c’est pratique »
Un amour de tramway !
« Tu as vu
La Seine ? »
Un jour tu liras
Dans les journaux
Et le monde se jettera à tes pieds,
Mon amour ! Mes amours ! / Ça
Arrive comme ça : à tout le monde.
« Je ne sais pas si c’est l’heure,
Mais j’ai hâte que ça finisse ! »
Pas le temps de prendre le temps.
L’hallucination est de courte durée.
« Nous avons des tas de choses
À mettre sous la dent
De votre imagination »
Poursuivis par une averse circulaire.
« Avant j’étais ce que je ne suis pas »
Vite ! Avant que les flics y mettent
Leur nez et la Justice ses dents !
Ne dormez pas
Sur le coussin
Brodé par votre
Aïeule aux yeux
De lynx !
Ceci est mon pain.
Et voici ce que je sais
Du vin et de la terre.
« Vous énervez pas si ça vous énerve !
Ne revenez pas si ça vous revient
En mémoire !
Ne quittez rien si ça vous quitte !
Nous sommes
Là pour vous aider… »
Nous en parlions en tout cas.
Devant un café et sous le parasol
Qui sert de parapluie : « Pas l’année
Prochaine — Quand ? — Il n’y a pas
De quand ! » / Pourtant, le ciel revient.
« J’m’en vas causer à ce pêcheur »
« Mais de quoi que vous voulez
Qu’on dise du mal ? » « Tu n’as
Pas vidé ta tasse » / Que se passe-t-il
Dans mon cerveau ? / « Je prends
Le bison et aussi l’eau où s’enfuit
L’alligator vexé » « Nous sommes
Là pour vous » / Dis-moi Vénus /
« Avant je travaillais avec ça et là ! »
Poing sur le tapis sautent les dés.
« Comme c’est bon de ne plus savoir
Où on est ni pourquoi on est revenu »
Vous prendrez bien
Un dernier verre
Pour le voyage
Et pour ce que
vous savez…
Avant je travaillais.
Pourquoi ne pas continuer ?
Le chemin vous mène où vous voulez.
Vous ne serez pas dérangé.
Je peux vous demander
Où vous habitez /
Je veux dire :
En temps ordinaire… ?
Ils ont beaucoup vécu.
Mais ne nous attardons pas.
Nous avons pris l’habitude
De perdre notre temps.
Hou ! J’entends qu’on vient !
On ne me surprendra pas.
Je ne serai pas loin…
(un temps)
Mais qui ça peut-il être ?
(réfléchissant)
Je n’ai pas d’affaire en cours…
Je n’aime personne en particulier…
Nous ne sommes pas en guerre…
Est-ce quelqu’un que je connais… ?
Vite ! Il approche, heu…
(jeu)
« il » ou « elle » /
Car je ne sais pas
Qui ça peut être.
Mais il s’agit de « quelqu’un »
Il y a si longtemps
Que je joue seul !
Il n’est rien arrivé
Depuis longtemps.
Et puis je n’y étais pas !
Cachons-nous derrière
Ce buffet qui appartient
Au décor, avec ses confitures
Et sa vieille poussière.
Entre Río.
RÍO
S’assoit, creuse un trou pour planter un sauvageon.
Il tient un livre d’une main et l’outil de l’autre.
(lisant) Toute société qui ne laisse pas de place aux minorités ni à l’individu est une dictature.
(réfléchissant) J’ai déjà lu ça quelque part…
Place le livre sous ses fesses.
(à Blanco) Je croyais que tu t’appelais Negro.
BLANCO
Marre de ces matins
Qui ne font pas de moi
Un adepte du jour !
Certains se ravigotent en respirant cet air.
Pas moi. J’ai peur de travailler. On me dit :
« Tu dois faire ta part de labeur, Blanco. »
Et je dois croire aussi à ce qu’on me dit.
Au diable ceux qui m’ont fait tel que je suis !
Est-ce que j’aimerai quelqu’un un jour ?
RÍO
Ça devient philosophique.
BLANCO
qui n’a pas écouté.
Qui ne comprend pas qu’il a perdu ?
Le matin je cours sur la plage encore nue.
Je poursuis des crabes et je les tue.
L’esprit chahuté par l’écume aux pieds.
Je suis ici parce que je veux exister.
Mais le travail m’attend comme un voleur
Guette sa proie derrière la vitrine mouillée
Du café où nous nous connaissons tous.
La marmaille va à l’école pour apprendre
À travailler. On n’apprend pas à vivre.
« Écris-la donc, ta chansonnette, troubaba ! »
Jamais je n’y arriverai !
Je me remplis.
Je ne me vide pas !
Qu’est-ce que le monde
Si ce n’est pas un Monde ?
J’ai les mains en compote !
Ainsi donc : on peut vivre
Sans exister…
RÍO
C’est ce que dit le philosophe.
BLANCO
Et celui-là qui ne s’ennuie pas
Avec son livre sous les fesses !
« Ils ont des bombes, mon fils !
Et le tapis qui va avec. « Braoum ! »
Voici les moellons fruits de mon travail.
À toi le ciment ! Et baise bien ! »
Les joliesses de la poésie.
L’instant de les reconnaître
Sans avoir besoin de prier.
Le jour viendra bien une nuit
Où je deviendrai fou de rage.
Comme c’est joli ce qui est joli !
Entre le matin et l’heure d’y aller.
Cette longue nuit qui commence
Avec le jour / nous avons le soleil
Pour boire ensemble entre les heures.
Nous possédons tellement de choses !
Les uns plus que les autres, et les autres
En phase terminale, caressant leurs enfants.
Sous la surface, la même eau peuplée
Des animaux qui vivent eux aussi.
La rue déjà occupée par la vitesse.
Les clignotements des regards et des feux.
« Me reconnais-tu ? »
Peut-on, est-il permis de :
S’enfermer ?
« Qui produira cette électricité ? »
Personne n’a fait de moi un bonzaï.
Mais j’ai poussé dans le pot familial.
Malgré les voyages au bout de la merde.
« Les saisons, c’est 2 ou 4 »
Ivresse causée par la douleur recherchée
Ou la pratique de l’impression à tout bout de champ.
« Dire que j’ai appris à conduire ! Moi ! »
Ce qu’on ne fait pas comme les autres
N’existe pas.
RÍO
Dit le philosophe…
BLANCO
Descendre. Monter. Traverser. Creuser…
RÍO
C’est ce que je fais !
BLANCO
À quoi bon s’échiner sur l’œuvre à faire
Si tout ceci doit disparaître un jour ?
RÍO
Bonne question.
BLANCO
Autant se rendre utile et…
RÍO
Travailler !
BLANCO
Je ne reviendrai plus !
RÍO
Tu veux rire !
Personne ne revient.
BLANCO
Je veux être MOI !
RÍO
Pas la peine de le crier sur les toi !
BLANCO
Je ne sais même pas pourquoi je suis venu ici.
RÍO
Moi, j’y plante un arbre.
BLANCO
Je n’ai rien amené
Pour ne pas m’ennuyer.
Ils vous jettent dans le décor
Sans vous préparer à mourir.
Je suis venu sans rien.
(jetant un œil sur Río.)
On dirait que d’autres reviennent.
(pensif)
Il faudra qu’on m’explique ça.
Río sort.
Pourquoi sort-il ?
(gai)
Mais oui ! Pour « revenir » !
(excessif)
Il a laissé son embryon.
Son livre et son outil.
Mais il est sorti avec ses vêtements.
Ce qui explique pourquoi je suis nu.
Quelque chose m’empêche de sortir.
J’ai des jambes pour franchir la porte.
Mais il n’y a pas de porte / ce concept
N’existe plus ici / Je n’ai pas assez réfléchi.
(inquiet)
Il faut que je mange quelque chose.
« Mange de la poésie » / me conseille
La sagesse / c’est bon la poésie, amère
Comme le verbe et sucrée comme les noms
Qu’on lui donne / à portée de la main
/ comme si le festin expliquait
Qu’on n’arrive pas à comprendre
Pourquoi il n’y a ni commencement
Ni fin : ou le contraire : je ne sais plus
Ce qu’on m’a enseigné avant de me
Mettre au travail / nous étions pleins
En arrivant au port / « ici commence
La vie » / « ne coupez pas le son
De nos publicités : sous peine d’amende
Délictuelle » / l’amende amande, dit
Le magister en se tenant les côtes
/ mais revenons à la poésie : bonne
Ou mauvaise, ça donne envie de
Recommencer (ou de revenir) /
Souvenez-vous de la première
Éjaculation volontaire. « Ouah ! »
. . .
Le fleuve dans le canyon étriqué.
Avec la sécheresse des étés
Et les pluies de l’automne
La roche se fragmente.
Le cactus donne à voir
Sa structure grise.
L’iguane est bleu.
Le roseau sonore
Sans autre théorie.
À l’ombre,
L’homme prévoyant
Cultive ses papas.
Sommes-nous si loin de tout ?
L’olivier scintille dans l’aube.
Il y a longtemps
Que je ne suis
Pas venu ici.
Si longtemps que je ne parle plus votre langue.
Les ravines laissent pousser l’herbe.
Je ne reconnais pas l’oiseau bavard.
Qui ou quoi nous jette dans le décor ?
Est-ce que ça vient de l’intérieur ?
Est-ce que tout vient de cet organe ?
Qui sait ce que je ne sais pas, qui
Ne soit pas devin ou membre du clan ?
« Vous posez trop de questions.
Et ce ne sont pas les bonnes,
Celles qu’il est nécessaire de poser
Si ce qu’on souhaite c’est travailler. »
Voilà comment on jette le doute
Sur la question de notre capacité
À vivre « en même temps que les autres ».
Río revient et reprend sa position.
Je ne veux plus être ce que je ne suis pas.
RÍO
Pfff…
BLANCO
Je veux savoir ce que je suis !
RÍO
Pour qui ? Pour moi ? Pour nous ?
BLANCO
Ah ! si le monde n’était pas si complexe
On pourrait au moins le trouver absurde !
On aurait alors beaucoup de choses à dire.
RÍO
Faites comme si.
BLANCO
Mais je ne fais rien comme les autres
/ à part travailler pour paraître utile
Et mériter de la considération nationale
À défaut d’accéder à l’universalité.
Comme ça arrive aux plus chanceux.
Ô ma plage de sable fin
Et d’objets perdus !
Comme tes matins
Sont rêvés !
J’aime la méduse morte
Et la mouette traversée
Par l’hameçon rutilant
Sous ce soleil naissant
Une fois de plus.
Que l’écume efface
Mes pas ou mon souvenir
Ne figurera pas dans
Le roman de mon enfance.
D’un bout à l’autre revisitant
Le mode de survie.
Ne nous éternisons pas
Aussi facilement que
Les probables et les fins.
Blanco sort de derrière le buffet.
BLANCO
Il ne me voit pas.
RÍO
Mais je l’ai entendu.
BLANCO
Heureusement ! parce que je suis nu.
RÍO
Nous sommes faits pour nous entendre.
Voyez les bonnes confitures ! Cerise
Du jardin. Figues. Sureau. Étiquettes
Soigneusement calligraphiées. Ô enfant
Que je suis ! J’en frissonne chaque matin
En enfonçant le drap. Avez-vous été marié ?
Faites-le au moins une fois dans votre vie.
Quelle poésie n’aime pas ça ? Je l’entends
Qui fait grincer les portes du buffet. La clé
Est dans ma poche, mais il ne le sait pas.
Jadis, j’avais une armoire. Pleine de lin
Et de fleurs séchées. Pratique de l’amidon
Dans le texte. Devant la justice, sauvez
Votre peau en prétextant un désir de morale
Parfaitement conforme à ce qu’on attend
De la littérature et de son bourgeois. Voyez Pinard,
Deuxième porte à gauche au premier. Ne vous
Trompez pas. Et repassez dans le couloir feutré
L’argumentaire moraliste conçu par votre con
Seiller. Vous ne reviendrez pas de sitôt, peut-être
Même jamais. Il n’y a qu’une Bovary. Ensuite, on
Se perd dans les détails qui rendent fou mais qui
Réduisent la critique à une leçon de choses. Ainsi
Va la poésie, du cœur à l’ouvrage, et de l’ouvrage
À la pratique commerciale qui accompagne l’ami
Libraire, ô églises des pas de portes ouvertes !
« Veuillez décrotter vos godasses avant
De mettre les pieds chez moi ! » Or, l’ami,
Ce sont mes croquenots que je vends, avec
La crasse des rues et des chemins, au bord
Des rivières poissonneuses à souhait et sous
Les arbres qui poussent sur l’horizon comme
Les fruits sur la branche.
D’Iliade en Odyssée,
Le fil à rompre ou à
Tisser avec les autres.
« Rêvez si vous voulez endurer.
J’ai là une solution à tous les maux
Qui limitent la jouissance en vacances.
Dites-moi un nombre, même à un chiffre,
Et je vous ouvre la moindre porte fermée.
Rêvez même en travaillant au Bien commun
Et au Mal réservé aux élus. J’ai un fils
Alors que je voulais une fille. Née du cul.
Si ! Si ! C’est possible ! N’oubliez pas
le Guide.
»
Queues dressées des athlètes
Et ventre mou des avocats /
Nous sommes jugés par l’homme.
Pour le dieu, tintin ! Allez faire
Un tour sur l’île et vous serez fixé
Sur la probabilité de ne pas saigner
Avant de mourir.
« Comme j’ai raison
De vous inviter
À partager avec moi
Et mes enfants
Le pain quotidien
Et le vin de saison ! »
Quelle douleur quand c’est fini ! Rêve
Cisaillé aux entournures. Sous prétexte
D’amour. Et d’esthétique recherchée
À force d’y mettre du sien. Comme
La Ville est reposante ! Ces relents
De caoutchouc synthétique. Vomi
Des trajectoires paraboliques de l’être
Au travail de son existence. Avocats
Pour vous sauver. Et juge en prime.
Suant du con sous la soutane répu
Républicaine. Un porteur de croix
Croise mes sentes en fuite, joyeux
Comme l’enfant que je n’ai pas été.
Ne riez pas quand je vous pose
la Question !
Mais votre conversation préfère
La rime et le rythme.
Qui ne trahit pas son voisin
En vérifiant si la clôture est
Conforme aux dispositions
Municipales ? Trompettes
Au derrière ! Saluez le maire !
Car en lui vous avez élu
Le représentant de l’État.
Bornes topographiques
Sous le gazon frais des soirs
À odeur de barbecue éteint.
Soumettez à la musique
Tout ce qui vous vient
À l’esprit et vous verrez
À quel point j’ai raison !
Aussi vrai que la paille craint le tesson.
Je vois, j’entends, je pense
Comme le césar aux frontières.
« Exigez la facture
Et payez cash ! »
Tombée du ciel
Cette pluie oblique.
Ou de ta bouche.
« La boîte de vitesse est d’une douceur
Et d’une précision ! Vous m’en direz
Des nouvelles
Avant Noël ! »
Les tiroirs contiennent d’autres souvenirs.
Blanco ouvre et fouille.
« Vous aimerez le moelleux des sièges.
Du pur plaisir à renouveler chaque matin
Et même chaque soir. Caressez-moi ce cuir !
L’immense crasse laissée par l’humanité.
Bus universel en série disponible gratos.
Vous lirez tout ou rien selon degré.
Je vous emmène au bout du monde
Pour y crever de joie dans le bonheur
Partagé avec la clientèle. Suivez-moi !
Ces cités ! Ces fleuves ! Ces rues
Commerçantes ! Ces discours aux
Animaux ! Ces possibilités infinies !
Comment ne pas oser tromper
Son voisin sur la position des bornes ?
Sous le gazon frais, le métal des limites.
Vendez-leur de la merde et partez en vacances ! »
Promène son miroir et se perd
En chemin, car le chien a perdu
Son légendaire odorat. Pourquoi ?
Alors s’enivre avec son avocat.
Paye les flacons et la sebsi, honnête.
Vaporisant les vieux rêves toujours
Redits. Entre le souci de perfection
Et le besoin de pureté. Le génie
Ne compte pas les jours. Grincement
Du volet au matin. « C’est toi ? »
Non, c’est moi.
Pas de profondeur sans ivresse.
BLANCO
(fouillant dans un tiroir) Il a raison.
RÍO
J’ai toujours aimé le spectacle
De l’homme (quel que soit son
Âge) qui farfouille dans les tiroirs.
Le voici plus enfant que l’enfant.
Perquisition ou recherche, peu
Importe ce qui motive son labeur.
Vite ! Un smartphone pour im
Mortaliser ! Sinon qui m’aimera ?
BLANCO
Il a raison.
RÍO
Ce qu’il faut ajouter au dictionnaire
Pour lui donner un sens.
Creuse encore.
Fouille encore l’Histoire et les Mythologies.
Feuillette les journaux, écume les bibliothèques.
Rencontre les contemporains, petits et grands.
Pose la question aux enfants, aux plus que morts.
Chaque matin en ouvrant sa fenêtre voisine.
Descends dans le jardin mouillé par la pluie.
Fends l’air avec son auto, arrive à l’heure.
Découpe les magazines, colle les lettres,
Relis, oublie, demande sa voix au désir.
Et comme en neige sur les poutres à nu,
Se dépose la crasse des jours et les visions
Des nuits et du voyage.
« Si nous allions au cimetière ?
Aujourd’hui c’est jour de repos.
Mais il pleut et la plage est loin.
N’ouvrons pas la fenêtre et sortons.
Il n’y a rien de plus beau qu’un cimetière
Sous la pluie, sur le gravier mesurant
Nos pas, étreignant le bouquet dans
Sa transparence plastique, viens ! »
Trottinantes voisines au seuil
Sur les marches ruisselantes
Évoquant une fois de plus
Ce que nous avons été pour elles.
Quelle hâte ce matin !
BLANCO
Heureusement, ce n’est pas jour de marché !
RÍO
Nous aimons nous revoir,
Quelles que soient les circonstances.
Nous avons voyagé ensemble si longtemps !
« Je vous ai écrit une lettre anonyme
Avec les mots de Flaubert. »
BLANCO
Pas lu, pas pris !
Il sort avec des « choses » dans les mains.
RÍO
Ne jouons plus s’il fait noir.
Laissons le silence approximatif
Former la houle du voyage.
Il sort, oubliant pourquoi il était venu.
VOIX
Au pluriel
« As-tu acheté le journal ? »
Les beaux titres à découper !
Les sens à changer de sens !
Avant j’étais enfant, et vous ?
Je n’ai pas connu mes parents.
Il y a eu cette histoire, à côté :
La voisine morte
à cause d’un couteau.
« Non, mais j’ai acheté le pain. »
Les temps sont durs et la vie molle.
Ce que j’ai vu dans le ciel lors
De mon dernier voyage au bout
Du monde visible : Je vous raconte ?
Qui est-ce ? Le connaissons-nous
de tous temps ? « Pas la bonne
Date ! »
La voisine qui mordait ?
Au lieu de dire
La vérité ?
« Un ou deux sucres ? Je ne me rappelle
Jamais. »
Le temps passé à planifier.
Rythmes et allitérations.
« Encore un qui ne vieillira
Pas ! » Tu veux parler du
Séminole. Et de son bison.
« Où est le théâtre dont
Nous procédons ? »
Changement de rythme. Entre le chœur.
Veut voir ce qui se cache dessous.
(se passe)
CORYPHÉE
La pince à démonter les roues.
Jette sa ligne parmi les éperlans.
L’autre prépare le feu de bois
Flotté, l’algue crissant dans ses mains.
« Il y a longtemps que vous vivez ici ?
Je vous pose la question
Parce que je ne m’y fais pas. »
Les thoniers en partance dans la houle
De la marée montante.
Dans quelle ville finiras-tu tes jours ?
De quelles nuits se nourrira-t-elle,
Si c’est elle ?
« Aucune idée ne me vient à l’esprit
Au moment où je pétris l’appât, et
Vous ? »
L’estuaire refoulant les cadavres
Descendus de la montagne, nus
Jusqu’à la ceinture, celui que le père
* a trouvé dans le gué, existence
Vouée à l’échec, sans femme ni
Enfant, descendant au gré de l’eau,
Dépossédé et finalement mort.
(Il la prend par la taille et lui explique
Comment il en est arrivé là : diplômé
Par le gouvernement au prix de sa foi.)
« De quelle poésie me parlez-vous ?
Avant de vous rencontrer (par hasard :
découverte de la pureté)
J’étais une fille comme les autres, douce
Comme une fourrure, instruite au fil du
Récit.
On entend toujours les voix, mais indistinctement.
Ou :
— C’est ça, Nera : raconte-moi ton histoire.
C’est en escaladant la montagne
Qu’on se rapproche du ciel.
Partant de mon village, le ciel
À portée de l’intelligence.
Voilà comment j’explique le muscle.
Parmi les aiguilles encore vertes,
Mes pas en ascension constante.
Le jour viendra, mais il fait nuit.
Le cœur aime les rythmes imposés
Par les sinuosités de la roche encore
En fusion : voici le temps d’aimer.
Sur la table de vieux chêne : la promesse.
Mais toujours à la même altitude,
La rencontre du visage et du temps.
Facile de désigner l’endroit exact
Où tout ceci doit se terminer un jour.
Cours encore et reviens toujours !
La fenêtre entre rideau et volet.
Le seuil marqué par la dureté du granit.
À l’endroit même où tu pleurais.
Quelle ode composer en souvenir ?
À la ville je ne suis que de passage.
Mais tu sais qui je suis et tu me veux !
Là-haut, j’irai pour te fuir et t’aimer. »
Après cette émotion, le coryphée se reprend.
Où sont-ils passés ces deux-là ?
Au moment où je la fais venir
Par la seule puissance de ma voix !
Ého !
Répondez si vous existez toujours.
Je ne tiens pas ici-bas à porter
Les fruits de mon imagination !
Ého !
Des lunes que je vous attends.
J’en ai le cœur malade à force
De me rapprocher du ciel.
Ého !
Mais je me donne en spectacle
Peut-être pour rien, pour la gloire.
Supprimez les contenus et vivez !
Écoutant.
Non… Rien… Le fleuve sépare les pays.
Cette sensation de traverser un mur.
D’un côté ce qui est blanc est noir
Et de l’autre ce qui est noir est blanc.
Je serais mieux ailleurs,
chez moi par exemple.
Mais c’est ici que je suis, avec le chœur
Figuré par ces draps pendus à un fil.
Il traverse les draps plusieurs fois, bras en croix.
(criant comme un enfant)
Imitez-moi si vous pouvez !
Mais je ne le veux pas. Je veux
Être « elle » / vous ne comprenez
Pas / comment / pourquoi / et
Je me prends pour l’enfant que
Je n’ai jamais été : papier blanc
Des attentes : imitez l’horizon
Pour ne pas devenir dingues !
Battler Britton vous découragera !
S’immobilise et rejoue.
(voix de fausset)
Imite donc un peu les cris de la plage !
La friture de l’écume et le crabe réduit au silence.
De quelle montagne me parlais-tu ?
Dans quelle langue qui n’était pas la mienne ?
Nera que je me suis mis à adorer
Pour ne pas manquer à la prière.
(guttural)
Revenez, vous deux les deux idiots !
(reprenant)
Hum… peut-être la mer un jour de raz.
La baie qui change de couleur
Et les conversations savantes sur le parapet
Du pont international, mouettes sans boussoles.
(guttural)
Revenez, vous deux les deux idiots !
Caresse les draps.
Vous ne chanterez jamais, pas un mot !
Décor trop sommaire.
Il y dessine des visages enfantins.
Hier, alors que je revenais du temps,
Je les voyais de loin, comme personnages
En attente de mon retour, et j’ai dessiné
Ces visages disant :
Je suis un enfant.
Ne me violez pas.
J’ai la parole nue
Et le verbe accessoire.
Recevez etc. etc.
« Achetez mes bibelots, j’ai des enfants à nourrir ! »
Le malheur avant même l’enfer des autres / table
Où figure le bien en vue / dans la chambre à coucher
: les jouets en vrac : les saisons ratées de peu : lettre
Morte : avant soupçon : achetez mes constructions
Érotiques : sur le rebord de la fenêtre, au-dessus
De la rue en manque : des géraniums malades :
« De qui sont-ils ? » / « Comme si je le savais ! »
L’existence fait de vous un pantin articulé mais
Raison d’aller plus loin : « Recevez mes etc. etc. »
« Je ne sais pas qui vous êtes mais je n’ai jamais su
Enfanter sans crier au moins un peu : hypothermie.
» / Voilà ce que je sais etc. etc. / montrait du doigt
La montagne imaginaire au-dessus des toits voisins.
Dit : je fus réveillé par le cri (strident) d’un enfant.
Raison : doigt coincé dans la porte des chiottes.
« Comment t’as fait ? » / En bas, les tarifs tant
Du plaisir sexuel que de la jouissance artificielle
: au feutre doré à l’or fin : cette existence foutue
D’avance : « Vous n’arriverez jamais à rien, surtout
Pas à grimper aussi haut : » Hiérarchie faussée par
La parenté, l’histoire tribale, la tectonique, Dieu
Lui-même : armé d’un glaive trempé dans le soleil
Et damassé dans l’atelier des « grands poètes »
De ce monde : où tu vis : descendue de ton cirque
Où l’hôtel reprend vie : une source en témoigne
Encore aujourd’hui : « …que je vous parle, aussi net
Que le contour des nuages, clair comme l’eau
De nos roches en fusion, facile comme le sifflet
Des transmissions traditionnelles / revoyez
Votre copie : et revenez quand Battler Britton
En aura fini avec sa maquette de Messerschmitt.
»
Vous aimez la poésie ?
Ne posez pas la question
À celui qui ne l’aime pas.
« Tout ce qu’on voulait, nous (Río et Blanco)
, c’était revenir sur les lieux pour exercer
Notre pouvoir sur ce qui nous reste d’enfance.
Río : Nous sommes faits pour nous entendre.
Mais de voir (de loin) ce linge qui ne nous
Appartient pas (qui ne nous dit rien) / nous
N’approchons pas : derrière la clôture des
novillos nous attendons que le soleil se couche »
Les draps claquant dans le vent des coulisses.
Vous ne serez jamais ce que je suis !
Pour ça, il faudrait vous remettre
Au travail de l’intention et du savoir.
Mais je suis bien seul maintenant
Qu’elle n’est plus là pour me mentir !
Qu’est-ce qu’un personnage de théâtre
Si ce n’est pas un homme ? Une femme ?
Je vous pose la question en amateur.
Est-ce bien ici qu’on vend les ersatz ?
Je peux jouer n’importe quel rôle.
Homme, femme, enfant, vieillard
De l’un et l’autre sexe, chien, dieu
Révélé ou pas, poète, pédant, salaud,
Sage qui couche sur la plage dès
Que la nuit invite au repos, amant
Avec ou sans amante, cabot de service !
Comme il est toujours temps
D’avoir le temps !
Avant j’offrais des cigares
À chaque naissance qui
Me surprenait au saut du lit.
J’avais la tradition et un dieu
Pour parler aux femmes.
Mais voici qu’avec l’âge
Je pense à autre chose : par
Exemple :
Au temps qui ne passe pas.
À la circularité de la lecture
Qui a atteint la perfection
En même temps que l’écriture.
Ne m’en veuillez pas
Si j’ai oublié les allumettes.
Je viens sans beau-père.
Je suis passé par la fenêtre.
Pas à travers le mur qui nous
Sépare, ô cratère sans fond
Qui ne vaut pas l’anus
De ma voisine : toi encore !
Voyez comme ils aiment la Ville.
Voyez comme ils aiment acheter.
Voyez comme personne ne les aime.
Voyez, voyez encore et tirez-vous !
Se met à décrocher les draps.
(riant bêtement)
Avec le pot que j’ai
Et vu que ces draps
Secs ne m’appartiennent pas,
Je parie que quelqu’un
Va exiger de moi des explications
Que je serai bien inspiré
(ô Poésie !)
De retrouver
À l’endroit même
Où je les ai perdues.
(hurlant)
Parlez à ma place si vous voulez !
Je devrais dire : si vous voulez que
Je ne sois pas ce que je suis.
Je n’ai pas fait le mal mais
J’ai construit mon bien dessus.
Je m’en veux un peu
De ne pas vous reconnaître.
Même père, même source
Vaginale : revenez à ma place
Ô mon pain et mon vin !
Entrent Río et Blanco, de chaque côté.
(guttural)
Revenez, vous deux les deux idiots !
Ce que nous sommes quand nous n’existons plus.
« Ce qui demeure » dit le gardien du cimetière.
J’ai laissé la trace de mes pas dans l’herbe rase.
Pétales de cendres / ton nom n’y figure pas
Encore / la série continue / verbe et épithète /
Les souvenirs m’assaillent / je crois me voir /
T’ai-je dit que je ne suis pas venu pour ça ?
RÍO et BLANCO
d’une seule voix
Il recommence…
Écoutons…
Et toi, laisse ton arbre !
CORYPHÉE
en oiseau
Nous ne reviendrons plus.
En tout cas pas ensemble.
Le miroir ne pivotera plus.
Le détail n’aura plus l’importance
De l’interprétation, rien ne suit.
Agaves je vous aimais !
Comme une armée dressée
Contre le ciel de la mer.
Sommes-nous venus
Chaque fois que c’était possible ?
Trop de hasard tue le hasard.
Mes yeux fermés retrouvent
Les chants du vent
Dans les fourrés
Inhabités.
Pendant ce temps,
La société s’organise
Pour ne pas s’autodétruire
/ et je n’y pense pas.
Mâles et femelles
Au sommet de la pyramide
Qui ne signifie rien.
D’autres rêvent encore
D’une cohérence gagnée
Sur la fièvre du combat.
Nous habitons les villes.
Puis nous voyageons
En marins inquiets.
Imaginer le moteur
Par rapport à la source
D’énergie encore possible.
Nous en avons écrit, des chants !
Poussé des héros dans la cage
D’escalier ! Repris les refrains !
Rien n’est aussi vrai
Que ce qui n’est pas mort !
L’ennemi est en soi, bavard
Mais sans les mots du journal.
Sa harangue ne parvient pas
Aux oreilles, le spectacle est
Si cher ! Coude à coude avec
Ce qui n’a encore aucun sens.
Il désigne la salle.
Je ne suis pas venu pour ça.
Et je ne reviendrai pas demain.
Douceur des brises d’automne.
La feuille se réveille
De sa nuit d’été.
Je perds le temps
Qui m’était donné.
Avant, dit l’enfant
Redevenu enfant,
Je descendais
Et la nuit me paraissait
Aussi obscure que ton regard
Derrière le voile des jours.
Voilà ce que je suis.
Pas une seconde
De métamorphose
Ou au moins de changement.
Aux autres :
Vous me reconnaissez ?
Il semble que non.
Chantons :
Ils se lèvent, mains dans le dos.
Le vent en profite pour se lever lui aussi.
Moment de confusion car :
La peau ne sait pas s’il vient de la mer
Ou des terres avec leurs montagnes lointaines.
Passent des paysans en fourgons blancs.
Aux vitres les visages des tâcherons.
Des enfants vont à l’école.
Il dit : « Pas de pays sans au moins une école »
On l’écoute et les portes s’ouvrent.
Les rideaux frôlent les seuils déserts à cette heure.
Au mur, la trace des souliers.
Dans la rigole, les peaux d’orange.
« Arrivez-vous de loin ? »
Une chaise oubliée invite au repos
Avant même le travail.
« Avant, j’étais heureux avec toi »
L’odeur des chants marins arrive lui aussi,
Fidèle au rendez-vous.
« Les charmes du quotidien qui consiste
À nourrir les historiques, »
Dit un touriste arrivé là
Par une espèce de hasard
Qui ne dit pas son nom.
« Rien n’est plus beau que cette solidarité ! »
S’écrit le poète élu pour la semaine.
Les oranges des allées sont amères
Mais les orangers sont bien alignés
Dans le sens de la rue
Aux angles morts.
« Voilà comment j’embraye ! » dit le chauffeur.
Et nous nous en souvenons.
En tout cas, nous passions beaucoup de temps
À nous souvenir (le jour même) de ces instants
Que le miroir fixe dans la chambre.
Ainsi naissent tes saisons, ma chérie.
Et je le pensais !
Vous avez noté ?
Ils hochent leurs têtes, mains dans le dos.
Professoral :
Maintenant je vais disparaître pour toujours.
Comprenez par là que je ne reviendrai pas.
J’emporte mon chœur dans la tourmente.
Vous ne me regretterez pas, je suppose…
Voulez-vous que je vous laisse un souvenir ?
Ils attendent.
Vous n’attendez rien de moi…
Derrière, la ville se réveille,
Prête à recommencer,
Soucieuse de progrès
Ou du moins d’améliorations.
Je ne pars pas le cœur allègre !
Au chœur :
Rhabillez-vous ! Nous partons.
Je sais, je sais ! Comme ça, au réveil,
C’est dur à avaler, mais j’ai mal rêvé
Cette nuit et je reviens d’un cimetière
Aussi inattendu que ce qui nous attend.
Sortie en fanfare.
Río et Blanco en profitent
Pour se mettre au pas,
Mais ils « demeurent »
Alors que le chœur au complet disparaît
Sans laisser de traces.
Les deux, singeant et tournoyant :
Il ne reviendra pas !
Nous devrions dire :
Ils ne reviendront pas !
Bourriche et coup du sort !
Y a-t-il une sorcière
En triple exemplaire
Pour nous révéler
L’exotisme de la scène ?
Avant : nous riions.
Río tape du pied.
Je le redis : avant, nous riions.
Nous le disons en chœur
Dans l’espoir de n’être qu’un !
BLANCO
la main en visière, tournoyant
J’avais cru voir Nera…
Était-ce encore
Une de ces maudites illusions
Que je me fais
Quand je perds le Nord ?
RÍO
ironique
C’est le Sud que tu perds.
La faute à tes reculades.
Je t’avais dit : garde tes pieds
Sur le sable de notre seule mer !
Mais tu n’en fais qu’à ta tête !
Et moi, je te suis !
Non mais quel âne je fais !
Main en visière lui aussi, plus circonspect.
Tu as dit : Nera est passée nous voir ?
Il réfléchit pendant que son arbre réclame de l’eau.
Je croyais qu’elle était morte…
BLANCO
C’est bien de toi, ça !
Croire et se laisser avoir !
Tu ne changeras jamais.
Et je ne te quitterai pas !
Âne que je suis moi aussi !
RÍO
Nous sommes faits l’un pour l’autre.
BLANCO
Que tu dis !
Moi, j’étais fait pour Nera.
RÍO
Mais je l’étais aussi !
BLANCO
triste
Elle n’est plus là.
Il cherche en rond.
J’ai bien cru qu’elle l’était.
RÍO
rageur
Il ne faut pas croire ce qu’on croit.
Regarde ce que le monde est devenu
À cause de ceux qui croient ce qu’ils croient !
Amer et désolé.
Non ! Non !
Moi aussi je crois qu’elle n’est plus là.
Mais je ne peux pas croire qu’elle y était
Quand tu as cru qu’elle passait par ici.
Cherche encore, bouscule son arbre.
Pourtant, j’y crois !
Et voilà que je t’aime, mon bon Blanco !
BLANCO
offusqué
Je t’ai toujours aimé, moi !
Je n’ai jamais douté !
RÍO
Il va pleurer maintenant !
Alors que nous avons d’autres
Sujets de mélancolie.
Pensif.
Crois-tu ce qu’il a dit ?
BLANCO
comme se réveillant
Qui ? Qu’a-t-il dit ? Parle !
RÍO
Moi, tel que je me connais,
Je pense qu’il reviendra.
Avec son chœur et ses nouveautés.
Péremptoire.
Il ne peut pas partir comme ça !
BLANCO
Tu l’as dit !
Je vois de qui tu veux parler.
À peine parti, on le voit
En funambule de l’horizon.
Il ne part jamais plus loin.
C’est déjà arrivé…
RÍO
Je préfèrerai penser à autre chose…
BLANCO
Mais tu ne penses qu’à ça…
Tout disparaît.
Il n’y a plus de théâtre.
Sommes-nous dans la rue avec Apollinaire ?
Au-dessous de zéro.
On dirait qu’il fait nuit.
Le jour est celui des vitrines.
Et l’existence celle des salariés et de leurs retraités.
Pas un mort dans les rues.
Pas un signe de faim ou de malheur.
Des enfants aux anges.
Passage d’un vent de négociations.
Charpie de romans sur les blessures.
« On ne lit plus comme on lisait.
Mais on rime comme des révolvers. »
Ne suivez pas le personnage qui vous ressemble.
Ne reconnaissez pas le chemin.
Les serviteurs au travail de la perfection.
Pour un peu, on se prendrait pour un poète.
« Il y a longtemps que je ne suis pas revenu.
C’est que j’appartenais à quelqu’un.
Laissez-moi vous suivre encore un peu.
Je retourne où vous allez pour la première fois.
Je ne veux pas vous ennuyer. »
Passe son temps à insérer les didascalies nécessaires
À la compréhension de son spectacle.
« Pour une fois que nous avons quelque chose en commun ! »
Masqués, là même où il est nécessaire de se reconnaître
Autrement que par la voix.
« J’ai toujours aimé la lumière artificielle. »
Marche dans ces flaques de couleurs.
Voit l’enfant asexué.
Faut-il vagabonder avant d’en finir ?
En quoi cette expérience est-elle « nécessaire » ?
Le bien commun signale l’apparition des symptômes.
Spécialistes à l’œuvre du temps mesuré en voyages interstellaires.
« Ce n’est pas mon enfant ! »
La crasse s’ajoute à la misère
Comme la rime à la pauvreté.
« Combien de néons vous faudra-t-il ? »
Ceci n’est pas une conversation cueillie derrière le rideau.
L’ivresse comme moyen de fuir
Non pas l’existence
Mais la mort.
Faire son Apollinaire avant de commettre l’irréparable.
« Suivez-moi si vous voulez.
Je n’ai jamais suivi personne.
Peut-être au retour.
Si le temps le veut.
Étrange ce temps-personnage
Qui ne remplacera pas Dieu.
Je vous paye un verre
Avant de continuer ? »
Payant il se rassérène.
« Je vous croyais seul…
— J’avais besoin d’une saveur
Sur la langue dont je ne me sers plus.
J’insiste pour vous payer un verre…
— Avant j’étais comédien.
— Et avant de jouer devant les autres… ?
— Demandez aux miens de s’en souvenir.
— Comme c’est beau un théâtre !
Vous revenez souvent sur les lieux… ?
— Je reviens toujours à temps, mais
Je ne sais pas si je suis bien compris.
— L’avez-vous jamais été… ?
— Si ça vous rend heureux de l’imaginer…
— Je ne suis plus un enfant ! J’ai l’âge !
— Et le moment ! »
Comme le temps est temps !
Et comme ce qui ne l’est pas le devient !
Aimez-vous la mer qui s’annonce ?
Nous approchons du Finisterre.
« Combien de marins, combien de… »
Nous ne saurons jamais si notre perception des cycles
Appartient plutôt à ce que les autres pensent de nous.
Chat sur des coussins que la brise du soir caresse.
Nous sommes toujours au rendez-vous des fées.
Il n’y a pas de temps sans le lieu de nos évasions.
Fenêtre toujours en attendant d’en écrire le roman.
Entre le début et la fin, l’étirement du verre en fusion.
Et cette pratique constante de la transparence acquise.
Le temps palpite avec le cœur / souvenez-vous de l’or
Des couchants en ce pays de mer et de montagnes /
Vous aimiez retrouver les héros de votre enfance.
Nous ne sommes pas faits pour nous ennuyer /
Dehors on travaille pour nous / mais de quel héritage
Nourrirons-nous ces prodigalités ?
Vous aimiez le temps parce qu’il passait et non pas
Parce qu’il vous donnait l’occasion de rimer avec lui.
Que vaut l’amour sans surréalisme à la clé des champs ?
Nous irons où vous allez
De ce pas tranquille habitué
Aux sommations de l’hiver
Et des huissiers.
Dépouilles dans les fossés
Et les talus des saisons passées
À retrouver le sens des voyages
Entrepris dans un esprit de conquête.
Il ne nous reste que la fusée
Et ses capsules mirifiques.
Ces paraboles magnétiques
Sont à l’image de nos retours.
Tout le reste est politique,
Acteurs et électeurs en verve
De loin ou en gros plan, jésuites
Des limites à ne pas dépasser
Sous peine de ne plus être payé.
Río et Blanco rêvant en même temps
D’une Nera au parfum d’écume
Tandis qu’on chante dans leurs dos
Les grandeurs de la Nation en route
Vers son passé et ses trésors perdus.
Comme c’est admirable de s’admirer !
Les miroirs sont faits pour ça, n’est-ce pas
Ô vitriers des ouvertures de l’opéra !
Nous aimons tant les feux du Commerce
Et de la Propriété qui promet le calme,
Le luxe et la volupté des pyramidions !
Passant devant des vitrines inaccessibles,
Nous avons du crédit avec l’emploi
Si c’est ça, rêver / sans les autres ou
Nous donnant en spectacle pour la cause.
« Avez-vous seulement goûté au plaisir
D’acquérir ce qu’il est possible d’acheter ? »
Les automates sont si ressemblants !
« Bonjour, monsieur qui recevez mes biens ! »
L’enfant est tenu par la main
De peur de le perdre
Avant qu’il témoigne
De notre propre mort.
« Qui sont ces poètes
Qui perdent leurs temps
Devant les vitrines
De nos librairies ? »
Main déjà moite,
L’autre fend l’air des passants.
La capuche contient une tête de flic.
« Nous l’avons trouvé.e dans les rayons
[ici les caractéristiques desdits rayons]
Mais il ne posait pas de questions…
— Étrange, en effet… »
N’oubliez pas la main,
Ni vos vagins.
Automates branleurs à gogo
Sur les trottoirs de nos cités
Et jusqu’au coin les plus reculés
De nos campagnes « hallucinées »
Réseaux sans mélange des origines.
Chaque éprouvette est une œuvre
Originale garantissant l’héritage
Des valeurs de la République.
Nous donnons un nom évocateur
À chaque possibilité de biographie.
Qui sont ces intermédiaires, juges
Et parlementaires, exécuteurs
Des œuvres au détriment de l’œuvre
Qui grogne en nous ?
Ne vous trompez pas d’orifice !
Trois sous la passe automatique !
Vous serez nus sous les réverbères
Et la nuit picotera vos hanches vertes !
« Avant j’avais peur
D’être ce que j’étais
Mais grâce à vous
Je n’ai plus peur
D’être ce que je suis »
Bien pour le chat
Des coussins sous
La fenêtre jamais
Visitée par la nuit.
Entretenez vos dents
Pour garder le sourire.
« Ce que je suis maintenant
Ne sera pas perdu
Si tout le monde a raison »
Et payez pour conserver vos biens.
L’Histoire ne vous sauvera pas
De l’anéantissement / dit le chat
Si vous le faites parler dans un
roman.
Nous aimons tant en parler !
Avec ou sans chat, sans fenêtre
Ou avec un balcon pour propriété
Privée, à l’hôtel comme dans le train,
Ces conversations avec nous-mêmes.
Qui parle seul ne parle pas, dit-on.
On dit aussi qu’il s’ennuie seul.
Mais de quoi parle-t-il ? Question
À poser dans un théâtre.
Ce matin les bateaux reviennent
Hanter nos quais / qui vomissent
La glace pilée / au restaurant
L’homme s’essaie à la solitude
De l’inaction / le chat sait bien
Où il va quand il quitte les coussins.
« Avant j’étais ce que j’étais
Et maintenant je suis ce que je suis »
Usure des chaussées qui se rejoignent
Sur ces quais aujourd’hui désertés.
Qui n’erre pas là où personne
N’a jamais erré ?
« Un papillon ! C’est un papillon !
Ça ne peut pas être autre chose !
Tu as vu le papillon blanc ?
Ça donne envie de l’attraper !
De sautiller, d’aller plus loin,
De revenir en riant comme un fou !
J’ai déjà vu des papillons, tu parles !
Mais aujourd’hui, c’est aujourd’hui !
On ne fait pas mieux en matière
De temps à passer enfin avec soi !
Je te dis que c’est un papillon !
Je ne sais pas toi mais moi j’y vais !
Je veux tenter ma chance ce matin.
J’ai trois sous à dépenser et du temps
Comme si je n’en avais jamais eu ! »
Où va se mettre la poésie
Quand elle fuit le poète ?
Le canal a l’odeur de l’Histoire
De France / « ce que je peux te
dire » / tant d’années ont passé
/ et avec toi le travail au fil de l’eau
/ « les gens que je rencontre, rives
De mon propre fleuve » / paperasses
De l’existence sociale — nous aimons
Flâner avec les pizzas « bastingage
des lieux » / « aimes-tu me revoir
au même endroit ? » / il se sent
Abandonné comme feuille d’automne
/ « que nous reste-t-il, Walden, une fois
qu’on se sent seul ! » / lâche un regard
Sur les paumés ::: plaies purulentes
Des genoux ::: trouver de quoi oublier
::: masques des enfants ::: la famille
En vadrouille dominicale comme avant
/ « réservez si vous voulez partir » ou
Demeurez à l’endroit même des lectures
::: « tout s’explique » dit-il en avalant
Les glaçons de son whiskey / sur l’écran
: les taudis de l’imagination : le suck
Du syphon capitaliste ::: « nous sommes
Les gardiens de la doxa » / verte comme
Les treillis / une affaire d’ingénieur :::
« revenez quand ça vous chante »
Plus loin les odeurs de la pêche et /
Les filets de l’angoisse / ravaudeurs
Pieds nus / l’orteil au travail / yeux
Déjà demain / « nous sommes issus »
Vous ne saurez jamais d’où vous venez
Voulant dire : d’où vous vient ce style /
D’autres expansions du désir / fusées
Trouant le ciel / perdu au dés un jour
De Grande Déveine : elle te trahira
Tôt ou tard : et tu croiras encore
À ses fictions ::: « je vous en paye un ? »
Grattant le fond de la coquille / larme
D’un blanc / « ces étrangers qui passent »
« nous ne savions plus quoi penser »
« où trouver le plaisir sinon ? » / déjà
Mort avant même de pouvoir signer
/ la Grande Déveine / Spacex en feu
À l’horizon / avec son équipage en feu
Parmi les îles encore secrètes / peuples
Toujours lointains mais pas inaccessibles
/ « souvenez-vous de ce détail » / écluse
Bouillonnante un jour de pluie / visages
Mouillés des hublots / à bicyclette allait
En ville pour acheter nourritures et services
/ « nous aurons des enfants » / passions
Relatives aux communions / « nous
finirons par savoir » / « regardez devant
vous » / « ne perdez pas de vue le concept
d’île » / Shanti de retour / « vous cherchez »
Un chat se prélasse sur des coussins en tas
/ perspective des vacances à l’hôtel :::
Service compris / « je t’ai amenée ici »
Maintenant le Canal résonne de rues
/ « ça pourrait finir comme ça » / mais
Le texte revient hanter la mémoire /
Encore un rehaut ! Une nuance d’ombre !
« je ne vous ai pas invité à me regarder »
Répond : « je ne savais pas que j’existais
pour vous » / et il arrache son masque. (point)
RÍO
Point ! Point ! Point !
Et pourquoi papapa ?
Il a déraciné son sauvageon
Et le porte contre sa poitrine,
Effritant la motte de terre noire
Qui souille ses baskets blanc neige.
BLANCO
En chemise
Celui-là a perdu la tête.
Son discours se fragmente.
Il se laisse faire par son esprit.
J’ai connu ça quand j’étais jeune :
Les bulles remontent à la surface.
Et la surface devient crémeuse
Et jaune comme la pire des journées
Passée à se remettre en tête
Les évènements qui ont plié la nuit.
Je le plains de vivre pareil théâtre !
Mais ce n’est pas un comédien.
Jamais il ne maîtrisera son souffle.
Il se comportera comme un amateur
Devant ses juges / Voyez comme
Sa tête penche du côté où elle va
Tomber : il a naguère pratiqué
La poésie : mais sans lui accorder
La divination : il n’a pas vu venir
La cacophonie qui annonce
La plus terrible des solitudes :
Celle qui suit le Grand Amour…
RÍO
Il a parlé de la Grande Déveine…
BLANCO
Il ne parle plus : il joue
/ mais pas à la manière
De l’acteur qui suit le texte
Pour le donner à comprendre
/ il joue comme un enfant
Que le sable de son terrain
De jeu amortit : mollesse
Des tours de magie imaginés
En un moment de pure folie.
RÍO
Effeuillant
Existerait-il sans toi ni moi ?
BLANCO
Ne nous posons pas la question
Tant que nous ne sommes pas
Sûrs d’agir sur la même scène !
RÍO
Ça porte malheur… heu… dit-on…
BLANCO
Donnons-lui un nom !
RÍO
Paco !
BLANCO
Je ne connais pas de Paco…
RÍO
Alors dis qui tu connais !
Je te dirai qui il est…
BLANCO
Il est entré sans nom.
Pas même invité, alors
Que la fête bat son plein…
RÍO
La fête ? Quelle fête ?
BLANCO
C’est une façon de parler…
RÍO
Énervé
C’est ça ! Parle ! Parle !
Parle même à sa place !
Je t’écoute comme si je n’étais plus moi !
BLANCO
Tu exagères…
Un temps.
Tu exagères toujours.
Comme si je t’avais fait.
RÍO
Mais nous ne sommes pas frères !
BLANCO
Doigt sur les lèvres
Chut ! Il va parler…
Un temps.
Río paralysé.
Non… Il ne parle pas.
RÍO
Il se déplace…
BLANCO
C’est nous qui le déplaçons.
Il n’était pas à sa place.
Nous agissons en maîtres des lieux.
RÍO
Jetant des regards autour
Ce que nous ne sommes pas.
J’ai l’impression d’être tombé du ciel.
Lève les yeux.
BLANCO
Inquiet
Je ne me sens pas chez moi…
J’ai froid… comme si… comme si…
(éructant)
Comme si je n’avais rien à faire ici !
RÍO
Ne sommes-nous pas chez nous
Dès lors qu’il s’agit de jouer ?
C’est ce que j’ai appris à l’école.
Je n’étais pas très bon élève,
Soit, sauf en pantalonnade
Si le texte me ressemblait,
Ce qui arriva rarement car
Je n’étais pas encore amoureux.
BLANCO
Riant
Toi ? Amoureux ? Mais de qui donc ?
De quelle donzelle claudélienne ?
Répliquant aux données espagnoles
Revues et corrigées par les nécessités
Des planches et du rideau et de que
Sais-je encore qui appartient à ce passé
Qu’en effet je partage avec toi, ami.
RÍO
Tu as tort de te moquer des sentiments
Que nous éprouvâmes l’un pour l’autre
En ces temps d’études et d’attente !
BLANCO
Tu veux parler de Nera, I presume.
Nous ne nous battîmes pas sur le pré,
Que je sache !
(colérique)
Nous n’étions pas encore
Nous-mêmes. Mais j’étais moi, que je sache.
RÍO
Inquiet
Nous l’avons perdu de vue…
BLANCO
En effet. Mais qu’y pouvons-nous ?
Ce n’est pas un personnage.
On ne peut pas l’interpréter.
On ne joue pas avec lui.
Il ne suffit pas de lui opposer
Une fille de bonne famille
(ou autre chose) pour lui donner
De quoi appartenir à l’intrigue.
RÍO
Mais il n’y a pas d’intrigue !
C’est tout juste si ce port
Existe ! Si cette Amérique
Était au bout du fil ! Mais elle
Ne décroche pas ! J’ai tant
Aimé l’imaginer ! Européen
Que je suis ! Ni français ni
Espagnol ! Encore moins
Andalou ! Nous ferions bien
De changer de métier…
BLANCO
Parle pour toi ! J’ai mon César !
Le rideau pas une fois ne m’est
Tombé dessus !
RÍO
Quelle vie !
Non mais quelle vie ! Quelle attente
En attendant ! Et Nera qui se fait prier !
BLANCO
Comme d’hab ! Ni l’un ni l’autre.
Dès la première scène :
(jouant)
Wie einst Lili Marleen…
Braoum ! Et ça recommence !
On ne s’aime vraiment pas !
Mais que valent ces personnages
Nés de la Guerre ?
RÍO
Étonné
Elle n’est pas née de la guerre…
(imitant)
Pas que je sache…
Mais je n’étais pas né moi-même !
(riant aux éclats)
Comme c’est beau le théâtre !
Avec ou sans ombre, que c’est beau
La parole de Dieu lui-même !
BLANCO
Avec humour
Qu’est-ce qu’il vient faire là celui-là ?
Avoir été aimé et ne plus l’être / l’homme
Arpentait une rue du matin avec le silence
Des premiers rayons / « vous aimez le théâtre ?
Je vous pose la question parce que je l’aime.
J’en reviens comme si j’avais toujours été seul.
Mais si vous ne voulez pas répondre… imitons
le même silence. Nous sommes loin des cafés,
des trottoirs, des retours à Ithaque, du rêve
qui remet en cause la réalité des tractations
quotidiennes. Lorsque la doña s’est effondrée
vous avez poussé un cri. Puis j’ai compris que
vous l’interprétiez avec une seconde d’avance.
Maintenant je peux me laisser distancer. Allez ! »
RÍO
Quelque peu irrité
Le voilà qui recommence !
BLANCO
Il est vrai que nous ne l’avons pas invité.
RÍO
Ni personnage ni interprète !
BLANCO
Pas même apparu !
RÍO
Des mots ! Des mots ! Des mots !
BLANCO
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de… théâtre ?
RÍO
Il se laisse emporter par le vent :
Je revenais seul, sauf que je venais d’assister
(de mon plein gré) à la représentation d’un jeu
Que je n’avais pas joué parce qu’il y avait longtemps
Que je n’habitais plus avec eux.
BLANCO
Que veut-il dire ?
Que devons-nous comprendre ?
RÍO
Ah ! si nous l’avions invité…
BLANCO
Mais ce n’est pas le cas.
RÍO
Le texte est sacré !
Toute la musique l’est !
Et il revient du théâtre !
Comme si la nuit s’achevait !
Les cafés sont fermés
Comme les maisons.
Les jardins obscurs
Comme le silence
Des rues mouillées.
BLANCO
Ce n’est pas revivre qu’il veut.
Il tente l’impossible.
Moi, j’ai sommeil.
Je reconnais ce chemin…
RÍO
Il nous ressemble tellement !
Ni dieu ni hypothèse.
Mais le rideau est tombé.
J’ai sommeil moi aussi.
(il baille)
Il y avait longtemps
Que je n’avais pas souhaité
Avec autant d’envie
Dormir dans un bon lit,
À Nantucket ou ailleurs.
« La porte sera ouverte »
Pas besoin de clé cette fois.
BLANCO
Encore heureux !
Ils s’arrêtent pour écouter.
Une fontaine s’accroit de leur silence.
L’autre reprend :
« J’ai été aimé puisqu’elle le dit.
Froissement d’un journal.
Puis de nouveau le silence.
Ils se regardent, renonçant à quitter les lieux.
S’il y avait une fontaine,
Ça se saurait, mais le vent
Ne sait pas d’où il vient…
RÍO et BLANCO
Il recommence !
(s’assoit sur la margelle)
C’était un théâtre de choses.
J’avais l’impression de lire un roman.
Il y avait du monde et on me parlait
(continuez !)
Vous ne saurez jamais qui je suis !
Je ne serai jamais ce que j’ai été.
(voyant une vitrine s’éclairer)
Je boirais bien un verre, mais seul…
Est-il possible que je m’en sois sorti ?
Je n’ai vu personne à la sortie.
Pas même une ouvreuse pour me saluer.
« bonne nuit monsieur qui revenez »
(frissonnant)
Le texte devient philosophique.
Et alors c’en est fini de la poésie !
Le type ne s’aventure même plus.
Il sait où il va alors qu’on l’attendait
À l’endroit même de sa solitude.
J’ai perdu mon temps avec l’autre.
Il jette un œil critique sur les deux « autres ».
Un jour peut-être ils vous aimeront…
Je ne dis pas qu’ils comprendront.
Nous sommes venus en vacances.
En famille et en été, budgétisés
En prisme, l’œil sur l’ivresse et
La chair aux jeunes corps que le sable
Mélange à l’écume ::: parlons aux crabes
Du rivage, immisçons notre regard
Dans les interstices de la roche offerte
Avec les particularités locales ::: nus
Ces corps vus de la terrasse, verre
De gouttelettes / « avez-vous été
aimé ? » / « je ne vous connais pas
assez (réfléchissant) mais je me sens
tellement seule, abandonnée, inutile ! »
Les deux autres se taisent obstinément,
L’air de penser : « Il se répète »
Quel théâtre ! J’en vis encore !
(soucieux, doigt dans la joue)
Il y avait du monde. Il y a toujours
Du monde s’il est question
De savoir qui a été aimé
Et qui ne l’est plus. Un monde fou !
Un temps d’hésitation avant la fin,
Puis le « tonnerre » des applaudissements.
« comprenne qui pourra » dit mon voisin
De siège en se levant avant moi / puis
« Vous y étiez ! Ne dites pas le contraire…
— Encore un café d’ouvert à cette heure,
Propose quelqu’un en secouant ses miettes.
— Je ne sais pas si je suis disposée…
— Elle veut parler de la conversation
Qu’elle nous invite à remettre à plus tard.
— Nous avons tous envie de nous coucher.
— J’ai bien vu que vous étiez concerné
Par cette réplique à propos d’avoir été
Aimé ou pas… » / Comment le nier
Maintenant que la nuit menace
De laisser toute la place au jour ?
RÍO
Voilà qui est parlé !
BLANCO
Mais c’est toi qui parles, mon vieux !
Jamais tu n’as parlé autant !
RÍO
Parle pour toi !
Ils se taisent, attendant.
Ils n’allument pas leurs cigarettes.
La fontaine demeure muette.
La pluie tombe, glaciale.
Un jour quelqu’un lira cela.
BLANCO
Que dis-tu ?
RÍO
Moi ? (se ravisant) Rien.
BLANCO
Je croyais…
RÍO
Nous avons tort d’aller au théâtre…
BLANCO
Tu veux dire : quand il pleut.
Quel grésil ! J’en frissonne !
RÍO
Riant
Marre de ton cultisme !
BLANCO
Quel théâtre n’est pas baroque ?
RÍO
Demain à la page des spectacles.
(circonspect)
Bientôt l’heure…
L’employé viendra chercher sa goutte.
BLANCO
Pour moi ce sera un café… bien serré !
RÍO
Chut !
BLANCO
Il recommence ?
Ils se rejoignent pour écouter :
Non… C’est la fontaine.
Ou le premier oiseau tombé du nid.
(soupir)
Qui n’est pas rentré chez soi ?
BLANCO
J’aime la trivialité des dialogues.
On devait aller plus souvent au théâtre.
RÍO
Mais tu dis le contraire de… !
BLANCO
Je dis ce que je pense !
Tu ferais bien de t’y mettre toi aussi !
(docte)
Qui sommes-nous quand nous ne sommes pas au théâtre ?
RÍO
Tragique
Il n’y a qu’à nous regarder…
BLANCO
Main en visière
Personne pour filmer la scène…
(brusquement)
Il revient !
Marre d’être hanté
Alors que j’ai été un enfant !
RÍO
Mais tiens-toi donc !
Nous ne sommes pas seuls !
Nous avons été aimés !
Puisque vous le dites… aimés
L’un et l’autre par l’autre qui
N’est plus là pour aimer…
BLANCO
Tu as entendu… ?
RÍO
Rien…
(réfléchit)
Tu veux dire : comprendre ?
BLANCO
Je dis ce que je dis !
RÍO
Étirant les pavillons de ses oreilles
Nous ne tenions pas ce genre de conversation…
BLANCO
Nous ne revenions pas du théâtre…
RÍO
Nous n’y allions pas non plus…
BLANCO
Nous attendons le premier employé.
Signe que le rideau ne va pas tarder
À s’ouvrir. Le percolateur chuinte
Déjà. La pluie tombe verticale, signe
Que le vent n’est plus ce qu’il était.
Forêt de signes et non pas de symboles.
Bois joli des hypothèses qui font le matin.
Qui n’a pas été aimé au moins une fois ?
À part lui. N’en frisonnes-tu pas, Río ?
Río se pelotonne contre la muraille.
J’avais oublié de préciser
Qu’il y a une muraille.
Dans leur dos, une muraille.
Et le jour se lève
Avec l’arrivée d’un premier employé.
C’est fermé ! Toujours fermé !
Avant l’heure ce n’est pas l’heure !
La voilà, la sagesse populaire !
On se lève tôt par habitude
Mais c’est trop tôt pour le monde !
Parlez-moi de la solitude de l’Homme !
Il n’a pas dormi de la nuit et il se lève.
Il sort pour ne pas demeurer dans sa chambre
Et les rues sont désertes, sans vitrine ni femmes.
Pas de trace d’une veille passée à fêter
Telle ou telle tradition héritée de l’Age de Pierre.
Il pleut sur son parapluie et sur ses épaules.
Il n’évite pas les flaques ni la rigole.
Les rideaux grincent sous le vent ou :
C’est autre chose qui grince / il en a vu
De pire : nuits comme des murs entre les jours
/ Il devrait dire : journée, car l’heure est précise,
Comptée, décomptée, revue et corrigée
Comme le manuscrit provisoire de son contrat
Avec les maîtres des lieux / sa langue claque
Sous les branchages ployés / il n’entend
Que ses semelles et sa voix intérieure, celle :
Qui ne le quitte pas : depuis qu’il n’est plus
Un enfant comme les autres : nom volé
Aux parois, aux portes, aux trous de serrure
/ « j’ai toujours été seul, même en compagnie
De la joie partagée et des résultats d’entreprise »
RÍO
Il ne nous voit pas…
BLANCO
Tu veux dire qu’il ne nous entend pas.
RÍO
Que nous arrive-t-il
Si nous ne croyons plus
À ce personnage donné
Comme il vient sur le tapis ?
BLANCO
Chut !
Fermé ! Et moi qui attends
Que ça ouvre ! Fermé comme
Pour toujours ! Et pourtant
Ça va recommencer, toujours !
Me voir sans la complicité
Des vitrines ni des yeux qui
Passent comme des oiseaux
Qui reviendront tôt ou tard.
De quelle saison suis-je le fils ?
Personne ne me l’a dit ! Peur
De faire de moi un être à part…
Peut-être m’ont-ils aimé vraiment.
J’aime ce « vraiment » que je mets
Partout où ça ne chante plus.
J’en conçois de vagues angoisses,
Mais je ne suis pas un spécialiste.
J’ai dormi sans dormir, rêvé
Sans rêver, sans doute joui
Sans en demander plus, ravi
De me mentir une fois de plus.
« Qu’est-ce que vous faites
Dans la vie ? » / si je vous le disais
Vous ne me croiriez pas / je mens
Pour ne pas mentir / c’est vraiment !
Ils ferment tout pour avoir le temps
De dormir et je me lève avec la nuit
Sans avoir une idée de ce que le temps
Signifie si je n’en dis rien, « vraiment »
C’est « fermé » quand j’arrive et s’il
Ne pleut pas, avec ou sans le vent,
Mer lointaine ou seulement rêvée,
Je ne convoque pas mes personnages.
Voilà comment j’explique ma « solitude »
/ mon attente d’un petit verre jetant
Les dés avec les bris de la coquille /
« Quel beau temps il va faire sans vous ! »
Ces chaises enchaînées, cette toile qui
Dégouline en silence, ou à peine le bruit
Des écoulements de surface / qui es-tu
Toi qui me suis comme si j’étais « quelqu’un » ?
Non ! Non ! Nous ne sommes pas là !
Soumis à l’Histoire propriétaire des lieux
Et des états ! Nous voyageons avec
L’écriture, soumis à sa nécessité !
Seulement voilà j’ai soif ! Par habitude
Du matin. Ma main tient déjà le verre !
Mes doigts brisent la coquille
Au contenu bouilli encore chaud.
« Je passerai vous voir dans l’après
Midi » / des « choses à faire ensemble »
/ « je suis payé pour ça » / ô flux
Incessants des échanges de procédés !
RÍO
Il se tait…
BLANCO
C’est nous qui nous taisons.
N’oublions pas que nous sommes au théâtre,
Soumis aux mêmes lois que le citoyen ordinaire.
La même existence coule dans nos veines.
RÍO
Nous n’en avons pas !
BLANCO
D’existence oui !
RÍO
De veine !
BLANCO
Doigt sur ses lèvres
Chut ! Voilà un moment
Qu’il s’est remis à parler.
Ne parlons plus s’il parle.
Jouons sans parler !
(jeu)
Pas un bruit à l’intérieur…
Chaque matin je colle
Mon oreille à ce rideau.
Mais aucun signe de vie !
Qualité de l’endormissement
Et non pas quantité de sommeil.
L’instrument de mesure
Est un rideau tombé et cadenassé !
Plus tard nous mesurerons
La portée de nos conversations :
« Comprenez que dès que ça devient
poétique, le temps n’est plus le temps »
Pour comprendre, je comprends !
J’ai le sens de l’équation inné.
Je travaille et je vis / on peut même
Dire qu’il m’arrive de profiter
Du bon temps ! Qui ne s’incline pas
Devant tant de savoir ? Manquez
Un rendez-vous et on vous en veut
Au point de vous réduire au procès.
(chantant)
Río et Blanco sont dans un bateau.
Río dit que ce n’est pas Blanco
Et Blanco dit que ce n’est pas Río.
Devinez qui je suis !
Il cogne le rideau à poing fermé.
Mais aucun bruit ne résulte
De ce moment d’impatience,
Ce qui est
« Illogique ! » dit Río.
« Insensé ! » dit Blanco.
Beaucoup de bruit pour ça ?
Je n’ai réveillé personne.
L’un me conseille de retourner
Chez moi, l’autre me dit que
L’heure approche, et je pense
Qu’entre moi et le travail :
RÍO
Il n’y a rien !
Pas même le néant.
Rien du tout !
Je passe d’ici
Au travail
Sans « passer » !
Qui dit mieux ?
BLANCO
Résigné
Personne ne dit le contraire.
Mais peut-être que le sommeil
Explique ça mieux qu’un discours
Ou un élan poétique… Qu’en dis-tu ?
RÍO
Qui parle ?
Bruit de bouteilles dans les cageots.
(corrigeant)
Qui va bientôt parler ?
Les mêmes mots pour dire la même chose.
Depuis l’Age de Pierre. Voyant l’écriture
Avant même de la prononcer comme
Il convient : « Musique ! Maestro ! »
Son de la télé, nettement reconnaissable
À la voix ou au jingle.
Ça va ouvrir ! Je dirai bonjour
Dans l’interstice croissant (mais
Dans quel sens ?) du rideau
Et des paupières encore
Ensommeillées, bonjour !
Vous savez bien pourquoi
Je viens. Vous savez ce que
Je « fais » dans la vie. Vous
Connaissez mes habitudes.
Bonjour ! Ça recommence
Et je ne m’en plains pas.
J’en souffre, par habitude.
Je sais où je vais et même
D’où je viens, ce que je suis
Et ce que je possède et aussi
Ce qu’on pense de moi quand
On y pense… « ça fonctionne-ti
aujourd’hui ? » « des nouvelles ? »
Mais qui en demande si ce n’est
Pas le journal ? « je suis pressé
ce matin ! Ne me demandez pas
pourquoi ! » / Je suis le premier.
Mais pas le dernier. J’aime
Cette odeur ! Quelle promesse !
RÍO
Qui ne recommence pas ?
Qui ne veut pas savoir ?
Frappe au rideau ! Appelle !
Le matin promet qu’à midi
Il sera presque minuit.
Quel rythme ! Quelle foison !
Il ne manque plus que l’enfance !
BLANCO
Poings serrés
Mais nous l’avons perdue…
Ah ! s’il y avait un dieu…
Quelle prophétie à faire !
Je saurais m’y prendre, moi !
RÍO
Et moi donc !
Avec le petit verre du matin.
Et le sourire de la première femme !
La première page du journal
Et la première éclaircie !
Aimons la vie, Río !
Comme nous n’aimons pas la mort.
Toi et moi plus vivants que jamais !
Ils entrent et saluent le monde déjà entré.
[promenant ses personnages
Au bord du canal où la noyée
Abandonna sa chevelure,
Laisse tomber ses gouttes
Avec le ciel, comme chiens
De compagnie ces noms
Qui appartiennent à tout le monde.
Trouve assez d’herbe pour se coucher.
Quelle nuit d’été encore ?
Et de quel songe qui fut ?
Pas même une barque
Alors que d’autres possèdent
De quoi franchir le Sud.
Entre l’écluse et le vieux pont,
Ces hôpitaux que déserte la foi.
On n’entend pas le bruit des eaux
Ni la voix des locataires.
« Tu aurais pu venir avec ton chien,
mais tu n’as pas de chien
ni le temps d’en écrire le temps »
Sous l’arbre à moitié mort,
Les feuilles de l’année dernière,
Écrites sans le chien d’usage.
Bonjour à la petite fille
Qui fut l’amante en poésie.
Salut aux oiseaux des toits
Comme si le ciel était bleu.
Ça traîne la savate en halant.
Et ça vient de la périphérie en saut.
Bonjour aux pieds dans l’eau
Et au fusil de pierre moussue.
Que chercher d’autre sinon le bonheur ?
Lazarille trouve de quoi alimenter
Son imagination : rigoles toujours
Et des foisons de suppositions.
Bonjour à la carpe à fleur de l’eau.
« Nous ne sommes pas venus pour rien »
Il faut bien s’en remettre au rythme.
Aux annonces répond par le feu.
Tignasse des algues maintenant,
Voilà ce que tu es devenue, noyée !
Quel voisinage que cette bourgeoisie
Flottante ! — Qu’est-ce que vous
Regardez ? / À part les filles du passé
Et celles qui fuient l’Histoire… rien.
Je pensais revenir sur mes pas.
Songe un instant à traverser, nu.
Puis agite une casquette NY.
Sent la froidure des jeunes hivers.
Le tissu a vieilli avec la peau.
« Je suis chair avant d’y penser »
Au théâtre on ne joue plus.
On s’y donne en spectacle.
« Qu’est-ce que j’ai raté ? »
Tentative de dialogue avec
Quelque inconnu en rade.
On ne boit pas le pot sans
Créancier « pourquoi vivre ? »
On voit ça dans tous les poèmes.
Ça trinque avant de boire cul sec.
Enfumant les lieux de végétation
Comme si le ciel n’existait pas
Ou qu’il fût simplement oublié.
Roule ta bosse d’atmosphère
Et de profondeurs telluriques !
Gerbes à huit heures des travaux
De rénovations ! Cris des scies
Dans l’acier ! Les « ploc » dans
L’eau verte. Ça flotte un instant
Ou ça coule à pic. Du linge au vent
Sur le roof. Bras nus au travail
Du rêve en cours d’extraction.
Pas un enfant sur le pont, pas
Un chien, feu d’étincelles comme
Jaillissant d’un enfer à venir.
« Qu’est devenu ton chien errant ? »
Plus loin les feux conditionnent,
Les trottoirs laissent couler leurs flots.
Les rideaux grincent au vilebrequin.
« Devenu… ? Tu veux dire que j’étais… »
Surface non réfléchissante des eaux
En cause. Point de miroir pour se voir.
Impossible calcul des profondeurs
À atteindre en cas d’obsession.
Plus loin on sollicite l’écluse
Et tout est à refaire. Connais-toi.
« Iras-tu au théâtre ce soir ?
Río et Blanco ne jouent plus.
Mais le spectacle vaut la peine
d’être payé ! Je t’attends au
guichet. Ma robe de soirée etc. »
Quel matin n’est pas celui de la nuit
Plutôt que le cheval de volée du train
Train quotidien ? Questionne encore
Des passants. Nulle réponse en vrac.
« On te prendra pour un fou » / nuit
Comme la roche de Thomas, obscure.
Balade ses nœuds en marin avisé.
La savate au vent, cheveux noirs
Des suies de l’hiver à force de toits.
« Il n’y a pas de ciel sans un dieu
gagné sur la magie des lieux »
Cut-up des trajets / romances
Des bassins en enfilade / rails
Vers les pays / aux alpes vaincues
Les vents de l’âge en fusion /
« Ne reviens pas si c’est pour
redire » / sans chien devant soi.
Au concret des doutes n’oppose rien.
« Río et Blanco me sont venus à l’esprit
alors que je taquinais le goujon
en solitaire » / mais quand il s’approche
Du théâtre (le lieu) : il vomit son vin
Et passe pour un « homme de trop »
Quel rossignol ne le sait pas ?
Quelle invention pour plaire
Ignore les tenants et les aboutissants
Du principe matinal ? Il s’extrait
Non pas de la nuit ni du rêve mais
DE L’ATTENTE ::: xoco ona au sel
Des embruns : boit dans les creux
D’un coquillage tenu par des mains
Expertes / mâche la feuille inerte.
Ainsi coule la scène. Sans pont
Ni feux. Témoin : le voisin ami
Des amis. Il trottine pour gagner
Du terrain, éviter les écueils
Du roman, mériter une invitation
À désirer le même objet, marcher
Sans boussole et trouver le coin
Aussi agréable que possible. Au
Diable les tenants de l’architecture !
« Comme je comprends ! » / ardoise
Grasse de doigts / au canal revoit
Le Sud des égarements narratifs
Et d’un trait rature l’espace ici :
Guéridons aux chaises en rond
Et vides : la viande salée taquinant
Les extases du vin : « je sais qui
j’étais avant de vous connaître ô
imparfaitement je le reconnais ! »
« Je vous raconte ça comme ça ! »
Préfère le verre transparent au vitrail.
La lumière vient de ses propres yeux.
Projette les miroirs absentés, excusés
Les miroirs ponctuant les surfaces !
Trinque avant d’en dire plus au môme
Qui se prend pour un homme ou
Une femme : comment savoir qui
On aimera avant de le ou la perdre ?
Puis le jour s’installe avec les pays,
Les étrangers, les inconnus et midi
N’est pas plus midi que l’heure fixée
Au fronton des palais où œuvrent
Le larbin bienheureux et la limace
Qui s’en veut : « vous oubliez votre
chien : » Les chaises ont quatre pattes,
Mais elles ne voyagent pas. « Avant
j’étais sensible aux changements :
maintenant, je vis au jour le jour :
j’en ai marre de la solitude !
Ça ne se soigne pas autrement que :
par l’acceptation d’un pieux mensonge :
finissez votre verre et allons-nous-en ! »
coupez.
La campagne un matin d’automne, les alouettes
Et les mottes de terre figées par le degré zéro
Du réveil, la langue aux chaleurs du verre avalé
Sur le seuil, regard pas plus loin que la brume :
Sachant que la moindre blessure change la donne.
Les objets accumulés par pur esprit pratique, derrière
Soi, ces accumulations méthodiques sans enfant
À la clé, n’ouvrant la bouche sur les autres que
Pour parler de soi : à deux doigts de la furie, toujours
Amer malgré d’incontestables réussites poétiques /
Enfin seul le fusil à l’épaule au service de l’existence
Encore gagnée depuis hier : dans le viseur les larbins
Du Pouvoir et de l’Ordre qu’il légitime sans pitié
Pour les mauvais payeurs et les malchanceux : guerre
Personnelle aux portes de la mosquée ou de l’asile /
Sabrant le champagne aux nouvelles / loin, en rêve,
De la domesticité et de la production, en silence
Pour ne pas éveiller les soupçons, voire la haine /
Ce matin d’un automne grisollant, branches dénudées
En contrejour, chien patient sur le même seuil, poches
Bourrées de munitions, la langue encore tannée par :
Les habitudes du réveil : « qui se méfie de toi ? »
Les putains au service de la politique et du journalisme
Se maquillent derrière les miroirs : « je suis venu te dire »
L’œil ensommeillé des témoins dans les fenêtres closes.
Nulle angoisse en saison, pas même une douleur en phase
Avec l’alchimie en jeu, à l’intérieur le feu est à la joie :
« le courage des flics » / « l’abnégation des rond-de-cuir »
« saisissez l’idole quand elle est encore chaude » « pâleur
de la boulangère » « les gosses sont tout ce qui nous reste »
Entre la masse sociale et le désir de différence maintenant
Clairement associé à la mort : « veut faire des joliesses
surréalistes sans surréalisme » / ou pas encore levé
Le soleil signe d’unité : la boue cristalline et les traces
Du gibier : « je vous emmerde tous ! » mais sans rire
Devant l’écran ensanglanté de flic / joyeux sans excès
/ patient comme l’hiver qui attend son heure de feuillage
/ des joliesses, des trouvailles, des paillettes de grammaire
Et de jambes en l’air / juste de quoi nourrir ce vieux corps
À la dérive : debout sur le seuil venteux : les volets secoués
Grinçant claquant : « tu ne tueras point » / ici (pense-t-il)
Je suis moi-même : j’habite les lieux de mon invention : je
Suis prêt à défendre ma solitude : quitte à tuer un enfant :
Avec ou sans Matzneff / chaque minute assiste à sa perte
:::
Nous n’irons pas plus loin
Que cet arbre rencontré
Au hasard de la promenade.
Nous avons connu les limites.
Maintenant le souffle est cadencé,
Sans préciosité de circonstance.
« n’oublie pas de prendre de quoi
Éclairer cette obscurité matinale »
S’approcher des paludes du temps
Et retrouver ce qu’il était avant
Que tout nous soit supprimé :
Voici l’heure des superficialités.
« as-tu cherché à entrer dans
l’Histoire ? » ou simplement
T’es-tu évertué à ne pas mourir
Sans savoir son fin mot ?
Le chemin est celui du retour.
Chaque matin revient l’après-midi.
À l’intérieur le feu est aussi vivace
Qu’hier, la nuit a veillé tard cette nuit.
Heureusement tu n’as pas enfanté
La poésie pour les enfants, ni les contes
Illustrés, ni l’éducation nationale !
Quel bonheur presque d’y penser !
Il te vient à l’esprit que tu sais chanter
Sans soumission à Pythagore, le fusil
À l’épaule, oyant les froissements de poils
Et de plumes dans la complexité
Topographique, plan en tête, chassant
La pluie de la veille comme une mauvaise
Idée du Monde, les dieux au rendez-vous
De la transparence et du récit en cours.
« nous ne sommes plus ce que nous avons été »
Martèle l’écran têtu : mages de l’information
Au service de l’ordre : « sans ordre pas de pouvoir
et sans pouvoir pas de séparation »
Ordre magique
Donné par des fous
Que le Désir emporte
Avec l’idée d’océan.
« quelque chose au fond de nous »
(désignant la poitrine
Ou le ventre à défaut
Du regard) « là, ici »
« depuis quand la poésie… ? »
Suivant le chien qui sait
Où il va / le même canal
Mais à l’ombre des platanes.
Disposant ses personnages
Sans se soucier de leur langue,
Effraie les ailes d’un oiseau
Qui n’a pas connu la cage.
« depuis quand je ne sais pas »
Personne sur le rivage clos.
Pas un clapotement de coque.
Ni de chevelure parmi les joncs.
« ce ne sont pas mes lieux,
les vôtres » dit-il sans y penser.
Immobilité des ombres projetées
Dans l’assistance prémonitoire.
« il fut un temps sans poésie »
Qui n’a pas connu le bonheur
À midi ? quand la table est mise
Et que les autres enfants existent ?
Bruissement de feuilles et d’insectes
Dans les parages de cette enfance
Qui métaphorisait les papillons
Jetés à poignées dans la journée
Au travail : chien distrait par la fleur ?
Autant que possible les anecdotes
Réduites à leur sens : « arrêtez-vous ! »
Et le jouet s’enfuit sur la rivière.
Bête destination des couleurs en jeu.
« je ne savais pas que la poésie… »
« épouse l’air faute d’azur » Nous
Ne revenons pas sans y penser un peu.]
RÍO
Gesticulant au milieu de la scène,
hystérique et oiseau.
Mais qui c’est çui-là ?
Mais qui c’est çui-là ?
Mais qui c’est çui-là ?
Mais qui c’est çui-là ?
BLANCO
Interrompant
Tu vas te rendre fou !
RÍO
Tu l’as déjà dit !
BLANCO
Rajustant la chemise de Río
C’est le « Monde… »
RÍO
Dubitatif
Qu’est-ce que tu en sais… ?
BLANCO
Presque en colère
Pourquoi l’avoir laissé entrer ?
RÍO
Nera arrive à 14h par le Sud-Express
Elle a voyagé de nuit. En couchette.
M’a réveillé sur le coup de 3h.
BLANCO
La sonnerie de ton smart est insupportable !
Surtout à cette heure ! Moi aussi je voyageais !
Je n’ai pas vécu le matin qu’il a mis en poésie…
RÍO
Ah parce que pour toi c’est de la poésie… ?
Le « Monde » pénètre par effraction dans
« notre monde » et tu t’agenouilles comme
Au théâtre… ! (rieur) As-tu appris quelque chose
« au moins » ?
BLANCO
Rien sur Nera…
Il s’avance.
La foule recule.
On voit bien qu’il a perdu de vue
Celui qu’il appelle « le forastero. »
J’ai peur de ce que la peur
Peut inspirer à mon enfance.
RÍO
Angoissé, se touchant le cœur
Elle est toujours là…
Après tant de festin et de désir,
Toutes ces années passées à le dire,
C’est « là » que je la retrouve, mais
En pièces…
BLANCO
En pièce… ?
RÍO
Amer, mais ne s’adressant pas à Blanco
Je fais entrer qui je veux.
Je suis peut-être seul avec
Heu… disons… ces « passants »
BLANCO
Révolté par cette réflexion « absurde »
Parce que je n’existe pas peut-être… ?
RÍO
Renonçant
Si, si. Tu existes. Tout le monde existe.
Je ne suis pas comme ça… (réfléchissant)
Il paraît qu’on le devient au dernier instant.
BLANCO
Quoi ? Seul ?
RÍO
(pas envie d’ergoter)
Ce n’est pas ça la solitude !
BLANCO
Pédant
Comment appelles-tu ça… ?
RÍO
Pas de mes vœux en tout cas !
Il rit en cherchant son arbre des yeux.
Rien sans cette société inévitable
Et sans cette idée de la mort que nous avons
Il désigne un point sur sa poitrine.
« là » / à deux doigts de l’enfance, incalculable.
(se reprenant)
Nous aurions tort de ne pas les écouter…
BLANCO
Tu veux dire : de ne pas les laisser parler.
Hum…
Pas moyen de les inviter à trinquer au bastingage !
Je ne suis pas radin, mais ma bouteille est sommaire.
RÍO
Je ne trouve pas « ça » très poétique…
BLANCO
Ça ne l’est pas ! C’est lui le poète ! Il le sait.
Le cherchant
Mais ne le trouvant pas.
C’est comme jouer aux dés !
Lances-en un en l’air, il retombera
À l’endroit même prévu…
RÍO
Par qui ?
BLANCO
Haussant les épaules
Qu’est-ce que j’en sais. Moi ?
Je n’étais pas né quand c’est arrivé.
Mais on m’en a parlé, j’avais 15 ans
Quand on a cessé de me nourrir
Au sein / j’en ai conçu…
RÍO
Joyeux
Oh ! Je sais ! Moi-même
(mais dans une autre enfance…)
BLANCO
En es-tu si sûr… ?
RÍO
Pas vexé
Maintenant que tu le dis…
Va coucher son trouble contre le mur.
Il accepte une grappe de raisin
Et en croque les grains un à un
Pendant que Blanco en cherche d’autres
Sous les pieds.
(mâchonnant)
Tu ne trouveras rien.
BLANCO
Irrité
Tu ne sais même pas ce que je cherche !
RÍO
Une fille…
BLANCO
Nous attendrons le Sud-Express de 14 h précise.
RÍO
Il n’y a jamais eu de Sud-Express à cette heure-là.
Crache peaux et pépins.
BLANCO
Tu en doutes ? Maintenant que tout est joué
Tu te mets à douter de ce que je t’ai annoncé ?
RÍO
Nous n’étions que deux à ce moment-là…
L’argument fait mouche.
Blanco trésaille puis faiblit
Et cherche l’appui d’une épaule.
Tout le « Monde » recule dans le noir.
Je ne dis pas ça pour te faire mal…
BLANCO
Je n’ai pas mal ! Je sais me tenir
Quand il le faut ! Tu le sais bien :
« Tout existe même ce qui n’est pas
Encore arrivé…
RÍO
…à l’heure ! »
En attendant, j’ai peur d’avoir peur.
Je ne redeviens pas enfant, pas encore.
(inquiet, voix faible)
Et si je n’avais jamais aimé personne… ?
BLANCO
On en est tous là, allez ! Pose la question
À l’enfant...
RÍO
Mais c’est à lui que je la pose !
BLANCO
La page n’était même pas transparente…
Tu sais… comme la feuille morte depuis
L’année dernière… cette fragilité
De la structure nue… la poussière sans
Les cendres… au fil des balladas revues
Et corrigées une fois de plus… l’enfant
Ne pense qu’à jeter sa ligne dans le ru.
Est-ce pour « passer le temps » ou :
Pour revenir avec de quoi alimenter
Sa légende ? Maintenant les branches
Raturent le ciel devenu gris ou blanc.
« Que va-t-on faire de toutes ces feuilles,
Papa… ? » Il n’y a que des têtards
Dans cette eau morne… Demain,
Troque la canne pour un bocal /
Invente-toi une raison et reviens
Dans ton lit pour y rêver d’amour.
RÍO
Avalant le dernier grain
À force d’attendre…
Si rien ne vient…
(cherche)
C’est l’idée d’un refrain…
Mais un refrain sans rimes…
N’est-ce pas… ? Sans le jeu
Qui rythme mieux que le verbe
… T’ai-je interrompu, mon bon
Blanco… ?
BLANCO
J’ai vu pire…
[…]
Ah non ! Il recommence !
Le train arrive.
Personne !
RÍO
Fallait s’attendre à…
BLANCO
Nous ne le dirons jamais assez.
RÍO
Personne !
BLANCO
Toi aussi !
RÍO
Qui attendons-nous ?
BLANCO
Il va repartir… Dieu sait où.
RÍO
Hausse les épaules
Jetons un œil… Personne…
BLANCO
Qu’est-ce que je disais… ?
(sur la pointe des pieds)
Les ennemis de la pensée… ministres, députés,
Juges et avocats, curés, imams, rabbins, bah !
RÍO
Tu oublies le populo.
BLANCO
Je n’oublie rien, hélas !
Toute ma jeunesse partie
En fumée / temps perdu
À jamais / nous ne revenons
Plus / mais nous attendons
/ personne ne descend /
Le quai et nous / toi et moi
/ et je ne sais quoi de triste
/ comme si la mauvaise herbe
Avait envahi le vieux jardin
Où nous avons connu la joie
De posséder le lendemain /
Imagine l’attente maintenant
/ les bruits du voyage / les feux
De route / l’agitation rouge /
« sais-tu ce que nous possédons ? »
Entre ce que nous sommes
Et ce que les autres pensent
De nous ::: cette possession
Sans visage / nommons-là !
Mais où trouver la première
Rencontre ? / ces jambes nues
Dans les herbes folles / n’oubliez
Pas la masse qu’il faut fendre
Pour oublier la forêt natale /
Réalité réduite à l’actualité
/ d’écran en écran au lieu
De port en port / rien à voir
Ni à cirer / un peu de lyrisme
Au coin des lèvres ::: une île
Qui ne revient pas / cette eau
Qui sert de frontière / à l’heure
Le train de midi / mais personne
Ne descend / ni l’inconnu ni toi
/ « nous aurons des conversations »
Mais à propos de quoi ? / le quai
Ne se visite pas comme un château
Appartenant aux meilleurs moments
De l’Histoire / « t’as lu le livre ? /
Je ne sais même plus qui tu es !
RÍO
Ah bravo !
On entend des bruits de moteur,
Des glissements, des heurts, des cris,
Des enfants qui ne veulent pas ou plus,
Des chants passés de mode, des canons.
(consultant sa montre)
Au moins il est à l’heure.
Toujours ça de gagné…
BLANCO
Furieux, menaçant
Mais gagné sur quoi, nom de Dieu !
RÍO
Encore lui !
BLANCO
Cherchant autour de lui
Qui ça « lui » ?
Tu vois quelqu’un, toi ?
Il n’y a personne parce que
Personne n’est descendu !
Qui descend si ce n’est pas
Son point de chute ? Personne !
Mais tu le sais déjà ! Personne
C’est personne ! Personne d’autre !
Ni toi, ni moi !
(tragique)
Nous sommes seuls…
RÍO
Amusé
Le train est bondé !
Plus de place libre !
On ne monte pas !
On ne descend pas !
On repart et « rien n’a
Eu lieu que le lieu ! »
(blasé)
Comme si on ne le savait pas…
BLANCO
Ils arrivent… Je les sens…
RÍO
Humant
Tu les entends.
Il n’y a rien à sentir ici.
BLANCO
Anosmie.
RÍO
Agueusie.
BLANCO
Et tout ce qui s’ensuit !
On connaît la chanson.
Donne deux coups de sifflet !
Comme : « Ti-rez ! » / trois
Et tout recommence « re-cu-lez »
RÍO
Ils arrivent, les uns et les autres !
Il fallait que ça arrive / ils prennent
La place et on ne sait plus qui on est,
Ni ce qu’on possède ni même ô malheur
Ce qu’ils pensent de nous / et quand
Je dis malheur je ne dis pas autre chose !
BLANCO
Siffle donc ! Agite le blanc !
Qu’on en finisse avec ce numéro !
RÍO
Mais je ne suis pas chef de gare !
BLANCO
Alors partons ! Quittons ces lieux
Avant de se faire écraser par leurs
Décors / lève les yeux dans les tringles,
Río ! Et vois ce que je vois mieux que toi !
RÍO
Comme si nous étions si différents l’un
De l’autre !
(dépité)
Tu veux toujours
En savoir plus que moi.
BLANCO
J’en sais plus que toi.
RÍO
Je ne le savais pas.
BLANCO
Donne l’ordre de tirer !
Puitt ! Puitt ! et c’est fini !
On n’en parle plus jusqu’à
La prochaine / nous reviendrons
Avec le soleil / train de midi
Toujours à l’heure / plus de champs
Pour surveiller la méridienne /
Plus de poésie à engranger /
Ses jambes nues dans le blé en herbe
/ Puitt ! Puitt ! « tu as lu le livre
que je t’ai donné pour que tu le lises ? »
Il faut en finir avec la chanson /
Et achever ce qu’on a commencé
À penser
RÍO
pensif
Je vois…
BLANCO
Tu ne vois rien.
RÍO
Je vois ce que je vois !
BLANCO
Tu n’as jamais rien vu.
RÍO
Déterminé
Un jour je prendrai le train
Au lieu de l’attendre, inutilement,
inutilement.
BLANCO
Triomphant
Qu’est-ce que je te disais ?
RÍO
Tu ne disais rien !
Tu attendais comme moi.
Ne me prends pas pour
Ce que je ne suis pas /
Ne t’imagine pas que je possède
Ce qui t’appartient et fiche-moi la paix
Au lieu au lieu de faire de moi une idée
Que je n’ai pas !
BLANCO
Ses jambes nues dans le sainfoin…
RÍO
C’était du blé et il était en herbe…
Ce qui nous fait remonter à….
(réfléchit)
Je ne me souviens pas…
Tu as oublié la mémoire
Dans ton eudémonologie.
BLANCO
Je n’ai rien oublié…
Elle avait promis de venir
Pour ne pas rater le Carnaval.
Le train est à l’heure, pas elle !
RÍO
Tu aurais pu en choisir une de fidèle !
Mais tu n’as pas le sens de la mémoire.
Tu oublies jusqu’à ce que tu es, tu meurs
Un peu plus chaque jour / voici le quai
De ta disparition définitive / ni fuite
Ni voyage / le temps d’un éclair
À la mesure du temps.
BLANCO
Nostalgique
Nous avons connu de bons moments…
RÍO
Toi et moi… ?
BLANCO
Non ! Elle et moi… là-bas…
RÍO
Mais tu n’y es jamais allé !
BLANCO
Irrité et pédagogue
Parce que le train vient d’où elle est !
Et il repart où elle ne sera jamais !
RÍO
À moins qu’elle n’en descende pas…
(ironique)
Elle ne voyage jamais seule…
BLANCO
Elle était seule dans le pré.
RÍO
C’était un champ de blé… en herbe.
Les bruits se rapprochent.
Il y a un ténor parmi eux.
Nous allons avoir droit à une aria…
BLANCO
Elle est mezzo soprano.
RÍO
Tendant l’oreille
Elle avait dit « avec le train »…
BLANCO
Elle a changé d’avis, voilà tout.
Maintenant, je veux dire aujourd’hui,
Elle vient avec eux…
RÍO
Mais tu ne sais même pas qui ils sont !
BLANCO
Elle le sait, elle.
Je vois déjà ses jambes
Dans les herbes du quai…
RÍO
… où il ne pousse rien !
BLANCO
C’est ici qu’ils joueront.
Je n’y avais pas pensé.
L’idée est bonne, je crois.
Le train servira de fond,
Immobile et frémissant.
Le quai sera parallèle
Aux feux de la rampe.
Tu serviras de souffleur.
Moi, je descends dans la fosse.
On m’attend : mille instruments !
(cherchant)
Ma baguette ! Où est ma baguette ?
RÍO
Celle en ébène à pommeau d’ivoire
Ou la baguette de coudrier de ton père ?
(il rit aux éclats)
BLANCO
Moque-toi ! Moque-toi tant que tu veux !
Moi je descends dans la fosse, il est temps !
Avec ou sans baguette !
RÍO
Hilare
Et sans queue de pie !
BLANCO
Dis-lui que je l’aime !
RÍO
Mais je l’aime moi aussi !
BLANCO
Fais donc frémir le train si ça te chante !
Il disparaît dans la fosse en disant « plouf ! »
Río se frotte les côtes parce qu’il a froid.
On entend aussi le vent, les arbres, les ailes
Des oiseaux, des moulins, les pies voleuses.
RÍO
Quel onaniste celui-là !
Moi je dis que c’était le blé
Et sa première apparition
À ras de terre / les jambes
Oui il y avait ses jambes
Mais surtout sa voix car
Elle parlait pour ne rien dire.
(il rit en frissonnant de plus belle)
Il fait froid ! On ne fait pas de feu
Sur les quais de gare / jamais vu ça
Même au cinéma / le vendeur du buffet
Ne pousse pas sa cariole tintinnabulante
Et aucune odeur de café ne titille mon nez
/ j’ai souvent été seul sur le quai, à attendre
Qu’il se passe quelque chose d’inattendu /
Mais là, j’attends, j’attends qu’ils arrivent,
Je sais qu’ils arrivent et je sais aussi comment
Ça se passe une fois qu’ils sont là, misère !
(crispé)
Moi aussi je l’aime ! Toujours aimée autant
Qu’il m’en souvienne / d’ailleurs je ne me souviens
Que de ça / j’ai oublié les bombes atomiques
Et la faim dans le monde / oublié la morale
De Kropotkine et les spéculations de Hawking
/ même la plage s’est absentée / les méduses
Mortes dans les galets / les épaves, les plumes,
Les nœuds de marine, la vase de la baie, la mort
Du voisin, les conséquences de l’immigration
Sur mon comportement, l’Histoire racontée
Aux enfants et à leurs jouets / j’y étais !
Et j’y suis encore ! La fosse n’est pas pour moi !
Ni rythme ni eau de source / peut-être encore
Le rossignol / l’ombre d’une fontaine peut-être
/ les traces, oui, et les petits matins brumeux
Avant la nuit ::: je sais ce qui se passe une fois
Qu’ils sont là ::: shakespeariens avec ou sans
Royaume / prenant toute la place, et le temps,
Et l’écriture de la voix et les noms qu’elle porte
::: je sais avant toute chose à venir et à faire /
Il y a des instruments parmi eux.
Et des objets roulant sur cerclage d’acier.
Des enfants qui veulent « tout savoir et rien payer ».
« nous sommes ce que la terre
voudra que nous soyons un jour »
Qui n’a pas peur de l’enfance ?
À moins de la désirer par plaisir.
Mais on ne les voit pas encore.
Río porte sa main en visière,
Essoufflé comme s’il venait de courir
Après eux, maintenant immobile au bord du quai,
Contre la paroi grise du train aux fenêtres closes.
Pas un visage là derrière, pas une promesse,
Regrette-t-il en aspirant l’air glacé de l’hiver.
On dirait qu’il va geler sur place.
Il essaie de lire la conversation avec une momie,
Mais ses doigts sont paralysés, blancs et douloureux,
Et son souffle ne vient pas de l’intérieur,
Il le sait comme il l’a toujours su.
Par terre, en bordure du quai,
On voit les traces de la cariole
Du marchand ambulant
Qui n’est pas venu
Parce qu’il savait
Que personne ne descendrait du train.
Il aurait dit (s’il avait été là) :
« Ce n’est pas le jour.
Je veux dire : c’est le jour. »
Río n’a pas de cigarette ce jour-là.
Il n’a rien à manger et il s’ennuie.
Il dit : « Il faut à tout prix
Inventer un nouveau théâtre.
Les ennemis de la pensée
Sont en train de bouffer l’espace
Et ce qu’il contient.
Vive Kropotkine
Mais n’oublions pas que le populo
Est aussi un ennemi de la pensée. »
UNE VOIX
Quelque part
Fasciste !
RÍO
Ce qu’on attend n’arrive pas
Et ce qui arrive n’attend pas !
Il gratte la surface du train.
Quel est le décor qui résiste à l’ongle de l’enfermé ?
Il attend une réponse, puis :
Mon expérience du théâtre
Me dit que le comédien
Qui joue l’enfermement
Prend soin de son décor.
Il attend une réfutation, puis :
Ce quatrain mérite mieux que le silence.
Mais bientôt on ne s’entendra plus.
Autant en profiter pour se contredire.
Il attend un geste, puis :
Nous ne sommes
Jamais aussi seuls
Que sur la scène…
Il attend la musique, mais :
Nous n’avons rien perdu
De notre sens du spectacle.
Ce qui doit arriver arrive
Comme le cheveu dans la soupe.
Il attend, attend :
Elle me manque.
Je ne l’ai pas inventée.
Je l’ai trouvée.
Tout le monde trouve.
Ou ne trouve pas.
N’est pas inventeur qui veut.
Coups de tampons dans les coulisses côté cour.
Le train se déplace sensiblement vers sa destination.
Pas un cri, pas une réclamation,
Dedans tout le monde se tait,
Sans visages à la fenêtre,
Sans tirer la chasse,
Rien pour dire quelque chose
Qui pourrait constituer
Un début de conversation.
Río allume une cigarette imaginaire
Et rejette une fumée qui n’existe
Que dans sa pensée.
Il n’a rien pour s’élever à la hauteur des fenêtres.
Le quai est dépourvu d’objets.
Jamais je n’ai vu un quai aussi vide,
Aussi désert, aussi conçu pour la solitude !
Et pourtant « je confesse que j’ai vécu »
/ mais qui n’a pas quelque chose à dire
Si le temps le permet ?
Dehors comme dedans.
En surface comme en
Profondeur ? Personne.
Personne à l’horizon.
Personne n’est venu
Dans l’intention de descendre,
Des fois qu’il y aurait
Quelque chose à dire
Ou à redire (on ne sait jamais)
(affolé)
Qu’est-ce qui s’en est allé ?
La fosse est muette muette
Est la fosse il s’appelait Blanco
Et il est parti jouer de la musique
Avec les autres de son espèce
Je suis le seul héros de la tragédie
Qui se joue sans se jouer en vrai
Devant un parterre de nationalistes
Que la Municipalité et l’Université
Vomissent dans la rue qui croise
D’autres rues aux vitrines pensées
Pour redonner du baume au cœur.
Qu’est-ce qui s’en est allé ?
Le train frémit encore.
Grincement des aciers.
Souffles pneumatiques.
Des mains collées aux vitres.
Le quai tremble de toutes ses feuilles.
Quel onanisme ! Ça me tue !
(il fouille dans ses poches)
Rien à fumer ! Ni à croquer !
L’enfance n’est pas la seule
À s’en aller / il y a autre chose
::: quelque chose qui me fuit
/ et ce n’est pas non plus
Ce que je sais de toi / c’est
Autre chose ::: que je ne
Connais pas / comme j’ai
Connu ce que je sais de moi
Imagine le personnage : ses tissus, le noir
De ses yeux, la blancheur des mains, le jet
De sang ou de vin à l’oblique de l’ombre :::
Rien à voir avec l’angoisse ! C’est une douleur
Physique / purement physique ! La douleur
Que seul le corps peut reconnaître comme sienne !
Le train avance péniblement vers le jardin.
Il paraît d’ores et déjà interminable.
On s’attend à ce qu’il ne cesse pas
De se mouvoir dans ce sens, la cour
Régurgitant ses wagons de vitres bleues.
Étincelles des caténaires et des sabots.
Elles retombent sur le quai où Río sautille
Pour les éviter ::: bun grad sans musique
::: rien que la torsion d’acier sur les rails,
Tampons frottés l’un contre l’autre, « où
suis-je ? » fait-il comme s’il revenait de loin.
Tiens ! Un mégot. Il est encore vif. Quel bonheur quand je n’avais pas d’allumettes ! On ne sait jamais où on met les pieds. J’ai les bonnes chaussures. Un deux / un deux trois quatre ! Je progresse. Ard ! Quel bruit ce train et cette foule qui arrive ! On ne s’entend plus… heu… penser… versifier… oui… versifions avant d’en penser quelque chose… les choses nous fuient… il ne restera plus rien… on aura beau laisser quelque chose, rien n’aura lieu… d’ailleurs je suis ce visiteur… ô pyramides ! ma cavurne ! l’épaisseur de mon manuscrit ! les choses qui changent de main… celles qui finissent leur existence dans la poubelle… tout le monde y pense, disant : « si j’avais su, j’aurais appris à écrire avant d’écrire » / (jette le mégot) Un autre ! ou la trace d’un sandwich dans les plis d’un papier ! et pourquoi pas : le coin déchiré d’une photographie.
Sifflet.
Vapeurs et fumées.
Confusion totale.
Un soulier de satin traverse la scène
À la manière d’un domestique
(genre jardinier)
Qui revient des nouvelles de la « plaza »
En agitant le journal en papier
Au-dessus de sa tête folle.
Il est aussitôt suivi par des enfants en haillons.
Un joueur d’orgue ne joue pas, immobile et sinistre.
On peut ainsi multiplier les spots
Sans se soucier du sens à donner
À ce brouillard artificiel.
Río a disparu mais l’arbre pousse vite.
Une voix off :
Pourquoi un théâtre se donne-t-il un nom ?
Avant, j’étais un enfant comme les autres.
Je jouais avec les autres enfants, à la balle
Et à saute-mouton, avec la maîtresse ou sans,
Rêvant de retourner à la plage avec l’été
Dans la poche / et maintenant qui suis-je
Si je ne suis pas ce que je devrais être ?
Les questions qu’on se pose ! Passé le temps
D’aimer / de songer à revenir avec les autres
/ à la porte d’un théâtre qui n’en est pas un.
Il (ou elle) considère le fog.
Non, ce n’est pas un théâtre : quelqu’un me l’a dit.
Tu viens ici parce que tu viens et non pas, jardinier,
Parce que tu vas / on dit que ce n’est rien de vieillir.
Si au moins je savais
Ce qui se passe ici, mais
Je suis dans l’ignorance,
À fleur de ce silence, là.
On écoute pendant un long moment.
On peut fumer dans les couloirs,
Bavarder avec les femmes,
Dire n’importe quoi
Pourvu que ça veuille dire quelque chose
Dont l’importance n’est pas remise en cause
À la fin quand on finit par sortir d’ici.
Je n’ai pas peur de venir.
D’ailleurs je suis venu seul.
Accompagné, j’eusse conçu
Quelque petite angoisse, là !
Si au moins je savais
Ce que venir veut dire !
Mais j’ai disparu avec tout.
Il ne reste plus que ma voix.
Écoutez ce que je dis, ici.
Ou ne l’écoutez pas et faites
Comme si je n’existais pas.
Des fois ça marche, je vous le dis !
Il mesure l’épaisseur à vue de nez,
N’ayant pas d’autres moyens sous la main.
Il a son nez et ses narines,
Et les poils qui vont avec.
Il sent la présence de Río.
Il s’écrie :
Ah ! si tu n’existais pas comme j’existe !
Si tu étais accompagné au lieu d’exister !
Mais je te vois même à travers les murs.
Certes, je ne t’ai pas inventé / pourquoi
Inventer quand on peut simplement vivre
Sa vie ? acheter une bibliothèque au marché
Du quartier où on finit d’exister avec les autres ?
J’ai toujours voulu m’acheter le meuble des livres.
Je possède le mur et l’angle qui va avec.
Une fenêtre avec des enfants qui jouent.
Une rue avec des femmes et des bagages
Sur les trottoirs, en attente de voyager
Parce que le temps c’est aussi ça, partir !
On le sent à la fois angoissé et en colère.
Il gratte le sol ou autre chose,
Sa peau peut-être nue.
On ne sait pas ce qu’il faut s’attendre à voir
Et à entendre (on ne sent rien
À part les autres et le goût qu’on a dans la bouche
Nous appartient)
. Mais n’anticipons pas
(il veut dire : on a le temps
Soit : on n’est pas au théâtre,
La vie n’est pas aussi belle que les coulisses
: il ne dit rien d’autre)
Enfants imaginés :
Río et Blanco
Sont dans un bateau.
Blanco tombe à l’eau.
Qui reste-t-il ?
Río !
Río le fleuve
Qui ne découle pas
De la rivière.
Savants enfants
Qui reconstruisent
Ce que Dieu
A détruit
En six jours.
Le septième
Il mourut.
Mort d’un passant
Qui va d’un point
À un autre sans
Savoir qui est qui.
Enfants imaginaires :
(différence entre
Imaginés et imaginaires)
Jouons encore un peu
Avant de mourir d’enfance !
À la balle et à saute-mouton !
À tout ce qui existe pour jouer.
Jouons comme si la vie
N’était que de la vie !
Un jour nous irons
Passer le temps.
Il sera bien assez tôt !
RÍO : Disparaissez, chenapans !
BLANCO : Où suis-je devenu ?
VOIX OFF
Dire qu’un jour nous aurons la patience !
Moi qui en ai tant manqué, tant désiré !
Je ne sais plus où j’en suis avec le temps.
Je traverse en ligne droite et je regarde
Le paysage qui défile à la fenêtre rapide.
Ça sent le panard du Portugais qui émigre
À Champigny / toute une nation traversée
En même temps que l’enfance qui promet
Ce qu’elle ne possède pas, écoutons le temps :
Cahots de jointures aux éclisses élastiques.
Que de voyages en train et dans les airs !
« Sais-tu au moins ce que tu veux ? » /
Río : (minauderie)
Je le savais ou je suis fou
Et si je le suis je n’ai jamais
Été un enfant et toi Blanco ?
Blanco :
Moi ? Heu ? Tu veux
Dire : celui qui est
Tombé dans la fosse
D’orchestre avec
Sa baguette dans
La main Argggh !
Moi : Qui va plus vite que moi ?
Que sépare ce fleuve imaginaire
Qui existe pourtant sur la carte ?
À qui sont ces animaux qui errent
Sur les bancs de sable avec les oiseaux
De l’île ? — nous étions rapides
Et lents à la fois, jeunes et vieux,
Présents et futurs, déjà passés !
« Cela te fait-il du bien ? Si c’est
Le cas, sers-toi des deux mains ! »
Nous avons le temps pour voyager.
Les billets sont hors de prix mais
On a la possibilité de voler
De ses propres ailes.
« Ne minimisez pas la difficulté.
Pour voler on ne tire pas vers le haut ;
On pousse par en bas et comment
Obtient-on cette poussée ? (un temps)
Río ! Tu le savais avant. Et maintenant
Tu ne le sais plus ? Que t’est-il arrivé ?
RÍO : papa… Oh ! je ne sais plus /
(il réfléchit intensément puis)
Le profil de l’aile ou quelque chose
D’approchant / je ne suis plus
Un enfant ! / alors que le fleuve
Ne découlait toujours pas de ses rivières.
RÍO
Vous m’avez encore interrompu !
On ne sait plus si le train est à l’heure.
Ce brouillard ! Et ce temps qui impose
Ses attentes comme dans un miroir !
Un coup de vent est nécessaire !
Qu’il vienne des coulisses, nom de Dieu !
On entend les machines
Mais le brouillard ne se lève pas.
Quelqu’un appelle le chef de gare
Qui ne vient pas.
Le sycophante : « Chef ! Chef ! Yen a un qui… »
Des portails de fer coulissent et s’entrechoquent.
Les pas martèlent les flaques.
Les moteurs se lancent.
Un pied est écrasé et tout recommence
Au grand dam de Río qui ne réapparaît pas.
Aïe ! Idiot ! Des escarpins tout neufs !
Mes économies du mois ! Mon enfant
Mal nourri ! Ma cuisine en désordre !
Et l’absence de l’être aimé pour le plaisir !
Vous ne savez pas ce que c’est !
Vous ne désirez pas ce que je désire !
Voix off :
Je ne les laisserai pas parler à ma place !
(grogne puis)
Ils sont en goguette et je suis en poésie.
Avec Carlos ou Ezra, Ernest ou William.
J’aime les fleuves qui ne découlent de rien.
Et qui ne se jettent nulle part, comme moi.
J’aime ce qui me ressemble et s’assemble
Avec moi / entre dunes et parapets / casino
Vite détruit puis lentement reconstruit /
Que d’enfants dans les parages ! Quel
Sujet ! Quelle scénographie ! Revenant
De campagne avec les gris-gris en guise
De souvenirs-preuves / imprégnés
De sang mêlé d’eau salée / laines
Des coqs : « Je sais que vous aimez ça !
Alors continuez et que le plaisir vous joue
Des tours ! Vous verrez comme j’ai raison.
Vous le verrez bien assez tôt, allez ! »
Voix savante :
Au théâtre ça n’irait pas.
Mais dans un livre pourquoi pas ?
Nous aimons nager au gré du vent.
Ou nous n’aimons pas qu’on nous guette.
Nous n’avons pas le choix à la fin.
Et quand ça commence c’est trop tard !
Au théâtre les gens sont pressés
Et le livre peut leur paraître long.
Je vous conseille la fenêtre et l’art
De n’y montrer que le côté pile.
RÍO
Aller ! Traverser ! Parcourir !
Vagabonder en attendant
Que ça vienne comme ça vient
Toujours ! Qui est mort et qui
Ne l’est pas ? Qui revient
Sans souvenir à partager ?
Et qui retourne pour retrouver
Ce qui se perd toujours ?
Ne me parlez pas de fenêtre !
Ni d’azur ni de chair triste !
Je suis ce que je désire, vin !
Je n’ai jamais été un enfant.
Alors que vous n’en sortez pas
De cette enfance d’émigré !
Il tente de chasser l’épais brouillard,
Mais en vain / la pluie menace.
Le train siffle. Friction d’acier.
« Les plus beaux avions ! »
Personne ne traverse ni n’apparaît.
Pas même le chien du jardinier.
« Qu’est-ce que vous attendez pour continuer ? »
RÍO
Attendre / continuer ::: attendre ET
Continuer ou ::: attendre OU continuer.
Accouplez tant que vous voulez, les amis !
Mais surtout ne faites pas d’enfants !
Ou alors ne leur donnez pas votre nom !
À l’œuvre on ne sillonne pas les fossés !
Quelle attente ! Quel possible progrès !
Jamais déçu ! Toujours en quête ! Désir !
Mouvement du train
Qui se laisse tirer, refouler.
Des vitres se baissent.
Chocs des butoirs.
« Vous n’êtes jamais venu ici ? »
Chef de gare :
Arrêt technique ! Arrêt technique !
Personne ne descend ! J’ai dit personne !
RÍO
Si elle est dans le train comme promis,
Elle ne descendra pas et je serai venu
Pour rien : Blanco a eu raison de se jeter
Dans la fosse : j’espère qu’il n’est pas tombé
Dans un pavillon ! (rageur) Ah ! Être venu
Pour rien ! Vous entendez ? Pour rien !
Vient-on pour rien quand on vient ?
Jamais vu ça ! On vient et quelque chose
Arrive / C’est dans l’ordre des choses !
Heureusement qu’il y a des choses et
Un ordre pour les comprendre !
(crispation interne, douloureuse)
Ne viendra pas alors qu’elle est venue.
Arrêt technique, brouillard ou autre chose !
À quoi ça sert d’attendre alors que rien
N’arrive ? « Continuez ! C’est tout droit ! »
Mais ce n’est pas ce qui arrive.
Cliquetis des canettes
Et odeur de jambon d’York.
Voix de fillette qui réclame son dû
Parce qu’elle a su être sage.
Les pieds joints du Portugais
Sur la banquette qu’il occupe seul,
La tête dans sa main,
L’autre main sur la hanche.
Aiguillages de temps en temps.
« On les retrouve à Champigny, allez ! »
Moi je ne retrouve rien !
Ni le chemin ni la trace.
Je me suis noyé dans le fleuve
Avant même son estuaire.
Quel horizon de Désir !
Quel Festin j’ai vécu
À la place de l’enfance !
Dévalant les dunes d’or.
Thuyas et coquillages,
Culs de bouteilles polis.
Épaves et ailes d’oiseaux.
Le Cap souriait à la vie.
Río réussit à déchirer le brouillard-papier,
Ce qui provoque un bruit de déchirure-tissu
Qui se répand comme de l’eau
En suivant les moindres détails du relief
Dont il est ici question,
Qu’on le veuille ou non.
Le sycophante : Chef ! Chef ! Il déchire !
Le chef de gare : M’en fous ! Je n’écris plus
Depuis longtemps, depuis que je ne sais plus
Si Dieu existe ou si c’est autre chose
Qui explique ma soif d’angoisse.
Le sycophante : Ça ne l’empêche pas de déchirer…
Je dis ça comme je dirais autre chose…
Je ne sais même plus pourquoi je suis à quai…
Le chef de gare : Ce n’est pas l’heure !
D’ailleurs il n’y a pas d’heure
En cas d’arrêt technique imprévu
Par la feuille de route (que je consulte
En ce moment) / Déchirez si ça vous chante !
Et Río déchire,
Sans rage ni application,
Presque sans y penser,
Guettant la surface cotonneuse,
Des fois qu’il ne soit pas le seul
À s’en sortir.
Il a extrait la moitié de son corps fatigué,
Vieilli, sans projet, sans amis, sans rien
À inspirer aux autres
Par le simple fait de donner à lire
Ce qui lui passe par la tête-de-pioche.
RÍO
Je ne suis jamais seul quand je veux être seul
Et quand je suis seul je ne le veux pas, merde !
Quel était le nom du personnage-enfant
Qui jouait à ma place sous le regard inquiet
De ma nourrice (?) : tétons comme les prunelles
Et le ventre plié à l’endroit du nombril, sourire
Qui n’a jamais eu de sens, je crois : en Dieu et
À ses Saints, au néant qui retourne au néant
Le temps d’une Histoire qui a perdu son sens
Depuis longtemps, ô Pise !
Patrick de la Rubanière écrit son Égoïsmes
(mamelles : Hypocrisies et Jalousies, avec un encart
Me concernant ::: le temps c’est l’expansion, dit-il,
Mais je n’y crois pas comme je crois en Dieu
(ni puissant ni misérable)) / ses saints sont les miens :
Papa, maman, frérot et frangines, l’enfant des autres,
Avec au coin de la rue l’affidé à la place du dealer,
Les aromes purpurins des seuils, le choc des semelles,
L’horaire qui se respecte comme l’honneur, la trouille
Des moins chanceux, les bris divers des naufrages
Sentimentaux, les signes avant-coureurs de l’âge
En proie à ses vérités acquises / « dis-le à papa »
En haut, au-delà des toitures et des monts, vois
Comme la Terre s’épanche en rêve prémonitoire,
Vois comme c’est facile d’en devenir le troubadour
Ou au moins le montreur d’ours, vois comme la vie
Appartient à ce qui n’est peut-être pas : « c’est l’heure »
Incroyable comme il arrive à déchirer
Sans saigner des mains !
Vous trouvez ça normal, vous, Chef ?
Si j’étais à votre place,
Je me poserais la question
De la validité de sa nationalité.
Non, non et non ! La Terre (terre)
N’appartient pas à tout le monde !
Moi aussi je veux sortir du brouillard,
Comme en 40 !
Mais est-ce que j’en sors ?
Est-ce que seulement je tente d’en sortir ?
Ce n’est pas que je sois bien ici
(malgré votre présence nécessaire)
Mais je ne déchire pas ce qui est écrit,
Du moins pas tant que Dieu existe,
Sachant qu’il finira par ne plus exister,
Ce qui me chagrine autant que vous, croyez-moi !
Le chef de gare : Fermez-la !
RÍO
(interrompant la déchirure)
Au théâtre les innocents
N’ont pas les mains pleines.
Je le sais parce que je suis
Aussi innocent que si je n’avais
Jamais vu le jour, cette nuit-là.
Le jour où Grenade fut prise,
Et sa veille / un fait exprès je
Crois / moi l’enfant du Projet
Familial en remplacement
Du mort-né / destiné au baptême
Comme le veut la République.
Mains sales à exhiber en public,
Traversant la conscience des autres
Personnages, annexés comme territoires
Conquis ::: je sais trop bien ce qu’on
Me reproche ::: patati et patata !
Sont dans un bateau et… (se reprend)
Continuons de déchirer / je vais peut-être
Faire ça toute ma vie / et me marier /
Et me cloner sans la science / Nera
Toujours à l’heure mais le quai
Est interdit à la descente / et mon ami
Blanco (qui me ressemble) joue avec
Sa baguette dans la fosse d’orchestre.
Les musiciens accordent leurs instruments
Et trouvent le La
Sans perdre le Nord.
(rustique)
Ça promet ! Je te jure ! Ah bah !
Tous les théâtres sont construits
Selon les mêmes principes bibliques.
Moïse entre et sort sans en dire plus.
La baguette heurte le pupitre
Selon le temp en vigueur.
Derniers ajustements.
Une chanterelle s’attarde.
On attend qu’elle se trouve juste.
On a l’impression que l’Univers
A toujours existé
Alors que c’est faux :
On démontre le contraire tous les jours.
Tac ! Tac ! Tac ! C’est l’heure !
Río tend l’oreille, cligne des yeux,
Exprime sa soif mais ne boit pas.
On se croirait à l’aurore
D’un Grand Jour.
Le chef de gare : « Un déchirement pour commencer… »
Genre slip dont on ne veut plus. (il rit)
Rendez-vous à la préfecture !
RÍO
(reprenant le déchirement)
Tsoin ! Ah ! Moïse ! Sans lui… ah !
Je n’ose y penser ! Confucius
À toute heure du jour et de la nuit.
Mais quel bordel depuis qu’il est mort !
Ça saigne en boucherie et les maladies
Mentales se répandent avec les fleuves.
Des fois je pense que ce n’est plus la peine…
Sans Nera qui vient les jours d’arrêt technique.
Et sans Blanco qui se prend pour sa baguette.
Le tour du monde en dix ouvrages à faire !
Mais qui peut le moins peut le plus, dit-on.
Moi je ne dis rien, je déchire sans lire,
Je n’écoute plus personne, pas même
Mon médecin référent, ni le flic d’à-côté,
Ni la concierge en mal d’amour, personne
Ne m’entend répondre à la critique.
(il redouble d’efforts)
Je ne sais même pas s’il est possible
De sortir de là : si j’ai un fils ? Maintenant
Que vous me posez la question / le jour
De son départ pour les Îles, j’ai pleuré.
« Quand nous reverrons-nous ? »
Mais l’odeur du kérosène m’a entêté
Et je n’ai pas vu la porte se refermer
Sur ce qui désormais n’avait jamais
Eu lieu : ça vous en bouche un coin !
Il y a tellement de chemin sous l’eau !
L’anémone et la coquille en trompe-l’œil.
Les jambes nues de la nageuse qui passe
Sans vous voir / ce besoin de respirer !
Pas le temps d’attendre ! Proximité
D’une plage, été comme hiver, voiles
Dehors des sédentaires qui prennent
Le soleil sur les roofs / bergamote
Des peaux / un gosse exhibe les écailles
De sa découverte / miracle à toute heure
/ un saint se signale par sa nudité
Transitoire / qui peut encore respirer
Dans ces conditions extrêmes ?
(chevaleresque)
Je suis Río, fleuve d’Amour et de Bien.
(rieur)
Elle jette l’enfant par la fenêtre et tente
D’oublier que c’est le sien / métaphore
en remplacement du poète véritable
/ « analysez logiquement / ne pas
Se laisser emporter par les eaux
De l’égout linguistique » / femme sortant
De chez elle comme le poète arabe
Après les complexités du Poème en cours
/ s’arrête devant une fenêtre : y coud
L’autre femme qui sait ce que l’homme peut
Et ne peut pas : copla en quatre vers bien
Sonnés : le rideau se laisse secouer
Par la brise des siècles de sagesse populaire.
La jambe de Río apparaît,
Nue jusqu’aux genoux :
« Maman ! Maman !
Je suis tombé de vélo
À cause de Blanco ! »
On voit nettement la cicatrice.
RÍO
Hein ?
BLANCO
Hein !
RÍO
De quoi s’étonne-t-il ? Il est tombé dans la fosse. Personne ne l’a poussé. Il y est allé tout seul ! Sans moi. Han !
(il peine à sortir du brouillard)
Recuerdos de la Alhambra. Tarrega en fusion
Mineur/majeur. Toi et moi chez Washington.
Cette lumière d’ombre ! Les bois noirs et
Ouvragés dans le sens du repos. L’Islam
Est passé par là. Le sens des générations
En exergue : « Je suis ce que tu ne seras pas. »
Et ainsi d’invention en taxinomie. Contes
D’une lenteur presque désespérante. Passages
Des yeux sur les yeux croisés. Ce silence d’or !
Dessous, la matière est encore en fusion.
Nous descendons les escaliers parfaitement
Entretenus dans la patine. Quelle conversation
Nous anime. Nous revenons de Tolède la Juive
Où le café infuse en attendant que le soleil
Se lève. Les bravos de la vallée comme des croches
Sur le pentagramme formé par le fleuve. Puis la
Brusque bifurcation vers la mer, la vitesse acquise,
Les amis retrouvés (un instant perdus eux aussi
Dans leurs pensées) / les chaleurs de l’asphalte
— la croissance de l’instinct au contact de l’idée
/ « qui croire maintenant que nous croyons ? »
Quel quatuor « au sampan de tes yeux » ?
« Je vous en prie ! Ne jouez pas avec moi. Je suis
Destinée à ne pas durer autant que vos exigences
De secret. » / l’escalier comme un roc définitif.
Le jour de dehors retrouvé. Les graviers divers.
Les senteurs aquatiques aux pierres renouvelées.
« Voici donc ce que nous sommes venus chercher. »
Pendant que l’homme se bat pour l’Homme, résolu
À gagner du terrain, talweg en feu à la place
De la foi qui est comme l’eau de la pensée
/ où elle nage avec les embarcations de l’Histoire.
« J’vous ai apporté des bonbons, » plaisante
Un Parigot en cavale. Quel vers appliquer autrement
Si la mémoire veut demeurer fidèle au souvenir ?
Ides rectangulaires des reflets comme encyclopédie.
« Nous aimons ce qui se laisse aimer, pas vrai, mon
Amour ! » / « d’où revenons-nous nous-mêmes ? »
Les mains explorent les mains. « Sont-ce tes yeux
Que je baise si follement ? » / « oui, oui, recuerdos
De la Alhambra. Du mineur au majeur insufflant
Le bonheur en taille de pierres assemblées ici,
À l’endroit même où la croyance explore les fonds
Des bassins / réservoirs des pluies séculaires / .
. / main mouillée pour jouer (ce qui provoque
Une vive réaction de la gardienne des lieux)
Recueille ensuite ces gouttes dans les draps
Bleuis par la pratique de la propreté blanche
/ « je sais de quoi je parle » / quelle philosophie
Obéit ? — « nous cherchons au lieu de vagabonder,
Mais quelle nation autorise le rêve nu des nuits
À vivre éveillé ? — lenteur (encore !) des lieux
Contés / excessive attente en conséquence mais
Uniquement en conséquence / « nous aimons tant
Aimer ! » ::: nous ne sommes plus revenus, même
En y croyant ::: pas de poussière sur les meubles
Noirs d’ombre et de suie / « qui invente quoi ? »
« j’ai l’impression de revivre un roman lu après
la découverte de l’enfance » / quel livre est (sera)
Puissamment écrit sur cette joroba ? De quel
Personnage hideux par définition naîtra le nouveau
Romantisme de remplacement ? Trop d’argent
Sous la terre / et pas assez de mort(s) / des os
Ne peut naître l’écriture / ni des peaux-pemmicans
Appendus aux fenêtres sur cour / « pourtant
je vous aimais — comme on aime se réveiller
seul — nouveau pour le soleil et si vieux dès
que la nuit revient ! » ::: Voyons si j’ai raison
D’y penser ::: balayée la métaphore avec le son
/ puis redescend vers la mer qui sert de niveau
Æ / comme si une civilisation s’y retrouvait
Chaque fois que l’esprit manque d’imagination
/ « je sais que je vous ennuie avec mes propos
relatifs » / — ennuyer n’est pas à propos, mein
Hilh ! Nous exerçons des forces pour nous soustraire
À la gravité / sinon pourquoi voler ? / les rouges
Anglais verticaux : l’ocre d’or des tempêtes :::
« tes cheveux au vent des moulins » / nous aimons
Noyer le poisson avant de le pêcher / contes
Nouveaux et lents qui s’interpénètrent aussi
Lentement que récemment / qui peut dire
Si nous avons existé maintenant que plus rien
N’a subsisté ::: devrais-je dire : « résisté » ?
La pierre du désert en témoigne : l’eau est
Au commencement : puis l’idée du fleuve
Naît : et l’écriture se substitue à la vague.
Voici l’écume d’une poignée de terre acquise
Suite à l’effort de reptation / du point x
Au point ∞ / « je ne peux rien faire de mieux »
Entre rien à l’origine et rien après / cette vie
Qui n’est pas la mienne ::: ni acquise ni désirée
::: faute de mieux à faire si aucun métier
N’est utile dans ce sens / ni la pratique
De la dévotion ::: galet inutilement observé
Sous l’angle du soleil / à la plage l’été ou
Sous la pluie normande / qui sait où nous
Sommes quand nous nous trouvons ?
« mais je croyais, mein [paÿ], que tu savais,
toi ! Je n’ai vécu enfant que pour le croire !
Qu’est-ce que ce père idéal et stylisé
Que j’hérite maintenant que je suis père
moi-même ? » / « n’oublie pas que tu joues !
Tous les enfants jouent au lieu de ne pas jouer !
Je l’ai su avant toi ::: voilà ce que tu ne peux
pas changer ! » /
pourtant le touriste est idéal.
Propre chemise et espadrilles
Pas encore empoussiérées.
Suivons sa trace de pluie fine.
Mollets d’acier trempé aux
Meilleures sources crois-moi.
Feuillète avec une attention
De guêpe au travail des heures.
Au passage recueille l’eau
Des pentes, sous les fruits
Mûrs de l’extase, quel stuc
Après ses pas ! L’enfant à nu.
Connaît l’écriture poétique
Mieux que celle de la lenteur.
Et d’ailleurs frappe à la porte
Avant d’entrer dans cette ombre.
C’est par imitation que tu le suis.
Qui porte le monde
Dans l’autre monde ?
Le seuil est arrosé à tout instant.
On ne sait jamais qui y glisse.
Genou blessé d’une estropiée
Venue ici pour espérer.
« Vous êtes venu pourquoi, vous ? »
Pas seul, en compagnie, mais pas
Question de fusion.
Le temps interdit
Les attentes de cette espèce.
« Avant j’étais dans le tourisme,
Moi aussi »
Heureux
De vous l’entendre dire.
Observez les visages et leurs mains.
Cela ne suffit-il pas
À comprendre le sens
Que chacun veut donner
À cette incursion dans la lenteur ?
« Je viens avec vous,
Si vous le permettez…
J’aime prendre le bras
De celui qui sait
Où nous allons »
Et moi donc !
Belle insoumise
Du jeu politique
Ailleurs en vigueur.
« C’est ici qu’il écrivit
Ce que je vous donne à lire
En attendant de me séparer
De ce qui me retient ailleurs »
Beau balcon de nuages gris.
La terre en mottes noires
Fuit ses limites de terre.
Aucun signe d’hiver ici.
« La prochaine fois nous irons
Plus loin, dans le désert et sous
Le ciel blanc comme l’acier
Lorquien des jardins grenadins. »
Admire qui peut. De stuc et de terre
Ce cœur arraché à l’enfant
Qui finit par mourir de sa foi.
Tremolos sous les linteaux
Où se penche la rose rose.
« D’un coup d’aile je te fuis ! »
Menace mise à exécution
Un matin d’un automne
Orange comme son arbre.
« Il n’est plus nécessaire d’attendre. »
Des voix en apposition aux ajours.
Les pas du poète qui descend dans la rue
Pour retrouver les rythmes familiers.
Jouets des cordes tendues entre les murs.
Le vent croît dans l’embrun, carènes fines
Comme des corsages / « veux-tu de moi ? »
Intérieurement :
Qui ne nourrit pas sa haine
En secret ? Qui en détient la clé ?
Les lieux s’amoncellent devant.
Je suis déjà passé par là, je crois.
Puis, au croisement :
Je ne suis pas venu hier car
Je n’avais pas de rêve à donner.
Ce matin je rêve encore, alors
Je ne fais que passer / pase
« Vous verrez les choses de plus près.
Vous apprendrez à vous en approcher.
Vous mesurerez toutes les distances.
Et vous en concevrez de la joie.
Mais : Vous n’écoutez pas ! »
Oui, oui, il faut se souvenir des lieux.
Le plan tracé d’avance dans les brochures
Touristiques / les effets de focale
Sur les dimensions réelles / la température
De chaque couleur / l’exigence du trait
Une fois admise sa projection cavalière
/ « au diable le music-hall et ses effets
Sur l’envers des rideaux / je suis à vous ! »
Palette
Complète
À l’entrée
Pour le prix
D’une orange.
« Ce que Dieu ne donne pas.
Ce qu’il prend et ne rend pas.
Tout ceci en coin de rue.
Pas une vitrine à offrir. »
Jouets et beignets des fils
Joignant les murs torrides.
Qui gagne perd le Nord !
Qui veut le Sud émigre.
Jolis et beaux quelquefois
Les quatrains que la bouche
Laisse filer comme la mouette
Qui s’est crue un instant
Prisonnière des murs.
« Rappelez-moi quand vous voulez,
Ami de longue date, appelez dès
Demain si ça vous chante et si
Je demeure comme vous dites ! »
(l’effort est vain, il ânonne,
Perd ce qui lui reste de force,
Enrage puis abandonne
Toute idée de résurrection
En orange)
L’un
J’ai toqué pourtant…
L’autre
Je n’étais pas là.
J’y serai demain
Si Dieu le veut.
L’un
Ah la la ! Les femmes !
On assiste (muet)
À une parodie de comédie à l’espagnole,
Des gens courent en tous sens,
On annonce mille nouvelles
Qui se croisent
Sans prendre de sens,
Les couleurs se mélangent,
Petit à petit la scène se grise,
Tourbillons du pinceau,
On ne sait plus d’où vient la lumière,
Le brouillard a laissé la place à une mauvaise peinture,
À un barbouillage que la méconnaissance des mélanges
A grisé au point de ressembler à la boue des chemins
Après la pluie.
Río se distingue à peine de ce chahut.
On ne sait pas vraiment s’il est celui-ci ou celui-là.
On entend les aciers du train,
Les conversations souterraines,
Les appels, les conseils, les discours aux enfants.
RÍO
Que voulez-vous ?
Le Monde n’est plus
Ce qu’il était avant
Que l’Homme errant
N’en devienne le Mythe
Fondateur : Internet
Zig-zague entre les bornes.
On me voit penché
Contre un écran et :
J’achète ce qui me plaît.
Vous saurez ce qui me plaît.
Tôt ou tard, vous le saurez.
Vous en concevrez de l’envie
Ou vous en rirez avec moi :
Qui sait ce qui se passera
Après / pourquoi changer
L’ancien avec le démodé ?
Nous ne savons rien de plus.
Un pas devant l’autre et
Le tour est joué ! Qui veut
Vivre ne verra pas / Mort !
BLANCO
Du fond de la fosse
Oh ! Assez ! Assez ! Assez de bourgeoiseries !
La seule vérité croît avec la Guerre.
Escrimons et fusillons ! L’Homme n’est pas errant.
Tout le travail consiste à concilier Morale
Et Connaissance.
Tout le reste n’est qu’un jeu, de mots, de lieux,
De tons, de modes, de genres, etc., etc. /
Nous n’avons vécu que pour nous plaire.
Trois ! Quatre ! Et sans dynamique à la clé !
La musique s’extrait du barbouillage,
Synthétique et sommaire.
Les gris perdent leur forme humaine.
Les trémolos se laissent entendre,
Mais le sentiment n’y est plus.
RÍO
Voilà de quoi dissoudre un Rembrandt.
Quel sentiment, quelle idée
Ne confine pas à l’intolérance ?
Sans une vision exacte des premiers temps,
Nous sommes foutus d’avance.
Il manque un signe entre les commas.
Fier de cet idéogramme,
Il saute dans la boue
Et éclabousse coulisses et public.
Sa joie est manifeste.
Je ne possède plus rien
Qui vaille la peine
De nourrir un refrain.
Je m’habille de gris.
Le noir me va si bien !
Moi qui naquis du blanc…
Fini les cascades de rouge
Des bougainvilliers de l’ocre !
Nous revenons à la maison.
Croisant ceux qui arrivent
De loin, sous la pluie d’étamines.
L’Histoire en veut encore.
Des quatre doigts plus le pouce
Forgeant les grilles de l’amour,
Ou de ce qui paraît en être.
Quel temps se perd en heures ?
L’eau des ombres dégouline
Comme un discours aux âges.
Qui croit le plus en l’autre ?
Mais qui ne dit pas ce que demain
Sera si aujourd’hui tout meurt ?
Descendant la pente verte,
La mémoire revisitée en joies
Aussi diverses que convenues.
La terre descend jusqu’à la mer,
Comme on s’attend à la trouver
Aussi facile qu’un voyage.
Quel soupir à l’angle de la nuit
Qui annonce ses rêves et son aurore ?
Quelle oblique de palais à palais !
Vous verrez comme on s’horizontalise
Une fois le repos acquis en fin de journée.
Vous verrez combien j’ai raison.
Mais (dit Río) je ne vois rien ici.
Je ne vois rien à la fenêtre, ni toi
Ni ce que nous avons été ensemble.
Quelle lutte m’attend contre l’Errance ?
Contre l’Homme lui-même, contre moi,
Contre tout ce qui ne sera plus jamais ?
Oui, oui, descendons vers notre mer.
Elle sut si bien nous assembler.
Nous avons tant aimé nous y baigner !
Trop d’ambition tue l’ambition,
Comme l’amour finit par tuer
Ce qui n’a pas trouvé le la.
Des femmes de ménage
Entreprennent de nettoyer la scène.
On ne s’agite plus.
On travaille avec conscience.
La musique rythme les gestes.
On devient joyeux et les paroles
Commencent à naître dans l’action.
D’abord apparaît, petit à petit,
Le nom de la station de chemin de fer.
Ai-je vécu ici ?
Suis-je cet enfant ?
Errant de l’estuaire.
Deux enfances pourtant.
L’une ne cherchant pas
L’autre, rencontre fortuite.
Vient du jardin fleuri
De pâquerettes nouvelles,
Pendant qu’on enterre.
Sur la plage du solstice,
Une méduse n’attend plus :
La vague revient en force.
À San José le restaurant
Est ouvert, et la nuit feuillète
Les branches des oliviers ;
Derrière le moulin on se cache.
La figue de Barbarie promet
Et tient sa promesse de vieille
Amante ; « Qui sommes-nous ?
Nous qui ne sommes ni toi,
Ni moi ? Quel est le nom
Que la nuit nous conseille
De porter jusqu’à la fin
De ce temps provisoire ? »
Le nettoyage du gris avance.
Tout le monde a l’air satisfait.
On distingue la figure de Río.
Il ne cherche plus.
Il n’attend plus.
Il s’est immobilisé
Et attend les instructions du metteur en scène.
Au-dessus de lui, le panneau s’éclaire
Et la lumière mange le nom
Sans que personne ne s’en inquiète.
Des seaux d’eau éclaboussent le panneau,
Jetés joyeusement sans intention
De lire ce qui y est écrit.
Río reçoit des gerbes tièdes, savonneuses,
Et suit des yeux les rigoles sur son corps,
L’eau s’égouttant au bout de ses orteils suspendus.
Il dit :
« Il faut pousser par en-dessous
Et non point soulever par-dessus.
Voilà comment je vous explique
Ma position dans le décor.
Pour le profil de l’aile, vous
Reviendrez un autre jour. »
Les vitres du train resplendissent.
On voit nettement les visages
De ceux qui ne peuvent pas descendre
Sur le quai
Car c’est un arrêt « technique ».
Les mains laissent des traces
Que personne n’efface.
Les cheveux se collent.
La fumée s’enroule, serpentine.
« Quel beau train surréaliste
À la place de l’avion apollinarien ! »
On voit bien comment Río se balance,
Sans corde au cou ni turbine aux pieds.
« D’ailleurs je peux vous expliquer
La douleur d’Immalie. »
LES VOYAGEURS QUI NE SONT PAS DESCENDUS
SERONT RÉCOMPENSÉS COMME IL SE DOIT.
LA COMPAGNIE S’ENGAGE À RENOUVELER
AUTANT DE FOIS QUE NÉCESSAIRE
LE BUT DE LEUR VOYAGE.
VIVE LA FRANCE ET L’IRLANDE RÉUNIES
— NOUVEAU ROYAUME DES CIEUX EN EXPANSION !
RÍO
Je regrette tout ce que j’ai dit,
Fait ou pas fait, donné ou repris.
Un train peut en cacher un autre.
Trop tard pour l’écolier en cavale !
EUX (avec ELLES)
Chacun son travail ici-bas !
Les uns à la soupe et les autres
Au chaudron ! Que les enfants
N’apprennent rien d’autre !
Et que les vieux se taisent
Malgré leur envie de tout dire !
Vous vouliez voir un train :
Et bien vous le verrez comme
Jamais vous n’en avez vu un !
Bien parallèle aux feux de la rampe !
Et bien posé sur ses rails d’acier.
Bien plein et bien en partance !
Voilà ce qui se joue dans ce crâne
Aussi peu fait pour la mort
Que la fleur qui renaît
Même après le pas pesant
De celui qui ne revient pas
(certes, certes) mais qui peut
Retourner d’où il vient.
Le chef de gare :
« J’ai dit : TI-REZ ! »
Et en même temps
(ce qui est « très difficile »)
Il souffle deux fois dans son sifflet
En agitant son drapeau-signal
Mais le carré reste au rouge.
Il trépigne d’impatience.
On entend :
(ça vient de derrière le train
Qui est rappelons-le
Parallèle aux feux de la rampe
Et toutes les vitres sont illuminées
Avec des gens à l’intérieur,
Calmes mais pas sans mouvements)
Con la barba de los Moros
Nuestro humbral barrendamos !
RÍO
Ça recommence ! Toujours
La même Histoire ! Les uns
Se réjouissent des actions
Guerrières et les autres
Disent qu’ils ne sont pas
En guerre parce qu’ils ne
L’ont pas déclarée. On se
Demande dans quel Monde
On vit / D’ailleurs on n’a rien
Demandé : mais le Désir est
Tel qu’on s’assemble autour
De la Table ronde ou carrée.
Il attend l’effet provoqué par ce chant…
Rien… On se croirait à Paterson
Ou à Pise… Dès qu’on ouvre la
Bouche, la Poésie reprend son
Droit de chanter et de chanter
Ce qu’elle veut / Écoutez-les :
(il singe)
Con la barba de los Moros
Nuestro humbral barrendamos !
On se croirait en terre étrangère.
Et pourtant c’est chez nous que nous sommes.
Qu’est-ce qui se passerait si nous la quittions,
Cette Terre
Qui par définition appartient à tout le monde
Et surtout à ceux qui la possèdent ? Pauvre de moi !
Le Droit de Posséder ce qui appartient
Non pas aux autres mais à tout le monde !
Je me sens une âme de prophète, de devin !
Il reste encore du gris
Un peu partout,
Mais l’ensemble est naturel,
Chaque détail apparaît
Comme on est en droit
De s’y attendre.
Le train, lui, malgré
Les efforts du chef de gare
(secondé par le sycophante)
Ne bouge pas et les femmes
De ménage disparaissent (lentement)
Les unes après les autres.
Barbe des Maures et fesses des Juifs !
(s’écrie Río en allumant une cigarette)
Nous sommes l’Égalité native parmi
Les hommes qui n’en veulent pas
Parce qu’ils pratiquent la différence
Dans leur intérêt / Un peu de musique
/ flamenca, rock, milonga, tamtam /
Mais on n’entend que l’acier des cordes
Et des freins, des rotations et des
Frottements, l’acier qui naît de la fusion
/ et rien de nouveau pour changer la
Condition humaine en conséquence !
Con la barba de los Moros
Nuestro humbral barrendamos !
Comme il nous plaît, l’après-midi
Après le travail et pendant que le repas
Mijote, de sortir sur le seuil, battu
Par le rideau que le vent agite
De tous ses plis : comme il nous plaît
De nous dire que malgré tout, malgré
L’Inégalité, nous sommes bien chez
Nous !
Bonjour voisin qui me ressemble
Mais la perspective est faussée
Et on voit bien la différence
De revenu et d’héritage / Nous !
L’eau, la semence, la chair enfin !
Priiiit ! Priiiit ! Siffle autre chose
Qu’un bon verre de notre vin !
Le train s’est arrêté pour toujours,
Devant la maison le train qui attend
Que les conditions techniques soient
Réunies / comme à Paterson ou à
Pise ::: pendant que l’orchestre
Accorde ses instruments (divers)
Et que son chef mesure la portée
Réelle du manque de dynamique
Claire et clairement notée au bas
De la ligne dont il connaît la fin.
Braoum de caisse et de cymbales !
BLANCO
Du fond de la fosse
Voyons si j’y arrive…
Mais il n’y arrive pas.
RÍO
Luttant avec les traces de gris
Nous devrions partir
Avant qu’il ne soit trop
Tard / j’emmènerai Nera
Avec moi avant qu’elle
Se suicide / loin de tout !
BLANCO
Festif
Avant que ! Avant que !
Moi aussi je serai heureux !
Pas de raison de ne pas faire
Comme les autres ! Heureux
Et fier de l’être ! Loin d’ici
Et pourtant à portée, en un
Pays qui n’existe pas encore
Parce que le Monde est en
Expansion…
RÍO
Que tu dis !
BLANCO
Tapotant de pupitre avec sa baguette
Dire est un bien grand mot…
Disons que je suis ce que je suis
Et que ce que je ne suis pas est.
RÍO
Philosophie ! Pour moi, la pensée
Est au-dessus de tout ce qui peut
S’imaginer de possible en… pensée.
BLANCO
Aux musiciens
Essayons un point d’orgue
Après le da capo / (écoutant
Le résultat) / je m’attendais
À mieux / j’espère toujours
Trop de mon attente, bah !
Con la barba de los Moros
Nuestro humbral barrendamos !
RÍO
Priiit ! Priiit ! Rien à faire !
Le chef de gare hausse les épaules,
Faisant tournoyer son sifflet
Au bout de sa ficelle
Sous le regard du sycophante
Qui ne sait plus à quel saint se vouer
Et qui tord ses doigts dans sa bouche.
Quel horrible spectacle !
(sentencieux)
Qu’est-ce qu’on attend de cette existence ?
À quoi faut-il croire si c’est exister qu’on veut ?
Je n’ai pas de Maure sous la main pour balayer
Et il ne possède pas de seuil ni même de rue
Où promener ce qu’il sait depuis longtemps
De la poésie et de sa place dans le monde.
Mon fils, je n’ai pas de fils mais je te crée
Parce que je connais la beauté des oliviers
Sous le soleil d’Andalousie / je connais
La fille de dix ans qui touille la mie à l’ombre
D’un mur ancien : sa vue sur le monde
M’est étrangère : une fois que l’être
Est créé il remplace le rêve / je connais
L’influence des vents sur la terre été
Comme hiver : connais la possession.
Voyons ce qu’un chien
Qu’on n’a jamais vu
Dans les parages peut
Trouver sur nos seuils.
Comme l’intérieur est voisin de l’extérieur !
Nous n’avons plus de fontaines
Ni de fruits à portée de la main.
On s’est mis à la fenêtre pour l’écouter,
Mais personne ne sort,
Pas même les enfants qu’on tiraille
Comme on peut.
Blanco recommande la blanca.
Dans la fosse,
On recherche un joueur de cet instrument.
Chercher n’est rien si on travaille
Pour l’industrie, le commerce ou
L’administration et si on a des en (respecter la coupure)
fants / Quelle solitude tout de même !
Sans Dieu c’est difficile / c’est même
Quelquefois impossible : ah le sang
Parle pour nous ! Comme si nous
Servions à quelque chose que l’Art
Imite à notre place / « je suis venu
En étranger et je repars en ennemi »
/ je connais bien la poignée de terre
Arrachée à main nue au lit du fleuve.
Des oiseaux chantaient sur la rive,
Dans les roseaux chantaient, plus
Vivants que moi-même / ruines
Muettes des ombres / sans habitant
Ni traces de lutte / la même pierre
Qui ne fut pas lancée pour jouer
Avec les autres / connais-tu la vie
Comme elle se joue de toi ? — ici
On ne meurt pas mais on disparaît.
On tapote les vitres embuées,
À peine impatient.
On entend les pas précipités
Du joueur de blanca,
Mais Blanco exprime son insatisfaction.
Il attendait quelqu’un d’autre…
Lave le gris pendant qu’il est encore temps !
Laisse la rigole emporter ce peu de poésie.
La rue est le véritable lieu du langage.
Dedans, c’est noir de fumée qu’il faut dire.
Une fenêtre n’est qu’une fenêtre, un système !
Con la barba… (il chantonne la la la) de los….
Qui sait ce que personne ne sait ? Je connais
L’écume et l’embrun : soit. Je te connais
Comme si tu m’appartenais : soit. Je reviens
Ou pas : soit : coulée de bougainvilliers
À l’angle sur la rue : soit. Bouche voilée
Qui parle : soit. Le seuil de notre maison :
Dieu ! À l’intérieur l’eau mouille le patio.
La fille de dix ans revient des cotos : soit.
Tu voulais exister et tu es : quel malheur
As-tu causé dans l’esprit de ces gens ?
Le train est agité,
Comme si des enfants couraient
Dans les couloirs,
Bousculant les voyageurs
Qui collent leurs oreilles aux vitres embuées.
Le sycophante, au bord du quai, dans le dos
De son chef, prévient que « l’heure ce n’est plus l’heure »
Et que les temps vont changer :
« Qui n’a pas droit à un jardin
Et pourtant qui le possède ?
Surtout, qu’on ne me reproche rien ! »
BLANCO
Voix lointaine
Passent leur temps à exciter la jalousie
Et l’égoïsme : « vous n’êtes pas égaux
par définition » / je n’ai rien demandé
Qu’une blanca et son joueur : un désir
De couleur locale : mais le joueur est
Blond comme les blés de Velez : soit !
(crispation douloureuse :
Ça fait mal même si on est insensible
À la douleur de l’autre)
Qu’est-ce que j’attends ?
Elle ne descendra pas
Parce que c’est interdit.
Et ainsi toute la vie : Dul (respecter la coupure)
cinea / qui croit que croire
Ne rend pas fou ? / Gor (ceci n’est pas une coupure)
Ur chez les cons : soit.
Mais je n’en dis pas plus :
Satisfaction j’écris ton nom.
Je l’écris avec le sang des hom (coupure indéfinissable)
mes / et pour ne vexer person (idem)
ne j’ajoute celui de la femme.
J’écris ton nom en pénitence.
Et je reviens avec Río sur les
Lieux de notre enfance vieille
Seulement d’avoir vieilli : soit.
N’allons pas plus loin que la poussière.
La porte git dans la broussaille : tu te
Souviens ? Les amandes n’étaient pas
Mûres. Le bleu des murs et ses ocres.
« vous êtes venus en étrangers »
Qui aime qui si ce n’est par épouvante ?
Río (je me souviens) croyait reconnaître
La pierre, mais la gravure n’était pas son
Nom : ni le mien. Un nom comme les au (même jeu)
tres : sans poésie à la clé. Homme de bien
Ou femme fidèle ? Enfant pas sûr de lui
Ni de ses rêves ? Río reconnaissait que
Le monde est si petit qu’on s’y croit
« revenu » / le voici assouvi, maître
De ses émotions, capable de chanter
À la place des oiseaux y compris le
Rossignol / « comme c’est grand
maintenant que je le vois de mes
yeux ! » Et je répondis : « Ainsi
soit-il ! » / fini les vacances, ami Río !
RÍO
Quelle folie s’empare de nous
Quand nous envisageons, ô naïfs,
De dramatiser le court chemin
Qui va de la pensée à la croyance ?
Quel cinéma prend la place de l’écrit ?
Quels personnages mi-humains mi-dieux
Traversent le champ de la cour au jardin ?
Ce matin (on voit le matin) je me sens plus
Homme d’esprit que poète / je veux dire :
Les choses prennent un sens que sans doute
Elles n’ont jamais eu / et je me perds en fossé
Et broussailles même de lilas ou de caroube :
Animal ventral par nécessité de progression.
Qui n’a pas vu la mort de près dans le mort
Lui-même ? À la télé ou dans sa propre mai (re)
Son ? Ce matin, j’ai le dos tourné à la réalité,
Le film croit avec le temps et le temps pense
Au lieu de croire ::: nous ne serons jamais
Ce que nous sommes : voilà un point d’acquis
Avant la crémation /
BLANCO
Je n’aime pas cette
Tristesse ::: elle n’inspire pas ma baguette /
J’aime ce qui m’inspire et d’ailleurs : je n’aime
Que ça ::: voilà en quoi consiste notre différence
::: c’est à elle de choisir !
RÍO
Wie einst… ? Voici un
Matin comme les autres ::: mais sans elle :::
Qui a vu le film ? Qui a payé sa place ? Qui,
Avant les autres, est sorti ::: dans la noche
oscura ? Ne retournant même pas chez lui
/ vitrines noires et portes closes : tout est
Prêt ! — y compris les effets de substance
Sur la douleur / moi ::: le fleuve qui refuse
De se jeter dans la mer ::: moi le promeneur
Des sables ::: l’écumeur de voyages ::: le fils
Sans père ni frère ::: voué à ceci : j’écrivais
Parce que je n’étais pas encore poète / temps
D’un encore / dit : enfance ::: je ne veux plus
De ce théâtre ! Plus de ces ombres jouées
Avec les dimensions ::: ce matin je veux
Sortir : de moi-même et des autres ::: acte
Sinon phénomène / avec ou sans elle :::
Coupant l’air / brassant haleines et cris
/ je sais que des fois nous sommes faits
L’un pour l’autre ::: d’autres fois nous
Prenons de ce pain parce qu’il est sur
La table ::: et que personne n’y voit
D’inconvénient ::: jambons des plafonds
Andalous / le père se lève un peu, couteau
En l’air, considérant sa filiation au passage,
Le vin ayant troublé cette eau dormante.
Derrière nous la porte est ouverte, poussières
Des mines et des champs, pratique amère
Des chemins qui nous reviennent, voisins
Errant des rues de terre et de mauvaises
Herbes / « sais-tu qui est qui ? » / le sang
Parle pour nous : « des poètes ? jamais ! »
Pas qu’on sache ::: mais qui sait si la blanca
Est l’instrument des seuils ou autre chose
De moins visible à l’œil nu ? Une invention
À la gitane : « je sais ce que vous voulez dire
et je le dis autrement » — matins sans nuit
Comme souvenir ::: ce que vous avez rêvé
Est la nuit même / marre de ce théâtre gris
Et moite comme un portail d’usine ! Moi :
Je suis ce que je pense être / et tu n’es pas
Ce que tu as été pour moi ::: rôles à jouer
Avec les dés pipés de l’aventure sociale /
« qui n’écrit pas ? » / qui n’est pas l’écriture
? / l’auteur de ses propres jours sachant doser
Hypocrisie et jalousie ::: existe ::: alba serena
::: au lieu de mettre en scène relisez ! jouez
Faux ::: veux-je dire ::: les matins sont cristallins
/ on arrive au bout de la nuit et commence
La nuit suivante / « avant j’étais un enfant »
Des machinistes s’activent
Sans souci d’esthétique… heu… théâtrale.
Cela fait un bruit d’enfer !
On repeint même le train !
On réécrit les noms et les mots des panneaux.
Les effets de volume sont sans épaisseur
Sitôt qu’on les voit de profil.
Río veut s’arracher les cheveux
« mais ça fait trop mal ! »
(Río reprend)
Carton-pâte ! Nous n’avons pas les moyens
De satisfaire la demande ! Nous agissons
En fonction de notre connaissance de la
Douleur et du verbe qui va avec : alchimie
Des entrées et sorties / billets papillonnant
Dans la rue qui nous donne son nom : voix
D’enfants qui veulent en savoir plus / « qui
Est qui ? » / « l’erreur est de dramatiser
ce qui n’a rien à voir avec le spectacle »
« as-tu mangé tout le paquet ? » / dire
Plutôt : « en as-tu fini avec le contenu ? »
BLANCO
Exubérant mais toujours dans la fosse
Oui ! Oui ! C’était comme ça !
Exactement comme ça ! Facile
Mais rare ! Main dans la main
Pour être conduits sans détour !
Tu te souviens parfaitement, Río !
Presque aussi bien que moi ! Et
Pourtant tu n’es pas à la recherche
D’une blanca — ô désespérément !
Au seuil de ma mort qui déjà chante,
De l’enfant au vieillard, chante et
Danse, barbes et fesses, et nous
Venant de si loin que les pyramides
Nous enchantent — ô désespérément !
Toute cette foison-fusion et Gor Ur !
TOUS
À l’intérieur comme à l’extérieur
Gor Ur !
Il y a de plus en plus de monde sur la scène
Et quelqu’un propose « conséquemment »
De la multiplier « car le besoin
De dire ensemble
Est plus fort que l’onanisme » /
Le sycophante prend la parole en ces termes :
Ce n’est pas parce que la température ambiante
Est supportable et que même par endroit et
Quelquefois on se les gèle que notre Monde
N’est plus en fusion et qu’on n’a plus de souci
À se faire quant à l’avenir de notre conservation
En bocal ::: car ::: à l’extérieur du bocal l’Urine
Est un principe salvateur ::: pas d’existence et
Encore moins de vie sans Urine ::: il faut compter
Sur elle et même la prier de continuer d’exister
Si on veut vivre aussi longtemps que c’est math
Ématiquement possible depuis que le premier
Nombre a roulé sur le tapis tout à fait par ô
Hasard ::: (il tourne la page) Gna gna gna heu
(toune plusieurs pages et s’arrête de tourner
aussi soudainement qu’il a commencé à le
faire) Ah ! Voilà : notre Dieu ne s’appelle
pas mais si on le nomme il vient en autant
d’endroits qu’il y a de lieux de prière ::: c’est
Pratique ::: car si (ici, dit-il, des considérations
D’ordre métaphysique) ce n’était pas le cas
On serait bien emmerdé ::: je tiens à prévenir
Les autorités ! (il fuit et grimpe au rideau)
LE CHEF DE GARE
Impatient et claquant du drapeau
Marre qu’on me prenne pour ce que je ne suis pas !
J’écris : « Mon cher fils, j’espère qu’il fait bon au Mali.
Ici, c’est la grisaille tous les jours et les femmes sont…
Enfin… Tu sais ce que c’est maintenant que tu as l’âge.
Nous ne connaissons personne qui ait perdu un fils.
Ça nous ferait du bien de fréquenter ces personnes
Qui existent, comme tu sais. Mais l’État demeure
Princier dans ce territoire qui se veut plus pays
Que les vrais pays. Nous sommes si seuls sans toi !
Nous regardons la télé mais tu n’y es pas, hélas !
Sinon les trains passent dans les villes et les champs,
Comme des rats. Il y a toujours quelqu’un qui
Cherche quelqu’un, heureusement parce que sinon
Le métier de cheminot serait bien ennuyeux !
Nera t’envoie ses baisers pour que tu en fasses
Ce que tu voudras. Tu sais comme elle est patiente !
Si j’étais à ta place, je l’épouserais avant qu’elle
Se suicide. (saluant du drapeau une vitre du train)
Comme cet arrêt est strictement technique, mon fils,
Je n’ai pas l’occasion de l’embrasser sur les joues
Comme tu le ferais toi-même sur sa bouche si
Tu n’étais pas si loin d’ici. Point à la ligne. Signez.
(en aparté)
J’espère que j’ai trouvé les mots… (cherchant
le sycophante) Ça y est ! Je suis seul ! ÇA, ÇA
Devait arriver un jour ou l’autre ! Un dimanche !
Comme si Dieu existait entre urine et fusion !
(il dingue, clac ! clac !)
TOUS
À l’intérieur comme à l’extérieur
Gor Ur !
Río mains dans les poches,
Comme s’il se baladait
Dans Paris.
Il a un air dans la tête
Et il la secoue en rythme.
« Il y avait longtemps
que ÇA ne m’était pas
arrivé » / il s’arrête
Devant une porte fermée,
Levant la tête comme
Pour interroger quelqu’un,
Mais il ne dit rien et voit
Qu’on ne le voit pas.
ÇA le rend triste.
Merde ! Pas un enfant ! Pas même
Une femme-enfant ! Pas de quoi
Satisfaire une curiosité que je peux,
Sans honte ni remords, qualifier de
Légitime tant je me sens tributaire
Du temps qu’il a fallu pour en arriver
LÀ /
LE CHEF DE GARE
Et comment !
LE SYCOPHANTE
Et comment ?
Sifflement du train.
L’air bouge, comme à Venise
Sous l’influence des cheminées.
Le Westinghouse décomprime plusieurs fois.
Les attelages se détendent puis se rapprochent.
On entend les caténaires comme sous la pluie.
Quelle poésie le chemin de fer !
Soudain le sycophante se réveille d’un sommeil
Vieux comme la guerre :
« Alerte rouge ! Alerte rouge !
Quelqu’un (je dis bien « quelqu’un »)
Est descendu du train alors que
LE CHEF DE GARE
…un arrêt technique est en cours !
RÍO
Hilare
Vous exigiez un théâtre populaire
Si vivant que la Mort n’y reconnaît
Plus ses petits / et bien voilà il arrive
Au moment où on ne s’y attend plus.
Nous passions vous et moi dans la rue.
Il était nuit ou elle allait tomber / mort
Tranquille du jour après le gagne-pain.
Votre bras était nu et vos cheveux au
Vent, car il ventait ce soir et nous étions
Pressés de rentrer / soudain : illumination
Comme si on venait de réinventer la
Poésie /
« On entre ? » / pourquoi pas pénétrer
Dans cette ombre ? On y communie
De pain et de vin comme ailleurs /
Et au passage nous saisissons d’autres
Mains ::: nous avons l’habitude d’être
Seuls quand l’heure n’est plus l’heure.
Tout le monde est d’accord là-dessus.
Mais quel désespoir installe les substances
À la place de la pensée ? / nous entrons
Entre les autres / nous trouvons notre
Place / nous nous excusons un peu avant
De nous asseoir / quel lieu ! quelle vie !
« Et ça ne coûte pas cher ! » ô voisine
Qui connaît le texte par cœur ! Pas cher
Et souvent / « je les adore » / nous adorons
Avec une telle facilité ! / tu as dit :
« théâtre ? »
Autour de nous : la communion en cours
De formation stellaire ::: « jamais venus
Avant… ? » / « initiez le nouveau venu
car il savait avant de venir » / chaque
Chose à sa place ::: plus complexe qu’un
Livre qu’on ouvre et referme / « on entre
et on sort ::: mais c’est plus ::: complexe
/ — sans doute parce que nous sommes
plusieurs et non pas deux — ou seul des
fois ::: le désespoir aux mors ::: vieux
cheval sans jeunesse ni enfance / qui
vient ? » / peut-être un auteur en va
Drouille / qui sait ce que nous réserve
La mort ? / interminable glissade sous
La pluie des avenues / trottoirs des pas
Et des attentes / « jouons maintenant !
la mémoire du texte n’attend pas ! »
— vous le vouliez tellement, ce théâtre !
Nous sommes tombés dessus, ensemble.
Entre la chambre et la chambre, carré
Limité par ses affiches racoleuses /
Métier de perroquet / le décor descend
Du ciel avec les sacristies de la douleur
/ qui a la chance de rencontrer son
Semblable ?
Entrez et sortez au lieu d’aller et venir !
Entre rien et beaucoup / cette similitude
Que tout le monde n’a pas la chance
De trouver en chemin ::: « je te reconnais »
Chroniques préparatoires du roman
À venir / faute de poésie tu sors pour
Ne pas rentrer / au bras nu plié comme
L’équerre d’une branche qui a porté
Ses fruits en un temps plus dur encore
/ tu voulais un spectacle et même
Le renouveler autant de fois que la vie
Dure / un soir de promenade digestive
/ incapables de martyriser le corps /
Au contraire fuyant les jeux de rôles
/ de quels dés le poète se sert pour
Compter les jours et soustraire ses
Nuits ? / « comme la poésie serait
belle si je ne l’étais pas avant elle ! »
— Nous entrons dans la crypte ou
Adyton — fragment d’un sanctuaire
Revu et corrigé par le Ministère /
« avant, j’étais… oh ! tu sais très bien
ce que j’étais ! » / je l’étais moi aussi
/ donnez aux enfants les moyens du
Suicide / dites-leur : c’est possible /
Un jour (tu verras) la vie deviendra
Insupportable et tu t’en prendras
À elle plutôt qu’à toi / et vice et versa
/ avec ou sans enfants à la clé : mal
Engagés dans la serrure du temps /
« qui est derrière la porte ? » / signe
D’un lieu / où se signer / singes faux
Des portails monumentaux / le soir,
À la tombée du jour, les avenues
Ruissèlent de bonheur / la vitesse
Acquise est un paramètre à saisir
Quand il est encore temps / glissades
Entre les feux / courbures perspectives
Des ponts / « j’écrirai un poème sur
ce qui arrive au théâtre à cause du texte »
/ je sais que tu l’écriras : vitrines closes
Avec illuminations en découverte noire
/ instruments et rejets au bas des murs
/ des flics veillent / des témoins gisent
/ de l’orteil aux cheveux l’exploration
Constante de la douleur changée en or
Par le miracle des crépuscules / « un jour
tu sauras ::: mais il ne sera plus temps /
disant ah merde si j’avais su » / l’œil
Aux aguets / la chair tremblante / sang
Pour sang / territoires avant rideau /
« comme la poésie devient difficile
quand on ne l’écrit plus ! » / tu étais
Là ::: pourrais-tu dire en entrant dans
La chambre du mort / « quelle famille
de suicidaires ! » / en quelle époque
Distincte de l’enseignement de l’Histoire ?
Ainsi les petites tragédies bukowskiennes
/ en trois vers trois secondes / une de trop
/ « si c’est là que tu veux entrer, entrons ! »
Boniche pour commencer ::: ou jardinier
« ça tourne rond ou ça ne tourne pas /
rien entre Racine et Bukowski / rien passé
ni à venir / vous pouvez sortir d’ici si
ça vous chante ::: ou attendre que ça arrive
/ le texte n’est pas un théâtre ::: le théâtre
n’est pas un texte / le vers se tortille en prose
/ (sérieux et sec) je vous aurai prévenus ! »
(un temps que le sycophante met à profit
pour se plaindre)
Assez de théorie ! Passons à l’acte !
En effet (dit le chef de gare) quelqu’un
Vient d’enfreindre la consigne pourtant
Clairement exprimée par ma propre
Voix ! Il faut toujours que ça m’arrive !
Et ça n’arrive qu’à vous (dit le sycophante
un peu chatouillé par d’autres occupations)
ajoutant si je ne me trompe pas…
Quelqu’un, c’est vrai, quelqu’un que je connais
(continue Río)
De longue date ::: remontons à l’enfance près
De la mer, avec le pied des montagnes au cul.
La terre s’arrête là, constata plus d’une fois
L’ami qui voulait toujours aller plus loin, pieds
S’enfonçant dans le sable et la marée montante.
« mais nous sommes au théâtre, Río ! tu ne peux
pas fuir par la porte ::: la seule issue est dans
le texte ! » / comme si je ne le savais pas / mais
Ton bras est nu : sur l’accoudoir nu comme un vers
Que la prose revisite en étrangère au pays : quel
Toxique me dispensera d’y penser et d’agir
En conséquence ? / qui, malchanceux, n’a pas
Rencontré son semblable (à un poil près) ?
Un soir de lune et de soleil / un de ces soirs
Sans inspiration / tenant ferme le bras nu
Qui ne s’oppose pas ::: entrée des artistes
::: un cupidon salue bien bas / jambes aigres
D’une hélène / « vous poussez la mauvaise
porte ::: tirez plutôt celle-ci » / et en effet :
Nous entrons / nous prenons place / orientés
Dans le sens du spectacle / « sinon à quoi bon ? »
Comme la vie est légère quand elle ne pèse
Plus rien ! / — « un jour, je dis bien : un jour
(or, il est nuit à cette heure divertissante)
tu me remercieras… » / « suçons ensemble
la pastille prémonitoire » / « tu le reconnais
? » / « ? » / « hier… chez Blanco… Nera… tu
l’aimes bien ::: ne dis pas le contraire ! » /
Or ::: je le disais / mais ce n’est pas le sujet
De ce spectacle Oh ! vivant ! Oh ! qu’il vive
Tant que nous sommes de ce monde /
Oh ! comme j’aimerais être et exister
Ailleurs ! / d’ailleurs j’y vais si tu n’y vois
Pas d’inconvénient / « moi ? inconvénient ?
moi si seule ? moi abandonnée ? théâtrale
dis-tu / personnage plus que l’énigme qui tue
son passant / Oh ! tu me connais si mal ! »
(ici, le sycophante actionne l’aiguillage)
Quelqu’un descend (ânonne-t-il)
Alors que la consigne est claire
(n’est-ce pas, chef ?) et le Temps
(avec une majuscule) prend la place
De l’action et de ce qu’elle prépare
Pour y mettre fin (à elle-même) /
(s’adressant au chef de gare)
Qui descend, d’après vous… ?
LE CHEF DE GARE
Distrait
Je devais le savoir… ? Je ne sais pas ce que je sais.
Sinon à quoi servirait les consignes ?
LE SYCOPHANTE
La consigne dit : « Personne ne descend du train…
LE CHEF DE GARE
Joyeux
…car ceci est un arrêt technique ! »
Je connais la leçon plus que par cœur
(en bon comédien que je suis)
LE SYCOPHANTE
Mais la consigne ne dit pas pourquoi
On s’arrête sans descendre sur le quai
Pour prendre l’air ou autre chose…
LE CHEF DE GARE
Ce n’est pas le travail d’une consigne
De dire pourquoi elle est ce qu’elle est !
LE SYCOPHANTE
Et pourtant, elle est bien ce qu’elle est
Et pas autre chose…
LE CHEF DE GARE
Circonspect
Vous visez quelqu’un en particulier… ?
LE SYCOPHANTE
Hou ! Le voilà qui arrive !
Et en effet,
Tandis que la brume revient installer ses approximations humides,
Quelqu’un s’approche,
Sur le quai déambule sans cesser de s’approcher,
Noir de moins en moins,
Sans lenteur ni le contraire,
Sans tranquillité ni autre chose,
Quelqu’un qu’on connaît ou pas :
Il est trop tôt pour le savoir
Avec certitude.
Río recule.
Le chef de gare et le sycophante campent sur leur position.
BLANCO
De la fosse
Le moment serait bien choisi
(et Dieu sait si choisir est exister)
Pour composer, à la baguette,
Une ouverture comme à l’Opéra,
Histoire de signifier que rien
N’est encore arrivé, rien de bon,
Rien de dur à cuire sans l’athanor
Cher aux poètes municipaux, tous
Militants. Je propose une musique
(si on peut appeler ça musique)
Aussi proche que possible du cœur
Même de la terre (car n’oublions
pas que nous avons les pieds
dessus et que rien ne dit que
le ciel en est un) avec ses fusions,
Ses magnétismes, ses voyages
Au centre et ses peuples encore
Possibles / une musique sans
Mesure ni limite de souffrance,
Une façon de s’infliger le plaisir
Au lieu de le donner, une musique
À soi, comme si on était seul
Au monde, sans passé ni futur,
Une seconde infinitésimale, nette
Comme le tranchant d’un couteau
Que la Gitane impose à l’amant
D’un soir, soir d’été dans la sierra
Qui se voit dans la mer à la Lune.
Il soupire.
RÍO
Exaspéré
Mais qu’est-ce que tu racontes, pauvre accessoire !
Ceci est un théâtre, pas un livre ouvert à la fenêtre.
Cela n’est pas un ciel tout d’azur composé à la va-vite.
Nous n’avons le temps que de l’action, pas de savoir
Ce qui se passe et ce qui n’arrive pas de toute façon.
Pendant ce temps (perdu) on attend un personnage.
On l’attend parce qu’on a besoin de lui ! Sans lui
Pas de tragédie à imposer au couteau de la Kalé.
LE SYCOPHANTE
Intervenant
Et il nous faut aussi un lieu !
Sans lieu (je veux dire sans lui)
Le personnage en question
N’habite pas / je connais
La question / moi aussi j’ai
Écrit quand j’étais jeune /
Et je savais d’emblée que
Sans lui ni sa maison à Tanger
Ou ailleurs : aucune histoire
N’entre dans l’écrit pour ô
Pour l’habiter / c’était avant
Que je devienne un salaud…
LE CHEF DE GARE
Pas convaincu
Parlez pour vous !
(citant)
« Un arrêt technique est… »
(regrettant amèrement)
Mais personne n’écoute…
RÍO
Sûr de lui
N’écoutez pas le temps qui passe.
Mais voyez comme il passe, seul
Sous les ponts ou dans un verre.
Ne serrez pas vos dents fragiles
Ni ne sortez la langue pour la pendre.
Tout est chanson si on y pense.
N’en voulez pas aux suicidés ni
Aux morts des champs, parlez
Plutôt d’oiseaux sur les branches.
Évoquez le matin si c’est le soir.
Et s’il fait nuit (déjà) pensez à elle,
Les fleurs de la rosée seront fidèles
Au rendez-vous, croyez-moi sur parole.
(il s’interrompt ou a fini,
et précise que)
Je ne sais pas ce qui m’a pris,
De la Gitane ou de l’amant !
Ça m’est venu comme ça vient
Quand on ne s’y attend plus.
Ma fenêtre n’entend pas les avions.
Mes murs ne tremblent pas de peur.
Mes coussins me reçoivent aussi nu
Qu’au premier jour de cette existence
Que je n’ai désirée à aucun moment
De mon être, avec ou sans exemple.
Qui inviter si personne n’entre ?
Qui racoler au niveau de la rue ?
Que marchander en signe de soi ?
Les dealers sont de bonnes gens,
Mais le ras des murs extérieurs
Est à l’intérieur de nos tombeaux.
(il soupire comme entre Grenade et Motril)
La vitesse est acquise ou la modernité
N’est qu’un attrape-couillon, Blanco !
(se soumettant, échine ployée)
Va pour un concert de fusions !
Notre Gor Ur veille au grain.
Sa hune traverse l’immensité
Verticale /
Que la loi soit le seul principe !
Accords divers des instruments dans la fosse.
Une soprano exerce son influence sur le mode.
Puis se plaint de l’humidité.
Alterne ainsi vocalises et plaintes.
Blanco heurte son pupitre
De sa baguette « magique » /
Il dit
Que personne ne prend plus le temps
De danser dans la rue pour danser
Dans la rue comme si le temps
N’avait rien à voir avec les mathématiques.
LE CHEF DE GARE
Agitant son drapeau
Ça devient compliqué, c’te histoire !
Je ne vois ni Gitane ni amant…
Ça ressemble pourtant à un théâtre…
Ou alors c’est un music-hall…
On ne sait pas d’où on vient,
À part de chez soi,
Mais pour ce qui est d’aller
On y va !
LE CHŒUR
Con la barba de los Moros…
Zim boum boum général !
Le silence s’impose.
La baguette tapote la paume.
Blanco songe à un cul.
Il le tapote d’abord,
Puis la fesse se contracte
Sous l’effet de la douleur.
Il entend le cri (de plaisir)
Et en pousse un autre
D’une voix de stentor.
La soprano apparaît enfin,
Dodue sur un nuage peint.
LE SYCOPHANTE
Hypocrite et jaloux
Moi aussi j’ai chanté
Quand la chanson
Était à la mode.
(il se souvient)
Papa et maman dans le jardin
De Federico García Lorca,
Près de Grenade avec des roses
Dans le ciel
(car j’étais couché dans l’allée
Que le poète arpenta si souvent)
« Nous aimons tant nos fruits ! »
Et que penser de nos couleurs ?
Des hommes en armes surgissent
(peut-être aussi des femmes)
Et le sang se met à remplacer l’eau.
(prenant les autres à témoin)
Imaginez l’enfant que j’étais
Avant de devenir ce que je suis.
« Nos fruits ! Nos fleurs ! Nos balcons !
Nos allées d’ombre et de lumière
Comme dans l’arène.
Et maintenant il faut mourir !
Abandonner femme et enfant.
Ne plus rien espérer de l’écriture.
N’être jamais revenu sur le seuil.
Comme le ciel est ciel !
Et comme la terre est mer !
Je savais que sans poésie
La vie n’est que le manche du couteau. »
Papa dixit.
LE CHEF DE GARE
Admiratif
Je ne vous connaissais pas sous cet angle.
LE SYCOPHANTE
Maintenant vous me connaissez mieux…
Est-ce que cela vous fait du bien… ?
LE CHEF DE GARE
Malheureux
Ma foi je n’en sais rien…
Quand je ne suis plus chef de gare,
Je suis un cheminot comme les autres.
Mais je n’habite pas aussi loin que vous.
LE SYCOPHANTE
Souffrant vraiment
Mon chef-d’œuvre mort-né !
À l’État civil cette notation :
« N’a jamais eu lieu, personnage
Inventé par la mort elle-même. »
Il me restait, comme à tout le monde,
Le temps et l’écriture, par ouï-dire.
Mais qu’en faire nom de Dieu !
Vous êtes-vous à ce moment-là
Posé la question du chef-d’œuvre ?
Je suppose que non…
LE CHEF DE GARE
Interloqué
C’est une question… ?
LE SYCOPHANTE
Je n’en pose jamais,
Mais j’y réponds souvent…
LA SOPRANO
Soudain !
Quel poète parle de moi ?
Quelle voix imite la mienne ?
Est-ce que je peux commencer ?
Elle s’avance vers la fosse sans y tomber.
Le public fait « oooh ! » car il y a cru,
À la grande satisfaction du metteur en scène.
On voit nettement le « personnage » qui est descendu
Sans permission expresse
De la part de la seule autorité
LE CHEF DE GARE
Solennel
Moi !
compétente en matière de décor ferroviaire.
« Comme le monde est petit
Vu d’ici ! »
Passage du mode mineur au majeur.
Le cœur retrouve de sa vigueur.
Applaudissements, discrets toutefois.
Puis place au silence qui précède
Les grandes interprétations.
RÍO
Angoissé
Ils veulent du spectacle et
Ils ont de la poésie avec
L’attente qu’elle suppose.
Elle aime se suspendre
Aux lèvres cependant.
« Chuuuuut ! »
(singeant)
« Qu’il se taise à la fin !
On n’est pas venu pour ça !
On a payé ! On en a mal !
Mais ne sommes-nous pas
Ce que nous sommes ensemble ?
Tellement différents de l’autre !
Si proche de l’idée de Dieu !
Qu’il se taise à la fin !
Nous n’en pouvons plus ! »
Mais qui peut en ces temps
De bonheur à la clé ?
Rêvez de posséder
Et vous perdez un proche.
LE PUBLIC
D’une seule voix
C’est nous qui décidons !
L’Armée n’a pas de sens
Si on n’peut plus chanter
En goguette ou ailleurs.
Puis nous avons le temps.
Et Dieu entre avec nous
Dans le temple associé
Au meilleur de nous-mêmes.
Voilà qui est bien fait,
Bien pensé, bien à nous !
Nos enfants seront fiers,
Mêm’ quand nous seront morts !
Héritez la maison,
Prenez meubles et joies !
Nous somm’ venus pour rien
Mais ça valait le coup !
Un cri horrible !
Blanco brandit sa baguette,
Mais rien n’y fait,
Le cri continue de pousser.
Tout le monde est figé
Dans l’attente (sans doute).
Alors on voit arriver, titubant,
La soprano, bouche grande ouverte,
Bras en V, échevelée et terrible !
Elle atteint le niveau de la scène
Où se trouvent le chef de gare et le sycophante.
Río s’approche bien un peu, mais pas trop.
Elle halète entre deux poussées vocaliques.
Et ânonne enfin,
Brandissant la feuille de papier
Sur laquelle elle pose ses yeux horrifiés :
Jamais je ne pourrais chanter ça !
C’est au-dessus de mes forces !
RÍO
Veut-elle dire « au-dessus de mon intelligence » ?
LE CHEF DE GARE
Outré
Mais enfin, madame… !
Vous êtes payée pour ça…
LE SYCOPHANTE
Vous ne pourrez plus dire le contraire…
LA SOPRANO
Quel horrible personnage !
LE SYCOPHANTE
Horrible, certes, mais beau…
LE CHEF DE GARE
Étonné, au sycophante
Vous connaissez le texte… ?
(haussant les épaules)
Je ne m’étonne plus de rien
Venant de vous…
(à la soprano)
Comment se fait-il que…
LA SOPRANO
Hautaine
J’ai dépensé tout l’argent.
LE CHEF DE GARE
C’est bien ennuyeux…
Autant pour moi que pour vous…
(après réflexion)
Et pourquoi donc ne pouvez-vous pas chanter
Ce que contient ce feuillet arraché à l’automne ?
LE SYCOPHANTE
Surpris
Comment savez-vous que…
LA SOPRANO
Je ne peux pas chanter ceci
(elle secoue la feuille au son d’un tambourin)
Parce que c’est… de la prose !
TOUS
DE LA PROSE ?
LA SOPRANO
Contente d’elle-même
Comme je vous le dit. La différence…
TOUS
Agacés
On sait ! On sait !
LA SOPRANO
Mais ce que vous ne savez pas,
C’est que la prose ne se chante pas.
RÍO
Savant
Elle se dit.
LA SOPRANO
Avec humour
Or, ça ne me dit rien.
LE CHEF DE GARE
Perplexe
En concluez-vous qu’on vous a payée pour… rien ?
LE SYCOPHANTE
C’est ce que je conclurais
Si j’étais à sa place…
LA SOPRANO
Digne
Mais vous n’y êtes pas !
Aussi, trouvez quelqu’un pour… dire.
LE CHEF DE GARE
Les conditions de l’arrêt technique
Ne permettent pas de… trouver…
(il se gratte le crâne sous sa casquette)
LE SYCOPHANTE
Nous n’avons même pas de souffleur.
LA SOPRANO
Hautaine
Qu’est-ce que j’y peux, moi ?
Je ne trouve pas, je chante.
(elle fait mine de sortir
mais Río la retient par la manche,
ce qu’elle accepte avec plaisir)
Avant j’étais une enfant
Et un jour je serai vieille…
RÍO
Si vous êtes venue ne pas chanter
Pour dire ça…
LA SOPRANO
Heureuse de pouvoir enfin s’expliquer
devant tout le monde
Avant je ne disais rien
Et ensuite je me tairai…
LE CHEF DE GARE
Trépignant
Je n’ai pas été formé pour ça !
(menaçant)
Quand on est payé pour chanter, on chante !
LE SYCOPHANTE
Et quand on n’est pas payé pour dire, on se tait !
RÍO
Découragé
J’avais pourtant écrit en vers…
LE SYCOPHANTE
Amer
Vous n’avez pas eu de chance…
LA SOPRANO
Caressant la main de Río qui la tient
Je peux rendre d’autres services…
Mais ce n’est pas l’heure…
LE CHEF DE GARE
Consultant son oignon
En voilà du temps perdu !
LE SYCOPHANTE
La prose perd le temps
Qu’il faut pour la dire.
LE CHEF DE GARE
Impatient
Cessez de vous prendre pour Sancho
Et de me traiter de don… (à la soprano)
Mais où donc allez-vous avec l’argent
De la Compagnie ?
LA SOPRANO
Parlant de Río
C’est monsieur qui y va !
Mais je ne sais pas où…
Posez-lui la question.
LE CHEF DE GARE
S’interposant
Où allez-vous, monsieur… ?
RÍO
Hilare
Mais c’est elle qui…
LE CHEF DE GARE
Péremptoire
Vous n’irez nulle par avec mon argent !
LA SOPRANO
Rieuse
Vous voulez dire « celui de la Compagnie… »
LE SYCOPHANTE
Se joignant au rire
…qu’il s’agit maintenant de fausser…
LE CHEF DE GARE
Outré
Vous voulez dire que… de dire…
Cela… cela sonnerait faux… ?
LA SOPRANO
Je ne me tuerai pas à vous le… chanter !
Tout le monde rit,
Sauf le chef de gare.
Il tourne le dos à la salle,
Mais on entend sa voix
Comme venue d’ailleurs :
Je ne sais pas comment Verdi s’y prenait
Pour ne pas trahir son librettiste…
Mais je ne connais pas la musique,
Ce qui explique bien des choses.
(à la soprano, qu’il supplie à genoux
tandis que Río l’entraîne côté jardin)
Je ne vous demande pas de rembourser.
Ce n’est pas à moi de le faire (hésitant)
Enfin… je crois… (lui arrachant le feuillet
des mains qui semblent se transformer
en oiseaux, ce qui ravit Río) / Voyons
ce que ça…
LE SYCOPHANTE
Triomphant
…dit !
LA SOPRANO
Caressée
Il ne manquerait plus que ça ne dise rien !
RÍO
Ou pas grand-chose de nouveau…
LE SYCOPHANTE
…comme cela arrive avec la prose…
LA SOPRANO
…quand on n’a personne pour la…
LE CHEF DE GARE
Déprimé
…dire !
Jeux de lumières.
Comme on voudra.
Le vieux poste de radio est remplacé par un écran de poche.
Río dit qu’il a mal, mais il ne sait « pas où » ?
Il va de l’un à l’autre,
Comme s’il venait d’entrer pour la première fois
Dans une institution qui sait où il a mal.
On lui lance un journal.
Il se rappelle :
C’était « il y a pas si longtemps que ça » /
Il dit « on était jeune /
— qui ça « on » ?
— blanco et moi /
— qui d’autre en effet… ?
— lisez !
Il lit
/ ou fait semblant :
« redeviens normal, papa ! » répétait-il sans se lasser et papa se laissait faire. les mains de blanco passaient sur la peau flasque du vieux qui était allongé sur le ventre à même le volet arraché à ses gonds ancestraux. « je sais pas, vous (disait le vieux) mais moi ça me fait de l’effet. je crois que je vais changer.
t’as jamais changé. t’es toujours resté le même. maman…
elle est plus là pour me contredire ! laisse tomber !
et blanco continuait de passer ses mains sur la peau qui frémissait comme si cette histoire de fluide magnétique (ou autre chose) devenait aussi vraie que celle de l’existence de dieu racontée par des fous. j’en avais la chair tétanisée. j’étais assis dans le canapé avec des coussins dessous et une clope au bec, muet depuis qu’on ne me posait plus de questions. moi aussi je croyais que le vieux pouvait changer parce qu’il croyait que son fils était doué d’un pouvoir qui relevait de quelque puissance maléfique héritée de melmoth. mais pour l’instant le vieux ne ressentait rien qui ressemblât à un changement. ça devait se passer à l’intérieur de lui-même. ça commençait par une douleur et ensuite on se sentait mieux. blanco (avant de devenir musicien) avait expérimenté son truc sur moi. ça m’avait changé au point que j’y croyais plus. la douleur que j’avais ressentie était imaginaire. j’en étais devenu presque fou. j’étais sorti de là comme si j’y avais cru / à un moment donné. mais quel moment ?
ça va dit le vieux je ressens quelque chose que j’ai jamais ressenti…
c’est signe que ça vient dit blanco (qui l’avait déjà dit) / demande à río.
río n’est pas l’exemple à suivre grince le vieux.
il m’aimait pas à cause de ce que je savais. et aussi à cause de ce que j’avais dit. aux uns et aux autres dit comme ça pour être de la conversation. des fois on se sent si seul qu’on se met à parler / ou à écrire / ou à caresser un chien (un animal) en attendant que ça passe.
(ça va jusque-là monsieur l’éditeur ?)
bref on passait le temps à le perdre comme la plupart des gens qui n’ont pas de métier à opposer à l’ennui. et le vieux n’avait pas changé depuis quarante ans. il se souvenait d’avoir changé une fois mais ça n’avait pas été dans le bon sens / justement celui qu’il avait demandé à blanco de changer en s’activant sur lui avec ses mains héritées de la vieille qui était morte depuis aussi longtemps qu’on en avait envie.
et là ? dit blanco en tortillant ses mains d’une drôle de façon (si tu les tords comme ça dans une église on te prend pour un saint) / normalement tu devrais commencer à ressentir quelque chose…
genre quoi… ? j’ai pas tellement envie de souffrir parce que j’ai déjà mal et que ça me fait rien…
des fois ça vient de si loin qu’on se laisse surprendre et on se met à crier.
j’ai jamais crié / sauf après ta mère !
tu crieras si c’est comme ça que ça doit commencer !
ils s’engueulaient comme d’habitude. je fumais près de la fenêtre et le vent annonçait la pluie. c’est toujours comme ça à cette époque de l’année : on attend la pluie et elle vient. le jardin a l’air d’aimer ça et on se sent presque aussi joyeux que ses herbes folles. je ne sais plus quelle heure il pouvait être. on n’avait pas mangé avant de commencer. le changement du vieux s’était imposé comme la chose la plus urgente à mettre en œuvre. en bas la porte était fermée à clé / des fois que ça nous laisse le temps d’aller voir ailleurs si le don de blanco était une réalité ou un truc qu’on s’était mis dans la tête parce que sinon on se sentait aussi seul qu’on l’était. mais le vieux (pour l’instant) ne ressentait rien genre douleur qui arrive de loin (c’était comme ça que blanco en avait parlé) /
bref (dit le vieux) même si ça marche (ton truc) ça les empêchera de me demander comment j’explique ce qui est arrivé / des choses qu’on peut plus changer / mais est-ce que j’en ai envie ?
t’en auras envie lorsque ça viendra (ajoutant) de loin.
je veux bien le croire (continue le vieux) mais ça changera quoi si c’est ça qu’ils veulent.
ce qui est fait est fait décrète blanco et il multiplie les passes et moi je regarde l’espace entre ses mains et la peau inerte et je vois pas comment c’est possible sans au moins un signe. dehors il pleut. mais sans vent maintenant. comme si le vent laissait la place à cette eau tombée du ciel par principe. qu’est-ce que j’attendais ? le vin commençait à me donner des idées que je n’avais pas avant qu’on commence (si je puis dire qu’on a commencé ensemble le vieux blanco et moi) /
ferme la fenêtre ! ça me refroidit !
je ferme la fenêtre. je me supprime la pluie tranquille. elle se met à battre les carreaux. les arbres sont immobiles. la lumière n’a pas de sens. temps d’orage. ça va venir. j’aurais alors peut-être perdu conscience.
ouais c’est ça ! dit le vieux. on perd conscience et ça recommence alors qu’on avait l’intention de changer. tu parles si j’ai essayé ! plus d’une fois ! mais c’est la première fois que…
il frissonna soudain. quelque chose arrivait. il croisa le regard savant et inquiet de blanco qui maintenait le rythme. ma fumée les rejoignait mais ça les gênait pas. ils étaient concentrés autant l’un que l’autre. ne disant rien parce que ça arrivait. de si loin qu’il n’y avait plus de mot pour en dire quelque chose de sensé. c’est ça le vrai silence. celui qui se tait. avec une bonne raison pour la fermer. mais moi j’avais envie de parler. comme au comptoir avec les potes. les soirs d’été comme en hiver après le boulot. des conversations qui me revenaient comme si elles étaient d’hier alors que le temps avait passé pour les changer en scène à faire. le vent secoua brièvement les carreaux. pas un insecte pour fuir. l’eau dégoulinait en traces rapides. ça me filait le mouron. pourquoi j’étais venu ? en quoi ça me concernait que le vieux change ou pas ? je crois pas que blanco m’eût invité à assister à cette séance où le fils est censé changer le père. je savais tout des raisons qui s’imposaient à l’esprit de l’un et de l’autre. mais en quoi j’étais concerné ? j’ai pourtant jamais su que bavarder avec les autres. le nez dans un verre pour y trouver les mots. ya jamais eu de mots dans un verre / même plein !
ça y est ! dit le vieux. je ressens quelque chose.
ça ressemble à quoi dit tranquillement blanco qui perdait pas le nord.
ça picote… (le vieux sombre d’un coup dans l’inquiétude) ça doit picoter… heu… d’après toi… ?
ça dépend des gens, explique blanco. río, lui, ça le picotait pas (j’en tremble) mais ça l’a pas empêché de changer. regarde ce qu’il est devenu…
le vieux ne me regardait pas. je fumais dans leur direction, presque méchamment. le vieux dit :
ça lui faisait quoi si ça le picotait pas ?
faut lui demander.
mais le vieux ne me parlait plus depuis longtemps. j’avais été le premier au courant. il m’en voulait d’en avoir parlé aux autres avant de le consulter. après tout, ça me regardait pas, ce qu’il faisait ou ce qu’il ne faisait pas. il avait dit aux flics qu’il finirait par me tuer. et quand il est sorti de taule il est pas passé à l’acte. les flics se fichaient de ce qui pouvait m’arriver maintenant qu’il avait payé sa dette. mais je dois avouer que pensant longtemps j’ai pensé à me mettre à l’abri, voire à quitter les lieux. je sais pourquoi je suis resté. c’est l’essentiel.
on peut changer en bien ou en mal, dit le vieux qui frissonnait. faut avoir vécu les deux pour en parler. je suis un sacré témoin. ils vont me questionner pour en savoir plus.
ils savent rien dis-je en soufflant ma fumée sur sa nuque embroussaillée.
que tu dis ! (colère du vieux / mais vite calmée par un nouveau frisson)
vous feriez bien de parler d’autre chose si vous voulez que j’y arrive !
moi : j’ai rien demandé… je suis venu parce que tu…
qui ne le savait pas ? il y avait du monde chez popol. ça circulait. j’aurais donné cher pour transcrire ce flux. conscient que j’étais que la page ne peut pas contenir cette marée constante. et puis j’en étais le personnage. j’avais un nom. un métier. une utilité. et même une femme. il ne me restait plus qu’à lui faire un enfant. c’était en discussion. le vieux interrompit ma réflexion :
ça fait au moins trois minutes que je ressens plus rien.
je me suis déconcentré à cause de río qui…
une averse maintenant. le jardin disparaît derrière les gouttes écrasées. plus d’arbres nus. plus de feuillages non plus. le martellement de la pluie sur le toit. ça m’a toujours donné envie de m’endormir pour toujours. ne jamais revenir. en tout cas pas au même endroit. celui qu’on a toujours connu. mais faut sortir, même sous la pluie, et malgré le vent et l’orage, pour tomber sur autre chose. ça ne se rencontre pas au bout de l’allée. même la rue est peu propice aux trouvailles qui changent l’existence en vécu. pas besoin de passes magnétiques pour ça. ni de flic pour en savoir plus sur ce qu’on sait déjà. j’allumai une autre cigarette. la nuque du vieux frémit. il était tout à moi, je le savais. il ne tourna pas la tête une seule fois vers moi, histoire de mesurer l’importance que je prenais dans sa vie, celle qui devait recommencer sous les mains de blanco.
si j’avais su… commença-t-il.
blanco eut une contraction au niveau du regard. mais ses mains ne paraissaient pas en être affectées. elles suivaient la procédure avec une minutie d’araignée au travail du plafond.
si j’avais… dit le vieux puis :
si…
puis plus rien. comme s’il me laissait la parole. je croyais que la pluie deviendrait assourdissante. j’attendais qu’elle le devînt. j’avais cette patience. depuis l’enfance, je suis patient. jamais un signe de hâte en regard de l’attente. comme si je savais que ce qui doit arriver arrive de toute façon. le vieux était d’accord avec moi sur ce sujet. il avait agi parce que « c’était écrit ». par qui et pourquoi ? il n’en savait pas plus que moi sur cette question. mais maintenant, une fois de plus, à vingt ans de distance, on allait lui reposer la question. et dans les mêmes conditions. la même loi qui s’en prend à celui qui ne respecte pas le corps d’autrui. on n’a vraiment pas le droit d’en faire ce qui nous chante. et ça chante si bien si on y pense. et puis vous savez ce que c’est une averse : ça s’interrompt sans explication. le soleil perce le ciel et ses rayons viennent jouer avec les gouttes descendantes. le vieux s’impatiente :
ça va bientôt finir ? avec ta mère : ça durait jamais plus que ce que je pouvais supporter sans la remettre à sa place.
vous n’oseriez pas agir de la sorte avec votre fils, dis-je.
si j’oserais ? j’ai tout osé dans ma vie. et j’ai gagné si souvent que ça m’a encouragé à recommencer. ah ! bon dieu ! recommencer !
vous n’oseriez pas !
ferme-la, río ! grogne blanco.
toujours pas d’étincelles sous ses mains. la vitre est froide. sans insecte. l’été, ils sortaient de dessous les meneaux. les voici en chasse ! quel plaisir d’écraser les plus lents, les moins propres à vaincre mon imagination !
je la fermerai si je veux !
le genre de réplique qui installe le silence. on n’entend plus que les craquements de la couchette où le vieux donne des signes d’abandon. il en veut plus, de ces « simagrées ». il ferait mieux de fuir avant que les flics s’amènent. ils viendront. c’est décidé comme ça. le temps pour eux de se souvenir de cette barraque où il a connu les dangers de l’enfance.
bon dieu ce qu’on était pauvre ! et à peine français…
je revois ça moi aussi. à trente ans de distance, la même histoire. le même personnage qui sort pour jouer et qui revient au nid pour avoir peur de sortir. la solitude. c’est gagné d’avance. la question de savoir qui a joué à notre place (à la place de l’enfant qu’on redevient de temps en temps) ne se pose pas. du moins pas en termes aussi clairs. toit et feuillages des ciels. non : c’est pas au bout de l’allée que ça se trouve. l’angoisse rencontre un corps et ça recommence.
blanco, découragé :
quelque chose se passe qui m’empêche…
le vieux : c’est río. pourquoi est-il là ? il est toujours là ! j’en ai supprimé pour moins que ça. le tour du monde que j’ai fait ! et en moins de temps qu’il faut pour écrire un roman destiné à l’éducation républicaine !
tu délires. c’est toi le problème. pas río.
tu l’as toujours pensé, fiston. et ça a tout foutu en l’air entre toi et moi. j’aurais pas dû revenir de là-bas…
les voyages. on en parlait pas plus tard qu’hier. (c’est moi qui parle, une fois de plus)
avec qui que t’en parlais, foireux de bavard !
le vieux montre son poing sans se retourner :
si je le tenais…
ce que tu tiens, c’est un billet pour les assises.
il mourra derrière les barreaux (c’est moi qui…)
je mourais pas sans toi, río !
le vieux se met à rire. ça le secoue. les mains de blanco s’immobilisent. je vois les étincelles. ou ce qui y ressemble. nouveau récit.
des fois je me demande… commence le vieux.
tu te demandes quoi… ?
si je suis vraiment parti… et pourquoi je suis revenu. là-bas, on me demandait rien. quel que soit leur âge… j’en ai fait, des promesses de mariage !
tu as toujours su mentir. autant que je me souvienne…
tu étais un enfant. et je n’étais pas là pour jouer.
je jouais seul.
la tragédie de blanco : l’onanisme. j’en ai ri. mais jamais devant lui. je n’en parle jamais, même devant un verre offert. on me tire pas les vers du nez aussi facilement.
regarde voir s’ils arrivent au lieu de dire n’importe quoi !
la pluie avait cessé. le vent caressait les feuillages et les haies. le portail était resté ouvert. on ne l’entendait pas grincer. la rue était masquée par les laurières. on voyait des toitures, des éclats de fenêtres, on entendait des voix, si lointaines qu’elles semblaient habiter un autre monde.
tu crois vraiment à ce que tu dis ?
à quel sujet… ?
l’autre monde… si près d’ici. mais pas facile à distinguer d’ici même.
je sais qu’il n’y en a plus pour longtemps. c’est tout ce que je sais. pour le reste…
j’ai déjà vécu ça, dit le vieux. mais là-bas, on me foutait la paix. pas une question, rien ! je rembarquais et ça recommençait plus loin. on s’habitue à ce rythme. on en oublie qu’on a un foyer quelque part. j’ai pris la plume quelquefois. c’est dans le sang des voyageurs, le blog.
une date (quelconque) — vu la baleine bleue à l’endroit même où c’était écrit dans le roman. émerveillement de tout l’équipage. les photos circulent à travers le monde. en moins de temps qu’il en faut pour le dire. et même le penser. nous avons subi la même transformation que le vaisseau : le moteur est en nous maintenant ; le vent et les courants n’ont plus d’importance.
le vieux se marre :
vouais ! c’est moi qui ai écrit ça. et j’étais pas aussi jeune que vous l’êtes maintenant que je suis vieux. continue, fiston, je sens que ça vient.
je sais pas, papa… j’ai perdu le fil. j’ai plus la… passion.
tu la retrouveras quand ils viendront me chercher. ça s’est déjà passé comme ça. souviens-toi.
j’étais un gosse ! et puis maman était là. (amer) elle me manque tellement !
tu ferais bien de penser à autre chose. le moment est mal choisi… à une heure de mon arrestation.
une heure ? (c’est moi qui…) comme si vous pouviez le savoir…
ça s’est déjà passé comme ça. ça va recommencer.
furieux, mais sans se retourner vers moi :
ça n’aurait pas dû recommencer !
ne t’agite pas, papa ! ça sert à rien. j’ai perdu le contact avec ta chair. c’est inutile de continuer. río ? sers-moi un verre. j’en ai besoin.
j’en ai besoin moi aussi (dit le vieux).
et on recommence. on est bien parti quand les flics arrivent. ils entrent par le portail qui est resté ouvert. ils gravissent les marches. ils ont progressé sans les précautions d’usage, armes à la main. la porte d’entrée couine. les pas sur le lino du corridor.
vous êtes là ?
derrière la porte, oui. tous les trois immobiles et l’un contre l’autre. mon oreille est collée à la porte. blanco regarde ses mains. le vieux se frotte les yeux.
qu’est-ce qu’ils savent ? dis-je à voix basse.
tu le sais bien, ce qu’ils savent, collabo !
peut-être qu’ils ne savent rien, suppute blanco en regardant ses mains.
ils en savent assez pour entrer dans la maison sans y être invités !
je n’ai pas tout dit… (c’est moi qui révèle)
le vieux me regarde comme si je venais de lui donner de l’espoir, mais il dit :
qu’est-ce que t’entends pas là… ?
c’est moi qu’ils viennent chercher.
le vieux n’en croit pas ses oreilles. il enfile sa chemise et la boutonne. blanco n’a pas l’air surpris par ma révélation. il croit peut-être que je suis en train de piéger son papa. c’est sur lui qu’ils sauteront dès qu’ils auront défoncé la porte. il ne voit pas d’autre issue à l’impasse qui nous interdit de penser autre chose que ce qui nous vient à l’esprit automatiquement.
tu crois… ? dit le vieux.
il serre sa ceinture, rentre les pans blancs de sa chemise, sort un mouchoir de sa poche pour s’essuyer les lèvres. qu’est-ce qu’il peut baver sans ses dents ! elles trônent sur la table de chevet. blanco avait prétendu qu’elles pouvaient interférer. un râtelier complet avec des traces d’or. « j’en ai mordu quelques-unes avec ça ! et exactement où tu penses. quelle mémoire ! »
Le monde à travers le verre / le disque brun
Qui danse sous les yeux de quelque témoin
Qu’on n’a pas invité / « Qui veut entrer ? »
La question a pourtant été posée / claire
Comme l’eau des fontaines et odorante
Comme les roses de ses environs / là-bas
On recommence « parce qu’on est fait
pour ça » / « si je n’étais pas venu vous
dire ce que j’en pense » / voici le temps
D’une halte entre les îles / « nous n’irons
pas plus loin » / « faites ce qu’on vous dit
/ et ne changez rien à ce qui est depuis
toujours » / malgré les vomissures noires
Et les pas qui ne laissent pas de traces /
« voulez-vous mon bras ou autre chose ? »
À Paris on éditait la prose de la poésie et
Ailleurs exactement le contraire : « esprit
provincial, va ! » / que faire si on y arrive ?
Qui ne possède pas le chat de sa pipe ?
Le vent se lève et chasse les nuages.
Le soleil éclaire les feuillages et les trottoirs.
Le quai devient glissant et des enfants s’amusent.
« Je ne sais pas si vous avez connu la ville
Du temps de sa splendeur… »
Les voix s’enchaînent.
Pendant le temps (infini) de ces conversations,
Le quai (et donc les voies ferrées) pivote
Et se met en perspective,
Révélant l’autre quai où
Quelqu’un (un homme ?) attend,
Bagage au pied et le dos tourné
Vers cette figuration de l’infini.
Porterait-il un chapeau
Qu’on ne changerait pas d’époque.
Chacun veut donner son avis.
Les sujets ne manquent pas.
Ils défilent en masse chiffrée.
On reconnaît des visages
Appartenant aux spectacles.
« Ce n’est pas la première fois.
Mais j’étais enfant en ce temps-là
Et j’aimais les ponts et les trolleys-bus.
Nous arrivions à bord de ce même train.
Je veux dire : le même horaire
Conditionnait les heures à passer ici
En attendant de revenir chez nous.
Avez-vous vous-même voyagé dans ces
Conditions
— Je ne sais pas pourquoi je suis venu.
Nous savions lire dans le marc de café.
Nous ouvrions les livres à la bonne page,
Celle qui démontre que l’autre a tort.
Que de procès pour alimenter le Temps !
La question de la beauté ne se pose pas.
Ni celle du péché, encore moins de sa
Rémission
Rien n’est mois durable que la douleur.
D’autres gravent les dalles sous nos pieds.
Que de rencontres sous les portiques !
Qui est qui ? Qui me ressemble ? Qui
es-tu ?
les idées à la place des signes
il rêvait de construire une tour
parfaitement verticale
au beau milieu de la fontaine
mais qu’est-ce que c’est beau
une fontaine !
Qui veut entreprendre pour exister
à l’endroit même
où rien n’existe ?
nous attendons : la tête pleine
d’idées gravées dans les dalles
entre la porte monumentale
et la crypte des souvenirs, roman
achevé-inachevable / qui veut
tenter sa chance à son tour ?
à Pise ou ailleurs en Amérique/
ces tours de passe-passe en jeu
comme dans un cirque qui revient
au même endroit au même moment
crucial pour l’enfance.
Dans le marc de café nos pas lents
Comme le cours de l’Histoire qui
Vient de se répéter avec la même
Voix / et un livre sous le bras pour
Pallier l’ennui qui s’annonce avec
L’orage : dernier mont qui s’achève
En cap et la mer concluant l’océan
Entre deux pays si différents !
Aux interstices le ciment de nos amours !
Les anecdotes et les evidences / séries
Dans la série des malheurs que le vent
Éparpillera finalement ou plutôt non :
Ce n’est pas une fin qui nous attend :
C’est l’oubli que toute cette solitude
Annonçait cigarette après cigarette
Sous le porche des gares / voici l’enfant
Qui aima l’enfant :
Un jour nous serons sûrs de ce que nous disons
Et alors tout ce qui ressemble à de la poésie
Sera de la poésie ou ne sera pas.
Gravé dans les dalles rouges de l’allée.
Les sentences avec les principes, seuls
Avec un bouquet de fleurs traditionnelles
Contre soi, amené là par on ne sait quelle
Idée qui s’était annoncée avec le vent
Au goût d’embrun / la pourriture bleue
D’une méduse / le ventre arraché d’une
Mouette / les écailles distinctes (clairement)
Des traces de coquillages / au fond de
Porcelaine distinguée les fantômes de
La prosodie abandonnée au profit de
La clarté ou soi-disant lisibilité du texte
En cours de formation / voyez (dit-il)
Comme je sais lire dans vos restes /
Moi qui ne sais rien de la société
En dehors des pratiques publicitaires
/ dans l’allée aux dalles tracées depuis
Longtemps cheminant en attendant
Que le roman s’achève par interruption :
La série n’aura pas lieu !
Mais qui aime que le jour n’annonce pas
Des joies que personne ne peut tempérer ?
Nous savons vivre dans les meubles de
Nos catalogues / livres ouverts/fermés
Par les doigts des fées ô berceaux de
Nos civilisations dans les vitrines des
Rues ! — Qu’est-ce qu’un livre sinon
La seule manière de le refermer sans joie ?
Le revoici en glissade sur le parquet
Du théâtre que la rue angulaire par
Définition rejoue une fois de plus :
Qui veut des couleurs ? Qui veut
Revivre la scène ? Qui veut ce que
Tout le monde veut ? Qui prétend
Inventer au lieu de recommencer ?
Dans le marc de café, assis l’un en
Face de l’autre, avec dans le dos
Les passants inutiles, l’étendue
Bleue de la mer et le triangle d’or
Des sables peuplés de cristallines
Facettes / ô anime des surfaces !
Que les mots redeviennent des mots !
Qu’on se retrouve par divination !
Alors que le fleuve (singulièrement
Étriqué par son estuaire) emporte des
Cadavres d’émigrés / pauvres corps qui
N’ont pas connu l’âme mais : qui ont
Manqué le train des futurs embarquements
Pour Cythère : ô prose mirifique des allées
Pavées de citations et de noms de famille !
Dans quelles conditions ces retrouvailles ?
Une fois la mort passée par là, sommaire
Mais sans énigme, parfaitement identique
Aux conditions du texte : passage des cafés
Sous prétexte d’orage : une après-midi
D’été : le vent porteur de bonnes et de
Mauvaises nouvelles : comme d’habitude
Les premières gouttes : hésitantes mais
Prévenantes : trouant la poussière des
Surfaces ici en jeu : qui sommes-nous
Si nous ne continuons pas ce que nous
Avons commencé ?
Au café tintant
La porcelaine précieuse et recherchée,
Chapeaux fleuris et plis de lumières,
Conversation pour redire ce que nous
Savons depuis longtemps, un peu de
Poésie aux entournures, voyant la marée
Recommencer ce qui ne s’est pas achevé.
Comme la nostalgie n’a plus d’importance !
Des noms de famille en creux de burin !
Des ors délavés par les orages têtus !
Les feuilles arrachées aux printemps !
Et finalement cette solitude qui laisse
Des traces de coups portés dans la pierre.
Je reviendrais après l’automne.
Je ne conçois pas d’autre hiver.
Quel rêve de printemps menacera
Ma folie ? Je n’en sais rien, Río !
Qui aime l’été se perd en route.
Le galet ne parle pas notre langue.
Mais qui parle à notre place, l’été ?
Je ne sais rien de ma folie, Río !
Nous ne lisons pas, sauf pour trouver
L’inspiration / nous n’écrivons pas
Si écrire c’est manquer de temps.
Vois comme je perds mes feuilles,
Dit l’arbre qui ne perd rien à attendre.
Après l’automne traversé comme
Une métaphore facile à retrouver
Au fil des lectures, chaque jour est
Un personnage perdu pour toujours,
À même les planches,
En pleine lumière.
Río, je ne t’ai pas rencontré ici.
Tu me suivais depuis longtemps.
Je ne me suis pas retourné à temps
Pour renouer avec la conversation
Des enfances hypothétiques.
Quelle promesse que le passé !
Mais le présent n’a pas le temps.
Les heures ont trop de futurs
En elles.
Métamorphose du train de l’enfance
En bateau qui ne ressemble à rien
Tant la mer est un lointain présage.
Oui, oui, nous savons lire dans la porcelaine bleue
Que le soleil fait miroiter dans nos rêves.
Nous avons assez de vocabulaire pour imaginer
Les futurs voyages de l’humanité.
Gloire à qui veut entendre ces cris d’amour !
N’imitez pas l’interprète qui revient.
Oui, oui, oui ! Toujours en phase prémonitoire !
Au café à Paris ou dans sa Venise.
Les traces qui laissent penser que cette comédie
Ne se joue pas que pour des fous.
Nous avons tout l’hiver pour y penser, ensemble.
À l’hôtel les moineaux jettent un œil
Indiscrets à travers le carreau déjà mouillé.
Ou bien ne comprennent-ils pas
Cette invisibilité de façade.
Petits pas dans les grands.
Oui, nourris de passages entre et sur les noms.
Avec l’écho dû aux caractéristiques de cette
Architecture venue de loin pour nous visiter
Encore et encore ! Au ciel la reproduction
(à une échelle qui reste à déterminer) du
Bateau (ne dites pas navire) qui emporta
Nos rêves bien au-delà ce que qui (hélas)
Se laissait encore rêver / à cette époque
De livre refermé pour toujours à la page
Des réminiscences / catimini (on ne se
Lassera pas de le répéter) / ni joie ni jeu
/ loin de toute prévision / hiver après hiver
/ dans le regard des plus anciens / cette
Folie qui ne dit pas son nom / au seuil
Agissant sur les potentiomètres / verre
Pas loin de soi / Quel soleil ces degrés !
Comme si la femme n’était que l’accessoire
Et le désir une récompense héritée des dieux.
Oui, penchés sur les grimoires de cuir, vieux
Et sans doute fatigués, mais voués à l’éternité
Que l’infini laisse encore supposer / vous êtes
Nos hôtes et nous écoutons vos chansons /
Aussi vieilles soient-elles.
Plus loin jouent les enfants,
Comme si nous n’avions pas
Vieilli / pas plus loin que la
Fontaine qui abreuve encore.
Pendant que la page éternise
Un moment de sa copie dans
L’étrange dureté de la pierre.
Les barreaux sont rouillés, la chaux écaillée,
La porte sans porte, rose toujours du seuil,
On y reconnaît la craie qui laissa sa trace
Pour imiter ce qui se chantait, comme je
T’aimais ! Sans rideau la fenêtre est l’absente.
Bris des conversations habituelles plus que
Saisies de traditions qui n’ont rien perdu
De leur sens, certes, mais qui datent ce jour
Avant la nuit qui tombera cette fois pour
Toujours. Nous aimions les tombes et les
Allées. L’eau du barrage ponctuait le silence.
Qui est-ce ? Si lointain et pourtant si proche
De nous ? Ne réduisant pas la distance mais
Lui donnant son nom. « Comme si c’était
À moi qu’il parlait. » Nous le vîmes (dit le
Blog en question) plonger du haut de la
Tour de guet puis s’envoler vers la mer
Comme s’il y habitait ou qu’il était hanté
Par elle. Plus haut encore les restaurants
Sentent bon la truite et le jambon. Gloire
À ceux qui ne sont pas revenus pour être
Ce que nous sommes nous-mêmes devenus !
J’voudrais pas vous embêter avec ça,
Mais cette chose m’appartient de droit.
Ne lui donnez pas mon nom si ce que
Vous voulez n’a rien à voir avec ce que
Je suis.
Cette tragédie d’acte en acte ressemble
À un voyage en mer en compagnie des
Plus riches d’entre nous (qui sommes
Pauvres ou peu s’en faut) / Poeta, dime
Si me equivoco / couteau des parturitions
Sur l’horizon ainsi peint un jour d’orage
En un autre pays / j’voudrais pas, voyez-
Vous, vous ennuyer avec ce que je
Possède, mais si mon nom efface
Celui de cette terre, alors prenez-
Le et ne revenez pas avant l’été
/ disait-il : nous ne comprenions
Pas. Les poètes, voyez-vous, sont
Différents de nous : le verbe y
Pousse comme l’herbe entre les
Pierres de nos adrets : Égypte des
Phénomènes touristiques : peau
Arrachée à son cri / je vous disais :
C’est à moi, mais prenez-le, comme
Si vous finirez par le posséder :
Je vous le dis : je n’ai pas vécu !
Étrangeté des poèmes d’eau.
Vous finirez par m’aimer comme
Je vous aime / comme je regrette
De n’avoir pas suivi le chemin
Tracé par mon père ! / comme
Je suis fatigué de m’entendre !
L’eau descend avec ses fleurs.
La pierre rénovée des chemins
Tracés pour ne pas se perdre.
Les cassures des angles morts.
Les usinages retrouvés par hasard.
Comme je suis fatigué, mes amours !
Où finit l’eau je m’achève en terre.
Je suis déjà venu ici, mais par la voix
De je ne sais plus quel poète mort
De ciel et de terre / sans saison
À la clé : sinon le cœur ne bat plus.
Des racines deviennent épithètes.
Et je reviens sur ce que j’ai dit.
L’eau ne s’arrête pas en chemin.
Poursuivre la feuille morte ou
La lettre perdue ne sert à rien.
Les traces ne figurent plus au
Programme : nous sommes morts
Tous les deux / à Grenade morts
Sans éternité ni mots pour le dire.
Le soleil laisse tomber ses faux
Présages dans le fond de la tasse.
Qui est-il, si proche et si lointain ?
Si jeune et si vieux ? Qui peut-il
Être maintenant que l’eau suit
Nos propres traces ? L’eau des
Murs et des arbres / citerne
Profonde des sièges meurtriers
Comme la poésie les aime !
Sais-tu
Au moins
Où tu te
Trouves ?
Vous embêter ? Oh non, pas moi !
Je n’ai plus le cœur à l’ouvrage
De nos chants ! Je donne mais
Je ne reprends pas. Je suis ce
Que vous voulez que je sois !
Ainsi poursuivant les scorpions blancs.
Dans un sens ou dans l’autre, poursuite
De ce bonheur d’exister sans langage
Sous la langue, assassiné par le soleil,
Sans mythe en guise de clé, ni amour
Pour en écrire l’amnésie séquentielle.
Tenez ! Je vous le donne. C’est de bon
Cœur ! Prenez-le et continuez de rêver
Que vous n’êtes pas venus pour le prendre.
Ici, les rues sont des coups de crayons.
Et les chants des rideaux au vent des seuils.
Qui passe ne fait que ça ! Yeux pris au piège
Du marc. Ainsi naît l’angoisse qui ne quitte
Pas sa matrice. Prenez et ne me demandez
Pas pourquoi. Nos pays sont ennemis !
Oui, oui, bien sûr : on écoute même si la langue
Nous est étrangère : on reconnaît les accords.
Masques festifs sous les orangers de la mosquée.
La terre est la même pour tout le monde.
L’eau est l’eau et le soleil le soleil. Pas moyen
De changer la pluie en roman de gare !
Comme la poésie est poésie quand ça y est !
Nous lisons aussi bien que les autres / ressacs
Des marées hautes à fleur de rocher / lamparo
Des nuits denses comme le sens à donner aux
Choses qui n’ont pas lieu / ce qui est donné prend
Un sens : et nous entrons pour accepter de boire
L’eau du puits / comme l’enfant est enfant si
C’est l’heure ! Chanson des rois et des reines.
Qui invente ne ment pas. Conditions et rémission.
Martèle dans la pierre des chemins, jours et nuits.
Ne sait plus s’il a chanté ou si le silence l’a emporté.
J’voudrais pas vous embêter.
Mes amis, c’est une tragédie.
Je ne sais rien d’autre de la vie.
Et pourtant j’en ai bu, des verres !
J’ai suivi le chemin de mes pères.
Quelle mère ne s’en souvient plus,
Morte qu’elle est, et pour toujours !
Redevient enfant qui ne veut pas
Mourir de cette façon, tragiquement.
Mais je ne suis pas celui qui meurt.
J’ai toujours eu l’âme d’un valet
Et je l’ai gardée comme mon bien.
Voilà ce que je vous donne ce soir.
Prenez et sortez ! La rue est pleine
De gens parce que c’est la nuit,
Sinon ce ne sont pas des gens !
J’ai le pop-corn facile ce soir.
Les mots me viennent à l’esprit
Comme l’eau des toits, tributaires
De vos pluies, et elles sont versatiles
Hors saison. Vous embêter, non !
Je n’ai pas la gloire en nœud.
Je regarde mourir les coulisses
Et renaître le souffleur mort
D’hier et même d’avant-hier.
Pour moi pas de pluie sur le crâne,
Sans pébroque ni suroît, ni
Prestige (cela va de soi), ni
Voiles toutes dehors / je suis
Ce que vous voulez que je sois.
Mettons que je ne m’appelle pas.
Comme c’est difficile quand c’est facile !
(dit-elle un peu naïvement) Et plus c’est
Facile, moins j’y crois ! (rit-elle enfin)
Quelle tragédie je suis en train d’écrire !
Et ce n’est même pas la mienne ! (dit-il)
Si encore nous respirions le même air…
Mais nous ne parlons pas la même langue.
(oui, oui, c’est la même langue mais nous
N’en pratiquons pas les mêmes signes)
Gloire à ceux qui n’écrivent rien pour écrire !
Nous irons à Venise saluer le petit lion marrant.
Ou nous n’irons nulle part histoire d’y aller.
Nous aurons des conversations éclairées
À propos de l’eau, de la terre et des migrations
Qui compliquent les vécus.
C’est déjà arrivé à mon père.
Dire que je ne sais rien de ma
Mère et tout (peut-être) de toi !
Qui sait écrire sait ne pas écrire.
Rêvez d’être le premier
À la hune du seul encore
En vue de la dernière île.
Comme c’est difficile quand c’est facile !
Et comme les baleines sont bleues !
Les mots me manquent pour te dire à quel point
[il écrivait des lettres et les postait après l’apéritif]
Comme c’est facile d’être difficile !
Prenez ! Prenez tout ! Sans compter.
Sans revenir. Sans aimer mon pays.
Prenez ce que je donne, le marc, le
Café, la porcelaine bleue de Chine,
Le guéridon sous le soleil, son ombre
Portée, la vitesse des gens pressés
De rentrer avant la pluie, le théâtre
Où je vis de ne jamais en mourir !
Voyez comme il est facile de recommencer.
Un jour vous reviendrez
Avec ce que vous possédez.
Vous voyez. Et ce que vous voyez est ce qui arrivera si c’est écrit. Je ne vends rien, mais si vous aimez savoir ce que personne ne sait encore, un don, même symbolique, sera le bienvenu, car l’avenir n’est qu’un fragment du Temps. Lors de ma conférence (je vous ai distinguée parmi les autres), vous avez compris que je suis revenu d’un long voyage et que le Diable n’y est pour rien. Que diriez-vous d’une rencontre avant l’été ? Nous pourrions élaborer ensemble quelque projet d’envergure. J’ai ma petite idée sur le sujet. Et vous, ma chère… ?
Río ! Río ! Río !
Je ne suis pas venue pour ça !
J’ai pris sur mon temps.
Et tu sais qu’il ne m’appartient pas.
J’ai des obligations.
Ne me force pas à attendre.
RÍO
Tu dois de l’argent à la Compagnie.
Demande au chef de gare ce qu’il en pense.
Il se met à sauter à la corde.
C’est bien beau, la beauté et consort,
Mais j’ai envie de m’amuser avec toi.
Ne me demande pas de payer la Compagnie
À ta place : je n’ai pas un rond, et pas l’intention
D’en gagner si on peut appeler ça gagner !
L’homme s’approche.
Il porte une valise dans la main droite
Et son imperméable bleu sur son avant-bras gauche.
RÍO
Insolent
Ce n’est pas vous que je suis venu chercher…
L’HOMME
Qui pour l’instant n’a pas de nom
Ce qui ne l’a pas empêché de descendre du train
« en plein arrêt technique »
Je ne vous ai rien demandé…
Mais si vous insistez…
RÍO
Reculant
Mais je n’ai pas insisté !
L’HOMME
Jetant un regard circulaire
À qui parliez-vous ?
Il n’y a personne d’autre
Que vous et moi ici…
Río jette le même regard, mais avec angoisse.
Vous voyez ? Vous et moi.
Et bien sûr, ma valise.
Mais ce n’est pas une personne…
Bien qu’elle contienne tout ce que je sais…
(constatant le recul de Río avec un amusement non dissimulé)
Vous ne voulez pas savoir ce que je sais… ?
RÍO
De qui ? De quoi ?
Où sont-ils donc passés ?
Vous le savez… heu… peut-être…
L’HOMME
Mais je vois que j’ai interrompu vos jeux… solitaires.
RÍO
Pas si solitaires que ça !
L’HOMME
Pourtant…
RÍO
Lorgnant la valise
En tout cas vous n’en savez rien !
(méprisant)
Vous avez l’air d’un voyageur… de commerce !
Il n’y aura jamais d’argent entre vous et moi !
Je vous préviens au cas où vous vous imagineriez…
L’HOMME
Oh, vous savez, mon imagination…
Mais je n’ai pas imaginé votre attente.
Je suis sûr au moins de ça…
RÍO
Monsieur est sûr de ce qu’il ne sait pas !
En voilà un philosophe ! (craintif) Cette valise…
L’homme la soulève un peu, sans l’ouvrir.
L’HOMME
Tout ce que je possède y entre sans forcer.
Vous voulez voir de quoi il s’agit… ?
(regard circulaire)
Nous sommes seuls… Nous pouvons…
RÍO
Je vous ai déjà dit qu’il était trop tard.
L’HOMME
Mais je croyais être pile à l’heure…
Cet express n’est jamais en retard…
Ce n’est pas la première fois que…
RÍO
Hilare
Vous l’avez dans l’os !
Ceci est un arrêt technique.
Ce n’est pas la bonne heure !
Demandez au chef de gare.
L’HOMME
Vous oubliez que nous sommes seuls…
RÍO
Terriblement inquiet
Nous étions si nombreux tout à l’heure…
L’HOMME
Ironique
Mais était-ce la bonne heure… ?
RÍO
Je sais faire la différence
Entre la bonne heure
Et la mauvaise, rassurez-vous !
L’HOMME
Et bien dans ce cas, serrons-nous la main.
L’homme tend sa main,
Celle qui porte l’imperméable bleu,
Cette épaule s’abaisse un peu,
Ce qui hausse l’autre épaule
Dont le bras tient la valise.
Río observe ce manège avec une attention « soutenue »,
Sans cesser de regarder autour de lui,
Plus que perplexe…
Il ne tend pas sa main.
Peu importe (dit l’homme)
Puisque vous ne me connaissez pas
Comme je vous connais…
RÍO
Bondissant
Vous me connaissez ! (dites-vous)
Et je ne vous connais point (dis-je)
. Ce qui (continuai-je) importe peu,
En effet. Je n’ai pas de main dans
Ces situations…
L’HOMME
De quelle situation… ?
Río hausse les épaules, trépignant sans exagération.
Vous voulez dire : dans l’attente de quelqu’un…
Río secoue la tête de bas en haut comme un guignol.
L’homme finit sa phrase (enfin !)
…qui n’est pas moi (il réfléchit longuement)
…même si je n’ai pas encore de nom…
…dans votre tête…
RÍO
Bredouillant
Papa… ?
L’HOMME
Bien sûr que non !
RÍO
Impératif
Vous n’êtes pas ma maman !
Il tape du pied,
Ce qui déplace sa tête sur une épaule
(celle-ci au choix du spectateur)
Et fait pencher celle de l’homme sur sa poitrine cravatée.
Río, se risquant :
Blanco… ?
L’HOMME
Dédaigneux
N’exagérons pas !
(un temps)
Si je vous dis que je suis ce que je ne suis pas….
RÍO
S’exclame
Iago !
L’homme rit et donne sa valise au porteur qui passe,
Mais que Río ne voit pas passer,
Ce qui a pour conséquence :
Il voit la valise s’éloigner toute seule !
La quittant soudainement des yeux,
Il se met à surveiller l’imperméable bleu.
L’homme dit :
Nous ne sommes pas au théâtre, mon cher Río.
Revenez parmi nous.
RÍO
Sans angoisse
Il en a été question, pourtant…
(un temps)
Mais à cette… époque… il y avait un train,
Une gare, son chef, le sycophante…
L’HOMME
Professoral
Le nécessaire sycophante (avec de l’écho dans la voix)
Sans lequel il n’y a plus d’Histoire / qui tienne !
RÍO
Mais il y en a une !
Je suis même venu ici pour la raconter…
L’HOMME
Joyeux
Ah ! Vous voyez !
RÍO
Se grattant le menton
Comment fait-elle pour… ?
L’HOMME
Courez-lui après tant qu’il est encore temps !
RÍO
Schizophrène
Je n’ai jamais couru après une…
L’HOMME
Pesant
Dites le MOT ! Ça vous fera du bien.
RÍO
Grinçant
Arrrgh ! Le dire, ce serait :::
L’HOMME
Encourageant
Val… Val…
RÍO
À genoux
Mais bon sang de merde de Dieu ! QUI
Êtes-vous ?
L’HOMME
Didactique
Avant, j’étais…
RÍO
Interrompant par coup porté sur le nez
Certainement pas une valise qui…
Son poing semble rebondir sur le nez de l’homme
Et par un effet boomerang
Écrase le sien
Qui se met à saigner.
Il voit le sang :
Vous m’avez fait mal, espèce de… !
L’HOMME
Riant
Le Mal est toujours un rebond.
Vous devriez le savoir, depuis le temps !
RÍO
Saignant comme un porc
…qu’on égorge vivant ! (criant comme un porc qu’on…)
Vous aussi vous ne savez rien !
La valise…
Il se bouche la bouche à deux mains,
Ce qui n’arrête pas le saignement du nez.
L’HOMME
Triomphant
Val… Val… VALISE !
Le mot valise par excellence !
Il contient tout ce que je sais…
(il laisse le temps attendre puis)
De vous, Río !
(qui tente vainement de boucher son nez,
mais il lui manque une main)
Je vous avais prévenu, Río :
(sentencieux)
Ça sera dur, très dur !
Et personne ne sait
(il montre le public)
À quel point ça l’est !
Il jette l’imperméable sur l’échine courbe de Río
Qui cache son visage et son sang
Dans ce qui lui reste de mains.
Puis, toujours plus solennel :
En cas de pluie !
Et il se met à courir après sa valise
Qui l’attend derrière le chariot du porteur
(qui n’existe pas)
RÍO
Voix étouffée
Je deviens fou !
(un temps ponctué de reniflements)
C’est la deuxième fois que je le deviens.
Et entretemps, je ne l’étais pas.
Blanco peut en témoigner.
L’HOMME
Disparaissant dans un tunnel
Nous ne sommes plus ce que nous avons été.
Je me souviens de cette ritournelle :
Nous ne sommes plus
Ce que nous avons été.
L’odeur des vieux sous la tonnelle (pour la rime)
Et le soleil dans les verres, joie
Des seins, comme si le temps
Avait quelque chose à dire
Avant même de s’esquiver
Entre le cercueil et les bouquets.
Comme il fait noir ici, après !
Un âne refusait d’aller plus loin,
L’échine sous les olives, pieds
Nus mon père ne voulait plus
Croire en Dieu ni à ses saints (pour la rime)
Et le chemin n’en finissait pas,
Entre l’adret en feu et la place
Où les cendres d’une vieille
Imposait encore le retour
De sa saison particulière.
Comme l’enfant est inachevé !
Et il le restera pour que la mort
Ne perde pas son sens.
Quel songe nous avons vécu,
Entre le seuil et le premier arbre !
Racine même de cette poésie
Qui retrouva le chemin mais
À l’envers, sans jamais retrouver
Ce qui s’est perdu à force d’aimer.
Les pieds nus de mon père sous l’âne.
Il ne chante plus maintenant, ni
À la gloire du soleil ni à celle
De Dieu ! Olives noires répandues
Sur l’asphalte nouveau, coulée
Chaude de science et de maladie.
De la fontaine sourdent des sirènes.
Ta robe sent la menthe sauvage.
Qui sait qui vient de mourir ?
Est-il venu le temps de le savoir ?
On pousse les enfants dans les rideaux.
J’ai tellement vécu cette itération !
Nourri mon âne plus d’une fois
Pour l’empoisonner une bonne fois !
La route étroite monte et descend,
Caprice des retours.
Ils m’appelleront Fleuve comme
Comme on désigne la mer.
Río écoute, saignant sans cesse :
Comme c’est obscur ce qui revient !
Et comme c’est clair le soir venu,
Le premier soir après bien des années.
Sous la tonnelle
La ritournelle.
L’odeur féroce des olives écrasées.
Le jet de sang avant la mort.
L’endroit exact, le même talus d’ocre,
L’asphodèle et le canthueso, les verts
Sans fin jusqu’à la mer, les noms,
Les possibles, les douleurs cachées,
Même la haine n’y peut rien.
Pourquoi ne pas chanter au lieu
De poétiser ?
Au piano mal accordé, tes mains.
Au pentastyle les bécarres.
La fenêtre parle cet idiome ancien.
Écoute avant de quitter la rue.
De t’envoler vers d’autres paysages.
De changer de théâtre.
Quel âne rue devant la porte ?
La pierre en témoigne encore.
Le dé ne compte pas jusqu’à cinq.
Haleine qui porte chance.
Avec l’odeur de ta menthe bonne.
En vitesse les fuites nocturnes.
Trop vite la fin du rêve en vérité.
Sifflet de locomotive avalée par tunnel.
Seul, Río arrache une guitare à l’espace.
Elle commence par crier au viol,
Puis elle lui avoue qu’elle ne veut pas mourir.
BLANCA
Sous forme d’une belle femme
Comme tu me joues, Río !
J’ai l’impression de mourir.
Je ne dis pas que tu me tues,
Mais ce moment est d’injustice.
Je t’ai vu naître un jour d’hiver,
Au capricorne d’un samedi.
La nuit achevait de mentir
Et le temps n’était pas au beau.
Tu ne peux pas te souvenir,
Car la nature est ainsi faite
Que l’enfance ne voit le jour
Qu’à la mesure du cerveau.
Mais la langue te nourrissait,
Déjà elle savait que toi
Tu n’irais pas au Paradis,
Mais dans l’enfer d’un autre jeu
Avec l’idée d’un autre dieu.
Moi je jouais seule sous l’arbre
Qui porte saisons et cercueils
Depuis si longtemps maintenant
Que plus personne ne se souvient,
Se souvient que l’homme n’est pas
Né d’un instant qui reste nul
Tant que la mort ne l’a pas dit.
Ô roseau des jardins secrets !
Calame dur des papyrus !
Personne pour en témoigner.
L’heure était aux croissances pures.
Mes accords fuyaient le silence,
Mais on n’entendit pas mon cri.
Tu composais dans leur machine,
Tu animais les choses mortes,
Tu te mettais à les aimer
Et tu savais les posséder
Pendant qu’ils gardaient leurs troupeaux.
Que le poète ne naisse plus
À l’endroit même où il écrit
Ah ce jour n’est pas pour demain !
Une dominante et c’est mort
D’avoir poussé le dernier cri.
Pas de berceau plus infrangible.
Et la mémoire n’en sait rien !
À l’Oriental les neiges vaines !
La terre n’a pas ce souci.
Pas même la roche en sa mer.
Que tes doigtés le reconnaissent !
Faits l’un pour l’autre ô pourquoi pas ?
Que le quatrain de nos coplas
Enferme la rue dans sa crasse !
Mais que la voix de cet enfant,
Ô cire de nos goutte-à-goutte,
Trouve le jeu de la main droite
Avant que la peur n’y pourvoie,
Mère de tous les rendez-vous
Avec les limites du temps !
Tu finis toujours par jouer
Pour amuser la galerie.
Et moi blanche jusqu’à l’aubier
Je meurs pour ne pas t’ennuyer.
Mais que ce jour n’arrive pas
Au moment de la nuit obscure !
Que l’aurore soit le point d’orgue
Et le rideau sa déchirure.
Je te le dis : « Encore toi ! »
Toi et toujours la même instance,
Entre le lieu et l’écriture !
Ce qui se joue n’a pas de sens,
Mais que c’est beau finalement !
Beau si je ne veux pas mourir
Et que je meurs avant la fin.
On n’entend plus rien
Que les bruits de l’orchestre et des balcons.
« Échos comme des papillons
Un jour d’été en plein soleil. »
Río se recroqueville, devient enfant,
Devient la fille de sa mère,
Fils de son père et mort d’avance.
Blanca se donne à son luthier :
LE LUTHIER
Quelque part
Tiens ? Qu’est-ce que je fous ici ?
J’ai hérité la maison de mon père,
Mais je ne me souviens pas de lui…
Je suis ce qu’il n’a pas été, sans doute.
Je ne vois pas d’autre explication.
Car comment expliquer cette fille
Qui sera mienne d’une façon ou d’une autre ?
Mon intérieur sent le copal, l’aspic, le vin.
Je ne suis que l’ouvrier de l’arbre.
Blanche chair aux fibres toujours naissantes.
La pulpe de mes doigts connaît le chemin.
J’ai acquis toutes les arabesques de la Tradition.
Et j’épouse la fille de ma rue.
Que d’enfants en perspective !
Depuis l’Égypte jusqu’à la France.
Depuis le premier jour jusqu’au dernier.
Mon tablier de cuir ne sort pas d’ici !
Mes cafés ne fument pas dehors !
Je vois passer aèdes et rhapsodes,
Depuis des lunes la même chanson,
Et si je ne crois pas ce que les autres croient
Je meurs d’angoisse à même le plancher !
Qui n’est pas le luthier de leurs instruments ?
Qui n’ouvre pas le livre qui contient tout
Si on veut bien y croire ?
Río sort du luthier,
Déchirant cette peau jusqu’au visage
Qui est celui de sa famille.
Il prend la guitare et joue.
Il n’est pas lui-même une fois de plus.
Fleuve parce que ma voix est un estuaire, dit-il.
C’est du moins ce que me disent les plus vieux,
Les seuls témoins du premier cri
Poussé entre les murs de la maison
De mon père.
Je me souviens parce qu’ils savent.
Et ils meurent les uns après les autres,
Comme si le silence s’expliquait ainsi.
Fleuve ou rivière, méandre ou estuaire,
Avec ou sans les éloignements marins
Par définition, me voici comme si je venais
De naître une fois de plus, las de l’ancien
Comme du nouveau, revisitant la Tradition
À fleur d’une guitare qui ne sait pas jouer !
L’endroit s’est vidé comme une bouteille !
Et je n’ai plus rien à boire, ô wasserfall !
Divers accords joués dans la Tradition.
Qui es-tu ? Blanco… ?
BLANCA
Minaudant
Tu exagères toujours !
RÍO
Nera… ? Je croyais que tu avais raté le train
Ou que tu n’en descendais pas…
BLANCA
Impatiente
…parce que
« Ceci est un arrêt technique… » / tu parles !
Tu ne veux pas savoir en quoi consiste cette technique ?
Parce que moi, je sais !
Mais il est peut-être trop tôt pour savoir ce qui est…
Et être ce qui se sait… malgré les secrets de famille
Qui eux : savent tout !
(lasse)
Laisse-moi jouer seule…
Avec le vent, c’est possible.
Ces tours d’argile m’inspirent
Toujours autant, filles conçues
Pour que le Paradis existe.
Ne me joue plus, n’invente
Rien que tu pourrais regretter
Avec la pluie des septembres.
Il est dit que la mort m’emporte
Avant que tu ne sois toi-même.
Laisse-moi jouer avec le temps.
Jouer avec ces lieux compliqués
D’Histoire et de Géographie.
Que la blancheur de mon cyprès
N’ait d’égal que le noir de tes nuits !
Comme nous sommes pauvres,
À l’orée de nos tristes forêts !
Laisse-moi jouer seule…
Avec la mer encore, ses reflets
De ciel sur la coque, la joie
Du plongeon, les mêmes fonds
D’un jour sur l’autre, plage enfin
Nue caressée par l’écume cristalline
De coquillage et de silex, ô Río !
Fleuve, tu n’existais déjà plus.
La mer ne te contient pas,
Tu n’y disparais pas,
On ne te retrouve pas sur le sable
Aux marées, nous ne savons plus
(disent-ils) si tu as été ou
Si tu seras encore / ¡Que lástima !
Río se redresse lentement.
La guitare est couchée non loin de lui.
Un rideau descend, transparent et léger.
Dans le fond, une porte naît.
Il dit : « Voilà ce que je voulais dire ! »
Sans conviction toutefois, lent et fragile.
Soit !
J’inventerai les témoins
Si rien n’est encore écrit.
Je mettrai à jour cette famille.
Et si je n’en viens pas,
Ô bâtard de la Tradition,
Je deviendrai l’Arabe
De ce qui se dira demain.
Soit !
Que revienne la vihuela !
Ô mains ! Ô archets !
Fille conquise au balcon.
Croisée des matins de rosée.
Ce qui se chante a toujours
Du corps, l’âme revient
À l’appel, et le jour se fait
Exactement comme il s’est
Défait, cyprès de nos jardins.
Soit !
Que l’autel saigne, que la table
De nos communions se couvre,
Que nos verres tintent, portraits
En sus, jambes dehors, bonheurs !
Sans montagnes, pas d’eau !
Ce qui manque finit par exister.
Quelle muraille n’a pas été conçue
Pour le plaisir de l’œil ?
Soit !
Les pieds sont pour la tombe
Et les mains pour s’en servir.
Río répète plusieurs fois ce distique.
Il en rit sans retenue.
La guitare (blanca) en résonne.
Il rit maintenant pour entendre cette résonnance.
Il demeure immobile.
Seul son visage est animé.
Tout y passe, très vite,
Et il se met à trouver le temps long,
Comme en témoignent ses pieds
En prévision du toro.
Blanca ! Nera ! Que sais-je encore
De ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas ?
Et pourquoi pas Blanco ? (il appelle) Blanco !
(il attend une réponse) Si je suis seul,
Qu’on me le dise !
Blanco ! Ou Blanca ! Nera ! Vous mes feux !
Guitare ! Île ! Personnage aimé jadis !
(angoissé)
Ça ne peut pas se terminer comme ça !
Pas si vite ! Pas sans rien ! Et là même
Où je ne suis pas l’auteur de mes jours !
(forte)
Que le temps vienne si je demeure !
(riant un peu)
Ou que je demeure si le temps ne vient pas…
(riant encore)
Pourquoi jeter un enfant aux chiens ?
Que me demande-t-elle depuis quelques jours
Que j’ai vu passer comme la vache les trains ?
(se souvenant)
Arrêt sur le seuil / soleil à sa place
Personne dans la rue / je devrais dire :
« ma rue » / personne pour contredire
Ce qu’elle a dit : mais qui si quelqu’un ?
Je ne connais pas le monde à ce point.
C’était hier ou peu s’en faut / après-midi
De feu / jaunes des sols et ocres des pentes
/ j’avais besoin d’un personnage et au lieu
De ça : me voici en compagnie d’une femme !
Et que contient la femme à part ceci :
L’enfant-fleuve qu’on ne retrouve pas
Une fois perdu : car tel est le roman /
Le père court après le fils (et non l’inverse)
Et à la fin le royaume est un royaume
Et l’arbre un vieux cyprès que le pauvre
Scie au couteau pour en jouer / poésie
Des chemins / son et lumière du feu
/ « bonjour aux hirondelles » / bancs déserts
/ vent tourné une fois de plus / Marre !
Río prend la guitare et en joue.
Elle se plaint encore, il n’y peut rien.
…mon cher, mon très cher frère (de sang et d’ailleurs) voici venu le temps de l’héritage avec ce que cela suppose de notaire et de voisinage sur rue le portail est maintenant fermé naguère encore on le franchissait sans appeler et la vigne descendait de la toiture anarchique frondaison des printemps obscurs où nous a enfermés la tradition familiale / je me souviens que tu hésitais entre poésie et roman : sujet de toutes les conversations l’après-midi en attendant le repas qui mijotait dans la cuisine au rideau de vent et de poussière / cueille l’orange une fille voisine ou intimement liée à ces souvenirs d’un autre temps où le temps se mesurait en mémoire partagée d’un commun accord : de sang et cet ailleurs que tu as oublié : dont tu as oublié les détails : ne retenant pour ta page blanche que l’action fil d’Ariane en vue d’une conclusion qui ne soit pas la mort : la tienne si je n’ai rien oublié moi-même de cette attente-fringale douleur casanière travaux des pentes où croît le « serpent blanc » qui visita plus d’une fois la chambre au plafond ouvert (en été) / nous avons oublié (toi et moi) les pluies des ravins des sentiers des rues des murs bleuis par cette soudaine transparence : ou plutôt tu m’expliquas (j’étais le plus jeune des deux) que cette distance n’est pas celle que mesurent les yeux / « il faut que j’écrive ce roman ! » mais la poésie des lieux emportait avec elle les anecdotes et le sang qui n’a jamais coulé : qui s’est figé dans les veines toujours : qui hérite une fois liquéfié pour un temps que nous appelons (toutes civilisations confondues) existence / nomme-la une bonne fois pour toutes et : qu’on en finisse avec cette fraternité qui n’a plus de sens — ton [ici le nom]
Et posant la plume sur la surface maintenant souillée
Il regarde le carreau sec et poussiéreux / « nous ne
sommes plus ce que nous avons été » déclare-t-il en
Retrempant sa plume dans l’alphabet arabesque /
L’encre matérialise les effets de la douleur sur l’esprit
::: avant que tout soit dit / nous aimons tant l’accord
Qui aime l’accord qui aime l’accord : cherchant la
Mélodie que personne n’oubliera : car c’est ainsi
Que finit cette existence : en chanson / et il voit
Le jardin désert, l’arbre sec, la roche qui descend,
Le sentier qui s’amorce dans l’ombre : qu’est-ce
Que cette ombre en ce pays sans mur ? voici l’air
Et la voix : empruntés à la Tradition : venus de loin
Par mer : visages aujourd’hui reconnaissables :
Capitales des côtes, des voyages en arrêt, de la
« patrie » reconnaissable à ses accents ; le facteur
Salue et s’éloigne : « je ne savais pas qu’on pouvait
recevoir du courrier dans cet endroit improbable »
« vous savez au moins qui vous écrit… parce que moi
… » et : il s’éloigne en promettant de revenir si
Jamais l’autre écrit et poste : comme cela arrive
Tôt ou tard : mais ne perdons pas de temps et :
Reprenons le récit où nous l’avons laissé nous
Surprendre en pleine « crise de vers » / ton
[ici le nom du frère et une rature]
Comme le Monde est frais
Dit-elle au matin / pourquoi
Ne pas mourir avant midi ?
L’aube ne m’a pas inspirée
Comme elle t’a dicté la page
Qui m’a encore oubliée sur
Le feu / lait moussu de l’aube
Dans la table de résonnance
: je suis comme j’étais enfin !
(ne s’agissait pas d’en écrire le roman
comme on revient devant ses juges
finalement : la place était mouillée
et la pierre recommençait sa tragédie !
« je voudrais tellement que tu comprennes
Ce qui se passe ici ! » / Blanca/Blanco
En habits de fêtes vénitiennes : soie
des nuits : pendant qu’au théâtre on
se soucie de mise en scène : notations
dans les marges / « le chant profond a
un sens comme les aiguilles du temps »
/ Nera était montée dans le train comme
prévu dans sa lettre (la dernière) dit-il
au juge qui n’en crut pas un mot : pas
un mot : sans mot il n’y a plus de nerf)
vous vouliez de la poésie et bien
en voilà de la toute crue sans pain
ni eau mais avec la poussière des
vitres rassemblées en une seule
fenêtre un seul jardin sans herbe
ni clôture pour donner un sens
à ce qui n’en a pas oiseau-lettre
sur la branche évoque une saine
fontaine qui n’a pas vu le jour
depuis des nuits disant reviens
avant que l’aube ne te trahisse
« Qu’est-ce que j’attends de toi ? »
Question posée à toute chose
Toute présence / toute patience
Sait (en bon tisseur) que rien n’est vrai
(tisse cependant) / que le plaisir occulte
La vérité ; que chaque matin est une scène
Encore nue : il arrive nu lui aussi et aussi sec
Se met au travail de la vue et de l’ouïe /
Question de vibration et de longueur d’onde
: d’amplitude et de fréquence : (tisse le vent)
(le vent tisse) / et
retrouvant la guitare il en saisit le manche
Comme celui d’un outil
Et se met à jouer marmonnant des paroles
Empruntées à diverses traditions
Sans se soucier de l’effet produit
Sur l’esprit qui cherche à comprendre
De quoi il retourne :
Je suis né (chante-t-il) parce que je suis là.
Non-là je ne serais pas ce que je donne à penser.
Je vous propose de prendre la parole à ma place
Et de dire tout ce que vous savez de moi (tisseur)
Et ainsi toute chose retournée dans sa tombe.
Il ne me reste plus qu’à inventer la rime si
Ça n’a pas déjà été fait : mais qui d’autre que moi ?
Je vais vers ma solitude errante puis fixée
Pour toujours : et je vous invite à me suivre.
VOIX DE FEMME
Il la joue
Oui, oui. Je me souviens de toi. La rue
Était peuplée de tes masques. De là-haut
(dernier étage) je jouissais de toi. Sans
Témoin à la clé. Éclat de soleil des haies
Bordant l’aire de jeu. Feuilles-miroirs
D’antan. Il ne pleuvait pas. Pas encore.
Mais le vent (tissant) revenait comme
En rendez-vous. J’aime évoquer ces
Jours. L’un, puis l’autre, et enfin le
Dernier. Comme je joue bien depuis
Que je connais le texte ! Comme je suis
Vraie ! Sans doute le cadre l’est-il
Autant que moi. Nous ne sommes
Pas amoureux. Pas encore la pluie.
Vint à temps pour grossir les rus.
Dernier étage et le toit en génoise
Trouée par les oiseaux du désert ou
Des îles. Qui sait ce que nous savons
Depuis que le rythme est trouvé ?
Tu as inventé la rime avant moi.
VOIX D’HOMME
Qu’il grossit à l’envi
Oui, oui ! Et même plus ! Toi et moi
De chaque côté de l’endroit où se joue
Le texte : pluies des rideaux en vrac.
Mon frère m’écrit (non tisseur) :
nous avons tellement aimé venise l’industrie des fusions que : nous y sommes retournés : nera et moi : et aux tables de coquillages pensé à ce qui arrive quand on ne cherche plus et qu’il arrive qu’on y croie : mon cœur ne bat plus depuis : je me sentais seul malgré l’heure exacte des rendez-vous : qui ne pense pas à toi dès que la nuit revient : le même rêve depuis l’enfance : la guerre entre les hommes est animale : ici la profondeur des canaux ne se mesure pas à l’aune des on-dit : pas question des choses que tu rencontres loin de nous : nous savons ce que nous allons trouver : et nous renouons avec les plaisirs de l’an passé : nous avons nos habitudes maintenant : tu ne peux pas savoir : ce que c’est : de retrouver : le guéridon sous les couverts : nos regards entrecroisés : encore et encore : toute chose réduite à l’impatience figée comme buisson des rives mortes pour toujours : ici on revient et là : tu n’y es plus : nos corps veulent la fusion : elle prend corps : le temps de ne plus y penser : que l’élégiaque nous emporte : 6/5 : essaie donc de t’y contraindre : avec ou sans rime : quelle surface menaçante : la houle créée par les carènes : une poussière métallique sur la langue : nous avons parlé de toi à la propriétaire : des fois que tu te mettes sur nos traces : nous en laissons peut-être dans ce sens : qui sait ce que nous sommes si nous sommes deux : poursuivis par cette espèce de roman que tu écris pour ne pas exister en même temps que nous : souvenirs : cette vue de la vitrine où elle se reflète involontairement : elle n’a pas apprécié cette indiscrétion : je t’écris sans lui dire autre chose que : elle t’aime :
Chose des marais ou des lits dénaturés par la sécheresse.
« nous sommes peu de choses » reconnaît le piéton.
Qui n’aime-t-elle pas ? / Nous avons connu de meilleurs
Moments (tissant) / la joie au sens vieux : vieux par miroir
Interposé : chose des sinuosités à sec : cassure nette
Des tiges en marge de cette reconnaissance du terrain :
« nous serons propriétaires ou nous ne serons pas » /
Toujours plus haut et plus sec : le dernier arbre, mort
Lui aussi : comme toute parole prononcée pour le dire
: personne à part des serpents, des scorpions, des :
Mythes mêlés à l’ancienne boue : à seaux la boue
Sèche des murs : l’oiseau n’est qu’une mouette,
Curieuse ou distraite : sans cri ni compagnie : seule
Dans ce ciel blanc-fusion ; nous n’irons pas plus loin
Que le dernier pèlerin : connu de tous : ni Venise ni
Paris : des lunes sans soleil : ou le contraire : ce qui
Avance est un pion : la mesure est au dé : l’amour
N’est que le temps masqué : pour tromper l’ennui
: « par ici ! » « non, par là ! » « tu me suis ? » « toi ! »
Comme si nous n’y étions pas :
prit le train à l’heure (m’écrit mon frère) menotte avec mouchoir derrière la vitre déjà embuée j’avais la larme à l’œil et le cœur une fois de plus en vadrouille où tu sais retour à la maison tu connais ces rues ces angles les verticalités de l’automne oui c’était l’automne et le train était à l’heure car on l’attendait sur la scène d’un théâtre conçu pour elle par ton enfance et ta croissance ce qui ne fait pas de toi un adulte crois-moi j’ai beaucoup réfléchi à la question mais la distance qui nous sépare et qu’elle va franchir contient tout le roman que tu veux écrire sans trahir la poésie moi je ne comprends plus rien :
Río enfonce la guitare dans le tronc d’un arbre
Et allume une cigarette que quelqu’un lui offre.
Il fume sans se soucier de cet intrus qu’on ne voit pas,
Qu’il est seul à voir
(ici le metteur en scène signale la difficulté de la chose)
Et on entend le train qui siffle en entrant dans le tunnel.
On ne voit pas le tunnel.
VOIX DE FEMME
Ce qu’il m’a ennuyée avec sa connaissance des lieux !
A-t-on idée de voyager pour connaître !
Il y a tellement d’autres choses à faire !
Tellement de gens à rencontrer !
Mais non ! Il entre dans le monument après
M’avoir bassinée sur son aspect extérieur
(on en fait le tour au pas de course)
Et tout se met à tourner dans ma tête
Jusqu’à vomir ce que je sais maintenant
Mais que je ne comprends pas !
RÍO
Voix d’homme
Toute chose connue, de près ou de loin
/ au marais / au lit déserté / au sommet /
Dernier animal un serpent blanc / tisse
La poussière et fuit / là-haut pas plus
De ciel que sur la plage / mais la vue
Est digne des choses / la roche encore
Brûlante / nulle trace d’humidité / mot
Non trouvé / ne sais plus si je suis seul
Ou si quelqu’un me manque / roseau
En guise de bâton de marche / patience
Du couteau à ras de terre / en pointe
En prévision des serpents qui peuplent
Ces monts / toujours plus haute la fin
/ comment ne pas s’en inspirer ? /
Si quelqu’un me suit / ou si je suis
Venu parce que je savais / cette
Existence pour être un homme parmi
Les animaux / leur donner la parole
/ fabuliste des gîtes / plus d’herbe
Dans l’herbe / en arrêt il a peur :
Le pied sur la roche dure et sèche :
Comment et pourquoi redescendre :
C’est ici qu’on cesse de penser : mort
Avant la mort : que le lieu m’empoussière
! dit-il en frappant cette haute surface /
Río attend, consultant sa montre, fumant
Des cigarettes, adressant des signes aux habitants des coulisses.
Quand je saurais qui est qui (dit-il)
Alors je saurais pourquoi je suis venu
Me reproduire sur cette scène.
Roulement de tambour
Imitant la marche du train.
UN PEINTRE
Négligent
Voici les trois principes (grands ou pas) qui
Expliquent mon comportement (de peintre)
Dans ce lieu qui n’est pas (ne sera jamais)
Ma maison (d’enfance, de mort, de famille)
:::
— L’arbre qui a poussé de travers ne se redresse pas.
— Avec un âne, on ne fait pas un cheval de course.
— On ne mélange pas les torchons avec les serviettes.
///
Je ne sais pas ce que vous en pensez… je vois bien
que je vous ai blessée / je n’ai pas l’habitude (pour
parler gidien) de critiquer la critique : je vous invite
à prendre mon pinceau dont la brosse est chargée
de ce que vous inspirez à mon cerveau malade (de
vous, de ce que vous paraissez, de ce que je veux
de vous) / N’hésitez pas à le tremper vous-même
dans la couleur (ô mélange) qu’il vous plaira de
donner à mon apparence ///
Ô femme (ou homme)
Que je désire de haut en bas !
RÍO
Outré
Non mais dites donc !
Le peintre, curieux, apparaît dans une fente.
On voit son œil briller.
Puis il disparaît.
On entend alors la poursuite de Groucho,
Les cris, les bris de verre, les portes qui claquent.
Río jette sa cigarette et l’écrase.
Son pied pivote avec conscience.
Voici ce qui lui vient à l’esprit :
Le Monde se froisse comme une feuille
Quand on y pense.
Et justement voilà que j’y pense, ô journal
Que je n’écris plus !
Qui n’a pas l’enfance à l’esprit, opiniâtre,
Entre les colonnes ?
L’enfance qui finit par tuer. Je vois ça
Tous les jours
Ces temps-ci.
L’existence n’aura plus de sens un de
Ces jours.
Alors il faudra bien revenir sur ses
Pas.
Et envisager le pire. Enfin ! Le pire !
Il arrive comme le train que j’attends
Depuis que je t’attends.
Je n’ai plus rien à faire, plus rien à croire.
Je m’invente l’acte qui suit.
L’enfant n’invente rien avant l’acte, dis-je.
Je le reconnais comme si nous avions vécu
Ensemble.
Le voici en mots / et même en phrases / en
Vers.
Pourquoi revenir selon l’horaire prescrit ?
Je ne te savais pas malade à ce point.
Pourtant j’ai regardé dans la fente, ô
Mirage ! Le désert écoutait les avions.
Le scarabée cherchait à le rester, pierre.
J’ignore tout du fer dans cette forêt.
Le quai est apparu après les arbres.
Sans rivière, je ne suis plus le fleuve.
Ou sans mer, je suis ce que je ne suis pas.
Vos barques ne sont pas de mon invention.
L’écume court maintenant sur le sable.
La vague (dit-on) vient mourir ici, à tes
Pieds.
Mais n’est-ce pas toujours la même vague ?
Comme si je la recommençais avec ou sans
Toi.
Je viens d’une région sans feuilles mortes.
Et j’ai couru dans les stades.
Comme la ville est proche ! Avec ses tombeaux
Et ses ex-voto. La trace d’or comme le désir :
Dans la pierre : femme ou homme, que m’importe ?
Ni l’un ni l’autre si c’est ce que tu veux.
Sans Dieu mais avec beaucoup de maîtres !
Grincez, portes des châteaux !
Le quai prolonge les jardins, les panneaux
S’assemblent, les voix me reconnaissent :
Quelle mort me dira le contraire ?
(donnant un coup de pied au décor,
ce qui fait reculer les habitants des coulisses)
Comme si la douleur n’avait plus de sens !
(ironique)
Dans l’eau nagent les poissons ! Et dans le ciel
Les avions reconnaissent les complexités
Désertiques ! Quel pays sans oiseaux ! Quel jour
Sans ses feuilles ! Je ne sais plus ce que j’attends :
Quelqu’un ou ce qui l’annonce.
Entre l’intrigue et le fait accompli, les noms
Donnés pour ne pas les nommer !
Quelle famille ne s’en remet pas à la chronique ?
Le nom se perd, on ne naît pas avec un nom.
(consultant sa montre : oignon)
Bien sûr l’heure c’est l’heure : j’en conviens.
Je ne suis plus un enfant : tu ne joues plus
À la poupée : tu voyages en train : vers moi :
Dépliant les horaires : derrière la vitre mouillée :
Les innombrables paysages que le possible
Appelle de ses vœux.
Ce que j’aime n’a plus d’importance : désert
Traversé pour reconnaître les lieux : nuit
D’étoiles et de comètes : d’une main moite
Lisse les aspérités ou tente de s’y appliquer :
Disant : ce n’est pas comme ça que je veux
Mourir !
Quel gras mot ! J’en perds les étymologies !
On le voit chanter sous les fenêtres, de loin
Comme si sa voix n’avait jamais eu d’importance.
Blanca ! Ô doigtés nécessaires ! Jambes des jupes !
Sans feu nous n’allons pas au cimetière : maîtres
De l’argent, pensez à ce que je fus avant
De vous (re)connaître !
Ça siffle dans le tunnel
L’acier en frémit comme chair.
Voyez la primevère :
Elle change de couleur.
Réapparition du peintre :
La fente s’élargit
Sous l’effet de son pinceau.
Que l’intrigue m’intrigue !
Et que la fin m’explique !
Le Maure n’est pas mort.
(je ne sais plus comment)
Sidi Yahia aux trois visages.
Fruits de l’arbre vénéré.
Nous avons nous aussi
Emprunté le fleuve des haleurs.
Mais pour quel voyage ?
Pour quelle invention ?
Quel désert sous les neiges ?
Pas de fils à donner au Monde.
Pas de malheur à recommencer.
Nos jambes nues se croisent
Dans l’infini ou la profondeur
De cette eau qui vient de moi.
Que l’acte n’en soit pas un !
Que la triste figure en impose !
Qui veut sauver l’autre se sauve.
Belle fuite des lignes sans blanc.
Quel désert connaît la perspective ?
Voici le Nord de mon pays !
Le vin, les chevaux, la laine
Noire de suie, les aiguillages
Sans fin, jusqu’à la mer la fin.
Qui survit à sa douleur d’être
Ce qu’il n’est pas ? Voici la terre
Du scarabée : en rond les années !
Haler comme trouver : et encore :
Qui dit présent est déjà mort.
Río caresse la blanca.
Que la feuille s’enfeuille
Comme je m’endeuille !
Je ne sais plus qui tu es, qui tu aimes,
Ni qui te désire plus que moi-même.
Les choses se refusent au roman / les lieux
Perdent leurs dits / les jours cherchent la nuit
: et la trouvent !
Que la feuille aille à la baille comme jadis !
Dunes rasées de frais / l’estuaire des mouettes
Dans un sens et/ou dans l’autre / je savais que
Je savais / qui ne sait pas ce que l’enfant trouve
Sous son lit ?
Un son comme derrière le moucharabieh.
Le texte se peuple. Ce sont les feuilles
Qui reviennent. La mémoire alimentée
Par les différences de potentiel. Images
Extraites des musées. Savate des paresseux
Sur les vernis. La lumière est celle des fenêtres.
Qui aime ce que personne n’aime ? Croise
L’impossible, le salue, le regarde s’éloigner,
A faim soudain, comme devant la mer,
Feuilles des algues maintenant. Peur ?
Non. Pas même curieux. Ni prêt à
Recommencer. Rien sur la langue. Mort
Pour de bon. La rose et le rossignol.
Une voix : « Sors de ce théâtre ! »
Oui, oui ! J’ai sursauté. Un peu surpris par l’interruption. Je ne m’attendais pas à un pareil conseil. De la part de qui ? Hé !
Río recule par rapport aux coulisses.
La fosse lui interdit d’aller plus loin.
Il cherche l’équilibre, manivelles des bras.
Hé !
Mais personne ne répond.
Río retrouve le calme en se pinçant.
Il se pince plusieurs fois,
Comme s’il faisait nuit.
Hé !
Rien.
Pas là.
Ni jamais
Ni peut-être.
Simple ou
Double.
Allez savoir !
(allumant une cigarette)
Je ne suis pas si vieux.
Je l’ai été à votre mort.
Mais je ne le suis plus.
Pas jeune non plus.
Ni l’un ni l’autre.
Qui n’est pas
N’est pas là.
J’en ris !
J’ai eu peur.
Ou pas.
Le temps
N’est plus
Ce qu’il était.
La mémoire
Est désertée.
Feuilles brisées
Comme l’herbe
Des canicules.
On y met le feu !
Tout ceci dans un roulement de tambours.
La procession s’annonce par des pétards.
Puis apparaissent, accourant, les enfants.
Ils se chamaillent pour un bout de trottoir.
Les uns ont les poches pleines de bonbons.
Les autres exhibent leurs pelotes de cire chaude.
Des femmes arrivent en criant, secouant des bras chargés de voiles.
Nombrils nus.
Río s’enfonce dans cette nouvelle foule.
Son effort est applaudi, mais il ne réussit pas
À traverser les corps entremêlés.
Une lueur envahit l’horizon de la scène.
Ça sent la vapeur d’eau et son métal.
On rit dans les coulisses.
On y joue comme des enfants.
« Le train arrive ! » dit le chef de gare sans se presser.
« Il est à l’heure, » et le sycophante s’en étonne :
Ce n’est plus un arrêt technique ?
Je n’y comprends plus rien.
(il relit la dépêche)
L’INCIDENT A EU LIEU A HAUTEUR DU PASSAGE 124.
LE CORPS A ÉTÉ PROJETÉ SUR LE TOIT.
L’EXPRESS EST A L’HEURE.
PAS D’ARRÊT TECHNIQUE.
LE CHEF DE GARE
Vous voyez que j’ai raison.
LE SYCOPHANTE
Mais tout à l’heure… vous aviez tort…
LE CHEF DE GARE
Vous n‘aviez pas raison !
(impatient)
Profitons de la fête !
Ce n’est pas tous les jours.
Il y a du vin et des roscos !
Et pourquoi pas des femmes !
LE SYCOPHANTE
Des femmes ? Brrr…
Il y a un monde fou sur la scène.
Des statues émergent, fleuries et larmoyantes.
Les tambours rythment les rondes.
Des chaînes frappent les murs blancs.
L’asphalte noircit les pieds nus, chauffe la corde des semelles.
Le sycophante arrache des chemises.
On entend gémir le sifflet de la locomotive,
Mais on ne voit plus le train ni le tunnel.
Río ressemble aux autres, nu jusqu’à la ceinture.
Des seins se collent à lui.
Une affiche publicitaire est emportée par le vent
Qui vient de se lever avec l’annonce du crépuscule du soir.
« Qui veut jouer ! » dit la télé.
« J’ai déjà joué ! » s’écrit Río.
« Jouons encore ! » propose la voix des ondes.
« Sors d’ici ! » conseille la valise qui s’est ouverte sous le choc des hanches.
L’homme qui la tenait veut la soustraire au piétinement,
Mais les enfants en répandent les effets, foulards,
Chemises, feuilles sans reliure, cheveux d’antan noués aux médailles,
Fils des marionnettes, ressorts des carnets, photographies en vrac…
« Tout ce que je possède ! » et ajoute : « Ce qui me sera arraché ! »
Río gueule mais sa voix se mélange au chahut.
« Sors d’ici ! Ne reste pas ! Ce n’est pas ta maison ! Rien ne t’est donné ! »
Mais personne ne dit comment on s’en sort.
Tout le monde est d’accord.
« Sors d’ici ! Ce théâtre n’est pas un jeu. L’écriture est universelle. Ta langue n’en sait rien. Retourne dans ton village, là-haut où personne ne s’attend à te revoir. La maison de ton père est encore debout. Il suffit de pousser la porte et d’entrer. Il n’y a personne dedans, ni dehors. La rue est devenue étrangère, mais la source est la même. Bois de cette eau et oublie que tu as voyagé avec… elle. Elle t’a dérouté, avoue-le. Dis-le à cette poussière qui n’a pas changé, poussière du désert tombée du ciel avec la pluie. Le scarabée a encore un sens. Sur le seuil les scorpions attendent le soleil. La trame des tissus redevient herbe des sentiers derrière le troupeau en attente lui aussi. Tu seras seul enfin, sujet des noirs et des blancs raturés de ciel et de sang. Je te le dis : sors d’ici ! Tu vas disparaître dans les noms. Les rues ne te reconnaîtront pas. Les façades ne renverront pas ton image de verre dépoli. Les conversations meurent avec toi aux terrasses. Sors d’ici ! Quitte à tuer le temps, sors d’ici ! Cesse de te comporter en personnage, ce que tu n’es pas. Arrête de prévoir le prochain accident narratif. Ne te mets pas en position de dénouement. Sors la tête haute et les pieds sous toi ! Prends le chemin qui se donne à la vue, entre la mer qui moutonne et la terre qui verdit. Une poignée de sable ou de coquillages dans les yeux, marche sous les frondaisons en feu. Le lit est taillé dans la roche pure de la tradition. Remonte jusqu’à la pente des animaux agiles et muets. Reconnais les lieux et nomme-les. L’écriture est universelle. L’écriture est universelle ! Seule ta langue est un don. Elle te reconnaîtra, mais ne reste pas parmi eux, avec elle à ton bras, yeux clignotant de passés. Que la fille de ta fille passe son chemin de bourrique chargée de bras à l’ouvrage des choses qui s’acquièrent.
(ici le sycophante étreint un enfant puis le lâche comme si c’était un oiseau)
Qui veut que son enfant peigne le plafond des églises ?
Qui rêve au lieu de travailler « pour que la vie continue » ?
La langue patine son territoire jusqu’à la trame, au soleil
Comme sous la lune, désigne et légifère, mais qui veut
Que son propre enfant soit l’auteur du linteau à venir ?
La maison ne se conçoit pas sans ses murs ni son toit.
Que ce qui a commencé continue ! Et que l’interrupteur
Cesse d’appartenir à la famille qui a nourri son enfance !
Voilà ce qu’ils colportent, assommants de chansons et
De pas comptés, à l’apprentissage destinant leurs proies
Faciles, enfants des éjaculations et de la soumission.
Qui veut autre chose qu’un rôle à jouer contre argent
Et reconnaissance ? Mais c’est joué d’avance, l’enfant
De l’enfant sera un enfant ou ne sera pas, que la langue
Le veuille ou non ! Qui rêve de coucher ailleurs que chez soi ?
Ne la laisse pas emprunter à ta place ! Elle possède ce que
Tu ne connais pas. Tôt ou tard pratiquera le simulacre.
Ne te laisse pas conduire sur la place ! Tourne le dos
Au kiosque ! Ne partage pas la bière ni le commentaire !
Sors d’ici avant qu’il ne soit plus possible d’en parler !
(déchirant les enveloppes des lettres anonymes)
Conseil d’ami. J’entre par devant. Et je sors
Par la porte. Ils savent tout ! De l’enfance,
De ce qui reste une fois passée, de la terre
Empruntée à la banque, de l’attente en soi,
Du désir de nommer les choses, d’apprendre
À les écrire en religion, au seuil des morts.
(sournois)
Conseil d’ami, l’ami. Même si je suis obscur
Comme le calligraphe rendu fou par le signe.
Sors et ne reviens pas. Ne te retourne pas.
Ne vois pas la rue ni les rails. La montagne
N’est jamais loin. De là-haut (souviens-toi)
La mer est un fleuve et le fleuve la pluie
Des berges où croît l’enfance des saints.
Que d’histoire ! Que de coplas ! Joues
Ridées des femmes dans l’ombre nue
Des cuisines. En sortant ne ris pas de
Toi-même. Ne traverse aucun miroir
Métaphorique. Ne bois pas un coup
À l’invite. Mais ne cours pas au quai.
Prends le temps de rejouer pour jouer.
Conseil d’ami, je te le dis ! Elle finira en
Enfer avec les autres, ceux qui veulent
De toi et t’en veulent. Ses parfums
Te suivront pendant longtemps, car
Tu l’aimas. Mais que l’enfant revienne
D’où il commence à mourir ! Maison
De pierre et de vents. Entre les maisons
Ces deux fenêtres et cette porte, rideau
De perles, caquètent les poules voisines.
(fait des passes sur la foule mais ne l’abolit pas)
Un jour tu me remercieras, Río.
Tu penseras à moi, le mouchard
En question, irascible et têtu,
Malgré l’Histoire et ses langues.
Tu boiras le vin en souvenir de moi.
Tu nourriras d’autres projets, vieux
Jusqu’à l’os, passible de solitude,
Éreinté par les faits mais disponible,
Ami des hauteurs animales, sec
Comme le lit où poussent les roseaux.
Cherche le chant de l’oiseau en rut.
Toujours plus haut et malade de sang.
Tes genoux atrocement mis à l’épreuve
De la pente. Là-haut retrouver le sens
De la chute. Merci au cafard le temps
De s’en souvenir ! Comme en prière
Les vieux jours ! Extrait depuis longtemps,
Heureusement ! Point de tirades
À cette hauteur ! Conservateur
À tout prix. Langue morte d’avoir
Vécu. Et de son vivant elle tuait !
Au diable les sémiologues ! Enfer
Reconnu à temps, n’est-ce pas ?
Heureusement que j’étais là, ami
Et ennemi à la fois, la nuit comme
Le jour, en rêve et pourtant réel.
Suis mon conseil et va voir ailleurs
Si j’y suis ! Mais qui ne veut pas
Conseiller de s’en tenir au travail
Qui entretient l’Histoire et les histoires ?
Au plafond des monuments, linteaux
Des têtes mortes, ces traces de soi
Envisagées dès l’enfance, ou pas plus
Tard que l’adolescence qui inspira
L’éphébophile, mécène des lois
Futures. Qui veut que son enfant
Se donne aux signes des temps ?
(caresse un doux visage)
À la poubelle leurs mélodrames !
Aux chiottes leurs tragi-comédies !
Piètine la chanson et la rime atroce !
Rien ne sera universel au music-hall.
Conseil d’ami : retourne d’où tu viens.
Laisse-la à la mort ou dans sa cuisine.
Abandonne la pratique des verres
Et des conversations imitées de la télé.
La transparence est au soleil, là-haut.
Iguanes et tarentules des buissons
Sans feuilles. L’ocre n’est pas un rêve
De couleur. Creuse dans les fentes
Pour le savoir. L’eau pourvoira.
Avec le plâtre des joints et la chaux
Des surfaces. Ceci appartient à qui
Veut le prendre au lieu de laisser
La parole et le droit aux ânes de bat !
Tue si c’est nécessaire, mais tue
Sur scène ! Avant de prendre le vent.
Qui veut et qui ne veut pas ? Ami
Je suis, argus en sus. Et je te conseille
De foutre le camp avant qu’il ne soit
Trop tard ! Oublie la val, la valise !
La trace de tes pas ne s’est pas
Effacée depuis : reconnais que j’ai
Raison, rien qu’à l’odeur des pierres
Qui savent tout de ce que tu as été.
Plus d’eau pour les ricochets, ici.
À peine la poussière de l’universel.
Que l’écriture soit la seule ! Que
Ta langue s’en souvienne toujours !
Le calligraphe fou devient illisible
Tôt ou tard, certes : mais c’est ici
Que la maison a un sens ou n’en a
Pas. Oublie la val, la valise ! L’ami
Te conseille de sortir d’ici en tueur
De temps et de planètes. Ces autres
Ciels n’ont jamais existé que dans
La conscience collective : prends
L’argent et va-t’en ! Ne reste pas
Pour jouer ou pour jouir. Telle est
Ma chanson, Río. Sans ce refrain
Je n’en suis plus l’auteur. Sors d’ici
Sans mémoire. Retrouve l’endroit
Et prépare-toi à mourir de joie !
La foule se fige,
Comme si cette sentence était attendue.
Río revient devant, bras croisés.
Il dit :
Il n’y a rien dans cette valise !
L’autre m’a raconté des histoires !
Il arrive avec sa valise et me ment
Car il ne veut pas que je peigne
Le plafond de son église.
LE SYCOPHANTE
On connaît la chanson…
RÍO
Sortir d’ici ! Laisser tomber !
Marcher sans savoir où
On met les pieds ! Pauvre
De sens comme d’argent !
Alors que l’enfance n’en est
Plus une. Et qu’on aime encore.
Quelle attente est moins « atroce » ?
(soupir comme le Maure)
Je suis bien ici. Avec eux et sans eux.
La même langue pour seul univers.
Parlant une fois par jour de ce qui
Appartient au jour et quant à la nuit
Elle arrive bien assez tôt !
(dansant avec les autres)
Ce qui a vécu a vécu et ce qui
S’est oublié ne nourrit plus
L’imagination.
(satisfait)
Que pense le chef de gare de ce couplet… ?
LE CHEF DE GARE
Oh, moi, vous savez…
LE SYCOPHANTE
Ironique
Tant qu’il y aura des trains…
LE CHEF DE GARE
Mélancolique
Moquez-vous tant que vous voulez…
Vous verrez bien un jour…
Tout le monde finit par voir… (je souligne)
LE SYCOPHANTE
Presque épouvanté
Mais il ne peut pas rester là !
Il faut qu’il sorte d’ici ! Sous peine…
LE CHEF DE GARE
Chut ! Il écoute…
LE SYCOPHANTE
S’il pouvait entendre ce que j’ai à lui dire…
Moi qui sais… (un temps) Je sais pour l’incident
Du passage à niveau… le corps projeté sur le toit…
Ce qui explique cet arrêt technique…
LE CHEF DE GARE
La dernière dépêche ne le dit pas…
LE SYCOPHANTE
Elle ne dit plus ce qu’elle a dit…
RÍO
S’avançant
On parle de moi… ?
LE CHEF DE GARE
Pas du tout ! Nous ne parlons pas. Nous sommes.
RÍO
J’attendais… Elle est dans le train,
Mais à cause de l’arrêt technique
Elle ne peut pas descendre sur le quai.
LE CHEF DE GARE
Un arrêt technique ? Quel arrêt technique… ?
LE SYCOPHANTE
Il n’invente rien…
LE CHEF DE GARE
Vous avez un billet… ?
RÍO
Non… puisque j’attends…
LE SYCOPHANTE
…ce qui n’arrivera pas.
RÍO
Vous dites… ?
LE SYCOPHANTE
Rien. Je pensais tout haut. À autre chose.
LE CHEF DE GARE
Il pense beaucoup en ce moment.
Et quelquefois ça lui échappe… heu…
Par la bouche… Enfin… je crois…
RÍO
Aucune langue n’est universelle.
Mais la tentation chinoise a de l’avenir.
Je travaille sur le sujet en ce moment.
LE SYCOPHANTE
À qui appartient cette valise… ouverte… ?
L’HOMME
Qui arrive en courant malgré la foule
À moi ! Elle est à moi !
Empêchez-les de me voler !
(ralentissement)
Oh… Ça n’a pas beaucoup de valeur…
Mais c’est tout ce que possède Río.
RÍO
Satisfait et se frottant les mains
Voyons de quoi il s’agit…
LE SYCOPHANTE
Ami ! Conseil ! Sortez d’ici !
RÍO
Pas avant d’avoir jeté un œil sur ce… contenu !
Il plonge sa main droite dedans.
(dit le sycophante quelque peu effrayé par cet aveuglement)
Elle ressort aussitôt, empoignant une clé.
Tout le monde recule devant cet éclat métallique.
RÍO
Épouvanté, mais sans reculer
La clé d’Athol !
LE CHEF DE GARE
Innocent
Qu’est-ce qu’elle vient faire là… ?
LE SYCOPHANTE
Où va la poésie ? Il y a loin
Entre l’ancien et le nouveau,
Mais je ne vois pas la différence
De potentiel. L’attraction n’est
Pas universelle. C’est en Enfer
Qu’il faut chercher le Paradis.
Mais qui dit clé dit serrure !
Et qui dit serrure dit…
LE CHEF DE GARE
Allègre
Serrurier !
RÍO
Contemplant la clé
Moi j’aurais dit porte mais je ne suis pas poète.
LE SYCOPHANTE
Mettons porte mais qui dit porte dit… ?
LE CHEF DE GARE
Moins enthousiaste
On entre ou on sort ! Va et vient des interrupteurs
Qui annule toute idée de série. Et à force à force
On éjacule sur le paillasson. Je connais ça depuis
Que je suis ce que je suis devenu. Des enfants à
La clé…
RÍO
Jouant avec la clé, dans l’air
Le moment est mal choisi pour en rire !
(grande inquiétude avant la douleur inévitable)
Qui sait ce que la poésie doit au théâtre… ?
Qui sait ce que le théâtre doit à l’idée de clé ?
(impatient)
Voyons le reste. Elle n’a pas emporté que la clé.
Elle y a enfermé le nécessaire. Peut-être un mot
Destiné à m’éclairer. (il éparpille les effets sans
se soucier de ce qu’ils représentent) Rien pour moi !
LE CHEF DE GARE
Perplexe
À part cette clé… (on voit l’Homme s’agiter
en marge de cette scène / le chef de gare
lui fait signe de s’approcher ou de retourner
d’où il vient) Nous autres hommes… (il fait
la liaison) et elles décident de voyager sans
Nous : celui-ci croit encore (il désigne Río)
Qu’elle ne partait pas sans lui : mais les faits
Lui donnent tort : la valise est restée sur le
Quai… n’est-ce pas, monsieur… ? (l’Homme
revient après avoir tenté de retourner d’où
il venait) Ne me contredisez pas maintenant
Que la clé est entre nos mains… la police
Exigera d’entrer en possession de cet objet
Qu’elle n’a pas oublié d’emporter avec elle.
RÍO
Exhibant la valise vide
Nous n’en saurons pas plus, police ou pas !
L’HOMME
Sentencieux
Sortez d’ici, Río ! Le théâtre n’est pas fait pour vous !
LE SYCOPHANTE
Ajoutant
Pas plus que la poésie…
LE CHEF DE GARE
C’est dans le journal… On en parle… dans le journal !
À défaut d’en écrire quelque chose. Chinois ou arabe.
Andalou ou lettres mortes. Partout des nouvelles en
Vrac. Ou organisées selon la théorie à la mode. Sortons
D’ici ! Vous, moi, eux ! Sortons de ce qui n’est même
Plus un labyrinthe : nous errons dans les rayonnages !
Qui veut quoi et qu’est-ce qui ne veut plus de moi ?
Laissons nos métiers à la jeunesse. Retournons en
Enfance. La petite fille dans le regard du vieux singe
Et le petit garçon dans les rêves de Tarzan. Si j’écris
C’est pour ne pas écrire.
LE SYCOPHANTE
Militant
Bien dit !
RÍO
Triste
Pour une fois… Mais sans poésie et sans théâtre
Pour la dire : refaire la valise et partir avec alors
Qu’on n’avait pas prévu de voyager sans elle…
LE CHEF DE GARE
Les passages à niveaux en savent long sur le sujet…
(brusque)
Attention à la poussière, mon vieux ! Vous embarquez
Celle du quai. Secouez ce linge avant de le remettre
À sa place… enfin… à la place qu’elle lui a donnée
Avant de…
RÍO
Rageur, à l’Homme
C’est par où, la sortie… ?
L’HOMME
D’un côté comme de l’autre…
LE CHEF DE GARE
Étonné
Ça n’a pas de sens… On en sort ou pas, voilà
Tout : et quand je dis tout je ne dis pas tout.
LE SYCOPHANTE
Cela va de soi ! Sinon le sens revient au galop !
Nous avons tous vécu ça dans notre jeunesse.
Il ne s’agit pas de recommencer ! La douleur
De savoir vous coupe la chique. Et de ne rien
Savoir, ou imparfaitement, ça vous rend dingue !
Dommage pour la poésie ! Et tant pis pour la
Représentation. On ira se coucher avant la fin.
Et une fois ensommeillé on pensera à autre chose.
Une nuit sans conclusion, ça vous dit, ami Río ?
RÍO
Je veux sortir d’ici ! Je ne veux pas savoir.
Ni d’où je viens, ni comment je vais ailleurs.
Être moi n’a pas de sens. J’écris pour écrire.
En attendant de ne plus écrire, vous comprenez ?
LE SYCOPHANTE
Désolé, mains pendantes
Non, nous ne comprenons pas. Et on s’en moque.
Niagara. L’eau monte. Vortex des forces en présence.
Dans la fosse, Blanco s’échine à la baguette.
On a l’impression d’un film à grand spectacle.
On voit Río quitter les lieux, valise à la main.
L’homme hésite à le suivre, mais le sycophante
Le pousse dans le dos, encouragé par le chef de gare
Qui dit :
Nous n’étions pas ici. Nous ne désirions pas y être.
Chacun son métier. (au sycophante) Ne vendiez-vous
Pas des cigares avant de pratiquer la délation ?
Il vous arrivait d’en fumer. Dans l’antichambre
Vous fumiez les invendus. Personne pour le dire.
Mais à qui le dire ? Je l’aurais dit si j’avais su.
Pauvres de nous. Nous ne savons même pas jouer.
(il singe un tragédien connu de tous) Nous n’avons
Pas la clé : celle qui revient. (considérant Río qui
s’éloigne de plus en plus vite) Quelle chance il a !
De posséder ce qu’elle lui laisse. Nous voilà seuls !
Nous qui ne l’avons jamais été. Même aux pires
Heures du théâtre national. Seuls et amoureux
L’un de l’autre. Le chef de gare et le sycophante.
Quel beau titre pour une soirée qui ne l’annonçait
Pas ! (il tire le sycophante par la manche, hilare)
Ne soyons pas seuls en un pareil moment ! L’amour
Est bien. C’est la haine qui est mal. Dites-moi tout !
Scène déserte. Plus rien. Le chef de gare fait le tour. Le sycophante le suit, agité de spasmes. On entend les avions, mais on ne voit pas le ciel. La mise en scène n’a pas prévu le ciel. Il faut le deviner, l’explorer sans le voir. « Vous nous direz à quel moment il faut applaudir, n’est-ce pas ? » Le chef de gare fait signe que oui : cette didascalie est prévue, elle. Le sycophante proclame sa confiance dans le texte. « N’applaudissez pas maintenant ! Ma proclamation ne fait pas partie du spectacle. Je la publierai à part et à compte d’auteur. Bientôt en librairie ou chez le marchand de valises. Marchand pour marchand, n’est-ce pas… ? »
LE CHEF DE GARE
Heureux
Qu’est-ce que j’étais avant… ? Vous
Me posez la question, je le sens.
Non… pas gardien de troupeau.
Pas comédien ni le contraire.
(soupir profond)
J’étais ce que j’étais. Mais sans
Métier. Fils de la maison. Jeune
Après avoir été vieux. Affamé
Mais sans perspective de vol.
Je pouvais jouer tous les rôles.
Quelle polyphonie impossible !
On ne naît pas pour naître.
Je me prenais pour l’arbre.
Soumis aux saisons comme
L’arbre qui ne meurt pas ici
Mais ailleurs. J’avais le sens
De mon côté, comme le joueur
De foot. Sans outils pour être
Et tout pour devenir. Héritier
Sans héritage. Cadavre sans
Mort. Père sans fils ni fille.
Amoureux sans amour, las
De l’ancien comme du nouveau.
La ville me connaît. La terre
Me donne le fleuve. Qui sont
Ces gens ? Vitrines des reflets
Et non pas de leurs contenus.
Ouvrez la porte avec ou sans
Clé. À un moment donné,
Peut-être à la fin, l’objet
N’explique pas son apparition.
Ou alors il faut croire qu’on
N’a jamais été enfant. Aimez
Moi comme vous voulez. Ou
Ne vous retournez pas sur
Mon passage. Je fuis ou j’arrive.
Qu’est-ce que c’est beau d’être
Jeune et vieux à la fois ! Ni l’un
Ni l’autre. Sans transparence
De voyage. Iceberg des plans
À traverser d’un continent à
L’autre. Sans îles pour repos.
Sans vent en poupe. Poète
Raté. Mais pas sans charme,
Avouez-le. Sans moi (ici le sycophante dit mais pourquoi moi ?)
Comme la page serait belle
Si je la tuais ! Je n’ai jamais
Tué le temps à ce point !
Non, je ne vous envie pas !
(le carré se met au rouge)
Nous avons un train à prendre.
Rideau.
Le rideau s’entrouvre et Río passe devant, hésitant toutefois.
Il entreprend la descente par l’escalier.
Il est à mi-chemin quand Blanco apparaît dans le rideau, disant :
Je suppose qu’on ne te reverra plus…
(un temps)
Je m’étais habitué à toi, depuis le temps !
Ça va me faire drôle de continuer sans toi.
Je ne sais même pas ce que je vais continuer.
Comme si ça n’avait jamais commencé, vois-tu ?
Je me sens dépossédé, pauvre même, sans rien.
Hé ! Ne cours pas si vite : je ne te suis pas !
Je ne suis pas fait pour quitter les lieux.
Je ne sais même pas ce que je rencontrerais
Si je sortais de ce théâtre où je ne joue plus
Depuis que je sais jouer : envoie-moi une carte
Postale à ton arrivée : en admettant que tu saches
Où tu vas : pas sans un détour par le passage
À niveau : toute trace effacée : les feuillages
Sont mouillés à cette époque : puis l’hiver
Appelle un printemps sans nouveauté en
Attendant que l’été bousille ces rêveries !
Mais tu sais déjà tout ça : pour l’avoir vécu
Plus d’une fois : tel est ton personnage : fleuve
Sans estuaire : à marée basse les roches noires.
(se souvenant) Ah ! Tu oublies le sauvageon
Arraché à la forêt de la qasida. Ce peu de terre
Enracinée dans la chair sépulcrale : tu chanteras
Si la musique t’inspire : aux tours des moucharabiehs
Les pétales envolés comme autant de lettres.
Que la terre est ancienne si on y revient !
Ne m’oublie pas, Río. N’oublie rien de cette eau.
Tu nourris l’anguille musclée ainsi que la sèche
Trompée / des couteaux s’ouvrent sous la vase
/ nous sommes de retour et pourtant c’est la mort
Qui arrive avant nous : comme autant de pétales
Emportés par le vent ou les possibles ruines d’or
Fin : je ne te retiens pas : j’ai mon job ici : peur
De tomber plus bas : en coulisse les fruits amers !
Parlons pour ne pas agir contre ce que le soleil
Éclaire de sa lente extinction. Parlons d’écrire
Sans faire d’histoires : terre vieillie de trouvailles !
Heureusement que tu n’es pas un personnage !
Traverse l’orchestre en son milieu vaguement
Oblique : les battants immobiles frémissent :
Qui empoigne la poignée pour te laisser passer ?
Tu ne verras pas ces yeux comme tu n’as jamais
Vu les miens : ni ceux qui se souviennent de toi.
Dehors, c’est la nuit : et la nuit, ici, c’est le jour
Ou sa promesse : selon le spleen en vigueur /
Je vois ça d’ici : ta lenteur de récit en attente
De chute : les animaux te suivent à la trace :
Tu rencontres le fleuve pour la première fois,
Toi : fleuve sans terre : quel village se nourrit
De ton œuvre ? (un cri) Attends, Río ! Je n’ai
Pas fini : ne t’en vas pas avec mon ébauche !
Mais Río descend encore quelques marches.
Il a la tête baissée.
Comme il n’y a pas de rampe, il oscille.
On entend son murmure, mais rien de plus.
En haut de l’allée centrale, la porte cliquète.
« Ce n’est pas la bonne clé, je le sais bien…
Je pars pour ne pas en dire plus. »
Il atteint le plancher.
Blanco continue :
BLANCA
Les sentiers de jadis sont devenus des routes
D’asphalte et de panneaux ; mais l’âne suit
Son âne sous le ciel blanc ; une rose tache
Le vert entre les murs ; nous étions heureux ;
La vieille poésie cheminait en poussière d’or ;
Les enfants suivent ; ni silence ni voix, l’amour ;
Je ne te retiens pas ; je ne reviens pas non plus ;
Planches disjointes pour l’œil ; dalles aux joints
De sable ; le seuil se creuse encore chaque jour ;
Mais je ne connais plus ces nuits ; trilles têtus ;
Quel chemin de la mélancolie à la tristesse !
Monte puis descend ; souffle aux angles morts ;
Rature de la pointe de son bâton ; une figue
Éclabousse ; l’or des surfaces conquises par
La copla ; qui revoit qui en ce moment ? Je
Suis ce que le refrain veut de moi ; n’oublie
Pas ; l’Arabie plus que tout autre sainteté ;
N’oublie pas que tu es venu ; personne ne
T’attendait ; fleuve des lits, histoire des nus ;
Aux rayons se partitionne ; tu ne sais plus
Qui est qui ; mais il n’y a plus de personnages ;
Cousins et cousines du vieil horizon couchant ;
Ni pleur ni même douleur ; comme si l’esprit
Possédait les lieux ; rien n’est joué d’avance ici
Bas ; rien ne se joue à deux ; de l’impression
Nulle trace savante ; quelque chose entre
Plaisir et douleur : sans nom par l’entremise
D’une poésie acquise et non pas retrouvée ;
N’écoute que les possibilités de mes formes ;
Le jardin recueille les tons ; coule cette semence
À la tangente des escaliers ; si j’écrivais, Río,
Au lieu de jouer, la mer ferait de toi un nouvel
Ulysse ; nous attendons l’automne et ses pluies
Torrentielles ; la terre une fois encore ravinée
Jusqu’à l’os de la vieillesse ; racines visibles
Enfin ; puis ta main lisse la terre des châteaux ;
N’oublions pas ce qui se perd autrement ;
Ta vague déferle contre le parapet ; sel des
Os ; nous avons aimé une fois ; éternité.
Et c’est signé :
Blanca.
Classiques accords comme la pluie, dit Río
En réponse / il remonte l’allée avec l’ouvreuse
/ il la tient par la taille / « ne soyez pas triste »
« si le public était là, mon pauvre ! »
Blanco chante ce que Blanca joue sans lui.
« vous oubliez la conduite »
« je ne sais pas ce que j’oublie »
« rien ne pousse ici ! on se sent seul ! »
Après l’horizontalité, l’écriture essaie la verticale
Des planchers.
« je ne sais pas si je pars…
si ça se fait : je sors. »
Il la tient toujours par la taille
Et elle se laisse conduire, agitant sa lampe.
« par ici »
La clé inexplicable autrement / dans la main.
N’ouvre qu’une porte lointaine, oubliée.
Elle pousse avec le pied la porte du présent.
Il ferme les yeux comme si la lumière…
« mais il n’y a pas de lumière »
« on ne sort pas à n’importe quelle heure »
Voix autour de soi : en représentation.
« je ne sais plus ! »
Et se jetant sur ses genoux, il enfouit sa tête entre les cuisses.
C’est ainsi qu’il étouffe son cri.
« qu’est-ce que je fais maintenant ? »
Elle agite sa lampe.
Les fresques s’animent.
Les statues de plâtre.
Les mains courantes.
Le velours des seins.
« je sais que je vais mourir avant de savoir vivre »
« je ne me suis jamais senti aussi seul »
« et moi donc ! »
Dès que l’image s’anime, elle appauvrit le sens,
Dit quelqu’un au passage.
Et Río dit en réponse :
Combien de fois ai-je pensé avoir atteint
Le bout du chemin, à l’endroit où plus rien
Ne dit son nom ? Une fois l’an, en hiver ?
Ou autant de fois que je suis sorti de chez moi ?
Rien ne ressemble moins
à l’intérieur que l’extérieur !
J’aurais dû choisir un autre métier ! Mais
Je n’ai pas choisi : il faut être dedans pour
Regarder dehors, plate tautologie de l’être
Qui n’a pas encore trouvé les moyens d’existence.
Penché comme à la fenêtre, ne voit pas
Que la vitesse est relative : s’imagine
Qu’il est déjà venu : avec d’autres temps.
Un métier d’homme. Des outils d’encyclopédie.
L’odeur de l’atelier. La sueur des autres. Vivre !
Au lieu de hanter les lieux. Entre au théâtre et
N’en sort plus : « tu joueras ou tu seras joué ! »
Pas d’autre choix après l’éducation en croix /
Et une fois dehors, l’intérieur est bourgeois :
Tiède comme l’eau des fontaines andalouses ;
Lent comme ce qui ne se raconte pas ; exsangue
Mais de chair ; avec un enfant en guise de clé !
Jette les pierres par-dessus son épaule,
À l’aveugle : devant le temps ouvre ses
Cuisses / qui installe les crépuscules si
Ce n’est Dieu lui-même ? Mais Dieu n’a
Pas de nom : l’homme en a un / femme
En puissance : prisonnier de son sang.
Pierres empruntées ou volées aux chemins.
Au passage des seuils et des propositions
Commerciales ; j’ai appris votre langue
Pour ne pas vous perdre : comme si l’or
D’un scarabée avait de l’importance !
Ces arrachements laissent des traces !
En filigrane une véritable histoire d’homme.
Si l’homme est la femme et l’enfant
L’homme lui-même : j’aime la poésie
De vos clôtures / nous autres herbes
Des prés et des sous-bois : animaux
Pris au piège du cercle infini, infini !
Que l’aphoristique l’emporte sur la voix !
Si ça vous chante et si c’est là que vous habitez.
Je passe mon chemin sans m’oublier.
Jusqu’où ? À quel endroit qui ne soit pas
Une chambre d’hôpital ou la place du mort ?
De quelle chandelle me parlez-vous ?
BLANCA
Gémissante
Nous n’étions pas loin de connaître le bonheur.
Encore une trace infime et le fleuve se jetait à l’eau !
RÍO
Seulement voilà je n’étais pas fait pour me jeter !
BLANCO
Tu le reconnais enfin ! Il a fallu attendre ce moment
Heu… tragique : pour que tu admettes la… chose !
Mais je n’en dis pas plus : de peur d’en dire trop.
RÍO
Qui était-elle alors que je ne savais pas qui j’étais… ?
BLANCO
Récitant
Le voilà plongé dans son lit de verdure !
Ô cresson justiciable !
Eau potable des maisons possédées par actes notariés.
Nous étions amis autrefois.
Et nous le sommes restés longtemps.
Mais les rêves nous ont séparés.
J’étais ce que je suis
Et il n’était pas là.
Voilà toute l’histoire.
Nous n’avons pas fait la guerre,
Pas pensé une seconde à notre pays
Et à ses filles de terre et d’os.
On perd son domicile dans ces conditions.
Le gendarme se méfie de vous.
On vous empêche de voter comme les autres.
Les vitrines deviennent des théâtres chinois.
Les portes redeviennent cochères.
Les jardins se peuplent de chats morts.
Qui hulule n’a pas de hibou en tête.
(se reprenant)
Le voir presque mort,
À une porte près !
Si c’est pas triste !
Après tant d’années communes !
Moi la fille et le garçon !
Le joueur et la jouée !
Et lui sur le devant de la scène, appris par cœur
Par on ne sait quel lauréat ?
Qu’est-ce qui tient encore debout après ça ?
Nous étions trois si je suis double.
C’était son bonheur, cette trinité.
Sa voix en dépendait.
Sa voix de fleuve tout juste en partance.
Moi comme jardin d’Alhambra
Et elle comme chant profond.
Quel comédien mieux servi ?
Et il s’en va maintenant !
Il est à la porte.
Le tapis est éclairé.
La rue s’annonce par ses affiches.
Son dos immense est perclus de douleurs.
Inscrivez la douleur comme graffiti !
Les bons textes s’écrivent sur les murs,
À la campagne comme à la ville !
Bientôt l’oxygène de Mars sera respirable et utile.
Nous ne savons pas où nous allons mais nous aimons notre passé.
Il y a toujours une fille pour le dire.
QUI ?
Toujours la même question :
Qu’est-ce que je fous ici ?
Il en fait une chanson puis : la mésange
À tête noire avale goulument une abeille
Au seuil de la ruche (au trou de vol)
À moins que le philante apivore /
Le trottoir est herbu ici, remarque-t-il
À voix haute alors qu’il est seul : mystique
Des soleils répandus aux pieds des murs.
Quelle thébaïde pour une déréliction !
Rouge coquelicot et avoine des champs.
Qui m’a déposé ici au milieu de tout ?
Je n’aime pas la terre ni la pluie.
Inventez tant que vous voudrez : des cultes
À foison si vous savez ce qu’est une foison.
Ni feu ni eau pourtant : l’herbe est jaune
Ici : nous sommes revenus pour exister
Encore : trop vieux ou pas assez jeunes /
Donnez un nom à chaque rehaut : accumulation
De gouttes en surface : qu’est-ce que je fous ici ?
Je me fous d’être ici / je ne suis pas venu : j’aime
Mieux dormir / ce monde ou un autre : kif-kif.
Chacun veut sa part de territoire, ici ou ailleurs,
Venu de loin ou vu de près : quelle saison s’en lasse ?
Les mots finissent par avoir un sens : quai de gare
Perdu au fin fond du pays, à la racine des montagnes
Qui donnent le la aux instruments spirituels : déposé
Comme un sac des messageries de la solitude.
Pour voir l’herbe déjà sèche, ses insectes pressés
: sans doute d’en finir : je n’ai pas désiré ce voyage
/ mais j’ai aimé l’enfance : aimé le voisinage, la mer,
Les ciels d’orage / qui m’aime si je n’aime personne ?
Voyez les traces des activités économiques qui
Expliquent qu’ici tout n’est pas vraiment mort :
J’ai aperçu (ou deviné) des yeux par l’ombre
Clairs et profonds : ou je les ai imaginés : ainsi
Commence le roman qui : tôt ou tard : deviendra
Poème : avec ou sans poésie : déposé comme feuille
À l’automne d’un voyage en tous points semblable
Aux émigrations mises en page par la pratique
Du rythme / ne me dites pas que j’ai sauté
Du train en marche : profitant d’un ralentissement
Consécutif à un suicide : saisissant cette occasion
De mettre un terme à ce déplacement insensé
D’un point à un autre de la possibilité de vivre.
Voilà toute l’histoire : anabas gueule ouverte
Dans le buisson : quel insecte se laissera séduire
Par cette langue « émergée » ? / l’anachorète
N’a pas vu Dieu ni entendu sa voix : la promenade
Est semée de gouttes sucrées : « ils finissent tous
en chambre » : avec ce désir de n’être pas le fils
Ni la fille : ce vœu qui n’est plus un désir : cette
Intention finalement : voyage horizontal par dé
Par définition / « ce poisson est l’ancêtre de l’hom /
Et de la fem / de l’enf / de ce qui est écrit au civil
Comme dans les annales du crime : ballast chauffé
À blanc : rails des laminages : le quai est un art »
Qu’est-ce que je fous ici ?
Cite des noms de choses appartenant à la nature
Ou du moins à ce qu’on imagine (communément)
Relever de ce socle d’enracinement : trouve des
Mots chez les autres : revisite les lieux : le mal
Est partout et le bien se fait rare, dit ma voix
Au silence du quai : herbes rôties des étés sans
Noces : tiges cassantes aux interstices des murs
Croissant devant : je ne sais pas pourquoi j’ai
Laissé tomber : ce ralentissement m’a inspiré,
Je crois : ce n’est qu’une histoire ou un fragment
Clinique des faits : venu de quelques-uns et allant
À la fin de soi : sans suite à donner à leur Histoire
/ ni pauvre ni vieux, ni malade ni exaspéré :
Ne trouvant pas le seuil de ces murs bâtis
En d’autres temps : je suis qui vous voulez
Que je sois !
Et je le suis ! Quel soleil m’ignore à ce point ?
Pas de valise, à peine vêtu, rien dans les poches
Et surtout pas le nécessaire : personne pour
Me dire : que je suis allé trop loin « que c’est
pas ici » / que je finirais bien par rencontrer
Quelqu’un / à sa table buvant son vin / pas
Noire l’angoisse / pas rouge la douleur / le temps
Exige de quoi payer : l’idée était d’entrer (ô la la !)
Dans la peau d’un autre qui ne fût pas moi / voilà
Toute l’histoire : celle de Río le fleuve sans amont
Ni aval : aucune étrave en travers des érosions /
Algues agitées de passages / sous les frondaisons
Trouvait le repos : et dormait comme s’il n’avait
Jamais aimé : les strophes s’annonçaient en masse
/ « un jour je saurai tout de vous » / qui est qui
À cette hauteur ? / lieux désertés ou ignorés :
Pourtant le quai témoigne d’une activité humaine :
Sans traces de pas (effacées par les vents) ni objets
Perdus ou jetés / déambule un instant (une seconde
Pas plus) les yeux examinant le sol dur et épars :
Des routes proposent leurs destinées, sans panneaux
Ni signes de vie : ici commence mon récit, après
L’histoire et avant le roman : poésie d’un lieu
Issu d’un ralentissement que rien n’explique
Ni ne conte : pensant ils reviendront bien un jour
Ou l’espérant malgré la colère : rien, pas un mot
Écrit, pas une sonorité retenue par cœur, rien
À plat : peut-être un théâtre, architecture en
Phase prémonitoire : « jouera tous les papeles »
À ce stade du pourrissement de soi en miroir :
L’éparpillement des os (la chair est oubliée depuis
Longtemps) / au cénotaphe des mains usées
Par le travail nourricier : jeté la clé au loin
Plutôt qu’à l’intérieur : sans souci de parabole
/ et les années installent rideau et rampe,
Coulisses et tringles, trappes et balcons /
Répétant qu’est-ce que je suis venu foutre
Ici : en ce lieu de non-voyage : presque nu
Et sans lendemain : créant la source et son eau
Pour aller plus vite que le vent de l’Histoire /
Assise dans ses voiles la beauté sur la margelle
Blanche de chaux : n’oubliant ni la rose ni les
Chants d’oiseaux reconnus à leurs positions
Sur la branche : personne pour dire le contraire
Ajoute-t-il au texte : revenant par superposition
Pas de transparences ici continue-t-il de penser
/ au frôlement des plis eux transparents : « ça
s’rait-il pas plus simple de le dire en chanson ? »
ou ailleurs : si tant est que la manière est situable
« je vois ça d’ici » / peut-être ami d’enfance… qui
Sait ce que nous savons au fond de nous ? / Qui
Descend le premier ? Qui en a parlé avant les autres ?
Voici les saisons et les sciences du comportement :
« nous avons aussi emporté les mots qui vont avec »
Comme bagages à surveiller aux ports : clés et chaînes
Du sens : on ne perd pas ce qu’on tient / passagers
Entre infini et profondeur : au bastingage vomissant
Des textes : écumes des houles : de temps en temps
Apparaissait une figure mythologique : genre demi
Dieu ou garce circonspecte : « nous partons tous
les ans » / chaque année le même itinéraire conçu
Par les spécialistes des déplacements de surface :
Amours clandestines : ancillaires si possible : nièce
Volage et pas assez âgée pour figurer sur la toile.
Ce qu’un simple appareil textuel peut suggérer
À l’esprit : pourvu qu’il se prête au jeu : gagne
Quelquefois : offre alors le gite et le couvert :
Loups et vents : le feu couvait « que voulez-vous ! »
Voici le fer rongé par l’attente « comme je vous
l’avais promis » oui oui des ponts glissants de sel
Et d’écailles : des histoires en veux-tu en voilà !
Entre et sort : sinon réplique : ou passe son tour
: « c’est dingue comme la critique peut vous
blesser même si vous avez raison ! » / poitrines
Exténuées offertes en sacrifice non pas aux dieux
Mais à ses saints : monarques des vitrines joyeuses
: le monde dans la main et la main sur la rampe
Fraîchement vernissée : têtes hautes des satisfaits
Et paluches noires des mal nés : « je revoyais tout
ça sur le quai alors que personne ne pouvait
témoigner de mon improbable solitude » / mort
Pour rien : « qu’est-ce qui ne s’oublie pas si le pays
n’en est plus un ? » / des fois on s’alimente de sucre
Et d’autres fois de sa fermentation : de l’enfance
De l’art à son enterrement : « il doit bien y avoir
un cimetière dans ce trou perdu » / mais perdu
Comment ? À quel endroit de la logique imposée
Par la sagesse ? Nous aimons les fleurs et les gouttes
De rosée. Qui se perd en chemin dans les châteaux ?
Quelle guide aux genoux rouges n’en rie pas une
Fois rentrée chez elle ? Pourquoi moi et pas une
Autre ? / arpentant le quai désert et inutile :
Je revoyais (littéralement) ces tours en pays
Étranger : pourquoi sommes-nous allés si loin ?
Oui oui le poème doit se mordre la queue ou
Passer son chemin ! Je n’ai pas l’âge de ma fille.
Nous aimons les lieux d’ombre et de soleil caché.
Voyons si c’est par là comme en mer les observations
De la hune : si nous n’étions pas deux cette lune
Là-haut foulée par l’homme : quelle écriture
Pour ce voyage ? Les journaux ressemblent
À nos romans : ou l’inverse : genoux rouges
Et mollets douloureux : mais la douleur
Ne se voit pas à leur niveau : seul le visage
Est signifiant dans ces circonstances un peu
Comment vous dirais-je ? / rien de tel au verso
De nos cartes postales : quelle que soit la saison
/ les objets composant le jardin s’assemblent
Toujours de la même façon : ce qui change :
C’est la saison : encore que les années, ma mie…
Sur le quai seul et sans argent pour le dire :
L’excuse du ralentissement : « ne descendez
sous aucun prétexte ! » / mais descendu il
Ne trouve pas même la force de se souvenir
: il observe les herbes calcinées de cet été
Particulier : la pierre concassée : les mottes
Dures : ici et là des habitants furtifs : insectes
Pour la plupart : rien à boire ni à manger : rien
À voir en marge de l’attente : pas un arbre
Pour s’interposer entre le ciel et soi : la mort
A un visage : « si vous me le demandez : je
propose le mien » / Quel désert au fond !
Entre les civilisations : ne servant pas même
De transition : le seul souci c’est l’eau et avec
L’eau l’insolation / histoire d’une évaporation
En style sibyllin : aimez-vous cette dispersion
Des moyens hérités d’une longue tradition ?
Qu’est-ce que je fous… un bon petit métier
Ou à défaut quelque chose à faire, utile ou pas
/ sans oublier la reproduction de l’espèce et
De ses choix civilisateurs / on apprend vite si
On veut : et je sais que vous voulez ! Arrrghg !
Quelle misère si on y pense ! Se trimbaler d’ici
À la rue et de la rue au pot : à fleur du style et
De sa nouveauté : je vends pour ne pas travailler
Comme les autres « rentre en possession du bien
que la vie te donne de droit » / des lunes sous
le soleil : Qu’est-ce que je fous ici ?
Rien pour écrire, pour dessiner, pour composer
Les graphies de l’émerveillement, rien sur terre
Mais : là-haut ? Ou dessous en grattant un peu ?
Se dit ça ne durera pas arrive le moment quelqu’un
Pose la question : qu’est-ce que vous foutez ici ?
Décline alors quel nom ? / exhibe quels papiers ?
/ quel visage ressemblant ? / dit vous ne me con
Connaissez pas / voyez cette abeille dans le bec
S’agitant parce qu’elle sait ce qui l’attend — lui :
(ou elle) On voit ça tous les jours si nous chante !
Ne perdons pas de temps en babioles ! Suivez
Moi ! je connais le chemin : je suis d’ici.
Pense il y avait longtemps que je n’avais ouï
Le d’ici des origines de mon enfance / joie
Constante puis cassure nette du récit enjambé
Par temps de soleil et de mer : je sais où je vis
Mais je ne sais pas où je suis / « quelle question ! »
Ce type sentait la bière et le tabac : « pas la
première ni la dernière : on a l’habitude : suivez
moi ! » / comme si j’avais besoin de ce théâtre !
Jambe de bois ou d’ivoire : ce qui t’appartient
Parce que tu vis et que d’autres sont déjà morts.
Des mots dans le dictionnaire de la nature :
Tout y passe : et l’hiver le vent amène ses loups
/ cogne la cognée et enjambe la jambe : enfance
Interrompue non par suicide mais sans la mort
Qui lui donnait un sens : jusqu’à ce que la langue
S’interpose entre le Bien et le Mal : que l’autre
Légifère par procuration : que toute sépulture
Ait son dieu : toute union sa fornication et :
Descendant de son palais suivant le sens de l’eau :
Plus bas il vit que le train sortait du tunnel et :
Qu’au passage à niveau elle l’attendait : plus
Loin : le quai écrasé de chaleur : des heures
d’attente : Qu’est-ce que je fous ici ?
Oui oui ce personnage venait à moi sans intention
De changer une virgule :
LE SYCOPHANTE
Alors comme ça dans la rue il raconte
À qui veut l’entendre
Ce que ce prince vint lui annoncer :
« il sera toujours trop tard »
Río prend le temps d’une vitrine,
Sans envie, sans jalousie, pas hypocrite pour un sou :
Le prince est dans son dos,
Dit se nommer « Gor Ur » et avoir hérité du Bien comme du Mal,
Autrement dit d’une équation égale à rien.
RÍO
Pas déçu
Tant pis ! On parlera d’autre chose.
Vous êtes invité au cocktail ? Je le suis.
C’est ainsi que je monte et que je descends.
C’est ma vie ! Je n’en possède pas d’autre.
En tout cas je ne fais rien pour que ça change.
Je ne crois ni en Dieu ni en l’homme : je pense.
Quelque part entre la mer et le pays, ma voix
Entretient ses instruments, jalouse d’elle-même.
Je n’habite pas un réseau conçu pour habiter
Avec les autres :
Jadis j’étais fleuve et mer
Je ne suis pas devenu.
Père non plus.
Pas pu rester enfant.
Les os ont leur volonté.
Seul le sang n’a pas d’âge.
J’aime suivre les phrases
Qui marchent devant
Pour qu’on les suive.
Jamais poème ne m’en a voulu.
Ils trottinent derrière moi.
Je me souviens des moins faciles.
Mon spectacle ne vaut pas plus cher.
Fleuve j’étais dedans mon lit.
Habité et grossi par le temps.
La surface est égale à la profondeur.
Mais ce jadis me turlupine.
Il a toujours été trop loin,
Et ma main de cascade jamais
N’y a trempé ses doigts.
Rien devant qui ressemble
À une promesse : rien de vrai.
Mes rives sont des rives
Et mes joncaux des sabbats.
J’en ai perdu la langue.
Mais pas muet pour autant !
En portier ou en vigile,
Je suis digne de mon rôle.
Je connais ce que je connais
Par cœur et à l’estomac.
On peut me faire confiance :
Je coule de source.
Mais ce jadis aux airs d’enfant,
Ni mort ni revenant,
Joue avec ma patience
Et déjoue mon impatience.
Ma voix s’en trouve mal.
Ce qui est bien pour les uns
Et pas assez pour les autres.
Mes villes sont des villes
Et mes ports des éphémères
Aux ailes de poussière.
Naguère n’a pas de sens
Comme tout ce qui n’existe pas.
Peut-être a la couleur du temps.
Peut-être fleuve ou peut-être pas.
Enfant ou personnage à jouer
Comme on abat une carte
En plein cœur.
LE SYCOPHANTE
Jolie chanson ! Avec un peu de musique
Et de la voix, et peut-être quelque assonance
… Vous hésitez, Río… Quelle légende vous accoquine ?
RÍO
Amusé
Ne secouez pas l’enfant pour le déposséder !
GOR UR
Désignant le carton d’invitation
J’imite bien les signatures, mais celle-ci est la mienne.
Vous en doutez ? (un temps) Je ne puis le prouver…
RÍO
Je ne vous demande rien !
LE SYCOPHANTE
Ce serait ma signature…
RÍO
Peu importe qui m’invite aux réjouissances en vigueur !
Il n’est pas mauvais, en sortant du théâtre…
LE SYCOPHANTE
Mais vous
N’en sortez pas ! Vous fuyez ! Vous avez presque disparu !
RÍO
Toujours amusé
N’exagérons rien ! Tout au plus je vais
Où le vent me pousse : cela ne s’appelle
Pas : fuir / et bien sûr je suis sorti : voilà
Qui explique ma disparition interrompue
Par…
GOR UR
Présentant un autre carton
Gor Ur. Je possède…
RÍO
Hilare
Ah ! Ah ! Il possède !
Facile à dire à quelqu’un
Qui ne possède rien !
LE SYCOPHANTE
Rien ! Mais alors ce qui s’appelle rien !
RÍO
N’en rajoutez pas ! Rien et rien c’est rien.
Et encore rien c’est toujours rien. Ainsi
Jusqu’à ce que mort s’ensuive ! Gor Ur !
GOR UR
S’avançant comme un domestique
À votre service… heu… si je puis dire…
RÍO
Vous descendez du train vous aussi… ?
GOR UR
Non… de mon palais… et de ma lignée,
Cela va sans dire…
RÍO
Pourquoi m’avez-vous invité, je dirais :
Cueilli au saut du théâtre où j’ai perdu le sommeil !
(Gor Ur hésite)
Il y a bien une raison… Mon talent de… comédien… ?
GOR UR
Se ressaisissant
Entre autres… J’ai pris conseil… Je ne vous connaissais pas…
RÍO
Conseil, dites-vous ? Auprès de qui, de quoi, comment et : pourquoi ?
GOR UR
Ma foi… Je ne crois pas me tromper…
RÍO
Mais on a pu vous tromper…
GOR UR
Souverain
Les morts ne mentent pas… que je sache…
RÍO
Mais ils ne parlent pas non plus… que je sache !
LE SYCOPHANTE
Nous avons eu une morte aujourd’hui…
Au passage à niveau…
Un arrêt technique s’en est suivi…
RÍO
Grimaçant
Écrabouillée sous le train ! Pouah !
GOR UR
Très théâtral en effet.
RÍO
Singeant
Sgrouiiitch ! Ni chair ni os ! De la bouillie !
Le train a ralenti (je m’en allais) et je suis descendu
Sur le quai : cette lenteur m’avait inspiré.
La chaleur aussi sans doute : pas de vent.
Une mésange. Personne. Plus de train.
La plaine plantée d’agaves. Un moulin
En ruine. Des figuiers de Barbarie sans
Figues. Pas de traces sur le chemin. Nu
Presque j’étais. Sans argent. Prêt à tout.
Je suis le fleuve que poursuit l’enfance.
LE SYCOPHANTE
Relatif
Elle ne vous poursuit pas !
Tout au plus se signale-t-elle
Par ses cris… d’enfant.
RÍO
Irrité
Sans cesse revenant sur le métier et jamais
Satisfait par le produit de ce travail têtu.
Je sais de quoi je parle quand j’en parle !
Tandis que vous…
LE SYCOPHANTE
Satisfait, à Gor Ur
Je me suis renseigné, figurez-vous.
GOR UR
Il y aura du monde. On jouera
À se raconter des histoires.
La vôtre trouvera son audience.
Nous sommes beaux joueurs,
Tous autant que nous sommes.
RÍO
Mais qui êtes-vous ?
Je sais ce que je suis,
Et même ce que je vaux,
Mais rien sur votre compte
Et sur celui de vos… amis.
Parmi lesquels une morte
Qui… vous a parlé de moi !
GOR UR
Impatient
Vous verrez bien.
(consulte son oignon)
La nuit nous laisse le temps. Montez avec moi. Nous prendrons le funiculaire. Maldoror l’emprunta. Je ne saurais vous dire dans quelles circonstances… Mais il y a laissé sa trace melmothienne. Elle me la donna à observer, alors que jamais je ne l’avais remarquée, malgré de multiples emprunts. Ah ! sans ce funiculaire, que de courses folles ! Essoufflement avant d’atteindre la porte. Ces deux niveaux de la ville en ont épuisé plus d’un avant la construction de cette rampe mécanisée. Je fus l’un des promoteurs, en tant que conseiller municipal. Mais l’entreprise ne me rapporte rien. On se souviendra de moi le moment venu. Une niche est prévue à cet effet, à la hauteur du guichet d’en bas. Ne me demandez pas pourquoi en bas et pas en haut. Je n’ai pas participé à cette décision, ni posé la question. Je sais seulement que ma représentation aura à peu près l’âge que j’ai aujourd’hui. Ledit âge mûr. Qui ne dit rien de l’enfance mais passe sous silence ce qui l’efface définitivement. Laissez-moi vous montrer. Levez les yeux, pas plus haut que les acanthes : c’est la niche, ma niche. Je l’occuperai ad vitam aeternam. Bien sûr, comme vous le faites remarquer (vous n’êtes pas le premier) il faudra lever les yeux. Mais que voulez-vous : c’était ça ou rien. Alors entre rien et quelque chose, mieux vaut s’en tenir à ce qui est et oublier ce qui ne l’est pas. Je vous le dis comme je le pense. Et ce n’est pas une critique. C’est par ici…
Prenons un billet. J’ai ma carte d’abonné. Entre nous soit dit, je ne paye rien. Cela doit bien se savoir, mais personne n’y voit d’inconvénient. J’imagine…
Il faut attendre. On entend les grincements de l’acier. Dessous, l’herbe pousse. Et ça monte ! La gravité se souvient de nous. On peut fumer si ça n’importune personne, mais il se trouve toujours quelqu’un de fragilisé par l’air du temps. Vous verrez comme j’ai raison. Je montre mon étui avec ostentation et quelqu’un me fait signe que non. Il ne me reste plus qu’à le rempocher. C’est discret et sans dispute. Je n’aime pas ce genre de discussion. Bien que cette renonciation me prive du plaisir de fumer en montant… ou en descendant. Je me contente de mesurer la friction des câbles et des rouages. Je pense à ma niche. Un budget, tout de même. Voté à l’unanimité. J’avoue que j’ai eu peur d’une réticence. Mais aucun signe de contestation sur les visages de mes colistiers. Même l’opposition s’est ralliée à cette idée de niche. Il n’y aura pas d’autre trace de moi dans cette ville. Vous écrivez… ?
RÍO
Surpris par la question
Pas au point de posséder une niche…
GOR UR
Oh ! mais je ne suis pas encore dedans ! J’ai bien le temps de… vous savez.
RÍO
Je ne sais pas tout.
GOR UR
Mais vous attendez. Comme tout le monde. Il n’y a pas grand-chose à faire d’autre… en attendant. Autant profiter de cet espace pour en écrire quelque chose. Inutile d’en sortir pour aller taper le carton ! Ou se perdre dans les lacets d’une conférence.
RÍO
Que dire des spectacles… ?
GOR UR
Par ici… Comme je vous le disais, je n’ai pas de niche ici… en haut. Nous ne mettrons pas longtemps. J’habite les beaux quartiers. On y côtoie les meilleurs hôtels. Avec une facilité ! Je ne vous dis pas. (marchant) Ainsi, vous écrivez… Ne dites pas le contraire. J’ai connu des comédiens. Des comédiennes surtout, mais je ne veux pas vous ennuyer. (un temps) Qu’est-ce que vous écrivez, vous… ?
RÍO
Je ne suis plus un enfant.
GOR UR
Vous écrivez je ne suis plus un enfant !
RÍO
J’essaie de l’être, mais je ne peux rien écrire d’autre.
GOR UR
Perplexe
Du diable si j’y ai jamais pensé !
RÍO
Gamin
Mais je n’y pense pas. Ça me vient comme ça.
GOR UR
Prosaïquement… ?
RÍO
Si vous voulez dire : sans poésie, c’est comme ça que ça me vient. Je n’y peux rien. C’est comme monter dans le funiculaire : je monte ou je descends.
GOR UR
Il n’y a pas d’arrêt intermédiaire, en effet… C’est une idée à creuser. J’en parlerais au Conseil. Mais il s’agit de savoir en quels termes. (frappant sa cuisse) Vous ne les connaissez pas.
RÍO
Non, en effet. Moi pas connaître eux. Eux pas connaître moi. Eux peut-être connaissent mes personnages. Si eux venir au théâtre…
GOR UR
Eux venir.
RÍO
Alors eux savoir.
GOR UR
Nous arrivons. Il y a déjà du monde. Vous êtes attendu. Pour la rémunération…
RÍO
À pile ou face !
La poésie voulait une scène.
Mille poètes comme troupeau.
En quelle saison se passer du monde ?
Pas de science sans hypothèse.
Je vous dis ça comme ça.
N’importe quelle courbure,
D’échine ou de plan de travail.
Plus moyen de s’en passer.
Deux mille poètes extraits
Des meilleures universités
Et des travaux des champs
Et des villes : pendant ce temps
L’envers du monde s’organise.
Ce que la science éclaire
A perdu de son éclat : murs
Des religions comme tombe.
Qui désire se mesurer au temps ?
Sur son cheval un justicier.
Je me nomme moi-même.
Mon nom ne vous dira rien.
Voyons si l’extase vous convient mieux.
Un tapis de feuilles encore vivantes.
Et pas de vent pour les emporter.
Des oiseaux explorent le creux des arbres.
Voyez à quel point nous avons perdu la partie !
Pour répondre à votre demande…
Prisonniers des succédanés, chaussés
De la boue des chemins imaginaires
Où progresse l’idée de bonheur
Constitutionnel.
Aimez-vous les uns… que la modernité est une question
De temps à négocier avec la nécessité de « bosser » /
Grimaces des goules en prime /
Voyez à quel point…
Trois mille du même acabit, bavards en possession
Des réseaux : les baratins suintant aux murs des
Laboratoires : je reconnais que c’est ma f…
L’anabas entrevu un jour de pluie
Près de la maison envisagée comme
Atelier : ma très grande f…
Par ici la sortie… Nous vous contacterons…
« Le jour venu nous avons abandonné nos biens »
Extase je vous dis !
Au bas mot la joie.
Par ici nous avons vécu en…
Quatre mille d’entre eux :
Électeurs et acteurs / notre courrier
du… une mésange au trou de vol
/ « des fois je ne sais plus ce que
je f… » / en vacances les possibles
Excursions plus loin que ce qu’il
Convient d’admettre : ils étaient
Des milliers, tous plus bavards les uns que les autres.
Moi, devant ma porte, je fumais une cigarette puis :
Une autre — passible de temps perdu à retrouver.
Nous avons en réserve de quoi vous…
Voyez
Comme poésie rime avec poésie — et fermez
La ! — ceci est le seuil de ma maison : je vis seul
La nuit comme le jour : avec des voisins style je
ne sais pas cuisiner — ils ne savent pas baiser non
plus — un âne est un âne : ne sortez pas sans votre
âne : il vous le rendra : et laissez-les s’entretuer
ou au moins se nuire : par l’intermédiaire des idées
qu’ils se font de la société et de la manière de s’y
comporter :
Le recours au vocabulaire des lieux
Est inévitable : vous avez droit à…
Qui veut mes belles pommes ?
Une jambe faite pour enjamber,
Une tête pour téter, et une langue
Pour dire quelque chose des fois
Qu’on me le demanderait : sait
On ce qui nous attend à la sortie ?
Pas plus bête de p… « ça marche tout seul des engins !
Autrement dit : pas besoin de s’en faire : le soir à la
Veillée : et devant sa télé : la bouche pleine de poésie
Peu importe le style de v… « nous avons pensé à v… »
Passait par là pour enrichir son vocabulaire car
Les mots ont non seulement un sens mais aussi
Une poésie en soi — « je veux bien sortir sans m… »
Des milliers… sans qu’on puisse les compter… morts
D’encre… Si vous le souhaitez nous p… il faudrait
Trouver le moyen de considérer le tout en transparence
Qui aime ce que personne n’aime ?
Rien dans les vitrines ni dans les conversations.
« je passais par là alors je me suis dis q… »
Ce que nous aimons se lit sur notre visage, croyez-moi.
Ce que nous voyons dès qu’on ouvre la porte : cher
Loyer des sommeils / qui mérite qu’on le c… signe
Si vite tracé qu’on en a perdu la clé… ce Paradis
est en usage depuis si longtemps q… des milliers
— vomissant au bastingage — « mais qui lit
ce que j’écris si ça n’amuse personne ? »
Voici ce que je sais de ce jardin
— celui qui vous plut tant —
J’en ai cueilli les mots pour
Vous plaire encore une fois.
Nous descendions la pente douce,
Au rythme de l’eau qui s’écoulait.
Je me souviens de cette terre
Comme si je l’avais reçue en héritage.
Que les fruits sont savoureux en été !
Étrangers parmi les étrangers —
Nous descendions comme sur le quai
À Brindisi où meurt une dernière fois
Ce que la poésie a révélé à l’esprit.
Je sors et qu’est-ce que je vois si c’est pas…
Ce que nous voyons quand il n’y a plus rien à voir.
Et ce que la vérité finit par imposer un jour ou l’autre.
Un flux incessant en attendant de vérifier par l’expérience
La loi du reflux :
Friches de métal embuissonné.
Le feu prend par inadvertance.
Nous pensons que vous avez t…
Et pendant des années le pauvre type vend sa force de travail.
Ainsi perd ce qu’il ne gagnera pas.
Le bonheur est une question de const…
Petite mort des recroquevillés devant leur pizza.
L’écran n’est pas un miroir… si vous avez pensé
En traverser la minceur : que le diable vous emp…
« j’ai forniqué avec une gosse de neuf ans »
Si vous avez le temps… l’amitié et ses repas dominicaux.
Si je vous raconte ça… le bonheur de participer à vos…
Qui dit quoi… les deux-roues de l’angoisse ou
de la paresse : j’hésite…
Sans l’ivresse des profondeurs, vous savez… non
Je ne sais pas : pas pris le temps de reconnaître
Les lieux : nous avions hâte de déchiffrer les murs.
Et pendant ce temps un mince filet d’eau nourrissait
Les fleurs au pied des murs.
Nous suggérons une p… avec la vitesse acquise
Et tous ces flics dans les marges… Nous pensons
Que pour votre bien il serait n… un théâtre planté
Dans le décor de vos errances parmi les nouveaux
Venus : la haine vient d’en bas : dites-nous ce que
vous p…
Pas plus haut que son chat
Le jour où il est tombé amoureux
D’une messagère en vogue dans
Les milieux éclairés : en conçut
De l’amertume, de quoi voyager
Bien au-delà de ce que la raison
Inspire en temps ordinaires.
Et ils ne l’étaient pas, ô soleil !
Qui sera le prochain p… qui dit pile dit face.
LE SYCOPHANTE
Bravo !
J’y étais. Le conteur (car nous jouions) venait d’abuser de notre patience. Je m’explique : nous n’étions pas là pour nous livrer pieds et poings liés à ce lyrisme teinté d’épique qu’il nous a servi sans se soucier une seconde de ce que nous pouvions en penser. Il ne jouait pas le jeu. Nous aimons les histoires. Pas ce qu’elles inspirent à celui qui se sent pousser des ailes dès qu’il s’agit pour lui de se donner en spectacle. Certes, certains ont applaudi. Les uns par politesse, ou lassitude, les autres, pourquoi pas, parce qu’ils appréciaient le style ou je ne sais quelle vertu dont ils ne cachaient pas (ou plus) être les partisans inconditionnels. L’hôte allait de l’un à l’autre pour se faire une idée de l’effet produit sur notre assemblée ainsi divisée à l’occasion d’une sorte de test dont il allait être question sur nos réseaux respectifs. Il a fallu attendre, patiemment, que cette agitation cesse de nous inciter à la révolte. Bien sûr, nous n’étions pas chez nous et il nous revenait de nous en tenir aux convenances, ce qui ne serait plus le cas une fois lâchés dans les maquis du cyberespace. D’ailleurs les plats arrivaient, entre les mains expertes d’un personnel trié sur le volet. Nous étions, en quelque sorte, invités à partager ce qui nous était offert dans la seule intention de noyer le poisson. Nous n’avions aucune raison de manifester notre opposition, d’autant que la qualité des mets et des boissons qui les accompagnaient ne se prêtait absolument pas à la critique. Nous acceptâmes même de féliciter l’impétrant, en termes plus ou moins sibyllins, je ne le cache pas. Il dut capter quelque chose de notre désapprobation et s’attendait sans doute à ce que la situation finisse par s’envenimer. Cependant, il ne se passa rien d’autre. La soirée s’acheva sur les habituelles promesses de rendez-vous imminents. Notre histrion disparut comme il était venu : par enchantement.
Un témoin.
Une salle attenante au patio où se tient la cocktail-party, dans le style andalou. L’endroit est sombre, mais agréable, comme si on était venu y chercher la fraîcheur qu’un soir d’autan a rendu désirable. Le maître des lieux s’est approché d’une lourde table couverte d’un épais tapis dont les arabesques se devinent sous les lueurs de plafonniers au triste métal. Río a pris place sur une chaise au dossier si vertical qu’il ne se sent pas à son aise dans cette position, mais Gor Ur lui a flatté l’échine pour l’encourager à se laisser faire comme il convient à un invité auquel on tient à rendre un hommage sans limites. Une carafe est penchée sur un verre. Río fait signe que le verre est assez plein à son goût. La carafe se verticalise et il se passe un temps avant qu’elle ne rejoigne d’autres objets de verre sur un plateau dont les reliefs scintillent délicatement. Enfin, après avoir fait le tour de la table, comme s’il voulait en faire apprécier le périmètre, l’hôte bouscule une chaise semblable et, l’ayant fait pivoter sur un de ses pieds, l’immobilise sans s’y asseoir toutefois. Il s’appuie sur le dossier, un verre à la main, dans la position de celui qui propose un brindis. Río accepte cette mort. Dehors, c’est-à-dire derrière le moucharabieh noir et or, les conversations se mêlent au choc des couverts.
GOR UR
Je ne sais pas si vous me prenez au sérieux…
RÍO
En tout cas, c’est une idée à creuser. Mais comme je vous le disais, je ne suis plus du spectacle. (soupir) Je ne sais même pas de quoi j’ai envie maintenant que je ne suis plus du métier. J’aurais peut-être dû y penser avant…
GOR UR
Je ne crois pas que ce fut une décision précipitée, un coup de tête. Maintenant que je vous connais… Mais il était question de ce que j’entreprend moi-même et non pas de ce que vous allez mettre en jeu, je suppose, dès demain.
RÍO
Mañana veremos…
GOR UR
Aussi pouvons-nous dès maintenant nous entretenir de ce que vous appelez ma « petite idée ».
RÍO
Je n’ai pas dit qu’elle était petite ! Je ne me permettrais pas. Loin de moi cette… Enfin : quelle que soit sa taille, elle mérite d’être, comme je le disais, creusée.
GOR UR
Ah mais cé qué, mon cher, je ne vois pas comment nous pourrions la creuser ! En effet : elle est déjà jetée sur le tapis ! Son évolution, prévisible ou pas, est en cours !
RÍO
Vous voulez dire… (jeu) Oh non ! Je ne vous crois pas en mesure de… (inquiet cependant) Vous voulez dire que…
GOR UR
La boisson que je vous propose, qui se réclame justement de l’Amontillado, contient l’antidote qui, je vous rassure, n’en gâchera pas l’excellence.
RÍO
Vous badinez… !
GOR UR
Que non ! Je ne vous raconte pas d’histoire.
RÍO
Vous seriez bien le seul ce soir à vous en priver ! (rieur) Mais vous m’avez élu pour seul auditeur, si j’ai bien compris…
GOR UR
Vous n’avez rien compris, je le crains… (solennel) J’ai bel et bien empoisonné les mets et les boissons qui, comme d’habitude, constituent la conclusion de nos soirées narratives. (sentencieux) Tout le monde va mourir ce soir ! (consulte son oignon) Avant une heure…
RÍO
Mais cé qué ! J’ai moi-même touché aux bouchées ! Oh ! Avec parcimonie, vous savez, car je ne suis pas friand de gourmandises. (épouvanté) Mais j’en ai mangé ! (changement de ton) Je persiste à dire que c’est une bonne idée (et non pas petite) et que je suis tout disposé à la creuser avec vous, en admettant (frisson) que vous m’ayez invité dans cette… heu… perspective.
GOR UR
Buvez ! Moi j’ai déjà bu. (amusé) Je me suis empiffré ce soir ! J’ai donné l’exemple. Personne n’a songé à… ne pas m’imiter. Au contraire, ils se sont tous jetés sur les nappes sans se soucier du voisin. Et tout le monde avait oublié, dans le feu de l’action, que je n’avais pas encore raconté mon histoire. Elle est tant attendue chaque semaine ! Ils n’en avaient cure ! Les voilà ne songeant qu’à réduire le festin à néant ! Par ingurgitation ! Je crois même qu’ils vous ont oublié. (ravi) Dans moins d’une heure, si j’ai bien calculé, nous assisterons vous et moi, en exclusivité, à cette mort en masse. Quel spectacle ! Et vous n’y tenez aucun rôle. À part celui de complice, mais c’est dans la coulisse que nous sommes, ce qui nous élève au rang d’auteurs. Convenez avec moi qu’en ces tragiques circonstances, il vaut mieux être auteur qu’acteur. Sans compter que lesdits acteurs (de leur mort qu’ils joueront avec cœur et perfection, je n’en doute pas) assisteront en même temps à leur propre spectacle. D’une pierre deux coups. Et vous et moi en sommes le ricochet ! (attentionné) Je vous sens indécis…
RÍO
Comme je le disais, l’histoire est bonne, bien préparée, et tout et tout. Mais nous ignorons comment elle va évoluer, même si l’issue dudit empoisonnement est jouée d’avance. (perplexe) Je me demande ce qu’ils vont en penser. (didactique) Je ne vois pas comment vous allez leur faire avaler ça. Ils ne comprendront pas.. heu… l’intérêt. Oh la la ! Je ne suis pas metteur en scène ! Je ne suis qu’un pauvre comédien qui n’a d’ailleurs pas réussi dans la tragédie.
GOR UR
Riant
Vous ne vous en inquièterez plus dans moins d’une heure ! En attendant…
RÍO
Oui, oui. Attendons. Car, je l’avoue, aucune idée ne me vient à l’esprit… Ce qui me prive du statut d’auteur.
GOR UR
Momentanément ! Momentanément ! Ça ne durera pas. Vous verrez. Reprenez un peu de notre Amontillado. Deux précautions valent mieux qu’une.
RÍO
Rit jaune
Vous n’êtes pas très sûr de votre coup… je crains. Vous allez me saouler !
GOR UR
Au contraire. Gardons l’esprit clair. Et n’abusons pas de notre boisson salvatrice. (réfléchissant un moment) Trop d’antidote peut tourner au vinaigre ! (sans rire) Ou produire l’effet inverse. On a vu ça dans les meilleurs romans. Mais pas de souci : j’ai bien étudié la leçon : un troisième verre ne nous fera pas de mal. Au propre comme au figuré.
RÍO
La tête me tourne…
GOR UR
Vous ne vous posez pas la question de savoir pourquoi je ne sauve que vous… ?
Interloqué, Río se lève, titube, se dirige vers le moucharabieh, colle son regard sur les lattes, sent l’autan lui réchauffer le regard, voit les autres en pleine débauche de nourritures bêtement terrestres. Il ne trouve pas les mots, Ou le souffle lui manque. Il dit :
Vous avez beau dire, mon cher hôte, vous ne possédez que l’acte premier de votre comédie. En admettant qu’il arrive ce que vous avez prévu comme acte deux (la mort en masse de nos amis), ne suis-je pas alors le nécessaire auteur de l’acte trois, le dernier selon l’éthique aristotélicienne ?
GOR UR
Ubuesque
C’est là, stupide animal, où je veux en arriver !