Et maintenant, que faire ? Parler, oui mais, de quoi ? Refaire le journal, ça ne saurait aller -- et quoi, quoi d'autre ? Produire une critique, sans doute. Sans doute, c'est ce qui reste. Par le rêve, oui -- mais encore.
Que faire... la question est posée, pas son adresse. A qui ? Mais la question rappelle Lénine. C'était logique, d'ailleurs, de penser qu'elle prendrait -- à un moment... -- une dimension politique, quoi d'autre ? Elle draine tout un chacun finalement. A ce moment, où l'on existe et dans une situation problématique, encore, quel réflexe auriez-vous ? Je pense à l'homme qui lisait son journal. Prosoposée peut-être, ou réflexion : la gazette entrerait dans un rapport d'intimité tout en tensions extrêmes avec lui. Cela "m'interpelle" ou encore "m'interroge", ou même "me parle" ! Cela, oui. Radicalisation de la prosopopée. Que faire devant ces furieux accès de fureur, du monde contre ? Sinon abdiquer... encore, encore.
Ce n'est peut-être pas la peine de poursuivre déjà. On va continuer, pourtant, et dresser l'hypothèse tant décriée d'une maison heureuse. Troisième. Ou quatrième tentative depuis quatre-vingt treize, je crois, où c'était un dessin qui avait engendré cette hypothèse, avec cette question pénible : si Hitler, le dictateur, avait offert des fleurs à une jolie femme, celle que j'aimais à ce moment, mais qui était-ce ? -- on ne sait pas ce qu'elle aurait émis comme réponse, dans quelle représentation elle se serait livrée à ce bourreau de coeur. Je cite : "Ne soyez pas timide. Entrez." Je ne cherche pas à revenir sur une histoire dont le moins qu'on puisse en dire est qu'elle semble bien irréversible. Un postulat prudent, contre ces mythes d'éternel retour qui sont si en vogue, à l'heure qu'il est. Mais non. Je cherche à dénouer, vers une action oui vers le monde. Le rassurant.
Une maison heureuse, au bord de la colline. Menace --- mais on ne sait ce qui menace : ou la maison, ou la colline, ou encore des éléments extérieurs. Voilà bien ce qui gêne, dans une théorie "irréversible" : la constante intrusion d'éléments extérieurs (intérieurs-extérieurs dès lors qu'ils entreraient en jeu). Pas grave. Serait la maison, la maison du bonheur. Où j'écris contre le bonheur. En dépit de circonstances malheureuses.
La colline est drôle peut-être. Culturellement, elle dresse une érotique de l'érosio, elle est la conclusion de la maison. Pauvre colline, sous cette maison de passage. Une maison heureuse, mais de passage donc. Dans un rapport érotique. L'acte amoureux se prolongerait indéfiniment, bien, et ses prolongements dans le monde-monde seraient de l'ordre de ces gestes qui s'échangent d'eux-mêmes, qui font de l'amour l'enjeu, dans le danger, du bonheur. Bonheur dans l'instabilité, ce que d'aucuns appellebtn avec beaucoup de précision, calculs à l'appui, chaos déterministe. Je suis le mouvement et bien, pas des "vagues de la mer", surtout, si régulières, immuables presque, et emmerdantes au fond. Mais dans le recommencement, ou : qu'y a-t-il à espérer, alors, toi que j'aurai déjà défigurée dix fois, plus de dix fois et empaillée, dans ma maison heureuse ? Toi que j'aurai mentie, à moins que je ne sois liquidé en toi, je ne sais plus bien... Entre les deux, danger : je ne construis pas seul mon monde, ce n'est donc pas mon monde mais ce n'est pas en lui que je puis espérer trouver le sens, tout le sens de ce monde. Ou il me le rendra. Une nuit, je rêvais d'un conflit, dans un dialogue abstrait - un rêve comme un monologue - un conflit entre un principe d'immanence et son contraire, un engendrement réciproque des choses. C'est cette réciprocité qui fait toute la difficulté du monde, c'est ce jamais partage, toujours fluctuant, qui difficile la cabane ou je m'endors. Bien seul.
Et à cet homme qui lisait le journal, que dire ? Pas la peine de se plaindre. Il y a eu des cataclysmes déjà et, comment dire, il y avait peut-être certaine injustice à éprouver plus péniblement cette nouvelle que tu as reçue hier à propos de la mort d'un homme dans le quartier où tu habites que la mémoire d'un massacre plusieurs fois centenaire, dans un pays éloigné, une contrée antique, et dont tu as sans doute vaguement entendu parler, un jour. Là où tu te tiens, dans quelle posture, réfléchissant à tout cela, c'est aujourd'hui que ça se passe, vois. Il t'appartient en conséquence de te situer. Toi qui te dis "nature", mon amour, je voudrais te conduire --- à quoi ?
J'ai une maison qui est toute une série de patelins. Tu y marchais des heures sans me trouver. Ou c'était ce que je croyais. En sens inverse des aiguilles d'une montre, tu cherchais ce qui ressemblerait à un autre homme. Et où étais-je ? Dans un couloir, j'ouvrais et je fermais des portes en série. J'éprouve une fascination quelconque pour les séries. Depuis la musique de Webern, peut-être. C'est là que je reste. C'est dans l'entre-silence que se joue cette musique. Trois notes, elles produisent à elles seules tout le silence qui suit, même l'écho du piano est compté. L'intervention de cette voix te sembla étrangère, tout d'abord, au contexte orchestral restreint. Ensuite, peut-être, ce fut tout l'accompagnement qui te parût comme décalé, accompagnant principalement les aléas du volume de la voix, tout à la fin de cette pièce variable mais que tu avais à peine pu entendre tant elle était courte. Et non seulement courte, mais brève. Le piano est ici ponctuel, et ponctuellement il relance le chant. Un hypothèse solide, ce qu'Anton Webern nous a offert. Ce fut bientôt comme si plus rien d'autre ne pouvait avoir de sens. Et que dire à cette homme qui n'écoute pas cette musique qui écoute ? Est-ce qu'il y a de quoi le laisser lire, à voir même comme il se tient dans la lecture de son journal ? Tant pis. Il y a pire, bien pire. De quoi penser, mais nous resterons à la marge de ce désespoir navré, que nous pourrions, si le bonheur ne tenait qu'à cela, tout nous permettre.
Son journal, je le lui empruntais. Et j'ai passé cent treize jours dans un café de la banlieue-est de Paris, à lire le même journal, jusqu'aux traces de doigts qu'avait laissé cet homme dont je ne sais, finalement, ce qu'il est devenu. Une montagne. Ou un parterre de fleurs, qu'en dirais-tu ? Et l'on n'en saura rien. Tu étais belle, extrêmement, donc je veux me tenir, me maintenir sous cette tension. Tu étais autre que ce que j'avais pu croire de toi, donc je t'avais déjà perdue et dans cette hypothèse, qui nous tient tous les deux comme des morts, dans ce présent d'une durée peut-être fictive, ensemble, je remarque que c'est un café qui m'accueillait, toujours aux mêmes heures, mais dans un vieillissement irréfutable dont il m'eût fallu, pour m'en apercevoir, prendre la mesure presque quotidiennement. De violentes machines m'auraient permis d'en prendre la mesure. Sois sûre que tous les soirs, à l'exception des jours où ce café restait fermé, qui ont peut-être été plus nombreux que je ne saurais l'imaginer, je laissais mon journal sur une table que j'avais déterminée, et je le reprenais le lendemain matin. En sorte que je n'ai jamais eu su ce qui avait eu lieu "en mon absence", comme on dit. Je n'avais pas été absent. Mais l'hypothèse était mauvaise. Atroce, je dirais.
Des avalanches. Il fallait dire : montagne. Mais c'était une colline. Et ce serait une mauvaise équation de dire : "C'est le mont de Vénus". Je n'y crois pas. Je resterai, plutôt, dans une expectative. Or cette expectative ne se satisfait pas à être toi. Parce que, sans même que tu t'en rendes compte, maintenant tu te martelles comme je crie : "A toi ! A toi !" Quoi ? Car ce sont des notions bien différentes l'une de l'autre mais qui, dans la circonstance, n'iront nulle part vraisemblablement (ce dont je puis encore me persuader "avec tendresse"). Et je devrai entrer en linguistique, à dire -- adieu adieu --- dans une linguistique qui ressasserait Saussure, et d'autres, mais pour en faire quoi ? Lorsque je tentais d'organiser une complexité de fleurs que j'appelais bouquet.
Ce sont des notes idolées, comme isolées dans le silence qui travaille continûment cette musique.Des intervalles extrêmement tendus -- de septième majeure, de neuvième mineure -- sur des registres élevés. La guitare, elle devait effectuer des accords presque exclusivement pincés, très brefs. Une instrumentation disjointe. La voix et le silence étaient ce qui assure le flux. Engoncé dans un fauteuil mou, et la jubilation se confondait avec la terreur de sentir ces instants, un à un, échapper. Que faire ? On se rappelle Mallarmé, des "circonstances éternelles" ce serait, si l'on veut se satisfaire de choses dont il faut, à mon sens, se persuader qu'elles satisfont, dans la mesure où il me semble qu'elles ne peuvent que nous laisser foncièrement insatisfaits, une satisfaction. Dans le passage, dans un passage que nous sommes nous-mêmes. Mais dans la mesure où nous le sommes; nous mourrons ! -- c'est important d'y croire, puisque c'est cette évidence qui au fond détermine tout l'effort que nous fournissons, et qu'on appelle, je crois, aimer. Mais qu'on appelle cela aimer n'emportera en rien l'effort violent que je veux y porter, car le passage se fait dans un laps si spécialement long-et-court qu'il y a, me semble-t-il, à en déterminer nous-mêmes les valeurs. Nous ne sommes pas entiers dans cet effort, nous ne voyons même pas quelle y est notre exacte part -- il y aura toujours du flou, ainsi, entre nous, entre tout.
Voyons ce que ce serait alors. Je partirai de la vision affreuse d'un corps mort étendu dans une rue déserte, mais où passent des voitures qui ne s'arrêtent pas. Je partirai de l'intervention d'un conférencier morne, parce qu'il sent que son message n'aura qu'un impact mineur, et qui évoque les conséquences dramatiques d'une épidémie causée par les conditions plus que précaires d'existence d'une population aux confins du désert, suite à l'enlisement d'un conflit armé dont nul ne soupçonne l'existence et les enjeux. Je partirai de la situation psychique de cet homme encore relativement jeune mais qui s'enferrerait dans une pratique décisionnaire à laquelle lui-même ne croit plus, tirant à bout portant des balles à blanc contre les canons du réel, s'effondrant au fauteuil le soir pour se consoler dans l'écoute des Motets de Jean-Sébastien Bach : Chantez au Seigneur un chant nouveau. Vacarme. Pour une lutte armée qui ne s'explique pas. Il se rend compte à la quarante-troisième mesure que dans cette histoire, tous les efforts qu'il a fournis, et qui l'aidaient à maintenir même délabrée une haute idée de lui-même, n'ont jamais eu que cette seule fin, l'édification de sa façade sociale, derrière laquelle il se tient, larvaire ou phoétal, homme détruit infantile ou débile dans une enveloppe conforme à son rôle - humanitaire, et qui ne parvient à se secourir lui-même, social, sans trouver trace en lui de ce puéril sentiment de simple humanité que toute sa structure psychique a corrompue au fil du temps.
Dès lors les termes du conflit s'énonceront dans la plus grande indifférence : parler de cette guerre, Mesdames et Messieurs, cela reviendrait à vous humilier personnellement. Votre voisin s'effondre, prenez garde -- vous êtes assez conscients du risque de contagion. "Je vous proposerai dans un temps ultérieur de mon exposé une volumétrie de ces conflits qui s'étendent du domaine conjugal aux relations internationales, et se résorbent en soi, au repli du fauteuil... [puis, en insistant sur chaque syllabe :] De qui vous parlait je ?" Tout le volume de cette guerre se dégonfle, et une guerre qui tient dans la main est plus qu'atroce, à dire vrai. Je ne saurais partir de toi, parler de toi, et même -- j'en ai peut-être simplement assez de te construire sans te comprendre, faire en sorte que tu n'existes pas et rebelote (ai-je jamais existé ?) ou en sorte que cette maison qui a pu exister -- à d'autres ! -- ne me semble actuellement pas réalisable. Même la solitude (à laquelle je croyais tendre, avec amour) n'est pas réalisable. Donc, je réécoute Webern.
Je consulte des livres d'histoire, cochant les pages. "Tiens, le danger était là, et là, et encore là !" Et puis tout s'est cristallisé dans la figure de ce petit homme au bras tendu, au regard déterminé. Sous une illustration, légende : "C'est lui ! Il moustache ton dos !" Ah, ah ! Et regarderais-tu cette scène avec fascination ? Un vrai épouvantail te donnait en exemple. Tu y recevais des fleurs. Tu avais un sourire horrible. Lui aussi grimaçait. Vous vous teniez tous les deux très droits. Des gens applaudissaient. Par la suite, on a effacé les applaudissements. Il n'y a plus eu personne que toi et cet homme. Ce qui reste reste. Mais pour ce qui est de ce qui a été effacé ? Que ferais-tu de ce moment d'une connaissance qu'à bon droit, on peut juger hypothétique ? Recommençons plutôt. Tu portais une jupe violtte, un chandail rose et tu riais, dansais et je te regardais et je devais me détourner, et je retournerais à ces visions terrifiantes dont tu ne voudrais pas, tant pis, je serai tout ce monde pour toi. Plus de colline, mais bien une maison. Une maison en ville, une ville ou plusieurs incendies sont déclarés simultanément, un cinéma où plusieurs dizaines de personnes mourront asphyxiées, une ruelle atroce, atroce une ruelle une avenue atroce, un boulevard une ruelle, une rue, ru marcheras plus vite d'abord sans te soucier de tout ce qui t'entoure mais par la suite ? Après la neuvième agression, où tout ton corps aura été violé, puis déchiqueté, et toi plus que coupable maintenant, à me crier de la cabane, il ne reste plus rien ?
Plus rien. Dire : tout cela était un rêve. Mes nerfs, ce sont de vrais héros. Ils produisent le geste. Ils accentuent, ils calment, ils organisent une vaste paradigmatique lorsque tu t'engages, dans une grande syntagmation toute ronde, et je cherche les angles ! les angles ! Rues qui se soulèvent, animaux géants ou insectes à peine visibles individuellement, mais par nuées, qui couvrent tout le sol, qui rendent l'air irrespirable. Mais là, je dormais avec toi. Trois nuits, j'ai dormi avec toi. Trois nuits, et nous nous sommes quittés.
Que faire ? Si la question est politique, je me noie. Je t'avais eu récupérée entière dans un de ces cafés parisien où l'on tient des réunions politiques, mimant un discours révolutionnaire où percent trop évidemment les affects sensuels et sociaux. On te donnait une arme, même, pour t'initier au sérieux de la chose. Croyais-tu, toi-même, au jeu qui t'était proposé, ou jouais-tu toi aussi, peut-être ? Aussi, je me suis amusé à devenir ton ennemi. Tu pouvais, tu devais me tirer dessus. Tes amis politiques, je les égorgeais l'un après l'autre, et je les fourrais dans tes bras, en t'expliquant : "Ils ont fermé toutes les portes ! Maintenant, ce n'est pas de ma faute, je n'ai fait que les tuer..." Ils étaient déjà morts, peut-être, et ensemble nous jouions (enfin innocemment, enfin de retour dans un jeu érotique parfaitement déréglé) avec des morceaux de leurs cadavres.
Je voulais un déni de massacre, il n'y en a pas eu. Ta réponse est cynique, je ressors du café en pleurant, et je rentre à nouveau. Que faire ? Attendre que ça se tasse, produire pour patienter une théorie du tassement -- tu n'y entendras rien. Ou tu n'en croiras pas un traitre mot, et tu auras raison -- pour toi. Alors, que faire ? Je crois que la séparation était inéluctable. Je serai moi aussi l'un de ces groupes radicaux qui ne savent finalement en rien te remettre en question. Que faire ? Je cherche dans la boue et je n'y trouve que de la boue. Pas même la pluie, qui a cessé hier. Ferticilité qui a cessé hier. J'ai arrêté de t'écrire bien avant. Ou encore : que te faire de mal ? Je ne peux pas te faire de mal. L'une après l'autre, nous avons placé les briques qui posent sans établir de fondation notre maison de bois. Attendre.
Ce serait une résolution résolutive, effectuer les mêmes gestes, quotidiennement. Mais est-ce qu'ils auraient la même valeur, en quoi seraient-ils familiers ? Je ne sais pas. Je lutte, pris entre des dimensions irréciproques. Lutte à ne pas savoir -- mais ce jamais te recouvre à présent. Qui es-tu ? La question ne se pose pas. Qui étais-tu ? J'aurais tenté sans doute de te momifier si tu étais entrée dans la maison, pour la charger de ces rouleaux de papier peint mauve et violet, les meubles et les bibelots empaquetés avec. Une maison cent fois recommencée. Parfois sans les murs, sans les fenêtres. Tu assistas à la construction difficile de portes dans le vide. Finalement nous ferons nos deux lieux, trois lieux, etc. comme une hémorragie. Et qu'est-ce qui sera tronqué alors ? Ce serait ---- rien du tout. Ou peu, très peu, voire très, très peu (mais, si peu que soit ce peu, ça ne reviendra pas au même, pour nous qui sommes si simples).
Parvenant, peut-être, à corréler une série de ces séries d'agencements, nous parviendrons --- au lieu. Nous n'y parvenons pas d'ailleurs. Pas de retour, pas de résolution, pas de réversibilité dans la géochimie où entre la métaphysique née du territoire que nous balisions hier encore comme étant notre source commune. Mais c'était un hier distinct, et qu'il ne s'éteigne pas --- dommage ! Ni même ne s'épuise notre jeu dans le jeu inlassable des quantifications que nous avions programmées, comme lorsque nous nous exercions aux règles de la fouille géologiques. Nous écoulions des séries, et nous les appelions sédimentaires, volcano-sédimentaires, rouges et brunes, continues et discontinues, nous nous découvrions avec de nouveaux yeux. Maintenant la nouvelle se propage bizarrement, des rumeurs se répandent, les journaux tentent de retracer le récit ruisselant qui inonde la région de ses eaux lumineuses, de sa boue. -- Noyades. Les journaux raconteront jusqu'aux noyades.
Toi, réexaminant une à une les impasses, à les changer en aboutissements, produis le drôle de spectacle. Or dans un premier temps j'avais une certaine admiration pour ça, et les impasses s'acheminaient. A ce moment, prédominait le tassement du monde. Sous des pages de journaux, s'oganisait une conception "heureuse" des mutations qui font le monde. Nous étions presque sans nous. Et ce n'était pas le premier ratage -- ni le premier ni le dernier -- mais personne ne pouvait observer, pas une séquence ne semblait susceptible de recevoir le moindre "témoignage", quelque chose de correct. Correctement, on pouvait en parler, des heures, réanimer la convivialité d'un café, pour sombre qu'il semblait : il y a quelque chose qu'il y avait à voir encore là-dessous.
Pourquoi alors on parlerait de couches : vers le centre du monde (douloureux) produisant une image -- une représentation, admise de toute la société géologique d'aujourd'hui -- de la fusion. Parfois peut-être je me sens très mal géologiquement. Que faire de toute cette terre, la question serait close non pas dès lors qu'on entrerait en ville, mais après plusieurs mottes de terre, battue et dispersée sous nous. Ce qui se passe sous nous aussi nous intéresse. Qu'en sais-tu, où es-tu ?
Et où parleras-tu de couche, alors que tu auras eu tellement changé de point de vue ? Ce n'est pas à toi de savoir qui tu es, comment tu as fait ce que tu as pu faire : drames que tu ne savais même pas crétin, ce que c'était alors que peut-être, dans une boucle comme ces arcs qui, issus du sol, ne se rejoignent pas, perforent le paysage, déchirent la ville en vrilles, éprouvant la terreur par torsions successives, relatives à l'attention que par degrés nous accordions à ces structures, une répétition odieuse des mêmes gestes t'enfermait de plus en plus. Où je reste immobile, plie à peine les paupières, la gêne ne me gênera pas, abdique donc, pas seulement la gêne, que j'éprouve ---- avec toi). Où je t'absorbe.
Pas à la manière d'une arachnée dont la structure sociale perverse te tendrait un piège, tout au centre de sa toile. Tu dors ? Il n'y avait personne avant, et à présent on te dérange. Et tu mangeais mais quelqu'un de visible (une présence sensible, oui, et comme le poète tu n'es plus qu'un oeil sans corps ni direction et se déplace par la racine) attrape ton assiette et te la brise sur le front et te fend l'oeil, elle se fend juste sous l'autre oeil et se déverse sur lui ; l'oeil se déverse, donc : un vrai festin, tes veines tes artères ton oesophage ta vésicule bilière sont des secrets que tu me dévoilais à ce moment. Et je me tordais de plaisir. Plafond, dix mètres carrés. Et murs, cinq mètres de hauteur. Et toiles sur les murs, une série de nus se dénudant encore. Comme tu sembles le modèle. Et il ressemble à tes états anciens, comme projection.
La protection de la maison n'est pas une vaine ironie. Que je veuille en élucider le seuil, le réduisant pour ma compréhension à ses matériaux de fabrication -- et les additionne ensuite, les ayant numérotés et agencés en tables, tu resteras à l'intérieur. Une démocratie ne fonctionnerait pas exactement ainsi, mais avec ça. Et ce rêve de démocratie qui se rendait possible à travers des désillusions qui n'en ont pas fini de nous réduire à l'état, si l'on veut, de peaux de chagrin, a eu cessé dès lors qu'on frappa à ta porte. Ce n'était pas alors ce quelqu'un auquel je pourrais bien identifier. Au risque de mal faire. Tout devenait calme comme nous vivions dans une séparation qui faisait toute la plénitude, la sénérité, dont nous avions tellement besoin. En temps de crise.
Procéder à une élimination, qui n'en finirait pas et se rendrait terrible ? Ou procéder, encore, à de nouvelles élections ? Ecrire ? Fabriquer des objets qui seraient des "méta-copies" ? Ou marchander, et remettre tout cela "sur le tapis" ? Dix-sept fois encore, et c'était plus.
Tu n'iras pas, le domaine est trop jaune, l'eau claire, excessivement, mais l'eau allons, tu ne bougeras pas, pas toi non plus de l'arc, l'arc qui divise la plus remarquable avenue, et réciproquement (mais où est donc la réciprocité ?) Donc, sous ce jour, aux murs spécialement mauvais au vestibule, l'escalier qui prolonge tout le jardin et son potager comme qui dirait infect -- légumes comme des viandes agglutinées et comme les trois quarts des domestiques dorment dehors, ils se font dévorer. Et leurs bouchées rectangulaires semblent de vraies âmes.
Une population évidente vit sur le socle de marche de la colline plus heureuse maintenant, chronométrée dans sa drôlerie, pluvieuses seraient les négations et constants les changements ; ce sont des changements d'humeurs, les représentations suivent ? Précèdent -- ou rien de bien certain --- cette question sera neutralisée. C'est une question de défense, et déjà pour les attaques extérieures, mais ici la tranquillité règne. Il y a des chaumières, elles sont mauves. Et quelques gens de sorties. Une poste -- une boulangerie -- un tabac quelque part. Sentiers qui défilent tout au long de ce bourg. Paisibles sentiers de défilés, les rigoles suivent. Tracer des lignes vers la maison, ne demande pas plus d'une demi-heure. Jaune, et comme on crame, à même le soleil, presque de la haute colline pratique de clarté, dort l'étonnante population pratique, au sein de sa pratique. Leur herbe. La définition des couloirs, de la disposition extrêmement précise à y penser, et réciproque, de la salle à manger, des chambres. L'attraction contraire du sol et du plafond, trente-cinq bouts de couloir dans la maison. Une vraie aubaine.